Diogène Laërce

DIOGÈNE DE LAERTE



LIVRE IX

 

CHAPITRE V. ZENON D'ÉLÉE. - ΖΗΝΩΝ ΕΛΕΑΤΗΣ

4. Mélissus - 6. Leucippe

Autre traduction - Traduction Genaille sur le site de Ugo Bratelli

 

 

 

 

 

DIOGENE DE LAERTE.

 

 

LIVRE IX.

CHAPITRE V.

ZENON D'ÉLÉE.

ΖΗΝΩΝ ΕΛΕΑΤΗΣ

 

[25] Ζήνων Ἐλεάτης. Τοῦτον Ἀπολλόδωρός φησιν εἶναι ἐν Χρονικοῖς [Πύρητος τὸν δὲ Παρμενίδην] φύσει μὲν Τελευταγόρου, θέσει δὲ Παρμενίδου <τὸν δὲ Παρμενίδην Πύρητος>. Περὶ τούτου καὶ Μελίσσου Τίμων φησὶ ταῦτα·

Ἀμφοτερογλώσσου τε μέγα σθένος οὐκ ἀλαπαδνὸν
Ζήνωνος πάντων ἐπιλήπτορος, ἠδὲ Μέλισσον,
πολλῶν φαντασμῶν ἐπάνω, παύρων γε μὲν ἥσσω.

Ὁ δὴ Ζήνων διακήκοε Παρμενίδου καὶ γέγονεν αὐτοῦ παιδικά. Καὶ εὐμήκης ἦν, καθά φησι Πλάτων ἐν τῷ Παρμενίδῃ, ὁ δ' αὐτὸς ἐν τῷ Σοφιστῇ <καὶ ἐν τῷ Φαίδρῳ αὐτοῦ μέμνηται> καὶ Ἐλεατικὸν Παλαμήδην αὐτὸν καλεῖ. Φησὶ δ' Ἀριστοτέλης εὑρετὴν αὐτὸν γενέσθαι διαλεκτικῆς, ὥσπερ Ἐμπεδοκλέα ῥητορικῆς. [26] Γέγονε δὲ ἀνὴρ γενναιότατος καὶ ἐν φιλοσοφίᾳ καὶ ἐν πολιτείᾳ· φέρεται γοῦν αὐτοῦ βιβλία πολλῆς συνέσεως γέμοντα.

Καθελεῖν δὲ θελήσας Νέαρχον τὸν τύραννον - οἱ δὲ Διομέδοντα - συνελήφθη, καθά φησιν Ἡρακλείδης ἐν τῇ Σατύρου ἐπιτομῇ. Ὅτε καὶ ἐξεταζόμενος τοὺς συνειδότας καὶ περὶ τῶν ὅπλων ὧν ἦγεν εἰς Λιπάραν, πάντας ἐμήνυσεν αὐτοῦ τοὺς φίλους, βουλόμενος αὐτὸν ἔρημον καταστῆσαι· εἶτα περί τινων εἰπεῖν ἔχειν τινα <ἔφη> αὐτῷ πρὸς τὸ οὖς καὶ δακὼν οὐκ ἀνῆκεν ἕως ἀπεκεντήθη, ταὐτὸν Ἀριστογείτονι τῷ τυραννοκτόνῳ παθών. [27] Δημήτριος δέ φησιν ἐν τοῖς Ὁμωνύμοις τὸν μυκτῆρα αὐτὸν ἀποτραγεῖν. Ἀντισθένης δὲ ἐν ταῖς Διαδοχαῖς φησι μετὰ τὸ μηνῦσαι τοὺς φίλους ἐρωτηθῆναι πρὸς τοῦ τυράννου εἴ τις ἄλλος εἴη· τὸν δ' εἰπεῖν, « Σὺ ὁ τῆς πόλεως ἀλιτήριος. » Πρός τε τοὺς παρεστῶτας φάναι· « Θαυμάζω ὑμῶν τὴν δειλίαν, εἰ τούτων ἕνεκεν ὧν νῦν ἐγὼ ὑπομένω, δουλεύετε τῷ τυράννῳ· » καὶ τέλος ἀποτραγόντα τὴν γλῶτταν προσπτύσαι αὐτῷ· τοὺς δὲ πολίτας παρορμηθέντας αὐτίκα τὸν τύραννον καταλεῦσαι. Ταὐτὰ δὲ σχεδὸν οἱ πλείους λαλοῦσιν. Ἕρμιππος δέ φησιν εἰς ὅλμον αὐτὸν βληθῆναι καὶ κατακοπῆναι.

[28] Καὶ εἰς αὐτὸν ἡμεῖς εἴπομεν οὕτως·
Ἤθελες, ὦ Ζήνων, καλὸν ἤθελες ἄνδρα τύραννον
κτείνας ἐκλῦσαι δουλοσύνης Ἐλέαν.
Ἀλλ' ἐδάμης· δὴ γάρ σε λαβὼν ὁ τύραννος ἐν ὅλμῳ
κόψε. Τί τοῦτο λέγω; σῶμα γάρ, οὐχὶ δὲ σέ.

Γέγονε δὲ τά τε ἄλλα ἀγαθὸς ὁ Ζήνων, ἀλλὰ καὶ ὑπεροπτικὸς τῶν μειζόνων κατ' ἴσον Ἡρακλείτῳ· καὶ γὰρ οὗτος τὴν πρότερον μὲν Ὑέλην, ὕστερον δ' Ἐλέαν, Φωκαέων οὖσαν ἀποικίαν, αὑτοῦ δὲ πατρίδα, πόλιν εὐτελῆ καὶ μόνον ἄνδρας ἀγαθοὺς τρέφειν ἐπισταμένην ἠγάπησε μᾶλλον τῆς Ἀθηναίων μεγαλαυχίας, οὐκ ἐπιδημήσας πώμαλα πρὸς αὐτούς, ἀλλ' αὐτόθι καταβιούς. [29] Οὗτος καὶ τὸν Ἀχιλλέα πρῶτος λόγον ἠρώτησε - Φαβωρῖνος δέ φησι Παρμενίδην - καὶ ἄλλους συχνούς.

