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table des matières de DIOGENE LAERCE

Diogène Laërce

 

 

LIVRE V

 

DEMÉTRIUS

texte grec

 

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  Lycon         Héraclide

 

DEMÉTRIUS.

[75] Démétrius de Phalère, fils de Phanostrate, lut disciple de Théophraste; il fut orateur chez les Athéniens et administra leur ville pendant dix ans; on y érigea en son honneur trois cent soixante statues d'airain, dont il y en avait plusieurs qui étaient des statues équestres ou montées sur des chariots attelés de deux chevaux; et ces ouvrages se firent avec tant d'ardeur qu'ils furent finis en moins de trois cents jours. Selon Démétrius de Magnésie, dans ses Synonymes, il prit en main le gouvernement de la république, lorsque Harpale, s'enfuyant d'auprès d'Alexandre, arriva à Athènes: son administration fut longue et louable; il augmenta les revenus de la ville et l'embellit de beaucoup d'édifices, nonobstant son extraction, qui n'était pas des plus illustres. [76] Phavorin, dans le premier livre de ses Commentaires, dit qu'il descendait de la race de Conon, famille citoyenne et distinguée. Le même auteur dit qu'il avait commerce avec Lamia ; il prétend même, au second livre de ses Commentaires, qu'il se prêtait au désordre de Cléon. Didyme, dans ses Banquets, vante ses sourcils, et dit que c'est de là que lui vint le surnom d'ensorceleur et de rayonnant, que lui donna une femme de mauvaise vie. On rapporte qu'ayant perdu la vue à Alexandrie, il la recouvra par le moyen de Sérapis, et qu'en actions de grâces il composa, en l'honneur d'Apollon, des hymnes qui se chantent encore aujourd'hui.

Quelque respecté qu'il fût à Athènes, l'envie, qui s'attache à tout, causa sa perte ; [77] on intrigua tant contre lui qu'il fut condamné à mort, pendant qu'il était absent ; et comme on ne pouvait décharger sur lui-même la colère qu'on avait contre lui, on vendit une partie de ses statues, on jeta l'autre dans l'eau, on en brisa, on en fit des pots de chambre; il n'y en eut qu'une de conservée, ce fut celle qui était dans la citadelle. Phavorin, dans son Histoire diverse, dit que les Athéniens firent cela par ordre du roi Démétrius (01), et qu'ils accusèrent leur prince de mauvais gouvernement. [78] Hermippe dit qu'après la mort de Cassander, Démétrius, craignant l'indignation d'Antipater, se retira auprès de Ptolomée Soter ; qu'il s'arrêta longtemps à sa cour, et, entre autres choses, lui conseilla de partager son royaume entre les enfants qu'il avait d'Eurydice; qu'au lieu de suivre ce conseil, le roi éleva sur le trône le fils qui était né de Béronice, et que ce prince, après la mort de son père, ordonna qu'on gardât Démétrius quelque part jusqu'à ce qu'il disposât de lui, ce qui lui fut si sensible qu'il en contracta une mélancolie. Un jour qu'il dormait, il fut mordu d'un aspic à la main, ce qui causa sa mort; il fut enterré à Busiris, près de Diospolis. [79] Je lui ai fait cette épitaphe :

Un aspic plein d'un venin mortel a tué le sage Démétrius : ce n'était pas un feu qui sortait de ses yeux, c'étaient les ténèbres des enfers.

Héraclide, dans son Abrégé des Successions de Sotion, dit que Ptolémée voulant céder sa couronne à Philadelphe, Démétrius l'en dissuada, en lui disant que quand il l'aurait abdiquée, il n'en serait plus le maître. J'apprends aussi que, lorsqu'on poursuivait ce philosophe à Athènes, peu s'en fallut que Ménandre le comique ne fût condamné, parce qu'il était son ami ; mais que Télesphore, cousin de Démétrius, le défendit.

