CHAPITRE PREMIER.
Théorie de la république parfaite.
Recherche préliminaire de la vie la plus parfaite ; division des
biens dont l'homme peut jouir ; biens extérieurs, biens de l'âme ;
supériorité de ces derniers ; le bonheur est toujours en proportion
de la vertu ; les faits et la raison le prouvent. |
§1 [1323a] [14] Περὶ δὲ
πολιτείας ἀρίστης τὸν μέλλοντα ποιήσασθαι τὴν [15] προσήκουσαν
ζήτησιν ἀνάγκη διορίσασθαι πρῶτον τίς αἱρετώτατος βίος. Ἀδήλου γὰρ
ὄντος τούτου καὶ τὴν ἀρίστην ἀναγκαῖον ἄδηλον εἶναι πολιτείαν·
ἄριστα γὰρ πράττειν προσήκει τοὺς ἄριστα πολιτευομένους ἐκ τῶν
ὑπαρχόντων αὐτοῖς, ἐὰν μή τι γίγνηται παράλογον. Διὸ δεῖ πρῶτον [20]
ὁμολογεῖσθαι τίς ὁ πᾶσιν ὡς εἰπεῖν αἱρετώτατος βίος, μετὰ δὲ τοῦτο
πότερον κοινῇ καὶ χωρὶς ὁ αὐτὸς ἢ ἕτερος. § 2. Νομίσαντας οὖν ἱκανῶς
πολλὰ λέγεσθαι καὶ τῶν ἐν τοῖς ἐξωτερικοῖς λόγοις περὶ τῆς ἀρίστης
ζωῆς, καὶ νῦν χρηστέον αὐτοῖς.
Ὡς ἀληθῶς γὰρ πρός γε μίαν
διαίρεσιν οὐδεὶς ἀμφισβητήσειεν [25] ἂν ὡς οὐ, τριῶν οὐσῶν μερίδων,
τῶν τε ἐκτὸς καὶ τῶν ἐν τῷ σώματι καὶ τῶν ἐν τῇ ψυχῇ, πάντα ταῦτα
ὑπάρχειν τοῖς μακαρίοις χρή. Οὐδεὶς γὰρ ἂν φαίη μακάριον τὸν μηθὲν
μόριον ἔχοντα ἀνδρείας μηδὲ σωφροσύνης μηδὲ δικαιοσύνης μηδὲ
φρονήσεως, ἀλλὰ δεδιότα μὲν τὰς παραπετομένας [30] μυίας, ἀπεχόμενον
δὲ μηθενός, ἂν ἐπιθυμήσῃ τοῦ φαγεῖν ἢ πιεῖν, τῶν ἐσχάτων, ἕνεκα δὲ
τεταρτημορίου διαφθείροντα τοὺς φιλτάτους [φίλους], ὁμοίως δὲ καὶ τὰ
περὶ τὴν διάνοιαν οὕτως ἄφρονα καὶ διεψευσμένον ὥσπερ τι παιδίον ἢ
μαινόμενον. § 3. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν λεγόμενα [ὥσπερ] πάντες ἂν
συγχωρήσειαν, [35] διαφέρονται δ᾽ ἐν τῷ ποσῷ καὶ ταῖς ὑπεροχαῖς. Τῆς
μὲν γὰρ ἀρετῆς ἔχειν ἱκανὸν εἶναι νομίζουσιν ὁποσονοῦν, πλούτου δὲ
καὶ χρημάτων καὶ δυνάμεως καὶ δόξης καὶ πάντων τῶν τοιούτων εἰς
ἄπειρον ζητοῦσι τὴν ὑπερβολήν.
Ἡμεῖς δὲ αὐτοῖς ἐροῦμεν ὅτι ῥᾴδιον μὲν
περὶ τούτων καὶ διὰ τῶν [40] ἔργων λαμβάνειν τὴν πίστιν, ὁρῶντας ὅτι
κτῶνται καὶ φυλάττουσιν οὐ τὰς ἀρετὰς τοῖς ἐκτὸς ἀλλ᾽ ἐκεῖνα
ταύταις, [1323b] καὶ τὸ ζῆν εὐδαιμόνως, εἴτ᾽ ἐν τῷ χαίρειν
ἐστὶν εἴτ᾽ ἐν ἀρετῇ τοῖς ἀνθρώποις εἴτ᾽ ἐν ἀμφοῖν, ὅτι μᾶλλον
ὑπάρχει τοῖς τὸ ἦθος μὲν καὶ τὴν διάνοιαν κεκοσμημένοις εἰς
ὑπερβολήν, περὶ δὲ τὴν ἔξω κτῆσιν τῶν ἀγαθῶν μετριάζουσιν, ἢ τοῖς
[5] ἐκεῖνα μὲν κεκτημένοις πλείω τῶν χρησίμων, ἐν δὲ τούτοις
ἐλλείπουσιν·
§ 4. οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ κατὰ τὸν λόγον
σκοπουμένοις εὐσύνοπτόν ἐστιν. Τὰ μὲν γὰρ ἐκτὸς ἔχει πέρας, ὥσπερ
ὄργανόν τι, (πᾶν τε τὸ χρήσιμον εἴς τι), ὧν τὴν ὑπερβολὴν ἢ βλάπτειν
ἀναγκαῖον ἢ μηθὲν ὄφελος εἶναι τοῖς [10] ἔχουσιν, τῶν δὲ περὶ ψυχὴν
ἕκαστον ἀγαθῶν, ὅσῳ περ ἂν ὑπερβάλλῃ, τοσούτῳ μᾶλλον χρήσιμον εἶναι,
εἰ δεῖ καὶ τούτοις ἐπιλέγειν μὴ μόνον τὸ καλὸν ἀλλὰ καὶ τὸ χρήσιμον.
Ὅλως τε δῆλον ὡς ἀκολουθεῖν φήσομεν τὴν διάθεσιν τὴν ἀρίστην ἑκάστου
πράγματος πρὸς ἄλληλα κατὰ τὴν ὑπεροχὴν [15] ἥνπερ εἴληχε ταῦτα ὧν
φαμεν αὐτὰς εἶναι διαθέσεις [ταύτας]. Ὥστ᾽ εἴπερ ἐστὶν ἡ ψυχὴ καὶ
τῆς κτήσεως καὶ τοῦ σώματος τιμιώτερον καὶ ἁπλῶς καὶ ἡμῖν, ἀνάγκη
καὶ τὴν διάθεσιν τὴν ἀρίστην ἑκάστου ἀνάλογον τούτων ἔχειν. Ἔτι δὲ
τῆς ψυχῆς ἕνεκεν ταῦτα πέφυκεν αἱρετὰ καὶ δεῖ πάντας [20] αἱρεῖσθαι
τοὺς εὖ φρονοῦντας, ἀλλ᾽ οὐκ ἐκείνων ἕνεκεν τὴν ψυχήν. § 5. Ὅτι μὲν
οὖν ἑκάστῳ τῆς εὐδαιμονίας ἐπιβάλλει τοσοῦτον ὅσον περ ἀρετῆς καὶ
φρονήσεως καὶ τοῦ πράττειν κατὰ ταύτας, ἔστω συνωμολογημένον ἡμῖν,
μάρτυρι τῷ θεῷ χρωμένοις, ὃς εὐδαίμων μέν ἐστι καὶ μακάριος, δι᾽
οὐθὲν δὲ τῶν [25] ἐξωτερικῶν ἀγαθῶν ἀλλὰ δι᾽ αὑτὸν αὐτὸς καὶ τῷ
ποιός τις εἶναι τὴν φύσιν, ἐπεὶ καὶ τὴν εὐτυχίαν τῆς εὐδαιμονίας διὰ
ταῦτ᾽ ἀναγκαῖον ἑτέραν εἶναι (τῶν μὲν γὰρ ἐκτὸς ἀγαθῶν τῆς ψυχῆς
αἴτιον ταὐτόματον καὶ ἡ τύχη, δίκαιος δ᾽ οὐδεὶς οὐδὲ σώφρων ἀπὸ
τύχης οὐδὲ διὰ τὴν τύχην ἐστίν)· ἐχόμενον [30] δ᾽ ἐστὶ καὶ τῶν αὐτῶν
λόγων δεόμενον καὶ πόλιν εὐδαίμονα τὴν ἀρίστην εἶναι καὶ πράττουσαν
καλῶς. Ἀδύνατον δὲ καλῶς πράττειν τοῖς μὴ τὰ καλὰ πράττουσιν· οὐθὲν
δὲ καλὸν ἔργον οὔτ᾽ ἀνδρὸς οὔτε πόλεως χωρὶς ἀρετῆς καὶ φρονήσεως·
ἀνδρεία δὲ πόλεως καὶ δικαιοσύνη καὶ φρόνησις [35] τὴν αὐτὴν ἔχει
δύναμιν καὶ μορφὴν ὧν μετασχὼν ἕκαστος τῶν ἀνθρώπων λέγεται δίκαιος
καὶ φρόνιμος καὶ σώφρων.
§ 6. Ἀλλὰ γὰρ ταῦτα μὲν ἐπὶ τοσοῦτον
ἔστω πεφροιμιασμένα τῷ λόγῳ· οὔτε γὰρ μὴ θιγγάνειν αὐτῶν δυνατόν,
οὔτε πάντας τοὺς οἰκείους ἐπεξελθεῖν ἐνδέχεται λόγους, ἑτέρας γάρ
ἐστιν ἔργον σχολῆς [40] ταῦτα· νῦν δὲ ὑποκείσθω τοσοῦτον, ὅτι βίος
μὲν ἄριστος, καὶ χωρὶς ἑκάστῳ καὶ κοινῇ ταῖς πόλεσιν, [1324a]
ὁ μετ᾽ ἀρετῆς κεχορηγημένης ἐπὶ τοσοῦτον ὥστε μετέχειν τῶν κατ᾽
ἀρετὴν πράξεων, πρὸς δὲ τοὺς ἀμφισβητοῦντας, ἐάσαντας ἐπὶ τῆς νῦν
μεθόδου, διασκεπτέον ὕστερον, εἴ τις τοῖς εἰρημένοις τυγχάνει μὴ
πειθόμενος. |
§ 1. [1323a] Quand on
veut étudier la question de la république parfaite avec tout le soin
qu'elle exige, il faut préciser d'abord quel est le genre de vie qui
mérite surtout notre préférence. Si on l'ignore, on doit
nécessairement ignorer aussi quel est le gouvernement par
excellence; -car il est naturel qu'un gouvernement par-fait assure
aux citoyens qu'il régit, dans le cours ordinaire des choses, la
jouissance du bonheur le plus parfait que comporte leur condition.
Ainsi, convenons d'abord quel est le genre de vie qui serait
préférable pour tous les hommes en général ; et nous verrons ensuite
s'il est le même, ou s'il est différent, pour la masse et pour
l'individu. § 2. Comme nous pensons avoir montré suffisamment, dans
nos ouvrages exotériques, ce qu'est la vie la plus parfaite, nous
appliquerons ici nos principes.
Un premier point que personne ne
saurait contester, parce qu'il est de toute vérité, c'est que les
avantages dont l'homme peut jouir se divisant en trois classes :
avantages qui sont en dehors de lui, avantages du corps, avantages
de l'âme, le bonheur consiste dans la réunion de tous ces biens.
Personne ne serait tenté de croire au bonheur d'un homme qui
n'aurait ni courage, ni tempérance, ni justice, ni sagesse, qui
tremblerait au vol d'une mouche, qui se livrerait sans réserve à ses
appétits grossiers de soif et de faim, qui pour le quart d'une obole
serait prêt à trahir ses amis les plus chers, et qui, non moins
dégradé en fait d'intelligence, serait déraisonnable et crédule
autant qu'un enfant ou un insensé. § 3. On concède sans peine tous
ces points, quand on les présente ainsi. Mais dans la pratique, on
ne s'accorde, ni sur la mesure, ni sur la valeur relative de ces
biens. On se croit toujours assez de vertu pour peu qu'on en ait ;
mais richesse, fortune, pouvoir, réputation, à tous ces biens-là, on
ne veut jamais de bornes, en quelque quantité qu'on les possède.
Aux hommes insatiables, nous dirons
qu'ils pourraient ici se convaincre sans peine, par les faits mêmes,
que les biens extérieurs, loin de nous acquérir et de nous conserver
les vertus, sont au contraire acquis et conservés par elles ; [1323b]
que le bonheur, soit qu'on le place dans les jouissances ou dans la
vertu, ou bien dans l'un et l'autre la fois, appartient surtout aux
coeurs les plus purs, aux intelligences les plus distinguées, et
qu'il est fait pour les hommes modérés dans l'amour de ces biens qui
tiennent si peu à nous, plutôt que pour les hommes qui, possédant
ces biens extérieurs fort au delà des besoins, restent pourtant si
pauvres des véritables richesses.
§ 4. Indépendamment des faits, la
raison seule suffit à bien démontrer ceci. Les biens extérieurs ont
une limite comme tout autre instrument ; et les choses qu'on dit si
utiles, sont précisément celles dont l'abondance nous embarrasse
inévitablement, ou ne nous sert vraiment en rien. Pour les biens de
l'âme, au contraire, c'est en proportion même de leur abondance
qu'ils nous sont utiles, si toutefois il convient de parler
d'utilité dans des choses qui sont avant tout essentiellement
belles. En général, il est évident que la perfection suprême de
choses que l'on compare, pour connaître la supériorité de l'une sur
l'autre, est toujours en rapport direct avec la distance même où
sont entre elles ces choses, dont nous étudions les qualités
spéciales. Si donc l'âme, à parler d'une manière absolue et même
relativement à nous, est plus précieuse que la richesse et que le
corps, sa perfection et la leur seront dans une relation analogue.
Suivant les lois de la nature, tous les biens extérieurs ne sont
désirables que dans l'intérêt de l'âme ; et les hommes sages ne
doivent les souhaiter que pour elle, tandis que l'âme ne doit jamais
être considérée en vue de ces biens. § 5. Ainsi, nous regarderons
comme un point parfaitement accordé, que le bonheur est toujours en
proportion de la vertu et de la sagesse, et de la soumission à leurs
lois, prenant ici pour témoin de nos paroles Dieu lui-même, dont la
félicité suprême ne dépend pas de biens extérieurs, mais est toute
en lui-même et dans l'essence de sa propre nature. Aussi, la
différence du bonheur à la fortune consiste nécessairement, en ce
que les circonstances fortuites et le hasard peuvent nous procurer
les biens placés en dehors de l'âme, tandis que l'homme n'est ni
juste ni sage au hasard ou par l'effet du hasard. Une conséquence de
ce principe, appuyée sur les mêmes raisons, c'est que l'État le plus
parfait est en même temps le plus heureux, et le plus prospère. Le
bonheur ne peut jamais suivre le vice ; l'État non plus que l'homme
ne réussit qu'à la condition de la vertu et de la sagesse ; pour
l'État, le courage la sagesse, la vertu, se produisent avec la même
portée, avec les mêmes formes qu'elles ont dans l'individu ; et
c'est même parce que l'individu les possède, qu'il est appelé juste,
sage et tempérant.
§ 6. Nous ne pousserons pas plus loin
ces idées préliminaires ; il nous était impossible de ne point
toucher ce sujet ; mais ce n'est pas ici le lieu de lui donner tous
les développements qu'il comporte ; ils appartiennent à un autre
ouvrage. Constatons seulement que le but essentiel de la vie pour
l'individu isolé, aussi bien que pour l'État en général, [1324a]
c'est d'atteindre à ce noble degré de la vertu de faire tout ce
qu'elle ordonne. Quant aux objections qu'on peut adresser à ce
principe, nous n'y répondrons point dans la discussion actuelle,
comptant les examiner plus tard, s'il subsiste encore des doutes
après qu'on nous aura entendu. |
§ 1. La question de la
république parfaite. Ce point de vue d'Aristote est tout à fait
celui de Platon, son maître, dans la République et les Lois. Polybe,
qui connaissait bien les ouvrages de Platon et qui les cite, a
répété un des premiers, comme Aristote (voir plus haut, liv. II, ch.
III, § 1.0), que la constitution parfaite serait celle qui
renfermerait les trois formes principales de gouvernement, et qui
unirait dans une juste mesure la monarchie, l'aristocratie et la
démocratie. Voir Polybe, Histoire générale, liv. VI, ch. III.
Cicéron, grand admirateur de Polybe, d'Aristote et de Platon, leur a
emprunté cette idée en la développant.
Voir la République, liv. I,
ch. XXIX et XLV, et liv. II, ch. XXIX et XXXIX, éd. de M. Leclerc.
Après eux, Machiavel a reproduit cette théorie, Discours sur les
Décades de Tite-Live, liv. I, ch. II. Enfin cette savante
combinaison des diverses formes politiques, est aussi le but où vise
le gouvernement représentatif, appliqué par les Anglais, vanté par
Montesquieu et si vainement essayé chez nous depuis soixante ans.
Voir plus haut, liv. III, ch. V.
§ 2. Dans nos outrages
exotériques. Aristote renvoie encore pour le même objet à ses
ouvrages exotériques, dans la Morale à Nicomaque, liv. I, ch. XI, 9,
page 59 de ma traduction ; il n'est donc point ici question de la
Morale, comme on pourrait d'abord le croire.
--
Ni courage, ni tempérance...
Ce sont les quatre vertus tant de fois analysées par Platon. Voir la
République, liv. IV, p. 209, et passim, trad. de M. Cousin.
§ 4. Indépendamment des
faits. Voir des théories pareilles sur le bonheur de la vertu,
dans les Lois de Platon, liv. II, p. 92 et suiv., et liv. V, p. 270
et suiv., et dans la République, trad. de M. Cousin.
§ 5. Le bonheur est
toujours en proportion de la vertu. On reconnaît ici sans peine
tous les principes de Socrate et de Platon.
Dieu lui-même. Voir le développement de cette grave théorie dans la
Métaphysique, liv. XII, ch. VII, p. 1072, b, éd. de Berlin.
§ 6. A un autre ouvrage,
c'est-à-dire la Morale ; Voir la Morale à Nicomaque, livre I,
chapitre XI, 10, page 59 de ma traduction.
-- Plus tard. On ne
trouve pas, dans la Politique, cette discussion postérieure dont
parle ici Aristote, mais qu'il n'annonce, il est vrai, que
conditionnellement. |
CHAPITRE II.
Suite ; le bonheur a-t-il les mêmes
éléments pour l'État que pour l'individu ? Des avantages et des
inconvénients de la domination ; exemples divers de quelques peuples
qui l'ont toujours ambitionnée ; condamnation de ce système
politique ; la conquête ne doit pas être le but de la cité. |
§ 1 [5] Πότερον δὲ τὴν
εὐδαιμονίαν τὴν αὐτὴν εἶναι φατέον ἑνός τε ἑκάστου τῶν ἀνθρώπων καὶ
πόλεως ἢ μὴ τὴν αὐτήν, λοιπόν ἐστιν εἰπεῖν. Φανερὸν δὲ καὶ τοῦτο.
Πάντες γὰρ ἂν ὁμολογήσειαν εἶναι τὴν αὐτήν. Ὅσοι γὰρ ἐν πλούτῳ τὸ
ζῆν εὖ τίθενται ἐφ᾽ ἑνός, οὗτοι καὶ τὴν πόλιν ὅλην, ἐὰν ᾖ πλουσία,
[10] μακαρίζουσιν· ὅσοι τε τὸν τυραννικὸν βίον μάλιστα τιμῶσιν,
οὗτοι καὶ πόλιν τὴν πλείστων ἄρχουσαν εὐδαιμονεστάτην ἂν εἶναι
φαῖεν· εἴ τέ τις τὸν ἕνα δι᾽ ἀρετὴν ἀποδέχεται, καὶ πόλιν
εὐδαιμονεστέραν φήσει τὴν σπουδαιοτέραν. § 2. Ἀλλὰ ταῦτ᾽ ἤδη δύο
ἐστὶν ἃ δεῖται σκέψεως, ἓν μὲν πότερος αἱρετώτερος [15] βίος, ὁ διὰ
τοῦ συμπολιτεύεσθαι καὶ κοινωνεῖν πόλεως ἢ μᾶλλον ὁ ξενικὸς καὶ τῆς
πολιτικῆς κοινωνίας ἀπολελυμένος, ἔτι δὲ τίνα πολιτείαν θετέον καὶ
ποίαν διάθεσιν πόλεως ἀρίστην, εἴτε πᾶσιν ὄντος αἱρετοῦ <τοῦ>
κοινωνεῖν πόλεως εἴτε καὶ τισὶ μὲν μὴ τοῖς δὲ πλείστοις. Ἐπεὶ δὲ τῆς
πολιτικῆς [20] διανοίας καὶ θεωρίας τοῦτ᾽ ἐστὶν ἔργον, ἀλλ᾽ οὐ τὸ
περὶ ἕκαστον αἱρετόν, ἡμεῖς δὲ ταύτην προῃρήμεθα νῦν τὴν σκέψιν,
ἐκεῖνο μὲν πάρεργον ἂν εἴη, τοῦτο δὲ ἔργον τῆς μεθόδου ταύτης.
