CICÉRON
ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME QUATRIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, - M DCCC LXIX
TOME IV.
TRAITE DE LA DIVINATION. - DE DIVINATIONE
LIVRE I - LIBER PRIMUS (autre traduction)
liste des philosophes cités dans le de natura deorum - livre II
ŒUVRES
COMPLÈTES
DE CICÉRON,
AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,
PUBLIÉES
SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD,
DE L'ACADÉMIE
INSPECTEUR GÉNÉRAL DE
L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
TOME QUATRIEME
PARIS,
CHEZ FIRMIN DIDOT FRERES, FILS ET Cie, LIBRAIRES,
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE
RUE JACOB, .
M DCCC LXIV
179 TRAITE DE LA DIVINATION.
PRÉFACE.
Ce traité, composé par Cicéron dans l'année de Rome, et peu de temps après celui de la Nature des Dieux, peut être regardé comme le plus original et le plus philosophique des ouvrages de ce grand homme. C'est celui où Cicéron, cédant à la force de la vérité, s'est le plus écarté des formes timides de la nouvelle Académie. Ici l'homme politique, le défenseur des traditions disparaissent, pour laisser le champ libre au moraliste et au philosophe. Sans te traité de la Nature des Dieux, et surtout celui de la Divination, la postérité n'aurait peut-être pas été en droit d'affirmer que le même homme à qui ses harangues donnaient le premier rang parmi les orateurs de son pays, avait eu, comme philosophe, assez de portée dans l'esprit pour pressentir l'ère nouvelle qui allait changer la face du monde. Témoin de toutes les décadences de l'ancienne Rome, et placé pour ainsi dire au point de partage de deux civilisations, Cicéron a apprécié le passé en novateur aussi hardi qu'intelligent. Ce monument de la pénétration du philosophe, si précieux pour nous, peut donc être aussi regardé comme l'un de ses titres de gloire les plus considérables.
Ce n'est pas que nous partagions l'opinion que, sur d'autres points, Cicéron se soit asservi au passé, et qu'il n'ait été, comme homme d'État, qu'un défenseur entêté des formes surannées de l'oligarchie romaine. Vainement voudrait-on nous montrer dans le citoyen parvenu d'Arpinum un dévouement exagéré à l'aristocratie qui l'avait admis dans son sein, et un zèle outré dont les excès l'auraient emporté au delà des bornes d'une légitime reconnaissance. On a trop oublié qu'il avait consacré ses premiers essais à célébrer Marius; que nous le voyons dans ses lettres fatigué à l'excès de la puissance des premiers triumvirs; qu'il s'indigna de voir Pompée revêtu seul de la dignité consulaire, et qu'il se montra prompt à accuser ce chef puissant du patriciat romain, d'usurpation et de tyrannie. Ce jugement passionné et trop sévère, porté sur l'ensemble des actes politiques de Cicéron, se rattache, d'ailleurs, au système historique suivant lequel la république, ou plutôt l'oligarchie romaine, n'aurait été détruite que pour faire place à une forme politique qui, sous les dehors de la royauté, aurait été au fond l'œuvre de prédilection de la démocratie. S'il est vrai pour nous, jusqu'à un certain point, que César et les empereurs furent les représentants des plébéiens, et que l'établissement de l'empire ne fut que la consécration permanente de la victoire du peuple sur les patriciens, qui oserait dire qu'à l'époque où vécut Cicéron, en face des faits dont il fut témoin, il était aisé de se rendre compte de ces tendances, et de pressentir le dénouement de ce drame ?
Ce qu'il était plus aisé de voir et de constater, c'était la domination toujours croissante d'une multitude enthousiaste, irréfléchie dans ses préférences, avide de licence, prête à livrer la constitution et l'empire, aujourd'hui aux fureurs de Catilina, demain à la gloire de César. Au-dessus de cette plèbe s'agitait une noblesse insatiable, divisée par des haines sanglantes et invétérées, habile à flatter les passions de la multitude, patriciat dégénéré dont Cicéron connaissait et redoutait la cupidité et les vices. Le choix était-il donc si facile pour un homme qui, comme Cicéron, plaçait évidemment la liberté dans l'amélioration morale de l'homme? C'est à peine si nous pouvons nous-mêmes, instruits par l'expérience de dix-huit siècles, débrouiller le chaos de l'histoire romaine à cette époque, plus dramatique que glorieuse.
Il est vrai, cependant, que Cicéron avait facilement adopté la prudente réserve de l'aristocratie romaine. Il est rare que sur les points qui touchent à la politique, ou au culte public, il laisse percer son opinion intime, soit dans ses nombreux discours adressés aux comices, soit même dans les traités politiques. Lisez son traité des Lois, étudiez ce qui nous est resté de sa République : avec quelle réserve, quelle extrême prudence il parle de la constitution, de l'origine des magistratures et de l'autorité des pontifes! Ses discours prononcés dans le forum sont encore plus retenus à cet égard que ses traités. Ce ne sont que des plaidoyers habilement préparés pour apprendre au peuple ce qu'il est indispensable de lui faire connaître, ce qui peut être utile pour raffermir l'autorité du sénat. Il ne serait même pas difficile de relever de nombreuses contradictions entre le philosophe et l'homme d'État. Bornons-nous à un seul exemple. Cicéron dans son traité des Lois, qui n'était qu'une suite de la République, exprime ainsi son opinion sur la divination : 180 Je crois, dit-il au second livre, qu'il existe une divination, et que l'art de prédire par le vol des oiseaux et les autres signes en fait partie. Puis il rassemble en faveur de cette prétendue science tous les arguments qu'il réduira un jour en poussière, consacrant ainsi par son approbation cet amas d'opinions et de pratiques superstitieuses qu'il combattra plus tard de toute la force de sa raison et de son éloquence.
A quel entraînement obéit donc le consulaire, l'ancien chef des augures, en osant dans le traité de la Divination, attaquer avec tant de franchise et d'audace ces pieuses impostures dont il avait été si longtemps complice? Qui put le porter à faire une si large brèche dans cette vieille constitution romaine, dont la superstition était le ciment? On en peut dé-ouvrir les motifs en lisant avec attention le second livre de ce traité. Cicéron, si prudent quand il s'agissait de politique ou de culte public, avait peine à garder la même retenue quand le débat portait sur la religion ou la morale pures. Si ses opinions générales sur les choses de son temps nous semblent indécises, ses principes de morale, extraits de ses divers écrits, témoignent d'une conviction arrêtée, d'une croyance vive et épurée. C'est là que nous retrouvons les preuves de ce christianisme antérieur dont il est un des plus glorieux représentants. Nul doute que la religion de Cicéron n'eût pour fondement l'unité et la providence de Dieu, et l'immortalité de l'âme. Il considérait le court espace dans lequel notre vie est renfermée comme un état d'épreuve pendant lequel nous devons nous préparer à une éternelle existence. Il regardait l'homme comme placé ici-bas, moins pour habiter la terre que pour contempler le ciel, vers lequel nos yeux ont été dirigés par Dieu même, et où nous sommes appelés par de sublimes espérances. Comment Cicéron aurait-il pu concilier ces croyances avec l'existence de la divination, avec ce dogme étroit du fatalisme dont la première conséquence était d'anéantir la liberté, et par suite la responsabilité de l'homme? (De Divin. II, .)
Il faut aussi considérer la situation dans laquelle se trouvait Cicéron au moment où il écrivit ce traité. César venait d'être assassiné. Toutes les espérances des factieux renaissaient avec une nouvelle ardeur. Chacun aiguisait ses armes. Il était facile de prévoir que l'Empire ne tarderait pas à être transformé en un vaste champ de bataille. Cicéron, déjà âgé de soixante-trois ans, séparé de sa première femme, pleurant encore sa fille chérie, se retira, durant les mois d'avril et de mai, à Pouzzol, dans une de ses maisons de campagne les plus solitaires ; et là, moins rassuré qu'il ne veut le paraître sur le salut public, il chercha dans l'étude de la philosophie quelques moments de repos, et un peu d'oubli. On conçoit qu'à la vue de cet ébranlement général de toutes choses, la réserve devenait inutile, et la franchise facile, surtout au milieu d'un petit nombre d'amis. Cicéron, d'ailleurs, prévoyait qu'il lui serait impossible de rester plus longtemps à l'écart, et d'éviter les dangers de la lutte. Il se préparait sans doute à attaquer les diverses usurpations qu'allaient susciter les troubles publics. Il voyait déjà, peut-être, le poignard des sicaires d'Antoine dirigé vers lui; et, certain en tout cas que Page ou le fer de ses ennemis ne l'épargnerait pas longtemps, il se plut à mettre dans cet écrit un peu de la sincérité d'un testateur.
Les premiers chrétiens s'empressèrent de propager les deux traités philosophiques de la Nature des Dieux et de la Divination. De leur coté, les défenseurs du paganisme en demandèrent la suppression au sénat. Dans l'année , un ordre de Dioclétien les condamna au feu. Il est probable que c'est par les chrétiens qu'ils nous ont été conservés. Des ouvrages auxquels le traité de Cicéron donna naissance, ouvrages qu'Eusèbe (Prépar. évang., l. Iv) estimait dépasser le nombre de six cents, il ne nous est parvenu que des fragments sans importance. Ainsi sous le rapport historique, le traité de Cicéron est pour nous d'un grand prix. Sans lui nous ignorerions une foule de pratiques et d'usages qui se rattachent à la vie politique et civile des Romains. Montesquieu cite souvent le traité de la Divination, qu'il avait étudié avec soin. Voltaire, dans ses questions sur l'Encyclopédie, y trouve le sujet d'une piquante et ingénieuse fiction.
On ne lira pas sans intérêt les deux morceaux particulièrement inspirés à ces deux grands hommes par la lecture de l'ouvrage de Cicéron.
Voici les réflexions de Montesquieu :
« Je trouve cette différence entre les législateurs romains et ceux des autres peuples, que les premiers firent la religion pour l'État, et les autres l'État pour la religion. Romulus, Tatius, et Numa, asservirent les Dieux à la politique; le culte et les cérémonies qu'ils instituèrent furent trouvés si sages que, lorsque les rois furent chassés, le joug de la religion fut le seul dont ce peuple, dans sa fureur pour la liberté, n'osa s'affranchir.
« Quand les législateurs romains établirent la religion, ils ne pensèrent point à la réformation des mœurs, ni à donner des principes de morale; ils ne voulurent point gêner des gens qui ne connaissaient pas encore les engagements d'une société dans laquelle ils venaient d'entrer : ils n'eurent donc d'abord qu'une vue générale, qui était d'inspirer à un peuple qui ne craignait rien, la crainte des Dieux, et de se servir de cette crainte pour le conduire à sa fantaisie.
« Les successeurs de Numa n'osèrent point faire ce que ce prince n'avait point fait. Le peuple, qui avait beaucoup perdu de sa férocité et de sa rudesse, était devenu capable d'une plus grande discipline. Il eût été facile d'ajouter aux cérémonies de la religion des principes et des règles de morale dont elle manquait; mais les législateurs des Romains étaient trop clairvoyants pour ne point connaître combien une pareille réformation eût été dangereuse: c'eût été convenir que la religion était défectueuse; c'était lui donner des âges, et affaiblir son autorité en voulant l'établir. La sagesse des Romains leur fit 181 prendre un meilleur parti en établissant de nouvelles lois. Les institutions humaines peuvent bien changer, mais les divines doivent être immuables comme les Dieux mêmes.
« Ainsi le sénat de Rome, ayant chargé le préteur Q. Pétillius (Tit. Liv., XL, ) d'examiner les écrits du roi Numa, qui avaient été trouvés dans un coffre de pierre, cinq cents ans après la mort de ce roi, résolut de les faire brûler, sur le rapport que lui fit ce préteur, que les cérémonies qui étaient ordonnées dans ces écrits différaient beaucoup de celles qui se pratiquaient alors; ce qui pouvait jeter des scrupules dans l'esprit des simples, et leur faire voir que le culte prescrit n'était pas le même que relui qui avait été institué par les premiers législateurs, et inspiré par la nymphe Égérie.
« On portait la prudence plus loin : on ne pouvait lire les livres sibyllins sans la permission du sénat, qui ne la donnait même que dans les grandes occasions, et lorsqu'il s'agissait de consoler les peuples. Toutes les interprétations étaient défendues; ces livres même étaient toujours renfermés; et, par une précaution si sage, on était les armes des mains des fanatiques et des séditieux.
« Les devins ne pouvaient rien prononcer sur les affaires publiques sans la permission des magistrats; leur art était absolument subordonné à la volonté du sénat; et cela avait été ainsi ordonné par les livres des pontifes, dont Cicéron (de Leg., n, , ) nous a conservé quelques fragments.
« Polybe met la superstition au rang des avantages que le peuple romain avait par-dessus les autres peuples : ce qui paraît ridicule aux sages est nécessaire pour les sots; et ce peuple, qui se met si facilement en colère, a besoin d'être arrêté par une puissance invisible.
« Les augures et les aruspices étaient proprement les grotesques du paganisme; mais on ne les trouvera point ridicules si on fait réflexion que, dans une religion toute populaire comme celle-là, rien ne paraissait extravagant; la crédulité du peuple réparait tout chez les Romains : plus une chose était contraire à la raison humaine, plus elle leur paraissait divine. Une vérité simple ne les aurait pas vivement touchés; il leur fallait des sujets d'admiration; il leur fallait des signes de la divinité; et ils ne les trouvaient que dans le merveilleux et le ridicule.
« C'était, à la vérité, une chose très-extravagante de faire dépendre le salut de la république de l'appétit sacré d'un poulet, et de la disposition des entrailles des victimes; mais ceux qui introduisirent ces cérémonies en connaissaient bien le fort et le faible, et ce ne fut que par de bonnes raisons qu'ils péchèrent Contre la raison même. Si ce culte avait été plus raisonnable, les gens d'esprit en auraient été la dupe aussi bien que le peuple, et par là on aurait perdu tout l'avantage qu'on en pouvait attendre. Il fallait donc des cérémonies qui pussent entretenir la superstition des uns, et entrer dans la politique des autres. C'est ce qui se trouvait dans tes divinations. On y mettait les arrêts du ciel dans la bouche des principaux sénateurs, gens éclairés, et qui connaissaient également le ridicule et l'utilité des divinations. Cicéron {de Divinat, ii, ) pense, comme Marcellus, que, quoique la crédulité populaire eût établi au commencement les augures, on en avait retenu l'usage pour l'utilité de la république, etc. »
Voltaire, moins dogmatique et moins profond que Montesquieu, tire du souvenir du traité de Cicéron, tout à la fois une fiction piquante, et un trait de plus contre la superstition en général.
« Il y a des cas, dit-il, où il ne faut pas juger d'une nation par les usages et par les superstitions populaires. Je suppose que César, après avoir conquis l'Égypte, voulant faire fleurir le commerce dans l'empire romain, eût envoyé une ambassade à la Chine par le port d'Arsinoé, par la mer Rouge, et par l'Océan indien. L'empereur Yventi, premier du nom, régnait alors; les annales de la Chine nous le représentent comme un prince très-sage et très-savant. Après avoir reçu les ambassadeurs de César avec toute la politesse chinoise, il s'informe secrètement par ses interprètes des usages, des sciences et de la religion de ce peuple romain,- aussi célèbre dans l'Occident que le peuple chinois l'est dans l'Orient. Il apprend d'abord que les pontifes de ce peuple ont réglé leurs années d'une manière si absurde, que le soleil est déjà entré dans les signes célestes du printemps, lorsque les Romains célèbrent les premières fêtes de l'hiver. Il apprend que cette nation entretient à grands frais un collège de prêtres qui savent au juste le temps où il faut s'embarquer, et où Ton doit donner bataille, par l'inspection d'un foie de bœuf, ou par la manière dont les poulets mangent de l'orge. Cette science sacrée fut apportée autrefois aux Romains par un petit dieu nommé Tagès, qui sortit de la terre en Toscane. Ces peuples adorent un Dieu suprême et unique, qu'ils appellent toujours Dieu très-bon et très-grand. Cependant ils ont bâti un temple ù une courtisane nommée Flora, et les bonnes femmes de Rome ont presque toutes chez elles de petits Dieux pénates, hauts de quatre ou cinq pouces ... L'empereur Yventi se met à rire. Les tribunaux de Nankin pensent d'abord avec lui que les ambassadeurs romains sont des fous ou des imposteurs qui ont pris le titre d'envoyés de la république romaine; mais comme l'empereur est aussi juste que poli, il a des conversations particulières avec les ambassadeurs. Il apprend que les pontifes romains ont été très-ignorants, mais que César réforme actuellement le calendrier. On lui avoue que le collège des augures a été établi dans les premiers temps de la barbarie ; qu'on a laissé subsister cette institution ridicule, devenue chère à un peuple longtemps grossier; que tous les honnêtes gens se moquent des augures; que César ne les a jamais consultés; qu'au rapport d'un très-grand homme, nommé Caton, jamais augure n'a pu parler à son camarade sans rire; et qu'enfin Cicéron, le plus grand orateur et le meilleur philosophe de Rome, vient de faire contre les augures un petit ouvrage, intitulé de la Divination, dans lequel il livre à un ridicule éternel tous les aruspices, toutes les pré- 182 dictions et tous les sortilèges dont la terre est infatuée. L'empereur de la Chine a la curiosité de lire ce livre de Cicéron; les interprètes le traduisent; il admire le livre et la république romaine (1).
LIBER PRIMUS I.. Vetus opinio est iam usque ab heroicis ducta temporibus, eaque et populi Romani et omnium gentium firmata consensu, versari quandam inter homines divinationem, quam Graeci μαντικήν appellant, id est praesensionem et scientiam rerum futurarum. Magnifica quaedam res et salutaris, si modo est ulla, quaque proxime ad deorum vim natura mortalis possit accedere. Itaque ut alia nos melius multa quam Graeci, sic huic praestantissimae rei nomen nostri a divis, Graeci, ut Plato interpretatur, a furore duxerunt. Gentem quidem nullam video neque tam humanam atque doctam neque tam immanem atque barbaram, quae non significari futura et a quibusdam intellegi praedicique posse censeat. Principio Assyrii, ut ab ultimis auctoritatem repetam, propter planitiem magnitudinemque regionum, quas incolebant, cum caelum ex omni parte patens atque apertum intuerentur, traiectiones motusque stellarum observitaverunt, quibus notatis, quid cuique significaretur memoriae prodiderunt. Qua in natione Chaldaei, non ex artis sed ex gentis vocabulo nominati, diuturna observatione siderum scientiam putantur effecisse, ut praedici posset quid cuique eventurum et quo quisque fato natus esset. Eandem artem etiam Aegyptii longinquitate temporum innumerabilibus paene saeculis consecuti putantur. Cilicum autem et Pisidarum gens et his finitima Pamphylia, quibus nationibus praefuimus ipsi, volatibus avium cantibusque certissimis signis declarari res futuras putant. Quam vero Graecia coloniam misit in Aeoliam, Ioniam, Asiam, Siciliam, Italiam sine Pythio aut Dodonaeo aut Hammonis oraculo? Aut quod bellum susceptum ab ea sine consilio deorum est? II. Nec unum genus est divinationis publice privatimque celebratum. Nam, ut omittam ceteros populos, noster quam multa genera complexus est! principio huius urbis parens Romulus non solum auspicato urbem condidisse, sed ipse etiam optimus augur fuisse traditur. Deinde auguribus et reliqui reges usi, et exactis regibus, nihil publice sine auspiciis nec domi nec militiae gerebatur. Cumque magna vis videretur esse et inpetriendis consulendisque rebus et monstris interpretandis ac procurandis in haruspicum disciplina, omnem hane ex Etruria scientiam adhibebant, ne genus esset ullum divinationis, quod neglectum ab eis videretur. Et cum duobus modis animi sine ratione et scientia motu ipsi suo soluto et libero incitarentur, uno furente, altero somniante, furoris divinationem Sibyllinis maxime versibus contineri arbitrati eorum decem interpretes delectos e civitate esse voluerunt. Ex quo genere saepe hariolorum etiam et vatum furibundas praedictiones, ut Octaviano bello Cornelii Culleoli, audiendas putaverunt. Nec vero somnia graviora, si quae ad rem publicam pertinere visa sunt, a summo consilio neglecta sunt. Quin etiam memoria nostra templum Iunonis Sospitae L. Iulius, qui cum P. Rutilio consul fuit, de senatus sententia refecit ex Caeciliae, Baliarici filiae, somnio. III. Atque haec, ut ego arbitror, veteres rerum magis eventis moniti quam ratione docti probaverunt. Philosophorum vero exquisita quaedam argumenta, cur esset vera divinatio, collecta sunt. E quibus, ut de antiquissimis loquar, Colophonius Xenophanes unus, qui deos esse diceret, divinationem funditus sustulit; reliqui vero omnes praeter Epicurum balbutientem de natura deorum divinationem probaverunt, sed non uno modo. Nam cum Socrates omnesque Socratici Zenoque et ei qui ab eo essent profecti manerent in antiquorum philosophorum sententia vetere Academia et Peripateticis consentientibus; cumque huic rei magnam auctoritatem Pythagoras iam ante tribuisset, qui etiam ipse augur vellet esse, plurimisque locis gravis auctor Democritus praesensionem rerum futurarum comprobaret, Dicaearchus Peripateticus cetera divinationis genera sustulit, somniorum et furoris reliquit; Cratippus quoque familiaris noster, quem ego parem summis Peripateticis iudico, eisdem rebus fidem tribuit, reliqua divinationis genera reiecit. Sed cum Stoici omnia fere illa defenderent, quod et Zeno in suis commentariis quasi semina quaedam sparsisset et ea Cleanthes paulo uberiora fecisset, accessit acerrimo vir ingenio, Chrysippus, qui totam de divinatione duobus libris explicavit sententiam, uno praeterea de oraculis, uno de somniis; quem subsequens unum librum Babylonius Diogenes edidit, eius auditor, duo Antipater, quinque noster Posidonius. Sed a Stoicis vel princeps eius disciplinae, Posidonii doctor, discipulus Antipatri, degeneravit Panaetius; nec tamen ausus est negare vim esse divinandi, sed dubitare se dixit. Quod illi in aliqua re invitissimis Stoicis Stoico facere licuit, id nos ut in reliquis rebus faciamus, a Stoicis non concedetur, praesertim cum id, de quo Panaetio non liquet, reliquis eiusdem disciplinae solis luce videatur clarius? Sed haec quidem laus Academiae praestantissimi philosophi iudicio et testimonio comprobata est. IV. Etenim nobismet ipsis quaerentibus quid sit de divinatione iudicandum, quod a Carneade multa acute et copiose contra Stoicos disputata sint, verentibusque ne temere vel falsae rei vel non satis cognitae assentiamur, faciendum videtur ut diligenter etiam atque etiam argumenta cum argumentis comparemus, ut fecimus in eis tribus libris quos de natura deorum scripsimus. Nam cum omnibus in rebus temeritas in assentiendo errorque turpis est, tum in eo loco maxime in quo iudicandum est quantum auspiciis rebusque divinis religionique tribuamus; est enim periculum, ne aut neglectis iis impia fraude aut susceptis anili superstitione obligemur. V. Quibus de rebus et alias saepe et paulo accuratius nuper, cum essem cum Q. Fratre in Tusculano, disputatum est. Nam cum ambulandi causa in Lyceum venissemus (id enim superiori gymnasio nomen est), “Perlegi,” inquit, “tuum paulo ante tertium de Natura Deorum, in quo disputatio Cottae, quamquam labefactavit sententiam meam, non funditus tamen sustulit.” - “Optime vero,” inquam; “etenim ipse Cotta sic disputat ut Stoicorum magis argumenta confutet quam hominum deleat religionem.” - Tum Quintus: “dicitur quidem istuc,” inquit, "a Cotta, et vero saepius, credo, ne communia iura migrare videatur; sed studio contra Stoicos disserendi deos mihi videtur funditus tollere. Eius rationi non sane desidero quid respondeam; satis enim defensa religio est in secundo libro a Lucilio, cuius disputatio tibi ipsi, ut in extremo tertio scribis, ad veritatem est visa propensior. Sed, quod praetermissum est in illis libris (credo, quia commodius arbitratus es separatim id quaeri deque eo disseri), id est de divinatione, quae est earum rerum, quae fortuitae putantur, praedictio atque praesensio. Id, si placet, videamus quam habeat vim et quale sit. Ego enim sic existimo, si sint ea genera divinandi vera, de quibus accepimus quaeque colimus, esse deos, vicissimque, si di sint, esse qui divinent. VI. “Arcem tu quidem Stoicorum,” inquam, “quinte, defendis, siquidem ista sic reciprocantur, ut et, si divinatio sit, di sint et, si di sint, sit divinatio. Quorum neutrum tam facile quam tu arbitraris conceditur. Nam et natura significari futura sine deo possunt, et ut sint di potest fieri ut nulla ab eis divinatio generi humano tributa sit.” - Atque ille: “mihi vero,” inquit, “satis est argumenti et esse deos et eos consulere rebus humanis, quod esse clara et perspicua divinationis genera iudico. De quibus quid ipse sentiam, si placet, exponam, ita tamen, si vacas animo neque habes aliquid, quod huic sermoni praevertendum putes.” - “Ego vero,” inquam, “philosophiae, Quinte, semper vaco; hoc autem tempore, cum sit nihil aliud quod libenter agere possim, multo magis aveo audire de divinatione quid sentias.” - “Nihil,” inquit, "equidem novi, nec quod praeter ceteros ipse sentiam; nam cum antiquissimam sententiam, tum omnium populorum et gentium consensu comprobatam sequor. Duo sunt enim divinandi genera, quorum alterum artis est, alterum naturae. Quae est autem gens aut quae civitas quae non aut extispicum aut monstra aut fulgora interpretantium, aut augurum, aut astrologorum, aut sortium (ea enim fere artis sunt), aut somniorum aut vaticinationum (haec enim duo naturalia putantur), praedictione moveatur? Quarum quidem rerum eventa magis arbitror quam causas quaeri oportere. Est enim vis et natura quaedam, quae tum observatis longo tempore significationibus, tum aliquo instinctu inflatuque divino futura praenuntiat. VII. "Quare omittat urguere Carneades, quod faciebat etiam Panaetius requirens, Iuppiterne cornicem a laeva, corvum ab dextera, canere iussisset. Observata sunt haec tempore immenso et eventis animadversa et notata. Nihil est autem quod non longinquitas temporum excipiente memoria prodendisque monumentis efficere atque assequi possit. Mirari licet quae sint animadversa a medicis herbarum genera, quae radicum ad morsus bestiarum, ad oculorum morbos, ad vulnera, quorum vim atque naturam ratio numquam explicavit, utilitate et ars est et inventor probatus. - "Age ea, quae quamquam ex alio genere sunt, tamen divinationi sunt similiora, videamus:
Atque etiam ventos praemonstrat saepe futuros VIII. "Atque his rerum praesensionibus Prognostica tua referta sunt. Quis igitur elicere causas praesensionum potest? Etsi video Boëthum Stoicum esse conatum, qui hactenus aliquid egit, ut earum rationem rerum explicaret, quae in mari caelove fierent. Illa vero cur eveniant, quis probabiliter dixerit?
