Le temps des Généraux : Marius

91 - 88 : Guerre sociale

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origine lointaine

186
l'affaire des Bacchanales (4)
appel au consul Postumius

TITE-LIVE : : Tite-Live écrivit une Histoire Romaine en 142 livres. Nous ne possédons plus que les livres I-X et XXI-XLV. Pour les autres, nous avons des résumés ou Periochae. Ces résumés sont très inégaux de développement et de précision

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Les fêtes d’automne, consacrées à Bacchus, étaient appelées Bacchanales ; elles duraient depuis le 23 jusqu’au 29 octobre. On y voyait à peu près toutes les cérémonies pratiquées par les Grecs dans leurs Dionysiaques.

[11] Postquam domum venit, et mater mentionem intulit, quid eo die, quid deinceps ceteris, quae ad sacra pertinerent, faciendum esset, negat eorum se quicquam facturum, nec initiari sibi in animo esse. Aderat sermoni vitricus. Confestim mulier exclamat Hispalae concubitu carere eum decem noctes non posse; illius excetrae delenimentis et venenis imbutum nec parentis nec vitrici nec deorum verecundiam habere. Iurgantes hinc mater, hinc vitricus cum quattuor eum servis domo exegerunt. Adulescens inde ad Aebutiam se amitam contulit, causamque ei, cur esset a matre eiectus, narravit, deinde ex auctoritate eius postero die ad consulem Postumium arbitris remotis rem detulit. Consul post diem tertium redire ad se iussum dimisit; ipse Sulpiciam gravem feminam, socrum suam, percunctatus est, ecquam anum Aebutiam ex Aventino nosset. cum ea nosse probam et antiqui moris feminam respondisset, opus esse sibi ea conventa dixit: mitteret nuntium ad eam, ut veniret. Aebutia accita ad Sulpiciam venit, et consul paulo post, velut forte intervenisset, sermonem de Aebutio fratris eius filio infert. Lacrimae mulieri obortae, et miserari casum adulescentis coepit, qui spoliatus fortunis, a quibus minime oporteret, apud se tunc esset, eiectus a matre, quod probus adulescens --dii propitii essent--obscenis, ut fama esset, sacris initiari nollet.

TITE-LIVE, XXXIX, 11

 vocabulaire                       vocabulaire de la débauche

Quand il rentra chez lui sa mère lui demanda ce qu'il avait fait ce jour-là et ce qu'il ferait les jours suivants pour les cérémonies. Il lui répondit qu'il ne ferait rien et qu'il n'avait aucune intention d'être initié. Son beau-père assistait à cette conversation. Sa mère immédiatement lui dit qu'il ne pouvait se passer de coucher avec Hispala pendant dix nuits, qu'il était intoxiqué par les charmes vénéneux de cette vipère et qu'il n'avait aucun respect ni pour sa mère, ni pour son beau-père ni même pour les dieux. Tout en le grondant, sa mère d'un côté, son beau-père de l'autre, le mirent dehors avec quatre esclaves. Le jeune homme alla alors chez sa tante Aebutia et lui expliqua pourquoi sa mère l'avait mis dehors; et sur sa suggestion il alla le jour suivant trouver le consul Postumius et lui raconta en privé toute l'histoire. Le consul le renvoya avec comme instruction de revenir trois jours plus tard. En attendant il demanda lui-même à sa belle-mère Sulpicia, une dame fort sérieuse, si par hasard elle connaissait une vieille dame du nom d'Aebutia vivant du côté de l'Aventin. Elle lui répondit qu'elle la connaissait comme une femme respectable, une femme de la vieille école. Le consul lui dit alors dit qu'il devait avoir une entrevue avec cette dame et il demanda à Sulpicia d'inviter Aebutia. Aebutia, en réponse à l'invitation, vint chez Sulpicia. Au moment où le consul entrait, comme par accident, dans la conversation il mentionna son neveu Aebutius. Les larmes jaillirent des yeux de la femme. Elle commença par déplorer la situation difficile du jeune homme qui avait été spolié de sa fortune par ceux qui auraient dû être les derniers à faire cela, "il se trouve chez moi actuellement", dit-elle, "il a été mis dehors par sa mère uniquement parce que (que les dieux nous soient favorables!) cet honnête jeune homme a refusé d'être initié lors de cérémonies qui, selon toutes les apparences, ne sont que des obscénités."