Ἀρέσκει δ' αὐτῷ τάδε· κόσμους εἶναι κενόν τε μὴ εἶναι· γεγενῆσθαι δὲ τὴν τῶν πάντων φύσιν ἐκ θερμοῦ καὶ ψυχροῦ καὶ ξηροῦ καὶ ὑγροῦ, λαμβανόντων αὐτῶν εἰς ἄλληλα τὴν μεταβολήν· γένεσίν τε ἀνθρώπων ἐκ γῆς εἶναι καὶ ψυχὴν κρᾶμα ὑπάρχειν ἐκ τῶν προειρημένων κατὰ μηδενὸς τούτων ἐπικράτησιν.

Τοῦτόν φασι λοιδορούμενον ἀγανακτῆσαι· αἰτιασαμένου δέ τινος, φάναι· « Ἐὰν μὴ λοιδορούμενος προσποιῶμαι, οὐδ' ἐπαινούμενος αἰσθήσομαι. »

Ὅτι δὲ γεγόνασι Ζήνωνες ὀκτὼ ἐν τῷ Κιτιεῖ διειλέγμεθα. Ἤκμαζε δ' οὗτος κατὰ τὴν ἐνάτην <καὶ ἑβδομηκοστὴν> Ὀλυμπιάδα.
 

Zénon d'Élée était fils de Téleutagoras et fils adoptif de Parménide, suivant les chroniques d'Apollodore (1). Timon parle de lui et de Mélissus en ces termes :

Tout cède à Zénon et à Mélissus, à leur parole à double tranchant , à leur éloquence puissante, irrésistible. Supérieurs à beaucoup de préjugés, ils n'en conservent qu'un bien petit nombre.

Zénon était disciple de Parménide et son mignon. Il était de haute taille, ainsi que l'atteste Platon dans le Parménide. Dans le Phèdre, il l'appelle le Palamède d'Élée. Aristote, dans le Sophiste, attribue à Zénon l'invention de la dialectique, et à Empédocle celle de la rhétorique. Il ne se distingua pas moins dans la politique que dans la philosophie, et a laissé des ouvrages pleins de sens et d'érudition.

Héraclide rapporte dans l'Abrégé de Satyrus qu'ayant conspiré contre le tyran Néarque, — d'autres disent Diomédon,— il fut découvert, et qu'interrogé sur ses complices et sur les armes qu'il avait réunies à Lipara, 204 il dénonça tous les amis du tyran afin de le priver de ses soutiens. Feignant ensuite d'avoir quelque secret à lui communiquer, il lui mordit l'oreille et ne lâcha prise que lorsqu'il fut percé de coups, comme Aristogiton, meurtrier d'un autre tyran. Démétrius assure dans les Homonymes qu'il lui arracha le nez. Antisthène, dans les Successions, donne une autre version : Lorsqu'il eut nommé tous les amis du tyran, interrogé par lui s'il n'avait pas d'autres complices, il répondit : « Toi-même, le fléau de cette ville. » Puis s'adressant aux spectateurs : « J'admire votre lâcheté, dit-il, vous que la crainte d'un sort semblable rend esclaves du tyran ; » à ces mots il se coupa la langue et la cracha au visage de Néarque, ce qui enflamma tellement ses concitoyens qu'à l'heure même ils tuèrent le tyran. La plupart des historiens sont d'accord sur ces circonstances ; cependant Hermippus prétend qu'il fut jeté dans un mortier et broyé. J'ai fait sur lui les vers suivants :

Tu voulus, Zénon, tu voulus — noble dessein ! — tuer un tyran et affranchir Élée de l'esclavage. Mais tu succombas; le tyran se saisit de toi et te broya dans un mortier. Que dis-je ! ce n'est pas toi; ton corps seul fut vaincu.

Zénon avait, entre autres qualités, un dédain pour les grands égal à celui d'Héraclite. Il préféra à la magnificence des Athéniens le séjour d'Élée sa patrie. Ce n'était qu'une chétive bourgade fondée par les Phocéens et nommée primitivement Hylé ; mais elle était recommandable par la probité de ses habitants. C'est là qu'il habitait ordinairement, n'allant que rarement à Athènes. Il est l'inventeur de l'argument d'Achille, attribué à Parménide par Phavorinus, et de quelques autres raisonnements du même genre.

205 Voici sa doctrine : Le monde existe (2) ; le vide n'existe pas. Tous les êtres sont produits par le chaud et le froid, le sec et l'humide, en vertu de transformations réciproques de ces principes. L'homme est né de la terre ; son âme est un assemblage des quatre éléments précédents dans une proportion telle qu'aucun d'eux ne prédomine.

On rapporte que quelqu'un l'ayant blâmé de s'être mis en colère à propos d'une injure, il répondit : « Si j'étais insensible à l'injure, je ne serais pas sensible à la louange. »

Nous avons dit dans la vie de Zénon de Citium, qu'il y a eu dix Zénon. Celui-ci florissait dans la soixante-dix-neuvième olympiade.
 

(1)  Je suis ici la correction de Rossi. Le texte reçu porte : " Suivant les chroniques d'Apollodore, Zénon était fils de Pyrès et Parménide, fils de Téleutagoras, était fils adoptif de Parménide. "

(2)  Je suis la leçon d'Hésychius M. κόσμον. Le texte vulgaire κόσμους est contraire à la doctrine de l'école d'Élée.