§ 3. Ὅτι μὲν οὖν ἀναγκαῖον εἶναι
πολιτείαν ἀρίστην ταύτην <τὴν> τάξιν καθ᾽ ἣν κἂν ὁστισοῦν ἄριστα
πράττοι καὶ ζῴη [25] μακαρίως, φανερόν ἐστιν· ἀμφισβητεῖται δὲ παρ᾽
αὐτῶν τῶν ὁμολογούντων τὸν μετ᾽ ἀρετῆς εἶναι βίον αἱρετώτατον
πότερον ὁ πολιτικὸς καὶ πρακτικὸς βίος αἱρετὸς ἢ μᾶλλον ὁ πάντων τῶν
ἐκτὸς ἀπολελυμένος, οἷον θεωρητικός τις, ὃν μόνον τινές φασιν εἶναι
φιλόσοφον. Σχεδὸν γὰρ τούτους τοὺς [30] δύο βίους τῶν ἀνθρώπων οἱ
φιλοτιμότατοι πρὸς ἀρετὴν φαίνονται προαιρούμενοι, καὶ τῶν προτέρων
καὶ τῶν νῦν· λέγω δὲ δύο τόν τε πολιτικὸν καὶ τὸν φιλόσοφον. § 4.
Διαφέρει δὲ οὐ μικρὸν ποτέρως ἔχει τὸ ἀληθές· ἀνάγκη γὰρ τόν γε εὖ
φρονοῦντα πρὸς τὸν βελτίω σκοπὸν συντάττεσθαι, καὶ τῶν [35] ἀνθρώπων
ἕκαστον καὶ κοινῇ τὴν πολιτείαν. Νομίζουσι δ᾽ οἱ μὲν τὸ τῶν πέλας
ἄρχειν δεσποτικῶς μὲν γιγνόμενον μετ᾽ ἀδικίας τινὸς εἶναι τῆς
μεγίστης, πολιτικῶς δὲ τὸ μὲν ἄδικον οὐκ ἔχειν, ἐμπόδιον δὲ ἔχειν τῇ
περὶ αὐτὸν εὐημερίᾳ· τούτων δ᾽ ὥσπερ ἐξ ἐναντίας ἕτεροι τυγχάνουσι
δοξάζοντες· μόνον [40] γὰρ ἀνδρὸς τὸν πρακτικὸν εἶναι βίον καὶ
πολιτικόν, ἐφ᾽ ἑκάστης γὰρ ἀρετῆς οὐκ εἶναι πράξεις μᾶλλον τοῖς
ἰδιώταις ἢ τοῖς τὰ κοινὰ πράττουσι καὶ πολιτευομένοις. § 5 [1324b]
Οἱ μὲν οὖν οὕτως ὑπολαμβάνουσιν, οἱ δὲ τὸν δεσποτικὸν καὶ τυραννικὸν
τρόπον τῆς πολιτείας εἶναι μόνον εὐδαίμονά φασιν. Παρ᾽ ἐνίοις δὲ καὶ
τῆς πολιτείας οὗτος ὅρος καὶ τῶν νόμων ὅπως δεσπόζωσι [5] τῶν πέλας.
Διὸ καὶ τῶν πλείστων νομίμων χύδην ὡς εἰπεῖν κειμένων παρὰ τοῖς
πλείστοις, ὅμως εἴ πού τι πρὸς ἓν οἱ νόμοι βλέπουσι, τοῦ κρατεῖν
στοχάζονται πάντες, ὥσπερ ἐν Λακεδαίμονι καὶ Κρήτῃ πρὸς τοὺς
πολέμους συντέτακται σχεδὸν ἥ τε παιδεία καὶ τὸ τῶν νόμων πλῆθος·
ἔτι δ᾽ ἐν [10] τοῖς ἔθνεσι πᾶσι τοῖς δυναμένοις πλεονεκτεῖν ἡ
τοιαύτη τετίμηται δύναμις, οἷον ἐν Σκύθαις καὶ Πέρσαις καὶ Θρᾳξὶ καὶ
Κελτοῖς. § 6. Ἐν ἐνίοις γὰρ καὶ νόμοι τινές εἰσι παροξύνοντες πρὸς
τὴν ἀρετὴν ταύτην, καθάπερ ἐν Καρχηδόνι φασὶ τὸν ἐκ τῶν κρίκων
κόσμον λαμβάνειν ὅσας ἂν στρατεύσωνται [15] στρατείας· ἦν δέ ποτε
καὶ περὶ Μακεδονίαν νόμος τὸν μηθένα ἀπεκταγκότα πολέμιον ἄνδρα
περιεζῶσθαι τὴν φορβειάν· ἐν δὲ Σκύθαις οὐκ ἐξῆν πίνειν ἐν ἑορτῇ
τινι σκύφον περιφερόμενον τῷ μηθένα ἀπεκταγκότι πολέμιον· ἐν δὲ τοῖς
Ἴβηρσιν, ἔθνει πολεμικῷ, τοσούτους τὸν ἀριθμὸν ὀβελίσκους [20]
καταπηγνύουσι περὶ τὸν τάφον ὅσους ἂν διαφθείρῃ τῶν πολεμίων· καὶ
ἕτερα δὴ παρ᾽ ἑτέροις ἔστι τοιαῦτα πολλά, τὰ μὲν νόμοις κατειλημμένα
τὰ δὲ ἔθεσιν.
§ 7. Καίτοι δόξειεν ἂν ἄγαν ἄτοπον
ἴσως εἶναι τοῖς βουλομένοις ἐπισκοπεῖν, εἰ τοῦτ᾽ ἐστὶν ἔργον τοῦ
πολιτικοῦ, τὸ δύνασθαι θεωρεῖν ὅπως ἄρχῃ [25] καὶ δεσπόζῃ τῶν
πλησίον, καὶ βουλομένων καὶ μὴ βουλομένων. Πῶς γὰρ ἂν εἴη τοῦτο
πολιτικὸν ἢ νομοθετικόν, ὅ γε μηδὲ νόμιμόν ἐστιν; οὐ νόμιμον δὲ τὸ
μὴ μόνον δικαίως ἀλλὰ καὶ ἀδίκως ἄρχειν, κρατεῖν δ᾽ ἔστι καὶ μὴ
δικαίως. § 8. Ἀλλὰ μὴν οὐδ᾽ ἐν ταῖς ἄλλαις ἐπιστήμαις τοῦτο ὁρῶμεν·
οὔτε [30] γὰρ τοῦ ἰατροῦ οὔτε τοῦ κυβερνήτου ἔργον ἐστὶ τὸ ἢ πεῖσαι
ἢ βιάσασθαι τοῦ μὲν τοὺς θεραπευομένους τοῦ δὲ τοὺς πλωτῆρας. Ἀλλ᾽
ἐοίκασιν οἱ πολλοὶ τὴν δεσποτικὴν πολιτικὴν οἴεσθαι εἶναι, καὶ ὅπερ
αὑτοῖς ἕκαστοι οὔ φασιν εἶναι δίκαιον οὐδὲ συμφέρον, τοῦτ᾽ οὐκ
αἰσχύνονται πρὸς τοὺς ἄλλους ἀσκοῦντες· [35] αὐτοὶ μὲν γὰρ παρ᾽
αὑτοῖς τὸ δικαίως ἄρχειν ζητοῦσι, πρὸς δὲ τοὺς ἄλλους οὐδὲν μέλει
τῶν δικαίων. § 9. Ἄτοπον δὲ εἰ μὴ φύσει τὸ μὲν δεσποστόν ἐστι τὸ δὲ
οὐ δεσποστόν, ὥστε εἴπερ ἔχει τὸν τρόπον τοῦτον, οὐ δεῖ πάντων
πειρᾶσθαι δεσπόζειν, ἀλλὰ τῶν δεσποστῶν, ὥσπερ οὐδὲ θηρεύειν ἐπὶ
θοίνην ἢ θυσίαν [40] ἀνθρώπους, ἀλλὰ τὸ πρὸς τοῦτο θηρευτόν· ἔστι δὲ
θηρευτὸν ὃ ἂν ἄγριον ᾖ ἐδεστὸν ζῷον. Ἀλλὰ μὴν εἴη γ᾽ ἂν καὶ καθ᾽
ἑαυτὴν μία πόλις εὐδαίμων, [1325a] ἣ πολιτεύεται δηλονότι
καλῶς, εἴπερ ἐνδέχεται πόλιν οἰκεῖσθαί που καθ᾽ ἑαυτὴν νόμοις
χρωμένην σπουδαίοις, ἧς τῆς πολιτείας ἡ σύνταξις οὐ πρὸς πόλεμον
οὐδὲ πρὸς τὸ κρατεῖν ἔσται τῶν πολεμίων· [5] μηθὲν γὰρ ὑπαρχέτω
τοιοῦτον. § 10. Δῆλον ἄρα ὅτι πάσας τὰς πρὸς τὸν πόλεμον ἐπιμελείας
καλὰς μὲν θετέον, οὐχ ὡς τέλος δὲ πάντων ἀκρότατον, ἀλλ᾽ ἐκείνου
χάριν ταύτας. Τοῦ δὲ νομοθέτου τοῦ σπουδαίου ἐστὶ τὸ θεάσασθαι πόλιν
καὶ γένος ἀνθρώπων καὶ πᾶσαν ἄλλην κοινωνίαν, ζωῆς ἀγαθῆς πῶς [10]
μεθέξουσι καὶ τῆς ἐνδεχομένης αὐτοῖς εὐδαιμονίας. Διοίσει μέντοι τῶν
ταττομένων ἔνια νομίμων· καὶ τοῦτο τῆς νομοθετικῆς ἐστιν ἰδεῖν, ἐάν
τινες ὑπάρχωσι γειτνιῶντες, ποῖα πρὸς ποίους ἀσκητέον ἢ πῶς τοῖς
καθήκουσι πρὸς ἑκάστους χρηστέον. ἀλλὰ τοῦτο μὲν κἂν ὕστερον τύχοι
τῆς προσηκούσης [15] σκέψεως, πρὸς τί τέλος δεῖ τὴν ἀρίστην
πολιτείαν συντείνειν· |
§ 1. Il nous reste à rechercher si le
bonheur se constitue d'éléments identiques ou divers, pour les
individus et pour l'État. Mais évidemment chacun convient que ces
éléments sont identiques. Si l'on place la félicité de l'individu
dans la richesse, on n'hésitera point à déclarer l'État parfaitement
heureux, dès qu'il est riche ; si pour l'individu l'on estime
par-dessus tout un pouvoir tyrannique, l'État sera d'autant plus
heureux que sa domination sera plus vaste ; si pour l'homme on
trouve la félicité suprême dans la vertu, l'État le plus sage sera
également le plus fortuné. § 2. Deux points ici méritent surtout
notre attention : d'abord la vie politique, la participation aux
affaires de l'État, est-elle préférable pour l'individu ? Ou vaut-il
mieux qu'il vive partout en étranger, et libre de tout engagement
public ? Et en second lieu, quelle constitution, quel système
politique doit-on adopter de préférence : ou de celui qui admet tous
les citoyens sans exception au maniement des affaires, ou de celui
qui, en faisant quelques exceptions, y appelle du moins la majorité
? Cette dernière question intéresse la science et la théorie
politiques, qui ne s'inquiètent pas des convenances individuelles ;
et comme ce sont précisément des considérations de ce genre qui nous
occupent ici, nous laisserons de côté la seconde question pour nous
attacher à la première, qui formera l'objet spécial de cette portion
de notre traité.
§ 3. D'abord, l'État le plus parfait
est évidemment celui où chaque citoyen, quel qu'il soit, peut, grâce
aux lois, pratiquer le mieux la vertu, et s'assurer le plus de
bonheur. Tout en accordant que la vertu doit être l'objet capital de
la vie, bien des gens se demandent si la vie politique et active
vaut mieux qu'une vie dégagée de toute obligation extérieure, et
donnée tout entière à la méditation, la seule vie qui, selon
quelques-uns, soit digne du philosophe. Les partisans les plus
sincères qu'ait comptés la vertu, soit de nos jours, soit autrefois,
ont tous embrassé l'une ou l'autre de ces occupations, la politique
ou la philosophie. § 4. Ici la vérité est de haute importance ; car
tout individu, s'il est sage, et tout État aussi bien que
l'individu, adoptera nécessairement la voie qui lui semblera la
meilleure. Dominer ce qui nous entoure est aux yeux de quelques gens
une criante injustice, si le pouvoir est exercé despotiquement ; et,
quand le pouvoir est légal, s'il cesse d'être injuste, c'est pour
devenir un obstacle au bonheur personnel de celui qui l'exerce. Dans
une opinion diamétralement opposée, et qui a aussi ses partisans, on
prétend que la vie pratique et politique est la seule qui convienne
à l'homme, et que la vertu, sous toutes ses formes, n'appartient pas
plus aux simples particuliers qu'à ceux qui dirigent les affaires
générales de la société. § 5. [1324b] Les partisans de cette
opinion, adversaires de l'autre, persistent et soutiennent qu'il n'y
a de félicité possible pour l'État que par la domination et le
despotisme : et de fait, dans quelques États, la constitution
elle-même et les lois sont tournées tout entières vers la conquête
des peuples voisins. Aussi, au milieu de cette confusion générale
que présentent presque partout les matières législatives, si les
lois ont un but unique, c'est toujours la domination. C'est ainsi
qu'à Lacédémone et en Crète le système de l'éducation publique et la
plupart des lois ne sont calculés que pour la guerre. Toits les
peuples qui sont en position de satisfaire leur ambition, font le
plus grand cas de la valeur guerrière. On peut citer les Perses, les
Scythes, les Thraces, les Celtes. § 6. Souvent les lois elles-mêmes
encouragent cette vertu. A Carthage, par exemple, on s'honore de
porter aux doigts autant d'anneaux qu'on a fait de campagnes. Jadis
aussi, en Macédoine, la loi condamnait le guerrier qui n'avait pas
tué d'ennemi, à porter un licou. Chez les Scythes, la coupe, dans un
certain repas solennel, circulait sans pouvoir être touchée de celui
qui n'avait tué personne dans le combat. Enfin, les Ibères, race
belliqueuse, plantent, sur la tombe du guerrier, autant de pieux de
fer qu'il a immolé d'ennemis. On pourrait rappeler encore chez
d'autres peuples bien d'autres usages du même genre, établis par les
lois ou sanctionnés par les mœurs.
§ 7. Il suffit de quelques instants de
réflexion pour trouver bien étrange qu'un homme d'État puisse jamais
méditer la conquête et la domination des peuples voisins, qu'ils
consentent ou non à supporter le joug. Comment l'homme politique, le
législateur, devraient-ils s'occuper d'un but qui n'est pas même
légitime ? C'est renverser toutes les lois que de rechercher la
puissance par tous les moyens, non pas seulement de justice mais
d'iniquité ; car le triomphe même peut n'être pas juste. § 8. Les
sciences autres que la politique ne nous offrent rien de pareil. Le
médecin et le pilote ne songent ni à persuader ni à contraindre,
celui-là les malades qu'il soigne, celui-ci les passagers qu'il
conduit. Mais on dirait que l'on confond généralement le pouvoir
politique et le pouvoir despotique du maître ; et ce qu'on ne trouve
ni équitable ni bon pour soi-même, on ne rougit pas de chercher à
l'appliquer à autrui ; pour soi, l'on réclame hautement la justice ;
on l'oublie complètement à l'égard des autres. § 9. Tout despotisme
est illégitime, excepté quand le maître et le sujet le sont l'un et
l'autre de droit naturel ; et si ce principe est vrai, il ne faut
vouloir régner en maître que sur les êtres destinés au joug d'un
maître, et non pas sur tous indistinctement ; de même que pour un
festin ou un sacrifice, on va non pas à la chasse des hommes, mais à
celle des animaux qu'on peut chasser dans cette vue, c'est-à-dire,
des animaux sauvages et bons à manger. Mais certes un État, si l'on
trouvait les moyens de l'isoler de tout autre, pourrait être heureux
par lui-même, [1325a] à la seule condition d'être bien
administré et d'avoir de bonnes lois. Dans cette cité-là, la
constitution ne sera certainement tournée ni à la guerre ni à la
conquête, idées que personne n'y peut même supposer. § 10. Ainsi
donc, il est clair que ces institutions guerrières, quelque belles
qu'elles soient, doivent être non point le but suprême de l'État,
mais seulement des moyens pour l'atteindre. Le vrai législateur ne
songera qu'à donner à la cité entière, aux individus divers qui la
composent, et à tous les autres membres de l'association, la part de
vertu et de bonheur qui peut leur appartenir, modifiant selon les
cas le système et les exigences de ses lois : et si l'État a des
voisins, la législation aura soin de prévoir les relations qu'il
convient d'entre-tenir avec eux, et les devoirs que l'on doit
remplir à leur égard. Cet objet aussi sera traité plus tard par nous
comme il mérite de l'être, quand nous déterminerons quel est le but
où doit tendre le gouvernement parfait. |
§ 5. A Lacédémone.
Voir plus haut, liv. II, ch. VI, § 22.
-- Les Scythes.
Hippocrate rapporte que, chez les Saurornates, les jeunes filles ne
se mariaient pas avant d'avoir tué trois ennemis, en combattant aux
côtés de leurs pères, Traité des Eaux, des Airs et des Lieux, éd. de
M. Littré, t. II, p. 67.
-- Les Celtes.
Aristote a déjà rangé les Celtes parmi les nations les plus
belliqueuses. Voir plus haut, liv. Il, ch. VI, § 6.
§ 6. Les Ibères, les
Espagnols, qui avaient, même chez les Romains, grande réputation de
courage.
§ 7. Le triomphe mérite.
On peut comparer ceci avec les principe qu'Aristote a déjà établis,
liv. 1, ch. II, § 17.
§ 10. Plus tard. Voir
plus bas, même livre, ch. III, § 6. |
CHAPITRE III.
Suite : examen des deux opinions
opposées qui recommandent ou qui proscrivent la vie politique ;
l'activité est le véritable but de la vie, aussi bien pour les
individus que pour l'État ; la véritable activité est celle de la
pensée, qui prépare et gouverne les actes extérieurs. |
§ 1 Πρὸς δὲ τοὺς ὁμολογοῦντας μὲν τὸν
μετ᾽ ἀρετῆς εἶναι βίον αἱρετώτατον, διαφερομένους δὲ περὶ τῆς
χρήσεως αὐτοῦ, λεκτέον ἡμῖν πρὸς ἀμφοτέρους αὐτούς (οἱ μὲν γὰρ
ἀποδοκιμάζουσι τὰς πολιτικὰς ἀρχάς, νομίζοντες τὸν τοῦ ἐλευθέρου
[20] βίον ἕτερόν τινα εἶναι τοῦ πολιτικοῦ καὶ πάντων αἱρετώτατον, οἱ
δὲ τοῦτον ἄριστον· ἀδύνατον γὰρ τὸν μηθὲν πράττοντα πράττειν εὖ, τὴν
δ᾽ εὐπραγίαν καὶ τὴν εὐδαιμονίαν εἶναι ταὐτόν) ὅτι τὰ μὲν ἀμφότεροι
λέγουσιν ὀρθῶς τὰ δὲ οὐκ ὀρθῶς, οἱ μὲν ὅτι ὁ τοῦ ἐλευθέρου βίος τοῦ
δεσποτικοῦ ἀμείνων. [25] Τοῦτο γὰρ ἀληθές· οὐθὲν γὰρ τό γε δούλῳ ᾗ
δοῦλος χρῆσθαι σεμνόν· ἡ γὰρ ἐπίταξις ἡ περὶ τῶν ἀναγκαίων οὐδενὸς
μετέχει τῶν καλῶν. § 2. Τὸ μέντοι νομίζειν πᾶσαν ἀρχὴν εἶναι
δεσποτείαν οὐκ ὀρθόν· οὐ γὰρ ἔλαττον διέστηκεν ἡ τῶν ἐλευθέρων ἀρχὴ
τῆς τῶν δούλων ἢ αὐτὸ τὸ φύσει ἐλεύθερον τοῦ [30] φύσει δούλου.
Διώρισται δὲ περὶ αὐτῶν ἱκανῶς ἐν τοῖς πρώτοις λόγοις. Τὸ δὲ μᾶλλον
ἐπαινεῖν τὸ ἀπρακτεῖν τοῦ πράττειν οὐκ ἀληθές· ἡ γὰρ εὐδαιμονία
πρᾶξίς ἐστιν, ἔτι δὲ πολλῶν καὶ καλῶν τέλος ἔχουσιν αἱ τῶν δικαίων
καὶ σωφρόνων πράξεις.