Cana fulix itidem fugiens e gurgite ponti
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LIVRE PREMIER. I. C'est une ancienne opinion dont l'origine remonte jusqu'aux temps héroïques, et que continue l'assentiment du peuple romain et de toutes les nations, qu'il existe parmi les hommes une certaine divination (μαντική en grec), c'est-à-dire un pressentiment, une science des choses futures. Prérogative aussi merveilleuse qu'utile, si toutefois elle est réelle, et par le moyen de laquelle notre nature périssable se rapprocherait de très-près de la toute-puissance divine. Aussi, cette fois, comme en beaucoup d'autres occasions, avons-nous mieux rencontré que les Grecs en donnant à cette faculté excellente un nom dérivé des Dieux, au lieu du mot grec, qui, selon Platon, vient de fureur. Il est certain du moins que je ne connais aucun peuple, à quelque degré qu'il soit de civilisation et d'instruction, ou de férocité et de barbarie, qui n'admette l'existence des signes de l'avenir, et la faculté chez quelques hommes de les comprendre et de les interpréter. En remontant aux autorités les plus anciennes, nous voyons d'abord les Assyriens, habitants de plaines étendues d'où ils apercevaient de tous côtés un ciel découvert et un large horizon, observer le cours et le passage des astres, et attacher à leurs di verses révolutions certaines interprétations fidèlement transmises à la postérité. Parmi ces peuples, les Chaldéens, ainsi nommés de la Chaldée, et non de leur profession, passent pour avoir créé, à la suite dune observation assidue des astres, la science qui enseigne à connaître la destinée des hommes, et à prédire l'avenir de chacun d'après le moment de sa naissance. On croit aussi que les Égyptiens acquirent le môme art s la suite des temps, et après une succession de siècles presque innombrables. Les Ciliciens, les habitants de la Pisidie, et leurs voisins les Pamphyliens que j'ai administrés comme proconsul, pensent que les signes les plus certains de l'avenir sont le vol et le chant des oiseaux. Quelle colonie la Grèce envoya-t-elle jamais en Éolie, dans l'Ionie, en Asie, en Sicile ou en Italie, sans l'avis de l'oracle d'Apollon Pythien, ou de l'oracle de Dodone, ou de celui de Jupiter Ammon? Quelle guerre osa-t-elle jamais entreprendre sans le conseil des Dieux? II. Les États et les particuliers pratiquent plus d'un genre de divination ; et, pour ne rien dire des autres peuples, combien de modes divers avons-nous adoptés? D'abord, selon la tradition, Romulus, père de cette cité, non-seulement ne fonda Rome qu'après avoir pris les auspices, mais se montra lui-même un excellent augure. Ses successeurs imitèrent son exemple; et les rois expulsés, nulle affaire publique, soit en paix, soit en guerre, ne fut entreprise sans lavis des augures. Bientôt, comme on attribuait une grande puissance à l'art des aruspices, soit pour obtenir quelque chose des Dieux, soit pour les con- 183 sulter, soit aussi pour interpréter les prodiges et en conjurer J'effet, on emprunta à l'Étrurie toute sa science augurale, afin qu'aucun genre de divination ne parût avoir été négligé. Et enfin comme les esprits peuvent d'eux-mêmes, par un mouvement libre et absolu, sans le secours de la raison ou de la science, être agités de deux manières, ou en songe, ou par une fureur di-vine, l'opinion que cette sorte d'inspiration furieuse avait dicté les vers Sibyllins fit que l'on choisit, parmi les citoyens, dix interprètes de ces poèmes. Par la même raison on eut souvent égard aux prédictions des devins furieux, tels que Cornélius Culléolus, dans le temps de la guerre Octavienne. Le conseil suprême ne négligea même pas les songes extraordinaires lorsqu'ils semblaient se rattacher aux affaires publiques. N'avons-nous pas vu de notre temps Lucius Julius, consul avec P. Rutilius, chargé de rebâtir le temple de Junon Tutélaire, par un décret du sénat rendu à l'occasion d'un songe de Cécilia, fille de Métellus Baléaricus? III. Mais je pense que les anciens adoptèrent ces pratiques plutôt guidés par les faits que conduits par le raisonnement. Quant aux philosophes, on a recueilli d'eux quelques arguments d'une force toute particulière, et qui nous démontrent que bien réellement il existe une divination. Seul, et parmi les plus anciens, Xénophane de Dolophon, tout en affirmant l'existence des Dieux, attaque la divination dans ses fondements. Tous les autres, excepté Epicure qui ne fait que balbutier en parlant de la nature des Dieux, ont admis la divination, mais non de la même manière. Socrate et tous ses disciples, Zénon et tous ses sectateurs, d'accord en cela avec l'ancienne Académie et les Péripatéticiens, adoptent le sentiment des anciens philosophes, sentiment auquel Pythagore, qui voulait lui-même passer pour augure , avait déjà donné une grande autorité. Démocrite, auteur si grave, reconnaît en plusieurs endroits que Ton peut prédire l'avenir; mais Dicéarque le péripatéticien, attaquant tous les genres de divination, ne veut ajouter foi qu'aux songes et à la fureur; et après lui, Cratippe, mon ami, et dans mon opinion l'égal des Péripatéticiens les plus fameux, n'admet que ces deux derniers modes de divination, et rejette, à l'exemple de Dicéarque, tous les autres. Mais comme les Stoïciens les approuvaient presque tous, conformément à cette doctrine, dont on peut dire que le germe développé par Cléanthe avait été déposé par Zénon dans ses commentaires, survint un homme d'un esprit très-ingénieux, Chrysippe, qui traita fort au long de la divination dans deux livres, et composa deux autres traités sur les oracles et sur les songes. Après lui, son élève Diogène le Babylonien publia un livre sur ce sujet; Antipater, deux, et notre ami Posidonius, cinq. Mais le prince de sa secte, le maître de Posidonius, le disciple d'Antipater, Panétius enfin, s'écarta de la doctrine des Stoïciens, bien qu'il n'ait exprimé que des doutes, sans oser nier décidément qu'il n'y eût point de divination. Or, ce qu'un Stoïcien s'est permis en un point, malgré ses amis, nous sera-t-il défendu par ces mêmes Stoïciens en tout le reste, surtout lorsque cette question, obscure pour Panétius, leur paraît à tous plus claire que la lumière du soleil? Quoi qu'il en soit, c'est un grand honneur pour l'Académie d'avoir en sa faveur le jugement et le témoignage de ce philosophe éminent. 184 IV. Puisque nous cherchons nous-mêmes ce que l'on doit penser de la divination; que c'est un sujet que Carnéade a discuté longuement avec autant de pénétration que de fécondité contre les Stoïciens, et que nous devons craindre l'erreur ou la précipitation, il me semble que c'est un devoir pour nous de comparer entre eux avec soin les arguments opposés, comme nous l'avons fait dans nos trois livres sur la nature des Dieux. Car si la crédulité téméraire et Terreur sont toujours honteuses, la honte n'est-elle pas plus grande encore lorsqu'il s'agit de décider jusqu'à quel point nous devons déférer aux auspices, aux choses divines, et au culte des Dieux ? Ne courons-nous pas alors le danger, ou de tomber dans l'impiété, si nous les méprisons à tort, ou de partager une puérile superstition, si nous en sommes les dupes?
V. Dernièrement à Tusculum mon frère Quintus et moi nous discutâmes
à fond ces matières, qui souvent déjà avaient été l'objet de nos
entretiens. Comme nous nous promenions dans mon Lycée, c'est le nom
du gymnase supérieur : J'ai achevé, me dit Quintus, de lire votre
troisième livre de la nature des Dieux ; et quoique la dissertation
de Cotta ait affaibli ma conviction, elle ne l'a point toutefois
entièrement détruite. — Vous avez raison, répondis-je; car le but de
Cotta est plutôt de réfuter les arguments des Stoïciens que de
renverser les opinions religieuses des hommes. — Je sais bien,
répliqua Quintus, que Cotta dit et répète VI. C'est la citadelle même des Stoïciens, dis-je à Quintus, que vous défendez, en admettant leur double argument que la divination prouve les Dieux, et réciproquement les Dieux, la divination. Mais aucune de ces deux propositions ne doit être admise aussi facilement que vous le croyez ; car l'avenir peut être dévoilé par la nature sans l'intervention d'un Dieu, et il peut se faire que les Dieux existent sans qu'aucune faculté de divination ait été accordée au genre humain. — Pour moi, répliqua-t-il, il me suffit d'avoir des preuves claires et certaines de la divination, pour être convaincu qu'il existe des Dieux et qu'ils veillent sur les hommes. Je vais, si vous le permettez, vous exposer ce que j'en pense, pourvu toutefois que vous ayez le loisir de m'entendre, 185 et que vous ne trouviez rien de mieux à faire. — Quintus, repartis-je, je suis toujours prêt à philosopher; et en ce moment où nulle autre occupation ne pourrait m'être agréable, je désire plus vivement encore connaître ce que vous pensez de la divination. —Rien, dit-il, de nouveau, rien qui me soit particulier; je suis l'opinion la plus ancienne, fort de l'assentiment de tous les peuples, de toutes les races. Il existe deux genres de divination, l'un artificiel, l'autre naturel. En effet, quel peuple, quelle cité qui n'admette, soit les divinations artificielles, comme celles qui résultent de l'inspection des entrailles des victimes, de l'interprétation des prodiges, des foudres, des augures, de l'astrologie, soit la divination naturelle qui comprend les songes et les vaticinations? A mon avis, il faut ici noter les faits sans en rechercher les causes; car on ne peut douter qu'il n'existe en nous une certaine vertu naturelle qui, secondée par l'étude d'une longue suite d'observations, ou aidée par une sorte d'instinct et d'inspiration divine, nous annonce l'avenir. VII. Que Carnéade, et après lui Panétius, cessent donc de rechercher avec tant de soin si Jupiter ordonna à la corneille de croasser à gauche et au corbeau à droite, observations recueillies depuis un temps infini, et notées comme significatives pour l'avenir. Car il n'est rien qu'on ne puisse parvenir à connaître avec le temps et par nne longue série de remarques fidèlement transmises. Nous admirons de combien d'herbes et de racines les médecins ont découvert l'efficacité, tant pour les morsures dangereuses que pour les maux d'yeux et les blessures ; la raison n'a jamais expliqué la puissance et la nature de ces remèdes, mais leur utilité en justifie l'usage et donne raison à leur inventeur. Bien plus, que direz-vous de certains pronostics qui, différents de la divination, lui ressemblent cependant beaucoup? « Nous prévoyons une tempête prochaine, lorsque la mer profonde semble tout à coup soulevée par les vents, lorsque les écueils blanchis d'une écume salée répondent aux cent voix de l'Océan par de tristes mugissements, ou lorsqu'une brise stridente, partie, des sommets des monts, mugit et redouble, renvoyée par la ligne insurmontable des écueils. » VIII. Tous vos pronostics sont remplis de pressentiments de même nature :et qui peut expliquer la cause première de ces pressentiments ? Je sais bien que le Stoïcien Boëthus l'a essayé, et qu'il a trouvé parfois la raison des phénomènes de la mer et du ciel. Mais qui nous expliquera d'une manière probable les pronostics suivants ? « Quand la blanche mouette annonce les horreurs d'une tempête imminente, elle s'élève au-dessus de l'abîme, et jette des cris aigus et entrecoupés. Alors souvent aussi la chouette vigilante module un chant lugubre et plaintif, qu'elle prolonge et redouble quand l'aurore dissipe la fraîche rosée. Quelquefois aussi la noire corneille courant sur les grèves plonge sa tête dans les flots. »
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IX. "Videmus haec signa numquam fere mentientia nec tamen cur ita fiat videmus.
Vos quoque signa videtis, aquai dulcis alumnae, Quis est qui ranunculos hoc videre suspicari possit? Sed inest in ranunculis vis et natura quaedam significans aliquid per se ipsa satis certa, cognitioni autem hominum obscurior.
Mollipedesque boves spectantes lumina caeli Non quaero cur, quoniam quid eveniat intellego.
Iam vero semper viridis semperque gravata Nec hoc quidem quaero, cur haec arbor una ter floreat aut cur arandi maturitatem ad signum floris accommodet; hoc sum contentus, quod, etiamsi, cur quidque fiat, ignorem, quid fiat, intellego. Pro omni igitur divinatione idem, quod pro rebus eis, quas commemoravi, respondebo. X. "Quid scammoneae radix ad purgandum, quid aristolochia ad morsus serpentium possit—quae nomen ex inventore repperit, rem ipsam inventor ex somnio—video, quod satis est; cur possit, nescio. Sic ventorum et imbrium signa, quae dixi, rationem quam habeant, non satis perspicio; vim et eventum agnosco, scio, approbo. Similiter, quid fissum in extis, quid fibra valeat, accipio; quae causa sit, nescio. Atque horum quidem plena vita est; extis enim omnes fere utuntur. Quid? De fulgurum vi dubitare num possumus? Nonne cum multa alia mirabilia, tum illud in primis? Cum Summanus in fastigio Iovis optimi maximi, qui tum erat fictilis, e caelo ictus esset nec usquam eius simulacri caput inveniretur, haruspices in Tiberim id depulsum esse dixerunt; idque inventum est eo loco qui est ab haruspicibus demonstratus. XI . "Sed quo potius utar aut auctore aut teste quam te? Cuius edidici etiam versus, et lubenter quidem, quos in secundo de consulatu Urania Musa pronuntiat:
Principio aetherio flammatus Iuppiter igni XII. Nunc ea, Torquato quae quondam et consule Cotta
Lydius ediderat Tyrrhenae gentis haruspex,
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IX. Nous savons que ces signes sont presque infaillibles; pourquoi? Nous l'ignorons. « Et vous aussi, habitants de Tonde paisible, vous présagez le temps, lorsque, toujours prêts à pousser de vaines clameurs, vous remplissez les marais et les fontaines de monotones coassements. » Qui 186 croira cependant que les grenouilles aient la faculté de prévoir? Il faut donc qu'il y ait dans la nature de ces animaux et dans les marais qu'ils habitent je ne sais quelle vertu naturelle, dont l'instinct est presque infaillible, mais qui offre à l'homme un mystère impénétrable. « Le bœuf au pas lent, levant la tête vers le ciel, respire par ses larges naseaux l'humidité contenue dans Pair. » Je ne demande pas pourquoi : je vois le fait et je comprends ce qu'il signifie. « Le lentes-que, toujours chargé de feuilles et de fruits, marque les trois saisons du labourage par sa triple floraison, suivie chaque fois de fruits abondants. » Je ne demande pas non plus pourquoi cet arbre seul fleurit trois fois l'an, et pourquoi sa floraison coïncide exactement avec les diverses saisons du labourage. Il me suffit que la chose soit, bien que j'en ignore la raison; et la remarque que je fais à. Ce sujet me servira de réponse pour toute espèce de divination. X. Sans m'inquiéter de la cause, je vois, et ce m'est assez, la vertu purgative de la racine de scammonée, la vertu curative de l'aristoloche, bonne contre le venin des serpents; cette dernière plante fut ainsi nommée de celui qui, sur la foi d'un songe, en découvrit le premier les effets. Je vois aussi les effets qui suivent les pronostics du vent et de la pluie; je connais, je constate ces effets dont j'ignore la cause. Je sais pareillement ce que signifient dans la victime la fissure des entrailles et les lobes du foie; du reste, la cause m'en est inconnue. La vie est pleine de ces observations, car l'usage d'inspecter les entrailles des •victimes est presque universel. Pouvons-nous dou ter des pronostics de la foudre? Parmi les prodiges de cette sorte, qui ne se rappelle surtout celui-ci? La statue de Summanus, placée sur le faite du temple de Jupiter Optimus Maximus, fut frappée de la foudre. La tête de cette statue, qui était alors en terre cuite, ne se retrouvant pas, les aruspices annoncèrent qu'elle avait été lancée jusque dans le Tibre. On la découvrit dans le lieu même qu'ils avaient désigné. XI. Mais quel auteur, quel témoin dois-je préférer à vous-même, à vous dont j'ai appris par cœur, et avec tant de plaisir, les vers que vous prêtez à la muse Uranie dans le second livre de votre Consulat? « D'abord Jupiter, rayonnant d'une flamme éthérée, se meut, inondant l'univers entier de sa lumière ; le ciel et la terre apparaissent préconçus par cet esprit divin qui, caché dans l'abîme et enveloppé de tout temps par l'éther, contenait en lui la vie et l'intelligence humaine. Yeux-tu connaître sous quel signe s'agitent les étoiles que les Grecs appellent mal à propos errantes, et dont la course et la carrière sont au contraire si bien réglées? L'esprit divin leur a déjà marqué leur place. Toi-même, pendant ton consulat, lorsque tu parcourus les sommets neigeux de l'Albane, épanchant un lait pur dans les fêtes Latines, tu observas les révolutions rapides, le concours des constellations, leur éclat inusité, et les feux irréguliers des comètes , et tu prévis que bientôt le carnage ensanglanterait Rome. Quel triste présage apportèrent les fériés, quand la lune, de lumineuse devenant tout à couρ obscure, disparut au milieu du ciel étoile ; quand, plus tard, le disque du soleil, s'arrêtant 187 dans sa course enflammée, s'éteignit dans un obscur horizon ; lorsqu'un citoyen romain périt au milieu d'un jour serein, frappé par la foudre terrible, ou enfin lorsque la lourde masse de la terre s'ébranla! alors d'effrayants fantômes montrèrent pendant la nuit leurs formes variées, annonçant la guerre et les dissensions. Des devins furieux semèrent leurs oracles et leurs lugubres menaces en tous lieux. Ainsi tout ce qui est arrivé an peuple romain apporté par le cours éternel des destins, le père des Dieux l'annonçait au ciel et à la terre par des signes répétés et éclatants. XII. « Tous ces événements, prédits autrefois par l'aruspice étrurien d'origine lydienne, sous le consulat de Torquatus et de Cotta, ont éclaté à la fois sous ton propre consulat. Du haut de l'Olympe étoile, le maître du tonnerre a frappé les monts sacrés couronnés de ses temples, et embrasé de ses feux le Capitule, siège de l'empire romain ; alors la foudre dévora l'antique statue de Natta renversée ; elle anéantit et les simulacres des Dieux et les lois autrefois dictées par eux. Là se voyait la louve sauvage dont les mamelles remplies arrosaient d'un lait nourrissant les lèvres des nouveau-nés enfants de Mars. Renversée par la foudre, elle tombe arrachée de sa base où reste seulement l'empreinte de ses pieds. Chacun alors feuilletant les écrits et consultant les monuments de la science, trouvait de lugubres prédictions dans les archives de l'Étrurie. Tous ces livres conseillaient d'éviter les discordes fomentées par des nobles méditant d'affreux attentats. Ils parlaient fréquemment de l'anéantissement prochain des lois, ordonnant d'arracher aux flammes les villes et les temples, et de protéger les citoyens contre les meurtriers conjurés. Tels étaient les décrets de l'immuable destin, à moins qu'on ne plaçât sur le sommet d'une colonne l'image sacrée de Jupiter tournée vers l'orient ; car le peuple et l'auguste sénat ne pouvaient dévoiler les trames secrètes que quand la statue, tournée vers le soleil levant, verrait elle-même la Curie et le Forum. Ce ne fut que sous ton consulat que cette image, après beaucoup de retards, fut enfin placée sur le sommet d'une colonne; et au moment même où Jupiter, le sceptre en main, brillait sur ce haut piédestal, les Allobroges dévoilaient au sénat et au peuple les complots tramés dans l'ombre par des assassins et des incendiaires.
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XIII. Rite igitur veteres, quorum monumenta tenetis, "Tu igitur animum poteris inducere contra ea, quae a me disputantur de divinatione, dicere, qui et gesseris ea, quae gessisti, et ea, quae pronuntiavi, accuratissime scripseris? - "Quid? Quaeris, Carneades, cur haec ita fiant aut qua arte perspici possint? Nescire me fateor, evenire autem te ipsum dico videre. ' Casu,' inquis. Itane vero? Quicquam potest casu esse factum, quod omnes habet in se numeros veritatis? Quattuor tali iacti casu Venerium efficiunt; num etiam centum Venerios, si quadringentos talos ieceris, casu futuros putas? Aspersa temere pigmenta in tabula oris liniamenta efficere possunt; num etiam Veneris Coae pulchritudinem effici posse aspersione fortuita putas? Sus rostro si humi A litteram impresserit, num propterea suspicari poteris Andromacham Ennii ab ea posse describi? Fingebat Carneades in Chiorum lapicidinis saxo diffisso caput extitisse Panisci; credo, aliquam non dissimilem figuram, sed certe non talem ut eam factam a Scopa diceres. Sic enim se profecto res habet, ut numquam perfecte veritatem casus imitetur. XIV. "'At non numquam ea, quae praedicta sunt minus eveniunt.' Quae tandem id ars non habet? Earum dico artium, quae coniectura continentur et sunt opinabiles. An medicine ars non putanda est? Quam tamen multa fallunt. Quid? Gubernatores nonne falluntur? An Achivorum exercitus et tot navium rectores non ita profecti sunt ab Ilio,
Ut profectione laeti piscium lasciviam Num igitur tot clarissimorum ducum regumque naufragium sustulit artem gubernandi? Aut num imperatorum scientia nihil est, quia summus imperator nuper fugit amisso exercitu? Aut num propterea nulla est rei publicae gerendae ratio atque prudentia, quia multa Cn. Pompeium, quaedam M. Catonem, non nulla etiam te ipsum fefellerunt? Similis est haruspicum responsio omnisque opinabilis divinatio; coniectura enim nititur, ultra quam progredi non potest. Ea fallit fortasse non numquam, sed tamen ad veritatem saepissime derigit; est enim ab omni aeternitate repetita, in qua cum paene innumerabiliter res eodem modo evenirent isdem signis antegressis, ars est effecta eadem saepe animadvertendo ac notando.
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XIII. « C'est donc à bon droit que les anciens dont vous possédez les monuments, et qui gouvernèrent les peuples et les cités au nom de la vertu et de la modération, se distinguèrent par leur zèle ardent pour les Dieux, servant en cela de modèle à vos pères, si remarquables eux-mêmes par leur foi, leur piété et leur sagesse sans égale. Ces vérités n'échappèrent point à la sagacité de ces philosophes qui, sous les ombrages de l'Académie, ou dans le brillant Lycée, consacrèrent à de studieux loisirs toutes les richesses de leur beau génie. Pour toi, tu te vis arraché du milieu de ces sages dès ta plus tendre jeunesse, et appelé par ta patrie pour défendre tout ce qu'elle avait de noble et de saint. Mais faisant trêve à tes graves soucis, tu viens quelquefois 188 te délasser dans l'étude des lettres romaines et dans des exercices que tu nous destines. » Iriez-vous donc vous prononcer contre la divination que je soutiens, vous l'acteur et le témoin de ces faits, vous l'auteur des vers élégants que je viens de citer ? Demanderez-vous, avec Carnéade, pourquoi les choses se passent ainsi, et par quel art on peut les prévoir? Je confesse, en cela, mon ignorance; je dis seulement que vous reconnaissez tout aussi bien.que moi que les faits s'accomplissent. C'est l'effet du hasard, me direz-vous. Quoi, serait-il vrai que le hasard pût réunir tous les éléments de la perfection et de la vérité? Quatre dés amènent par hasard le point de Vénus : croyez-vous que quatre cents dés pussent l'amener de même cent fois? Des couleurs jetées à l'aventure peuvent figurer les traits du visage, mais pensez-vous que l'on puisse par un semblable moyen représenter la beauté de la Vénus de Cos? Qu'un porc trace la lettre À en fouillant la terre ; vous viendra-t-il à l'idée qu'il puisse écrire l'Andromaque d'Ennius? Carnéade supposait qu'en fendant une pierre des carrières de Chio, on avait trouvé la tête d'un jeune faune; j'admets qu'on y découvrit quelque chose de semblable, mais rien sans doute de comparable aux ouvrages de Scopas, car il n'arrive jamais que le hasard imite parfaitement la vérité. XIV. Mais parfois les événements prédits n'arrivent pas. Eh ! quel art, parmi ceux qui se fondent sur l'opinion et sur les conjectures, est infaillible ? La médecine n'est-elle pas un art? Combien de fois cependant ne s'est-elle pas trompée? Les pilotes ne se trompent-ils pas aussi? Comme le dit Pacuvius, l'armée des Grecs et les pilotes, guides de leurs nombreux vaisseaux, à leur départ de Troie, ne s'amusaient-ils pas, dans leur joie, à voir les poissons se jouer dans les flots, spectacle dont ils ne pouvaient se lasser? Mais bientôt, vers le coucher du soleil, d'épaisses ténèbres, produites tout à la fois par le vent et la tempête, s'étendirent au loin sur la mer furieuse. » Ce naufrage de tant de rois, de tant d'illustres capitaines a-t-il anéanti l'art de la navigation ? Pour avoir vu dernièrement un grand général s'enfuir après avoir perdu son armée, nierons-nous l'art delà guerre? Enfin la raison, la prudence n'ont-elles plus rien à faire dans le gouvernement de la république, parce que Pompée s'est trompé souvent, M. Caton de temps à autre, et Cicéron lui-même quelquefois? Il en est ainsi des réponses des aruspices et de toute divination basée sur des conjectures ; car il n'est pas donné à l'esprit humain d'aller plus loin. Déçus parfois, elles nous conduisent cependant le plus souvent à la vérité ; car cette science remonte à un temps immémorial ; car cet art est le résultat d'une série d'observations recueillies à la suite d'une infinité d'événements semblables, précédés des mêmes signes.