TITE-LIVE, XXXIX, 11

http://www.ifrance.com/oeuvres-de-jacques-legare/409-Histoire-de-Rome-2.htm


Quand des nouveautés arrivent trop brutalement dans une société traditionnelle, elles dérangent beaucoup de monde. Rien à Rome n'a été plus "dérangeant" que le dieu grec du vin Bacchus quand il débarqua à Rome. Cet événement s'appelle les BACCHANALES.

Au début, ce ne fut qu'une rumeur, des accusations vagues et mal formulées que la médisance publique eut tôt fait de parer des plus sombres couleurs. Puis il y eut un fait divers qui, pour une sordide affaire d'héritage, mit en scène une mère indigne, un jeune homme naïf, une prostituée au grand coeur.
Enfin il y eut un scandale qui ébranla toute l'Italie. au moment même où Rome, après sa victoire sur les Carthaginois, menait contre la Grèce et l'Orient les premières expéditions qui lui assureront l'empire du monde méditerranéen.
En -186, une banale affaire de moeurs mobilisa les plus hautes autorités de la République, entraîna un campagne de répression qui, pendant près de 5 ans, multiplia les arrestations et les condamnation à mort, l'implication de plus de 7 000 personnes; c'est ainsi que l'on peut résumer l'affaire des Bacchanales, connue de nous par le décret voté par le Sénat et par un seul récit, écrit 2 siècles après par l'historien Tite-Live. L'objet du scandale fut un de ces cultes orientaux à mystères qui, depuis quelques décennies, pénétraient à Rome et faisaient concurrence à la religion officielle.
La première divinité orientale implantée à Rome fut Cybèle, la Grande Mère des dieux, adorée en Asie Mineure. En -205, sous la pression d'une partie de l'aristocratie, le Sénat romain décida, pour s'assurer la victoire sur Carthage, d'aller chercher officiellement en Phrygie la pierre noire symbolisant la déesse. Accueillie avec des honneurs considérables, elle fut installée sur le Palatin avec son clergé de Galles, des prêtres eunuques et prophètes, dont les accoutrements bariolés, les mutilations sexuelles rituelles, les musiques stridentes scandalisèrent les esprits conservateurs.
À l'opposé de cette pénétration officielle, commandée par l'urgence de la situation, les autres divinités orientales furent importées clandestinement par les esclaves ou les étrangers. Les réactions officielles à leur encontre furent plus ou moins hostiles: si certains cultes se propagèrent dans une quasi-indifférence, d'autres furent l'objet de répressions dont la plus brutale toucha les fidèles de Bacchus.
La personnalité même du dieu Bacchus-Dionysos était complexe: d'origine douteuse, peut-être phrygienne, il joua un rôle privilégié en Grèce, puisque les processions en son honneur donnèrent naissance au théâtre, principalement à Athènes.
Dieu du vin et du délire extatique, Bacchus était aussi honoré par des groupes de fidèles "ou thiases, "célébrant des cérémonies orgiastiques: dans ces Bacchanales, propres à exalter les imaginations des profanes, les femmes. sous l'emprise du vin et peut-être de certaines drogues, parcouraient les bois en poussant des hurlements.
Vêtues de peaux de panthère ou de faon costume traditionnel des Ménades accompagnant Bacchus, et brandissant leurs thyrses, de longs javelots surmontés d'une pomme de pin elles se livraient à des rituels bizarres et sanglants: elles démembraient à mains nues le gibier qu'elles avaient chassé et en consommaient sur-le-champ les chairs crues. Prétexte aux folies spectaculaires des bacchantes, les mystères dionysiaques permettaient aux initiés d'obtenir la garantie du bonheur dans l'éternité.
C'est en venant de la Grande-Grèce c'est-à-dire de Sicile et du sud de l'Italie, que les cérémonies orgiastiques en l'honneur d Bacchus s'infiltrèrent dans la péninsule toute entière. Le succès rencontré par le dionysisme chez les populations grecques de Campanie et de Tarente avait entraîné des modifications profondes dans le recrutement des fidèles et le déroulement des cérémonies. Alors que les femmes étaient jusque-là traditionnellement les seules à participer aux orgies, les hommes furent admis à fréquenter les chapelles dionysiaques et purent même exercer le sacerdoce; les cérémonies originellement diurnes se déroulèrent la nuit et les jours d'initiation furent multipliés dans l'année.
Le prosélytisme des prêtres missionnaires de Bacchus gagna tout d'abord l'Étrurie, au nord de Rome: un prêtre grec, un "diseur de bonne aventure ", comme le juge dédaigneusement Tite-Live, installa dans cette région des chapelles fréquentées par une foule d'hommes et de femmes, de jeunes et de vieux.