§ 3. Καίτοι τάχ᾽ ἂν ὑπολάβοι τις
τούτων οὕτω διωρισμένων [35] ὅτι τὸ κύριον εἶναι πάντων ἄριστον·
οὕτω γὰρ ἂν πλείστων καὶ καλλίστων κύριος εἴη πράξεων. Ὥστε οὐ δεῖν
τὸν δυνάμενον ἄρχειν παριέναι τῷ πλησίον, ἀλλὰ μᾶλλον ἀφαιρεῖσθαι,
καὶ μήτε πατέρα παίδων μήτε παῖδας πατρὸς μήθ᾽ ὅλως φίλον φίλου
μηθένα ὑπόλογον ποιεῖσθαι μηδὲ [40] πρὸς τοῦτο φροντίζειν· τὸ γὰρ
ἄριστον αἱρετώτατον, τὸ δ᾽ εὖ πράττειν ἄριστον. § 4. Τοῦτο μὲν οὖν
ἀληθῶς ἴσως λέγουσιν, [1325b] εἴπερ ὑπάρξει τοῖς ἀποστεροῦσι
καὶ βιαζομένοις τὸ τῶν ὄντων αἱρετώτατον· ἀλλ᾽ ἴσως οὐχ οἷόν τε
ὑπάρχειν, ἀλλ᾽ ὑποτίθενται τοῦτο ψεῦδος. Οὐ γὰρ ἔτι καλὰς τὰς
πράξεις ἐνδέχεται εἶναι τῷ μὴ διαφέροντι τοσοῦτον ὅσον ἀνὴρ γυναικὸς
ἢ πατὴρ [5] τέκνων ἢ δεσπότης δούλων· ὥστε ὁ παραβαίνων οὐθὲν ἂν
τηλικοῦτον κατορθώσειεν ὕστερον ὅσον ἤδη παρεκβέβηκε τῆς ἀρετῆς.
Τοῖς γὰρ ὁμοίοις τὸ καλὸν καὶ τὸ δίκαιον ἐν τῷ ἐν μέρει, τοῦτο γὰρ
ἴσον καὶ ὅμοιον· τὸ δὲ μὴ ἴσον τοῖς ἴσοις καὶ τὸ μὴ ὅμοιον τοῖς
ὁμοίοις παρὰ φύσιν, οὐδὲν δὲ τῶν [10] παρὰ φύσιν καλόν. Διὸ κἂν
ἄλλος τις ᾖ κρείττων κατ᾽ ἀρετὴν καὶ κατὰ δύναμιν τὴν πρακτικὴν τῶν
ἀρίστων, τούτῳ καλὸν ἀκολουθεῖν καὶ τούτῳ πείθεσθαι δίκαιον. Δεῖ δ᾽
οὐ μόνον ἀρετὴν ἀλλὰ καὶ δύναμιν ὑπάρχειν, καθ᾽ ἣν ἔσται πρακτικός.
§ 5. Ἀλλ᾽ εἰ ταῦτα λέγεται καλῶς καὶ τὴν εὐδαιμονίαν [15] εὐπραγίαν
θετέον, καὶ κοινῇ πάσης πόλεως ἂν εἴη καὶ καθ᾽ ἕκαστον ἄριστος βίος
ὁ πρακτικός. Ἀλλὰ τὸν πρακτικὸν οὐκ ἀναγκαῖον εἶναι πρὸς ἑτέρους,
καθάπερ οἴονταί τινες, οὐδὲ τὰς διανοίας εἶναι μόνας ταύτας
πρακτικάς, τὰς τῶν ἀποβαινόντων χάριν γιγνομένας ἐκ τοῦ πράττειν,
ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον [20] τὰς αὐτοτελεῖς καὶ τὰς αὑτῶν ἕνεκεν θεωρίας
καὶ διανοήσεις· ἡ γὰρ εὐπραξία τέλος, ὥστε καὶ πρᾶξίς τις. Μάλιστα
δὲ καὶ πράττειν λέγομεν κυρίως καὶ τῶν ἐξωτερικῶν πράξεων τοὺς ταῖς
διανοίαις ἀρχιτέκτονας. § 6. Ἀλλὰ μὴν οὐδ᾽ ἀπρακτεῖν ἀναγκαῖον τὰς
καθ᾽ αὑτὰς πόλεις ἱδρυμένας καὶ [25] ζῆν οὕτω προῃρημένας· ἐνδέχεται
γὰρ κατὰ μέρη καὶ τοῦτο συμβαίνειν· πολλαὶ γὰρ κοινωνίαι πρὸς ἄλληλα
τοῖς μέρεσι τῆς πόλεώς εἰσιν. Ὁμοίως δὲ τοῦτο ὑπάρχει καὶ καθ᾽ ἑνὸς
ὁτουοῦν τῶν ἀνθρώπων· σχολῇ γὰρ ἂν ὁ θεὸς εἶχε καλῶς καὶ πᾶς ὁ
κόσμος, οἷς οὐκ εἰσὶν ἐξωτερικαὶ πράξεις [30] παρὰ τὰς οἰκείας τὰς
αὐτῶν.
§ 7. Ὅτι μὲν οὖν τὸν αὐτὸν βίον
ἀναγκαῖον εἶναι τὸν ἄριστον ἑκάστῳ τε τῶν ἀνθρώπων καὶ κοινῇ ταῖς
πόλεσι καὶ τοῖς ἀνθρώποις, φανερόν ἐστιν. |
§ 1. On convient, avons-nous dit, que
l'objet qu'on doit rechercher essentiellement dans la vie, c'est la
vertu ; mais on ne s'accorde pas sur l'emploi qu'on doit donner à la
vie. Examinons les deux opinions contraires. Ici l'on condamne
toutes fonctions politiques, et l'on soutient que la vie d'un
véritable homme libre, à laquelle on donne une haute préférence,
diffère complètement de la vie de l'homme d'État ; là, on met au
contraire la vie politique au-dessus de toute autre, parce que celui
qui n'agit pas ne peut faire acte de vertu, et que bonheur et
actions vertueuses sont choses identiques. Ces opinions sont toutes
en partie vraies, en partie fausses. Qu'il vaille mieux vivre comme
un homme libre que de vivre comme un maître d'esclaves, cela est
vrai ; l'emploi d'un esclave, en tant qu'esclave, n'est pas chose
fort noble ; et les ordres d'un maître pour les détails de la vie de
chaque jour n'ont rien de commun avec le beau. § 2. Mais c'est une
erreur de croire que toute autorité soit nécessairement une autorité
de maître. L'autorité sur des hommes libres et l'autorité sur des
esclaves, ne diffèrent pas moins que la nature de l'homme libre et
la nature de l'esclave ; c'est ce que nous avons assez démontré au
début de cet ouvrage. Mais on a grand tort de préférer l'inaction au
travail ; car le bonheur n'est que dans l'activité, et les hommes
justes et sages ont toujours dans leur actions des fins aussi
nombreuses qu'honorables.
§ 3. Mais, pourrait-on dire, en
partant de ces principes mêmes : « Une puissance absolue est le plus
grand des biens, puisqu'elle permet de multiplier autant qu'on le
veut les belles actions. Lors donc qu'on peut s'emparer du pouvoir,
il ne faut pas le laisser à d'autres mains ; il faut même au besoin
le leur arracher. Relation de fils, de père, d'amis, les uns envers
les autres, tout doit être repoussé, sacrifié ; il faut saisir à
tout prix le bien suprême, et ici le bien suprême c'est le succès. »
§ 4. Cette objection serait vraie, tout au plus, [1325b] si
les spoliations et la violence pouvaient jamais donner le bien
suprême ; mais comme il n'est point possible que jamais elles le
donnent, l'hypothèse est radicalement fausse. Pour faire de grandes
choses, il faut l'emporter sur ses semblables autant que l'homme
l'emporte sur la femme, le père sur les enfants, le maître sur
l'esclave ; et celui qui aura d'abord violé les lois de la vertu, ne
pourra jamais faire autant de bien qu'il aura premièrement fait de
mal. Entre créatures semblables, il n'y a d'équité, de justice, que
dans la réciprocité ; c'est elle qui constitue la ressemblance et
l'égalité. L'inégalité entre égaux, la disparité entre pairs sont
des faits contre nature ; et rien de ce qui est contre nature ne
peut être bien. Mais s'il se rencontre un mortel supérieur par son
mérite, et par des facultés toutes puissantes qui le portent sans
cesse au bien, c'est celui-là qu'il convient de prendre pour guide,
c'est à celui-là qu'il est juste d'obéir. Toutefois la vertu seule
ne suffit pas, il faut encore la puissance de la mettre en action. §
5. Si donc ce principe est vrai, si le bonheur consiste à bien
faire, l'activité est, pour l'État en masse aussi bien que pour les
individus en particulier, l'affaire capitale de la vie. Ce n'est pas
à dire pour cela que la vie active doive nécessairement, comme on le
pense en général, se rapporter aux autres hommes, et que les seules
pensées vraiment actives soient celles qui ne visent qu'à des
résultats positifs, suites de l'action même. Les pensées actives
sont bien plutôt les réflexions et les méditations toutes
personnelles, qui n'ont pour sujet que de s'étudier elles-mêmes ;
bien faire est leur but ; et cette volonté est déjà presque une
action ; l'idée d'activité s'applique éminemment à la pensée
ordonnatrice qui combine et dispose les actes extérieurs. § 6.
L'isolement, lors même qu'il est volontaire, avec toutes les
conditions d'existence qu'il amène après lui, n'impose donc pas
nécessairement à l'État d'être inactif. Chacune des parties qui
composent la cité peut être active, par les relations mêmes qu'elles
ont toujours nécessairement entre elles. On en peut dire autant de
tout individu pris à part quel qu'il soit ; car autrement Dieu et le
monde n'existeraient pas, puisque leur action n'a rien d'extérieur
et qu'elle reste concentrée en eux-mêmes.
§ 7. Ainsi le but suprême de la vie
est nécessairement le même pour l'homme pris individuellement, que
pour les hommes réunis et pour l'État en général. |
§ 1. L'emploi d'un esclave.
Aristote a déjà exprimé la même pensée, liv. I, ch. II, § 23.
§ 3. Au début de cet
ouvrage. Liv. 1, ch. II.
§ 4. Prendre pour guide.
La même pensée se retrouve plus haut, liv. III, ch. VIII, § 1.
§ 5. L'idée d'activité.
L'empereur Julien (p. 263) cite encore ce passage d'Aristote, et il
se prononce comme lui pour la vie intellectuelle. Voir liv. III, ch.
X. § 3, 5, et suiv., et la Morale à Nicomaque, liv. X, ch. VII, p.
452 de ma traduct.
§ 6. N'a rien d'extérieur.
Voir plus haut, ch. I, § 5, et liv. I, ch. II, § 9. |
CHAPITRE IV.
Suite. De la juste grandeur que l'État
parfait doit avoir ; il y a des limites en plus et en moins qu'il ne
faut point dépasser ; sans fixer un nombre précis de citoyens, il
faut que ce nombre soit tel qu'il puisse suffire à tous les besoins
de la vie commune, et qu'il ne soit pas assez considérable pour que
les citoyens puissent échapper à la surveillance ; dangers d'une
trop grande population. |
§ 1. Ἐπεὶ δὲ πεφροιμίασται τὰ νῦν
εἰρημένα περὶ αὐτῶν, καὶ περὶ τὰς ἄλλας πολιτείας ἡμῖν τεθεώρηται
πρότερον, [35] ἀρχὴ τῶν λοιπῶν εἰπεῖν πρῶτον ποίας τινὰς δεῖ τὰς
ὑποθέσεις εἶναι περὶ τῆς μελλούσης κατ᾽ εὐχὴν συνεστάναι πόλεως. Οὐ
γὰρ οἷόν τε πολιτείαν γενέσθαι τὴν ἀρίστην ἄνευ συμμέτρου χορηγίας.
Διὸ δεῖ πολλὰ προϋποτεθεῖσθαι καθάπερ εὐχομένους, εἶναι μέντοι μηθὲν
τούτων ἀδύνατον· λέγω δὲ [40] οἷον περί τε πλήθους πολιτῶν καὶ
χώρας. § 2. Ὥσπερ γὰρ καὶ τοῖς ἄλλοις δημιουργοῖς, οἷον ὑφάντῃ καὶ
ναυπηγῷ, [1326a] δεῖ τὴν ὕλην ὑπάρχειν ἐπιτηδείαν οὖσαν πρὸς τὴν
ἐργασίαν (ὅσῳ γὰρ ἂν αὕτη τυγχάνῃ παρεσκευασμένη βέλτιον, ἀνάγκη καὶ
τὸ γιγνόμενον ὑπὸ τῆς τέχνης εἶναι κάλλιον), οὕτω καὶ τῷ πολιτικῷ
καὶ τῷ νομοθέτῃ δεῖ τὴν οἰκείαν ὕλην ὑπάρχειν [5] ἐπιτηδείως
ἔχουσαν. Ἔστι δὲ πολιτικῆς χορηγίας πρῶτον τό τε πλῆθος τῶν
ἀνθρώπων, πόσους τε καὶ ποίους τινὰς ὑπάρχειν δεῖ φύσει, καὶ κατὰ
τὴν χώραν ὡσαύτως, πόσην τε εἶναι καὶ ποίαν τινὰ ταύτην.
§ 3. Οἴονται μὲν οὖν οἱ πλεῖστοι
προσήκειν μεγάλην εἶναι τὴν εὐδαίμονα πόλιν· εἰ δὲ τοῦτ᾽ [10]
ἀληθές, ἀγνοοῦσι ποία μεγάλη καὶ ποία μικρὰ πόλις. Κατ᾽ ἀριθμοῦ γὰρ
πλῆθος τῶν ἐνοικούντων κρίνουσι τὴν μεγάλην, δεῖ δὲ μᾶλλον μὴ εἰς τὸ
πλῆθος εἰς δὲ δύναμιν ἀποβλέπειν. Ἔστι γάρ τι καὶ πόλεως ἔργον, ὥστε
τὴν δυναμένην τοῦτο μάλιστ᾽ ἀποτελεῖν, ταύτην οἰητέον εἶναι
μεγίστην, οἷον [15] Ἱπποκράτην οὐκ ἄνθρωπον ἀλλ᾽ ἰατρὸν εἶναι μείζω
φήσειεν ἄν τις τοῦ διαφέροντος κατὰ τὸ μέγεθος τοῦ σώματος. § 4. Οὐ
μὴν ἀλλὰ κἂν εἰ δεῖ κρίνειν πρὸς τὸ πλῆθος ἀποβλέποντας, οὐ κατὰ τὸ
τυχὸν πλῆθος τοῦτο ποιητέον (ἀναγκαῖον γὰρ ἐν ταῖς πόλεσιν ἴσως
ὑπάρχειν καὶ δούλων ἀριθμὸν πολλῶν [20] καὶ μετοίκων καὶ ξένων),
ἀλλ᾽ ὅσοι πόλεώς εἰσι μέρος καὶ ἐξ ὧν συνίσταται πόλις οἰκείων
μορίων· ἡ γὰρ τούτων ὑπεροχὴ τοῦ πλήθους μεγάλης πόλεως σημεῖον, ἐξ
ἧς δὲ βάναυσοι μὲν ἐξέρχονται πολλοὶ τὸν ἀριθμὸν ὁπλῖται δὲ ὀλίγοι,
ταύτην ἀδύνατον εἶναι μεγάλην· οὐ γὰρ ταὐτὸν μεγάλη τε [25] πόλις
καὶ πολυάνθρωπος. § 5. Ἀλλὰ μὴν καὶ τοῦτό γε ἐκ τῶν ἔργων φανερόν,
ὅτι χαλεπόν, ἴσως δ᾽ ἀδύνατον, εὐνομεῖσθαι τὴν λίαν πολυάνθρωπον·
τῶν γοῦν δοκουσῶν πολιτεύεσθαι καλῶς οὐδεμίαν ὁρῶμεν οὖσαν ἀνειμένην
πρὸς τὸ πλῆθος. Τοῦτο δὲ δῆλον καὶ διὰ τῆς τῶν λόγων πίστεως. Ὅ τε
γὰρ [30] νόμος τάξις τίς ἐστι, καὶ τὴν εὐνομίαν ἀναγκαῖον εὐταξίαν
εἶναι, ὁ δὲ λίαν ὑπερβάλλων ἀριθμὸς οὐ δύναται μετέχειν τάξεως·
θείας γὰρ δὴ τοῦτο δυνάμεως ἔργον, ἥτις καὶ τόδε συνέχει τὸ πᾶν. §
6. Διὸ καὶ πόλιν ἧς μετὰ μεγέθους ὁ λεχθεὶς ὅρος ὑπάρχει, ταύτην
εἶναι καλλίστην ἀναγκαῖον· [35] ἐπεὶ τό γε καλὸν ἐν πλήθει καὶ
μεγέθει εἴωθε γίνεσθαι, ἀλλ᾽ ἔστι τι καὶ πόλεως μεγέθους μέτρον,
ὥσπερ καὶ τῶν ἄλλων πάντων, ζῴων φυτῶν ὀργάνων· καὶ γὰρ τούτων
ἕκαστον οὔτε λίαν μικρὸν οὔτε κατὰ μέγεθος ὑπερβάλλον ἕξει τὴν αὑτοῦ
δύναμιν, ἀλλ᾽ ὁτὲ μὲν ὅλως ἐστερημένον ἔσται τῆς φύσεως ὁτὲ [40] δὲ
φαύλως ἔχον, οἷον πλοῖον σπιθαμιαῖον μὲν οὐκ ἔσται πλοῖον ὅλως, οὐδὲ
δυοῖν σταδίοιν, εἰς δὲ τὶ μέγεθος ἐλθὸν [1326b] ὁτὲ μὲν διὰ
σμικρότητα φαύλην ποιήσει τὴν ναυτιλίαν, ὁτὲ δὲ διὰ τὴν ὑπερβολήν· §
7. ὁμοίως δὲ καὶ πόλις ἡ μὲν ἐξ ὀλίγων λίαν οὐκ αὐτάρκης (ἡ δὲ πόλις
αὔταρκες), ἡ δὲ ἐκ πολλῶν ἄγαν ἐν μὲν τοῖς ἀναγκαίοις αὐτάρκης ὥσπερ
<δ᾽> ἔθνος, ἀλλ᾽ [5] οὐ πόλις· πολιτείαν γὰρ οὐ ῥᾴδιον ὑπάρχειν· τίς
γὰρ στρατηγὸς ἔσται τοῦ λίαν ὑπερβάλλοντος πλήθους, ἢ τίς κῆρυξ μὴ
Στεντόρειος; διὸ πρώτην μὲν εἶναι πόλιν ἀναγκαῖον τὴν ἐκ τοσούτου
πλήθους ὃ πρῶτον πλῆθος αὔταρκες πρὸς τὸ εὖ ζῆν ἐστι κατὰ τὴν
πολιτικὴν κοινωνίαν· ἐνδέχεται δὲ καὶ τὴν [10] ταύτης ὑπερβάλλουσαν
κατὰ πλῆθος εἶναι μείζω πόλιν, ἀλλὰ τοῦτ᾽ οὐκ ἔστιν, ὥσπερ εἴπομεν,
ἀόριστον. Τίς δ᾽ ἐστὶν ὁ τῆς ὑπερβολῆς ὅρος, ἐκ τῶν ἔργων ἰδεῖν
ῥᾴδιον. Εἰσὶ γὰρ αἱ πράξεις τῆς πόλεως τῶν μὲν ἀρχόντων τῶν δ᾽
ἀρχομένων, ἄρχοντος δ᾽ ἐπίταξις καὶ κρίσις ἔργον· πρὸς δὲ τὸ κρίνειν
[15] περὶ τῶν δικαίων καὶ πρὸς τὸ τὰς ἀρχὰς διανέμειν κατ᾽ ἀξίαν
ἀναγκαῖον γνωρίζειν ἀλλήλους, ποῖοί τινές εἰσι, τοὺς πολίτας, ὡς
ὅπου τοῦτο μὴ συμβαίνει γίγνεσθαι, φαύλως ἀνάγκη γίγνεσθαι τὰ περὶ
τὰς ἀρχὰς καὶ τὰς κρίσεις. Περὶ ἀμφότερα γὰρ οὐ δίκαιον
αὐτοσχεδιάζειν, ὅπερ ἐν [20] τῇ πολυανθρωπίᾳ τῇ λίαν ὑπάρχει
φανερῶς. § 8. Ἔτι δὲ ξένοις καὶ μετοίκοις ῥᾴδιον μεταλαμβάνειν τῆς
πολιτείας· οὐ γὰρ χαλεπὸν τὸ λανθάνειν διὰ τὴν ὑπερβολὴν τοῦ
πλήθους. Δῆλον τοίνυν ὡς οὗτός ἐστι πόλεως ὅρος ἄριστος, ἡ μεγίστη
τοῦ πλήθους ὑπερβολὴ πρὸς αὐτάρκειαν ζωῆς εὐσύνοπτος. § 9. Περὶ [25]
μὲν οὖν μεγέθους πόλεως διωρίσθω τὸν τρόπον τοῦτον. |
§ 1. Après les considérations
préliminaires que nous venons de développer, et celles auxquelles
nous nous sommes livrés sur les diverses formes de gouvernements,
nous aborderons ce qui nous reste à dire en indiquant quels seraient
les principes nécessaires et essentiels d'un gouvernement fait à
souhait. Comme cet État parfait ne peut exister sans les conditions
indispensables à sa perfection même, il est permis de se les donner
toutes, par hypothèse, telles qu'on les désire, pourvu qu'on n'aille
point jusqu'à l'impossible ; par exemple, en ce qui concerne le
nombre des citoyens et l'étendue du territoire.