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XV. "Auspicia vero vestra quam constant! quae quidem nunc a Romanis auguribus ignorantur (bona hoc tua venia dixerim), a Cilicibus, Pamphyliis, Pisidis, Lyciis tenentur. Nam quid ego hospitem nostrum, clarissimum atque optimum virum, Deiotarum regem, commemorem, qui nihil umquam nisi auspicato gerit? Qui cum ex itinere quodam proposito et constituto revertisset aquilae admonitus volatu, conclave illud, ubi erat mansurus, si ire perrexisset, proxima nocte corruit. Itaque, ut ex ipso audiebam, persaepe revertit ex itinere, cum iam progressus esset multorum dierum viam. Cuius quidem hoc praeclarissimum est, quod, posteaquam a Caesare tetrarchia et regno pecuniaque multatus est, negat se tamen eorum auspiciorum, quae sibi ad Pompeium proficiscenti secunda evenerint, paenitere; senatus enim auctoritatem et populi Romani libertatem atque imperii dignitatem suis armis esse defensam, sibique eas aves, quibus auctoribus officium et fidem secutus esset, bene consuluisse; antiquiorem enim sibi fuisse possessionibus suis gloriam. Ille mihi videtur igitur vere augurari. - "Nam nostri quidem magistratus auspiciis utuntur coactis; necesse est enim offa obiecta cadere frustum ex pulli ore cum pascitur. Quod autem scriptum habetis hinc tripudium fieri, si ex ea quid in solum ceciderit, hoc quoque, quod dixi, coactum tripudium solistimum dicitis. Itaque multa auguria, multa auspicia, quod Cato ille sapiens queritur, neglegentia collegi amissa plane et deserta sunt. XVI. . "Nihil fere quondam maioris rei nisi auspicato ne privatim quidem gerebatur, quod etiam nunc nuptiarum auspices declarant, qui, re omissa, nomen tantum tenent. Nam ut nunc extis (quamquam id ipsum aliquanto minus quam olim), sic tum avibus magnae res inpetriri solebant. Itaque, sinistra dum non exquirimus, in dira et in vitiosa incurrimus. Ut P. Claudius, Appii Caeci filius, eiusque collega L. Iunius classis maximas perdiderunt, cum vitio navigassent. Quod eodem modo evenit Agamemnoni; qui, cum Achivi coepissent
Inter se strepere aperteque artem obterere extispicum, "Sed quid vetera? M. Crasso quid acciderit, videmus, dirarum obnuntiatione neglecta. In quo Appius, collega tuus, bonus augur, ut ex te audire soleo, non satis scienter virum bonum et civem egregium censor C. Ateium notavit, quod ementitum auspicia subscriberet. Esto; fuerit hoc censoris, si iudicabat ementitum; at illud minime auguris, quod adscripsit ob eam causam populum Romanum calamitatem maximam cepisse. Si enim ea causa calamitatis fuit, non est in eo culpa, qui obnuntiavit, sed in eo, qui non paruit. Veram enim fuisse obnuntia- tionem, ut ait idem augur et censor, exitus approbavit; quae si falsa fuisset, nullam afferre potuisset causam calamitatis. Etenim dirae, sicut cetera auspicia, ut omina, ut signa, non causas afferunt, cur quid eveniat, sed nuntiant eventura, nisi provideris. Non igitur obnuntiatio Atei causam finxit calamitatis, sed signo obiecto monuit Crassum, quid eventurum esset, nisi cavisset. Ita aut illa obnuntiatio nihil valuit, aut si, ut Appius iudicat, valuit, id valuit ut peccatum haereat non in eo qui monuerit, sed in eo qui non obtemperarit. XVII. . "Quid? Lituus iste vester quod clarissimum est insigne auguratus, unde vobis est traditus? Nempe eo Romulus regiones direxit tum cum urbem condidit. Qui quidem Romuli lituus, id est incurvum et leviter a summo inflexum bacillum, quod ab eius litui quo canitur similitudine nomen invenit, cum situs esset in curia Saliorum, quae est in Palatio, eaque deflagravisset, inventus est integer. Quid? Multis annis post Romulum Prisco regnante Tarquinio quis veterum scriptorum non loquitur, quae sit ab Atto Navio per lituum regionum facta discriptio? Qui cum propter paupertatem sues puer pasceret, una ex iis amissa vovisse dicitur, si recuperasset, uvam se deo daturum, quae maxima esset in vinea; itaque sue inventa ad meridiem spectans in vinea media dicitur constitisse, cumque in quattuor partis vineam divisisset trisque partis aves abdixissent, quarta parte, quae erat reliqua, in regiones distributa, mirabili magnitudine uvam, ut scriptum videmus, invenit. - "Qua re celebrata cum vicini omnes ad eum de rebus suis referrent, erat in magno nomine et gloria. Ex quo factum est, ut eum ad se rex Priscus arcesseret. Cuius cum temptaret scientiam auguratus, dixit ei cogitare se quiddam; id possetne fieri consuluit. Ille, augurio acto, posse respondit. Tarquinius autem dixit se cogitasse cotem novacula posse praecidi. Tum Attum iussisse experiri. Ita cotem in comitium allatam, inspectante et rege et populo, novacula esse discissam. Ex eo evenit ut et Tarquinius augure Atto Navio uteretur et populus de suis rebus ad eum referret. Cotem autem illam et novaculam defossam in comitio supraque impositum puteal accepimus. - "Negemus omnia, comburamus annales, ficta haec esse dicamus, quidvis denique potius quam deos res humanas curare fateamur. Quid? Quod scriptum apud te est de Ti. Graccho, nonne et augurum et haruspicum comprobat disciplinam? Qui cum taber- naculum vitio cepisset imprudens, quod inauspicato pomerium transgressus esset, comitia consulibus rogandis habuit. Nota res est et a te ipso mandata monumentis. Sed et ipse augur Ti. Gracchus auspiciorum auctoritatem confessione errati sui comprobavit; et haruspicum disciplinae magna accessit auctoritas, qui recentibus comitiis in senatum introducti negaverunt iustum comitiorum rogatorem fuisse. XVIII . "Eis igitur assentior, qui duo genera divinationum esse dixerunt, unum, quod particeps esset artis, alterum, quod arte careret. Est enim ars in eis qui novas res coniectura persequuntur, veteres observatione didicerunt. Carent autem arte ei qui, non ratione aut coniectura observatis ac notatis signis, sed concitatione quadam animi aut soluto liberoque motu, futura praesentiunt, quod et somniantibus saepe contingit et non numquam vaticinantibus per furorem, ut Bacis Boeotius, ut Epimenides Cres, ut Sibylla Erythraea. Cuius generis oracula etiam habenda sunt, non ea, quae aequatis sortibus ducuntur, sed illa, quae instinctu divino afflatuque funduntur; etsi ipsa sors contemnenda non est, si auctoritatem habet vetustatis, ut eae sunt sortes, quas e terra editas accepimus; quae tamen ductae ut in rem apte cadant, fieri credo posse divinitus. Quorum omnium interpretes, ut grammatici poetarum, proxime ad eorum, quos interpretantur, divinationem videntur accedere. - "Quae est igitur ista calliditas res vetustate robustas calumniando velle pervertere? Non reperio causam. Latet fortasse obscuritate involuta natura; non enim me deus ista scire, sed his tantum modo uti voluit. Utar igitur nec adducar aut in extis totam Etruriam delirare aut eandem gentem in fulguribus errare aut fallaciter portenta interpretari, cum terrae saepe fremitus, saepe mugitus, saepe motus multa nostrae rei publicae, multa ceteris civitatibus gravia et vera praedixerint. Quid? Qui irridetur, partus hic mulae nonne, quia fetus extitit in sterilitate naturae, praedictus est ab haruspicibus incredibilis partus malorum? - "Quid? Ti. Gracchus P. F., qui bis consul et censor fuit, idemque et summus augur et vir sapiens civisque praestans, nonne, ut C. Gracchus, filius eius, scriptum reliquit, duobus anguibus domi comprehensis haruspices convocavit? Qui cum respondissent, si marem emisisset, uxori brevi tempore esse moriendum, si feminam, ipsi; aequius esse censuit se maturam oppetere mortem quam P. Africani filiam adulescentem; feminam emisit, ipse paucis post diebus est mortuus. XIX. . Irrideamus haruspices, vanos, futiles esse dicamus, quorumque disciplinam et sapientissimus vir et eventus ac res comprobavit, contemnamus; contemnamus etiam Babylonios, et eos, qui e Caucaso caeli signa servantes numeris stellarum cursus persequuntur. Condemnemus, inquam, hos aut stultitiae aut vanitatis aut impudentiae, qui quadringenta septuaginta milia annorum, ut ipsi dicunt, monumentis comprehensa continent, et mentiri iudicemus, nec saeculorum reliquorum iudicium quod de ipsis futurum sit pertimescere. Age, barbari vani atque fallaces; num etiam Graiorum historia mentita est? - "Quae Croeso Pythius Apollo, ut de naturali divinatione dicam, quae Atheniensibus, quae Lacedaemoniis, quae Tegeatis, quae Argivis, quae Corinthiis respondent, quis ignorat? Collegit innumerabilia oracula Chrysippus nec ullum sine locuplete auctore atque teste; quae, quia nota tibi sunt, relinquo; defendo unum hoc: Numquam illud oraculum Delphis tam celebre et tam clarum fuisset neque tantis donis refertum omnium populorum atque regum, nisi omnis aetas oraculorum illorum veritatem esset experta. Idem iam diu non facit. Ut igitur nunc minore gloria est, quia minus oraculorum veritas excellit, sic tum nisi summa veritate in tanta gloria non fuisset. Potest autem vis illa terrae quae mentem Pythiae divino afflatu concitabat evanuisse vetustate, ut quosdam evanuisse et exaruisse amnes aut in alium cursum contortos et deflexos videmus. Sed ut vis acciderit, magna enim quaestio est, modo maneat id quod negari non potest, nisi omnem historiam perverterimus, multis saeclis verax fuisse id oraculum. XX. "Sed omittamus oracula; veniamus ad somnia. De quibus disputans Chrysippus, multis et minutis somniis colligendis, facit idem quod Antipater ea conquirens, quae Antiphontis interpretatione explicata declarant illa quidem acumen interpretis, sed exemplis grandioribus decuit uti. Dionysii mater, eius qui Syracosiorum tyrannus fuit, ut scriptum apud Philistum est, et doctum hominem et diligentem et aequalem temporum illorum, cum praegnans hunc ipsum Dionysium alvo contineret, somniavit se peperisse Satyriscum. Huic interpretes portentorum, qui Galeotae tum in Sicilia nominabantur, responderunt, ut ait Philistus, eum, quem illa peperisset, clarissimum Graeciae diuturna cum fortuna fore. - "Num te ad fabulas revoco vel nostrorum vel Graecorum poëtarum? Narrat enim et apud Ennium Vestalis illa:
Excita cum tremulis anus attulit artubu' lumen,
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XV. Vos auspices n'approchent-ils pas de la certitude? Il est vrai que maintenant les augures romains, permettez-moi de vous le dire, ignorent la science que possèdent à fond les Ciliciens, les Pamphyliens, les Pisidiens et les Lyciens. Ai-je besoin de vous rappeler un nom illustre et vénéré, celui de notre hôte le roi Déjotarus? Vous savez que ce prince n'entreprend rien sans avoir consulté les auspices. Un jour, averti par le vol d'un aigle, il interrompit un voyage projeté et commencé ; et la chambre où il aurait dû coucher, 189 s'il n'était pas revenu sur ses pas, s'écroula la nuit suivante. Je l'ai entendu dire qu'il avait souvent ainsi discontinué d'autres voyages entrepris depuis plusieurs jours. Mais ce qu'il y a de plus beau dans sa conduite, c'est que, dépouillé de sa tétrarchie, de son royaume et de ses richesses par César, il persiste à ne pas se repentir d'avoir suivi les auspices qui l'engagèrent à embrasser la cause de Pompée; fidèle à son devoir et à la foi jurée, il trouve que les oiseaux l'ont bien conseillé, puisqu'il a défendu, les armes à la main, l'autorité du sénat, la liberté du peuple romain et la dignité de l'empire : achetée au prix de son royaume, cette gloire ne lui semble pas trop chère. Voilà vraiment un augure. Pour vos magistrats , ils se servent d'auspices forcés ; car de la manière dont on présente la nourriture aux poulets, il faut de toute nécessité qu'en mangeant ils en laissent tomber quelque peu à terre. Cet auspice, que j'appelle forcé, vous l'appelez, vous, tripudium solistimum, nom qui η appartient qu'à l'auspice libre tiré, selon les règles, de la nourriture tombant naturellement à terre. C'est ainsi que, par la négligence du collège des augures, on a entièrement perdu et abandonné bon nombre d'auspices et d'augures, comme s'en plaignait déjà de son temps le sage Caton. XVI. Autrefois les États ou même les particuliers n'entreprenaient aucune affaire importante sans consulter les augures. N'avons-nous pas encore des augures dans chaque mariage, vain titre qui conserve du moins le souvenir d'un antique usage? Maintenant dans les grandes occasions, bien que cet usage aille en s'affaiblissant, on consuite les entrailles des victimes, tandis qu'autrefois on avait foi au vol des oiseaux ; aussi nous avons payé cher cette négligence coupable qui nous fait laisser de côté les mauvais présages. Claudius, par exemple, fils d'Appius l'Aveugle, et Lucius Junius, son collègue, perdirent de puissantes flottes pour avoir pris le large mal à propos. Telle fut la faute d'Agamemnon qui, entendant les Grecs « murmurer entre eux et mépriser ouvertement l'art d'augurer d'après les entrailles, donna malgré les oiseaux l'ordre, applaudi par tous, de lever l'ancre. » Sans remonter si loin, nous savons ce qui arriva à M. Crassus pour avoir négligé des imprécations. Je remarquerai à ce sujet que votre collègue Appuis, que vous regardez comme un bon augure, nota légèrement, à mon avis, durant sa censure, un homme de bien et un excellent citoyen, C. Atéius, comme coupable d'avoir simulé les auspices. Si sa conviction était complète, ses pouvoirs de censeur l'y autorisaient sans doute; mais il n'agit nullement en augure en attribuant à ces imprécations les calamités qui venaient de frapper le peuple romain. Si telle en avait été la cause, la faute n'eût pas été à celui qui les avait prononcées, mais à celui qui les avait dédaignées. Mais, comme le dit le même Appius, augure et censeur à la fois, l'événement prouva qu'elles étaient vraies ; fausses, elles n'auraient eu aucun effet funeste. Car les imprécations, de même que les autres auspices, les présages et les signes, ne sont pas cause qu'une chose arrive; elles annoncent seulement qu'elle arrivera si l'on n'y pourvoit. Ce n'est donc point aux imprécations d'Atéius qu'il faut attribuer cette calamité; elles ne furent 190 qu'un avertissement de ce qui devait arriver à Crassus s'il n'y prenait garde. Ainsi, ou l'imprécation d'Atéius n'eut aucun effet, ou, si elle en eut, comme Appius le décida, c'est le contempteur de l'avis et non le conseiller qui fut le coupable. XVII. Mais de qui tenez-vous le lituus, ce bâton sacré, noble insigne de votre dignité augurale? De Romulus, qui en fit usage pour partager en districts Rome qu'il avait fondée. Le lituus dont il se servait (ainsi nommé d'une courbure légère qui lui donne quelque ressemblance avec un clairon) fut retrouvé intact dans les ruines de la curie des Saliens où il était déposé, et qui avait été la proie des flammes. Et quel auteur n'a point parlé de ce qui arriva longtemps après, sous le règne du premier Tarquin, lorsque Attius Navius se servit du lituus pour faire le partage des régions? Pauvre, et réduit dans sa jeunesse à garder les pourceaux, il lui arriva, après avoir perdu un de ses porcs, de faire vœu, s'il le retrouvait, d'offrir à Dieu la plus belle grappe de raisin de la vigne où il était. Le porc retrouvé, on raconte qu'Attius se plaça au milieu de la vigne, tourné vers le midi, et qu'il la partagea en quatre régions. Le présage des oiseaux ayant été contraire pour trois, il trouva dans la dernière, selon les écrivains de ce temps, une grappe de raisin d'une grosseur prodigieuse. Cette nouvelle s'étant répandue, les voisins de Navius vinrent tous le consulter, et il en tira bientôt tant de gloire et d'autorité que Tarquin l'Ancien le fit appeler près de lui. Ce roi, pour éprouver la science augurale de Navius, lui demanda si la chose à laquelle il songeait alors pouvait se faire. Celui-ci répondit affirmativement après avoir pris les augures. Tarquin déclara alors qu'il songeait si l'on pourrait couper un caillou avec un rasoir. Attius Navius reçut l'ordre d'essayer. Apporté sur la place publique, le caillou fut coupé avec un rasoir en présence du roi et du peuple; aussi, depuis ce moment, Tarquin et le peuple accordèrent-ils toute leur confiance à l'augure Attius Navius. La tradition ajoute que le caillou et le rasoir furent enterrés dans la place publique, et qu'on éleva dans cet endroit un putéal. Nions ces faits, brûlons nos annales, traitons tout cela de fables, si vous voulez, et préférons toute autre doctrine plutôt que d avouer la providence des Dieux. Mais n'avez-vous pas approuvé vous-même la discipline des augures et des aruspices dans ce que vous avez écrit de Tibérius Gracchus, lequel tint les comices pour l'élection des consuls, après avoir mal dressé la tente augurale et avoir franchi le pomérium sans auspices? Voilà un fait avéré, que vous avez vous-même pris soin de transmettre à la postérité. D'ailleurs l'augure Tibérius Gracchus renforça, par l'aveu de son erreur, l'autorité des auspices et la discipline des aruspices. Ceux-ci, de leur côté, introduits dans le sénat peu de temps après cet événement, affirmèrent que celui qui avait présidé les comices avait une faute à se reprocher. XVIII. Je me réunis donc à l'avis de ceux qui admettent deux espèces de divination, l'une artificielle, l'autre naturelle. C'est un art dans ceux qui se fondent sur d'anciennes observations pour appuyer leurs conjectures touchant l'avenir; mais ce n'est point un art dans ceux qui pressentent les choses futures, non par le moyen de la raison ou de conjectures fondées sur des observations 191 soigneusement enregistrées, mais par une sorte d'excitation de l'âme, de mouvement libre et désordonné , comme cela arrive couvent dans le sommeil, et quelquefois aux devins furieux, tels que Bacis le Béotien, Epiménide de Crète et la Sibylle Erythrée. Tels sont aussi les oracles, non lorsqu'on les tire au sort, mais lorsqu'ils sont le résultat d'une sorte d'enthousiasme et d'inspiration divine. Ce n'est pas que l'on doive dédaigner les sorts, s'ils ont pour eux l'autorité de l'antiquité, comme ceux que Ton dit être sortis de terre. Consultés de manière à ce qu'ils répondent exactement à la question, ils peuvent avoir un caractère divin; et, quant à ceux qui se mêlent d'interpréter les oracles et les sorts, ils ne me paraissent pas moins approcher des devins que les grammairiens approchent des poètes dont ils interprètent les ouvrages. Pourquoi donc attaquer par la calomnie, et je ne sais quelle subtilité d'esprit, des institutions si anciennes, si solidement établies? Vous en ignorez la cause première, dites-vous. Elle est peut-être cachée dans les obscurités de la nature. Voilà des mystères ; ce n'est pas la science, mais le profit que Dieu a accordé a l'homme. J'en profiterai donc, et Ton ne m'amènera jamais à croire que toute l'Étrurie déraisonne sur les entrailles des victimes, que tout un peuple se trompe sur les éclairs et les foudres, qu'il interprète mal les prodiges, lorsque si souvent les secousses et les tremblements de terre, les mugissements souterrains ont annoncé à notre république et aux autres cités tant et de si cruelles calamités. On se moque aujourd'hui du prodige d'une mule qui fit un poulain ; mais cette production, contre l'ordre de la nature, ne présageait-elle pas aux yeux des aruspices l'enfantement de malheurs publics incroyables? Quoi donc, Caïus Gracchus ne nous apprend-il pas, dans ses écrits, que son père Tibérius Gracchus, fils de Publius, deux fois consul, deux fois censeur, chef des augures, homme sage et citoyen éminent, convoqua les aruspices après avoir surpris deux serpents dans sa maison? Les aruspices ayant répondu que s'il laissait aller le mâle, sa femme ne tarderait pas à mourir, et que s'il lâchait la femelle, il mourrait lui-même, il estima qu'il était plus juste d'épargner sa femme qui était jeune et fille de Scipion l'Africain, et d'aller lui-même au-devant d'une mort qui n'avait rien de prématuré. Il lâcha donc la femelle, et mourut peu de jours après. XIX. Moquons-nous après cela des aruspices comme de gens vains et frivoles; méprisons des pratiques approuvées par la sagesse éminente de Gracchus, et revêtues de l'autorité des faits. Méprisons aussi les Babyloniens, et ceux qui, du haut du mont Caucase, étudient les signes célestes et la marche des constellations. Taxons de vanité, de folie et de témérité, ces peuples qui conservent, comme ils l'assurent, des annales remontant A quatre cent soixante et dix mille ans. Traitons-les d'imposteurs qui ne font aucun cas du jugement que les siècles à venir porteront d'eux. Soit; ce ne sont là que des barbares aussi vains que menteurs. Mais l'histoire grecque nous trompe-t-elle aussi? A propos de la divination naturelle, qui ignore les réponses d'Apollon Pythien aux Athéniens, aux Lacédémoniens, aux Tégéates, aux Argiens, aux Corinthiens? Chrysippe a pris soin de recueillir d'innombrables oracles, tous revêtus d'autorités et de témoignages imposants. 192 Comme vous les connaissez, je les laisse de côté. Tout ce que je soutiens, c'est que jamais l'oracle de Delphes n'eût acquis tant de célébrité, une renommée aussi universelle, n'eût été enrichi des dons de tant de peuples et de rois, si tous les siècles n'avaient reconnu la vérité de ses prédictions. J'avoue qu'il a perdu de son autorité; mais comme aujourd'hui sa célébrité a diminué en proportion de la vérité de ses oracles, on peut dire qu'autrefois il n'atteignit ce haut degré de gloire que par sa souveraine infaillibilité. Peut-être aussi cette force souterraine, où l'esprit de la Pythie puisait une inspiration divine, s'est-elle évaporée à la longue, comme les fleuves que nous voyons se dessécher ou changer de lit, en donnant à leur cours une autre direction. Je vous laisse à décider cette importante question, pourvu que vous m'accordiez ce qu'on ne saurait nier sans bouleverser toute l'histoire, c'est-à-dire l'infaillibilité de cet oracle pendant une longue suite de siècles. XX. Laissons là les oracles et venons aux songes. Chrysippe, à l'appui de ses opinions, en a recueilli un grand nombre dans leurs plus petits détails, à l'exemple d'Antipater, qui ne s'est attaché qu'à ceux dont l'explication a été donnée par Antiphon. Ces interprétations attestent sans doute la pénétration de leur auteur, mais leur importance n'est pas assez grande pour que nous les citions. Philistus, historien aussi savant que consciencieux, et de plus contemporain des faits qu'il nous transmet, nous apprend que la mère de Denys, tyran de Syracuse, rêva, pendant qu'elle portait cet enfant dans son sein, qu'elle accouchait d'un petit Satyre. Les Galéotes, comme on appelait alors en Sicile les interprètes des présages, déclarèrent, suivant Philistus, que l'enfant qu'elle mettrait au monde serait longtemps l'homme le plus célèbre et le plus heureux de la Grèce. Vous rappellerai-je les songes cités par les poètes grecs et romains? Voici celui que raconte la Vestale d'Ennius : « La vieille réveillée en sursaut apporte une lampe d'une main tremblante, et la Vestale lui raconte en pleurant le songe dont le souvenir l'effraie encore. Eurydice, ô ma sœur, toi que chérissait notre père, la vie m'échappe, toutes mes forces m'abandonnent; il m'a semblé qu'un homme beau de visage me saisissait et m'entraînait le long d'un fleuve, à travers les bois de saules, dans une contrée inconnue et pleine de charmes. Ensuite, ô ma chère sœur, j'ai longtemps erré dans ces lieux, te cherchant, et ne pouvant te serrer dans mes bras; le sol se dérobait sous mes pieds. Enfin j'ai entendu la voix de mon père m'adressant ces mots : Ma fille, tu ne peux te dérober à ta destinée; mais du fleuve naîtra la fin de tes malheurs. Le silence a suivi ces paroles, et je n'ai pu voir mon père, malgré mon désir ardent, malgré mes pleurs, mes supplications. J'ai vainement tendu mes bras vers le ciel, en l'appelant d'une voix caressante : alors ce sommeil fatigant m'a abandonnée. »
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XXI. "Haec, etiamsi ficta sunt a poëta, non absunt tamen a consuetudine somniorum. Sit sane etiam illud commenticium, quo Priamus est conturbatus,
Quia mater gravida parere se ardentem facem Sint haec, ut dixi, somnia fabularum, hisque adiungatur etiam Aeneae somnium, quod in Numerii Fabi Pictoris Graecis annalibus eius modi est, ut omnia. Quae ab Aenea gesta sunt quaeque illi acciderunt, ea fuerint, quae ei secundum quietem visa sunt. XXII. "Sed propiora videamus. Cuiusnam modi est Superbi Tarquini somnium, de quo in Bruto Acci loquitur ipse?