[80] Il a surpassé les philosophes péripatéticiens de son temps par le nombre des livres qu'il a faits et celui des versets qu'ils contiennent. Étant savant et abondant, ses ouvrages consistent en histoire, politique, poésie, rhétorique, harangues et négociations; outre des recueils des fables d'Ésope et d'autres traités, on a de lui cinq livres des Lois d'Athènes, deux des Citoyens d'Athènes, deux de la Manière de conduire le peuple, deux de la Politique, un des Lois, deux de la Rhétorique, deux de l'Art militaire, [81] deux de l'Iliade, quatre de l'Odyssée, un intitulé Ptolomée, un de la Galanterie, un intitulé Phaedondas, un autre intitulé Maedon, un autre appelé Cléon, un qui porte le nom de Socrate, un celui d'Aristomaque, un celui d'Artaxerxés, un celui d'Homère, un celui d'Aristide ; un discours d'Exhortation, un sur la République, un sur un sujet décennal, un sur les Ioniens, un des Négociations, un de la Confiance, un du Bienfait, un de la Fortune, un de la Magnificence, un du Mariage, un de l'Opinion, un de la Paix, un des Lois, un des Exercices du corps, un de l'Occasion, un sur Denys, un intitulé le Chalcidien, un intitulé Incursion des Athéniens, un autre d'Antiphane, un de Préfaces historiques, un de Lettres, un intitulé Assemblée jurée, un de la Vieillesse, un du Droit, un des Fables d'Ésope, et un de Chries. [82] Son style était philosophique, mêlé de rhétorique et plein de force.

Démétrius ayant appris que les Athéniens avaient abattu ses statues, il dit qu'il les défiait d'abattre le courage de celui à la gloire de qui ils les avaient élevées ; il disait que les sourcils ne sont pas la partie la moins considérable du corps et celle qu'on doive négliger le plus, puisqu'ils peuvent abaisser l'homme toute sa vie ; que les richesses aveuglent, et que la fortune qui les donne est aveugle elle-même. Il disait aussi qu'une bouche éloquente peut autant dans une république que l'épée dans un combat. Voyant un jour un jeune débauché : Voilà, dit-il, une statue carrée de Mercure, revêtue d'une longue robe, ayant un ventre et de la barbe. Il disait des orgueilleux, qu'il fallait retrancher de leur hauteur, et leur laisser leur esprit; que les jeunes gens doivent respecter dans la maison leurs pères et leurs mères, dans les rues ceux qu'ils rencontrent, dans le particulier eux-mêmes; [83] que les vrais amis sont ceux qui viennent nous voir dans la prospérité lorsqu'on les souhaite, et dans l'adversité sans qu'on les en prie. Ce sont là les maximes qu'on lui attribue.

Il y a eu vingt Démétrius, tous remarquables : le premier, orateur de Carthage et plus ancien que Thrasymaque ; le second, celui dont nous donnons la vie ; le troisième, philosophe péripatéticien de Byzance ; le quatrième, surnommé le peintre, parce qu'il exerçait cet art, avait aussi beaucoup de talent pour s'énoncer ; le cinquième, Aspendien, était disciple d'Apollonius de Soles; le sixième, de Calafie, écrivit l'histoire de l'Asie et de l'Europe en vingt livres; le septième, de Byzance, a écrit en treize livres le passage des Gaulois d'Européen Asie, et en huit autres les faits d'Antiochus et de Ptolomée, avec l'histoire de la Libye sous leur gouvernement; [84] le huitième, sophiste et habitant d'Alexandrie, a traité de la rhétorique ; le neuvième, grammairien d'Adramyte, surnommé Ixion, pour avoir, dit-on, perdu le respect à Junon ; le dixième, grammairien de Cyrène, surnommé Stamnus, homme fort célèbre ; le onzième, de Scepsi, homme noble et riche, et l'instrument de l'élévation de Métrodore ; le douzième, grammairien d'Érythrée, et reçu citoyen de Temnos ; le treizième, Bythinien, fils de Diphyle le stoïcien, et disciple de Panaetius de Rhodes; [85] le quatorzième, orateur de Smyrne. Tous ces Démétrius ont écrit en prose, les autres ont été poètes; le premier de ceux-ci écrivit de l'ancienne comédie, le second fit des poèmes épiques, mais dont il ne nous reste qu'un fragment contre les envieux.

Ils haïssent les vivants et les regrettent quand ils ne sont plus,  on a vu des villes et des peuples se combattre pour un sépulcre pour une ombre.

Le troisième naquit à Tarse, et fut poète satirique ; le quatrième fit des vers ïambes fort aigres ; le cinquième fut sculpteur ; Polémon a fait mention de lui ; le sixième, d'Eréthire, a traité divers sujets, en particulier d'histoire et de rhétorique.