§ 2. Si l'ouvrier en général, le tisserand, le constructeur de
navires ou tout autre artisan, [1326a] doit, préalablement à tout travail,
avoir la matière première, dont la bonne disposition préparatoire
importe tant au mérite de l'exécution, il faut donner aussi à
l'homme d'État et au législateur une matière spéciale,
convenablement préparée pour leurs travaux. Les premiers éléments
qu'exige la science politique, ce sont les hommes avec le nombre et
les qualités naturelles qu'ils doivent avoir, le sol avec l'étendue
et les propriétés qu'il doit posséder.
§ 3. On croit vulgairement qu'un État, pour être heureux, doit être
vaste. Si ce principe est vrai, ceux qui le proclament ignorent bien
certainement en quoi consiste l'étendue ou la petitesse d'un État ;
car ils en jugent uniquement par le nombre de ses habitants.
Pourtant il faut bien moins regarder au nombre qu'à la puissance.
Tout État a une tâche à remplir ; et celui-là est le plus grand qui
peut le mieux s'acquitter de sa tâche. Ainsi, je puis dire
d'Hippocrate, non pas comme homme, mais comme médecin, qu'il est
beaucoup plus grand qu'un autre homme d'une taille plus élevée que
la sienne.
§ 4. En admettant même qu'on ne dût regarder qu'au nombre, il ne
faudrait pas encore confondre tous les éléments qui le forment. Bien
que tout l'État renferme à peu près nécessairement une foule
d'esclaves, de domiciliés, d'étrangers, il ne faut réellement tenir
compte que des membres mêmes de la cité, de ceux qui la composent
essentiellement ; c'est le grand nombre de ceux-là qui est le signe
certain de la grandeur de l'État. La cité d'où sortirait une
multitude d'artisans, et peu de guerriers, ne serait jamais un grand
État; car il faut bien distinguer entre un grand État et un État
populeux.
§ 5. Les faits sont là pour prouver qu'il est bien difficile, et
peut-être impossible, de bien organiser une cité trop peuplée ;
aucune de celles dont on vante les lois n'a renfermé, comme on peut
le voir, une population excessive. Le raisonnement vient ici à
l'appui de l'observation. La loi est l'établissement d'un certain
ordre ; de bonnes lois produisent nécessairement le bon ordre; mais
l'ordre n'est pas possible dans une trop grande multitude. La
puissance divine, qui embrasse l'univers entier, serait seule
capable de l'y établir.
§ 6. Le beau résulte ordinairement de l'accord du nombre et de
l'étendue ; et la perfection pour l'État sera nécessairement de
réunir à une juste étendue un nombre convenable de citoyens. Mais
l'étendue des États est soumise à certaines bornes comme tout autre
objet, comme les animaux, les plantes , les instruments. Chaque
chose, pour posséder toutes les propriétés qui lui sont propres, ne
doit être ni démesurément grande ni démesurément petite ; car alors,
ou elle a perdu complètement sa nature spéciale, ou elle est
pervertie. Un vaisseau d'un pouce ne serait pas plus un vaisseau
qu'un vaisseau de deux stades. Avec de certaines dimensions, [1326b] il sera
complètement inutile, soit par son exiguïté, soit par sa grandeur.
§ 7. Et de même pour la cité : trop petite, elle ne peut suffire à
ses besoins, ce qui est cependant une condition essentielle de la
cité; trop étendue, elle y suffit non plus comme cité, mais comme
nation. Il n'y a presque plus là de gouvernement possible. Au milieu
de cette immense multitude, quel général se ferait entendre ? Quel
Stentor y servira de crieur public ? La cité est donc nécessairement
formée au moment même où la masse politiquement associée peut
pourvoir à toutes les commodités de son existence. Au delà de cette
limite, la cité peut encore exister sur une plus grande échelle ;
mais cette progression, je le répète, a des bornes. Les faits
eux-mêmes nous apprendront sans peine ce qu'elles doivent être. Dans
la cité, les actes politiques sont de deux espèces : autorité,
obéissance. Le magistrat commande et juge. Pour juger les affaires
litigieuses, pour répartir les fonctions suivant le mérite, il faut
que les citoyens se connaissent et s'apprécient mutuellement.
Partout où ces conditions n'existent pas, élections et sentences
juridiques sont nécessairement mauvaises. A ces deux égards, toute
résolution prise à la légère est funeste, et elle ne peut évidemment
manquer de l'être dans une masse innombrable.
§ 8. D'autre part, il sera très facile aux domiciliés, aux
étrangers, d'usurper le droit de cité, et leur fraude passera sans
peine inaperçue au milieu de la multitude assemblée. On peut donc
avancer que la juste proportion pour le corps politique, c'est
évidemment la plus grande quantité possible de citoyens capables de
satisfaire aux besoins de leur existence, mais point assez nombreux
cependant pour se soustraire à une facile surveillance.
§ 9. Tels sont nos principes sur la grandeur de l'État. |
§ 1. Et celles auxquelles
nous nous sommes livrés. Voir plus haut, livre III, chapitre V,
§ 3, et suiv.
--
Un gouvernement fait à
souhait. Aristote n'a point prétendu donner ici le type
imaginaire d'une république parfaite, comme l'a essayé Platon. Il
s'est toujours tenu fort près de la réalité, et lui a fait tous ses
emprunts; il ne propose en définitive qu'un choix parmi toutes les
conditions politiques dont il parle comme de faits positifs, dans le
cours de son ouvrage.
§ 3. Doit être vaste.
Montesquieu a traité aussi de l'étendue de l'État relativement à sa
nature et à sa forme, Esprit des Lois, liv. VIII, ch. XVI et suiv.
Rousseau a discuté le même sujet, Contrat social, liv. II, ch. IV.
--
Hippocrate. Voilà un
des plus anciens témoignages, avec celui de Platon dans le Phèdre,
que l'antiquité nous ait laissés sur Hippocrate.
§ 5. Une cité trop
peuplée. C'était une opinion générale, dans l'antiquité, qu'un
État fort populeux ne peut être bien administré. La conclusion était
très logique, en partant des principes politiques adoptés dans
presque toutes les républiques de la Grèce, où les citoyen,
faisaient directement les affaires publiques. Le système
représentatif peut seul résoudre le problème d'un grand État bien
gouverné, et la Grèce ne l'a jamais connu. Voir VII (6), ch. II, §
2. Il faut ajouter que le morcellement de la Grèce en villes
indépendantes et souveraines, si favorable d'ailleurs au mouvement
de l'intelligence, s'est opposé à tout grand développement
politique. Rome, la cité, la ville unique et suprême (Urbs),
maîtresse et régulatrice de l'univers, a été le dernier terme en
politique des idées grecques ; mais Rome a guéri le mal en le
portant au plus haut degré qu'il pût atteindre; elle a absorbé le
monde.
§ 7. Comme cité... comme
nation. La manière dont ces deux mots sont opposés ici montre
assez le sens qu'Aristote y attache. « La nation », c'est un immense
rassemblement d'hommes, une multitude, sans organisation politique,
sans ordre ; « la cité », au contraire, c'est l'association, l'État
soumis à des lois régulières. Voir encore cette différence fort
nettement tracée, liv. II, ch. I, § 5.
--
Quel Stentor. Cette
idée, qui peut aujourd'hui nous paraître assez bizarre, tenait à
toutes les conditions politiques de l'antiquité.
Il fallait de toute nécessité
que tous les citoyens de l'État, tous les hommes libres et jouissant
de droits politiques, pussent se réunir sur la place publique, y
entendre les orateurs, y sanctionner des décrets. Aujourd'hui,
trente six millions d'hommes, sur une étendue de plus de vingt-cinq
mille lieues carrées, peuvent fonctionner politiquement avec le plus
grand ordre. Ils n'ont pas besoin de héraut, de crieur ; ou, pour
mieux dire, le télégraphe leur sert de héraut ; et cette voix-là, en
quelques moments, se fait entendre à deux ou trois cents lieues de
distance.
§ 8. La juste proportion pour
le corps politique. Cette solution générale est empruntée à
Platon, Lois, liv. V, p. 277, trad. de M. Cousin . |
CHAPITRE V.
Suite. Du territoire de l'État parfait ; conditions militaires qu'il
doit remplir ; la cité doit avoir une position maritime ; moyens
assurés de tirer parti du voisinage de la mer ; dangers de la
préoccupation exclusive du commerce maritime ; précautions que le
législateur doit prendre, afin que les relations maritimes soient
sans inconvénients pour le bon ordre de la cité. |
§ 1. Παραπλησίως δὲ καὶ τὰ περὶ τῆς χώρας ἔχει.
Περὶ μὲν γὰρ τοῦ ποίαν
τινά, δῆλον ὅτι τὴν αὐταρκεστάτην πᾶς τις ἂν ἐπαινέσειεν (τοιαύτην
δ᾽ ἀναγκαῖον εἶναι τὴν παντοφόρον· τὸ γὰρ πάντα ὑπάρχειν καὶ δεῖσθαι
μηθενὸς [30] αὔταρκες)· πλήθει δὲ καὶ μεγέθει τοσαύτην ὥστε δύνασθαι
τοὺς οἰκοῦντας ζῆν σχολάζοντας ἐλευθερίως ἅμα καὶ σωφρόνως. Τοῦτον
δὲ τὸν ὅρον εἰ καλῶς ἢ μὴ καλῶς λέγομεν, ὕστερον ἐπισκεπτέον
ἀκριβέστερον, ὅταν ὅλως περὶ κτήσεως καὶ τῆς περὶ τὴν οὐσίαν
εὐπορίας συμβαίνῃ ποιεῖσθαι [35] μνείαν, πῶς δεῖ καὶ τίνα τρόπον
ἔχειν πρὸς τὴν χρῆσιν αὐτῆς· πολλαὶ γὰρ περὶ τὴν σκέψιν ταύτην εἰσὶν
ἀμφισβητήσεις διὰ τοὺς ἕλκοντας ἐφ᾽ ἑκατέραν τοῦ βίου τὴν ὑπερβολήν,
τοὺς μὲν ἐπὶ τὴν γλισχρότητα τοὺς δὲ ἐπὶ τὴν τρυφήν.
§ 2. Τὸ δ᾽ εἶδος τῆς
χώρας οὐ χαλεπὸν εἰπεῖν (δεῖ δ᾽ ἔνια [40] πείθεσθαι καὶ τοῖς περὶ
τὴν στρατηγίαν ἐμπείροις), ὅτι χρὴ μὲν τοῖς πολεμίοις εἶναι
δυσέμβολον αὐτοῖς δ᾽ εὐέξοδον. [1327a] Ἔτι δ᾽ ὥσπερ τὸ πλῆθος τὸ τῶν
ἀνθρώπων εὐσύνοπτον ἔφαμεν εἶναι δεῖν, οὕτω καὶ τὴν χώραν· τὸ δ᾽
εὐσύνοπτον τὸ εὐβοήθητον εἶναι τὴν χώραν ἐστίν. Τῆς δὲ πόλεως τὴν
θέσιν εἰ χρὴ ποιεῖν κατ᾽ εὐχήν, πρός τε τὴν θάλατταν προσήκει [5]
κεῖσθαι καλῶς πρός τε τὴν χώραν. Εἷς μὲν <οὖν> ὁ λεχθεὶς ὅρος (δεῖ
γὰρ πρὸς τὰς ἐκβοηθείας κοινὴν εἶναι τῶν τόπων ἁπάντων)· ὁ δὲ λοιπὸς
πρὸς τὰς τῶν γινομένων καρπῶν παραπομπάς, ἔτι δὲ τῆς περὶ ξύλα ὕλης,
κἂν εἴ τινα ἄλλην ἐργασίαν ἡ χώρα τυγχάνοι κεκτημένη τοιαύτην [10]
εὐπαρακόμιστον. § 3. Περὶ δὲ τῆς πρὸς τὴν θάλατταν κοινωνίας, πότερον ὠφέλιμος ταῖς
εὐνομουμέναις πόλεσιν ἢ βλαβερά, πολλὰ τυγχάνουσιν ἀμφισβητοῦντες·
τό τε γὰρ ἐπιξενοῦσθαί τινας ἐν ἄλλοις τεθραμμένους νόμοις ἀσύμφορον
εἶναί φασι πρὸς [15] τὴν εὐνομίαν, καὶ τὴν πολυανθρωπίαν· γίνεσθαι
μὲν γὰρ ἐκ τοῦ χρῆσθαι τῇ θαλάττῃ διαπέμποντας καὶ δεχομένους
ἐμπόρων πλῆθος, ὑπεναντίαν δ᾽ εἶναι πρὸς τὸ πολιτεύεσθαι καλῶς. § 4.
Ὅτι
μὲν οὖν, εἰ ταῦτα μὴ συμβαίνει, βέλτιον καὶ πρὸς ἀσφάλειαν καὶ πρὸς
εὐπορίαν τῶν ἀναγκαίων μετέχειν [20] τὴν πόλιν καὶ τὴν χώραν τῆς
θαλάττης, οὐκ ἄδηλον. Καὶ γὰρ πρὸς τὸ ῥᾷον φέρειν τοὺς πολέμους
εὐβοηθήτους εἶναι δεῖ κατ᾽ ἀμφότερα τοὺς σωθησομένους, καὶ κατὰ γῆν
καὶ κατὰ θάλατταν, καὶ πρὸς τὸ βλάψαι τοὺς ἐπιτιθεμένους, εἰ μὴ κατ᾽
ἄμφω δυνατόν, ἀλλὰ κατὰ θάτερον ὑπάρξει [25] μᾶλλον ἀμφοτέρων
μετέχουσιν.
§ 5. Ὅσα τ᾽ ἂν μὴ τυγχάνῃ παρ᾽ αὑτοῖς ὄντα, δέξασθαι ταῦτα,
καὶ τὰ πλεονάζοντα τῶν γιγνομένων ἐκπέμψασθαι τῶν ἀναγκαίων ἐστίν. Αὑτῇ γὰρ ἐμπορικήν, ἀλλ᾽ οὐ τοῖς ἄλλοις, δεῖ εἶναι τὴν πόλιν· οἱ δὲ
παρέχοντες σφᾶς αὐτοὺς πᾶσιν ἀγορὰν προσόδου [30] χάριν ταῦτα
πράττουσιν· ἣν δὲ μὴ δεῖ πόλιν τοιαύτης μετέχειν πλεονεξίας, οὐδ᾽
ἐμπόριον δεῖ κεκτῆσθαι τοιοῦτον. Ἐπεὶ δὲ καὶ νῦν ὁρῶμεν πολλαῖς
ὑπάρχοντα καὶ χώραις καὶ πόλεσιν ἐπίνεια καὶ λιμένας εὐφυῶς κείμενα
πρὸς τὴν πόλιν, ὥστε μήτε τὸ αὐτὸ νέμειν ἄστυ μήτε πόρρω λίαν, [35]
ἀλλὰ κρατεῖσθαι τείχεσι καὶ τοιούτοις ἄλλοις ἐρύμασι, φανερὸν ὡς εἰ
μὲν ἀγαθόν τι συμβαίνει γίνεσθαι διὰ τῆς κοινωνίας αὐτῶν, ὑπάρξει τῇ
πόλει τοῦτο τὸ ἀγαθόν, εἰ δέ τι βλαβερόν, φυλάξασθαι ῥᾴδιον τοῖς
νόμοις φράζοντας καὶ διορίζοντας τίνας οὐ δεῖ καὶ τίνας ἐπιμίσγεσθαι
δεῖ [40] πρὸς ἀλλήλους.
§ 6. Περὶ δὲ τῆς ναυτικῆς δυνάμεως, ὅτι μὲν βέλτιστον ὑπάρχειν μέχρι
τινὸς πλήθους, οὐκ ἄδηλον [1327b] (οὐ γὰρ μόνον αὑτοῖς ἀλλὰ καὶ τῶν
πλησίον τισὶ δεῖ καὶ φοβεροὺς εἶναι καὶ δύνασθαι βοηθεῖν, ὥσπερ κατὰ
γῆν, καὶ κατὰ θάλατταν)· περὶ δὲ πλήθους ἤδη καὶ μεγέθους τῆς
δυνάμεως ταύτης πρὸς τὸν βίον ἀποσκεπτέον τῆς πόλεως. Εἰ μὲν γὰρ [5]
ἡγεμονικὸν καὶ πολιτικὸν ζήσεται βίον, ἀναγκαῖον καὶ ταύτην τὴν
δύναμιν ὑπάρχειν πρὸς τὰς πράξεις σύμμετρον. § 7. Τὴν δὲ πολυανθρωπίαν
τὴν γιγνομένην περὶ τὸν ναυτικὸν ὄχλον οὐκ ἀναγκαῖον ὑπάρχειν ταῖς
πόλεσιν· οὐθὲν γὰρ αὐτοὺς μέρος εἶναι δεῖ τῆς πόλεως. Τὸ μὲν γὰρ
ἐπιβατικὸν [10] ἐλεύθερον καὶ τῶν πεζευόντων ἐστίν, ὃ κύριόν ἐστι
καὶ κρατεῖ τῆς ναυτιλίας· πλήθους δὲ ὑπάρχοντος περιοίκων καὶ τῶν
τὴν χώραν γεωργούντων, ἀφθονίαν ἀναγκαῖον εἶναι καὶ ναυτῶν. Ὁρῶμεν
δὲ τοῦτο καὶ νῦν ὑπάρχον τισίν, οἷον τῇ πόλει τῶν Ἡρακλεωτῶν· πολλὰς
γὰρ ἐκπληροῦσι [15] τριήρεις, κεκτημένοι τῷ μεγέθει πόλιν ἑτέρων
ἐμμελεστέραν.
§ 8. Περὶ μὲν οὖν χώρας καὶ λιμένων
τῶν πόλεων καὶ θαλάττης καὶ περὶ τῆς ναυτικῆς δυνάμεως ἔστω
διωρισμένα τὸν τρόπον τοῦτον·
|
§ 1. Les principes que nous venons
d'indiquer pour la grandeur de l'État, peuvent jusqu'à certain point
s'appliquer au territoire. Le territoire le plus favorable, sans
contredit, est celui dont les qualités assurent le plus
d'indépendance à l'État ; et c'est précisément celui qui fournira
tous les genres de productions. Tout posséder, n'avoir besoin de
personne, voilà la véritable indépendance. L'étendue et la fertilité
du territoire doivent être telles que tous les citoyens puissent y
vivre dans le loisir d'hommes libres et sobres. Nous examinerons
plus tard la valeur de ce principe avec plus de précision, quand
nous traiterons en général de la propriété, de l'aisance et de
l'emploi de la fortune, questions fort controversées, parce que les
hommes tombent souvent dans l'excès : ici, la sordide avarice ; là,
le luxe effréné.
§ 2. La configuration du territoire
n'offre aucun embarras. Les tacticiens, dont il faut prendre aussi
l'avis, exigent qu'il soit d'un accès difficile pour l'ennemi, et
d'une sortie commode pour les citoyens. [1327a] Ajoutons que
le territoire, comme la masse de ses habitants, doit être d'une
surveillance facile, et qu'un terrain aisé à observer n'est pas
moins aisé à défendre. Quant à la position de la cité, si l'on peut
la déterminer à son choix, il faut qu'elle soit également bonne et
par terre et par mer. La seule condition à exiger, c'est que tous
les points puissent s'y prêter un mutuel secours, et que le
transport des denrées, des bois et de tous les produits ouvrés du
pays, quel qu'ils puissent être, y soit commode. § 3. C'est une
grande question de savoir si ce voisinage de la mer est avantageux
ou funeste à la bonne organisation de l'État. Ce contact d'étrangers
élevés sous des lois toutes différentes, est nuisible au bon ordre ;
et la population que forme cette foule de marchands qui vont et qui
viennent par mer, est certainement fort nombreuse, mais elle est
bien rebelle à toute discipline politique. § 4. En faisant
abstraction de ces inconvénients, nul doute qu'en vue de la sûreté
et de l'abondance nécessaires à l'État, il ne faille pour la cité et
le reste du territoire préférer une position maritime. On soutient
mieux une agression ennemie, quand on peut recevoir les secours de
ses alliés par terre et par mer à la fois ; et si l'on ne peut faire
du mal aux assaillants des deux côtés en même temps, on leur en fera
certainement davantage de l'un des deux, quand on peut occuper
simultanément l'un et l'autre.
§ 5. La mer permet encore de
satisfaire les besoins de la cité, c'est-à-dire, d'importer ce que
le pays ne produit pas et d'exporter les denrées dont il abonde.
