Le temps des Généraux : Marius

88 : Sylla consul - Fuite à Minturnes

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88

Fuite de Marius - MINTURNES

Un Cimbre ne tue pas Marius !

LUCAIN : M. Annaeus Lucanus est le fils de M. Annaeus Méla, le frère cadet de Sénèque. Né à Cordoue en 39, il vint à Rome avec sa famille dès 40. Parmi ses maîtres on trouve le philosophe stoïcien Cornutus. Parmi ses condisciples figurait le poète Perse, un peu plus âge que lui.
Son milieu social et sa précocité littéraire aidant, Lucain devint vite un protégé de Néron qui lui accorder la questure avant l'âge légal ainsi que l'augurat. Lors de sa première apparition en public, le poète obtint le premier prix aux Neronia de 60, en présentant un éloge de l'empereur.
Mais la disgrâce n'allait pas tarder, provoquée par la jalousie de Néron, qui se croyait des talents littéraires, ou peut-être par des raisons politiques, puisqu'on assiste alors à la mise à l'écart de Sénèque et de tout le clan des Annaei. Impliqué dans la conjuration de Pison en 65, Lucain fut contraint au suicide : il avait 26 ans.  Son oeuvre se confond pour nous avec une épopée dont il nous reste dix livres (le dixième est incomplet ou inachevé) : la Pharsale. Ce titre est incorrect et résulte d'une mauvaise interprétation du vers 9,985, où figure l'expression Pharsalia nostra ; Lucain avait intitulé son poème Bellum civile. Mais nous continuons, par habitude, à l'appeler la Pharsale.

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Au début de la guerre civile entre César et Pompée, Rome se lamente et les vieillards se rappellent la lutte sanglante entre Marius et Sylla.

Non alios, inquit, motus tunc fata parabant,
cum post Teutonicos victor Libycosque triumphos
exsul limosa Marius caput abdidit ulva.
Stagna avidi texere soli laxaeque paludes
depositum, Fortuna, tuum; mox vincula ferri
exedere senem longusque in carcere paedor :
consul et eversa felix moriturus in Urbe
poenas ante dabat scelerum. Mors ipsa refugit
saepe virum, frustraque hosti concessa potestas
sanguinis invisi. Primo qui caedis in actu
deriguit ferrumque manu torpente remisit :
viderat immensam tenebroso in carcere lucem
terribilesque deos scelerum Mariumque futurum
audieratque pavens : "Fas haec contingere non est
colla tibi; debet multas hic legibus aevi
ante suam mortes; vanum depone furorem.
Si libet ulcisci deletae funera gentis,
hunc, Cimbri, servatae senem. Non ille favore
numinis, ingenti supremum protectus ab ira
vir ferus et Romam cupienti perdere fato
sufficiens.

LUCAIN, la Pharsale, II, 68 - 88.

 vocabulaire            

Et quelqu'un cherchant des exemples à sa grande peur dit : C'étaient les mêmes bouleversements que les destins préparaient quand, après sa victoire sur les Teutons et les Libyens, Marius, exilé cacha sa tête dans l'herbe des marécages. Les eaux stagnantes d'un sol avide et les larges marais recouvrirent ton dépôt, Fortune. Bientôt les liens de fer rongèrent le vieillard ainsi que la crasse immonde d'une prison. Ce consul qui devait mourir heureux dans une ville sens dessus dessous recevait d'avance son châtiment. La mort elle-même évita souvent cet homme et c'est en vain qu'on donna à l'ennemi le pouvoir de faire couler son sang odieux. D'abord au moment de commettre un meurtre l’ennemi se figea et la main paralysée il abandonna son arme. Il avait vu une immense clarté dans la sombre prison, les dieux terribles pour les crimes et l'avenir de Marius. Blême il avait entendu une voix qui lui disait : "Les dieux ne te permettent pas de toucher à cette tête. Avant de mourir il est redevable aux lois du destin de la mort de beaucoup de gens. Abandonne ta fureur inutile." Si, Cimbres, vous voulez prendre plaisir à venger la mort d'une nation détruite, laissez vivre ce vieillard. Ce n’est pas la sympathie des dieux qui le protège mais leur immense colère. Ce homme sauvage suffit amplement à perdre Rome. C'est ce même Marius qui rejeté par une mer défavorable sur une terre hostile et qui poussé vers des cabanes vides dut dormir sur le royaume désert de Jugurtha sur qui il avait obtenu le triomphe. Il foula les cendres de Carthage. Carthage et Marius supportèrent les consolations du destin et écrasés tous les deux ils pardonnèrent aux dieux.