Quom iam quieti corpus nocturno impetu Eius igitur somnii a coniectoribus quae sit interpretatio facta, videamus:
Rex, quae in vita usurpant homines, cogitant, curant, vident,
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XXI. Cette fiction poétique ressemble beaucoup à un songe réel. Celui qui troubla Priam est sans doute aussi l'œuvre d'un poète. « Il sembla à Hécube enceinte qu'elle accouchait d'un flambeau. Le roi Priam, frappé de terreur par ce songe, ne cessait d'immoler des brebis aux Dieux. Il consulte un devin inspiré d'Apollon, et lui demande ce que signifient tous ces présages. Apollon lui-même répond par la voix de l'oracle que si 193 Priam élevait le premier enfant qui lui naîtrait, cet enfant serait cause de la destruction de Troie et du royaume de Pergame. » Je le répète, ce sont là des songes poétiques, et on doit y joindre le songe d'Énée tel qu'il est raconté dans les annales grecques de Numérius Fabius Pictor, et où se trouvent comprises d'avance toutes les actions et toutes les aventures, la vie entière du héros troyen. XXII. Citons des exemples moins éloignés de nous. Que devons-nous penser du songe que Tarquin le Superbe raconte lui-même dans le Brutus d'Attius? « Sollicité par la nuit et la fatigue, je m'étais livré tout entier aux douceurs d'un sommeil rafraîchissant. Je vis en songe un berger qui m'amenait deux béliers de même race, et remarquables parla beauté de leur toison. J'immole le plus beau ; son compagnon m'attaque alors de ses cornes, et, me heurtant avec violence, il me jette à terre du premier coup. Renversé, blessé, je me relève avec peine, lorsque j'aperçois dans le ciel un prodige nouveau. L'orbe radieux du soleil changeant de carrière dirigeait sa course vers la droite. » Voici l'interprétation de ce songe donnée par les devins. « Ο roi, il n'est pas étonnant que les soins, les occupations, les pensées, les actions qui remplissent la vie du commun des hommes, deviennent l'objet de leurs songes ; mais les vôtres ont une plus grande importance : déliez-vous donc de votre ennemi; prenez garde qu'il ne cache sous un extérieur inoffensif la sagesse et le courage, et qu'il ne réussisse ainsi à vous chasser de votre royaume. Quant au phénomène dont vous avez été témoin, il présage un changement prochain au peuple. Qu'il assure la prospérité de Rome ! Le soleil se dirigeant de la droite vers la gauche est un signe heureux, un magnifique présage des hautes destinées promises à la république romaine. » |
XXIII. "Age nunc ad externa redeamus. Matrem Phalaridis scribit Ponticus Heraclides, doctus vir, auditor et discipulus Platonis, visam esse videre in somnis simulacra deorum, quae ipsa domi consecravisset; ex eis Mercurium e patera, quam dextera manu teneret, sanguinem visum esse fundere; qui cum terram attigisset, refervescere videretur sic, ut tota domus sanguine redundaret. Quod matris somnium inmanis fili crudelitas comprobavit. - "Quid ego, quae magi Cyro illi principi interpretati sint, ex Dinonis Persicis libris proferam? Nam cum dormienti ei sol ad pedes visus esset, ter eum scribit frustra appetivisse manibus, cum se convolvens sol elaberetur et abiret; ei magos dixisse, quod genus sapientium et doctorum habebatur in Persis, ex triplici appetitione solis triginta annos Cyrum regnaturum esse portendi. Quod ita contigit; nam ad septuagesimum pervenit, cum quadraginta natus annos regnare coepisset. - "Est profecto quiddam etiam in barbaris gentibus praesentiens atque divinans, siquidem ad mortem proficiscens Callanus Indus, cum inscenderet in rogum ardentem, ' O praeclarum discessum,' inquit, 'e vita, cum, ut Herculi contigit, mortali corpore cremato in lucem animus excesserit!' Cumque Alexander eum rogaret, si quid vellet, ut diceret, ' Optime,' inquit; ' propediem te videbo.' Quod ita contigit; nam Babylone paucis post diebus Alexander est mortuus. Discedo parumper a somniis, ad quae mox revertar. Qua nocte templum Ephesiae Dianae deflagravit, eadem constat ex Olympiade natum esse Alexandrum, atque, ubi lucere coepisset, clamitasse magos pestem ac perniciem Asiae proxima nocte natam. Haec de Indis et magis. "Redeamus ad somnia. XXIV. Hannibalem Coelius scribit, cum columnam auream, quae esset in fano Iunonis Laciniae, auferre vellet dubitaretque, utrum ea solida esset an extrinsecus inaurata, perterebravisse; cumque solidam invenisset, statuisse tollere; ei secundum quietem visam esse Iunonem praedicere, ne id faceret, minarique, si fecisset, se curaturam, ut eum quoque oculum, quo bene videret, amitteret. Idque ab homine acuto non esse neglectum; itaque ex eo auro quod exterebratum esset buculam curasse faciendam et eam in summa columna collocavisse. Hoc item in Sileni, quem Coelius sequitur, Graeca historia est (is autem diligentissime res Hannibalis persecutus est): Hannibalem, cum cepisset Saguntum, visum esse in somnis a Iove in deorum concilium vocari; quo cum venisset, Iovem imperavisse, ut Italiae bellum inferret, ducemque ei unum e concilio datum, quo illum utentem cum exercitu progredi coepisse; tum ei ducem illum praecepisse, ne respiceret; illum autem id diutius facere non potuisse elatumque cupiditate respexisse; tum visam beluam vastam et immanem circumplicatam serpentibus quacumque incederet omnia arbusta, virgulta, tecta pervertere; et eum admiratum quaesisse de deo quodnam illud esset tale monstrum, et deum respondisse vastitatem esse Italiae praecepisseque, ut pergeret protinus, quid retro atque a tergo fieret ne laboraret. - "Apud Agathoclem scriptum in historia est Hamilcarem Karthaginiensem, cum oppugnaret Syracusas, visum esse audire vocem, se postridie cenaturum Syracusis; cum autem is dies illuxisset, magnam seditionem in castris eius inter Poenos et Siculos milites esse factam; quod cum sensissent Syracusani, inproviso eos in castra irrupisse, Hamilcaremque ab eis vivum esse sublatum. Ita res somnium comprobavit. - "Plena exemplorum est historia, tum referta vita communis. At vero P. Decius ille Q. F., qui primus e Deciis consul fuit, cum esset tribunus militum, M. Valerio A. Cornelio consulibus, a Samnitibusque premeretur noster exercitus, cum pericula proeliorum iniret audacius monereturque, ut cautior esset, dixit, quod extat in annalibus, sibi in somnis visum esse, cum in mediis hostibus versaretur, occidere cum maxima gloria. Et tum quidem incolumis exercitum obsidione liberavit; post triennium autem, cum consul esset, devovit se et in aciem Latinorum irrupit armatus. Quo eius facto superati sunt et deleti Latini; cuius mors ita gloriosa fuit, ut eandem concupisceret filius. Sed veniamus nunc, si placet, ad somnia philosophorum. XXV. "Est apud Platonem Socrates, cum esset in custodia publica, dicens Critoni, suo familiari, sibi post tertium diem esse moriendum; vidisse enim se in somnis pulchritudine eximia feminam, quae se nomine appellans, diceret Homericum quendam eius modi versum: Tertia te Phthiae tempestas laeta locabit.
quod, ut est dictum, sic scribitur contigisse. Xenophon Socraticus (qui vir et
quantus!) in ea militia, qua cum Cyro minore perfunctus est, sua scribit somnia,
quorum eventus mirabiles exstiterunt. Mentiri Xenophontem an delirare dicemus? XXVI. . "Sed quid ego Graecorum? Nescio quo modo me magis nostra delectant. Omnes hoc historici, Fabii, Gellii, sed proxime Coelius: Cum bello Latino ludi votivi maximi primum fierent, civitas ad arma repente est excitata, itaque ludis intermissis instaurativi constituti sunt. Qui ante quam fierent, cumque iam populus consedisset, servus per circum cum virgis caederetur furcam ferens ductus est. Exin cuidam rustico Romano dormienti visus est venire, qui diceret praesulem sibi non placuisse ludis, idque ab eodem iussum esse eum senatui nuntiare; illum non esse ausum. Iterum esse idem iussum et monitum, ne vim suam experiri vellet; ne tum quidem esse ausum. Exin filium eius esse mortuum, eandem in somnis admonitionem fuisse tertiam. Tum illum etiam debilem factum rem ad amicos detulisse, quorum de sententia lecticula in curiam esse delatum, cumque senatui somnium enarravisset, pedibus suis salvum domum revertisse. Itaque somnio comprobato a senatu ludos illos iterum instauratos memoriae proditum est. C. Vero Gracchus multis dixit, ut scriptum apud eundem Coelium est, sibi in somnis quaesturam petenti Ti. Fratrem visum esse dicere, quam vellet cunctaretur, tamen eodem sibi leto, quo ipse interisset, esse pereundum. Hoc, ante quam tribunus plebi C. Gracchus factus esset, et se audisse scribit Coelius et dixisse illum multis. Quo somnio quid inveniri potest certius? XXVII. "Quid? Illa duo somnia, quae creberrime commemorantur a Stoicis, quis tandem potest contemnere? Unum de Simonide: Qui cum ignotum quendam proiectum mortuum vidisset eumque humavisset haberetque in animo navem conscendere, moneri visus est, ne id faceret, ab eo, quem sepultura affecerat; si navigasset, eum naufragio esse periturum; itaque Simonidem redisse, perisse ceteros, qui tum navigassent. - "Alterum ita traditum clarum admodum somnium: Cum duo quidam Arcades familiares iter una facerent et Megaram venissent, alterum ad cauponem devertisse, ad hospitem alterum. Qui ut cenati quiescerent, concubia nocte visum esse in somnis ei, qui erat in hospitio, illum alterum orare, ut subveniret, quod sibi a caupone interitus pararetur; eum primo perterritum somnio surrexisse; dein cum se collegisset idque visum pro nihilo habendum esse duxisset, recubuisse; tum ei dormienti eundem illum visum esse rogare, ut, quoniam sibi vivo non subvenisset, mortem suam ne inultam esse pateretur; se interfectum in plaustrum a caupone esse coniectum et supra stercus iniectum; petere, ut mane ad portam adesset, prius quam plaustrum ex oppido exiret. Hoc vero eum somnio commotum mane bubulco praesto ad portam fuisse, quaesisse ex eo, quid esset in plaustro; illum perterritum fugisse, mortuum erutum esse, cauponem re patefacta poenas dedisse. . Quid hoc somnio dici potest divinius? XXVIII. "Sed quid aut plura aut vetera quaerimus? Saepe tibi meum narravi, saepe ex te audivi tuum somnium: me, cum Asiae proconsul praeessem, vidisse in quiete, cum tu equo advectus ad quandam magni fluminis ripam provectus subito atque delapsus in flumen nusquam apparuisses, me contremuisse timore perterritum; tum te repente laetum exstitisse eodemque equo adversam ascendisse ripam, nosque inter nos esse complexes. Facilis coniectura huius somnii, mihique a peritis in Asia praedictum est fore eos eventus rerum, qui acciderunt. - "Venio nunc ad tuum. Audivi equidem ex te ipso, sed mihi saepius noster Sallustius narravit, cum in illa fuga nobis gloriosa, patriae calamitosa, in villa quadam campi Atinatis maneres magnamque partem noctis vigilasses, ad lucem denique arcte et graviter dormire te coepisse. Itaque, quamquam iter instaret, se tamen silentium fieri iussisse neque esse passum te excitari; cum autem experrectus esses hora secunda fere, te sibi somnium narravisse: visum tibi esse, cum in locis solis maestus errares, C. Marium cum fascibus laureatis quaerere ex te, quid tristis esses, cumque tu te patria vi pulsum esse dixisses, prehendisse eum dextram tuam et bono animo te iussisse esse lictorique proximo tradidisse, ut te in monumentum suum deduceret, et dixisse in eo tibi salutem fore. Tum et se exclamasse Sallustius narrat reditum tibi celerem et gloriosum paratum, et te ipsum visum somnio delectari. Nam illud mihi ipsi celeriter nuntiatum est ut audivisses in monumento Mari de tuo reditu magnificentissimum illud senatus consultum esse factum referente optimo et clarissimo viro consule, idque frequentissimo theatro incredibili clamore et plausu comprobatum, dixisse te nihil illo Atinati somnio fieri posse divinius. XXIX. "At multa falso. Immo obscura fortasse nobis. Sed sint falsa quaedam; contra vera quid dicimus? Quae quidem multo plura evenirent, si ad quietem integri iremus. Nunc onusti cibo et vino perturbata et confusa cernimus. Vide, quid Socrates in Platonis Politia loquatur. Dicit enim: - 'Cum dormientibus ea pars animi, quae mentis et rationis sit particeps, sopita langueat; illa autem, in qua feritas quaedam sit atque agrestis immanitas, cum sit immoderato tumefacta potu atque pastu, exsultare eam in somno immoderateque iactari. Itaque huic omnia visa obiciuntur a mente ac ratione vacua, ut aut cum matre corpus miscere videatur aut cum quovis alio vel homine vel deo, saepe belua, atque etiam trucidare aliquem et impie cruentari multaque facere impure atque taetre cum temeritate et impudentia. At qui salubri et moderato cultu atque victu quieti se tradiderit ea parte animi, quae mentis et consili est, agitata et erecta saturataque bonarum cogitationum epulis, eaque parte animi, quae voluptate alitur, nec inopia enecta nec satietate affluenti (quorum utrumque praestringere aciem mentis solet, sive deest naturae quidpiam sive abundat atque affluit), illa etiam tertia parte animi, in qua irarum existit ardor, sedata atque restincta, tum eveniet duabus animi temerariis partibus compressis, ut illa tertia pars rationis et mentis eluceat et se vegetam ad somniandum acremque praebeat, tum ei visa quietis occurrent tranquilla atque veracia.' Haec verba ipsa Platonis expressi. - XXX. "Epicurum igitur audiemus potius? Namque Carneades concertationis studio modo ait hoc, modo illud. ' ait ille ait quod sentit.' Sentit autem nihil umquam elegans, nihil decorum. Hunc ergo antepones Platoni et Socrati qui ut rationem non redderent, auctoritate tamen hos minutos philosophos vincerent? Iubet igitur Plato sic ad somnum proficisci corporibus affectis, ut nihil sit quod errorem animis perturbationemque afferat. Ex quo etiam Pythagoricis interdictum putatur ne faba vescerentur, quod habet inflationem magnam is cibus tranquillitati men- tis quaerentis vera contrariam. Cum ergo est somno sevocatus animus a societate et a contagione corporis, tum meminit praeteritorum, praesentia cernit, futura praevidet; iacet enim corpus dormientis ut mortui, viget autem et vivit animus. Quod multo magis faciet post mortem, cum omnino corpore excesserit. Itaque appropinquante morte multo est divinior. Nam et id ipsum vident, qui sunt morbo gravi et mortifero affecti, instare mortem; itaque eis occurrunt plerumque imagines mortuorum, tumque vel maxime laudi student; eosque, qui secus quam decuit, vixerunt, peccatorum suorum tum maxime paenitet. - "Divinare autem morientes illo etiam exemplo confirmat Posidonius, quod affert, Rhodium quendam morientem sex aequales nominasse et dixisse, qui primus eorum, qui secundus, qui deinde deinceps moriturus esset. Sed tribus modis censet deorum appulsu homines somniare: uno, quod praevideat animus ipse per sese, quippe qui deorum cognatione teneatur; altero, quod plenus aër sit inmortalium animorum, in quibus tamquam insignitae notae veritatis appareant; tertio, quod ipsi di cum dormientibus colloquantur. Idque, ut modo dixi, facilius evenit appropinquante morte, ut animi futura augurentur. Ex quo et illud est Callani, de quo ante dixi, et Homerici Hectoris, qui moriens propinquam Achilli mortem denuntiat. "Neque enim illud verbum temere consuetudo approbavisset, si ea res nulla esset omnino: Praesagibat animus frustra me ire, cum exirem domo. Sagire enim sentire acute est; ex quo sagae anus, quia multa scire volunt, et sagaces dicti canes. Is igitur, qui ante sagit, quam oblata res est, dicitur praesagire, id est futura ante sentire. XXXI. "Inest igitur in animis praesagitio extrinsecus iniecta atque inclusa divinitus. Ea, si exarsit acrius, furor appellatur, cum a corpore animus abstractus divino instinctu concitatur.
Sed quid oculis rabere visa est derepente ardentibus? O poëma tenerum et moratum atque molle! sed hoc minus ad rem; illud, quod volumus, expressum est, ut vaticinari furor vera soleat.
Adest, adest fax obvoluta sanguine atque incendio! Deus inclusus corpore humano iam, non Cassandra, loquitur:
Iamque mari magno classis cita
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XXIII. Revenons maintenant aux exemples étrangers à notre histoire. Héraclide de Pont, homme docte, disciple formé par Platon lui-même, rapporte que la mère de Phalaris vit en songe les statues des pieux consacrées par Phalaris dans sa maison; qu'il lui semblait, dans son rêve, que Mercure répandait du sang d'une patère qu'il tenait dans sa main droite, et que ce sang, en touchant la terre, rejaillissait de telle sorte que toute la maison en était inondée. L'atroce cruauté du fils ne vérifia que trop bien le songe de sa mère. Dois-je vous citer l'histoire de Perse, de Dinon, et l'interprétation d'un songe du roi Cyrus par ses mages? Cyrus, rapporte cet écrivain, vit en songe le soleil à ses pieds; trois fois il étendit les mains pour le saisir, et trois fois le soleil se roulant échappa à ses atteintes. Les mages, qui forment en Perse un collège de savants et de sages, répondirent que les trois tentatives pour saisir le soleil présageaient que Cyrus régnerait trente années, et 194 c'est ce qui arriva à ce prince, qui, monté sur le trône à quarante ans, en avait soixante-dix lorsqu'il mourut- Les nations barbares connaissent elles-mêmes en partie les pressentiments et la divination. L'Indien Calanus, montant sur un bûcher ardent, s écrie : « Ο le bel adieu à la vie! Ce corps périssable consumé comme celui d'Hercule, mon âme s'élèvera vers le séjour de la lumière. » Alexandre lui demandant s'il avait encore quelque chose à dire : « Oui, répondit-il ; nous nous reverrons avant peu. » Et quelques jours après Alexandre meurt à Babylone. Je laisse de côté les songes, sauf à y revenir bientôt. On sait que la nuit même de l'incendie du temple de Diane d'Ephèse, Olympias mit au monde Alexandre, et que le lendemain, au point du jour, les mages s'écrièrent que cette nuit-là étaient nés le malheur et le fléau de l'Asie. Voilà pour les Indiens et les mages. Revenons aux songes. XXIV. Célius raconte qu'Annibal, voulant enlever une colonne d'or qui ornait le temple de Junon Lacinienne, la fit sonder pour savoir si elle était d'or massif ou seulement dorée. S'étant assuré qu'elle était entièrement d'or, il résolut de l'enlever, lorsque Junon lui apparut en songe et lui défendit d'exécuter son projet, le menaçant, dans ce cas, de lui faire perdre le seul œil qui lui restait. Cet homme plein de pénétration ne négligea pas cet avis, et de l'or, extrait par l'opération du sondage, il ordonna de faire une petite génisse et de la placer sur le sommet de la colonne. Voici ce qu'on lit de plus dans l'histoire grecque de Silénus, à qui nous devons une vie complète d'Annibal, et qui a servi d'autorité à Célius. Annibal, après la prise de Sagonte, rêva que Jupiter l'ayant introduit dans le conseil des Dieux, lui ordonnait de porter la guerre en Italie, et lui donnait avec cet ordre un des Dieux pour le conduire. Il lui semblait que s'étant mis en marche avec son armée, le Dieu qui le guidait lui avait défendu de regarder en arrière; mais que, emporté par la curiosité, il avait violé cette défense. Alors un animal féroce lui avait apparu. Ce monstre, entouré de serpents, renversait partout sur son passage les arbres, les buissons et les maisons. Annibal, frappé d'étonnement, ayant demandé quel était ce monstre, le Dieu lui avait répondu que c'était le fléau dévastateur de l'ltalie; que, du reste, il marchât en avant, sans s'inquiéter de ce qui se passerait derrière lui. Nous lisons aussi dans l'historien Agathocle que le Carthaginois Hamilcar crut entendre une voix lui annonçant qu'il souperait le lendemain dans la ville de Syracuse, qu'il tenait alors assiégée. Or, le lendemain les Syracusains ayant appris qu'une sédition violente avait éclaté dans le camp des Carthaginois et des Siciliens, attaquèrent les assiégeants à l'improviste, et enlevèrent Hamilcar vivant. L'événement justifia ainsi la prédiction. Les histoires des peuples et la vie des hommes sont remplies de semblables exemples. Sous le consulat de M. Valérius et d'A. Cornélius, P. Décius fils de Quintus, et le premier consul de la famille des Décius, alors simple tribun dans l'armée romaine, laquelle était étroitement pressée parles Samnites, n'écoutait que son audace et s'exposait aux plus grands dangers. A ceux qui lui conseillaient la prudence, il répondit, selon 195 nos annales, qu'il lui avait été prédit en songe qu'il mourrait couvert de gloire au milieu des ennemis de sa patrie. Cette fois il réussit à dégager l'armée sans perdre la vie. Mais trois ans après, étant consul, il se dévoua en se précipitant tout armé au milieu des Latins. La défaite des ennemis fut le prix de la mort de Décius, mort si glorieuse qu'elle fut pour son fils un exemple qu'il brûlait d'imiter. Examinons maintenant, s'il vous plaît, les songes des philosophes. XXV. Nous lisons dans Platon que Socrate, détenu dans la prison publique, dit à son ami Criton qu'il mourrait dans trois jours, parce qu'il avait vu en songe une femme d'une beauté ravissante qui, rappelant par son nom, lui avait cité ce vers d'Homère : « Le troisième jour d'un vent heureux, tu gagneras Phthie. » On sait que l'événement confirma la prédiction. Xénophon le socratique (quel grand homme et quelle autorité ! ) enregistra soigneusement ses songes, aussi bien que les faits merveilleux qui les confirmèrent, durant sa célèbre expédition avec le jeune Cyrus. Taxerons-nous donc Xénophon de mensonge ou de folie? Bien mieux, cet Aristote, homme doué d'un génie rare et presque divin, se trompe-t-il lui-même, ou veut-il tromper les autres, quand il rapporte que son ami Eudémus de Cypre, se dirigeant vers la Macédoine, vint à Phères, célèbre ville de Thessalie, sou mise a lors à la domination cruel le d u tyran Alexandre; et que là, étant tombé si gravement malade que les médecins désespérèrent de sa vie, il vit en songe un jeune homme au visage noble qui lui annonça une prompte convalescence , ajoutant que le tyran Alexandre mourrait dans peu de jours, et que pour lui, Eudémus, il reverrait sa patrie après un espace de cinq ans? La première partie de cette prédiction, remarque Aristote, ne tarda pas à s'accomplir : Eudémus guérit; le tyran fut tué par les frères de sa femme. Mais durant la cinquième année, comme on espérait, d'après le songe, qu'Eudémus allait revenir de Sicile dans l'île de Cypre, on apprit qu'il avait été tué les armes à la main dans un combat près de Syracuse ; ce qui donna lieu d'interpréter autrement le songe, et de dire que quand l'esprit d'Eudémus était sorti de son corps, il était retourné dans sa véritable patrie. A l'autorité de ces philosophes ajoutons celle d'un homme profond, d'un poète divin, de Sophocle, qui vit en songe Hercule lui dénonçant le voleur coupable d'avoir dérobé dans son temple une coupe d'or d'un grand poids; deux fois de suite le poète négligea un semblable avis, mais, averti de nouveau, iI monta à l'Aréopage et relata ce qui lui était arrivé. Aussitôt les aréopagites firent arrêter celui que Sophocle avait désigné. Le prévenu, mis à la question, confessa le vol et rendit la coupe. De là vient le nom du temple d'Hercule Accusateur. XXVI. Laissons là les Grecs. Je ne sais quel attrait nous ramène à notre propre histoire. Voici un fait sur lequel tous nos annalistes, les Fabius, les Gellius, et plus nouvellement Célius, tombent d'accord. Pendant la célébration des premiers grands jeux votifs, à l'époque delà guerre Latine, la ville fut subitement appelée aux armes. On ordonna plus tard la célébration d'autres jeux, pour remplacer ceux qui avaient été ainsi interrompus. Avant de les commencer, et les specta- 196 teurs étant déjà assis, un esclave que Ton battait de verges traversa le cirque portant la fourche patibulaire. Peu de temps après, un paysan romain eut un songe où quelqu'un, après lui avoir dit que le premier danseur des jeux ne lui avait pas plu, lui ordonna d'aller le déclarer de sa part au sénat. Ce paysan n'ayant pas osé le faire, eut de nouveau ce même songe, accompagné de la même injonction, et cette fois avec menaces. La crainte l'arrêta encore ; son fils mourut. Il reçut alors pour la troisième fois le même avertissement, toujours pendant son sommeil. Enfin devenu paralytique, il fit part de ce qui lui était arrivé à ses amis. Ceux-ci le placèrent sur une litière, et le portèrent au sénat, d'où il revint à pied chez lui, après avoir raconté son rêve. On rapporte que le sénat, convaincu de la réalité de ce songe, ordonna une nouvelle célébration des jeux. Selon le même Céiius, Caius Gracchus, pendant qu'il briguait la questure, raconta à plusieurs personnes que son frère Tibérius lui ayant apparu en songe, lui avait dit : Tôt ou tard tu mourras de la même mort que moi. Célius ajoute qu'il avait entendu rapporter ce fait avant le tribunat de C. Graechus, et qu'il l'avait raconté à beaucoup de personnes. Or est-il rien de plus vrai que ce songe? XXVII. Mais qui oserait dédaigner ces deux songes si fréquemment cités par les Stoïciens ? Simonide, auquel appartient le premier, ayant rencontré le cadavre d'un inconnu abandonné sur le chemin, l'enterra. Ce, poète qui projetait un voyage sur