Mais la cité dans son commerce doit ne penser qu'à elle et jamais
aux autres peuples. On ne se fait le marché commercial de toutes les
nations que par avidité ; et l'État, qui doit trouver ailleurs
l'élément de sa richesse, ne doit jamais se livrer à de semblables
trafics. Mais dans quelques pays, dans quelques États, la rade, le
port creusé par la nature sont merveilleusement situés par rapport à
la ville, qui sans en être fort éloignée, en est cependant séparée
et les domine par ses remparts et ses fortifications. Grâce à cette
situation, la ville évidemment profitera de toutes ces
communications, si elles lui sont utiles ; et si elles peuvent lui
être dangereuses, une simple disposition législative pourra la
garantir de tout danger, en désignant spécialement les citoyens
auxquels cette communication avec les étrangers sera permise ou
défendue.
§ 6. Quant aux forces navales,
personne ne doute que l'État ne doive dans une certaine mesure être
puissant sur mer ; [1327b] et ce n'est pas seulement en vue
de ses besoins intérieurs, c'est aussi par rapport à ses voisins,
qu'il doit pouvoir secourir ou inquiéter, selon les cas, par terre
et par mer. Le développement des forces maritimes doit être réglé
proportionnellement à l'existence même de la cité. Si cette
existence est toute de domination et de relations politiques, il
faut que la marine de la cité ait des proportions analogues à ses
entreprises. § 7. L'État n'a généralement pas besoin de cette
population énorme que composent les gens de mer ; ils ne doivent
jamais être membres de la cité. Je ne parle pas des guerriers qui
montent les flottes, qui les commandent et qui les dirigent ;
ceux-là sont des citoyens libres et sont pris dans les troupes de
terre. Partout où les gens de la campagne et les laboureurs sont
nombreux, il y a nécessairement abondance de marins. Quelques États
nous fournissent des preuves de ce fait : le gouvernement
d'Héraclée, par exemple, quoique la cité comparée à tant d'autres
soit fort petite, n'en équipe pas moins de nombreuses galères.
§ 8. Je ne pousserai pas plus loin ces
considérations sur le territoire de l'État, sur ses ports, ses
villes, ses relations avec la mer et ses forces navales. |
§ 1. Sobres. Voir plus
haut, liv. II, ch, 5.
--
Plus tard. Dans
l'Économique, dont le livre Ier est le seul, à ce qu'il semble, qui
appartienne à Aristote.
§ 3. C'est une grande
question. Aristote semble avoir ici en vue l'opinion de Platon.
Voir les Lois, liv. IV, p. 203 et suiv., trad. de M. Cousin. Le
maître condamne la position maritime pour la cité : le disciple est
moins sévère. Cicéron incline à l'avis d'Aristote. Voir la
République, livre II, chapitre III et IV, édition de M. Leclerc.
§ 5. Le marché commercial
de toutes les nations. Cette réprobation du commerce pour l'État
est la suite des principes établis dans le liv. Ier, ch. III, § 23.
--
Merveilleusement situés.
C'était la position du Pirée relativement à Athènes, qui y était
jointe par des murailles.
§ 7. Le gouvernement
d'Héraclée. Voir liv. VIII (5), ch. IV, § 2, et ch. V, § 2. |
CHAPITRE VI.
Suite. Des qualités naturelles que
doivent avoir les citoyens dans la république parfaite ; caractères
divers des peuples suivant les climats qu'ils habitent ; diversité
de leurs institutions politiques. - Supériorité incontestable de la
race grecque ; un peuple doit avoir à la fois intelligence et
courage ; rôle considérable que joue le coeur dans la vie humaine. |
§ 1 Περὶ δὲ τοῦ πολιτικοῦ πλήθους,
τίνα μὲν ὅρον ὑπάρχειν χρή, πρότερον εἴπομεν, ποίους δέ τινας [20]
τὴν φύσιν εἶναι δεῖ, νῦν λέγωμεν. Σχεδὸν δὴ
κατανοήσειεν ἄν τις τοῦτό γε, βλέψας ἐπί τε τὰς πόλεις τὰς
εὐδοκιμούσας τῶν Ἑλλήνων καὶ πρὸς πᾶσαν τὴν οἰκουμένην, ὡς
διείληπται τοῖς ἔθνεσιν. Τὰ μὲν γὰρ ἐν τοῖς ψυχροῖς τόποις ἔθνη καὶ
τὰ περὶ τὴν Εὐρώπην θυμοῦ μέν ἐστι πλήρη, διανοίας [25] δὲ
ἐνδεέστερα καὶ τέχνης, διόπερ ἐλεύθερα μὲν διατελεῖ μᾶλλον,
ἀπολίτευτα δὲ καὶ τῶν πλησίον ἄρχειν οὐ δυνάμενα· τὰ δὲ περὶ τὴν
Ἀσίαν διανοητικὰ μὲν καὶ τεχνικὰ τὴν ψυχήν, ἄθυμα δέ, διόπερ
ἀρχόμενα καὶ δουλεύοντα διατελεῖ· τὸ δὲ τῶν Ἑλλήνων γένος, ὥσπερ
μεσεύει κατὰ [30] τοὺς τόπους, οὕτως ἀμφοῖν μετέχει. Καὶ γὰρ ἔνθυμον
καὶ διανοητικόν ἐστιν· διόπερ ἐλεύθερόν τε διατελεῖ καὶ βέλτιστα
πολιτευόμενον καὶ δυνάμενον ἄρχειν πάντων, μιᾶς τυγχάνον πολιτείας.
§ 2. Τὴν αὐτὴν δ᾽ ἔχει διαφορὰν καὶ τὰ τῶν Ἑλλήνων ἔθνη πρὸς ἄλληλα· τὰ
μὲν γὰρ ἔχει [35] τὴν φύσιν μονόκωλον, τὰ δὲ εὖ κέκραται πρὸς
ἀμφοτέρας τὰς δυνάμεις ταύτας. Φανερὸν τοίνυν ὅτι δεῖ διανοητικούς
τε εἶναι καὶ θυμοειδεῖς τὴν φύσιν τοὺς μέλλοντας εὐαγώγους ἔσεσθαι
τῷ νομοθέτῃ πρὸς τὴν ἀρετήν. Ὅπερ γάρ φασί τινες δεῖν ὑπάρχειν τοῖς
φύλαξι, τὸ φιλητικοὺς μὲν [40] εἶναι τῶν γνωρίμων πρὸς δὲ τοὺς
ἀγνῶτας ἀγρίους, ὁ θυμός ἐστιν ὁ ποιῶν τὸ φιλητικόν· αὕτη γάρ ἐστιν
ἡ τῆς ψυχῆς δύναμις ᾗ φιλοῦμεν. [1328a] § 3. Σημεῖον δέ· πρὸς γὰρ τοὺς
συνήθεις καὶ φίλους ὁ θυμὸς αἴρεται μᾶλλον ἢ πρὸς τοὺς ἀγνῶτας,
ὀλιγωρεῖσθαι νομίσας. Διὸ καὶ Ἀρχίλοχος προσηκόντως τοῖς φίλοις
ἐγκαλῶν διαλέγεται πρὸς τὸν θυμόν·
[5] “σὺ γὰρ δὴ παρὰ φίλων
ἀπάγχεαι.”
Καὶ τὸ ἄρχον δὲ καὶ τὸ ἐλεύθερον ἀπὸ τῆς δυνάμεως ταύτης ὑπάρχει
πᾶσιν· ἀρχικὸν γὰρ καὶ ἀήττητον ὁ θυμός. Οὐ καλῶς δ᾽ ἔχει λέγειν
χαλεποὺς εἶναι πρὸς τοὺς ἀγνῶτας· πρὸς οὐθένα γὰρ εἶναι χρὴ
τοιοῦτον, οὐδέ εἰσιν οἱ μεγαλόψυχοι [10] τὴν φύσιν ἄγριοι, πλὴν πρὸς
τοὺς ἀδικοῦντας. Τοῦτο δὲ μᾶλλον ἔτι πρὸς τοὺς συνήθεις πάσχουσιν,
ὅπερ εἴρηται πρότερον, ἂν ἀδικεῖσθαι νομίσωσιν.
§ 4. Καὶ τοῦτο συμβαίνει
κατὰ λόγον· παρ᾽ οἷς γὰρ ὀφείλεσθαι τὴν εὐεργεσίαν ὑπολαμβάνουσι,
πρὸς τῷ βλάβει καὶ ταύτης ἀποστερεῖσθαι [15] νομίζουσιν· ὅθεν
εἴρηται
“χαλεποὶ πόλεμοι γὰρ ἀδελφῶν”
καὶ
“οἵ τοι πέρᾳ στέρξαντες, οἵδε καὶ πέρᾳ
μισοῦσιν.”
§ 5. Περὶ μὲν οὖν τῶν πολιτευομένων, πόσους τε ὑπάρχειν δεῖ καὶ ποίους
τινὰς τὴν φύσιν, ἔτι δὲ τὴν χώραν πόσην τέ τινα καὶ ποίαν τινά,
διώρισται σχεδόν (οὐ γὰρ τὴν [20] αὐτὴν ἀκρίβειαν δεῖ ζητεῖν διά τε
τῶν λόγων καὶ τῶν γιγνομένων διὰ τῆς αἰσθήσεως).
|
§ 1. Nous avons déterminé plus haut
les limites numériques du corps politique ; voyons ici quelles
qualités naturelles sont requises dans les membres qui le composent.
On peut déjà, s'en faire quelque idée en jetant les yeux sur les
cités les plus célèbres de la Grèce, et sur les diverses nations qui
se partagent la terre. Les peuples qui habitent les climats froids,
même dans l'Europe, sont en général pleins de courage. Mais ils sont
certainement inférieurs en intelligence et en industrie ; aussi
conservent-ils leur liberté ; mais ils sont politiquement
indisciplinables, et n'ont jamais pu conquérir leurs voisins. En
Asie, au contraire, les peuples ont plus d'intelligence, d'aptitude
pour les arts ; mais ils manquent de coeur, et ils restent sous le
joug d'un esclavage perpétuel. La race grecque, qui
topographiquement est intermédiaire, réunit toutes les qualités des
deux autres. Elle possède à la fois l'intelligence et le courage.
Elle sait en même temps garder son indépendance et former de très
bons gouvernements, capable, si elle était réunie en un seul État,
de conquérir l'univers. § 2. Dans le sein même de la Grèce, les
divers peuples présentent entre eux des dissemblances analogues à
celles dont nous venons de parler : ici, c'est une seule qualité
naturelle qui prédomine ; là elles s'harmonisent toutes dans un
heureux mélange. On peut dire, sans crainte de se tromper, qu'un
peuple doit posséder à la fois intelligence et courage, pour que le
législateur puisse le guider aisément à la vertu. Quelques écrivains
politiques exigent de leurs guerriers affection pour ceux qu'ils
connaissent, et férocité contre les inconnus ; c'est le coeur qui
produit en nous l'affection, et le coeur est précisément cette
faculté de l'âme qui nous fait aimer. [1328a] § 3. En preuve
on pourrait dire que le coeur, quand il croit être dédaigné,
s'irrite bien plus contre des amis que contre des inconnus.
Archiloque, quand il veut se plaindre de ses amis, s'adresse à son
coeur :
O mon coeur, n'est-ce pas un ami qui
t'outrage ?
Chez tous les hommes, le désir de la
liberté et celui de la domination partent de ce même principe : le
coeur est impérieux et ne sait point se soumettre. Mais les auteurs
que j'ai cités plus haut ont tort d'exiger qu'on soit dur envers les
étrangers ; il ne faut l'être avec personne, et les grandes âmes ne
sont jamais intraitables qu'envers le crime ; mais, je le répète,
elles s'irritent davantage contre des amis, quand elles croient en
avoir reçu une injure.
§ 4. Ce courroux est parfaitement
raisonnable ; car ici, outre le dommage qu'on peut éprouver, on
croit perdre encore une bienveillance sur laquelle on pouvait avoir
le droit de compter. De là ces pensées du poète :
Entre frères la lutte est la plus
acharnée.
et ailleurs :
Qui chérit à l'excès sait haïr à
l'excès.
§ 5. En spécifiant, à l'égard des
citoyens, quels doivent être leur nombre, leurs qualités naturelles,
et en déterminant l'étendue et les conditions du territoire, nous
nous sommes bornés à des à-peu-près ; mais il ne faut pas exiger,
dans de simples considérations théoriques, la même exactitude que
dans des observations de faits qui nous sont fournies par les sens. |
§ 1. Les diverses nations
qui se partagent la terre. Hippocrate est, comme on sait, un des
premiers qui aient observé cette influence des climats sur le
caractère et les institutions des peuples. Voir le traité des Eaux,
des Airs et des Lieux, éd. et trad. de M. Littré, t. II, p. 53.
Hippocrate est allé plus loin : il a montré comment les lois à leur
tour agissent sur le caractère des peuples ; et il a attribué
l'inactivité générale des Asiatiques aux royautés et aux
gouvernements despotiques qui pesaient sur eux. Platon a présenté
aussi quelques vues sur ce grand sujet, Lois, liv. V, à la fin.
Montesquieu, qui a donné dans son ouvrage, liv. XIV, XV, XVI, XVII,
une place si considérable à la théorie des climats, n'aurait pas dû
passer sous silence les auteurs de l'antiquité qui l'avaient établie
avant lui. La théorie des races a succédé, dans notre siècle, à
celle des climats, qu'elle modifiera, mais ne détruira point.
--
Réunie en un seul État.
Cette pensée d'Aristote a sans doute quelque rapport aux
entreprises politiques des rois de Macédoine. Ce fut Alexandre qui
réussit enfin à réunir la Grèce en un seul État ; et ce fut là, en
quelque sorte, la condition préalable de sa grande expédition.
§ 2. Quelques écrivains
politiques. C'est de Platon qu'Aristote veut ici parler. Voir la
République, liv. II, p. 101, trad. de M. Cousin ; mais Platon dit «
dureté », comme Aristote plus bas, et non point « férocité », comme
Aristote ici le lui fait dire. Aussi des commentateurs ont-ils
reproché à Aristote d'attaquer Platon peu loyalement : cette
accusation n'est pas très juste, comme la suite même de la pensée
suffit à le prouver. Voir plus haut, liv. IV, ch. II, § 16, une
remarque analogue.
§ 3. Archiloque, de Paros,
poète lyrique et satirique, vivait dans le viiie siècle av. J. C.
§ 4. Ces pensées du poète.
Ces vers sont tirés de pièces d'Euripide que nous n'avons pas.
On peut les retrouver en partie dans les fragments d'Euripide,
édition de Firmin Didot, fragment 916. |
CHAPITRE VII.
Suite. Des éléments indispensables à l'existence de la cité ; ils
sont de six espèces : les subsistances, les arts, les armes, les
finances, le sacerdoce, et enfin la gestion des intérêts généraux et
la décision des jugements ; sans ces éléments, la cité ne peut
subsister et être indépendante. |
§ 1. Ἐπεὶ δ᾽ ὥσπερ τῶν
ἄλλων τῶν κατὰ φύσιν συνεστώτων οὐ ταῦτά ἐστι μόρια τῆς ὅλης
συστάσεως ὧν ἄνευ τὸ ὅλον οὐκ ἂν εἴη, δῆλον ὡς οὐδὲ πόλεως μέρη
θετέον ὅσα ταῖς πόλεσιν ἀναγκαῖον ὑπάρχειν, [25] οὐδ᾽ ἄλλης
κοινωνίας οὐδεμιᾶς ἐξ ἧς ἕν τι τὸ γένος (ἓν γάρ τι καὶ κοινὸν εἶναι
δεῖ καὶ ταὐτὸ τοῖς κοινωνοῖς, ἄν τε ἴσον ἄν τε ἄνισον
μεταλαμβάνωσιν)· οἷον εἴτε τροφὴ τοῦτό ἐστιν εἴτε χώρας πλῆθος εἴτ᾽
ἄλλο τι τῶν τοιούτων ἐστίν. § 2. Ὅταν δ᾽ ᾖ τὸ μὲν τούτου ἕνεκεν τὸ δ᾽ οὗ
ἕνεκεν, οὐθέν [ἔν] γε τούτοις [30] κοινὸν ἀλλ᾽ ἢ τῷ μὲν ποιῆσαι τῷ
δὲ λαβεῖν· λέγω δ᾽ οἷον ὀργάνῳ τε παντὶ πρὸς τὸ γιγνόμενον ἔργον καὶ
τοῖς δημιουργοῖς· οἰκίᾳ γὰρ πρὸς οἰκοδόμον οὐθέν ἐστιν ὃ γίγνεται
κοινόν, ἀλλ᾽ ἔστι τῆς οἰκίας χάριν ἡ τῶν οἰκοδόμων τέχνη. Διὸ
κτήσεως μὲν δεῖ ταῖς πόλεσιν, οὐδὲν δ᾽ ἐστὶν ἡ κτῆσις μέρος τῆς [35]
πόλεως· πολλὰ δ᾽ ἔμψυχα μέρη τῆς κτήσεώς ἐστιν· ἡ δὲ πόλις κοινωνία
τίς ἐστι τῶν ὁμοίων, ἕνεκεν δὲ ζωῆς τῆς ἐνδεχομένης ἀρίστης. § 3. Ἐπεὶ δ᾽
ἐστὶν εὐδαιμονία τὸ ἄριστον, αὕτη δὲ ἀρετῆς ἐνέργεια καὶ χρῆσίς τις
τέλειος, συμβέβηκε δὲ οὕτως ὥστε τοὺς μὲν ἐνδέχεσθαι μετέχειν αὐτῆς
τοὺς δὲ μικρὸν ἢ [40] μηδέν, δῆλον ὡς τοῦτ᾽ αἴτιον τοῦ γίγνεσθαι
πόλεως εἴδη καὶ διαφορὰς καὶ πολιτείας πλείους· [1328b] ἄλλον γὰρ
τρόπον καὶ δι᾽ ἄλλων ἕκαστοι τοῦτο θηρεύοντες τούς τε βίους ἑτέρους
ποιοῦνται καὶ τὰς πολιτείας.
Ἐπισκεπτέον δὲ καὶ πόσα ταυτί ἐστιν ὧν
ἄνευ πόλις οὐκ ἂν εἴη· καὶ γὰρ ἃ λέγομεν εἶναι μέρη πόλεως ἐν
τούτοις ἂν εἴη, διὸ ἀναγκαῖον ὑπάρχειν.
§ 4. Ληπτέον τοίνυν [5] τῶν ἔργων
τὸν ἀριθμόν· ἐκ τούτων γὰρ ἔσται δῆλον. Πρῶτον μὲν οὖν ὑπάρχειν δεῖ
τροφήν, ἔπειτα τέχνας (πολλῶν γὰρ ὀργάνων δεῖται τὸ ζῆν), τρίτον δὲ
ὅπλα (τοὺς γὰρ κοινωνοῦντας ἀναγκαῖον καὶ ἐν αὑτοῖς ἔχειν ὅπλα πρός
τε τὴν ἀρχήν, τῶν ἀπειθούντων χάριν, καὶ πρὸς τοὺς ἔξωθεν ἀδικεῖν
[10] ἐπιχειροῦντας), ἔτι χρημάτων τινὰ εὐπορίαν, ὅπως ἔχωσι καὶ πρὸς
τὰς καθ᾽ αὑτοὺς χρείας καὶ πρὸς <τὰς> πολεμικάς, πέμπτον δὲ καὶ
πρῶτον τὴν περὶ τὸ θεῖον ἐπιμέλειαν, ἣν καλοῦσιν ἱερατείαν, ἕκτον δὲ
τὸν ἀριθμὸν καὶ πάντων ἀναγκαιότατον κρίσιν περὶ τῶν συμφερόντων καὶ
τῶν δικαίων τῶν [15] πρὸς ἀλλήλους.
§ 5. Τὰ μὲν οὖν ἔργα ταῦτ᾽ ἐστὶν ὧν
δεῖται πᾶσα πόλις ὡς εἰπεῖν (ἡ γὰρ πόλις πλῆθός ἐστιν οὐ τὸ τυχὸν
ἀλλὰ πρὸς ζωὴν αὔταρκες, ὥς φαμεν, ἐὰν δέ τι τυγχάνῃ τούτων
ἐκλεῖπον, ἀδύνατον ἁπλῶς αὐτάρκη τὴν κοινωνίαν εἶναι ταύτην)· ἀνάγκη
τοίνυν κατὰ τὰς ἐργασίας [20] ταύτας συνεστάναι πόλιν· δεῖ ἄρα
γεωργῶν τ᾽ εἶναι πλῆθος, οἳ παρασκευάσουσι τὴν τροφήν, καὶ τεχνίτας,
καὶ τὸ μάχιμον, καὶ τὸ εὔπορον, καὶ ἱερεῖς, καὶ κριτὰς τῶν ἀναγκαίων
καὶ συμφερόντων. |
§ 1 . De même que, dans les autres
composés que crée la nature, il n'y a point identité entre tous les
éléments du corps entier, quoiqu'ils soient essentiels à son
existence, de même on peut évidemment ne pas compter parmi les
membres de la cité tous les éléments dont elle a pourtant un besoin
indispensable, principe également applicable à toute autre
association, qui ne doit se former que d'éléments d'une seule et
même espèce. Il faut nécessairement à des associés un point d'unité
commune, que leurs portions soient d'ailleurs pareilles ou inégales
: les aliments, par exemple, la possession du sol, ou tout autre
objet semblable. § 2. Deux choses peuvent être faites l'une pour
l'autre, celle-ci comme moyen, celle-là comme but, sans qu'il y ait
entre elles rien de commun que l'action produite par l'une et reçue
par l'autre. Tel est le rapport, dans un travail quelconque, de
l'instrument à l'ouvrier. La maison n'a certainement rien qui puisse
devenir commun entre elle et le maçon, et cependant l'art du maçon
n'a pas d'autre objet que la maison. Et de même, la cité a besoin
assurément de la propriété ; mais la propriété n'est pas le moins du
monde partie essentielle de la cité, bien que la propriété renferme
comme éléments des êtres vivants. La cité n'est qu'une association
d'êtres égaux, recherchant en commun une existence heureuse et
facile. § 3. Mais comme le bonheur est le bien suprême, comme il
réside dans l'exercice et l'application complète de la vertu, et
que, dans l'ordre naturel des choses, la vertu est fort inégalement
répartie entre les hommes, car quelques-uns en ont fort peu et en
sont même tout à fait dénués, c'est évidemment là qu'il faut
chercher la source des différences et des divisions entre les
gouvernements. [1328b] Chaque peuple, poursuivant le bonheur
et la vertu par des voies diverses, organise aussi sa vie et l'État,
sur des bases qui ne le sont pas moins.
