Le temps des généraux : Marius

Devant Numance

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L'avis de Scipion-Emilien

VALERE-MAXIME : Valerius Maximus est l'auteur de Faits et Dits mémorables, rédigés au début de l'époque impériale. Son ouvrage a été résumé par Iulius Paris et par Ianuarius Nepotianus.

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Le siège de Numance dura 11 ans. Les Romains eurent d’énormes difficultés pour en venir à bout. Le consul Mancinus fut obligé de signer un traité de paix qui fut refusé par le Sénat. Il fut livré nu aux Numantins. Tibérius Gracchus qui avait participé aux négociations échappa de peu au sort du consul. Il fallut l’intervention de Scipion-Emilien pour prendre la ville.

Inhaerent illi voci posterioris Africani septem C. Marii consulatus ac duo amplissimi triumphi. Ad rogum enim usque gaudio exultavit, quod, cum apud Numantiam sub eo duce stipendia equestria mereret et forte inter cenam quidam Scipionem interrogavisset, si quid illi accidisset, quemnam res publica aeque magnum habitura esset imperatorem, respiciens se supra ipsum cubantem : "Vel hunc, dixit." Quo augurio perfectissima virtus maximam orientem virtutem videritne certius, an efficacius accenderit perpendi vix potest. Illa nimirum cena militaris speciosissimas tota in Urbe Mario futuras cenas ominata est. Postquam enim Cimbros ab eo deletos initio noctis nuntius, nemo fuit, qui non illi tamquam diis immortalibus apud sacra mensae suae libaverit.

VALÈRE-MAXIME, VIII, XV, 7.

posterior Africanus : Scipion Emilien dit le second Africain
Numantia,ae
: Numance, ville d'Espagne
Scipio,ionis
: Scipion Emilien

  vocabulaire

Les sept consulats de Caius Marius et les deux formidables triomphes de celui-ci sont inséparables de cette parole du second Africain. En effet jusqu'à sa mort il s’en glorifia. Il faisait son service militaire dans la cavalerie devant Numance sous les ordres de Scipion. Au milieu d'un repas quelqu'un par hasard interrogea Scipion: "Si quelque chose t'arrivait, quel grand général la république aurait-elle pour t'égaler ?" Scipion se retournant vers Marius qui était placé à table au-dessus de lui répondit : "Eh bien celui-ci." Il est difficile de savoir si par cette prédiction le courage le plus accompli reconnaissait le courage naissant ou si c'est Scipion qui l'a attisé avec beaucoup d'efficacité. Ce repas de soldats présageait les repas splendides qui seraient organisés dans toute la ville en l’honneur de Marius. Après que la nouvelle fut parvenue au début de la nuit de la destruction des Cimbres tout le monde lui fit des libations devant les objets sacrés de sa table comme s'ils les faisaient aux dieux immortels.

VALÈRE MAXIME, VIII, XV, 7.

 

PLUTARQUE, Vie de Marius.  

1-3

II fit sa première campagne contre les Celtibériens, pendant que Scipion l'Africain faisait le siège de Numance. Ce général eut bientôt reconnu dans Marius une grande supériorité de courage sur tous les autres jeunes gens ; il lui vit embrasser avec la plus grande facilité la nouvelle discipline que Scipion avait introduite dans des armées corrompues par le luxe et par la mollesse. II combattit un jour un des ennemis à la vue de son général, et le tua. Scipion chercha depuis à se l'attacher en le comblant d'honneurs ; et un soir que Marius était à sa table, la conversation étant tombée, après le souper, sur les généraux de ce temps-là, un des convives, soit qu'il fût véritablement dans le doute, soit qu'il voulût flatter Scipion, lui demanda quel capitaine le peuple romain aurait après lui pour le remplacer. Scipion, qui avait Marius au-dessous de lui, le frappa doucement de la main sur l'épaule, en disant : « Ce sera peut-être celui-ci ; » tant ces deux hommes étaient heureusement nés, l'un pour annoncer dès sa jeunesse sa grandeur future, et l'autre pour conjecturer quelle fin aurait le début de ce jeune homme !

