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table des matières de DIOGENE LAERCE

Diogène Laërce

 

 

Thalès

 

 

Préface      Solon

texte grec

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LIVRE PREMIER.

Thalès.

[22] Hérodote, Duris et Démocrite disent que Thalès naquit d'Examius et de Cléobuline, qui était issue des Thélides, famille fort illustre parmi les Phéniciens, selon Platon, qui fait descendre cette maison de Cadmus et d'Agénor. Thalès est le premier qui porta le nom de sage ; il florissait lorsque Damasias était archonte d'Athènes; et ce fut aussi dans ce temps-là que les autres sages furent ainsi nommés, comme le rapporte Démétrius de Phalère dans son Histoire des Archontes.
Ce philosophe ayant suivi Nilée à son départ de Phénicie, son pays natal, obtint à Milet le droit de bourgeoisie; d'autres conjecturent pourtant qu'il y prit naissance d'une maison noble du lieu.

[23] Après avoir vaqué aux affaires de l'état, il résolut de consacrer tous ses soins à la contemplation de la nature. Quelques uns croient qu'il n'a laissé aucun ouvrage à la postérité. On le fait auteur de l'Astrologie marine, mais on est redevable de cet ouvrage à Phocus de Samos. Callimaque lui attribue dans ses vers d'avoir fait connaître la petite Ourse. Il dit qu'il

« remarqua la constellation du Chariot, qui sert de guide aux Phéniciens dans leur navigation. »

D'autres, qui croient qu'il a écrit quelque chose, lui attribuent seulement deux traités, l'un sur le solstice et l'autre sur l'équinoxe, persuadé qu'après ces deux objets difficiles à développer, il n'en restait plus que de faciles à concevoir. Quelques uns, entre autres Eudème dans son Histoire de l'Astrologie, le font passer pour avoir frayé la route des secrets de cette science, personne avant lui n'ayant encore prédit les éclipses du soleil, ni le temps où il est dans les tropiques. Ils ajoutent que ce fut là le motif de l'estime particulière qu'Hérodote et Xénophane conçurent pour lui ; ce qui est confirmé par Héraclite et Démocrite.

[24] Chérillus le poète et d'autres disent qu'il a enseigné le premier l'immortalité de l'âme. Ceux qui veulent qu'il donna les premières notions du cours du soleil ajoutent qu'il observa que la lune, comparée à la grandeur de cet astre, n'en est que la sept cent vingtième partie. On dit aussi qu'il donna le premier le nom de trigésime au trentième jour du mois, et qu'il introduisit l'étude de la nature.
Aristote et Hippias disent qu'il croyait les choses inanimées douées d'une âme, se fondant sur les phénomènes de l'ambre et de l'aimant. Pamphila rapporte qu'il étudia les éléments de la géométrie chez les Egyptiens, et qu'il fut le premier qui décrivit le triangle rectangle dans un demi-cercle, en reconnaissance de quoi il offrit un bœuf en sacrifice. [25] D'autres, du nombre desquels est Apollodore le calculateur, attribuent cela à Pythagore. Mais ce fut lui qui porta plus loin les découvertes d'Euphorbe Phrygien, dont Callimaque parle dans ses vers, savoir l'usage du triangle scalène, et ce qui regarde la science des lignes.
Thalès fut aussi utile à sa patrie par les bons conseils qu'il lui donna. Crésus recherchant avec empressement l'alliance des Milésiens , le philosophe empêcha qu'elle ne lui fût accordée ; ce qui, lorsque Cyrus eut remporté la victoire, tourna au bien de la ville. Héraclide suppose à Thalès de l'attachement pour la solitude et pour la vie retirée.

[26] Les uns lui donnent une femme, et un fils qu'ils nomment Cibissus; les autres disent qu'il garda le célibat et adopta un fils de sa sœur, et que quelqu'un lui ayant demandé pourquoi il ne pensait point à avoir des enfants, il répondit « que c'était parce qu'il ne les aimait pas. »
On raconte aussi que, pressé par les instances de sa mère de se marier, il lui dit « qu'il n'en était pas encore temps; » et que comme elle renouvelait ses instances lorsqu'il fut plus avancé en fige, il lui répondit « que le temps en était passé. » Jérôme de Rhodes, dans le premier livre de ses Commentaires, rapporte que Thalès voulant montrer la facilité qu'il y avait de s'enrichir, et prévoyant que la récolte des olives serait abondante, il prit à louage plusieurs pressoirs d'olives, dont il retira de grosses sommes d'argent.