mer, vit ensuite en songe celui auquel il avait donné la sépulture l'invitant à abandonner son projet, et l'avertissant, s'il persistait à s'embarquer, qu'il ferait naufrage. Simonide changea d'avis, et le vaisseau qui mit à la voile périt. Voici le second; il est d'une vérité frappante. Deux Arcadiens liés d'amitié faisaient route ensemble; ils arrivent à Mégare; l'un descend chez un de ses amis, l'autre dans une hôtellerie. Tous deux s'étant couchés après souper, celui qui logeait chez son ami voit en songe celui qui était logé dans une hôtellerie implorer son secours parce que f hôtelier voulait le tuer. Effrayé par ce songe, il se lève d'abord; puis, s'étant rassuré, il se recouche et s'endort de nouveau, plein de sécurité. La même vision lui apparaît, et le fantôme le conjure de venger au moins sa mort, puisqu'il n'a pas voulu défendre sa vie. Il raconte qu'il a été assassiné par son hôte, et que son corps a été jeté dans un chariot et recouvert de fumier; il le prie de se trouver de grand matin à la porte de la ville avant que le chariot ne sorte. Frappé de ce nouveau songe, l'autre se rend de bonne heure à la porte, et demande au bouvier ce qu'il y a dans le chariot. Le conducteur effrayé s enfuit; on découvre le cadavre, et bientôt l'aubergiste est convaincu et puni. Où trouver un avertissement plus manifeste des Dieux? XXVIII. Mais pourquoi rassembler tant d'anciens exemples? Je vous ai souvent raconté mon songe, et souvent vous m'avez cité le vôtre. Vous savez qu'étant proconsul en Asie, il me sembla en dormant vous voir arriver à cheval au bord d'un grand fleuve, tomber dans l'eau et y disparaître , en me laissant frappé de terreur ; puis tout à coup vous reparûtes joyeux pour gravir la rive opposée, où je vous reçus dans mes bras. L'explication de ce songe était facile, et des interprètes 197 savants d'Asie m'annoncèrent tout ce qui est arrivé dans la suite. Voici maintenant votre songe que vous m'avez raconté vous-même, et dont Salluste notre affranchi m'a parlé plus souvent encore. Durant cette fuite si glorieuse pour nous, si cruelle pour la patrie, vous vous arrêtâtes dans une maison de campagne aux environs d'Atina, où il vous arriva, après avoir veillé une grande partie de la nuit, de vous endormir vers l'aurore d'un sommeil profond et pesant. Quoiqu'il n'y eût point de temps à perdre, vous files faire silence, et défendîtes de troubler votre repos. Réveillé vers la seconde heure du jour, voici le songe que vous racontâtes à Salluste. Vous erriez tristement dans un bois solitaire, lorsque Marius, précédé de faisceaux couverts de lauriers, vous demanda la cause de votre tristesse. Vous lui répondîtes que la violence vous chassait de votre patrie. Alors, vous prenant par la main, il vous souhaita bon courage, et ordonna au licteur le plus proche de vous conduire dans son monument, ajoutant que vous y trouveriez votre saint. Aussitôt Salluste, selon ce qu'il m'a raconté, s'écria que votre retour serait aussi prompt que glorieux, et il sembla même que ce songe vous avait fait plaisir. Ce que je sais du moins, c'est que peu de temps après, à la nouvelle que le magnifique sénatus-consulte qui décrétait votre retour avait été rendu dans le monument de Marins, sur le rapport du meilleur et du plus illustre consul, et qu'une foule immense l'avait accueilli au théâtre avec un concert d'applaudissements et d'acclamations joyeuses, vous vous écriâtes : Non, rien n'est plus merveilleux que le songe d'Atina ! XXIX. Mais il y en a beaucoup de faux, disons mieux, d'obscurs pour nous. Admettons qu'il y en ait quelques-uns de faux, qu'avons-nous à opposer aux vrais? Et ceux-ci seraient bien plus nombreux si nous nous endormions plus sains. Mais, chargés de vin et de nourriture, nous n'avons que des visions troubles et confuses. Voyez ce que dit Socrate dans la République de Platon. « Tandis que pendant le sommeil cette partie de l'âme qui est le siège de l'intelligence et de la raison languit assoupie, l'autre partie, composée d'éléments plus matériels et plus grossiers, abrutie par des excès de nourriture et de boisson, se trouve dans un état d'excitation et de délire. En cette absence de la raison et de l'intelligence, elle est assiégée de visions nombreuses : ainsi on croit avoir un commerce honteux avec sa mère, ou bien avec un homme, ou avec un Dieu, ou même avec une bête. On s'imagine assassiner quelqu'un, se baigner dans le sang innocent, sans que la crainte ou le remords nous arrête dans cette carrière d'infamie. Mais si celui qui se livre au repos a contracté des habitudes de sobriété et de modération; si cette partie de l'âme, qui est le siège de la raison et de l'intelligence, est maintenue à un certain degré d'élévation et d'activité, et comme saturée de bonnes pensées; si, en même temps, cette autre partie qui se nourrit de volupté n'est anéantie ni par le besoin ni par la satiété (car le besoin ou la trop grande abondance sont deux extrêmes qui ôtent à l'esprit sa vigueur et sa pénétration), et que de plus cette troisième partie de l'âme où s'allume la colère soit calme et apaisée : alors il arrivera que les deux portions inférieures et 198 grossières de l'âme étant comprimées, la première, celle où réside la raison, se montrera vive , pure et brillante; alors aussi se présenteront des songes calmes et véridiques. » Telles sont les paroles mêmes de Platon. XXX. Croirons-nous donc de préférence Epicure? Carnéade, il est vrai, emporté par l'amour de la dispute, dit tantôt une chose et tantôt une autre. Mais que pense Épicure? Assurément rien de noble, ni d'élevé; et comment le placer au-dessus de Platon et de Socrate, dont l'opinion, en l'absence de toute démonstration, l'emporterait encore sur celle de tous ces petits philosophes par sa seule autorité? Ainsi Platon veut que nous nous préparions au repos par un régime qui mette nos esprits à l'abri du trouble et de l'erreur. On croit même que Pythagore n'interdit à ses disciples l'usage des fèves que parce que cet aliment flatueux est contraire à la tranquillité de l'esprit et à la recherche delà vérité. Ainsi donc, lorsque l'esprit est séparé par le sommeil du commerce et de la contagion du corps, il se souvient dupasse, aperçoit nettement le présent et prévoit l'avenir. Notre corps, pendant le sommeil, gît inerte comme un cadavre ; notre esprit au contraire est plein de vie et de force, moins cependant qu'après la mort, où il sera tout à fait dégagé de son enveloppe. Aussi plus ce moment approche, plus notre esprit participe de la divinité. Ceux qui sont frappés d'une maladie grave et mortelle ne prévoient-ils pas leur dernier instant? Souvent, à ce moment suprême, ils aperçoivent les images de ceux qui ne sont plus; alors ils s'efforcent de se rendre dignes d'estime; alors aussi ceux qui ont vécu autrement qu'ils ne devaient pleurent amèrement leurs fautes. Pour prouver que les mourants sont doués de l'esprit de divination, Posidonius rappelle l'exemple de ce Rhodien qui, à son lit de mort, cita six de ses contemporains, et détermina l'ordre dans lequel chacun d'eux le suivrait au tombeau. Ce même philosophe pense que les songes nous viennent des Dieux de trois manières différentes : la première, lorsque l'esprit prévoit de lui-même, en vertu de son affinité avec les Dieux ; la seconde, lorsqu'il communique avec les âmes immortelles qui remplissent l'air et qui portent, pour ainsi dire, l'empreinte de la vérité; la troisième, quand les Dieux daignent converser avec nous dans le sommeil. Comme je l'ai dit, l'approche de la mort facilite la connaissance de l'avenir. De là la prédiction de Calanus déjà citée, et celle d'Hector qui, selon Homère, annonce en mourant la fin prochaine d'Achille. Si rien de semblable n'existait, l'usage n'aurait pas consacré ces locutions, « Quand je sortis de la maison, je pressentais que je sortais en vain. » Sagire, c'est sentir avec pénétration. Aussi appelle-t-on sagœ les vieilles qui veulent tout savoir; de même les chiens passent pour sagaces. Celui qui prévoit (sagit) un événement avant qu'il n'arrive est dit présager, c'est-à-dire pressentir l'avenir. XXXI. Il y a donc dans nos âmes une faculté de pressentir qui nous vient du dehors, et que les Dieux ont mise en nous. Lorsque notre esprit séparé de la matière est brûlé d'un divin enthousiasme, cette faculté vivement excitée s'appelle fureur. « Mais quoi! cette jeune fille naguère si sage, cette vierge si modeste, lance tout à coup des regards ardents et égarés. - Ο mon excellente 199 mère, s'écrie-t-elle, ô la meilleure des épouses, me voilà donc condamnée au délire et aux fureurs prophétiques! Apollon, ce Dieu sans pitié, me dévoile l'avenir au prix de ma raison. Ο mes sœurs, ô mes compagnes, ô mon excellent père, combien mon sort est déplorable! et vous, ma mère, que je vous plains à cause de moi ! Tous vos enfants, excepté moi, ont été trouvés fidèles à Priam. Ο douleur! ils le servent et lui obéissent avec dévouement; seule j'ose m'opposer et désobéir. » Comme ce caractère est plein de grâce, de tendresse et de vérité ! Mais ce que nous cherchons ici, c'est l'expression même de cette fureur prophétique : « La voilà, la voilà cette torche incendiaire et ensanglantée : longtemps cachée, elle brille enfin. Accourez pour l'éteindre, citoyens ! » Ce n'est plus Cassandre, c'est un Dieu revêtu d'une forme humaine qui parle par sa bouche : « Déjà la flotte fatale sillonne les mers, elle contient l'essaim de nos malheurs ; elle arrive à voiles déployées, et jette sur le rivage nos implacables ennemis. »
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XXXII . "Tragoedias loqui videor et fabulas. At ex te ipso non commenticiam rem, sed factam eiusdem generis audivi: C. Coponium ad te venisse Dyrrhachium, cum praetorio imperio classi Rhodiae praeesset, cumprime hominem prudentem atque doctum, eumque dixisse remigem quendam e quinqueremi Rhodiorum vaticinatum madefactum iri minus xxx diebus Graeciam sanguine, rapinas Dyrrhachi et conscensionem in naves cum fuga fugientibusque miserabilem respectum incendiorum fore; sed Rhodiorum classi propinquum reditum ac domum itionem dari; tum neque te ipsum non esse commotum Marcumque Varronem et M. Catonem, qui tum ibi erant, doctos homines, vehementer esse perterritos; paucis sane post diebus ex Pharsalia fuga venisse Labienum; qui cum interitum exercitus nuntiavisset, reliqua vaticinationis brevi esse confecta. Nam et ex horreis direptum effusumque frumentum vias omnis angiportusque constraverat, et naves subito perterriti metu conscendistis, et noctu ad oppidum respicientes flagrantis onerarias quas incenderant milites, quia sequi noluerant, videbatis; postremo a Rhodia classe deserti verum vatem fuisse sensistis. "Exposui quam brevissime potui somni et furoris oracula, quae carere arte dixeram. Quorum amborum generum una ratio est, qua Cratippus noster uti solet; animos hominum quadam ex parte extrinsecus esse tractos et haustos (ex quo intellegitur esse extra divinum animum, humanus unde ducatur); humani autem animi eam partem, quae sensum, quae motum, quae appetitum habeat, non esse ab actione corporis seiugatam; quae autem pars animi rationis atque intellegentiae sit particeps, eam tum maxime vigere, cum plurimum absit a corpore. Itaque, expositis exemplis verarum vaticinationum et somniorum, Cratippus solet rationem concludere hoc modo: - "'Si sine oculis non potest exstare officium et munus oculorum, possunt autem aliquando oculi non fungi suo munere, qui vel semel ita est usus oculis ut vera cerneret, is habet sensum oculorum vera cernentium. Item igitur, si sine divinatione non potest officium et munus divinationis exstare, potest autem quis, cum divinationem habeat, errare aliquando nec vera cernere, satis est ad confirmandam divinationem semel aliquid esse ita divinatum ut nihil fortuito cecidisse videatur; sunt autem eius generis innumerabilia; esse igitur divinationem confitendum est.' XXXIII . "Quae vero aut coniectura explicantur aut eventis animadversa ac notata sunt, ea genera divinandi, ut supra dixi, non naturalia, sed artificiosa dicuntur; in quo haruspices, augures coniectoresque numerantur. Haec improbantur a Peripateticis, a Stoicis defenduntur. Quorum alia sunt posita in monumentis et disciplina, quod Etruscorum declarant et haruspicini et fulgurales et tonitruales libri, vestri etiam augurales; alia autem subito ex tempore coniectura explicantur, ut apud Homerum Calchas, qui ex passerum numero belli Troiani annos auguratus est; et ut in Sullae scriptum historia videmus, quod te inspectante factum est, ut, cum ille in agro Nolano immolaret ante praetorium, ab infima ara subito anguis emergeret, cum quidem C. Postumius haruspex oraret ilium ut in expeditionem exercitum educeret. Id cum Sulla fecisset, tum ante oppidum Nolam fortissima Samnitium castra cepit. - "Facta coniectura etiam in Dionysio est paulo ante quam regnare coepit; qui, cum per agrum Leontinum iter faciens, equum ipse demisisset in flumen, submersus equus voraginibus non exstitit; quem cum maxima contentione non potuisset extrahere, discessit, ut ait Philistus, aegre ferens. Cum autem aliquantum progressus esset, subito exaudivit hinnitum respexitque et equum alacrem laetus aspexit, cuius in iuba examen apium consederat. Quod ostentum habuit hanc vim, ut Dionysius paucis post diebus regnare coeperit. XXXIV . "Quid? Lacedaemoniis paulo ante Leuctricam calamitatem quae significatio facta est, cum in Herculis fano arma sonuerunt Herculisque simulacrum multo sudore manavit! At eodem tempore Thebis, ut ait Callisthenes, in templo Herculis valvae clausae repagulis subito se ipsae aperuerunt, armaque quae fixa in parietibus fuerant ea sunt humi inventa. Cumque eodem tempore apud Lebadiam Trophonio res divina fieret, gallos gallinaceos in eo loco sic assidue canere coepisse, ut nihil intermitterent; tum augures dixisse Boeotios Thebanorum esse victoriam, propterea quod avis illa victa silere soleret, canere, si vicisset. - "Eademque tempestate multis signis Lacedaemoniis Leuctricae pugnae calamitas denuntiabatur. Namque et Lysandri, qui Lacedaemoniorum clarissimus fuerat, statuae, quae Delphis stabat, in capite corona subito exstitit ex asperis herbis et agrestibus; stellaeque aureae, quae Delphis erant a Lacedaemoniis positae post navalem illam victoriam Lysandri, qua Athenienses conciderunt, qua in pugna quia Castor et Pollux cum Lacedaemoniorum classe visi esse dicebantur. Eorum insignia deorum, stellae aureae, quas dixi, Delphis positae paulo ante Leuctricam pugnam deciderunt, neque repertae sunt. Maximum vero illud portentum isdem Spartiatis fuit, quod, cum oraculum ab Iove Dodonaeo petivissent de victoria sciscitantes legatique vas illud in quo inerant sortes collocavissent, simia, quam rex Molossorum in deliciis habebat, et sortes ipsas et cetera, quae erant ad sortem parata, disturbavit et aliud alio dissipavit. Tum ea, quae praeposita erat oraculo, sacerdos dixisse dicitur de salute Lacedaemoniis esse non de victoria cogitandum. XXXV . "Quid? Bello Punico secundo nonne C. Flaminius consul iterum neglexit signa rerum futurarum magna cum clade rei publicae? Qui exercitu lustrato cum Arretium versus castra movisset et contra Hannibalem legiones duceret, et ipse et equus eius ante signum Iovis Statoris sine causa repente concidit, nec eam rem habuit religioni obiecto signo, ut peritis videbatur, ne committeret proelium. Idem cum tripudio auspicaretur, pullarius diem proeli committendi differebat. Tum Flaminius ex eo quaesivit, si ne postea quidem pulli pascerentur, quid faciendum censeret. Cum ille quiescendum respondisset, Flaminius: ' Praeclara vero auspicia, si esurientibus pullis res geri poterit, saturis nihil geretur! ' Itaque signa convelli et se sequi iussit. Quo tempore cum signifer primi hastati signum non posset movere loco, nec quicquam proficeretur, plures cum accederent, Flaminius, re nuntiata, suo more, neglexit. Itaque tribus eis horis concisus exercitus atque ipse interfectus est. Magnum illud etiam, quod addidit Coelius, eo tempore ipso, cum hoc calamitosum proelium fieret, tantos terrae motus in Liguribus, Gallia compluribusque insulis totaque in Italia factos esse, ut multa oppida conruerint, multis locis labes factae sint terraeque desederint fluminaque in contrarias partes fluxerint atque in amnes mare influxerit. XXXVI. "Fiunt certae divinationum coniecturae a peritis. Midae illi Phrygi, cum puer esset, dormienti formicae in os tritici grana congesserunt. Divitissumum fore praedictum est; quod evenit. At Platoni cum in cunis parvulo dormienti apes in labellis consedissent, responsum est singulari illum suavitate orationis fore. Ita futura eloquentia provisa in infante est. Quid? Amores ac deliciae tuae, Roscius, num aut ipse aut pro eo Lanuvium totum mentiebatur? Qui cum esset in cunabulis educareturque in Solonio, qui est campus agri Lanuvini, noctu lumine apposito experrecta nutrix animadvertit puerum dormientem circumplicatum serpentis amplexu. Quo aspectu exterrita clamorem sustulit. Pater autem Rosci ad haruspices rettulit, qui responderunt nihil illo puero clarius, nihil nobilius fore. Atque hanc speciem Pasiteles caelavit argento et noster expressit Archias versibus. "Quid igitur expectamus? An dum in foro nobiscum di immortales, dum in viis versentur, dum domi? Qui quidem ipsi se nobis non offerunt, vim autem suam longe lateque diffundunt, quam tum terrae cavernis includunt, tum hominum naturis implicant. Nam terrae vis Pythiam Delphis incitabat, naturae Sibyllam. Quid enim? Non videmus quam sint varia terrarum genera? Ex quibus et mortifera quaedam pars est, ut et Ampsancti in Hirpinis et in Asia Plutonia, quae vidimus, et sunt partes agrorum aliae pestilentes, aliae salubres, aliae, quae acuta ingenia gignant, aliae, quae retusa; quae omnia fiunt et ex caeli varietate et ex disparili aspiratione terrarum. XXXVI. Fit etiam saepe specie quadam, saepe vocum gravitate et cantibus ut pellantur animi vehementius, saepe etiam cura et timore, qualis est illa
Flexanima tamquam lýmphata aut Bacchi sacris "Atque etiam illa concitatio declarat vim in animis esse divinam. Negat enim sine furore Democritus quemquam poëtam magnum esse posse, quod idem dicit Plato. Quem, si placet, appellet furorem, dum modo is furor ita laudetur, ut in Phaedro Platonis laudatus est. Quid? Vestra oratio in causis, quid ipsa actio potest esse vehemens et gravis et copiosa, nisi est animus ipse commotior? Equidem etiam in te saepe vidi et, ut ad leviora veniamus, in Aesopo, familiari tuo, tantum ardorem vultuum atque motuum, ut eum vis quaedam abstraxisse a sensu mentis videretur. - "Obiciuntur etiam saepe formae quae reapse nullae sunt, speciem autem offerunt; quod contigisse Brenno dicitur eiusque Gallicis copiis, cum fano Apollinis Delphici nefarium bellum intulisset. Tum enim ferunt ex oraclo ecfatam esse Pythiam: Ego providebo rem istam et albae virgines. Ex quo factum ut viderentur virgines ferre arma contra et nive Gallorum obrueretur exercitus. "Aristoteles quidem eos etiam, qui valetudinis vitio furerent et melancholici dicerentur, censebat habere aliquid in animis praesagiens atque divinum. Ego autem haud scio an nec cardiacis hoc tribuendum sit nec phreneticis; animi enim integri non vitiosi est corporis divinatio. XXXVIII. Quam quidem esse re vera hac Stoicorum ratione concluditur: -"'Si sunt di neque ante declarant hominibus quae futura sint, aut non diligunt homines, aut quid eventurum sit ignorant; aut existimant nihil interesse hominum scire quid sit futurum, aut non censent esse suae maiestatis praesignificare hominibus quae sunt futura; aut ea ne ipsi quidem di significare possunt. At neque non diligunt nos (sunt enim benefici generique hominum amici); neque ignorant ea quae ab ipsis constituta et designata sunt; neque nostra nihil interest scire ea, quae eventura sunt (erimus enim cautiores si sciemus); neque hoc alienum ducunt maiestate sua (nihil est enim beneficentia praestantius); neque non possunt futura praenoscere; non igitur sunt di nec significant futura; sunt autem di, significant ergo; et non, si significant, nullas vias dant nobis ad significationis scientiam (frustra enim significarent); nec, si dant vias, non est divinatio; est igitur divinatio.' XXXIX. "Hac ratione et Chrysippus et Diogenes et Antipater utitur. Quid est igitur cur dubitandum sit quin sint ea quae disputavi verissima, si ratio mecum facit, si eventa, si populi, si nationes, si Graeci, si barbari, si maiores etiam nostri, si denique hoc semper ita putatum est, si summi philosophi, si poëtae, si sapientissimi viri, qui res publicas constituerunt, qui urbes condiderunt? An, dum bestiae loquantur exspectamus? Hominum consentiente auctoritate contenti non sumus? Nec vero quicquam aliud affertur cur ea quae dico divinandi genera nulla sint, nisi, quod difficile dictu videtur, quae cuiusque divinationis ratio, quae causa sit. ' Quid enim habet haruspex, cur pulmo incisus etiam in bonis extis dirimat tempus et proferat diem?' Quid augur, cur a dextra corvus, a sinistra cornix, faciat ratum?' ' Quid astrologus cur stella Iovis aut Veneris coniuncta cum luna ad ortus puerorum salutaris sit, Saturni Martisve contraria? ' ' Cur autem deus dormientes nos moneat, vigilantes neglegat?' 'Quid deinde causae est cur Cassandra furens futura prospiciat, Priamus sapiens hoc idem facere non queat?' - "Cur fiat quidque, quaeris. Recte omnino; sed non nunc id agitur; fiat necne fiat, id quaeritur. Ut, si magnetem lapidem esse dicam qui ferrum ad se adliciat et attrahat, rationem cur id fiat, afferre nequeam, fieri omnino neges. Quod idem facis in divinatione, quam et cernimus ipsi et audimus et legimus et a patribus accepimus. Neque ante philosophiam patefactam, quae nuper inventa est, hac de re communis vita dubitavit, et, posteaquam philosophia processit, nemo aliter philosophus sensit, in quo modo esset auctoritas. Dixi de Pythagora, de Democrito, de Socrate, excepi de antiquis praeter Xenophanem neminem; adiunxi veterem Academiam, Peripateticos, Stoicos; unus dissentit Epicurus. Quid vero hoc turpius, quam quod idem nullam censet gratuitam esse virtutem? XL. "Quis est autem quem non moveat clarissimis monumentis testata consignataque antiquitas? Calchantem augurem scribit Homerus longe optimum, eumque ducem classium fuisse ad Ilium, auspiciorum credo scientia, non locorum. Amphilochus et Mopsus Argivorum reges fuerunt, sed eidem augures, eique urbis in ora maritima Ciliciae Graecas condiderunt; atque etiam ante hos Amphiaraus et Tiresias non humiles et obscuri neque eorum similes, ut apud Ennium est, Qui sui quaestus causa fictas suscitant sententias. sed clari et praestantes viri, qui avibus et signis admoniti futura dicebant; quorum de altero etiam apud inferos Homerus ait 'solum sapere, ceteros umbrarum vagari modo'; Amphiaraum autem sic honoravit fama Graeciae, deus ut haberetur, atque ut ab eius solo, in quo est humatus, oracla peterentur. - "Quid? Asiae rex Priamus nonne et Helenum filium et Cassandram filiam divinantes habebat, alterum auguriis, alteram mentis incitatione et permotione divina? Quo in genere Marcios quosdam fratres, nobili loco natos, apud maiores nostros fuisse scriptum videmus. Quid? Polyidum Corinthium nonne Homerus et aliis multa et filio ad Troiam proficiscenti mortem praedixisse commemorat? Omnino apud veteres, qui rerum potiebantur, iidem auguria tenebant; ut enim sapere, sic divinare regale ducebant. Ut testis est nostra civitas, in qua et reges augures et postea privati eodem sacerdotio praediti rem publicam religionum auctoritate rexerunt. XLI. "Eaque divinationum ratio ne in barbaris quidem gentibus neglecta est, siquidem et in Gallia Druidae sunt, e quibus ipse Divitiacum Aeduum, hospitem tuum laudatoremque, cognovi, qui et naturae rationem, quam φυσιολογίαν Graeci appellant, notam esse sibi profitebatur et partim auguriis, partim coniectura, quae essent futura, dicebat. Et in Persis augurantur et divinant magi, qui congregantur in fano commentandi causa atque inter se conloquendi, quod etiam idem vos quondam facere Nonis solebatis. Nec quisquam rex Persarum potest esse, qui non ante magorum disciplinam scientiamque perceperit. Licet autem videre et genera quaedam et nationes huic scientiae deditas. Telmessus in Caria est, qua in urbe excellit haruspicum disciplina; itemque Elis in Peloponneso familias duas certas habet, Iamidarum unam, alteram Clutidarum, haruspicinae nobilitate praestantes. In Syria Chaldaei cognitione astrorum sollertiaque ingeniorum antecellunt. - "Etruria autem de caelo tacta scientissime animadvertit eademque interpretatur, quid quibusque ostendatur monstris atque portentis. Quocirca bene apud maiores nostros senatus tum, cum florebat imperium, decrevit, ut de principum filiis sex singulis Etruriae populis in disciplinam traderentur, ne ars tanta propter tenuitatem hominum a religionis auctoritate abduceretur ad mercedem atque quaestum. Phryges autem et Pisidae et Cilices et Arabum natio avium significationibus plurimum obtemperant, quod idem factitatum in Umbria accepimus.
