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PERSE
PERSE
SATIRE IV
Oeuvre numérisée par Marc
Szwajcer
SATURA IV / SATIRE IV
(éd.
Jules Lacroix)
SATIRA IV.
IN PRINCIPUM SUPERBIAM,
LIBIDINEM ET INSCITIAM.
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SATIRE IV.
CONTRE L’ORGUEIL, LA DEBAUCHE ET L’INCAPACITE DES PRINCES.
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Rem populi tractas! (barbatum hoc
crede
magistrum
Dicere, sorbitio tollit quem dira cicutæ.)
Quo fretus? die hoc, agni pupille
Pericli !
Scilicet ingenium et rerum prudentia velox
5 Ante
pilos venit? dicenda tacendaque calles?
Ergo, ubi commota fervet plebecula
bile,
Fert animus calidæ fecisse silentia turbæ
Majestate manus! Quid deinde loquere? «
Quirites,
Hoc, puto, non justum est; illud male; rectius illud. »
10 Scis
etenim justum gemina suspendere lance
Ancipitis libræ; rectum discernis, ubi inter
Curva subit, vel quum fallit pede regula varo;
Et potis es nigrum vitio præfigere
theta.
Quin tu igitur, summa
nequidquam pelle decorus,
15 Ante
diem, blando caudam jactare popello
Desinis,
Anticyras melior sorbere meracas? |
Tu
gouvernes l’État! (Crois entendre le sage
Qui but jadis la mort, sans changer de visage.)
Dis, pupille arrogant du fameux Périclès,
Chez toi l’expérience, avant les poils follets,
Vint précoce ? et tu sais ce qu’il faut dire ou taire?
Quand une populace, émue et volontaire,
Gronde.., majestueuse, aux rebelles ta main
Commande le silence! Alors: « Peuple romain,
C’est injuste; c’est mal; non, point de violence !...»
Car ton bras, suspendant la douteuse balance,
Sait peser la justice; et tu suis d’un œil sûr
Le vrai, qui dans le faux va se confondre obscur;
Du noir thêta de mort tu peux marquer le vice!...
Mais soyons francs: tu n’es qu’un fat! un fat novice
Qui se pavane aux yeux de la plèbe sans cœur!
D’Anticyre plutôt bois pure la liqueur! |
Quæ tibi sumina boni est? uncla
vixisse patella
Semper, et assiduo curata
cuticula sole...
Exspecta: haud aliud respondeat hæc anus. I nunc
20
Dinomaches ego sum!
suffla. Sum candidus! Esto,
Dum ne deterius sapiat pannucea Baucis,
Quum bene discincto cantaverit ocima vernæ. |
Parfumer au soleil ma peau brillante et lisse;
Bien souper : c’est, dis-tu, le suprême délice!
Comme toi parlerait cette vieille en lambeau.
— Ma mère est Dinomache! — Enfle-toi. — Je suis beau!
Soit! Mais plus sage encor la Baucis rabougrie
Qui vante à ce vaurien les herbes qu’elLe crie! |
Ut nemo in sese tentat
descendere, nemo!
Sed præcedenti spectatur mantica tergo. |
Pas un
homme, pas un n’ose descendre en lui;
Mais comme on sait bien voir la besace d’autrui! |
25
Quæsieris: « Nostin’
Vectidi prædia? — Cujus?
Dives arat Curibus
quantum non milvus oberret:
Hunc ais? hunc, dis iratis Genioque sinistro,
Qui, quandoque
jugum pertusa ad compita figit,
Seriolæ veterem metuens deradere limum,
30
Ingemit : Hoc bene sit! tunicatum cum sale mordens
Cœpe; et, farratam, pueris plaudentibus, ollam,
Pannosam fæcem morientis sorbet aceti. » |
Dis,
connais-tu les champs de Vectide — « Un domaine
Que le vol d’un milan traverserait à peine ?...
Cet ennemi des dieux, — Lorsque dans les grands jours
Il suspend la charrue au fond des carrefours,
— Débouchant à regret un flacon vieux et sale,
Soupire, et dit: Buvons! puis mord l’oignon qu’il sale;
Sert aux valets joyeux un brouet trop vanté,
Et boit le reste épais d’un vinaigre éventé.» |
At si unctus cesses, et figas in cute
solem,
Est prope te ignotus, cubito qui tangat, et acre
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Despuat in mores,
penemque arcanaque lumbi
Runcantem, populo marcentes pandere vulvas.
Tu quum maxillis balanatum gausape pectas,
Inguinibus quare detonsus gurgulio exstat?
Quinque palæstritæ licet hæc plantaria vellant,
40
Elixasque nates labefactent forcipe adunca,
Non tamen ista felix ullo mansuescit aratro. |
Bien!
mais lorsque ta peau dans les parfums se noie
Et se chauffe au soleil, ton voisin te coudoie,
Et, conspuant tes mœurs, il te montre étalé,
Tourmentant sous le fer ton bas-ventre épilé !...
Tu cultives le poil qui couvre ton visage:
Pourquoi donc l’extirper ailleurs? Pour quel usage ?
— Mais en vain cinq lutteurs arrachent ce gazon:
Sous la pince mordante il repousse à foison.
Nul soc ne vient à bout de cette herbe rebelle! |
Cædimus, inque vicem præbemus
crura sagittis
Vivitur hoc pacto. Sic novimus : ilia subter
Cæcum vulnus habes; sed lato
balteus auro
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Prætegit. Ut mavis, da verba, et decipe nervos,
Si potes. — Egregium quum me vicinia dicat,
Non credam? — Viso si palles, improbe, nummo;
Si facis in penem quidquid tibi venit amarum;
Si puteal multa cautus
vibice flagellas,
50
Nequidquam populo bibulas donaveris aures.