[27] Ce philosophe admettait l'eau pour principe de toutes choses. Il soutenait que l'univers était animé et rempli d'esprits. On dit qu'il divisa l'année en trois cent soixante-cinq jours, et qu'il la subdivisa en quatre saisons.
Il n'eut jamais de précepteur, excepté qu'il s'attacha aux prêtres d'Égypte. Jérôme de Rhodes rapporte qu'il connut la hauteur des Pyramides par l'observation de leur ombre, lorsqu'elle se trouve en un même point d'égalité avec elles. Myniès dit qu'il était contemporain de Thrasybule, tyran de Milet.

[28] On sait l'histoire du trépied trouvé par des pêcheurs, et offert aux sages par les Milésiens. Voici comme on la raconte. Des jeunes gens d'Ionie achetèrent de quelques pêcheurs ce qu'ils allaient prendre dans leurs filets. Ceux-ci tirèrent de l'eau un trépied, qui fit le sujet d'une dispute ; pour la calmer, ceux de Milet envoyèrent à Delphes consulter l'oracle:

« Peuple qui venez prendre mon avis, répondit le dieu, j'adjuge le trépied au plus sage. »

En conséquence on le donna à Thalès, qui le remit à un autre, et celui-ci à un troisième,  jusqu'à ce qu'il parvint à Solon, qui renvoya le trépied à Delphes, en disant qu'il n'y avait point de sagesse plus grande que celle de Dieu. Callimaque conte cette histoire autrement, et selon qu'il l'avait entendu réciter à Léandre de Milet. Il dit qu'un nommé Batyclés, originaire d'Arcadie, laissa une fiole, en ordonnant qu'elle fût donnée au plus sage ; qu'on l'offrit à Thalès, et qu'après avoir circulé en d'autres mains, elle lui revint, [29] ce qui l'engagea à en faire alors présent à Apollon Didymien, avec ces mots que Callimaque lui fait dire dans ses vers :

Je suis le prix que Thalès reçut deux fois, et qu'il consacra à celui qui préside sur le peuple de Nélée.

Ces vers rendus en prose signifient que Thalès, fils d'Examius, natif de Milet, après avoir reçu deux fois ce prix des Grecs, le consacre à Apollon Delphien (01). Éleusis dans son Achille, et Alexon de Mynde dans le neuvième livre de ses Fables, conviennent que le fils de Batyclès, qui avait porté la fiole de l'un à l'autre, s'appelait Thyrion.
Eudoxe de Cnide et Évantes de Milet prétendent qu'un confident de Crésus reçut de ce prince un vase d'or pour le donner au plus sage des Grecs; que le commissionnaire le présenta à Thalès;

[30] qu'ensuite il vint à Chilon; et que celui-ci, consultant Apollon pour savoir qui le surpassait en sagesse, l'oracle répondit que c'était Myson, qu'Eudoxe prend pour Cléobule, et Platon pour Périandre. Nous parlerons de lui dans la suite. Au reste, telle fut la réponse du dieu :

« C'est Myson de Chénée, du mont Œta, qui te surpasse en sublimité de génie. »

Anacharsis était celui qui avait consulté l'oracle au nom de Chilon. Démacus, platonicien, et Cléarque, disent que Crésus adressa la fiole à Pittacus, et qu'elle passa ainsi d'une main dans l'autre.
Mais Andron, en parlant du trépied, dit que les Grecs le proposèrent au plus sage d'entre eux, comme une récompense due à la vertu; qu'Aristodème de Sparte fut jugé digne de le recevoir, et qu'il ne l'accepta que pour le céder à Chilon. [31] Alcée touche aussi quelque chose d'Aristodème. Sparte, dit-il, tient de lui cette belle maxime ;

« Que l'homme vertueux n'est jamais pauvre, et que la vertu est un fonds inépuisable de richesses. »

Une autre relation nous instruit que Périandre ayant fait partir un vaisseau chargé pour Thrasybule, tyran de Milet, le vaisseau échoua vers l'ile de Cos, et que quelques pêcheurs y trouvèrent le trépied. Phanodicus prétend qu'il fut pêché sur les côtes de la mer Attique, qu'on le transporta dans la ville, et qu'on y rendit un arrêt par lequel il fut ordonné qu'il serait envoyé à Bias. [32] Nous en expliquerons la raison, lorsque nous aurons occasion de parler de ce philosophe.