4. Ce mot de Scipion fut, dit-on, pour Marius comme une voix divine qui, l'élevant aux plus hautes espérances, le porta à se livrer à l'administration des affaires ; et la faveur de Cécilius Métellus, dont la maison avait toujours protégé la famille de Marius, le fit nommer tribun du peuple. Pendant son tribunat, il proposa, sur la manière de donner les suffrages, une loi qui paraissait priver les nobles de l'influence qu'ils avaient dans les jugements. Le consul Cotta, ayant combattu cette loi, persuada le sénat de s'y opposer, et de citer Marius pour rendre raison de sa conduite. Le décret fut rendu, et Marius entra dans le sénat, non avec l'embarras d'un jeune homme qui, sans être connu par aucune action d'éclat, ne faisait que d'entrer dans le gouvernement ; mais, prenant d'avance l'air assuré que lui donnèrent depuis ses grands exploits, il menaça le consul de le faire traîner en prison, s'il ne faisait révoquer le décret. Cotta se tournant vers Métellus pour prendre sa voix, ce sénateur se leva et soutint l'avis du consul. Marius fit venir du dehors un licteur, et lui ordonna de conduire Métellus en prison. Celui-ci en appela aux autres tribuns ; mais aucun d'eux n'ayant pris sa défense, le sénat crut devoir céder, et retira son décret. Marius, fier de sa victoire, sort du sénat, et se rend à l'assemblée du peuple, où il fait passer la loi. Ce début fit juger qu'on ne le verrait jamais ni plier par crainte, ni céder par honte, et que, pour servir les intérêts du peuple, il opposerait au sénat la plus forte résistance, mais bientôt il effaça cette opinion par une conduite toute contraire. Quelqu'un ayant proposé de faire aux citoyens une distribution gratuite de blé, Marius s'y opposa fortement ; et, ayant fait rejeter la loi, il obtint également l'estime des deux partis, qui le jugèrent incapable de favoriser l'un ou l'autre contre l'intérêt de la république.

5. Après son tribunat, il se mit sur les rangs pour la grande édilité ; car il y a deux ordres d'édiles : le premier est celui des édiles curules, ainsi nommés des sièges à pieds courbés sur lesquels ils s'asseyent pour donner audience ; le second, bien inférieur en dignité, est celui des édiles plébéiens. Après qu'on a élu les grands édiles, on procède tout de suite à l'élection des autres. Marius, voyant bien qu'il allait être refusé pour la première édilité, se présenta sur-le-champ pour la seconde. On vit dans cette conduite une obstination et une audace qui le firent encore rejeter. Deux refus essuyés en un jour, ce qui était sans exemple, ne lui firent rien rabattre de sa fierté. Peu de temps après il brigua la préture, et se vit sur le point d'être refusé. Élu enfin le dernier, il fut accusé d'avoir acheté les suffrages. Ce qui l'en fit surtout soupçonner, c'est qu'on avait vu dans les barrières un esclave de Cassius Sabacon au milieu de ceux qui donnaient leurs voix. Sabacon était l'intime ami de Marius ; appelé devant les juges et interrogé sur ce fait, il répondit que la chaleur lui ayant causé une soif extrême, il avait demandé de l'eau fraîche ; que son esclave lui en avait apporté dans une tasse, et qu'à peine il l'avait eu bue que l'esclave s'était retiré. Cependant il fut chassé du sénat par les premiers censeurs nommés dans ces comices. On jugea qu'il avait mérité cette flétrissure, ou pour avoir fait une fausse déposition, ou pour avoir cédé à son intempérance. Caïus Hérennius fut aussi appelé en témoignage contre Marius ; mais il observa qu'il n'était pas d'usage de déposer contre ses clients, et que la loi dispensait les patrons de cette nécessité ; c'est le nom sous lequel les Romains désignent les protecteurs : or, la famille de Marius, et Marius lui-même, avaient été de tout temps les clients de la famille des Hérennius. Les juges reçurent cette excuse ; mais Marius s'opposa à ce qu'elle fût admise ; il soutint que, du moment qu'il avait été nommé à une charge publique, sa clientèle avait cessé ; ce qui n'était cependant pas tout à fait vrai, car toute magistrature ne dispense pas les clients eux-mêmes, ni leurs descendants, de leurs devoirs envers les patrons : ce privilège n'est attaché qu'aux charges qui donnent le droit de chaise curule : aussi, les premiers jours, l'affaire de Marius allait-elle mal, et les juges ne se montraient pas favorablement disposés pour lui. Cependant, contre l'attente du public, il fut absous le dernier jour, parce que les suffrages se trouvèrent partagés. Il se conduisit avec assez de modération dans sa préture.