Bien que, à cause du secret rigoureux auquel étaient tenus les initiés, peu de renseignements aient filtré sur le contenu des mystères, les premières rumeurs concernant l'immoralité des chapelles dionysiaques prirent naissance dans les villes d'Étrurie.
Ce furent tout d'abord les voisins qui se plaignirent du tapage nocturne: comme tous les cultes orientaux, les orgies étaient accompagnées de la musique stridente des cymbales et des tambourins; leur vacarme, les ululements des bacchantes et leurs danses bruyantes exaspéraient les habitants d'alentour; on pouvait parfois aussi voir les bacchantes plonger dans les fleuves des torches enflammées qu'elles retiraient de l'eau tout allumées, acte diabolique et suspect qui s'expliquait par le mélange inextinguible de soufre et de chaux vive dont ces torches étaient enduites.
On chuchotait encore que les bacchantes possédaient des machines infernales capables d'engloutir dans les abîmes de la terre leurs victimes; il s'agissait en fait de machineries empruntées aux accessoires de théâtre, qui servaient dans les cérémonies d'initiation à simuler une descente aux enfers.
De fil en aiguille, les suppositions les plus monstrueuses prirent naissance et la rumeur publique prêta à ces réunions nocturnes des buts inavouables: on commença par imaginer des scènes de débauche inouïes et de folie collective, le déchaînement effréné des instincts les plus pervers, le viol des garçons et des jeunes filles entraînés malgré eux dans le repaire des bacchantes.
Puis les accusations s'étoffèrent: le vacarme des réunions n'avait d'autre fin que de couvrir les cris de ceux que les bacchantes assassinaient pour pouvoir ensuite se repaître de leur chair.
Bien que l'affaire fît grand bruit dans les villes d'Étrurie, elle n'aurait peut-être pas eu de conséquences tragiques, si des dévots missionnaires n'avaient fait pénétrer le culte à Rome même. Au pied de l'Aventin, au bord du Tibre, se trouvait un petit bois consacré à une divinité latine, au nom prédestiné de "Stimula", que l'on confondit facilement avec Sémélé, la mère mythique de Dionysos. C'est dans ce bois que les bacchantes installèrent une chapelle.
Une prêtresse campanienne, Paccula Annia, modifia les mystères primitifs en y apportant les innovations déjà notées dans d'autres villes d'Italie. En initiant ses deux fils, elle ouvrit le sacerdoce aux hommes; elle autorisa l'initiation des jeunes gens âgés de moins de 20 ans; elle institua 5 jours d'initiation par mois au lieu de 3 par an. Enfin les cérémonies furent nocturnes.
Rapidement l'activité des dévots suscita les mêmes rumeurs que partout ailleurs; aux reproches de débauche et de perversion succédèrent les accusations d'escroquerie, puis de crime. Tout était prêt pour le dernier acte de l'affaire: la condamnation par l'état romain du dionysisme et la réglementation du culte de Bacchus.
Le fait divers qui entraîna l'action publique rappelle l'intrigue de ces comédies de Plaute, dont les spectateurs romains faisaient alors leurs délices: les acteurs en sont empruntés au théâtre ou au roman-feuilleton: un jeune homme dont l'héritage est convoité par une mère et un beau-père peu scrupuleux, une sombre machination destinée à compromettre cet innocent jeune homme, une courtisane au coeur noble qui fait passer son amour avant ses intérêts professionnels. Ce scénario romanesque a souvent fait douter de la véracité du récit de Tite-Live; mais, si, pour piquer la curiosité de son lecteur, il a enjolivé quelques épisodes de l'affaire, le fondement même ne peut être mis en doute.
Le premier acteur de l'histoire est un jeune homme, Publius Aebutius, né dans l'ordre équestre et appartenant donc à une famille riche et des plus honorables. Après la mort de son père, survenue sans doute alors qu'il était encore enfant, et celle de ses tuteurs légaux, il était passé sous la tutelle de sa mère, Duronia et du second mari de celle-ci, Rutilius Sempronius.
Le couple, qui avait largement et malhonnêtement profité de la fortune laissée au jeune homme par son père, se trouva dans l'impossibilité de rendre des comptes de tutelle à Aebutius, lorsque celui-ci atteignit sa majorité légale. Quel expédient trouver pour éviter un procès et une condamnation probable ?
