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 Sénèque

Hercule furieux.

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Je hais les étoiles : les Pléiades, Orion, Persée, Andromède, Castor et Pollux, Ariane

Illinc timendum ratibus ac ponto gregem 10
Passim uagantes exserunt Atlantides.
Fera coma hinc exterret Orion deos;
Suasque Perseus aureas stellas habet :
Hinc clara gemini signa Tyndaridae micant;
Quibusque natis mobilis tellus stetit. 15
Nec ipse tantum Bacchus, aut Bacchi parens,
Adiere superos : ne qua pars probro uacet,
Mundus puellae serta Gnossiacae gerit.
Sed uetera querimur :

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[10] Plus loin surgissent et les vagabondes filles d'Atlas, effroi des nautoniers, et le farouche Orion brandissant le fer contre les dieux mêmes; et Persée étalant les feux de sa couronne dorée. Là-bas étincellent les jumeaux Tyndarides, et le double fruit que l'errante Délos s'arrêta pour recueillir. C'est peu que la voûte céleste ait une place pour Bacchus, une place pour sa mère. De peur qu'il n'en reste une seule vide de mes opprobres, il faut qu'on voie au firmament jusqu'à la guirlande d'une fille des Crétois. Mais où vais-je rappeler de vieilles injures ? 

D'un autre côté, dans ces astres errants et redoutés des navigateurs, je reconnais les nombreuses filles d'Atlas. Ici, Orion, qui étale sou effrayante chevelure, et les étoiles d'or de Persée. Là, brillent les Gémeaux brillants, fils de Tyndare, et les enfants de Latone, dont la naissance rendit à l'île de Délos son ancienne stabilité. Ce n'était pas assez de Bacchus et de sa mère dans le séjour des dieux; pour qu'il n'y ait aucune partie du ciel exempte de cette profanation, la couronne d'Ariadne y trouve aussi sa place.
Mais ce sont là d'anciens outrages.

COMMENTAIRE

Je reconnais les nombreuses filles d'Atlas. Ce sont les Pléiades, et aussi les Hyades, selon qu'elles sont à la tête ou à la queue du Taureau. Les filles d'Atlas étaient au nombre de sept, d'autres disent au nombre de quinze. Quelques-unes d'entre elles furent aimées de Jupiter, les autres prirent soin d'élever Bacchus.

Ici, Orion, qui étale son effrayante chevelure. On trouvera, dans les Métamorphoses d'Ovide, l'histoire étrange de la naissance d'Orion. Si son nom n'avait pas été légèrement altéré, il la rappellerait très exactement :
Perdidit antiquum littera prima sonum,
[5,520] Alors les mets, alors les vases pleins de vin brillent sur la table; le cratère est d'une argile rouge et les gobelets sont de hêtre. Jupiter prononce ces mots: «Que désires-tu? dis-le; rien ne te sera refusé.» Le paisible vieillard répondit: «J'avais une épouse chérie, affection de ma première jeunesse; vous me demanderez où elle est maintenant? Une urne renferme ses cendres. «Tu seras ma seule épouse,» lui ai-je dit autrefois, et en lui faisant cette promesse solennelle, je vous ai pris à témoin de mes paroles. Tel fut mon serment, et j'y serai fidèle; pourtant je voudrais concilier [5,530] deux désirs qui me partagent, être père, sans être époux. Les dieux accueillent sa demande; ils se placent tout près de la peau du boeuf; mais la pudeur ne permet pas que j'achève.... Cette peau ainsi humectée, ils la recouvrent de terre; dix mois s'écoulent, et un enfant est né.
[5,535] Hyriée, pour rappeler à quel prodige il doit sa naissance, l'appelle Urion. Un autre son, à la longue, a remplacé la première lettre du mot. L'enfant devient d'une taille énorme; Diane le prend avec elle; il est le gardien, il est le satellite de la déesse. Mais c'est assez d'une parole irréfléchie pour éveiller le courroux des dieux. [5,540] «Il n'est aucune bête, dit un jour Orion, dont je ne puisse triompher.» Tellus fait paraître un scorpion qui soudain ose dresser ses dards recourbés contre la mère des deux jumeaux immortels. Orion la protége de son corps; Latone le place au milieu des astres éclatants, «Que ton dévouement, lui dit-elle, reçoive de moi cette récompense!»

dit Ovide, Fast., V. 536. Urion a fait Orion. Urion vient de
oïron, urine. Un commentateur, Delrieu, trouve que Sénèque ne fait point mal de compter Orion parmi les objets de la jalousie de Junon ; la raison, il faut la laisser en latin : Juno pro zelotypia sua dolet decessisse sibi quidquid corio taurino obtigit. C'est une explication qu'il ne faut admettre que faute d'une meilleure.