Voyons donc combien d'éléments sont
indispensables à l'existence de la cité ; car la cité résidera
nécessairement dans ceux à qui nous reconnaîtrons ce caractère.
§ 4. Énumérons les choses elles-mêmes
afin d'éclaircir la question : d'abord les subsistances, puis les
arts, tous objets indispensables à la vie, qui a besoin de bien des
instruments ; puis les armes, dont l'association ne peut se passer,
pour appuyer l'autorité publique dans son propre sein contre les
factieux, et pour repousser les ennemis du dehors qui peuvent
l'assaillir ; en quatrième lieu, une certaine abondance de
richesses, tant pour les besoins intérieurs que pour les guerres ;
en cinquième lieu, et j'aurais pu placer ceci en tête, le culte
divin ou, comme on l'appelle, le sacerdoce ; enfin, et c'est ici
l'objet sans contredit le plus important, la décision des intérêts
généraux et des procès individuels.
§ 5. Telles sont les choses dont la
cité, quelle qu'elle soit, ne peut absolument point se passer.
L'agrégation qui constitue la cité n'est pas une agrégation
quelconque; mais, je le répète, c'est une agrégation d'hommes
pouvant satisfaire à tous les besoins de leur existence. Si l'un des
éléments énumérés plus haut vient à manquer, il est dès lors
radicalement impossible que l'association se suffise à elle-même.
L'État exige impérieusement toutes ces fonctions diverses ; il lui
faut donc des laboureurs qui assurent la subsistance des citoyens ;
il lui faut des artisans, des guerriers, des gens riches, des
pontifes et des magistrats, pour veiller à ses besoins et à ses
intérêts. |
§ 2. Une association
d'êtres égaux. Aristote a proclamé dans tout le cours de son
ouvrage ce principe d'égalité pour tous les membres de l'État. Il
est difficile de concevoir comment, en présence de déclarations
aussi formelles, on a pu l'accuser de soutenir la tyrannie. Voir le
début de la Politique, liv. 1, ch. I, § 1, et liv. III, ch. VIII, §
1, et la préface, où cette question est discutée tout au long.
--
Une existence heureuse et
facile. Voir plus haut, liv. III, ch. III, § 9 ; ch. VI, § 14,
et la distinction des gouvernements, ch. IV, § 7.
§ 5. Je le répète.
Voir plus haut, § 2. |
CHAPITRE VIII.
Suite. Réduction des éléments
politiques de la cité à deux seulement dans le gouvernement parfait
; les citoyens sont uniquement ceux qui portent les armes et qui ont
droit de voter à l'assemblée publique ; exclusion de tous les
artisans ; les biens-fonds ne doivent appartenir qu'aux citoyens ;
parmi les citoyens, les armes doivent être remises à la jeunesse,
les fonctions politiques à l'âge mur, et le sacerdoce aux
vieillards. |
§ 1. Διωρισμένων δὲ τούτων λοιπὸν σκέψασθαι πότερον πᾶσι [25] κοινωνητέον
πάντων τούτων (ἐνδέχεται γὰρ τοὺς αὐτοὺς ἅπαντας εἶναι καὶ γεωργοὺς
καὶ τεχνίτας καὶ τοὺς βουλευομένους καὶ δικάζοντας), ἢ καθ᾽ ἕκαστον
ἔργον τῶν εἰρημένων ἄλλους ὑποθετέον, ἢ τὰ μὲν ἴδια τὰ δὲ κοινὰ
τούτων ἐξ ἀνάγκης ἐστίν. Οὐκ ἐν πάσῃ δὲ ταὐτὸ πολιτείᾳ. Καθάπερ γὰρ
εἴπομεν, [30] ἐνδέχεται καὶ πάντας κοινωνεῖν πάντων καὶ μὴ πάντας
πάντων ἀλλὰ τινὰς τινῶν. Ταῦτα γὰρ καὶ ποιεῖ τὰς πολιτείας ἑτέρας·
ἐν μὲν γὰρ ταῖς δημοκρατίαις μετέχουσι πάντες πάντων, ἐν δὲ ταῖς
ὀλιγαρχίαις τοὐναντίον.
§ 2. Ἐπεὶ δὲ τυγχάνομεν σκοποῦντες περὶ τῆς
ἀρίστης πολιτείας, αὕτη [35] δ᾽ ἐστὶ καθ᾽ ἣν ἡ πόλις ἂν εἴη μάλιστ᾽
εὐδαίμων, τὴν δ᾽ εὐδαιμονίαν ὅτι χωρὶς ἀρετῆς ἀδύνατον ὑπάρχειν
εἴρηται πρότερον, φανερὸν ἐκ τούτων ὡς ἐν τῇ κάλλιστα πολιτευομένῃ
πόλει καὶ τῇ κεκτημένῃ δικαίους ἄνδρας ἁπλῶς, ἀλλὰ μὴ πρὸς τὴν
ὑπόθεσιν, οὔτε βάναυσον βίον οὔτ᾽ ἀγοραῖον δεῖ [40] ζῆν τοὺς πολίτας
(ἀγεννὴς γὰρ ὁ τοιοῦτος βίος καὶ πρὸς ἀρετὴν ὑπεναντίος), οὐδὲ δὴ
γεωργοὺς εἶναι τοὺς μέλλοντας ἔσεσθαι [1329a] (δεῖ γὰρ σχολῆς καὶ
πρὸς τὴν γένεσιν τῆς ἀρετῆς καὶ πρὸς τὰς πράξεις τὰς πολιτικάς).§ 3.
Ἐπεὶ δὲ καὶ τὸ πολεμικὸν καὶ τὸ βουλευόμενον περὶ τῶν συμφερόντων
καὶ κρῖνον περὶ τῶν δικαίων ἐνυπάρχει καὶ μέρη φαίνεται τῆς [5]
πόλεως μάλιστα ὄντα, πότερον ἕτερα καὶ ταῦτα θετέον ἢ τοῖς αὐτοῖς
ἀποδοτέον ἄμφω; φανερὸν δὲ καὶ τοῦτο, διότι τρόπον μέν τινα τοῖς
αὐτοῖς τρόπον δέ τινα καὶ ἑτέροις. ᾟ μὲν γὰρ ἑτέρας ἀκμῆς ἑκάτερον
τῶν ἔργων, καὶ τὸ μὲν δεῖται φρονήσεως τὸ δὲ δυνάμεως, ἑτέροις· ᾗ δὲ
τῶν ἀδυνάτων [10] ἐστὶ τοὺς δυναμένους βιάζεσθαι καὶ κωλύειν,
τούτους ὑπομένειν ἀρχομένους ἀεί, ταύτῃ δὲ τοῖς αὐτοῖς. Οἱ γὰρ τῶν
ὅπλων κύριοι καὶ <τοῦ> μένειν ἢ μὴ μένειν κύριοι τὴν πολιτείαν.
§ 4. Λείπεται τοίνυν τοῖς αὐτοῖς μὲν ἀμφοτέροις ἀποδιδόναι τὴν πολιτείαν
ταύτην, μὴ ἅμα δέ, ἀλλ᾽ ὥσπερ πέφυκεν ἡ [15] μὲν δύναμις ἐν
νεωτέροις, ἡ δὲ φρόνησις ἐν πρεσβυτέροις εἶναὶ, ἔοικεν οὕτως ἀμφοῖν
νενεμῆσθαι συμφέρειν καὶ δίκαιόν ἐστιν· ἔχει γὰρ αὕτη ἡ διαίρεσις τὸ
κατ᾽ ἀξίαν.
§ 5. Ἀλλὰ μὴν καὶ τὰς κτήσεις δεῖ εἶναι περὶ τούτους.
Ἀναγκαῖον γὰρ εὐπορίαν ὑπάρχειν τοῖς πολίταις, πολῖται δὲ οὗτοι. Τὸ
γὰρ [20] βάναυσον οὐ μετέχει τῆς πόλεως, οὐδ᾽ ἄλλο οὐθὲν γένος ὃ μὴ
τῆς ἀρετῆς δημιουργόν ἐστιν. Τοῦτο δὲ δῆλον ἐκ τῆς ὑποθέσεως· τὸ μὲν
γὰρ εὐδαιμονεῖν ἀναγκαῖον ὑπάρχειν μετὰ τῆς ἀρετῆς, εὐδαίμονα δὲ
πόλιν οὐκ εἰς μέρος τι βλέψαντας δεῖ λέγειν αὐτῆς, ἀλλ᾽ εἰς πάντας
τοὺς πολίτας. Φανερὸν [25] δὲ καὶ ὅτι δεῖ τὰς κτήσεις εἶναι τούτων,
εἴπερ ἀναγκαῖον εἶναι τοὺς γεωργοὺς δούλους ἢ βαρβάρους περιοίκους.
§ 6. Λοιπὸν δ᾽ ἐκ τῶν καταριθμηθέντων τὸ τῶν ἱερέων γένος.
Φανερὰ δὲ καὶ
ἡ τούτων τάξις. Οὔτε γὰρ γεωργὸν οὔτε βάναυσον ἱερέα καταστατέον
(ὑπὸ γὰρ τῶν πολιτῶν πρέπει [30] τιμᾶσθαι τοὺς θεούς)· ἐπεὶ δὲ
διῄρηται τὸ πολιτικὸν εἰς δύο μέρη, τοῦτ᾽ ἐστὶ τό τε ὁπλιτικὸν καὶ
τὸ βουλευτικόν, πρέπει δὲ τήν τε θεραπείαν ἀποδιδόναι τοῖς θεοῖς καὶ
τὴν ἀνάπαυσιν ἔχειν περὶ αὐτοὺς τοὺς διὰ τὸν χρόνον ἀπειρηκότας,
τούτοις ἂν εἴη τὰς <περὶ αὐτοὺς> ἱερωσύνας ἀποδοτέον.
§ 7. Ὧν μὲν τοίνυν ἄνευ [35] πόλις οὐ συνίσταται καὶ ὅσα μέρη πόλεως,
εἴρηται (γεωργοὺς μὲν γὰρ καὶ τεχνίτας καὶ πᾶν τὸ θητικὸν ἀναγκαῖον
[ὑπάρχειν] ταῖς πόλεσιν, μέρη δὲ τῆς πόλεως τό τε ὁπλιτικὸν καὶ
βουλευτικόν), καὶ κεχώρισται δὴ τούτων ἕκαστον, τὸ μὲν ἀεὶ τὸ δὲ
κατὰ μέρος. [40]
|
§ 1. Après avoir ainsi posé les
principes, nous avons encore à examiner si toutes ces fonctions
doivent appartenir sans distinction à tous les citoyens. Trois
choses ici sont possibles : ou tous les citoyens seront à la fois et
indistinctement laboureurs, artisans, juges et membres de
l'assemblée délibérante ; ou bien chaque fonction aura ses hommes
spéciaux ; ou enfin les unes appartiendront nécessairement à
quelques citoyens en particulier, les autres appartiendront à la
masse. La promiscuité des fonctions ne peut convenir à tout État
indistinctement. Nous avons déjà dit qu'on pouvait supposer diverses
combinaisons, admettre et ne pas admettre tous les citoyens à tous
les emplois, et qu'on pouvait conférer certaines fonctions par
privilège. C'est même là ce qui constitue la dissemblance des
gouvernements. Dans les démocraties, tous les droits sont communs ;
c'est le contraire dans les oligarchies.
§ 2. Le gouvernement parfait que nous
cherchons est précisément celui qui assure au corps social la plus
large part de bonheur. Or le bonheur, avons-nous dit, est
inséparable de la vertu; ainsi, dans cette république parfaite où la
vertu des citoyens sera réelle, dans toute l'étendue du mot, et non
point relativement à un système donné, ils s'abstiendront
soigneusement de toute profession mécanique, de toute spéculation
mercantile, travaux dégradés et contraires à la vertu. Ils ne se
livreront pas davantage à l'agriculture ; [1329a] il faut du
loisir pour acquérir la vertu et pour s'occuper de la chose
publique. § 3. Reste encore la classe des guerriers ; et la classe
qui délibère sur les affaires de l'État et juge les procès. Ces deux
éléments-là surtout semblent devoir constituer essentiellement la
cité. Les deux ordres de fonctions qui les concernent, seront-ils
remis à des mains séparées, ou réunis dans les mêmes mains ? A cette
question aussi, la réponse est évidente ; ils doivent être séparés
jusqu'à certain point, et jusqu'à certain point réunis : séparés,
parce qu'ils se rapportent à des âges différents, et qu'il faut, ici
de la prudence, là de ]a vigueur ; réunis, parce qu'il est
impossible que des gens qui ont la force en main et qui peuvent en
user, se résignent à une soumission éternelle. Les citoyens armés
sont toujours les maîtres de maintenir ou de renverser le
gouvernement. § 4. Il n'y a donc qu'à confier toutes ces fonctions
aux mêmes mains, mais seulement à des époques différentes de la vie,
et comme l'indique la nature elle-même ; puisque la vigueur
appartient à la jeunesse, et la prudence à l'âge mûr, qu'on partage
les attributions d'après ce principe aussi utile qu'équitable, et
qui repose sur la diversité même des mérites.
§ 5. C'est aussi à ces deux classes
que les biens-fonds doivent appartenir ; car nécessairement
l'aisance doit être acquise aux citoyens, et ceux-là le sont
essentiellement. Quant à l'artisan, il n'a pas de droits politiques,
non plus que toute autre classe étrangère aux nobles occupations de
la vertu. C'est une conséquence évidente de nos principes. Le
bonheur réside exclusivement dans la vertu ; et pour dire d'une cité
qu'elle est heureuse, il faut tenir compte non pas de quelques-uns
de ses membres, mais de tous les citoyens sans exception. Ainsi, les
propriétés appartiendront en propre aux citoyens ; et les laboureurs
seront nécessairement ou des esclaves, ou des barbares, ou des
serfs.
§ 6. Enfin parmi les éléments de la
cité, reste l'ordre des pontifes, dont la position est bien marquée
dans l'État. Un laboureur, un ouvrier ne peut jamais arriver aux
fonctions du pontificat ; c'est aux citoyens seuls qu'appartient le
service des dieux; or le corps politique est divisé en deux parties,
l'une guerrière, l'autre délibérante ; mais comme il est à la fois
convenable et qu'on rende un culte à la Divinité, et qu'on assure le
repos aux citoyens épuisés par l'âge, c'est à ceux-là qu'il faut
remettre le soin du sacerdoce.
§ 7. Tels sont donc les éléments
indispensables à l'existence de l'État, les parties réelles de la
cité. Elle ne peut d'une part se passer de laboureurs, d'artisans et
de mercenaires de tout genre ; mais d'autre part, la classe
guerrière et la classe délibérante sont les seules qui la composent
politiquement. Ces deux grandes divisions de l'État se distinguent
encore entre elles, l'une par la perpétuité, l'autre par
l'alternative des fonctions. |
§ 1. Nous avons déjà dit.
Un des derniers éditeurs de la Politique, M. Goettling, s'est appuyé
sur ce passage pour soutenir (voir sa préface, p. 22) que l'ancien
VIIe livre devait venir après l'ancien IVe, puisque Aristote a
traité à la fin de ce dernier le sujet qu'il rappelle ici. Mais
cette question n'a été traitée dans le passage qu'indique M.
Goettling que par rapport à la démocratie. Elle a été au contraire
traitée d'une manière générale, quoique avec moins d'étendue, dans
le IIIe livre, ch. VI, § 6, et ch. VII, § 9, à propos de la
souveraineté.
-- La dissemblance des
gouvernements. Voir liv. III, ch. V § 2 et suiv.
§ 2. Avons-nous dit.
Voir plus haut, ch. 1, § 3.
- A l'agriculture, ce
préjugé n'a pas arrêté les Romains ; et l'agriculture a été une des
causes les plus énergiques de leur valeur guerrière et de leur
grandeur.
--
Du loisir. Voir plus
haut, liv. II, ch. VI, § 2.
§ 5. L'aisance. Voir
plus haut, § 2.
-- Ou des serfs. Voir
liv. II, ch. VI, § 3. |
CHAPITRE IX.
Suite. Antiquité de certaines
institutions politiques, et spécialement de la division par castes
et des repas communs ; exemples de l'Égypte, de la Crète et de
l'Italie ; de la division des propriétés dans la république parfaite
; du choix des esclaves. |
§ 1. Ἔοικε δὲ οὐ νῦν οὐδὲ νεωστὶ τοῦτ᾽ εἶναι γνώριμον τοῖς περὶ πολιτείας
φιλοσοφοῦσιν, [1329b] ὅτι δεῖ διῃρῆσθαι χωρὶς κατὰ γένη τὴν πόλιν
καὶ τό τε μάχιμον ἕτερον εἶναι καὶ τὸ γεωργοῦν. Ἐν Αἰγύπτῳ τε γὰρ
ἔχει τὸν τρόπον τοῦτον ἔτι καὶ νῦν, τά τε περὶ τὴν Κρήτην, τὰ μὲν
οὖν περὶ Αἴγυπτον Σεσώστριος, ὥς φασιν, οὕτω νομοθετήσαντος, Μίνω δὲ
τὰ [5] περὶ Κρήτην. § 2. Ἀρχαία δὲ ἔοικεν εἶναι καὶ τῶν συσσιτίων ἡ
τάξις, τὰ μὲν περὶ Κρήτην γενόμενα περὶ τὴν Μίνω βασιλείαν, τὰ δὲ
περὶ τὴν Ἰταλίαν πολλῷ παλαιότερα τούτων. Φασὶ γὰρ οἱ λόγιοι τῶν
ἐκεῖ κατοικούντων Ἰταλόν τινα γενέσθαι βασιλέα τῆς Οἰνωτρίας, ἀφ᾽ οὗ
τό τε ὄνομα [10] μεταβαλόντας Ἰταλοὺς ἀντ᾽ Οἰνωτρῶν κληθῆναι καὶ τὴν
ἀκτὴν ταύτην τῆς Εὐρώπης Ἰταλίαν τοὔνομα λαβεῖν, ὅση τετύχηκεν ἐντὸς
οὖσα τοῦ κόλπου τοῦ Σκυλλητικοῦ καὶ τοῦ Λαμητικοῦ· ἀπέχει δὲ ταῦτα
ἀπ᾽ ἀλλήλων ὁδὸν ἡμισείας ἡμέρας. § 3. Τοῦτον δὴ λέγουσι τὸν Ἰταλὸν
νομάδας τοὺς [15] Οἰνωτροὺς ὄντας ποιῆσαι γεωργούς, καὶ νόμους
ἄλλους τε αὐτοῖς θέσθαι καὶ τὰ συσσίτια καταστῆσαι πρῶτον· διὸ καὶ
νῦν ἔτι τῶν ἀπ᾽ ἐκείνου τινὲς χρῶνται τοῖς συσσιτίοις καὶ τῶν νόμων
ἐνίοις. ᾬκουν δὲ τὸ μὲν πρὸς τὴν Τυρρηνίαν Ὀπικοὶ καὶ πρότερον καὶ
νῦν καλούμενοι τὴν ἐπωνυμίαν [20] Αὔσονες, τὸ δὲ πρὸς τὴν Ἰαπυγίαν
καὶ τὸν Ἰόνιον Χῶνες, τὴν καλουμένην Σύρτιν· ἦσαν δὲ καὶ οἱ Χῶνες
Οἰνωτροὶ τὸ γένος.