LUCAIN, la Pharsale, II, 68 - 88.

PLUTARQUE, vie de Marius

39. Ils n'étaient plus qu'à vingt stades de Minturnes, ville d'Italie, lorsqu'ils aperçurent de loin une troupe de cavaliers qui venaient à eux, et ils virent en même temps deux barques qui côtoyaient le rivage. Ils coururent de toutes leurs forces vers la mer ; et ayant gagné à la nage les deux barques, ils montèrent sur l'une, qui était précisément celle de Granius, et passèrent vis-à-vis, dans l'île d'Énaria. Marius, qui, gros et pesant, ne se remuait qu'avec peine, fut porté par deux esclaves, qui, le soulevant sur l'eau avec beaucoup d'efforts, le mirent dans l'autre barque au moment même que les cavaliers, arrivant sur le rivage, crièrent aux mariniers de ramener la barque à terre, ou de jeter Marius à la mer, et de continuer ensuite leur route. Marius les ayant conjurés, les larmes aux yeux, de ne pas le sacrifier à ses ennemis, les maîtres de la barque, après avoir formé en quelques instants plusieurs résolutions contraires, répondirent enfin qu'ils ne trahiraient pas Marius. Les cavaliers s'étant retirés en leur faisant des menaces, les mariniers changèrent de sentiment, et gagnant la terre, ils allèrent mouiller près de l'embouchure du Liris dont les eaux, en se répandant hors de leur lit, forment un marais. Ils conseillèrent à Marius de descendre pour prendre de la nourriture sur le rivage et réparer ses forces épuisées par la fatigue de la mer, et d'attendre que le vent devînt favorable ; ce qui arrivait toujours à une certaine heure que le vent de mer venant à s'amortir, il s'élevait du marais un vent frais qui suffisait pour naviguer.

40. Marius les crut, et suivit leur conseil ; ils le descendirent donc sur le rivage, et il se coucha sur l'herbe, bien éloigné de prévoir ce qui devait lui arriver. Les mariniers, remontant aussitôt dans leur barque, lèvent les ancres et prennent la fuite ; ils avaient pensé qu'il n'était ni honnête de livrer Marius, ni sûr pour eux de le sauver. Abandonné ainsi de tout le monde, il resta longtemps couché sur le rivage, sans proférer une parole. Enfin, reprenant, non sans peine, son courage et ses forces, il prit des chemins détournés, où il ne marchait qu'avec beaucoup de fatigue. Après avoir traversé des marais profonds, des fossés pleins d'eau et de boue, il arrive à la cabane d'un vieillard qui travaillait dans ces marais ; il se jette à ses pieds, et le supplie de sauver et de secourir un homme qui, s'il échappait à son malheur présent, le récompenserait un jour bien au delà de ses espérance. Le vieillard, soit qu'il connût depuis longtemps Marius, soit que son air majestueux lui fit juger que c'était un personnage distingué, lui dit que s'il ne voulait que se reposer, sa cabane lui suffirait ; mais que s'il errait pour fuir ses ennemis, il le cacherait dans un lieu plus sûr et plus tranquille. Marius l'ayant prié de le faire, cet homme le mena près de la rivière, dans un endroit creux du marais, où il le fit coucher, et le couvrit de roseaux et d'autres plantes légères, dont le poids ne pouvait le blesser. Il n'y avait pas longtemps qu'il y était caché, lorsqu'il entendit un grand bruit du côté de la cabane. Géminius avait envoyé de Terracine plusieurs cavaliers à sa poursuite ; quelques-uns d'eux étant venus par hasard en cet endroit, cherchèrent à effrayer le vieillard, en lui criant qu'il cachait un ennemi des Romains. Marius, qui les entendit, se leva du lieu où il était caché, et, s'étant dépouillé, il s'enfonça dans l'endroit où l'eau était le plus épaisse et le plus bourbeuse ; et c'est ce qui le fit découvrir par ceux qui le cherchaient.  suite