Les étoiles d'or de Persée. Persée était fils de Jupiter et de Danaé (voyez HORACE, liv. III, ode 16). Il fut placé dans le ciel parmi les constellations septentrionales, avec Andromède son épouse, Cassiopée et Céphée. Les étoiles d'or, dont il est question ici, rappellent très vraisemblablement la pluie d'or qui combla les voeux de Jupiter :
Fore enim tutum iter et patens 
Converso in pretium deo 
En effet, un chemin large et sûr devait s'ouvrir à un Dieu changé en or.
Autrement il faudrait ne voir dans aureas qu'une épithète assez commune en poésie. Toutes les étoiles sont d'or, dans un sens poétique :
J'avais maudit le ciel et ses étoiles d'or,
a dit un poète.

Les Gémeaux brillants. Castor et Pollux, fils de Jupiter et de Léda fille de Tyndare. Du reste ils n'étaient point morts au temps d'Hercule ; et l'on pourrait dire que Sénèque a tort de les mettre déjà dans le ciel. C'est une licence qu'il faut lui pardonner, puisqu'elle est poétique. 

Et les enfants de Latone. Apollon et Diane, le Soleil et la Lune. 

Dont la naissance rendit à l'île de Délos son ancienne stabilité. Ceci n'est pas très clair, en voici l'explication : Latone, fille du titan Coeus et de Phoebé sa soeur, suivant Hésiode, ou fille de Saturne, suivant Homère, fut aimée de Jupiter. Junon, dans sa jalousie, voulut qu'elle ne trouvât aucune terre stable pour accoucher. Neptune rendit flottante l'île de Délos, où elle mit au monde Apollon et Diane. 

La couronne d'Ariadne y trouve aussi sa place. Ariadne était fille de Minos, roi de Crète, et de Pasiphaé. Elle aima Thésée, qui l'abandonna dans l'île de Naxos, où elle fut aimée de Bacchus (voyez le poème de Catulle, sur les noces de Thétis et de Pélée). Par la couronne dont il s'agit ici , il faut entendre celle que lui donna Vénus, etc.

 