Duronia et Rutilius songèrent un moment à supprimer leur pupille, mais se heurtèrent aux difficultés de mener à bien un crime parfait. Duronia eut alors l'idée machiavélique d'initier son fils aux mystères de Bacchus: déshonoré par les pratiques infamantes et lié par le secret de l'initiation, le jeune homme deviendrait ainsi une proie toute désignée pour le chantage et serait bon gré mal gré à la merci de ses tuteurs.
Aebutius relevait de maladie et sa mère feignant d'avoir fait le voeu pour obtenir sa guérison de le consacrer à Bacchus, lui donna quelques recommandations pour se préparer à son initiation: qu'il observe 10 jours de chasteté et, le 10e jour, après les ablutions purificatoires, il sera admis au nombre des mystes (adepte des mystères).
Sans méfiance et parce que l'affaire pour lui ne prêtait guère à conséquences, le jeune homme accepta.
Entre en scène le second personnage du drame, Hispala Fecenia. Prostituée dès son enfance par sa maîtresse, cette ancienne esclave avait continué, après son affranchissement, à exercer le métier de courtisane pour son propre compte. Aucune comparaison possible entre cette hétaïre de haute volée et les misérables filles qui, dans le quartier populaire de Subure, s'offraient à la clientèle des lupanars. Grâce à sa réputation de beauté et à ses talents, Hispala avait amassé une fortune confortable et menait une vie brillante dans sa maison sur le mont Aventin.
Séduite par la jeunesse d'Aebutius, son voisin, elle lui avait fait des avances et une liaison n'avait pas tardé à s'établir entre eux. Aebutius trouvait dans l'affranchie à la fois une maîtresse et une femme riche qui, bien loin de lui faire payer ses faveurs, l'entretenait avec générosité.
Hispala était à ce point entichée de son jeune amant qu'elle avait obtenu des autorités judiciaires d'en faire par testament son légataire universel.
Lorsque, à la suite de la conversation qu'il a eue avec sa mère, Ebutius se rend chez sa maîtresse, il lui annonce en plaisantant que, pendant 10 jours, il leur faudra faire chambre à part et, devant la mine étonnée d'Hispala, il explique comment, pour exaucer le voeu de sa mère et de son beau-père, il va se faire initier aux mystères de Bacchus. La réaction de la courtisane est explosive: elle se répand en imprécations véhémentes contre les parents du jeune homme, ce qui prouve qu'elle était vraiment et sincèrement amoureuse. Aebutius la conjure de s'expliquer.
-- "Ne vois-tu pas", s'exclame-t-elle, "qu'ils en veulent à ta réputation et à ta vie?"
Et, suppliant les dieux de lui pardonner si elle trahit son serment de silence, elle poursuit:
-- "Ne sais-tu pas ce qui se passe dans le sanctuaire de Bacchus ? Lorsque j'étais esclave, j'ai accompagné ma maîtresse dans ce repaire de débauche et je peux t'assurer que tu seras la victime des prêtres qui te feront d'odieuses " violences."
Troublé par ces révélations, Aebutius promet à Hispala de refuser l'initiation prévue. Et c'est bien ce qu'il fait, lorsque Duronia et Rutilius Sempronius reviennent à la charge. Une violente scène éclate alors: Duronia reproche à Aebutius de ne pouvoir se passer pendant 10 jours des caresses empoisonnées de cette vipère d'Hispala; Rutilius menace son beau-fils et, au comble de l'exaspération, le chasse de sa maison.
Suivi de 4 esclaves, Aebutius se réfugie chez sa tante paternelle, Aebutia, une vieille dame tout à fait convenable et honnête ravie au fond d'elle-même de pouvoir se venger de son ancienne belle-soeur, dont le remariage lui a fort déplu.
Sur ses conseils, Aebutius va trouver secrètement le consul Spurius Postumius Albinus pour lui raconter toute l'affaire. Le consul, fort prudemment, après avoir écouté le récit d'Aebutius, le congédie en lui ordonnant de revenir le surlendemain; puis,  méthodiquement, par étapes, il mène sa propre enquête.
Il lui faut d'abord rechercher s'il convient d'ajouter foi aux déclarations du jeune homme. Il trouve une précieuse auxiliaire dans sa propre belle-mère, Sulpicia, qui, après lui avoir donné les meilleurs renseignements sur l'honorabilité de la famille d'Aebutius, invite chez elle la vieille tante.