D'autres veulent que le trépied fut l'ouvrage de Vulcain, qui le donna à Pélops, lorsque celui-ci se maria ; qu'ensuite Ménélas en fut possesseur ; que Pâris l'enleva avec Hélène; que cette Lacédémonienne le jeta dans la mer de Cos, disant qu'il en proviendrait des querelles; qu'ensuite quelques Lébédiens ayant fait prix pour un coup de filet, les pécheurs attrapèrent le trépied ; qu'une dispute s'étant élevée entre les vendeurs et les acheteurs, ils allèrent à Cos; et que, n'ayant pu venir à bout d'y terminer leur différend, ils portèrent le trépied à Milet, qui était la capitale du pays; que les habitants députèrent à Cos pour régler l'affaire, mais que les députés revinrent sans avoir rien conclu; que le peuple, indigné d'un mépris si marqué, prit les armes contre ceux de Cos; qu'enfin, comme on perdait beaucoup de monde de part et d'autre, l'oracle décida qu'il fallait donner le trépied au plus sage; que, par déférence pour cette décision, les deux partis consentirent qu'il resterait à Thalès, qui, après qu'il eut circulé dans quelques mains, le voua à Apollon Didyméen.

[33] La réponse que l'oracle avait faite aux insulaires de Cos portait :

« Que les Ioniens ne cesseraient d'avoir guerre avec les habitants de Mérope, jusqu'à ce qu'ils envoyassent le trépied doré forgé par Vulcain, et tiré du sein de la mer, à celui qui serait capable de connaître par sa sagesse le présent, le passé et l'avenir. »

Nous avons transcrit ailleurs la substance de la réponse faite aux Milésiens; en voilà assez sur ce sujet..
Hermippe, dans ses Vies, applique à Thalès ce que l'on attribue à Socrate, qu'il remerciait la fortune de trois choses : la première, « de l'avoir fait naître un être raisonnable plutôt qu'une brute; la seconde, de l'avoir fait homme plutôt que femme; la troisième, de l'avoir fait naître en Grèce plutôt que dans un pays étranger.»
[34] On raconte de lui qu'un soir, sortant de la maison, conduit par une vieille femme, il tomba dans un creux pendant qu'il regardait les étoiles; et que s'étant plaint de cet accident, la vieille lui dit : «Comment pouvez-vous, Thalès, espérer de voir et de comprendre ce qui est au ciel, vous qui n'apercevez pas ce qui est à vos pieds? » Timon parle aussi de son amour pour l'astronomie, et le loue dans ses Poésies bouffonnes, où il dit :

« Tel que fut Thalès, savant astronome, et l'un des sept sages. »

Lobon d'Argos compte deux cents vers de sa composition sur l'astronomie, et rapporte ceux-ci, qu'on lisait au-dessous de sa statue :

C'est ici Thalès, dans la personne duquel Milet l'Ionienne, qui l'a nourri, a produit le plus grand des hommes par son savoir dans l'astrologie.

[35] Voici des pensées qu'on lui attribue :

« Le flux de paroles n'est pas une marque d'esprit. Êtes-vous sages, choisissez une seule chose, un objet digne de votre application; par là vous ferez taire beaucoup de gens qui n'ont que la volubilité de la langue en partage. »

Les sentences suivantes sont encore de lui :

« Dieu est le plus ancien des êtres, n'ayant jamais été engendré.
Le monde est de toutes les choses la plus magnifique, puisqu'il est l'ouvrage de Dieu ;
l'espace, la plus grande, parce qu'il renferme tout;
l'esprit, la plus prompte, vu qu'il parcourt l'étendue de l'univers;
la nécessité, la plus forte, n'y ayant rien dont elle ne vienne à bout;
le temps, la plus sage, parce qu'il découvre tout ce qui est caché.