6. En sortant de charge, il alla commander dans l'Espagne ultérieure, qu'il délivra des brigandages dont elle était le théâtre. Cette province avait encore des moeurs sauvages et barbares, et les Espagnols dans ce temps-là ne connaissaient rien de plus beau que de vivre de vols et de rapines. Revenu à Rome, il prit part aux affaires publiques ; mais il n'y apporta ni richesses, ni éloquence, deux des plus puissants moyens qu'eussent alors, pour gouverner, ceux qui avaient le plus de considération parmi le peuple. Ses concitoyens néanmoins lui ayant tenu compte de la force de son caractère, de sa constance infatigable dans les travaux, de sa manière de vivre toute populaire, il parvint bientôt aux premiers honneurs, et acquit une telle puissance, que, par l'alliance la plus honorable, il entra dans l'illustre maison des Césars ; il épousa Julie, tante de ce Jules César, qui fut dans la suite le plus grand des Romains, et qui, à raison de cette parenté, se fit gloire de rétablir les honneurs de Marius, comme nous l'avons raconté dans sa vie. (suite)

Pour plus de détails sur la guerre de Numance

ab, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
ac, conj. : et, et aussi
accendo, is, ere, di, sum : embraser, allumer, exciter, attiser
accido, is, ere, cidi : arriver
ad, prép. : + Acc. : vers, à, près de
aeque, inv. : également
Africanus, a, um : africain
amplissimus, a, um : superlatif de amplus, a, um : ample, de vaste dimensions
an, conj. : est-ce que, si (int. ind.), ou (int. double)
apud, prép. : + Acc. : près de, chez
augurium, i, n. : l'augure, la prédiction
C, = Caius, ii
, m. : abréviation.
cena, ae, f. : la cène, le repas du soir
certius, adv. : comparatif adverbial on neutre de certus, a, um : fixe, sûr, certain
Cimber, bri
, m. : Cimber, le Cimbre
consulatus, us
, m. : le consulat
cubo, as, are : être couché, allongé
cum, inv. :1. Préposition + abl. = avec 2. conjonction + ind. = quand, lorsque, comme, ainsi que 3. conjonction + subj. : alors que
deleo, es, ere, evi, etum : détruire
deus, i, m. : le dieu
dico, is, ere, dixi, dictum : dire, appeler
duo, ae, o
: deux
dux, ducis, m. : le chef, le guide
efficacius, comparatif neutre ou adverbial de efficax, acis : qui réussit, qui réalise, efficace
enim, conj. : car, en effet
eo, 1. ABL. M-N SING de is, ea, is : le, la, les, lui... ce,..; 2. 1ère pers. sing. de l'IND PR. de eo, ire 3. adv. là, à ce point 4. par cela, à cause de cela, d'autant
equester, tris, tre : équestre
et, conj. : et. adv. aussi
exulto, as, are : sauter, bondir, être dans les transports de joie
forte, adv. : par hasard
futurus, a, um, part. fut. de sum : devant être
gaudium, ii, n. : le contentement, la satisfaction, la joie, la volupté
habeo, es, ere, bui, bitum : avoir (en sa possession), tenir (se habere : se trouver, être), considérer comme
hic, haec, hoc
: adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
ille, illa, illud
: adjectif : ce, cette (là), pronom : celui-là, ...
immortalis, e : immortel
imperator, oris, m. : le général, l'empereur
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
inhaereo, es, ere, haesi, haesum : 1. rester attaché, fixé, tenir à, adhérer à 2. être inséparable