Comme par hasard, pendant cette visite, le consul survient chez sa belle-mère et fait tomber la conversation sur Aebutius, toujours comme par hasard. Aebutia se répand alors en lamentations sur le sort de son neveu, sur la perfidie de Duronia, et le consul, convaincu que le jeune homme lui a dit la vérité, entame la seconde phase de son enquête.
Sa belle-mère, une nouvelle fois, joue les intermédiaires et convoque chez elle Hispala. L'affranchie, en recevant le message de Sulpicia, est fort troublée: que peut lui vouloir cette femme de l'aristocratie? Son émotion s'accroît lorsqu'en pénétrant dans le vestibule de Sulpicia, elle se heurte au cortège du consul: ses collaborateurs, ses esclaves et surtout ses licteurs, ces gardes armés du faisceau de verges, insignes judiciaires et pénaux de cette magistrature suprême.
C'est intentionnellement que Postumius a imaginé cette mise en scène, propre à impressionner la malheureuse affranchie qui conduite devant Postumius et Sulpicia, se voit intimer l'ordre de dévoiler tout ce qu'elle sait sur les mystères de Bacchus.
Sa confession est difficile à obtenir; les pires châtiments étaient en effet promis aux initiés qui révélaient le contenu des cérémonies et elle craignait tout autant les représailles des bacchants que la colère divine. Elle nie tout d'abord et feint de traiter à la légère les révélations d'Aebutius.
Mais Hispala est une affranchie; le consul n'est pas tenu envers elle aux mêmes égards auxquels ont eu droit Aebutius, citoyen romain, et sa tante. Il la menace, la brutalise même, puis use de chantage, lui promet enfin l'impunité.
Étourdie, terrorisée, Hispala s'effondre enfin et révèle tout ce qu'elle sait: les modifications apportées dans les initiations par la campanienne Paccula Annia, les noms des grands prêtres, et, avec un grand luxe de détails, les horreurs commises dans le sanctuaire: l'ivresse, les débauches nocturnes, le viol des jeunes gens, les hommes possédés par le dieu qui prophétisent frénétiquement, les femmes, ayant perdu toute pudeur, qui s'abandonnent à la fureur divine comme aux orgies sexuelles, les crimes monstrueux enfin.
Ne rien tenir pour sacrilège (tout se permettre), voilà ce qui est le comble de la dévotion pour les bacchants. Leur nombre est déjà considérable et leur secte forme un second peuple dans le peuple romain. La contagion gagne même les hommes et les femmes de la noblesse. Aucun âge n'est préservé, puisque, depuis 2 ans. l'âge maximal pour l'initiation a été fixé à 20 ans.
Le consul <-!>"Postumius avait donc en main tous les éléments pour dévoiler au grand jour le scandale. Plus que par les accusations de débauche ou de crime, il avait été troublé par les dernières révélations d'Hispala: les dévots de Bacchus, niant les interdits de la religion traditionnelle, mettaient en péril Rome tout entière; le nombre et la composition de ce second peuple constituait une menace d'atteinte à la sûreté de l'état.
En homme énergique et comme le lui ordonnaient sa charge et son serment de consul, Postumius prit immédiatement les dispositions qui s'imposaient. Tout d'abord la sécurité de ses informateurs dont le témoignage était essentiel: Aebutius fut confié à un client du consul; Hispala se vit cloîtrée dans un appartement au 1er étage de la demeure de Sulpicia, où, par mesure supplémentaire de sécurité, on condamna l'escalier donnant sur la rue. Ainsi l'affranchie, témoin principal à charge, se trouvait-elle à l'abri de toutes représailles éventuelles.
Sans perdre un instant, le consul se rendit ensuite au Sénat où il fit un rapport détaillé sur tout ce que son enquête lui avait appris. Ce fut la consternation dans les rangs des sénateurs, effrayés de la menace que faisaient peser sur Rome les associations clandestines des bacchants; de plus, à titre privé, chacun craignait de découvrir des coupables dans sa propre famille. La moindre hésitation pouvait être prise pour un aveu de complicité.
Aussi, à l'unanimité, l'assemblée vota-t-elle des remerciements au consul Postumius, l'ouverture d'une information extraordinaire sur les adeptes de Bacchus, l'interdiction de toute réunion. Pour plus de sécurité, tous les magistrats furent chargés de la surveillance des rues de Rome, chaque quartier quadrillé par des gardes et toutes les mesures prises pour maintenir la cité dans un véritable état de siège.
Une fois ces dispositifs mis en place, le plus difficile était sans doute de révéler l'affaire au grand public et de prévenir tout mouvement de sympathie de la part du peuple romain où les bacchants comptaient de nombreux adeptes ou amis.