Il disait que la vie n'a rien qui la rende préférable à la mort. Quelle raison vous empêche donc de mourir? lui dit-on. Cela même, dit-il, que l'un n'a rien de préférable à l'autre. [36] Quelqu'un lui ayant demandé lequel avait précédé de la nuit ou du jour, il répondit que la nuit avait été un jour avant. Interrogé si les mauvaises actions échappaient à la connaissance des dieux : Non, répliqua-t-il, pas même nos pensées les plus secrètes. Un homme convaincu d'adultère lui demanda s'il ne pourrait pas couvrir ce crime par un parjure. Que vous semble? lui répondit-il. Le parjure ne serait-il pas encore quelque chose de plus énorme? Requis de s'expliquer sur ce qu'il y avait de plus difficile, de plus aisé et de plus doux dans le monde, il répondit que le premier était de se connaitre soi-même, le second de donner conseil, et le troisième d'obtenir ce qu'on souhaite. Il définit Dieu un être sans commencement et sans fin. On lui attribue aussi d'avoir dit qu'un vieux tyran est ce qu'il y a de plus rare à trouver; que le moyen de supporter les disgrâces avec moins de douleur, c'est de voir ses ennemis encore plus maltraités de la fortune; que le moyen de bien régler sa conduite est d'éviter ce que nous blâmons dans les autres; [37] qu'on peut appeler heureux celui qui jouit de la santé du corps, qui possède du bien, et dont l'esprit n'est ni émoussé par la paresse, ni abruti par l'ignorance; qu'il faut toujours avoir pour ses amis les mêmes égards, soit qu'ils soient présents ou absents; que la vraie beauté ne consiste point à s'orner le visage, mais à s'enrichir l'âme de science. N'amassez pas de bien par de mauvaises voies, disait-il encore. Ne vous laissez pas exciter par des discours contre ceux qui ont eu part à votre confiance, et attendez-vous à recevoir de vos enfants la pareille de ce que vous aurez fait envers vos père et mère.»
Le Nil mérita aussi son attention. Il dit que les débondements de ce fleuve étaient occasionnés par des vents contraires qui revenaient tous les ans, et faisaient remonter les eaux.

Apollodore, dans ses Chroniques, fixe la naissance de Thalès à la première année de la trente-cinquième olympiade. [38] Il mourut à la soixante-dix-huitième année de son âge, ou à la quatre-vingt-dixième, comme dit Sosicrate, qui place sa mort dans la cinquante-huitième olympiade. Il vécut du temps de Crésus, à qui il promit de faire passer sans pont la rivière d'Halys, en détournant son cours.
Démétrius de Magnésie parle de cinq autres personnes qui ont porté le nom de Thalès; d'un rhéteur de Célante qui était fort affecté; d'un peintre de Sicyone fort ingénieux; d'un troisième très ancien, et contemporain, ou peu s'en faut, d'Hésiode, d'Homère, de Lycurgue; d'un quatrième cité par Duris, dans son livre de la Peinture; d'un cinquième plus récent, mais peu connu, et dont parle Denis dans ses Critiques.

[39] Thalès le sage assistait aux jeux de la lutte lorsque la chaleur du jour, la soif et les infirmités de la vieillesse lui causèrent tout d'un coup la mort; on mit cette inscription sur son tombeau :

Autant que le sépulcre de Thalès est petit ici-bas, autant la gloire de ce prince des astronomes est grande dans la région étoilée.

Nous avons aussi fait ces vers sur son sujet dans le premier livre de nos Épigrammes, écrites en vers de toutes sortes de mesures :

Pendant que Thalès est attentif aux jeux de la lutte, Jupiter l'enlève de ce lieu. Je loue ce dieu d'avoir approché du ciel un vieillard dont les veux, obscurcis par l'âge, ne pouvaient plus envisager les astres de si loin.

[40] C'est de lui qu'est cette maxime : « Connais-toi toi-même; » maxime qu'Antisthène dans ses Successions attribue à Phémonoé, en accusant Chilon de se l'être injustement appropriée.

Il ne sera pas hors de propos de rapporter ici ce qu'on dit des sept sages en général. Damon de Cyrène n'épargne aucun des philosophes dont il a composé l'histoire, et ceux-ci encore moins que les autres. Anaximène les reconnaît tout au plus pour poètes. Dicéarque leur refuse la qualité de sages et l'esprit de philosophes; il ne leur accorde que le bon sens et la capacité de législateurs. Archétime de Syracuse a fait un recueil de leur conférence avec Cypselus, et dont il dit avoir été témoin. Euphore dit qu'excepté Thalès, ils se sont tous trouvés chez Crésus ; et s'il en faut croire quelques autres, il y a apparence qu'ils s'assemblèrent à Panionie (02), à Corinthe et à Delphes.
[41] A l'égard de leurs maximes, les sentiments sont aussi partagés; on attribue aux uns ce qui passe pour avoir été dit par d'autres. On varie, par exemple, sur l'auteur de cette sentence