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XXXII. Tragédies et fables que tout cela, dira-t-on. Mais je vous ai entendu vous-même raconter un fait bien avéré et du même genre. C. Coponius, homme des plus sages et des plus instruits, pendant qu'il commandait la flotte des Rhodiens comme propréteur, vint vous trouver à Dyrrachium pour vous dire qu'un rameur d'une quinquérème de Rhodes avait prophétisé qu'avant trente jours la Grèce nagerait dans le sang, que Dyrrachium serait pillé, qu'on s'embarquerait à la hâte, et que dans cette fuite on aurait la douleur de voir derrière soi un vaste incendie} mais que la flotte des Rhodiens ne tarderait pas à trouver un abri dans les ports de leur patrie. Vous-même ne pûtes cacher vos craintes : quant à M. Varron et à M. Caton qui se trouvaient là, leur érudition ne les garantit pas d'une violente émotion. Peu de jours après, Labiénus fuyant annonça la déroute de Pharsale et la perte de l'armée. Le reste de la prédiction ne tarda pas à s'accomplir; on pilla les greniers, et on répandit dans les rues et les places publiques le froment enlevé. Frappés de terreur, vous vous embarquâtes en toute hâte, et la nuit suivante, en regardant vers la ville, vous vîtes brûler tous les bâtiments de transport auxquels les soldats avaient mis le feu, parce qu'ils ne voulaient pas suivre ; enfin, abandonnés par la flotte des Rhodiens, vous reconnûtes la vérité de la prédiction. Je vous ai exposé le plus brièvement que j'ai pu les oracles, produit du sommeil ou de la fureur, et où il n'entre pas d'art. Ces deux genres de divination découlent d'une même source. Aussi Cratippe avait-il coutume de dire que l'âme humaine est en partie indépendante du corps et d'une origine extérieure, entendant par là qu'il existe une âme divine dont la nôtre est une émanation, mais qu'une portion de l'âme humaine, siège de la sensation, du mouvement et de l'appétit, est inséparable du corps ; tandis que l'autre partie, essentiellement raisonnable et intelligente, n'atteint son plus haut degré de vigueur que par l'isolement complet de la partie matérielle de notre être. Après avoir énuméré des exemples de vaticinations et de songes véritables, Cratippe 200 conclut par ce raisonnement : Comme sans yeux l'usage et la fonction de ces organes ne peuvent exister, souvent aussi les yeux peuvent ne pas remplir leur fonction ; que néanmoins celui qui s'est une fois servi de ses yeux pour apercevoir un objet réel, est complètement doué du sens de la vue; de même, sans la divination, l'usage et la fonction de la divination ne peut exister. Mais comme celui en qui elle existe peut quelquefois se tromper, et ne pas bien deviner, il suffit, pour établir la vérité de la divination, qu'il ait une seule fois deviné de telle sorte qu'on ne puisse pas dire que cela soit arrivé par hasard; or, nous avons une infinité de faits de cette nature ; avouons donc qu'il existe une divination. XXXIII. Quant aux divinations ou purement conjecturales, ou fondées sur une longue observation des événements, celles-là, comme je l'ai dit, n'appartiennent point à la nature, mais à l'art. C'est le fait des augures, des aruspices et de ceux qui font métier de conjecturer. Réprouvées par les Péripatéticiens, elles ont été défendues par les Stoïciens. Les unes sont établies sur d'anciennes règles réunies en corps de doctrine, comme le prouvent les rituels étruriens sur les entrailles des victimes, sur les éclairs et la foudre, ainsi que nos propres livres auguraux. D'autres sont fondées sur une conjecture improvisée : telle fut celle de Calchas, que nous voyons dans l'Iliade prédire, d'après le nombre des passereaux, la durée du siège de Troie. Telle est aussi celle que nous lisons dans l'historien Sisenna, et dont vous fûtes témoin. Sylla, dit-il, se trouvant dans le voisinage de Nota, sacrifiait devant sa tente, lorsqu'un serpent s'élança tout à coup du pied de l'autel. Alors C. Postumius, aruspice, conjure le général de faire marcher son armée. Sylla obéit, et s'empare du camp formidable que les Samnites avaient formé devant Nola. Denys, peu de temps avant son usurpation, fut aussi l'objet d'une conjecture. Comme il voyageait dans le pays des Léontins, ayant mis pied à terre, il poussa dans le fleuve son cheval, qui y disparut englouti dans les flots. Denys, malgré les plus grands efforts, n'ayant pu réussir à l'en retirer, s'en allait, dit Philistus, très-affligé, lorsqu'un peu plus loin il entendit tout à coup un hennissement ; s'étant retourné, il aperçut tout joyeux son cheval plein de vie, et sur la crinière duquel s'était fixé un essaim d'abeilles. La conséquence de ce prodige fut que peu de jours après Denys fut proclamé roi. XXXIV. Par combien de signes la défaite de Leuctres ne fut-elle pas annoncée aux Lacédémoniens? Les armes déposées dans le temple d'Hercule s'entrechoquèrent, et le simulacre de ce Dieu parut tout dégouttant de sueur. Au même moment à Thèbes, au rapport de Callisthène, les portes du temple d'Hercule, fermées par des barres transversales, s'ouvrirent d'elles-mêmes, et les armes suspendues auparavant aux murailles furent trouvées à terre. Le même jour à Lébadée, durant un sacrifice à Trophonius, les coqs se prirent à chanter sans que rien pût les interrompre, ce qui fit dire aux augures béotiens que la victoire était assurée aux Thébains, parce que ces oiseaux ont coutume de se taire quand ils sont vaincus, et de chanter quand ils triomphent. A la même époque, des signes nombreux annonçaient aux Lacédémo- 201 niens l'issue malheureuse de la bataille de Leuctres. C'est ainsi qu'on aperçut un jour à Delphes une couronne d'herbes grossières et sauvages sur la tète de la statue de Lysandre, un des plus grands hommes de Lacédémone. Des étoiles d'or avaient été consacrées par les Lacédémoniens dans le temple de Delphes, comme un symbole de Castor et Pollux, qu'on prétendait avoir été rus de leur côté au combat naval où Lysandre avait défait les Athéniens; ces étoiles tombèrent alors et ne se retrouvèrent plus. Mais ce fut surtout un mauvais présage pour les Spartiates, quand ceux qu'ils avaient envoyés consulter l'oracle de Jupiter de Dodone sur l'issue du com¬bat, ayant déjà placé devant eux l'urne où étaient les sorts, un singe, qui faisait les délices du roi des Molosses, renversa l'urne, dispersa les sorts et troubla tous les préparatifs de la cérémonie. Alors la prêtresse chargée de présider aux oracles répondit, prétend-on, que c'était à leur salut et non à la victoire que les Lacédémoniens devaient songer. XXXV. Mais quoi ! dans la seconde guerre punique, C. Flaminius, consul pour la deuxième fois, ne négligea-t-il pas les présages, au grand détriment de la république? Comme après la revue de ses troupes et les sacrifices d'usage, il marchait vers Arrétium pour aller attaquer Annibal, il tomba tout à coup sans cause apparente, lui et son cheval, devant la statue de Jupiter Stator. Au mépris de l'opinion des gens habiles qui y voyaient un avertissement des Dieux, il persista à livrer bataille. De même lorsqu'on consulta les poulets sacrés, le pullaire conseilla de différer le jour du combat — « Et que ferons-nous, demanda alors Flaminius, si les poulets s'obstinent à ne pas vouloir manger? — Nous resterons en repos, lui répondit-on. — Voilà, s'écria-t-il, de beaux auspices qui nous condamnent à l'inaction ou nous permettent d'agir, selon que les poulets sont repus ou affamés! Qu'on lève les enseignes et qu'on me suive. » Dans ce moment le porte-enseigne de la première ligne n'ayant pu, malgré le secours de plusieurs soldats, arracher son étendard planté en terre, Flaminius averti néglige, selon sa coutume, ce nouveau présage. Trois heures après, l'armée était détruite et le consul mort. Durant ce combat désastreux, ajoute Célius, on ressentit dans la Ligurie, dans la Gaule, dans plusieurs îles et dans toute l'Italie, des tremblements déterre si violents que des villes s'écroulèrent, que la terre s'ouvrit, que des montagnes s'affaissèrent, et que l'eau des fleuves envahie par les flots de la mer remonta vers sa source. XXXVI. Les gens habiles devinent à coup sûr par le moyen des conjectures. Lorsque Midas le Phrygien était encore enfant, des fourmis amassèrent, durant son sommeil, des grains de blé dans sa bouche. On prédit qu'il acquerrait d'immenses richesses, et c'est ce qui arriva. Platon dormant dans son berceau, des abeilles se posèrent sur ses petites lèvres. On prédit que son talent oratoire serait remarquable par une singulière douceur. Ainsi, avant qu'il pût parler, on annonça son éloquence. Mais quoi ! Roscius, vos amours et vos délices, Roscius est-il un imposteur, ou toute la ville de Lanuvium ment-elle pour lui? A Solone, village près de Lanuvium, où s'écoula sa première enfance, sa nourrice s'étant réveillée pendant la nuit, et ayant approché une lumière 202 de son berceau, aperçut l'enfant endormi et entouré des nombreux replis d'un serpent. Frappée de terreur à cette vue, elle poussa un cri. Le père de Roscius consulta les aruspices : on lui répondit que la gloire et la célébrité de cet enfant seraient sans égales. Praxitèle a ciselé sur l'argent cette aventure; notre ami Archias l'a célébrée en vers. Qu'attendons-nous donc? Que les Dieux immortels viennent converser avec nous dans le Forum, dans les rues, dans nos maisons? S'ils ne s'offrent pas à nos yeux, ne répandent-ils pas leur puissance en tous lieux? N'est-elle pas renfermée et dans les profondeurs de la terre et dans notre propre nature? Car la Pythie de Delphes puisait ses inspirations dans une force souterraine, et la Sibylle en elle-même. Ne voyons-nous pas combien les qualités de la terre sont différentes et variées? Quelques parties de la terre sont mortelles, comme Ampsancte chez les Hirpins et Plutonia en Asie, régions que nous connaissons. Ici elle est pestilentielle, plus loin salubre. Ici l'esprit de ses habitants est vif, ailleurs il est obtus : tout cela provient des variétés du climat et des différentes exhalaisons du sol. XXXVII. Il arrive encore souvent que l'esprit est violemment excité par certains spectacles, certains accents de la voix, certains chants. Souvent aussi la douleur et la crainte agissent de la même manière. Voyez cette insensée : « Hors d'elle-même, ainsi qu'une bacchante, elle pleure au milieu des tombeaux Teucer son amant. » Mais cette excitation même de l'esprit n'atteste-t-elle pas une influence divine? Aussi Démocrite affirme que tout grand poète est nécessairement en proie à cette sorte de fureur. Platon est du même avis. Qu'il lui plaise d appeler fureur cet état de l'esprit , toujours est-il vrai qu'il en parle dans son Phèdre en termes magnifiques. Que dis-je ! votre éloquence au barreau, votre action oratoire peut-elle être véhémente, grave et abondante, si votre esprit n'est vivement excité ? Assurément, j'ai maintes fois remarqué en vous, et même (si je puis rapprocher cet exemple du vôtre) dans Esopus votre ami, tant d'expression dans les traits, tant d'emportement dans les gestes, qu'une force supérieure semblait vous avoir soustrait à l'empire de votre propre esprit Souvent encore nous sommes témoins d'apparitions qui n'ont de réalité qu'aux yeux de l'imagination. C'est ce qui arriva, dit-on, à Brennus et à son armée de Gaulois, lorsque ce chef osa tourner des armes sacrilèges contre le temple d'Apollon delphien. On rapporte que la Pythie proféra alors cet oracle : « Les vierges blanches et moi nous y saurons pourvoir. » Aussitôt les Gaulois crurent voir des vierges combattant contre eux, et ils furent accablés sous des monceaux de neige. Aristote prétend même que les malades en délire et les atrabilaires sont doués de la faculté divine de prédire. Pour moi je penserais que ni les cardiaques, ni les phrénétiques ne jouissent de cette faculté, car la divination appartient à un esprit sain et non à un corps malade. XXXVIII. Pour arriver à conclure qu'il existe une divination, empruntons le raisonnement suivant aux Stoïciens : S'il y a des Dieux et qu'ils ne fassent pas connaître l'avenir aux hommes; ou 203 ils n'aiment pas les hommes, on ils ignorent eux-mêmes ce qui doit arriver, ou ils estiment que la connaissance de l'avenir n'intéresse en rien les hommes, ou ils pensent qu'il n'est pas de la majesté divine de nous annoncer les choses futures, on bien enfin ils n'ont pas de moyen de nous en transmettre la connaissance. Mais les Dieux nom aiment, ils sont bienfaisants, généreux envers nous; ils ne peuvent ignorer ce qui a été arrêté conformément à leurs propres desseins. Ils savent que l'avenir nous importe, et que notre prudence augmente en proportion de cette prescience. Ces avertissements ne peuvent leur sembler au-dessous de leur majesté, car rien n'est plus grand que la bienfaisance. Enfin l'avenir ne peut leur être caché. S'il n'y a point de Dieux, il n'y a point de signes de l'avenir : mais il existe des Dieux; donc ils nous instruisent de l'avenir. S'il en est ainsi, ils nous donnent aussi le moyen de comprendre ces signes, qui autrement seraient nuls. Ce moyen c'est la divination. Il y a donc une divination. XXXIX. Voilà le raisonnement dont se sont servis Chrysippe, Diogène et Antipater ; et quel est donc l'argument qui pourrait renverser une vérité aussi bien démontrée? Si la raison est de mm côté, si les événements, les peuples, les nations, si les Grecs aussi bien que les barbares, si nos propres ancêtres sont de mon avis ; si les philosophes les plus éminents, si les poètes, si les hommes les plus renommés par leur sagesse, si les fondateurs des républiques et des cités ont de tout temps partagé cette opinion attendrons-nous que les animaux eux-mêmes parlent, et ne saurions-nous nous contenter du consentement unanime des hommes? Tout ce qu'on peut alléguer contre les divers genres de divination, c'est qu'il est difficile de dire quelle est la cause et la raison de chacun d'eux. Un aruspice peut-il expliquer pourquoi une incision dans le poumon, même lorsque les entrailles sont favorables, indique une prorogation, un ajournement? Un augure, pourquoi le corbeau volant à droite et la corneille à gauche ratifient ce qu'on a intention de faire ? Un astrologue enfin, pourquoi la conjonction de Jupiter et de Vénus avec la lune est favorable à l'enfant qui naît, et celle de Saturne et de Mars malheureuse? D'où vient que Dieu n'avertit pas toujours ceux qui dorment et néglige ceux qui veillent? En vertu de quelle cause Cassandre furieuse prédit-elle l'avenir, tandis que le sage Priam n'en peut faire autant? Vous me demandez la raison de ces choses ; fort bien. Mais ce n'est pas là la question. Existent-elles oui ou non? Voilà la question véritable. C'est comme si je vous disais que l'aimant est une pierre magnétique qui attire le fer, et que, ne pouvant vous rendre compte de ce phénomène, vous vous crussiez autorisé à nier le fait. Voilà ce que vous faites au sujet de la divination, que nous voyons, que nous avons apprise et par tradition et dans les livres, et que nos pères nous ont transmise. Avant la philosophie, laquelle est née depuis peu, qui aurait osé douter de ces choses? Depuis la naissance et les progrès de la philosophie, aucun philosophe revêtu de quelque autorité ne s'est écarté de la doctrine générale. J'ai cité Pythagore, Démocrite, Socrate, n'exceptant des anciens que Xénophane ; à l'autorité de ceux-ci j'ai joint celle de l'ancienne Académie, des Péripatéticiens et des Stoïciens. Épicure est seul contre tous. Mais n'est-ce pas 204 lui qui a affiché cette honteuse maxime, qu'il n'est point de vertu désintéressée ici-bas? XL. Comment donc rester indifférent à une opinion si ancienne et appuyée d'aussi illustres témoignages? Homère nous apprend que Calchas, chef de la flotte des Grecs, fut un excellent augure ; c'est à sa science des auspices, je pense, et non à sa connaissance des lieux qu'il dut cet honneur. Amphiloque et Mopsus, rois des Argiens, furent aussi augures, et bâtirent des villes grecques sur le littoral de la Cilicie. Plus anciennement encore Amphiaraüs et Tirésias, qu'il ne faut pas ranger parmi ces obscurs et vulgaires imposteurs qui, au dire d'Ennius, inventent de fausses réponses par amour du gain, mais qui furent des hommes éminents et célèbres, prédirent l'avenir, instruits par les signes et les oiseaux. Homère dit même, en parlant de Tirésias, que seul au milieu des fantômes errants dans les enfers, il a su garder sa raison. Pour Amphiaraüs, il est honoré par toute la Grèce, qui l'a mis au rang des Dieux et qui vient demander des oracles au lieu où s'élève son tombeau. Le roi de l'Asie, Priam, ne vit-il pas son fils Hélénus et sa fille Cassandre prophétisant, l'un par les augures, l'autre par l'agitation intérieure et l'inspiration divine? Nous trouvons dans nos annales que les frères Marcius, nés d'une illustre famille, furent autrefois célèbres par les mêmes dons. Homère ne nous apprend-il pas encore que Polyide le Corinthien avait prédit beaucoup de choses à ceux qui partaient pour Troie, et entre autres la mort à son propre fils? Enfin, les chefs des États chez les anciens remplissaient les fonctions d'augures. Car alors on estimait que la science augurale était non moins que la sagesse un attribut de la royauté. Aussi voyons-nous dans nos annales que les rois étaient augures, et que plus tard les particuliers, revêtus du même sacerdoce, gouvernèrent la république par l'autorité de la religion. XLI. Les nations barbares elles-mêmes n'ont pas négligé les diverses sortes de divination. La Gaule a ses druides, parmi lesquels j'ai connu Divitiac l'Éduen, votre hôte et votre panégyriste, qui prétendait connaître les causes naturelles, science appelée physiologie par les Grecs, et prévoir l'avenir, partie par les augures, partie par conjecture. En Perse, les mages sont augures et devins; et, comme vous le faisiez vous-mêmes autrefois aux Nones, ils s'assemblent dans un temple pour se consulter et converser entre eux. Personne ne peut être roi de Perse s'il n'a étudié la science et la doctrine des mages. On trouve des familles et des nations entièrement consacrées à cette étude. Telmessus, ville de Carie, est célèbre par ses aruspices. De même Élis, dans le Péloponnèse, a deux familles, l'une des Iaraides et l'autre des Clytides, où se perpétue la noblesse augurale. Les Chaldéens, en Assyrie, célèbres par la sagacité de leur esprit, excellent dans la connaissance des astres. L'Étrurie a fait de savantes observations sur les fulgurations, et sur l'art d'interpréter ce que signifient les monstres et les présages. Aussi du temps de nos ancêtres et à l'époque où florissait cet empire, le sénat avait sagement dé¬crété que six enfants des premières familles seraient confiés à chaque peuple de l'Étrurie pour étudier à fond cette doctrine, de peur qu'un si 205 grand art, s'il était exercé par des gens de basse naissance, ne perdit de son caractère sacré et ne dégénérât en profession mercenaire. Les Phrygiens, les Pisidiens, les Ciliciens, les Arabes ont surtout foi dans les présages fournis par les oiseaux; les Ombriens, dit-on, suivent le même usage.
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XLII. "Ac mihi quidem videntur e locis quoque ipsis, qui a quibusque incolebantur, divinationum opportunitates esse ductae. Etenim Aegyptii et Babylonii in camporum patentium aequoribus habitantes, cum ex terra nihil emineret, quod contemplationi caeli officere posset, omnem curam in siderum cognitione posuerunt. Etrusci autem, quod religione imbuti studiosius et crebrius hostias immolabant, extorum cognitioni se maxime dediderunt, quodque propter aeris crassitudinem de caelo apud eos multa fiebant, et quod ob eandem causam multa inusitata partim e caelo, alia ex terra oriebantur, quaedam etiam ex hominum pecudumve conceptu et satu, ostentorum exercitatissimi interpretes exstiterunt. Quorum quidem vim, ut tu soles dicere, verba ipsa prudenter a maioribus posita declarant. Quia enim ostendunt, portendunt, monstrant, praedicunt, ostenta, portenta, monstra, prodigia dicuntur. Arabes autem et Phryges et Cilices, quod pastu pecudum maxime utuntur campos et montes, hieme et aestate peragrantes, propterea facilius cantus avium et volatus notaverunt; eademque et Pisidiae causa fuit et huic nostrae Umbriae. Tum Caria tota praecipueque Telmesses, quos ante dixi, quod agros uberrimos maximeque fertiles incolunt, in quibus multa propter fecunditatem fingi gignique possunt. In ostentis animadvertendis diligentes fuerunt. XLIII. "Quis vero non videt in optima quaque re publica plurimum auspicia et reliqua divinandi genera valuisse? Quis rex umquam fuit, quis populus, qui non uteretur praedictione divina? Neque solum in pace, sed in bello multo etiam magis, quo maius erat certamen et discrimen salutis. Omitto nostros, qui nihil in bello sine extis agunt, nihil sine auspiciis domi externa videamus: namque et Athenienses omnibus semper publicis consiliis divinos quosdam sacerdotes, quos μάντεις vocant, adhibuerunt, et Lacedaemonii regibus suis augurem assessorem dederunt, itemque senibus (sic enim consilium publicum appellant) augurem interesse voluerunt, iidemque de rebus maioribus semper aut Delphis oraclum aut ab Hammone aut a Dodona petebant. Lycurgus quidem, qui Lacedaemoniorum rem publicam temperavit, leges suas auctoritate Apollinis Delphici confirmavit; quas cum vellet Lysander commutare, eadem est prohibitus religione. Atque etiam qui praeerant Lacedaemoniis, non contenti vigilantibus curis, in Pasiphaae fano, quod est in agro propter urbem, somniandi causa excubabant, quia vera quietis oracla ducebant. - "Ad nostra iam redeo. Quoties senatus decemviros ad libros ire iussit! quantis in rebus quamque saepe responsis haruspicum paruit! nam et cum duo visi soles sunt et cum tres lunae et cum faces, et cum sol nocte visus est, et cum e caelo fremitus auditus, et cum caelum discessisse visum est atque in eo animadversi globi, delata etiam ad senatum labe agri Privernatis, cum ad infinitam altitudinem terra desedisset Apuliaque maximis terrae motibus conquassata esset—quibus portentis magna populo Romano bella perniciosaeque seditiones denuntiabantur. Inque his omnibus responsa haruspicum cum Sibyllae versibus congruebant. - "Quid? Cum Cumis Apollo sudavit, Capuae Victoria? Quid? Ortus androgyni nonne fatale quoddam monstrum fuit? Quid? Cum fluvius Atratus sanguine fluxit? Quid? Cum saepe lapidum, sanguinis non numquam, terrae interdum, quondam etiam lactis imber affluxit? Quid? Cum in Capitolio ictus Centaurus e caelo est, in Aventino portae et homines, Tusculi aedes Castoris et Pollucis, Romaeque Pietatis: nonne et haruspices ea responderunt, quae evenerunt, et in Sibyllae libris eaedem repertae praedictiones sunt? XLIV. "Caeciliae Q. Filiae somnio modo Marsico bello templum est a senatu Iunoni Sospitae restitutum. Quod quidem somnium Sisenna cum disputavisset mirifice ad verbum cum re convenisse, tum insolenter, credo ab Epicureo aliquo inductus, disputat somniis credi non oportere. Idem contra ostenta nihil disputat exponitque initio belli Marsici et deorum simulacra sudavisse, et sanguinem fluxisse, et discessisse caelum, et ex occulto auditas esse voces, quae pericula belli nuntiarent, et Lanuvi clipeos, quod haruspicibus tristissimum visum esset, a muribus esse derosos. - "Quid, quod in annalibus habemus Veienti bello, cum lacus Albanus praeter modum crevisset, Veientem quendam ad nos hominem nobilem perfugisse, eumque dixisse ex fatis, quae Veientes scripta haberent, Veios capi non posse, dum lacus is redundaret; et, si lacus emissus lapsu et cursu suo ad mare profluxisset, perniciosum populo Romano; sin autem ita esset eductus, ut ad mare pervenire non posset, tum salutare nostris fore? Ex quo illa admirabilis a maioribus Albanae aquae facta deductio est. Cum autem Veientes bello fessi legatos ad senatum misissent, tum ex eis quidam dixisse dicitur non omnia ilium transfugam ausum esse senatui dicere; in isdem enim fatis scriptum Veientes habere fore ut brevi a Gallis Roma caperetur, quod quidem sexennio post Veios captos factum esse videmus. XLV. "Saepe etiam et in proeliis fauni auditi et in rebus turbidis veridicae voces ex occulto missae esse dicuntur; cuius generis duo sint ex multis exempla, sed maxima: nam non multo ante urbem captam exaudita vox est a luco Vestae, qui a Palati radice in novam viam devexus est, ut muri et portae reficerentur; futurum esse, nisi provisum esset, ut Roma caperetur. Quod neglectum tum, cum caveri poterat, post acceptam illam maximam cladem expiatum est; ara enim Aio Loquenti, quam saeptam videmus, exadversus eum locum consecrata est. Atque etiam scriptum a multis est, cum terrae motus factus esset, ut sue plena procuratio fieret, vocem ab aede Iunonis ex arce extitisse; quocirca Iunonem illam appellatam Monetam. Haec igitur et a dis significata et a nostris maioribus iudicata contemnimus? "Neque solum deorum voces Pythagorei observitaverunt, sed etiam hominum, quae vocant omina. Quae maiores nostri quia valere censebant, idcirco omnibus rebus agendis, 'Quod bonum, faustum, felix fortunatumque esset' praefabantur; rebusque divinis, quae publice fierent, ut ' faverent linguis,' imperabatur; inque feriis imperandis, ut ' litibus et iurgiis se abstinerent.' Itemque in lustranda colonia ab eo qui eam deduceret, et cum imperator exercitum, censor populum, lustraret, bonis nominibus, qui hostias ducerent, eligebantur. Quod idem in dilectu consules observant, ut primus miles fiat bono nomine. Quae quidem a te scis et consule et imperatore summa cum religione esse servata. Praerogativam etiam maiores omen iustorum comitiorum esse voluerunt. XLVI. "Atque ego exempla ominum nota proferam: L. Paulus consul iterum, cum ei bellum ut cum rege Perse gereret obtigisset, ut ea ipsa die domum ad vesperum rediit, filiolam suam Tertiam, quae tum erat admodum parva, osculans animum advertit tristiculam. ' Quid est,' inquit, 'mea Tertia? Quid tristis es? ' ' Mi pater,' inquit,' Persa periit.' Tum ille arctius puellam complexus, ' Accipio,' inquit, 'mea filia, omen.' Erat autem mortuus catellus eo nomine. L. Flaccum, flaminem Martialem, ego audivi, cum diceret Caeciliam Metelli, cum vellet sororis suae filiam in matrimonium collocare, exisse in quoddam sacellum ominis capiendi causa, quod fieri more veterum solebat. Cum virgo staret et Caecilia in sella sederet neque diu ulla vox exstitisset, puellam defatigatam petisse a matertera, ut sibi concederet, paulisper ut in eius sella requiesceret; illam autem dixisse: ' Vero, mea puella, tibi concedo meas sedes.' Quod omen res consecuta est; ipsa enim brevi mortua est, virgo autem nupsit, cui Caecilia nupta fuerat. Haec posse contemni vel etiam rideri praeclare intellego, sed id ipsum est deos non putare, quae ab eis significantur, contemnere. XLVII. "Quid de auguribus loquar? Tuae partes sunt, tuum, inquam, auspiciorum patrocinium debet esse. Tibi App. Claudius augur consuli nuntiavit addubitato Salutis augurio bellum domesticum triste ac turbulentum fore; quod paucis post mensibus exortum paucioribus a te est diebus oppressum. Cui quidem auguri vehementer assentior; solus enim multorum annorum memoria non decantandi auguri, sed divinandi tenuit disciplinam. Quem irridebant collegae tui eumque tum Pisidam, tum Soranum augurem esse dicebant; quibus nulla videbatur in auguriis aut praesensio aut scientia veritatis futurae; sapienter aiebant ad opinionem imperitorum esse fictas religiones. Quod longe secus est; neque enim in pastoribus illis, quibus Romulus praefuit, nec in ipso Romulo haec calliditas esse potuit, ut ad errorem multitudinis religionis simulacra fingerent. Sed difficultas laborque discendi disertam neglegentiam reddidit; malunt enim disserere nihil esse in auspiciis quam quid sit ediscere. - "Quid est illo auspicio divinius quod apud te in Mario est? Ut utar potissimum auctore te:
Hic Iovis altisoni subito
pinnata satelles
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XLII. Je crois même trouver dans la diversité des lieux l'origine et comme l'occasion des diverses divinations pratiquées par leurs habitants. Ainsi les Égyptiens et les Babyloniens, fixés dans des plaines ouvertes, où aucune éminence ne s'oppose à l'observation du ciel, se sont entièrement consacrés à l'étude des constellations. De même les Étrusques, plus profondément imbus de l'esprit religieux, s'adonnèrent principalement à la connaissance des entrailles des nombreuses victimes qu'ils immolaient. Et de plus, comme la pesanteur de l'atmosphère en Étrurie donne lieu fréquemment à des phénomènes célestes, des apparitions inusitées, à des productions bizarres de la terre, à des conceptions monstrueuses parmi les hommes et les animaux, ils acquirent une grande expérience dans l'interprétation des prodiges. Gomme vous l'avez observé, les expressions si judicieusement adoptées par nos pères rendent exactement ces diverses idées; et de l'acte qu'expriment ostendere, portendere, monstrare, prœdicere, sont venus ostenta, portenta, monstra, prodigia. Les Arabes, les Phrygiens, les Ciliciens, peuples pasteurs qui, hiver comme été, errent avec leurs troupeaux dans les plai¬nes et dans les montagnes, ont, en raison de leurs mœurs, observé plus facilement le vol et le chant des oiseaux. Les mêmes causes ont agi sur les habitants de la Pisidie et nos voisins les Ombriens. Quant aux Cariens, et spécialement aux Telmessiens dont j'ai déjà parlé, adonnés à la culture des campagnes riches et fertiles dont la fécondité suscite souvent des productions extraordinaires, ils se sont exercés de bonne heure à interpréter les prodiges. XLIII. Qui ne sait au reste que, dans toute république bien constituée, les auspices et les autres genres de divination ont toujours été en grand crédit ? Quel peuple, quel roi dédaigna jamais les avertissements des Dieux, soit en temps de paix, soit surtout en temps de guerre, où le danger est plus grand et le salut de l'État douteux ? Je passe sous silence les chefs de notre république, qui n'entreprennent rien en temps de guerre sans consulter les entrailles des victimes, et rien durant la paix sans auspices. Parlons des étrangers. De tous temps les Athéniens attachèrent à leurs conseils publics certains devins revêtus du caractère sacerdotal et appelés par eux μάντεις. De même les Lacédémoniens donnèrent un augure pour assesseur à leurs rois. Dans leur sénat, assemblée formée de vieillards, siège aussi un augure ; et dans toutes les circonstances importantes ils ne manquèrent jamais de consulter ou l'oracle de Delphes, ou celui de Jupiter Ammon, ou celui de Dodone. Lycurgue, fondateur de la république de Lacédémone, demanda à Apollon de Delphes la sanction de ses lois. Le novateur Lysandre fut contraint de respecter cette même autorité religieuse. Bien plus, les chefs de la république de Lacédémone, non contents de veiller soigneusement sur les intérêts de l'État, couchaient dans le 206 temple de Pasiphaé, situé près de la ville, dans l'espoir d'obtenir durant leur sommeil des oracles véritables. Revenons aux usages de Rome. Combien de fois le sénat ordonna-t-il aux décemvirs de consulter les livres sibyllins? Que de fois et dans combien d'occasions importantes ce corps obéit-il aux décisions des aruspices? Ainsi, lorsqu'on vit deux soleils, puis trois lunes, quand on aperçut des feux dans le ciel, quand le soleil brilla la nuit, lorsqu'on entendit des mugissements célestes, quand le ciel s'ouvrit pour laisser voir des globes de feu; enfin lorsqu'on annonça au sénat qu'une partie du territoire de Priverne s'était perdue dans un abîme sans fond, et que l'Apulie avait été ébranlée par d'horribles tremblements de terre, présages qui annonçaient au peuple Romain de grandes guerres et de désastreuses séditions , dans toutes ces occasions les réponses des aruspices concordèrent avec les livres sibyllins. Quoi ! la statue d'Apollon de Cumes et celle de la Victoire à Capoue se couvrant de sueur, la naissance d'un hermaphrodite, ne présenteraient pas quelque chose de monstrueux et de fatal! Quoi ! lorsqu'un fleuve roula des eaux ensanglantées, lorsqu'il plut des pierres et même du sang, ou parfois de la terre ou bien du lait ; quand la foudre frappa le centaure du Capitole, les portes du mont Aventin, tua des hommes, et ne respecta ni le temple de Castor et Pollux à Tusculum, ni celui de la Piété à Rome, les aruspices consultés n'annoncèrent-ils pas ce qui devait arriver, et leurs prédictions ne se trouvèrent-elles pas conformes aux livres de la Sibylle? XLIV. Plus récemment, durant la guerre des Marses, conformément à un songe de Cécilia, fille de Q. Métellus, le sénat ordonna de reconstruire le temple de Junon Conservatrice. C'est après avoir établi la concordance merveilleuse de ce songe avec le fait même, que Sisenna, sans doute à l'instigation de quelque Épicurien, cherche tout à coup à prouver audacieusement que l'on ne doit pas ajouter foi aux songes. Le même historien, toutefois, ne dit rien contre les prodiges, et raconte qu'au commencement de la guerre des Marses, les statues des Dieux se couvrirent de sueur, que le sang tomba du ciel et coula en ruisseaux, que des voix secrètes annoncèrent les dangers publics, et que les boucliers de Lanuvium furent rongés par les rats, présage que les aruspices jugèrent très-funeste. Ne lisons-nous pas dans nos annales que, durant la guerre de Veïes, les eaux du lac d'Albe s'étant considérablement accrues, un des principaux habitants de la ville passa de notre côté, et nous dit qu'il était écrit dans le livre des destinées de Veïes que cette ville serait imprenable tant que le lac serait débordé ; que si ses eaux s'écoulaient vers la mer, le peuple Romain en éprouverait de pernicieux effets, et que si, au contraire, on leur donnait une autre issue, nous eu tirerions grand avantage? Telle est la cause de ces admirables travaux faits par nos ancêtres pour détourner les eaux du lac. Mais lorsque les Véiens, épuisés par la guerre, députèrent vers le sénat, on rapporte qu'un des envoyés déclara que le transfuge n'avait pas osé tout dire, et qu'il était aussi écrit dans le livre des destinées de Veïes « que Rome serait bientôt prise par les Gaulois; » et c'est ce qui arriva six ans après la reddition de Veïes. XLV. Souvent aussi on a entendu des voix de faunes au milieu des combats. Dans les circonstances difficiles on a cru entendre des voix pro- 207 phétiques et secrètes. Parmi une foule de semblables exemples, en voici deux remarquables par leur importance. Peu de temps avant la prise de Rome, une voix partant du bois de Vesta, qui descend du pied du mont Palatin vers la rue Neuve, cria de réparer les murs et les portes, et qu'il arriverait, si l'on n'y prenait garde, que Rome serait prise. Cet avis, négligé pendant qu'il était encore temps, parut clair après le désastre qu'il annonçait. C'est alors qu'on éleva vis-à-vis ce lieu, à Aius Loquens, l'autel que nous voyons encore entouré d'une enceinte. Plusieurs historiens rapportent aussi que, à la suite d'un tremblement de terre, une voix sortie du temple de Junon, dans la citadelle, demanda le sacrifice d'une truie pleine ; de là le surnom de Conseillère donné à cette Junon. Oserons-nous donc mépriser ces avertissements des Dieux et ces maximes de nos ancêtres? Les Pythagoriciens observaient non-seulement les paroles des Dieux, mais aussi celles des hommes, ce qu'ils appelaient omina. C'est à cause de la vertu que nos pères y attachaient, qu'ils faisaient précéder toutes leurs actions de cette formule : « Que tout ici soit bon, favorable, heureux et fortuné; » les sacrifices publics de cette injonction : « Faites silence; » et les fêtes publiques de cet ordre : « Abstenez-vous de procès et de querelles. » De même, dans la revue dune colonie par ses chefs, d'une armée par son général, dans le dénombrement du peuple par le censeur, on choisissait pour conduire les victimes des hommes portant des noms heureux. Les consuls dans l'enrôlement ont soin d'inscrire en tête un soldat portant un nom favorable, règle que vous avez religieusement observée comme consul et chef d'armée. La tribu appelée prérogative était aux yeux de nos ancêtres le présage de comices réguliers. XLVI. Voici deux exemples bien connus de ces sortes de présages. Paul Emile, consul pour la seconde fois, venait d'être chargé de la guerre contre le roi Persée, lorsque, rentrant chez lui le soir de ce jour même, il remarqua, en embrassant sa fille Tertia alors en bas âge, qu'elle était toute triste. « Qu'est-ce donc, dit-il, ma Tertia? Pourquoi es-tu si triste? — Mon père, répondit-elle, Persée est mort. » Alors embrassant tendrement l'enfant, « J'en accepte l'augure; ma fille, reprit-il. » C'était un petit chien portant ce riom qui était mort. J'ai entendu raconter à Lucius Flaccus, flamine de Mars, que Cécilia, fille de Mé-tellus, voulant marier la fille de sa sœur, la conduisit, selon l'usage antique, dans une chapelle, pour prendre augure. La jeune fille était debout, et Cécilia assise depuis longtemps sans qu'aucune voix se fit entendre, lorsque la nièce fatiguée demanda à sa tante de lui permettre de s'asseoir un instant sur son siège; celle-ci lui répondit : « Volontiers, mon enfant, jeté cède ma place. » L'événement confirma bientôt l'augure. La tante mourut peu après, et la jeune fille épousa le mari de Cécilia. Je conçois fort bien que l'on méprise ces choses et même que l'on s'en moque ; mais n'est-ce pas douter de l'existence des Dieux que de mépriser leurs avertissements? XLVII. Que dirai-je des augures? Cette question vous regarde, et c'est à vous de prendre la défense des auspices. Durant votre consulat, l'au- 208 gure Appius Claudius vous annonça que I augure du salut ayant été douteux, une guerre civile aussi déplorable que funeste ne tarderait pas à s'allumer. Quelques mois après éclata cette guerre que vous terminâtes en peu de jours. Assurément je ne saurais trop louer cet augure, le seul qui depuis longues années, non content des formules augurâtes, ait pratiqué l'art de la divination, lui dont vos collègues se moquaient en l'appelant tantôt le Pisidien, tantôt l'augure de Sora; car ils étaient de ceux qui ne reconnaissant, soit dans les auspices, soit dans les augures, aucun pressentiment, aucune science de la vérité future, n'y voyaient que des superstitions inventées pour flatter l'ignorance du vulgaire. Rien de plus faux cependant. Car comment supposer chez les pâtres qui entouraient Romulus, et chez Romulus lui même, l'astuce nécessaire pour inventer un simulacre de religion propre à tromper la multitude? Mais la difficulté d'apprendre un art compliqué a suggéré à la paresse des raisons spécieuses. On aime mieux soutenir que les auspices ne sont rien, que d'étudier pour savoir ce qu'il en est. Qu'y a-t-il de plus divin que l'auspice de Marius dont vous parlez dans votre poème ? Le voici, car j'aime a vous citer. « Le satellite ailé du maître du tonnerre, blessé à l'improviste par la morsure d'un serpent élancé d'un tronc d'arbre, déchire de ses ongles acérés le reptile demi-mort dont la tête nuancée menace encore. Le serpent se tord sous les coups de bec ensanglanté. L'aigle vengé de ses douleurs cruelles jette dans les eaux les restes palpitants de son ennemi, et dirige son vol vers la demeure éclatante du soleil. Marius aperçoit l'oiseau divin aux ailes rapides, et il y voit l'augure envoyé par les Dieux, l'heureuse annonce de sa gloire et de son retour dans sa patrie. Le maître du ciel tonne à gauche, et Jupiter lui-même confirme ainsi l'augure de son messager. »
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XLVIII. "Atque ille Romuli auguratus pastoralis, non urbanus fuit, nec fictus ad opiniones inperitorum, sed a certis acceptus et posteris traditus. Itaque Romulus augur, ut apud Ennium est, cum fratre item augure,
Curantes magna cum cura tum concupientes XLIX. "Sed ut, unde hue digressa est, eodem redeat oratio. Si nihil queam disputare quam ob rem quidque fiat, et tantum modo fieri ea quae commemoravi, doceam, parumne Epicuro Carneadive respondeam? Quid, si etiam ratio exstat artificiosae praesensionis facilis, divinae autem paulo obscurior? Quae enim extis, quae fulgoribus, quae portentis, quae astris praesentiuntur, haec notata sunt observatione diuturna. Affert autem vetustas omnibus in rebus longinqua observatione incredibilem scientiam; quae potest esse etiam sine motu atque impulsu deorum, cum, quid ex quoque eveniat, et quid quam- que rem significet, crebra animadversione perspectum est. - "Altera divinatio est naturalis, ut ante dixi; quae physica disputandi subtilitate referenda est ad naturam deorum, a qua, ut doctissimis sapientissimisque placuit, haustos animos et libatos habemus; cumque omnia completa et referta sint aeterno sensu et mente divina, necesse est contagione divinorum animorum animos humanos commoveri. Sed vigilantes animi vitae necessitatibus serviunt diiunguntque se a societate divina vinclis corporis impediti. - "Rarum est quoddam genus eorum, qui se a corpore avocent et ad divinarum rerum cognitionem cura omni studioque rapiantur. Horum sunt auguria non divini impetus, sed rationis humanae; nam et natura futura praesentiunt, ut aquarum eluviones et deflagrationem futuram aliquando caeli atque terrarum; alii autem in re publica exercitati, ut de Atheniensi Solone accepimus, orientem tyrannidem multo ante prospiciunt; quos prudentes possumus dicere, id est providentes, divinos nullo modo possumus; non plus quam Milesium Thalem, qui, ut obiurgatores suos convinceret ostenderetque etiam philosophum, si ei commodum esset, pecuniam facere posse, omnem oleam ante quam florere coepisset, in agro Milesio, coemisse dicitur. Animadverterat fortasse quadam scientia olearum ubertatem fore. Et quidem idem primus defectionem solis, quae Astyage regnante facta est, praedixisse fertur. L. "Multa medici, multa gubernatores, agricolae etiam multa praesentiunt, sed nullam eorum divinationem voco, ne illam quidem qua ab Anaximandro physico moniti Lacedaemonii sunt ut urbem et tecta linquerent armatique in agro excubarent, quod terrae motus instaret, tum cum et urbs tota corruit et e monte Taygeto extrema montis quasi puppis avulsa est. Ne Pherecydes quidem, ille Pythagorae magister, potius divinus habebitur quam physicus, quod, cum vidisset haustam aquam de iugi puteo, terrae motus dixit instare. - "Nec vero umquam animus hominis naturaliter divinat, nisi cum ita solutus est et vacuus ut ei plane nihil sit cum corpore, quod aut vatibus contingit aut dormientibus. Itaque ea duo genera a Dicaearcho probantur et, ut dixi, a Cratippo nostro; si propterea, quod ea proficiscuntur a natura, sint summa sane, modo ne sola; sin autem nihil esse in observatione putant, multa tollunt quibus vitae ratio continetur. Sed quoniam dant aliquid, idque non parvum, vaticinationes cum somniis, nihil est quod cum his magnopere pugnemus, praesertim cum sint qui omnino nullam divinationem probent. - "Ergo et ei, quorum animi spretis corporibus evolant atque excurrunt foras, ardore aliquo inflammati atque incitati, cernunt illa profecto quae vaticinantes pronuntiant; multisque rebus inflammantur tales animi qui corporibus non inhaerent, ut ei qui sono quodam vocum et Phrygiis cantibus incitantur. Multos nemora silvaeque, multos amnes aut maria commovent. Credo etiam anhelitus quosdam fuisse terrarum quibus inflatae mentes oracla funderent. Quorum furibunda mens videt ante multo, quae sint futura. Quo de genere illa sunt:
Eheu videte! iudicabit inclitum iudicium Eodem enim modo multa a vaticinantibus saepe praedicta sunt, neque solum verbis, sed etiam Versibus quos olim Fauni vatesque canebant. Similiter Marcius et Publicius vates cecinisse dicuntur; quo de genere Apollinis operta prolata sunt.. Credo etiam anhelitus quosdam fuisse terrarum ; quibus inflatae mentes oracula funderet. LI. "Atque haec quidem vatium ratio est, nec dissimilis sane somniorum. Nam quae vigilantibus accidunt vatibus, eadem nobis dormientibus. Viget enim animus in somnis liberque est sensibus omni ac impeditione curarum iacente et mortuo paene corpore. Qui quia vixit ab omni aeternitate versatusque est cum innumerabilibus animis, omnia, quae in natura rerum sunt, videt, si modo temperatis escis modicisque potionibus ita est affectus ut sopito corpore ipse vigilet. Haec somniantis est divinatio. - "Hic magna quaedam exoritur, neque ea naturalis, sed artificiosa somniorum Antiphontis interpretatio; eodemque modo et oraculorum et vaticinationum, sunt enim explanatores omnium horum, ut grammatici poetarum. Nam ut aurum et argentum, aes, ferrum frustra natura divina genuisset, nisi eadem docuisset quem ad modum ad eorum venas perveniretur; nec fruges terrae bacasve arborum cum utilitate ulla generi humano dedisset, nisi earum cultus et conditiones tradidisset; materia deinde quid iuvaret, nisi consectionis eius fabricam haberemus; sic cum omni utilitate quam di hominibus dederunt, ars aliqua coniuncta est per quam illa utilitas percipi possit. Item igitur somniis, vaticina- tionibus, oraclis, quod erant multa obscura, multa ambigua, explanationes adhibitae sunt interpretum. Quo modo autem aut vates aut somniantes ea videant, quae nusquam etiam tune sint, magna quaestio est. Sed explorata si sint ea, quae ante quaeri debeant, sint haec, quae quaerimus, faciliora. Continet enim totam hanc quaestionem ea ratio, quae est de natura deorum, quae a te secundo libro est explicata dilucide. Quam si obtinemus, stabit illud, quod hunc locum continet, de quo agimus, 'esse deos, et eorum providentia mundum administrari, eosdemque consulere rebus humanis, nec solum universis, verum etiam singulis.' Haec si tenemus, quae mihi quidem non videntur posse convelli, profecto hominibus a dis futura significari necesse est. - "Sed distinguendum videtur quonam modo.
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XLVIII. Quant à l'augurât de Romulus, il remonte à sa vie pastorale, et précède la fondation de Rome. Ce n'était pas une fiction destinée à tromper la foule ignorante, mais un art religieusement enseigné et fidèlement transmis. Comme le dit Ennius, Romulus et son frère, tous deux augures, désirant tous deux régner, observent avec un égal soin les auspices et les augures. Rémus de son côté attend un auspice heureux, et épie le vol favorable d'un oiseau. Mais le beau Romulus se place sur le sommet de l'Aventin pour observer les oiseaux qui planent au haut des cieux. Comment s'appellera la ville, Rome ou Rémora? Lequel des deux frères aura le pouvoir suprême? Tel est l'objet de la lutte. Impatient d'une décision, le peuple attend, semblable à la foule curieuse rassemblée, à l'entrée de l'arène, autour du consul prêt à donner le signal qui va permettre aux chevaux de franchir la barrière coloriée. Ainsi s'agitait le peuple, se demandant avec anxiété lequel des deux frères la victoire doit couronner. Cependant le soleil pâlissant fuit devant les ombres de la nuit. Mais bientôt une lumière pure brille à l'horizon, et au même instant s'élance à gauche un oiseau aussi beau que rapide. Le soleil alors apparaît radieux. Aussitôt trois fois quatre oiseaux divins descendent rapidement du ciel, et se posent en des lieux choisis. Romulus comprend enfin que cet auspice lui donne le pouvoir, et que désormais son trône repose sur des bases solides. » 209 XLIX. Mais revenons au point même où nous l'avons commencé à nous écarter de notre sujet. Si, ne pouvant prouver pourquoi ces choses arrivent, je démontre seulement que leur existence est certaine, n'aurai-je pas répondu victorieusement à Épicare et Carnéade? J'ose même dire, tout en avouant que la cause de la divination naturelle est plus obscure, qu'il est facile d'expliquer la divination artificielle. On a noté au moyen d'observations continues ce que présagent les entrailles, les fulgurations, les prodiges et les astres. Toute observation prolongée pendant des siècles arrive à des résultats merveilleux, résultats que l'on peut obtenir sans le secours et l'inspiration des Dieux, si on examine assidûment ce que signifie chaque chose en notant l'événement qui la suit. Vient ensuite la divination naturelle, comme je l'ai dit, qui peut, par des raisons physiques, être rattachée à la nature des Dieux. Et comme, selon l'opinion des hommes les plus savants et les plus sages, nos âmes ne sont qu'une émanation de cette nature divine, et que d'ailleurs tout ici-bas est rempli de cet esprit divin et éternel, il est nécessaire que nous ressentions les effets de cette parenté avec les Dieux. Mais pendant la veille nos âmes, asservies par les nécessités de la vie, s'isolent de cette société divine, enchaînées par des liens matériels. Combien est petit le nombre de ceux qui se séparant, pour ainsi dire, de leurs corps, consacrent tous leurs soins à la connaissance des choses divines ! La science augurale de ceux-là n'est point le résultat d'une inspiration divine, mais un effort de la raison humaine : c'est la nature qui leur dévoile l'avenir, et qui leur fait prévoir les inondations, et les embrasements futurs du ciel et de la terre. D'autres, appliqués au gouvernement des Etats, pressentent longtemps d'avance, comme l'Athénien Solon, la naissance de la tyrannie. Plaçons ces derniers parmi les hommes prudents, c'est-à-dire prévoyants, mais ne leur donnons point le titre de devins, pas plus qu'à Thalès de Milet qui, pour réduire au silence ses détracteurs, et leur prouver que, quoique philosophe , il pourrait s'enrichir si cela lui plaisait, acheta toute la récolte des oliviers du territoire de Milet avant qu'ils fussent en fleurs. Grâce à ses connaissances, il avait sans doute prévu qu'il y aurait abondance d'olives. On rapporte aussi qu'il annonça le premier l'éclipsé de soleil qui eut lieu sous le règne d'Astyage. L. Les médecins, les pilotes, les laboureurs prévoient aussi beaucoup de choses. Mais je n'appelle rien de tout cela divination, pas même la prédiction du physicien Anaximandre, qui avertit les Lacédémoniens d'abandonner leurs maisons et la ville, et de coucher tout armés dans les champs, parce qu'un tremblement de terre était imminent. En effet, toute la ville s'écroula, et la cime du Taygète se détacha de la montagne comme la poupe du corps d'un vaisseau. Le maître de Pythagore, Phérécide, mérite moins le titre de devin que celui de physicien, lui qui, à l'inspection d'eau de source tirée d'un puits, annonça l'approche d'un tremblement de terre. L'esprit humain n'est propre à la divination naturelle que quand il est parfaitement libre et dégagé de tout commerce avec le corps. C'est ce qui arrive dans les vaticinations et les songes ; deux genres de divination que Dicéarque et notre ami Cratippe admettent comme vous le savez. S'ils les placent en première ligne parce qu'elles sont naturelles, soit ; 210 pourvu toutefois qu'ils admettent les autres genres. S'ils méprisent et nient l'observation, ils rendent à peu près la vie impossible. Mats en nous accordant les vaticinations et les songes, ils nous font une assez large concession; aussi réservons toutes nos forces pour combattre ceux qui rejettent toute espèce de divination. Ainsi donc les esprits qui, méprisant leur enveloppe matérielle, s'élancent au dehors comme enflammés d'une ardeur brûlante, voient alors clairement ce qu'ils prophétisent. Mille occasions diverses embrasent ces esprits isolés du corps. Une certaine harmonie, les chants phrygiens, le silence des bois et des forêts, la vue d'un fleuve, l'immensité des mers les émeuvent. Pleins d'une sainte fureur, ils plongent alors au loin dans l'avenir. Ainsi Cassandre s'écrie : « Voyez, voyez ! II prononce entre trois déesses un jugement mémorable, et ce jugement amène au milieu de nous une femme Lacédémonienne, une des furies. » Beaucoup d'événements ont été ainsi prédits non-seulement dans le langage commun, mais aussi « dans les vers que chantaient autrefois les faunes et les devins. » Les vers chantés par Marcius et Publicius sont de ce nombre. Joignons-y les réponses mystérieuses de l'oracle d'Apollon. Je crois en outre qu'il existait certaines exhalaisons terrestres propres a remplir l'âme d'une ivresse prophétique. LI. Voilà la raison des vaticinations, qui est sans doute aussi celle des songes. Car n'éprouvons-nous pas dans le sommeil ce qui arrive aux devins dans l'état de veille? Notre âme alors n'est-elle pas libre des sens, dégagée de toute entrave, de toute sollicitude, à côté du corps gisant et comme frappé de mort? Éternelle elle-même, et habituée à converser avec une multitude innombrable d'autres âmes, elle voit tout ce que l'ordre entier de l'univers renferme, pourvu toutefois que la tempérance et la sobriété lui permettent de veiller durant l'assoupissement du corps. Voilà la divination par les songes. C'est ici que commence l'interprétation non pas naturelle, mais artificielle des songes, d'après la méthode d'Antiphon, méthode applicable aux oracles et aux vaticinations. Faut-il s'étonner que comme les poètes, les songes aient besoin de commentateurs? De même que les Dieux auraient inutilement créé l'or, l'argent, le cuivre et le fer, s'ils ne nous avaient enseigné en même temps les moyens d'exploiter les mines; de même que les fruits de la terre ou des arbres seraient inutiles au genre humain, si nous ne connaissions leur nature et leur culture; que tous les matériaux resteraient sans emploi, si l'art de fabriquer nous avait été refusé; comme enfin le don de chaque chose utile faite aux hommes par les Dieux ne va point sans une certaine industrie propre à mettre cette utilité en œuvre ; ainsi les obscurités et les ambiguïtés des songes, des vaticinations et des oracles ont donné naissance aux explications des interprètes. Mais comment les devins, ou ceux qui son- 211 gent, aperçoivent-ils ce qui n'a jamais existé? Question immense, dont la solution présentera d'autant moins de difficultés qu'on aura étudié avec plus de soin celles qui doivent la précéder. Au reste, la nature des Dieux, que vous avez clairement expliquée dans votre second livre, contient tous les éléments de cette solution. En effet, la question dont il s'agit devient facile, si Ton nous accorde qu'il existe des Dieux, que leur providence gouverne le monde, qu'elle veille sur tous les intérêts, soit généraux, soit particuliers. Cette vérité qui me semble inattaquable une fois reconnue, il s'ensuit nécessairement que les Dieux révèlent l'avenir aux hom¬mes. Mais comment le font-ils? Voilà ce qu'il faut distinguer.