ab, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
abdo, is, ere, didi, ditum
: placer loin de, écarter, cacher (abditus, a, um : caché, secret)
actus, us,
m. : le fait de se mouvoir, l'action, l'acte (de théâtre)
aevum, i
, n. : l'époque, la durée, l'âge
alius, a, ud
: autre, un autre
ante
, prép. : +acc., devant, avant ; adv. avant
audio, is, ire, iui, itum :
1. entendre (dire) 2. écouter 3. apprendre 4. bene, male audire : avoir bonne, mauvaise réputation
avidus, a, um
: désireux, avide
caedes, is
, f. : 1 - l'action de couper, l'action de tailler. - 2 - l'action de battre, l'abattage. - 3 - l'action de tuer, le meurtre, le carnage, le massacre. - 4 - le sang versé, les cadavres.
caput, itis,
n. :1. la tête 2. l'extrémité 3. la personne 4. la vie, l'existence 5. la capitale
carcer, eris
, m. : la prison, le box de départ (course)
Cimber, bri,
m. : Cimber, le Cimbre
collum, i
, n. : le cou
concedo, is, ere, cessi, cessum
: 1. s'en aller, se retirer 2. abandonner, concéder, admettre, renoncer à, pardonner
consul, is
, m. : le consul
contingo, is, ere, tigi, tactum
: 1 - toucher, saisir. - 2 - souiller (par le contact). - 3 - goûter, manger. - 4 - être voisin, toucher à, être contigu; au fig. tenir à, concerner, intéresser. - 5 - atteindre, rencontrer. - 6 - échoir, tomber en partage, revenir à, arriver. - 7 - venir (en parl. des plantes); résulter de.
cum
, inv. :1. Préposition + abl. = avec 2. conjonction + ind. = quand, lorsque, comme, ainsi que 3. conjonction + subj. : alors que
cupio, is, ere, i(v)i, itum
: désirer
debeo, es, ere, ui, itum
: devoir
deleo, es, ere, evi, etum
: détruire
depono, is, ere, posui, positum
: - tr. - 1 - mettre à terre, déposer, laisser de côté, ôter de, retrancher; débarquer. - 2 - au fig. mettre de côté, abandonner, quitter, laisser, se défaire de, renoncer à. - 3 - enfouir, planter. - 4 - enfanter, mettre bas. - 5 - mettre en dépôt, mettre en sûreté, remettre à, confier. - 6 - inhumer, enterrer. - 7 - abattre, démolir. - 8 - baisser (le ton).
derigesco, i, ere, rigui, -
: devenir raide, immobile, se glacer
deus, i
, m. : le dieu
do, das, dare, dedi, datum
: donner
et
, conj. : et. adv. aussi
everto, is, ere, verti, versum
: 1 - mettre sens dessus dessous, bouleverser, retourner. - 2 - jeter à terre, renverser, abattre, détruire. - 3 - expulser, exproprier, dépouiller, chasser
exedo, is, ere, edi, esum
: manger, dévorer, ronger
exsul, ulis
, m. ou f. : l'exilé, le banni, le proscrit.
fas
, n. indécl. : le droit divin ; fas est : il est permis par les dieux de...
fatum, i,
n. : 1 - la prédiction, l'oracle, la prophétie. - 2 - le destin, la destinée, la fatalité, la volonté des dieux. - 3 - le sort, la condition, la fortune. - 4 - la durée de la vie. - 5 - l'accident, le malheur, la calamité, la disgrâce. - 6 - la ruine, la destruction, la perte, le fléau, la peste. - 7 - la mort naturelle, la mort.
favor, oris
, f. : la faveur, la sympathie
felix, icis
: heureux
ferrum, i
, n. : le fer (outil ou arme de fer)
ferus, a, um
: sauvage, barbare
fortuna, ae
, f. : la fortune, la chance
frustra
, adv. : en vain
funus, eris
, n. : les funérailles, l'ensevelissement ; la mort, la ruine
furor, oris
, m. : 1 - la folie furieuse, le délire, l'aveuglement, la frénésie. - 2 - le délire prophétique, l'enthousiasme, l'inspiration. - 3 - l'amour violent, la passion furieuse, le transport. - 4 - la fureur, la rage, la colère, la furie, l'emportement. - 5 - les projets furieux, la révolte, la sédition, le tumulte. - 6 - le désir effréné.
futurus, a, um
, part. fut. de sum : devant être
gens, gentis
, f. : la tribu, la famille, le peuple
hic, haec, hoc
: adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
hostis, is,
m. : l'ennemi
ille, illa, illud
: adjectif : ce, cette (là), pronom : celui-là, ...
immensus, a, um
: immense
in
, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
ingens, entis
: immense, énorme
inquit
, vb. inv. : dit-il, dit-elle
invisus, a, um
: 1. odieux, haï 2. sans être vu