«Le sage Chilon de Lacédémone a dit autrefois : Rien de trop; tout plaît lorsqu'il est fait à propos. »

On n'est pas plus d'accord sur le nombre des sages que sur leurs discours : Léandre substitue Léophante Corsiade, Lébédien ou Éphésien, et Épiménide de Crète, à Cléobule et à Myson; Platon, dans son Protagore, met Myson à la place de Périandre; Euphore transforme Myson en Anacharsis; et d'autres ajoutent Pythagore aux autres sages. Dicéarque parle d'abord de quatre, que tout le monde a reconnus pour sages : Thalès, Bias, Pittacus et Solon; après cela il en nomme six autres, Aristomène, Pamphile, Chilon de Lacédémone, Cléobule, Anacharsis et Périandre, entre lesquels il en choisit trois principaux. Quelques uns leur ajoutent Acusilas, fils de Caba ou Scabra, Argien; [42] mais Hermippe, dans son livre des Sages, va plus loin : à l'entendre, il y eut dix-sept sages, entre lesquels ou en choisit différemment sept principaux, dont il fait le catalogue dans l'ordre suivant. Il place Solon au premier rang; ensuite Thalès, Pittacus, Bias, Chilon, Cléobule, Périandre, Anacharsis, Acusilas, Épiménide, Léophante, Phérécyde, Aristodéme, Pythagore, Lasus fils de Charmantidas ou de Sisymbrinus, ou, selon Aristoxène, de Chabrinus ; enfin Hermion et Anaxagore. Hippobote au contraire suit un autre arrangement : il place à la tête Orphée, ensuite Linus, Solon, Périandre, Anacharsis, Cléobule, Myson, Thalès, Bias, Pittacus, Épicharme et Pythagore.
On attribue à Thalès les lettres suivantes :

THALÈS à PHÉRÉCYDE.

[42] « J'apprends que vous êtes le premier des Ioniens qui vous préparez à donner aux Grecs un Traité sur les choses divines; et peut-être faites-vous mieux d'en faire un écrit public, que de confier vos pensées à des gens qui n'en feraient aucun usage. Si cela vous était agréable, je vous prierais de me communiquer ce que vous écrivez, et, en cas que vous me l'ordonniez, j'irais vous trouver incessamment. Ne croyez pas que nous soyons, Solon et moi, si peu raisonnables, qu'après avoir fait le voyage de Crète par un motif de curiosité, et pénétré jusqu'en Egypte pour jouir de la conversation des prêtres et des astronomes du pays, nous n'ayons pas la même envie de faire un voyage pour nous trouver auprès de vous : car Salon m accompagnera, si vous le consentez. [43] Vous vous plaisez dans l'endroit où vous êtes, vous le quittez rarement pour passer en Ionie, et vous n'êtes guère empressé de voir des étrangers. Je crois que vous n'usez d'autre soin que celui de travailler; mais nous, qui ni écrivons point, nous parcourons la Grèce et l'Asie »

THALÈS à SOLON.

« Si sous sortez d'Athènes, je crois que vous pourrez demeurer à Milet en toute sûreté. Cette ville est une colonie de votre pays, on ne vous y fera aucun mal. Que si la tyrannie à laquelle nous sommes soumis à Milet sous déplaît (car je suppose qu'elle vous est partout insupportable, vous aurez pourtant la satisfaction de vivre parmi vos amis. Bias vous écrit d'aller à Priène ; si vous préférez cet endroit à notre ville, je ne tarderai pas à m'y rendre auprès de vous. »


(01)
Pour l'intelligence de tout ce passage, il faut remarquer que les Milésiens étaient descendus de Nélée ; que Didyme était un endroit de Milet où il y avait un oracle d'Apollon, et que le principal temple de ce dieu de la fable était à Delphes, dans la Phocide. Le trépied fut envoyé au temple de Didyme, et l'inscription fut : «A Apollon Delphien.  » nage. Pausanias, Voyage, tome II, page 70.)
(02) Panionie était une ville, avec un bois sacré, située prés d'Ephèse c'était un rendez-vous général de toutes les villes d'Ionie, qui y célébraient un sacrifice commun, et qui par celle raison s'appelait Panionie. (Ménage.)