§ 4. Ἡ μὲν οὖν τῶν συσσιτίων τάξις ἐντεῦθεν γέγονε
πρῶτον, ὁ δὲ χωρισμὸς ὁ κατὰ γένος τοῦ πολιτικοῦ πλήθους ἐξ
Αἰγύπτου· πολὺ γὰρ ὑπερτείνει τοῖς χρόνοις τὴν [25] Μίνω βασιλείαν ἡ
Σεσώστριος. Σχεδὸν μὲν οὖν καὶ τὰ ἄλλα δεῖ νομίζειν εὑρῆσθαι
πολλάκις ἐν τῷ πολλῷ χρόνῳ, μᾶλλον δ᾽ ἀπειράκις. Τὰ μὲν γὰρ ἀναγκαῖα
τὴν χρείαν διδάσκειν εἰκὸς αὐτήν, τὰ δ᾽ εἰς εὐσχημοσύνην καὶ
περιουσίαν ὑπαρχόντων ἤδη τούτων εὔλογον λαμβάνειν τὴν αὔξησιν· [30]
ὥστε καὶ τὰ περὶ τὰς πολιτείας οἴεσθαι δεῖ τὸν αὐτὸν ἔχειν τρόπον. §
5. Ὅτι δὲ πάντα ἀρχαῖα, σημεῖον τὰ περὶ Αἴγυπτόν ἐστιν· οὗτοι γὰρ
ἀρχαιότατοι μὲν δοκοῦσιν εἶναι, νόμων δὲ τετυχήκασιν <ἀεὶ> καὶ
τάξεως πολιτικῆς. Διὸ δεῖ τοῖς μὲν εὑρημένοις ἱκανῶς χρῆσθαι, τὰ δὲ
παραλελειμμένα [35] πειρᾶσθαι ζητεῖν.
§ 6. Ὅτι μὲν οὖν δεῖ τὴν χώραν εἶναι τῶν ὅπλα κεκτημένων καὶ τῶν τῆς
πολιτείας μετεχόντων, εἴρηται πρότερον, καὶ διότι τοὺς γεωργοῦντας
αὐτῶν ἑτέρους εἶναι δεῖ, καὶ πόσην τινὰ χρὴ καὶ ποίαν εἶναι τὴν
χώραν· περὶ δὲ τῆς [40] διανομῆς καὶ τῶν γεωργούντων, τίνας καὶ
ποίους εἶναι χρή, λεκτέον πρῶτον, ἐπειδὴ οὔτε κοινήν φαμεν εἶναι
δεῖν τὴν κτῆσιν ὥσπερ τινὲς εἰρήκασιν, [1330a] ἀλλὰ τῇ χρήσει
φιλικῶς γινομένῃ κοινήν, οὔτ᾽ ἀπορεῖν οὐθένα τῶν πολιτῶν τροφῆς. Περὶ συσσιτίων τε συνδοκεῖ πᾶσι χρήσιμον εἶναι ταῖς εὖ
κατεσκευασμέναις πόλεσιν ὑπάρχειν· δι᾽ ἣν δ᾽ αἰτίαν συνδοκεῖ [5] καὶ
ἡμῖν, ὕστερον ἐροῦμεν. Δεῖ δὲ τούτων κοινωνεῖν πάντας τοὺς πολίτας,
οὐ ῥᾴδιον δὲ τοὺς ἀπόρους ἀπὸ τῶν ἰδίων τε εἰσφέρειν τὸ
συντεταγμένον καὶ διοικεῖν τὴν ἄλλην οἰκίαν. § 7. Ἔτι δὲ τὰ πρὸς τοὺς
θεοὺς δαπανήματα κοινὰ πάσης τῆς πόλεώς ἐστιν. Ἀναγκαῖον τοίνυν εἰς
δύο μέρη [10] διῃρῆσθαι τὴν χώραν, καὶ τὴν μὲν εἶναι κοινὴν τὴν δὲ
τῶν ἰδιωτῶν, καὶ τούτων ἑκατέραν διῃρῆσθαι δίχα πάλιν, τῆς μὲν
κοινῆς τὸ μὲν ἕτερον μέρος εἰς τὰς πρὸς τοὺς θεοὺς λειτουργίας τὸ δὲ
ἕτερον εἰς τὴν τῶν συσσιτίων δαπάνην, τῆς δὲ τῶν ἰδιωτῶν τὸ ἕτερον
μέρος τὸ πρὸς τὰς ἐσχατιάς, [15] τὸ δὲ ἕτερον πρὸς πόλιν, ἵνα δύο
κλήρων ἑκάστῳ νεμηθέντων ἀμφοτέρων τῶν τόπων πάντες μετέχωσιν. § 8.
Τό τε
γὰρ ἴσον οὕτως ἔχει καὶ τὸ δίκαιον καὶ τὸ πρὸς τοὺς ἀστυγείτονας
πολέμους ὁμονοητικώτερον. Ὅπου γὰρ μὴ τοῦτον ἔχει τὸν τρόπον, οἱ μὲν
ὀλιγωροῦσι τῆς πρὸς τοὺς ὁμόρους [20] ἔχθρας, οἱ δὲ λίαν φροντίζουσι
καὶ παρὰ τὸ καλόν. Διὸ παρ᾽ ἐνίοις νόμος ἐστὶ τοὺς γειτνιῶντας τοῖς
ὁμόροις μὴ συμμετέχειν βουλῆς τῶν πρὸς αὐτοὺς πολέμων, ὡς διὰ τὸ
ἴδιον οὐκ ἂν δυναμένους βουλεύσασθαι καλῶς. Τὴν μὲν οὖν χώραν ἀνάγκη
διῃρῆσθαι τὸν τρόπον τοῦτον διὰ τὰς προειρημένας [25] αἰτίας· § 9. τοὺς
δὲ γεωργήσοντας μάλιστα μέν, εἰ δεῖ κατ᾽ εὐχήν, δούλους εἶναι, μήτε
ὁμοφύλων πάντων μήτε θυμοειδῶν (οὕτω γὰρ ἂν πρός τε τὴν ἐργασίαν
εἶεν χρήσιμοι καὶ πρὸς τὸ μηδὲν νεωτερίζειν ἀσφαλεῖς), δεύτερον δὲ
βαρβάρους περιοίκους παραπλησίους τοῖς εἰρημένοις τὴν φύσιν, [30]
τούτων δὲ τοὺς μὲν ἐν τοῖς ἰδίοις εἶναι [ἰδίους] τῶν κεκτημένων τὰς
οὐσίας, τοὺς δ᾽ ἐπὶ τῇ κοινῇ γῇ κοινούς. Τίνα δὲ δεῖ τρόπον χρῆσθαι
δούλοις, καὶ διότι βέλτιον πᾶσι τοῖς δούλοις ἆθλον προκεῖσθαι τὴν
ἐλευθερίαν, ὕστερον ἐροῦμεν. |
§ § 1. Ce n'est point du reste,
en philosophie politique, une découverte contemporaine ni même
récente, [1239b] que cette division nécessaire des individus
en classes distinctes, les guerriers d'un côté, les laboureurs de
l'autre. Elle existe encore aujourd'hui en Égypte et en Crète,
instituée là, dit-on, par les lois de Sésostris, ici par celles de
Minos. § 2. L'établissement des repas communs n'est pas moins
antique, et remonte pour la Crète au règne de Minos, et pour
l'Italie, à une époque encore plus reculée. Les savants de ce
dernier pays assurent que c'est d'un certain Italus, devenu roi de
l'Oenotrie, que les Oenotriens ont changé leur nom en celui
d'Italiens, et que le nom d'Italie fut donné à toute cette partie
des rivages d'Europe comprise entre les golfes Scyllétique et
Lamétique, distants l'un de l'autre d'une demi-journée de route. §
3. On ajoute qu'Italus rendit agriculteurs les Oenotriens auparavant
nomades, et que, parmi d'autres institutions, il leur donna celle
des repas communs. Aujourd'hui même il y a des cantons qui ont
conservé cette coutume, avec quelques-unes des lois d'Italus. Elle
existait chez les Opiques, habitants des rivages de la Tyrrhénie, et
qui portent encore leur ancien surnom d'Ausoniens ; on la retrouve
chez les Choniens, qui occupent le pays nommé Syrtis, sur les côtes
de l'Iapygie et du golfe Ionique. On sait d'ailleurs que les
Choniens étaient aussi d'origine oenotrienne.
§ 4. Les repas communs ont donc pris
naissance en Italie. La division des citoyens par classes vient
d'Égypte, et le règne de Sésostris est bien antérieur à celui de
Minos. On doit croire du reste que, dans le cours des siècles, les
hommes ont dû imaginer ces institutions et bien d'autres ; plusieurs
fois, ou, pour mieux dire, une infinité de fois. D'abord le besoin
même a nécessairement suggéré les moyens de satisfaire les premières
nécessités ; et ce fonds une fois acquis, les perfectionnements et
l'abondance ont dû, selon toute apparence, se développer dans le
même rapport ; c'est donc une conséquence fort logique que de croire
cette loi également applicable aux institutions politiques. § 5.
Tout à cet égard est bien vieux ; l'Égypte est là pour le prouver.
Personne ne contestera sa prodigieuse antiquité, et de tout temps
elle a possédé des lois et une organisation politique. Il faut donc
suivre nos prédécesseurs partout où ils ont bien fait, et ne songer
à l'innovation que là où ils nous ont laissé des lacunes à remplir.
§ 6. Nous avons dit que les
biens-fonds appartenaient de droit à ceux qui possèdent les armes et
les droits politiques ; et nous avons ajouté, en déterminant les
qualités et l'étendue du territoire, que les laboureurs devaient
former une classe séparée de celle-là. Nous parlerons ici de la
division des propriétés, du nombre et de l'espèce des laboureurs.
Nous avons déjà rejeté la communauté des terres admise par quelques
auteurs ; mais nous avons déclaré que la bienveillance des citoyens
entre eux devait en rendre l'usage commun, [1330a) pour que
tous fussent assurés au moins de leur subsistance. On regarde
généralement l'établissement des repas communs comme parfaitement
profitable à tout État bien constitué. Nous dirons plus tard
pourquoi nous adoptons aussi ce principe ; mais il faut que tous les
citoyens sans exception viennent y prendre place ; et c'est chose
difficile que les pauvres, en y apportant la part fixée par la loi,
puissent en outre subvenir à tous les autres besoins de leur
famille. § 7. Les frais du culte divin sont encore une charge
commune de la cité. Ainsi donc, le territoire doit être divisé en
deux portions, l'une au public, l'autre aux particuliers ; et toutes
deux seront subdivisées en deux autres. La première portion sera
subdivisée pour fournir à la fois, et aux dépenses du culte et à
celles des repas communs. Quant à la seconde, on la divisera pour
que, chaque citoyen possédant quelque chose en même temps, et sur la
frontière et aux environs de la cité, soit intéressé également à la
défense des deux localités. § 8. Cette répartition, équitable en
elle-même, assure l'égalité des citoyens, et leur union plus intime
contre les ennemis communs qui les avoisinent. Partout où elle n'est
pas établie, les uns s'inquiètent fort peu des hostilités qui
désolent la frontière ; les autres les redoutent avec une honteuse
pusillanimité. Aussi, dans quelques États, la loi exclut les
propriétaires de la frontière de toute délibération sur les
agressions ennemies qui les atteignent, comme trop directement
intéressés pour être bons juges. Tels sont les motifs qui doivent
faire partager le territoire comme nous venons de le dire. § 9.
Quant à ceux qui le doivent cultiver, si l'on a le choix, il faut
prendre surtout des esclaves, et avoir soin qu'ils ne soient pas
tous de la même nation, et surtout qu'ils ne soient pas belliqueux.
Avec ces deux conditions, ils seront excellents pour accomplir leur
travail et ne songeront point à s'insurger. Ensuite, à ces esclaves
il faut joindre quelques barbares à l'état de serfs, et qui
présenteront les mêmes qualités que les esclaves. Sur les terres
particulières, ils appartiendront au propriétaire ; sur les terres
publiques, ils seront à l'État. Nous dirons plus loin comment il
faut agir avec les esclaves, et pourquoi l'on doit toujours leur
présenter la liberté comme le prix de leurs travaux. |
§ 1. Sésostris. Il
résulte des recherches les plus récentes qu'on doit placer Sésostris
dix-huit cents ans au moins avant J.-C. ; Aristote parle donc ici
d'une institution qui, de son temps, comptait déjà quinze siècles
d'existence.
--
Ici par celles de Minos.
Minos peut être placé trois ou quatre cents ans après Sésostris.
Voir plus loin, § 4 et 5.
§ 2. Les savants de ce
dernier pays. Niebuhr pense qu'Aristote a dû tirer tous ces
renseignements sur l'Italie des ouvrages d'Antiochus de Syracuse,
historien qui vivait à peu près cent ans avant lui, et dont parlent
Denys d'Halicarnasse, Antiq. Rom., livre XII, chap. LXXI, et
Strabon, liv. VI, p. 202, lig. 13, édit. Firmin Didot ; et passim.
Voir Niebuhr, Hist. Rom., t. 1, p. 32.
--
Une demi-journée de route.
Cent soixante stades, selon Strabon, liv. VI, ch. 1, p. 245, un peu
plus de six lieues. Le golfe de Scyllace ou Squillace porte encore
ce nom, et est placé à l'orient de l'isthme que forme l'Italie à sa
pointe méridionale. Le golfe Lamétique, qu'Antiochus et Strabon
nomment Napitinique, est le golfe de Sainte-Euphémie, sur la mer de
Naples, à la partie occidentale de l'isthme.
§ 3. Les Oenotriens,
auparavant nomades. Les Oenotriens habitaient dans le Brutium et
dans la partie sud-est de la Laconie. Voir Niebuhr, p. 39.
-- La Tyrrhénie. Les
Grecs appelaient du nom commun de Tyrrhénie toute la partie
occidentale de l'Italie.
-- Opiques... Ausoniens.
Voir Niebuhr, p. 39 et 48.
Les Choniens étaient dans la
Grande-Grèce, à l'extrémité méridionale de l'Italie ; les Chaoniens
habitaient de l'autre côté du golfe Adriatique, en Épire. Voir
Niebuhr, p. 40.
§ 5. Sa prodigieuse
antiquité. L'astronomie moderne croit avoir constaté , d'après
divers monuments authentiques, que les observations positives des
Égyptiens remontaient à 3285 ans avant l'ère chrétienne. Voir la
séance de l'Académie des sciences, du 30 juin1834.
- Une organisation
politique. La Grèce avait reçu, dans les temps les plus reculés,
des colonies et des institutions égyptiennes ; Inachus, Phoronée,
Cécrops, Cadmus, Danaüs, venaient d'Égypte.
§ 6. Nous avons dit. Voir
plus haut, ch. VIII, § 5.
-- Par quelques
auteurs. C'est Platon qu'Aristote désigne ici. Voir plus haut,
liv. II ch. II, § 4.
--
Nous avons déclaré.
Liv. II, chap. II, § 5.
--
Plus tard, Aristote
parle plus loin, il est vrai, des repas publics (ch. X, § 8, et ch.
XI, § 3) ; mais il n'explique point ses motifs pour approuver cette
institution, ainsi qu'il l'annonce ici.
§ 7. Sur la frontière.
Le lexique de Photius, au mot «Eschatias », cite ce passage
d'Aristote, et prétend qu'il est tiré du VIIe livre de la
République. Eustathe a commis une faute à peu près semblable, sur le
titre de l'ouvrage d'Aristote. Voir liv. VIII (5), ch. IX, § 6. Il
est possible, du reste, que Photius entende ici par «République »,
non pas le titre de l'ouvrage entier, mais bien le sujet même du
morceau dont il tire sa citation ; et alors « de la République »
serait une expression juste.
--
Quant à cette division des
propriétés particulières, voir plus haut la critique qu'Aristote
fait contre Platon, liv. II, ch. III, § 8.
§ 9. Plus loin. Voir
l'Économique, liv. I, ch. V. Schneider a pensé que cette indication
d'Aristote se rapportait à une partie de son ouvrage qui nous
manque. Schneider s'est trompé ; ici, du moins, il n'y a point de
lacune. Oresme l'avait déjà bien reconnu. La pensée fort humaine
qu'exprime ici Aristote, et qu'il répète dans l'Économique, prouve
assez qu'il n'était point partisan aveugle de l'esclavage ; en
outre, son testament, que nous a conservé Diogène de Laërte, atteste
que le philosophe mettait lui-même en pratique ces principes
généreux ; il y donne la liberté à tous ses esclaves, et les
recommande à la bienveillance de son exécuteur testamentaire. Voir
Diogène de Laërte, liv. V, p. 169. Voir aussi plus haut, liv. 1, ch.
II, § 3, et la préface. |
CHAPITRE X.
Suite. De la position de la cité ;
conditions qu'il faut rechercher, la salubrité, les eaux ; des
fortifications de la cité ; il lui faut des murailles qui puissent
aider au courage de ses habitants ; fausses théories répandues à ce
sujet ; les progrès de l'art des sièges exigent que les cités
sachent se défendre aussi habilement qu'on les attaque. |
§ 1. Τὴν δὲ πόλιν ὅτι μὲν δεῖ κοινὴν εἶναι τῆς ἠπείρου τε [35] καὶ τῆς
θαλάττης καὶ τῆς χώρας ἁπάσης ὁμοίως ἐκ τῶν ἐνδεχομένων, εἴρηται
πρότερον· αὐτῆς δὲ προσάντη τὴν θέσιν εὔχεσθαι δεῖ κατατυγχάνειν
πρὸς τέτταρα βλέποντας, πρῶτον μὲν ὡς ἀναγκαῖον πρὸς ὑγίειαν (αἵ τε
γὰρ πρὸς ἕω τὴν ἔγκλισιν ἔχουσαι καὶ πρὸς τὰ πνεύματα [40] τὰ
πνέοντα ἀπὸ τῆς ἀνατολῆς ὑγιεινότεραι, δεύτερον δ᾽ <αἱ> κατὰ βορέαν·
εὐχείμεροι γὰρ αὗται μᾶλλον)· § 2. [1330b] τῶν δὲ λοιπῶν πρὸς τὸ τὰς
πολιτικὰς πράξεις καὶ πολεμικὰς καλῶς ἔχει. Πρὸς μὲν οὖν τὰς
πολεμικὰς αὐτοῖς μὲν εὐέξοδον εἶναι χρή, τοῖς δ᾽ ἐναντίοις
δυσπρόσοδον καὶ δυσπερίληπτον, ὑδάτων τε καὶ ναμάτων μάλιστα μὲν
ὑπάρχειν πλῆθος [5] οἰκεῖον, εἰ δὲ μή, τοῦτό γε εὕρηται διὰ τοῦ
κατασκευάζειν ὑποδοχὰς ὀμβρίοις ὕδασιν ἀφθόνους καὶ μεγάλας, ὥστε
μηδέποτε ὑπολείπειν εἰργομένους τῆς χώρας διὰ πόλεμον· § 3. ἐπεὶ δὲ δεῖ
περὶ ὑγιείας φροντίζειν τῶν ἐνοικούντων, τοῦτο δ᾽ ἐστὶν ἐν τῷ
κεῖσθαι τὸν τόπον ἔν τε τοιούτῳ καὶ πρὸς [10] τοιοῦτον καλῶς,
δεύτερον δὲ ὕδασιν ὑγιεινοῖς χρῆσθαι, καὶ τούτου τὴν ἐπιμέλειαν
ἔχειν μὴ παρέργως. Οἷς γὰρ πλείστοις χρώμεθα πρὸς τὸ σῶμα καὶ
πλειστάκις, ταῦτα πλεῖστον συμβάλλεται πρὸς τὴν ὑγίειαν· ἡ δὲ τῶν
ὑδάτων καὶ τοῦ πνεύματος δύναμις τοιαύτην ἔχει τὴν φύσιν. Διόπερ ἐν
[15] ταῖς εὖ φρονούσαις δεῖ διωρίσθαι πόλεσιν, ἐὰν μὴ πάνθ᾽ ὅμοια
μηδ᾽ ἀφθονία τοιούτων ᾖ ναμάτων, χωρὶς τά τε εἰς τροφὴν ὕδατα καὶ τὰ
πρὸς τὴν ἄλλην χρείαν.