VOCABULAIRE

ac, conj. : et, et aussi
adeo, is, ire, ii, itum : aller à, vers
Atlantis, idis, f. : Atlantide
aureus, a, um : d'or
aut, conj. : ou, ou bien
Bacchus, i, m. : Bacchus
clarus, a, um : - 1 - clair, éclatant, brillant. - 2 - clair, sonore. - 3 - clair, intelligible, distinct, manifeste, évident, connu. - 4 - illustre, distingué, renommé, célèbre.
coma, ae, f. : la chevelure, les cheveux
deus, i, m. : le dieu
exsero, is, ere, exserui, exsertum : tirer dehors, mettre dehors, sortir (qqch), mettre à découvert, montrer, produire, dévoiler.
exterreo, es, ere, terrui, territus : épouvanter
ferus, a, um : sauvage
geminus, a, um : jumeau
gero, is, ere, gessi, gestum : tr. - 1 - porter, qqf. transporter. - 2 - produire, enfanter. - 3 - au fig. porter, contenir, avoir en soi, entretenir (un sentiment). - 4 - faire (une action); exécuter, administrer, gouverner, gérer, conduire, exercer; au passif : avoir lieu. - 5 - passer (le temps). - 6 - avec ou sans se : se conduire, se comporter; jouer le rôle de, agir en.
Gnossiacus, a, um : de Gnosse, de Crète
grex, gregis, m. : 1 - le troupeau (de menu bétail). - 2 - le troupeau, la troupe (d'animaux). - 3 - la troupe (d'hommes), la bande, la réunion. - 4 - la troupe (d'acteurs). - 5 - le choeur (des Muses). - 6 - le troupeau (des fidèles), les ouailles. - 7 - la foule, le vulgaire.
habeo, es, ere, bui, bitum : avoir (en sa possession), tenir (se habere : se trouver, être), considérer comme
hinc, adv. : d'ici
illinc, adv. : de là, par là
ipse, a, um : (moi, toi, lui,...) même
mico, as, are, cui, - 1. s'agiter, tressaillir 2. pétiller, scintiller
mobilis, e : mobile, déplacé, flexible
mundus, i, m. : le monde, le firmament; les objets de toilettes, les ornements, les instruments (mundus, a, um : propre)
nascor, eris, i, natus sum : 1. naître 2. prendre son origine, provenir
natus, a, um : formé par la naissance, né pour, àgé de (natus, i, m. : le fils)
ne, 1. adv. : ... quidem : pas même, ne (défense) ; 2. conj. + subj. : que (verbes de crainte et d'empêchement), pour que ne pas, de ne pas (verbes de volonté) 3. adv. d'affirmation : assurément 4. interrogatif : est-ce que, si
nec, adv. : et...ne...pas
Orion, ionis, f. : Orion (constellation)
parens, entis, m. : le père ou la mère, le parent, le grand-père
pars, partis, f. : la partie, le côté
passim, adv. : en s'éparpillant; en tous sens; à la débandade, pêle-mêle, indistinctement
Perseus, i, m. : Persée (roi de Macédoine - fils de Jupiter - constellation)
pontus, i, m. : la haute mer, la mer (Pontus, i, m. : le Pont)
probrum, i, n : la turpitude, l'adultère, l'inceste, la honte, l'infamie, l'insulte, les outrages
puella, ae, f. : la fille, la jeune fille
qua, 1. ablatif féminin singulier du relatif. 2. Idem de l'interrogatif. 3. après si, nisi, ne, num = aliqua. 4. faux relatif = et ea 5. adv. = par où?, comment?
queror, eris, i, questus sum : - tr. - se plaindre de, déplorer, pleurer sur, gémir sur (qqch, aliquid, de aliqua re), faire entendre des plaintes, se plaindre en justice
quibus, 1. datif ou ablatif pluriel du relatif 2. Idem de l'interrogatif 3. faux relatif = et eis 4. après si, nisi, ne, num = aliquibus
ratis, is, f. : le radeau, le navire
sed, conj. : mais
sero, is, ere, seui, satum : semer, engendrer; is, ere, ui, sertum : unir, attacher
signum, i, m : 1 - la marque, le signe, l'empreinte. - 2 - le sceau, le cachet. - 3 - la marque (qui fait reconnaître), le signe, l'indice, la preuve. - 4 - le signe, le présage, le pronostic; le symptôme. - 5 - le signe, le geste. - 6 - le signal (militaire), le signe de ralliement, le point de repère. - 7 - le mot d'ordre, la consigne, l'ordre. - 8 - l'enseigne, l'étendard, le drapeau. - 9 - la statue. - 10 - le signe (du zodiaque), la constellation.
stella, ae, f. : l'astre, l'étoile
sto, as, are, steti, statum : - intr. - a - être debout, se tenir droit, se dresser, être d'aplomb. - b - rester en place, être immobile, être fixe, être au repos, séjourner, stationner, s'arrêter, prendre fin. - c - être solide, être en bon état, être sur un bon pied, durer, subsister, se maintenir, prospérer. - d - être (en parl. d'un état permanent). - e - être à son poste (comme domestique); assister (en justice); être sous les armes, combattre pour, soutenir, être aux côtés de, être du parti de, être favorable à. - f - rester en place, ne pas reculer, tenir bon, résister, tenir tête. - g - s'appuyer sur, ne pas s'écarter de, persévérer, s'attacher, s'en rapporter, s'en tenir à. - h - être fixé, être décidé, être arrêté, être résolu. - i - être composé de, consister en. - j - dépendre de, reposer sur, ne tenir qu'à. - k - coûter.
sum, es, esse, fui : être
superus, a, um : qui est au dessus ; Superi : les dieux; supera, orum : les corps supérieurs, célestes
suus, a, um : son
tantum, adv. : tant de, tellement ; seulement
tellus, uris, f. : la terre, le sol, le terrain, le pays
timendus, a, um : redoutable
Tyndarida, ae (m): (toujours au pluriel) les fils de Tyndare (Castor et Pollux)
vaco, as, are : 1. être vide, libre, inoccupé, sans, exempt 2. être inoccupé, oisif 3. le temps ne manque pas
vagor, aris, ari : aller à l'aventure, errer, se répandre en tous sens
vetus, eris : a - vieux, âgé, qui dure depuis longtemps. - b - vieux, ancien, antique, d'autrefois, antérieur, précédent. - veteres, um, m. : - a - les anciens, l'antiquité. - b - les anciens, les aïeux, les ancêtres. - c - les anciens, les vieillards, les personnes âgées. - d - les écrivains d'autrefois.