ipse, a, um
: (moi, toi, lui,...) même
ira, ae
, f. : 1 - la colère, le courroux, l'indignation, la fureur, le ressentiment, la vengeance, l' inimitié. - 2 - la fureur, la violence, l' impétuosité (des vents, de la guerre...) - 3 - le différend, la dispute, la querelle, la brouille. - 4 - l'outrage, l'injure.
laxus, a, um
: 1 - détendu, lâche, relâché, desserré, élargi - 2 - large, vaste, spacieux, ample
lex, legis
, f. : la loi, la (les) condition(s) d'un traité
libet
, v. inv. : il plaît, il fait plaisir
Libycus, a, um
: de Libye
limosus, a, um
: bourbeux, marécageux
longus, a, um
: long
lux, lucis
, f. : la lumière, le jour
manus, us
, f. : la main, la petite troupe
Marius, i
, m. : Marius
morior, eris, i, mortuus sum
: mourir
mors, mortis
, f. : la mort
motus, us
, m. : 1.le mouvement 2. le mouvement de l'âme 3. le mouvement de foule
mox
, adv. : bientôt
multus, a, um
: en grand nombre (surtout au pl. : nombreux)
non
, neg. : ne...pas
numen, inis
, n. : l' assentiment, la volonté ; la volonté des dieux, la puissance divine; un dieu, une divinité
paedor, oris
, m. : la saleté, la malpropreté, la crasse
palus, udis
, f. : le marais, l'étang
paro, as, are
: préparer, procurer (paratus, a, um : prêt, préparé à, bien préparé, bien fourni)
paveo, es, ere, pavi
: être troublé, craindre, redouter
perdo, is, ere, didi, ditum
: 1. détruire, ruiner, anéantir 2. perdre (perditus, a, um : perdu, malheureux, excessif, dépravé)
poena, ae
, f. : le châtiment (dare poenas : subir un châtiment)
post
, adv. : en arrière, derrière; après, ensuite; prép. : + Acc. : après
potestas, atis
, f. : 1. la puissance, le pouvoir 2. le pouvoir d'un magistrat 3. la faculté, l'occasion de faire qqch.
primo
, adv. : d'abord, en premier lieu
protego, is, ere, texi, tectum
: abriter, protéger
qui
, 1. nominatif masculin singulier ou nominatif masculin pluriel du relatif 2. idem de l'interrogatif 3. après si, nisi, ne, num = aliqui 4. faux relatif = et ei 5. interrogatif = en quoi, par quoi
refugio, is, ere, fugi
: - intr. - 1 - fuir en rebroussant chemin, reculer, lâcher pied, chercher un refuge, se réfugier, s'enfuir. - 2 - s'écarter de, se tenir à l'écart, s'éloigner de. - 3 - s'abstenir de, répugner à. - 4 - tr. - fuir, éviter; récuser (un juge).
remitto, is, ere, misi, missum
: renvoyer, abandonner
Roma, ae,
f. : Rome
saepe
, inv. : souvent
sanguis, inis
, m. : le sang, la vigueur
scelus, eris
, n. : le crime, l'attentat, les intentions criminelles, le malheur, le méfait, le scélérat
senex, senis
, m. : le vieillard
servo, as, are
: veiller sur, sauver
si
, conj. : si
solum, i
, n. : le sol
stagnum, i
, n. : l'eau stagnante, la nappe d'eau
sufficio, is, ere, feci, fectum
: tr. et intr. - 1 - mettre en dessous, mettre sous. - 2 - imprégner, teindre, colorer. - 3 - mettre à la place, substituer; renouveler. - 4 - produire, fournir, donner, offrir. - 5 - être en état de, satisfaire, pourvoir à, fournir à, être suffisant, résister, tenir tête, suffire.
sum, es, esse, fui
: être
supremus, a, um
: le plus haut, le dernier
suus, a, um
: adj. : son; pronom : le sien, le leur
tego, is, ere, texi, tectum
: 1. couvrir, recouvrir 2. cacher, abriter 3. garantir, protéger
tenebrosus, a, um
: ténébreux
terribilis, e
: effrayant
Teutonicus, a, um
: des Teutons
torpeo, es, ere
: être engourdi, raidi, immobile, paralysé
triumphus, i
, m. : le triomphe (entrée solennelle à Rome d'un général victorieux)
tu, tui
: tu, te, toi
tunc
, adv. : alors
tuus, a, um
: ton
ulciscor, eris, i, ultus sum
: - 1 - se venger (de qqn, de qqch), punir. - 2 - venger (qqn).
ulva, ae
, f. : l'ulve (herbe des marais)
urbs, urbis,
f. : la ville
vanus, a, um
: vide, creux, vain, sans consistance
victor, oris
, m. : le vainqueur
video, es, ere, vidi, visum
: voir (videor, eris, eri, visus sum : paraître, sembler)
vinculum, i
, n. : le lien, la chaîne ; la preuve. - ducere in vincula aliquem : conduire qqn dans les fers, conduire qqn en prison
vir, viri
, m. : l'homme, le mari
texte
texte
texte
texte