Respue quod non es; tollat sua munera cerdo:
Tecum habita : et noris, quam sit tibi curta
supellex. |
On
frappe, on est frappé soi-même de plus belle:
Voilà, voilà le monde! Et nous savons encor
Qu’un ulcère est caché sous ton baudrier d’or.
Ainsi, trompe tes nerfs, et donne-nous le change.
Quand tout le voisinage entonne ma louange,
J’y crois. — A tort!... Pervers, si l’or te fait pâlir;
Des excès les plus vils si tu peux te salir;
Si, le fouet à la main, contre nous tu te rues,
Ton oreille en vain s’ouvre aux éloges des rues.
Rejette au portefaix son lâche compliment !...
Habite en toi: connais ton pauvre ameublement! |
NOTES DE
LA SATIRE IV.
Cette satire a
beaucoup de rapport avec un dialogue de Platon, intitulé le Second Alcibiade.
Sous le nom de Socrate, Perse gourmande un jeune présomptueux qui ose se
mêler du gouvernement de la république. Il est à peu près certain que, dans la
personne d’Alcibiade, le poète a voulu représenter Néron jeune encore, et
commençant à donner des signes de sa perversité naturelle.
Dans cette satire
allégorique, Perse flétrit l’ignorance, la folle présomption et les débauches du
jeune empereur, qui prélude par des vices aux crimes dont il va bientôt se
souiller. Mais lorsque Perse écrivait cette satire, Néron n’était encore ni
fratricide ni parricide.
Ceux qui ne
voudraient pas voir dans ces vers une allégorie contre Néron doivent pourtant
faire quelque attention à certains mots jetés çà et là,
Fectidius, Curibus,
Puteal,
et surtout
Quiriles,
qui ne permettent pas de douter que la scène ne se passe à Rome. Le pupille du
grand Périclès ne peut être que le disciple de Sénèque.
V. 1.
Magistrum.
—
Il s’agit de Socrate.
V. 3.
Pupille Pericli.
—
Alcibiade, fils de Clinias et de Dinomaque.
V. 6.
Ergo, ubi commota,
etc.
— C’est une fort
belle imitation du magnifique passage de l’Enéide (livre I, vers 147)
Ac veluti
magno in populo quum sape coorta est
Seditio, etc.. etc.
V. 8.
Quirites.
—
Perse oublie à dessein que la scène est dans Athènes, et il se sert du mot
Quirites, fils de Romulus.
V. 13.
Theta.
— Le
thêta
est la première lettre du mot
θάνατος la mort. Chez les
Grecs, quand on prononçait une condamnation capitale, le nom du coupable était
marqué d’un
thêta.
V. 16.
Anticyras.
—Mot à mot, tu ferais mieux de boire des anticyres toutes pures.
Anticyros est le nom de deux îlots, situés près des côtes de Thessalie: ils
produisaient beaucoup d’ellébore, plante dont on faisait un grand usage en
médecine.
V. 18.
Cuticula sole.
— Les Romains, par
hygiène, mais plus souvent par mollesse, se frottaient le corps d’essences,
exposés au soleil. C’est ce qu’ils appelaient
insolatio.
Nous voyons, dans
Pline, que Néron n’avait pas de plus agréables passe-temps.
V. 20.
Dinomaches.
—
Alcibiade, qui prétendait, suivant Plutarque, descendre d’Ajax par sa mère, ne
vante ici que sa noblesse maternelle. Mais ce trait piquant retombe sur Néron,
qui ne tenait à la famille des Césars, à la famille
Claudia, que par sa mère Agrippine, fille de Germanicus.
V. 25.
Vectidi.
— Quel est ce
Vectidius?
Les commentateurs ne donnent là-dessus aucune lumière. Qu’il nous suffise de
savoir que Perse a voulu mettre en scène quelque riche d’une avarice sordide.
V. 26.
Quantum non milvus.
—Juvénal, sat. IX, v. 55, dit de même:
Tot
milvos intra tua pascua lassos.
V. 28.
Jugum
pertusa ad compita.
— Il y avait, dans les
carrefours, des autels et de petites chapelles a quatre faces ou à quatre
ouvertures (pertusa).
Il était d’usage, chez les anciens, de suspendre, aux jours de fêtes, les
instruments de labourage à l’autel du carrefour. On nommait ces fêtes
Compitales.
V. 35.
Penemque,
etc.
—Je n’ai pas cru
avoir le droit d’omettre ces détails, malgré leur obscénité. Le traducteur doit
reproduire scrupuleusement son original, ou ne pas y toucher.
V. 42.
Cædimus.
Horace, liv. II, épit. ii, v. 97:
Cædimur,
et totidem plagis consumimus hostein
V. 44.
Cæcum culnus habes.
—
Expression métaphorique qui veut dire: Tu caches tes vices sous des
dehors brillants. Mais peut-être ce langage doit-il se prendre au propre, et
désigner Néron, qui, dans ses courses nocturnes, maltraitait les passants, et se
faisait souvent maltraiter lui-même.
V. 49.
Vibice
flagellas.
—Suétone,
dans la vie de Néron, s’étend beaucoup sur les violences auxquelles cet empereur
se livrait dans les rues de Rome. Mais comme, dans ces honteuses expéditions, il
avait plusieurs fois manqué de périr, il ne sortait plus, la nuit, qu’avec une
nombreuse escorte, toujours prête à lui porter secours.
V. 52.
Supellex.
— Cette expression figurée, l’ameublement de l’âme, de l’esprit, est très
usitée chez les auteurs latins. Cicéron,
de Amicitia:
« Amicos
parare, optimam et pulcherrimam vitæ supellectilem.
»
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