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LII. Nam non placet Stoicis singulis iecorum fissis aut avium cantibus interesse deum; neque enim decorum est nec dis dignum nec fieri ullo pacto potest; sed ita a principio inchoatum esse mundum, ut certis rebus certa signa praecurrerent, alia in extis, alia in avibus, alia in fulgoribus, alia in ostentis, alia in stellis, alia in somniantium visis, alia in furentium vocibus. Ea quibus bene percepta sunt, ei non saepe falluntur; male coniecta maleque interpretata falsa sunt non rerum vitio, sed interpretum inscientia. - "Hoc autem posito atque concesso, esse quandam vim divinam hominum vitam continentem, non difficile est, quae fieri certe videmus, ea qua ratione fiant, suspicari. Nam et ad hostiam deligendam potest dux esse vis quaedam sentiens, quae est toto confusa mundo, et tum ipsam, cum immolare velis, extorum fieri mutatio potest, ut aut absit aliquid aut supersit; parvis enim momentis multa natura aut affingit aut mutat aut detrahit. Quod ne dubitare possimus, maximo est argumento quod paulo ante interitum Caesaris contigit. Qui cum immolaret illo die quo primum in sella aurea sedit et cum purpurea veste processit, in extis bovis opimi cor non fuit. Num igitur censes ullum animal, quod sanguinem habeat, sine corde esse posse? Qua ille rei novitate non perculsus cum Spurinna diceret timendum esse ne et consilium et vita deficeret; earum enim rerum utramque a corde proficisci. Postero die caput in iecore non fuit. Quae quidem illi portendebantur a dis immortalibus ut videret interitum, non ut caveret. Cum igitur eae partes in extis non reperiuntur sine quibus victuma illa vivere nequisset, intellegendum est in ipso immolationis tempore eas partes quae absint interisse. LIII. "Eademque efficit in avibus divina mens, ut tum huc, tum illuc volent alites, tum in hac, tum in illa parte se occultent, tum a dextra, tum a sinistra parte canant oscines. Nam si animal omne, ut vult, ita utitur motu sui corporis, prono, obliquo, supino, membraque, quocumque vult, flectit, contorquet, porrigit, contrahit eaque ante efficit paene, quam cogitat, quanto id deo est facilius, cuius numini parent omnia! idemque mittit et signa nobis eius generis, qualia permulta historia tradidit, quale scriptum illud videmus: si luna paulo ante solis ortum defecisset in signo Leonis, fore ut armis Dareus et Persae ab Alexandro et Macedonibus vincerentur Dareusque moreretur; et si puella nata biceps esset, seditionem in populo fore, corruptelam et adulterium domi; et si mulier leonem peperisse visa esset, fore ut ab exteris gentibus vinceretur ea res publica in qua id contigisset. - "Eiusdem generis etiam illud est, quod scribit Herodotus, Croesi filium, cum esset infans, locutum; quo ostento regnum patris et domum funditus concidisse. Caput arsisse Servio Tullio dormienti quae historia non prodidit? Ut igitur, qui se tradit quieti praeparato animo cum bonis cogitationibus, tum rebus ad tranquillitatem accommodatis, certa et vera cernit in somnis; sic castus animus purusque vigilantis et ad astrorum et ad avium reliquorumque signorum et ad extorum veritatem est paratior. LIV. . "Hoc nimirum est illud quod de Socrate accepimus, quodque ab ipso in libris Socraticorum saepe dicitur: esse divinum quiddam, quod δαιμόνιον appellat, cui semper ipse paruerit numquam impellenti, saepe revocanti. Et Socrates quidem (quo quem auctorem meliorem quaerimus?) Xenophonti consulenti sequereturne Cyrum, posteaquam exposuit, quae ipsi videbantur: ' Et nostrum quidem,' inquit, 'humanum est consilium; sed de rebus et obscuris et incertis ad Apollinem censeo referendum,' ad quem etiam Athenienses publice de maioribus rebus semper rettulerunt. - "Scriptum est item, cum Critonis, sui familiaris, oculum alligatum vidisset, quaesivisse, quid esset; cum autem ille respondisset in agro, ambulanti ramulum adductum, ut remissus esset, in oculum suum recidisse, tum Socrates: 'Non enim paruisti mihi revocanti, cum uterer, qua soleo, praesagitione divina.' Idem etiam Socrates, cum apud Delium male pugnatum esset Lachete praetore fugeretque cum ipso Lachete, ut ventum est in trivium, eadem, qua ceteri, fugere noluit. Quibus quaerentibus, cur non eadem via pergeret, deterreri se a deo dixit; cum quidem ei, qui alia via fugerant, in hostium equitatum inciderunt. Permulta collecta sunt ab Antipatro quae mirabiliter a Socrate divinata sunt, quae praetermittam, tibi enim nota sunt, mihi ad commemorandum non necessaria. Illud tamen eius philosophi magnificum ac paene divinum, quod, cum impiis sententiis damnatus esset, aequissimo animo se dixit mori; neque enim domo egredienti neque illud suggestum, in quo causam dixerat, ascendenti signum sibi ullum, quod consuesset, a deo quasi mali alicuius impendentis datum. LV. "Equidem sic arbitror, etiamsi multa fallant eos, qui aut arte aut coniectura divinare videantur, esse tamen divinationem; homines autem, ut in ceteris artibus, sic in hac posse falli. Potest accidere, ut aliquod signum dubie datum pro certo sit acceptum, potest aliquod latuisse aut ipsum, aut quod esset illi contrarium. Mihi autem ad hoc, de quo disputo, probandum satis est non modo plura, sed etiam pauciora divine praesensa et praedicta reperiri. Quin etiam hoc non dubitans dixerim, si unum aliquid ita sit praedictum praesensumque, ut, cum evenerit, ita cadat ut praedictum sit, neque in eo quicquam casu et fortuito factum esse appareat, esse certe divinationem, idque esse omnibus confitendum. "Quocirca primum mihi videtur, ut Posidonius facit, a deo, de quo satis dictum est, deinde a fato, deinde a natura, vis omnis divinandi ratioque repetenda. Fieri igitur omnia fato ratio cogit fateri. Fatum autem id appello, quod Graeci edJuap/evrv, id est ordinem seriemque causarum, cum causae causa nexa rem ex se gignat. Ea est ex omni aeternitate fluens veritas sempiterna. Quod cum ita sit, nihil est factum, quod non futurum fuerit, eodemque modo nihil est futurum, cuius non causas id ipsum efficientes natura contineat. Ex quo intellegitur, ut fatum sit non id, quod superstitiose, sed id, quod physice dicitur, causa aeterna rerum, cur et ea, quae praeterierunt, facta sint et, quae instant, fiant et, quae sequuntur, futura sint. Ita fit, ut et observatione notari possit, quae res quamque causam plerumque consequatur, etiamsi non semper (nam id quidem affirmare difficile est), easdemque causas veri simile est rerum futurarum cerni ab eis, qui aut per furorem eas aut in quiete videant. LVI. "Praeterea cum fato omnia fiant, id quod alio loco ostendetur, si quis mortalis possit esse, qui colligationem causarum omnium perspiciat animo, nihil eum profecto fallat. Qui enim teneat causas rerum futurarum, idem necesse est omnia teneat, quae futura sint. Quod cum nemo facere nisi deus possit, relinquendum est homini, ut signis quibusdam consequentia declarantibus futura praesentiat. Non enim illa, quae futura sunt, subito exsistunt, sed est quasi rudentis explicatio sic traductio temporis nihil novi efficientis et primum quidque replicantis. Quod et ei vident, quibus naturalis divinatio data est, et ei, quibus cursus rerum observando notatus est. Qui etsi causas ipsas non cernunt, signa tamen causarum et notas cernunt; ad quas adhibita memoria et diligentia et monumentis superiorum efficitur ea divinatio, quae artificiosa dicitur, extorum, fulgorum, ostentorum signorumque caelestium. - "Non est igitur ut mirandum sit ea praesentiri a divinantibus, quae nusquam sint; sunt enim omnia, sed tempore absunt. Atque ut in seminibus vis inest earum rerum, quae ex eis progignuntur, sic in causis conditae sunt res futurae, quas esse futuras aut concitata mens aut soluta somno cernit aut ratio aut coniectura praesentit. Atque ut ei qui solis et lunae reliquorumque siderum ortus, obitus motusque cognorunt, quo quidque tempore eorum futurum sit, multo ante praedicunt, sic, qui cursum rerum eventorumque consequentiam diuturnitate pertractata notaverunt, aut semper aut, si id difficile est, plerumque, quodsi ne id quidem conceditur, non numquam certe, quid futurum sit, intellegunt. Atque haec quidem et quaedam eiusdem modi argumenta, cur sit divinatio, ducuntur a fato.
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LII. Les Stoïciens ne croient pas que les Dieux interviennent à chaque fissure du foie ou à chaque cri d'un oiseau; ce qui serait, disent-ils, indigne de la majesté divine et inadmissible de tout point. Mais ils veulent que l'univers ait été ordonné dès le principe de manière que certains événements soient devancés par certains signes fournis par les entrailles des oiseaux, les foudres, les prodiges, les astres, les songes ou les fureurs prophétiques. Pour ceux qui savent observer ces signes, l'erreur n'est guère à craindre. Les fausses conjectures, les interprétations erronées ne proviennent point d'un défaut naturel, mais de l'ignorance de l'interprète. Ce principe une fois posé et accordé, qu'il existe une vertu divine enveloppant toute la vie des hommes, il est facile d'entrevoir la raison de tout ce qui se passe sous nos yeux ; car cette puissance répandue dans le monde entier peut nous guider dans le choix de la victime; et au moment du sacrifice, elle peut changer les entrailles de manière qu'il s'y trouve quelque chose de plus ou de moins. La nature n'a besoin que de quelques instants pour ajouter, diminuer ou modifier; nous en voyons une preuve dans ce qui arriva peu de temps avant la mort de César. Le jour qu'il s'assit pour la première fois sur un siège tout brillant d'or, et qu'il parut vêtu d'une robe de pourpre, le bœuf gras immolé par son ordre n'avait point de cœur. Croyez-vous cependant qu'aucun animal ayant du sang puisse vivre un seul instant sans cœur? Frappé de ce spectacle étrange, il entendit avec crainte Spurinna déclarer qu'il y avait lieu de redouter qu'on ne manquât tout à coup de force et de jugement, parce que l'un et l'autre viennent du cœur. Le lendemain, le foie de la victime se trouva sans tête. Sans doute les Dieux immortels envoyaient ces signes à César pour lui annoncer sa mort, et non pour le prémunir contre elle. Si donc on ne trouve point dans les entrailles des animaux des parties essentielles à la vie, on doit croire qu'elles ont été anéanties au moment même de l'immolation. LIII. Le même esprit divin agit sur les oiseaux ; c'est par lui qu'ils volent d'un côté ou de l'autre, qu'ils se cachent ici ou là, qu'ils chantent tantôt à droite et tantôt à gauche. Car si tout animal se meut comme il lui plaît, obliquement, en avant, en arrière; s'il fléchit, contourne, étend, contracte ses membres à volonté et presque avant d'y avoir pensé, combien cela doit-il être plus facile à Dieu, à la puissance duquel tout obéit? C'est donc lui qui nous envoie les signes divers dont parlent tant d'historiens. Aussi, voyons-nous que si la lune disparaissait un peu avant le lever du soleil, dans la constellation du Lion, c'était un signe que Darius et les Perses seraient défaits par Alexandre et les Macédoniens, 212 et même que Darius mourrait : ou bien , s'il naissait quelque part une fille à deux têtes, la ville était menacée de séditions, et la famille de souillure et d'adultère. Qu'une femme songeât qu'elle accouchait d'un lion, et la république où cela arrivait devait passer sous la domination étrangère. Hérodote nous transmet quelque chose de semblable : le fils de Crésus, jeune enfant muet, avait parlé, et le prodige annonçait la ruine totale du royaume de son père et de sa famille. Quel historien a omis de parler de la tête de ServiusTullius couronnée de flammes pendant son sommeil? Mais comme celui qui se livre au repos distingue sûrement la vérité dans ses songes si son esprit est calme, et s'il Ta rempli de bonnes pensées, de même la pureté et l'innocence de l'âme est la meilleure préparation à l'observation des astres, des oiseaux et des autres signes, ainsi qu'à la découverte de la vérité. LIV. C'est ainsi qu'il faut expliquer ce que nous raconte Socrate et ce qu'il répète souvent dans les écrits de ses disciples, touchant cet esprit divin qu'il appelle son démon, génie qui le retenait toujours, ne l'excitait jamais, et auquel il obéissait fidèlement. Le même Socrate, car où trouver une meilleure autorité? Après avoir exposé ses raisons à Xénophon, qui le consultait sur son projet de suivre Cyrus, ajoutait : « Au reste mon avis n'est que celui d'un homme ; aussi je pense que dans les questions obscures et douteuses il faut s'en rapporter à Apollon, que les Athéniens eux-mêmes n'ont jamais manqué de consulter dans les circonstances majeures. » On rapporte encore qu'ayant rencontré Criton son ami avec un bandeau sur un œil, et lui en ayant demandé la cause, celui-ci répondit : que comme il se promenait à la campagne, une branche qu'il avait fait plier, s'étant redressée, l'avait frappé dans l'œil. « Pourquoi, lui dit Socrate, ne m'avez-vous pas obéi quand, averti selon ma coutume par un instinct divin, je vous ai rappelé ?» Le même philosophe, après la défaite des Athéniens à Délium, sous le commandement de Lâchés, fuyait avec ce général. Arrivé à l'embranchement de plusieurs routes, il refusa de suivre ses compagnons et prit une autre direction. Ceux-ci lui demandant pourquoi il ne prenait pas la même route qu'eux, il répondit qu'un Dieu l'en détournait. Ceux qui avaient suivi cette voie tombèrent dans la cavalerie ennemie. Je passe sous silence une foule de semblables faits recueillis par Antipater, et qui dénotent une merveilleuse faculté de divination chez Socrate. Au reste, ils vous sont connus, et il est inutile de vous les rappeler. Voici toutefois un dernier trait qui me semble sublime et presque divin. Condamné par un jugement impie, il dit qu'il mourrait sans aucune crainte, parce que ni au sortir de sa maison , ni au moment où il se levait pour plaider sa cause, le Dieu qui avait coutume de l'avertir ne l'avait menacé d'aucun mat imminent. LV. Pour moi je suis convaincu que, malgré toutes les chances d'erreur attachées à la divination artificielle et conjecturale, il existe cependant une divination. Mais en cet art, comme en tout autre, les hommes sont sujets à l'erreur. Il peut arriver en effet qu'un signe donné comme douteux soit regardé comme certain, qu'un au- 212 tre échappe à l'observateur, ou qu'on ne voie pas le signe contraire. Il me suffira, toutefois, pour prouver ce que j'avance, de trouver, je ne dis pas un grand nombre, mais un petit nombre de faits divinement pressentis et prédits. J'irai même jusqu'à dire : Si un seul événement a été pressenti et prédit exactement comme il est arrivé, et que le hasard n'ait été pour rien dans l'accomplissement de la prédiction, il existe une divination, et tout le monde doit en convenir avec moi. Il me semble donc qu'à l'exemple de Posidonius, nous devons attribuer la force, et toute la vertu de la divination, à Dieu d'abord, comme nous l'avons déjà dit, puis au destin, et enfin à la nature, La raison nous contraint d'avouer que tout se fait par le destin ; j'appelle destin ce que les Grecs nomment εἱμαρμένη, c'est-à-dire une série ordonnée de causes liées entre elles, et naissant les unes des autres. Telle est la source première de la vérité éternelle; c'est ainsi qu'il n'est rien arrivé qui ne dût arriver, et qu'il n'arrivera rien dont la nature ne contienne déjà tes causes efficientes. Le destin n'est donc point ce qu'entend la superstition, mais ce qu'enseigne la physique, à savoir la cause éternelle de tout, la cause du passé, du présent; et de l'avenir le plus éloigné. De là naît la possibilité d'observer et de noter quel événement suit ordinairement, je n'oserais dire toujours, telle ou telle cause; et c'est ce qui rend vraisemblable la faculté accordée aux furieux et aux hommes endormis, d'apercevoir l'enchaînement des causes et des effets. LVI. Comme tout arrive par la loi du destin ( ce qu'on prouvera ailleurs), s'il se rencontrait un mortel dont l'esprit pût embrasser l'enchaînement générai des causes, celui-là serait infaillible. Celui qui connaît les causes de tous les événements futurs ne prévoit-il pas infailliblement l'avenir? Mais puisque Dieu seul jouit de ce privilège, laissons du moins aux hommes la faculté de pressentir l'avenir par les signes qui l'annoncent. Car les choses futures ne naissent point tout d'un coup ; il en est de la succession des temps comme d'un câble qu'on déroule; ce n'est rien de nouveau, c'est la répétition continuelle des mêmes événements, comme le savent ceux qui s'adonnent à la divination naturelle, et à la connaissance de l'avenir par l'observation des signes. Bien que ceux-ci ne voient pas les causes mômes, ils en observent les signes et les marques ; et à l'aide de la méditation et de la mémoire ils créent, avec le secours des monuments du passé, la divination appelée artificielle, celle qui s'exerce sur les entrailles, les fulgurations, les prodiges et les phénomènes célestes. Il ne faut donc pas s'étonner si les devins pressentent ce qui n'existe encore nulle part. En effet, tout existe simultanément pour ainsi dire, mais à condition de se réaliser en son temps. Comme la semence renferme déjà ce qui doit en naître, de môme les causes contiennent l'avenir tout entier. C'est cet avenir que discerne l'esprit inspiré ou isolé durant le sommeil, et que pressentent la raison ou les conjectures. A l'exemple de ceux qui connaissent et prédisent longtemps 214 d'avance le lever, le coucher, les révolutions du soleil, de la lune et des autres astres, les observateurs du cours des choses, ceux qui par une longue étude ont noté Tordre et l'enchaînement des faits, prévoient toujours, ou si c'est trop dire, le plus souvent, ou si c'est encore trop, parfois du moins, ce qui doit arriver. Voilà les principaux arguments tirés du destin, qui prouvent l'existence de la divination.
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LVII. "A natura autem alia quaedam ratio est, quae docet quanta sit animi vis seiuncta a corporis sensibus, quod maxime contingit aut dormientibus aut mente permotis. Ut enim deorum animi sine oculis, sine auribus, sine lingua sentiunt inter se, quid quisque sentiat (ex quo fit, ut homines, etiam cum taciti optent quid aut voveant, non dubitent, quin di illud exaudiant), sic animi hominum, cum aut somno soluti vacant corpore aut mente permoti per se ipsi liberi incitati moventur, cernunt ea quae permixti cum corpore animi videre non possunt. Atque hanc quidem rationem naturae difficile est fortasse traducere ad id genus divinationis, quod ex arte profectum dicimus, sed tamen id quoque rimatur, quantum potest, Posidonius. Esse censet in natura signa quaedam rerum futurarum. Etenim Ceos accepimus ortum Caniculae diligenter quotannis solere servare coniecturamque capere, ut scribit Ponticus Heraclides, salubrisne an pestilens annus futurus sit. Nam si obscurior et quasi caliginosa stella extiterit, pingue et concretum esse caelum, ut eius adspiratio gravis et pestilens futura sit; sin illustris et perlucida stella apparuerit, significari caelum esse tenue purumque et propterea salubre. - "Democritus autem censet sapienter instituisse veteres, ut hostiarum immolatarum inspicerentur exta; quorum ex habitu atque ex colore tum salubritatis, tum pestilentiae signa percipi, non numquam etiam, quae sit vel sterilitas agrorum vel fertilitas futura. Quae si a natura profecta observatio atque usus agnovit, multa afferre potuit dies quae animadvertendo notarentur, ut ille Pacuvianus, qui in chryse physicus inducitur, minime naturam rerum cognosse videatur:
Nam istis qui linguam avium intellegunt Cur? Quaeso, cum ipse paucis interpositis versibus dicas satis luculente:
Quicquid est hoc, omnia animat, format, alit,
auget, creat, Quid est igitur, cur, cum domus sit omnium una, eaque communis, cumque animi hominum semper fuerint futurique sint, cur ei, quid ex quoque eveniat, et quid quamque rem significet, perspicere non possint? LVIII. “Haec habui,” inquit, “de divinatione quae dicerem.” “Nunc illa testabor, non me sortilegos neque eos, qui quaestus causa hariolentur, ne psychomantia quidem, quibus Appius, amicus tuus, uti solebat, agnoscere:
Non habeo denique nauci Marsum augurem; Atque haec quidem Ennius, qui paucis ante versibus esse deos censet, sed eos non curare opinatur, quid agat humanum genus. Ego autem, qui et curare arbitror et monere etiam ac multa praedicere, levitate, vanitate, malitia exclusa divinationem probo.
” Quae cum dixisset Quintus, “praeclare tu
quidem,” inquam, “paratus, Quinte, venisti . . .” |
LVII. La nature nous fournit d'autres preuves fondées sur la puissance et la vigueur de l'âme affranchie des sens, ainsi que cela arrive principalement dans le sommeil et dans l'extase. Comme les Dieux, sans le secours des yeux, des oreilles ou de la langue, pénètrent ce que chacun pense, d'où il résulte que les hommes, quand ils font des vœux ou des promesses en secret, ne doutent point que les Dieux ne les entendent; de même notre intelligence affranchie des sens par le sommeil , ou livrée à la suite d'une vive excitation à sa propre spontanéité, discerne ce que son commerce avec le corps l'empêche en d'autres temps d'apercevoir. Ces avertissements de la nature ne peuvent guère se reconnaître dans ce genre de divination que nous avons déclaré être le produit de l'art. Posidonius cependant ne Lusse pas de l'essayer; il affirme qu'il existe des signes naturels de l'avenir. Ainsi nous lisons dans Héraclide de Pont que les habitants de Céos observent chaque année avec grand soin le lever de la Canicule, et qu'ils conjecturent alors si l'année sera malsaine ou salubre. Lorsque cette étoile leur parait obscure et nébuleuse, cela dénote à leur avis un air épais, lourd et dangereux à respirer ; si au contraire elle se lève pure et scintillante, c'est pour eux le signe que l'air sera pur, léger, et par conséquent salubre. Pour Démocrite, il pense que les anciens ont sagement établi l'inspection des entrailles des victimes, parce que l'état et la couleur de ces entrailles fournissent des signes non-seulement touchant la nature salubre ou malsaine de l'air, mais aussi par rapport à la stérilité ou à la fertilité du sol. A ces remarques fondées sur la nature, l'expérience et l'observation ajoutent chaque jour de nouvelles lumières. Il semble donc que ce prétendu physicien du Chrysès de Pacuvius connaissait fort peu la nature : « Écoutez, si cela vous plaît, mais gardez-vous bien de croire les hommes qui comprennent le langage des oiseaux, et qui, ne sachant rien par eux-mêmes, voient tout dans le foie des victimes. » Et pourquoi, je vous prie? Ne dites-vous pas vous-même, quelques vers après : « Cet être quel qu'il soit anime, forme, nourrit, développe, crée et absorbe en lui toute chose. Il est le père de tout; l'univers né de lui s'abîme dans son sein. » Pourquoi donc, si nous avons tous une même origine, une patrie commune, si nos âmes ont toujours existé et doivent exister toujours, pourquoi ces âmes ne pour-raient-elles pas discerner les causes et la signification de chaque chose?
LVIII. Voilà, poursuivit Quintus, ce que j'avais à dire sur la
divination. Maintenant je déclare protester contre les sortilèges,
les vendeurs de bonne aventure, et ceux qui évoquent les mânes; gens
que consultait votre ami Appius. « Je méprise les augures du pays
des Marses, aussi bien que les aruspices de village, les astrologues
de place, les pronostiqueurs d'Isis, et les
215 interprètes de songes.
Nous ne devons voir en eux que des fainéants, des fous et des
nécessiteux, des hommes sans art, sans étude, aussi superstitieux
qu'impudents. Ils ne savent où aller, et ils veulent guider les
autres. Ils demandent une obole en retour des trésors qu'ils nous
promettent : qu'ils en déduisent l'obole, et qu'ils nous donnent le
reste. » Voilà ce que dit Ennius, lui qui peu de vers auparavant
reconnaît l'existence des Dieux, mais en ajoutant qu'ils ne
s'inquiètent point de ce que font les hommes. Pour moi, convaincu
qu'ils s'en occupent, qu'ils nous avertissent, qu'ils nous dévoilent
l'avenir, j'admets la divination, tout en rejetant les abus, fruits
de l'ignorance, de l'orgueil et de l'imposture. Quintus ayant ainsi
parlé: Vous êtes venu bien préparé, lui dis-je (1) II y a ici quelques erreurs. On verra dans ce Traité même qu'il ne fut composé qu'après la mort de César, ii, , , etc., et que César consultait les augures, les aruspices, et même les tireurs d'horoscope, , ; II, , etc. (Remarque empruntée à M. V. Le Clerc. ) |