initium, ii, n. : le début, le commencement
inter, prép. : + Acc. : parmi, entre
interrogo, as, are : interroger
ipse, a, um
: (moi, toi, lui,...) même
libo, as, are : 1. détacher de 2. goûter à quelque chose 3. effleurer 4. verser, répandre en l'honneur d'un dieu 5. offrir une libation aux dieux
magnus, a
, um : grand
Marius, i,
m. : Marius
maximus, a, um : superlatif de magnus, a, um : grand
mensa, ae, f. : la table
mereo, es, ere, rui, ritum (mereri, eor, itus sum) : mériter, gagner; merere ou mereri (stipendia) : toucher la solde militaire, faire son service militaire
militaris, e : militaire
nemo, neminis : personne, nul... ne, personne
nimirum, adv. : assurément, certainement
non, neg. : ne...pas
nox, noctis, f. : la nuit
Numantia, ae, f. : Numance
nuntius, ii, m. : 1. le messager 2. la nouvelle
ominor, aris, ari : présager, augurer
orior, iris, iri, ortus sum : naître, tirer son origine, se lever (soleil)
perfectissimus, a, um : superlatif de perfectus, a, um : achevé, parfait
perpendo, is, ere, pendi, pensum : peser attentivement
possum, potes, posse, potui : pouvoir
posterior, oris : qui vient après, dernier
postquam, conj. : après que
publicus, a, um : public
qui, 1. n N.M.S ou N.M.PL. du relatif 2. idem de l'interrogatif 3. après si, nisi, ne, num = aliqui 4. Faux relatif = et ei 5. interrogatif = en quoi, par quoi
quid, 1. Interrogatif neutre de quis : quelle chose?, que?, quoi?. 2. eh quoi! 3. pourquoi? 4. après si, nisi, ne num = aliquid
quidam, quaedam, quoddam/quiddam : un certain, quelqu'un, quelque chose
quisnam, quaenam, quidnam : qui donc ?, quoi donc ?
quo, 1. Abl. M. ou N. du pronom relatif. 2. Abl. M. ou N. du pronom ou de l'adjectif interrogatif. 3. Faux relatif = et eo. 4. Après si, nisi, ne, num = aliquo. 5. Adv. =où ? (avec changement de lieu) 6. suivi d'un comparatif = d'autant 7. conj. : pour que par là
quod, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
res, rei, f. : la chose, l'événement, la circonstance, l'affaire judiciaire; les biens
respicio, is, ere, spexi, spectum : regarder derrière soi
rogus, i
, m. : le bûcher
sacrum, i, n. : la cérémonie, le sacrifice, le temple, les objets sacré
Scipio, onis, m. : Scipion
se, pron. réfl. : se, soi
septem, adj. num. : sept
si, conj. : si
speciosissimus, a, um
: superlatif de speciosus, a, um : brillant, beau
stipendium, ii, n. : 1. l'impôt 2. la solde militaire 3. (au pl.) le service militaire
sub, prép. : + Abl. : sous
sum, es, esse, fui : être
supra, adv : au dessus ; prép. + acc. : au dessus de, au delà de
suus, a, um : adj. : son; pronom : le sien, le leur
tamquam, adv. : comme, de même que, pour ainsi dire; tamquam si : comme si
totus, a, um
: tout entier
triumphus, i, m. : le triomphe (entrée solennelle à Rome d'un général victorieux)
urbs, urbis,
f. : la ville
usque, prép. : usque ad, jusqu'à
vel, adv. : ou, ou bien, même, notamment (vel... vel... : soit... soit...)
video, es, ere, vidi, visum : voir (videor, eris, eri, visus sum : paraître, sembler)
virtus, utis, f. : le courage, l'honnêteté
vix, adv. : à peine
vox, vocis, f. : 1. la voix 2. le son de la voix 3. l'accent 4. le son 5. , la parole, le mot
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