Une fois encore, l'habileté de Postumius fit merveille: ayant convoqué le peuple au Forum, le consul récita une prière solennelle aux dieux nationaux, puis s'adressa aux Romains dans un long discours par lequel il suscita simultanément la crainte et la réprobation de ses auditeurs. Il mit d'abord en avant le danger que présentait pour l'avenir du pays le jeune âge des initiés. Comment ces adolescents, dégénérés et efféminés par la débauche, pourraient-ils devenir ensuite les vaillants soldats dont Rome avait besoin pour ses guerres? Il insista ensuite sur le péril immédiat couru par tous: alors que les seules réunions licites et contrôlables étaient les assemblées populaires convoquées par les magistrats, les thiases des bacchants, anarchiques et clandestins, menaçaient l'état.
Et le consul conclut en adjurant le peuple romain d'accepter avec sérénité la campagne d'épuration que, pour le bien de tous, il se voyait contraint de mener. Puis on donna lecture des "senatus consultes "qui promettaient des récompenses aux indicateurs et interdisaient à quiconque de venir en aide aux bacchants en les cachant ou en favorisant leur fuite.
Immédiatement un vent de panique souffla sur la ville. Nombreux furent ceux qui, la nuit même, tentèrent de fuir, mais ils furent refoulés par les gardes postés aux portes de Rome. Certains échappèrent à la répression par le suicide, ce qui n'empêcha pas l'arrestation de plus de 7000 adeptes, à commencer par les 4 grands prêtres, 2 Romains de la plèbe et 2 Italiens, originaires de Campanie et d'Étrurie.
Les mêmes scènes d'épouvante se reproduisirent dans toutes les villes d'Italie, car les consuls en personne firent une tournée dans les municipes (villes soumises d'Italie) pour mener l'enquête et veiller à l'application des poursuites judiciaires. Ce fut une véritable terreur que l'on organisa dans tout le pays.
Les exécutions furent si nombreuses que les autorités, recourant à la tradition qui donnait au "pater familias "droit de vie et de mort sur tous les membres de sa famille, remirent les femmes condamnées à leur père ou à leur mari pour qu'ils se chargent eux-mêmes de l'exécution à domicile.
Il est impossible de dénombrer exactement les victimes de cette persécution sanglante qui sévissait encore en -181, soit 5 ans après les révélations d'Hispala. Toutes les chapelles bachiques furent rasées, toutes les installations servant aux mystères détruites.
Enfin, un "senatus consulte, "sans supprimer le culte de Bacchus (car on ne voulait pas offenser ce dieu), le réglementa étroitement pour éviter la reconstitution des thiases. Le texte fut affiché dans toute l'Italie, et nous en possédons une copie.
Si Tite-Live, dans son récit, met bien l'accent sur l'ampleur qu'avait prise en quelques années le mouvement dionysiaque en Italie et à Rome, il n'en resta pas moins que son témoignage doit être considéré avec prudence. L'historien, pour relater cette affaire, n'a disposé que des pièces du dossier d'accusation et la version officielle qu'il a suivie a gommé tout l'arrière-plan politique.
Il est incontestable que les pratiques dionysiaques, l'ivresse rituelle, le délire prophétique répugnaient à la mentalité romaine et il ne fut certes pas difficile de monter en épingle l'immoralité de certaines pratiques orgiaques. Elles étaient morales dans les temps très archaïques, mais la vie urbaine des Cités les avaient déclassées et rendues immorales.
Les autorités romaines redoutèrent aussi à n'en point douter le danger que faisaient courir à la sécurité publique les associations secrètes et le très grand nombre des adeptes exigeait des mesures énergiques. Au moment où Rome menait ses premières campagnes contre la Macédoine et l'Orient méditerranéen, on pouvait craindre aussi le noyautage des thiases par des Grecs et des infiltrations étrangères, inquiétantes en temps de guerre.

a, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
accio, is, ire, acciui, accitum
: faire venir, mander (accitus, a, um : importé, d'origine étrangère)
ad
, prép. : + Acc. : vers, à, près de
adsum, es, esse, adfui
: être présent, assister, aider
adulescens, entis,
m. : le jeune homme
Aebutia, ae
, f. : Ebutia
Aebutius, i
, m. : Ebutius (nom d'homme)
amita, ae
, f. : la soeur du père, la tante du côté paternel
animus, i
, m. : le coeur, la sympathie, le courage, l'esprit
antiquus, a, um
: ancien
anus, us
, f. : vieille femme
apud
, prép. : + Acc. : près de, chez
arbiter, tri
, : le témoin oculaire, l'arbitre
auctoritas, atis
, f. : l'avis, le prestige, l'autorité, la volonté (du Sénat), la décision
Aventinum, i
, n. : Aventin
careo, es, ere, ui, iturus
: manquer de, être débarrassé de
casus, us
, m. : le hasard, le malheur, la chute
causa, ae
, f. : la cause, le motif; l'affaire judiciaire, le procès; + Gén. : pour
ceteri, ae, a
: pl. tous les autres
coepio, is, ere, coepi, coeptum
: (plutôt avec rad. pf et supin) : commencer
concubitus, us,
m. : 1. la place sur le lit de table 2. l'accouplement
confero, fers, ferre, tuli, latum
: 1. apporter, amasser 2. rapprocher, 3. faire porter sur; me - : se réfugier
confestim
, adv. : à l'instant même, tout de suite, sur l'heure
consul, is
, m. : le consul
convenio, is, ire, veni, ventum
: 1. venir ensemble, se rassembler 2. convenir, s'adapter 3. être l'objet d'un accord 4. convenit : il y a accord 5. (juridique) -in manu : venir sous la puissance d'un mari, se marier
cum
, inv. :1. Préposition + abl. = avec 2. conjonction + ind. = quand, lorsque, comme, ainsi que 3. conjonction + subj. : alors que
cur
, adv. : pourquoi ?
de
, prép. + abl. : au sujet de, du haut de, de
decem
, adj. num. : dix
defero, fers, ferre, tuli, latum
: 1. porter d'un lieu élevé dans un lieu plus bas, emporter 2. présenter, accorder 3. révéler 4. dénoncer
deinceps
, adv. : l'un après l'autre, successivement
deinde
, adv. : ensuite
delenimentum, i
, n. : l'adoucissement, l'apaisement; l'attrait, le charme
deus, i
, m. : le dieu
dico, as, are
: dédier, consacrer, inaugurer
dies, ei,
m. et f. : le jour
dimitto, is, ere, misi, missum
: 1. envoyer dans tous les sens 2. disperser 3. renvoyer, laisser partir 4. renoncer à, abandonner
domus, us
, f. : la maison
ea
, 1. ABL. FEM. SING - NOM-ACC. N. PL. de is, ea, id (ce, cette, le, la...) 2. adv. : par cet endroit
eam
, 1. Acc. fem. sig. de IS-EA-ID = la (pronom), ce, cette 2. 1ère pers. sing. du Subj. Présent de IRE : aller
ecquam
, acc. fem. sing. de ecqui, equae, ecquod : est-ce que quelque?
ei
, DAT. SING ou NOM. M. PL. de is,ea,id : lui, à celui-ci, ce,...
eicio, is, ere, eieci, eiectum
: jeter hors de
eius
, Gén. Sing. de is, ea, id : ce, cette, son, sa, de lui, d'elle
eo, 1. ABL. M-N SING de is, ea, is : le, la, les, lui... ce,..; 2. 1ère pers. sing. de l'IND PR. de eo, ire 3. adv. là, à ce point 4. par cela, à cause de cela, d'autant (eo quod = parce que)
eorum
, G. M et N. PL. de is,ea,id = d'eux, leur, leurs
et
, conj. : et. adv. aussi
eum
, ACC M SING. de is, ea, id : il, lui, elle, celui-ci...
ex
, prép. : + Abl. : hors de, de
excetra, ae
, f. : la vipère, le serpent
exclamo, as, are
: s'exclamer
exigo, is, ere, egi, actum
: chasser, achever, réclamer
facio, is, ere, feci, factum
: faire
fama, ae
, f. : la nouvelle, la rumeur, la réputation
femina, ae
, f. : la femme
filius, ii
, m. : le fils
forte
, adv. : par hasard
fortuna, ae
, f. : la fortune, la chance
frater, tris
, m. : le frère
gravis, e
: sérieux, triste, lourd, alourdi
habeo, es, ere, bui, bitum
: avoir (en sa possession), tenir (se habere : se trouver, être), considérer comme
hinc
, adv. : d'ici
Hispala, ae
, f. : Hispala (nom d'affranchie)
ille, illa, illud
: adjectif : ce, cette (là), pronom : celui-là, ...
imbuo, is, ere, bui, butum
: abreuver, imbiber, imprégner
in
, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
inde
, adv. : de là, donc
infero, es, ferre, tuli, illatum
: porter dans, servir
initio, as, are
: initier aux mystères
intervenio, is, ire, veni, ventum
: arriver, survenir, intervenir, se mêler de
ipse, a, um
: (moi, toi, lui,...) même
iubeo, es, ere, iussi, iussum
: 1. inviter à, engager à 2. ordonner
iurgo, as, are
: se disputer, être en procès, plaider
lacrima, ae
, f. : la larme
mater, tris
, f. : la mère
mentio, ionis,
f. : la mention, le rappel
minime
, adv. : très peu
miseror, aris, ari
: plaindre, déplorer
mitto, is, ere, misi, missum
: I. 1. envoyer 2. dédier 3. émettre 4. jeter, lancer II. laisser aller, congédier
mos, moris,
m. : sing. : la coutume ; pl. : les moeurs
mulier, is,
f. : la femme
narro, as, are
: conter, raconter
nec
, adv. : et...ne...pas
nego, as, are
: nier
nolo, non uis, nolle, nolui
: ne pas vouloir, refuser
non
, neg. : ne...pas
nosco, is, ere, novi, notum
: apprendre ; pf. savoir
nosse
, infinitif parfait de nosco, is, ere : connaître
nox, noctis
, f. : la nuit
nuntius, ii
, m. : 1. le messager 2. la nouvelle
oborior, iris, iri, ortus sum
: se lever
obscenus, a, um
: de mauvais augure, sinistre; indécent, obscène
oportet
, imp. : il faut
opus, operis
, n. : le travail (opus est mihi = j'ai besoin)
parens, entis
, m. : le père ou la mère, le parent, le grand-père
paulo
, adv. : un peu
percunctor, aris, ari
: s'enquérir, questionner
pertineo, is, ere, tinui
: s’étendre jusqu’à (ad et acc.) ; appartenir à, concerner
possum, potes, posse, potui
: pouvoir
post
, adv. : en arrière, derrière; après, ensuite; prép. : + Acc. : après
posterus, a, um
: suivant ; in posterum : à l'avenir
postquam
, conj. : après que
Postumius, i
, m. : Postumius
probus, a, um
: honnête
propitius, a, um
: propice
quae
, 4 possibilités : 1. N.F.S. N.F.PL. N.N.PL., ACC. N. PL. du relatif = qui, que (ce que, ce qui) 2. idem de l'interrogatif : quel? qui? que? 3. faux relatif = et ea - et eae 4. après si, nisi, ne, num = aliquae
quattuor, adj. num. : quatre
qui
, 1. n N.M.S ou N.M.PL. du relatif 2. idem de l'interrogatif 3. après si, nisi, ne, num = aliqui 4. Faux relatif = et ei 5. interrogatif = en quoi, par quoi
quibus
, 1. DAT. ou ABL. PL. du relatif. 2. Idem de l'interrogatif 3. faux relatif = et eis 4. après si, nisi, ne, num = aliquibus
quid, 1. Interrogatif neutre de quis : quelle chose?, que?, quoi?. 2. eh quoi! 3. pourquoi? 4. après si, nisi, ne num = aliquid
quisquam, quaequam, quidquam (quic-) : quelque, quelqu'un, quelque chose
quod
, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
redeo, is, ire, ii, itum
: revenir
removeo, es, ere, movi, motum
: écarter, éloigner
res, rei
, f. : la chose, l'événement, la circonstance, l'affaire judiciaire; les biens
respondeo, es, ere, di, sum
: répondre
sacrum, i
, n. : la cérémonie, le sacrifice, le temple
se
, pron. réfl. : se, soi
sermo, onis
, m. : 1. l'entretien, la conversation 2. le dialogue, la discussion 4. le discours 5. la langue
servus, i
, m. : l'esclave
socrus, us
, f. : la belle-mère
spolio, as, are
: piller, dépouiller
Sulpicia, ae
, f. : Sulpicia
sum, es, esse, fui
: être
suus, a, um
: adj. : son; pronom : le sien, le leur
tertius, a, um
: troisième
tunc
, adv. : alors
ut
, conj. : + ind. : quand, depuis que; + subj; : pour que, que, de (but ou verbe de volonté), de sorte que (conséquence) adv. : comme, ainsi que
velut
, inv. : comme
venenum, i
, n. : le poison, le venin
venio, is, ire, veni, ventum
: venir
verecundia, ae
, f. : 1. la retenue, la réserve, la pudeur,2. le respect 3. la honte, le sentiment de honte
vitricus, i
, m. : le beau-père
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