§ 4. Περὶ δὲ τόπων ἐρυμνῶν οὐ πάσαις ὁμοίως ἔχει τὸ συμφέρον ταῖς
πολιτείαις· οἷον ἀκρόπολις ὀλιγαρχικὸν καὶ μοναρχικόν, [20]
δημοκρατικὸν δ᾽ ὁμαλότης, ἀριστοκρατικὸν δὲ οὐδέτερον, ἀλλὰ μᾶλλον
ἰσχυροὶ τόποι πλείους. Ἡ δὲ τῶν ἰδίων οἰκήσεων διάθεσις ἡδίων μὲν
νομίζεται καὶ χρησιμωτέρα πρὸς τὰς ἄλλας πράξεις, ἂν εὔτομος ᾖ καὶ
κατὰ τὸν νεώτερον καὶ τὸν Ἱπποδάμειον τρόπον, πρὸς δὲ τὰς πολεμικὰς
[25] ἀσφαλείας τοὐναντίον ὡς εἶχον κατὰ τὸν ἀρχαῖον χρόνον·
δυσείσοδος γὰρ ἐκείνη τοῖς ξενικοῖς καὶ δυσεξερεύνητος τοῖς
ἐπιτιθεμένοις. § 5. Διὸ δεῖ τούτων ἀμφοτέρων μετέχειν (ἐνδέχεται γάρ, ἄν
τις οὕτως κατασκευάζῃ καθάπερ ἐν τοῖς γεωργοῖς ἃς καλοῦσί τινες τῶν
ἀμπέλων συστάδας), καὶ τὴν μὲν [30] ὅλην μὴ ποιεῖν πόλιν εὔτομον,
κατὰ μέρη δὲ καὶ τόπους· οὕτω γὰρ καὶ πρὸς ἀσφάλειαν καὶ πρὸς κόσμον
ἕξει καλῶς. Περὶ δὲ τειχῶν, οἱ μὴ φάσκοντες δεῖν ἔχειν τὰς τῆς ἀρετῆς
ἀντιποιουμένας πόλεις λίαν ἀρχαίως ὑπολαμβάνουσιν, καὶ ταῦθ᾽ ὁρῶντες
ἐλεγχομένας ἔργῳ τὰς ἐκείνως καλλωπισαμένας. § 6. [35] Ἔστι δὲ πρὸς μὲν
τοὺς ὁμοίους καὶ μὴ πολὺ τῷ πλήθει διαφέροντας οὐ καλὸν τὸ πειρᾶσθαι
σῴζεσθαι διὰ τῆς τῶν τειχῶν ἐρυμνότητος· ἐπεὶ δὲ καὶ συμβαίνειν
ἐνδέχεται πλείω τὴν ὑπεροχὴν γίγνεσθαι τῶν ἐπιόντων τῆς ἀνθρωπίνης
τῆς ἐν τοῖς ὀλίγοις ἀρετῆς, εἰ δεῖ σῴζεσθαι [40] καὶ μὴ πάσχειν
κακῶς μηδὲ ὑβρίζεσθαι, τὴν ἀσφαλεστάτην ἐρυμνότητα τῶν τειχῶν
οἰητέον εἶναι πολεμικωτάτην, [1331a] ἄλλως τε καὶ νῦν εὑρημένων τῶν
περὶ τὰ βέλη καὶ τὰς μηχανὰς εἰς ἀκρίβειαν πρὸς τὰς πολιορκίας.
§ 7. Ὅμοιον γὰρ τὸ τείχη μὴ περιβάλλειν ταῖς πόλεσιν ἀξιοῦν καὶ τὸ τὴν
χώραν εὐέμβολον ζητεῖν καὶ περιαιρεῖν τοὺς [5] ὀρεινοὺς τόπους,
ὁμοίως δὲ καὶ ταῖς οἰκήσεσι ταῖς ἰδίαις μὴ περιβάλλειν τοίχους ὡς
ἀνάνδρων ἐσομένων τῶν κατοικούντων. Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ τοῦτό γε δεῖ
λανθάνειν, ὅτι τοῖς μὲν περιβεβλημένοις τείχη περὶ τὴν πόλιν ἔξεστιν
ἀμφοτέρως χρῆσθαι ταῖς πόλεσιν, καὶ ὡς ἐχούσαις τείχη καὶ ὡς μὴ [10]
ἐχούσαις, τοῖς δὲ μὴ κεκτημένοις οὐκ ἔξεστιν. § 8. Εἰ δὴ τοῦτον ἔχει τὸν
τρόπον, οὐχ ὅτι τείχη μόνον περιβλητέον, ἀλλὰ καὶ τούτων
ἐπιμελητέον, ὅπως καὶ πρὸς κόσμον ἔχῃ τῇ πόλει πρεπόντως καὶ πρὸς
τὰς πολεμικὰς χρείας, τάς τε ἄλλας καὶ τὰς νῦν ἐπεξευρημένας. Ὥσπερ
γὰρ τοῖς ἐπιτιθεμένοις [15] ἐπιμελές ἐστι δι᾽ ὧν τρόπων
πλεονεκτήσουσιν, οὕτω τὰ μὲν εὕρηται τὰ δὲ δεῖ ζητεῖν καὶ φιλοσοφεῖν
καὶ τοὺς φυλαττομένους· ἀρχὴν γὰρ οὐδ᾽ ἐπιχειροῦσιν ἐπιτίθεσθαι τοῖς
εὖ παρεσκευασμένοις. Ἐπεὶ δὲ δεῖ τὸ μὲν πλῆθος τῶν πολιτῶν ἐν συσσιτίοις [20]
κατανενεμῆσθαι, τὰ δὲ τείχη διειλῆφθαι φυλακτηρίοις καὶ πύργοις κατὰ
τόπους ἐπικαίρους, δῆλον ὡς ταῦτα προκαλεῖται παρασκευάζειν ἔνια τῶν
συσσιτίων ἐν τούτοις τοῖς φυλακτηρίοις.
§ 9. Καὶ ταῦτα μὲν δὴ τοῦτον ἄν τις
διακοσμήσειε τὸν τρόπον·
|
§ 1. Nous ne répéterons pas pourquoi
la cité doit être à la fois continentale et maritime, et en rapport,
autant que possible, avec tous les points du territoire ; nous
l'avons dit plus haut. Quant à la position prise en elle-même,
quatre choses surtout sont à considérer. La première et la plus
importante, c'est la salubrité ; l'exposition au levant et aux vents
qui soufflent de ce côté est la plus saine de toutes ; l'exposition
au midi vient en second lieu, et elle a cet avantage que le froid y
est plus supportable durant l'hiver. § 2. [1330b] A. d'autres
égards, l'assiette de la ville doit être également choisie en vue
des occupations intérieures qu'y ont les citoyens, et des attaques
qu'elle peut avoir à supporter. Il faut qu'en cas de guerre, les
habitants puissent aisément en sortir, et que les ennemis aient
autant de peine à y entrer qu'à en faire le blocus. La cité doit
avoir dans ses murs des eaux et des sources naturelles en quantité ;
et à leur défaut, il convient de creuser de vastes et nombreuses
citernes, destinées à garder les eaux pluviales, pour qu'on ne
manque point d'eau, dans le cas où, durant la guerre, les
communications avec le pays viendraient à être coupées. § 3. Comme
la première condition c'est la santé pour les habitants, et qu'elle
résulte d'abord de l'exposition et de la situation de la ville telle
que nous l'avons dite, et en second lieu de l'usage d'eaux salubres,
ce dernier point exige aussi la plus sérieuse attention . Les choses
dont l'action s'exerce sur le corps le plus fréquemment et le plus
largement, ont aussi le plus d'influence sur la santé ; et telle est
précisément l'action naturelle de l'air et des eaux. Aussi partout
où les eaux naturelles ne seront ni également bonnes ni également
abondantes, il sera sage de séparer les eaux potables de celles qui
peuvent suffire aux usages ordinaires.
§ 4. Quant aux lieux de défense, la
nature et l'utilité de l'emplacement varient suivant les
constitutions. Une ville haute convient à l'oligarchie et à la
monarchie ; la démocratie préfère une plaine. L'aristocratie rejette
toutes ces positions, et s'accommode plutôt de quelques hauteurs
fortifiées. Quant à la disposition des habitations particulières,
elle paraît plus agréable et généralement plus commode, si elles
sont bien alignées à la moderne et d'après le système d'Hippodamus.
L'ancienne méthode avait, au contraire, l'avantage d'être plus sûre
en cas de guerre ; les étrangers, une fois engagés dans la ville,
pouvaient difficilement en sortir, et l'entrée ne leur avait pas
coûté moins de peine. § 5. Il faut combiner ces deux systèmes, et
l'on fera bien d'imiter ce que nos cultivateurs nomment des
quinconces dans la culture des vignes. On alignera donc la ville
seulement dans quelques parties, dans quelques quartiers, et non
dans toute sa superficie ; et l'on réunira par là l'élégance et la
sûreté. Enfin, quant aux remparts, ceux qui n'en veulent point
d'autres pour les cités que la valeur des habitants, sont dupes d'un
vieux préjugé, bien que les faits aient sous leurs yeux hautement
démenti les cités qui s'étaient fait ce singulier point d'honneur. §
6. Il y aurait peu de bravoure à ne se défendre, contre des ennemis
égaux ou peu supérieurs en nombre, qu'à l'abri de ses murailles ;
mais on a vu et l'on peut voir fort bien encore les assaillants
arriver en masse, sans que la valeur surhumaine d'une poignée de
braves puisse les repousser. Pour se mettre donc en garde contre des
revers et des désastres, pour échapper à une défaite certaine, les
moyens les plus militaires sont les fortifications les plus
inexpugnables, [1331a] surtout aujourd'hui où l'art des
sièges, avec ses traits et ses terribles machines, a fait tant de
progrès. § 7. Refuser des remparts aux villes serait aussi peu sensé
que de choisir un pays ouvert, ou d'en niveler toutes les hauteurs ;
autant vaudrait défendre d'entourer de murs les maisons
particulières, de peur d'inspirer de la lâcheté aux habitants. Mais
il faut bien se persuader que, quand on a des remparts, on peut à
volonté s'en servir ou ne s'en servir pas ; et que dans une ville
ouverte on n'a point le choix. § 8. Si nos réflexions sont justes,
il faut non seulement entourer la ville de remparts, mais il faut,
tout en en faisant un ornement, les rendre capables de résister à
tous les systèmes d'attaque, et surtout à ceux de la tactique
moderne. L'attaque ne néglige aucun moyen de succès ; la défense de
son côté doit chercher, méditer et inventer de nouvelles ressources
; et le premier avantage d'un peuple qui est bien sur ses gardes,
c'est qu'on songe beaucoup moins à l'attaquer. Mais comme il faut
pour les repas communs partager les citoyens en plusieurs sections,
et que les murailles aussi doivent, de distance en distance, et aux
endroits les plus convenables, avoir des tours et des corps de
garde, il est clair que ces tours seront naturellement destinées à
recevoir les réunions de citoyens pour les repas communs.
§ 9. Tels sont les principes qu'on
peut adopter relativement à la position de la cité et à l'utilité
des remparts. |
§ 1. Nous ne répéterons
pas. Voir plus haut, ch, v, § 2.
--
L'exposition au midi.
Le texte dit littéralement : « a contre-nord ».
§ 4. Le système
d'Hippodamus. La méthode d'HIippodamus était de diviser les
villes en rues régulières. Voir liv. II, ch. V, § 1.
--
L'ancienne méthode, au
contraire. L'ancienne méthode de construction consistait à
agglomérer sans aucun ordre les maisons les unes auprès des autres.
On croyait que cette disposition permettait contre l'ennemi une
défense plus facile et plus vigoureuse.
§ 5. Les faits aient sous
leurs yeux... Aristote veut sans doute faire allusion au siège
de Lacédémone par Épaminondas, la quatrième année de la CIIe
olympiade, 367 ans avant J.-C. Voir plus haut, liv. II, ch. VI, § 7.
§ 6. Ses terribles
machines. Archidamus , fils d'Agésilas, en voyant une catapulte
venue de Sicile, s'écria : « C'en est fait du courage individuel ! »
Voir Plutarque, Apophthegmes des Lacédémoniens. L'invention des
machines de guerre était peu ancienne, puisqu'elle remontait à
Périclès, qui, le premier, s'en était servi au siège de Samos, la
quatrième année de la LXXXIVe olympiade, 441 ans avant J.-C. ;
c'était un Lacédémonien qui les avait construites. Voir Diodore de
Sicile, liv. XII, ch. 28, § 3, p. 430, édit. Firmin Didot. Mais
bientôt cette invention avait reçu de grands perfectionnements,
auxquels avait surtout contribué Denys l'Ancien. Id., Diodore, liv.
XIV, ch. XLII, p. 577, édit. Firmin Didot. La découverte des armes à
feu n'excita pas moins de surprise et de découragement parmi les
chevaliers du moyen âge. Ils ont souvent répété comme Archidamus, et
avec aussi peu de raison, en voyant les canons et les arquebuses : «
C'en est fait du courage individuel !» |
CHAPITRE XI.
Suite. Des édifices consacrés au culte
dans la république parfaite ; des repas communs des magistrats ; des
places publiques et des gymnases ; de la police de la ville ; la
police des champs doit être organisée à peu près de la même façon. |
§ 1. τὰς δὲ τοῖς θείοις ἀποδεδομένας
οἰκήσεις [25] καὶ τὰ κυριώτατα τῶν ἀρχείων συσσίτια ἁρμόττει τόπον
ἐπιτήδειόν τε ἔχειν καὶ τὸν αὐτόν, ὅσα μὴ τῶν ἱερῶν ὁ νόμος ἀφορίζει
χωρὶς ἤ τι μαντεῖον ἄλλο πυθόχρηστον. Εἴη δ᾽ ἂν τοιοῦτος ὁ τόπος
ὅστις ἐπιφάνειάν τε ἔχει πρὸς τὴν τῆς θέσεως ἀρετὴν ἱκανῶς καὶ πρὸς
τὰ γειτνιῶντα [30] μέρη τῆς πόλεως ἐρυμνοτέρως. § 2. Πρέπει δ᾽ ὑπὸ μὲν
τοῦτον τὸν τόπον τοιαύτης ἀγορᾶς εἶναι κατασκευὴν οἵαν καὶ περὶ
Θετταλίαν νομίζουσιν ἣν ἐλευθέραν καλοῦσιν, αὕτη δ᾽ ἐστὶν ἣν δεῖ
καθαρὰν εἶναι τῶν ὠνίων πάντων, καὶ μήτε βάναυσον μήτε γεωργὸν μήτ᾽
ἄλλον μηδένα τοιοῦτον παραβάλλειν [35] μὴ καλούμενον ὑπὸ τῶν
ἀρχόντων. Εἴη δ᾽ ἂν εὔχαρις ὁ τόπος, εἰ καὶ τὰ γυμνάσια τῶν
πρεσβυτέρων ἔχοι τὴν τάξιν ἐνταῦθα· πρέπει γὰρ διῃρῆσθαι κατὰ τὰς
ἡλικίας καὶ τοῦτον τὸν κόσμον, καὶ παρὰ μὲν τοῖς νεωτέροις ἄρχοντάς
τινας διατρίβειν, τοὺς δὲ πρεσβυτέρους παρὰ [40] τοῖς ἄρχουσιν· ἡ
γὰρ ἐν ὀφθαλμοῖς τῶν ἀρχόντων παρουσία μάλιστα ἐμποιεῖ τὴν ἀληθινὴν
αἰδῶ καὶ τὸν τῶν ἐλευθέρων φόβον. [1331b] Τὴν δὲ τῶν ὠνίων ἀγορὰν
ἑτέραν τε δεῖ ταύτης εἶναι καὶ χωρίς, ἔχουσαν τόπον εὐσυνάγωγον τοῖς
τε ἀπὸ τῆς θαλάττης πεμπομένοις καὶ τοῖς ἀπὸ τῆς χώρας πᾶσιν.
§ 3. Ἐπεὶ δὲ τὸ πλῆθος διαιρεῖται τῆς πόλεως εἰς ἱερεῖς [5] καὶ εἰς
ἄρχοντας, πρέπει καὶ τῶν ἱερέων συσσίτια περὶ τὴν τῶν ἱερῶν
οἰκοδομημάτων ἔχειν τὴν τάξιν. Τῶν δ᾽ ἀρχείων ὅσα περὶ τὰ συμβόλαια
ποιεῖται τὴν ἐπιμέλειαν, περί τε γραφὰς δικῶν καὶ τὰς κλήσεις καὶ
τὴν ἄλλην τὴν τοιαύτην διοίκησιν, ἔτι δὲ περὶ τὴν ἀγορανομίαν καὶ
τὴν καλουμένην [10] ἀστυνομίαν, πρὸς ἀγορᾷ μὲν δεῖ καὶ συνόδῳ τινὶ
κοινῇ κατεσκευάσθαι, τοιοῦτος δ᾽ ὁ περὶ τὴν ἀναγκαίαν ἀγοράν ἐστι
τόπος· ἐνσχολάζειν μὲν γὰρ τὴν ἄνω τίθεμεν, ταύτην δὲ πρὸς τὰς
ἀναγκαίας πράξεις.
§ 4. Μεμιμῆσθαι δὲ χρὴ τὴν εἰρημένην τάξιν καὶ τὰ περὶ
τὴν χώραν· καὶ γὰρ ἐκεῖ τοῖς [15] ἄρχουσιν οὓς καλοῦσιν οἱ μὲν
ὑλωροὺς οἱ δὲ ἀγρονόμους καὶ φυλακτήρια καὶ συσσίτια πρὸς φυλακὴν
ἀναγκαῖον ὑπάρχειν, ἔτι δὲ ἱερὰ κατὰ τὴν χώραν εἶναι νενεμημένα, τὰ
μὲν θεοῖς τὰ δὲ ἥρωσιν.
Ἀλλὰ τὸ διατρίβειν νῦν ἀκριβολογουμένους καὶ
λέγοντας περὶ τῶν τοιούτων ἀργόν ἐστιν· οὐ [20] γὰρ χαλεπόν ἐστι τὰ
τοιαῦτα νοῆσαι, ἀλλὰ ποιῆσαι μᾶλλον· τὸ μὲν γὰρ λέγειν εὐχῆς ἔργον
ἐστί, τὸ δὲ συμβῆναι τύχης. Διὸ περὶ μὲν τῶν τοιούτων τό γε ἐπὶ
πλεῖον ἀφείσθω τὰ νῦν.
|
§ 1. Les édifices consacrés aux
cérémonies religieuses seront aussi splendides qu'ils doivent
l'être, et serviront à la fois aux repas solennels des principaux
magistrats et à l'accomplissement de tous les rites que la loi ou un
oracle de la Pythie n'a pas rendus secrets. Ce lieu, qu'on apercevra
de tous les quartiers environnants, qu'il doit dominer, sera tel que
l'exige la dignité des personnages qu'il recevra. § 2. Au bas de
l'éminence où sera situé l'édifice, il sera convenable de trouver la
place publique, disposée comme celle qu'on nomme en Thessalie la
Place de la Liberté. Cette place ne sera jamais souillée de
marchandises, et l'entrée en sera défendue aux artisans, aux
laboureurs et à tout autre individu de cette classe, à moins que le
magistrat ne les y appelle formellement. Il faut aussi que l'aspect
de ce lieu soit agréable, puisque c'est là que les hommes d'un âge
mûr se livreront aux exercices gymnastiques ; car on doit, même à
cet égard, séparer les âges divers. Quelques magistrats assisteront
aux jeux de la jeunesse, de même que les hommes mûrs iront assister
parfois à ceux des magistrats. Se sentir sous l'oeil du magistrat
inspire la véritable pudeur, et la crainte qui sied au coeur de
l'homme libre. [1331b] Loin de cette place, et bien séparée
d'elle, sera celle qui est destinée au marché ; le lieu sera d'un
facile accès à tous les transports venant de la mer ou de
l'intérieur du pays.
§ 3. Puisque le corps des citoyens se
partage en pontifes et en magistrats, il est convenable que les
repas communs des pontifes aient lieu dans le voisinage des édifices
consacrés. Quant aux magistrats chargés de prononcer sur les
contrats, sur les actions criminelles et civiles, et sur toutes les
affaires de ce genre, ou bien chargés de la surveillance des marchés
et de ce qu'on nomme la police de la ville, le lieu de leurs repas
doit être situé près de la place publique et d'un quartier
fréquenté. Le voisinage de la place du marché, où se font toutes les
transactions, sera surtout convenable à cet effet. Quant à l'autre
place dont nous avons parlé plus haut, elle doit jouir toujours d'un
calme absolu ; celle-ci, au contraire, sera destinée à toutes les
relations matérielles et indispensables.
§ 4. Toutes les divisions urbaines que
nous venons d'énumérer, devront aussi se répéter dans les cantons
ruraux. Là, les magistrats, qu'on les appelle, ou conservateurs des
forêts, ou inspecteurs des campagnes, auront aussi des corps de
garde pour la surveillance, et des repas communs. Dans les campagnes
également, seront répartis quelques temples, consacrés les uns aux
dieux, les autres aux héros.
Il est du reste inutile de nous
arrêter à des détails plus précis sur cet objet : ce sont là des
choses très faciles à imaginer, quoiqu'elles le soient beaucoup
moins à mettre en pratique. Pour les dire, il suffit de se laisser
aller à son désir ; mais il faut l'appui de la fortune pour les
exécuter. Aussi, nous nous contenterons de ce que nous avons exposé
sur ce sujet. |
§ 1. La dignité des
personnages. Ce passage a beaucoup embarrassé les éditeurs et
les commentateurs , et il est en effet fort embarrassant. Je crois
cependant que le texte suffit, et qu'il n'est pas besoin de
correction, bien que la pensée et l'expression puissent paraître
quelque peu bizarres. Les manuscrits, non plus que la vieille
traduction, ne laissent pas le moindre doute sur les mots. Bene se
habentem ad apparentiam virtutis », dit saint Thomas. Albert est
plus clair et plus explicite : « Locus qui exteriori pulchritudine
congruit pulchritudini virtutis quae est in cultu ». Cette
explication me paraît la seule admissible, et je l'ai suivie avec
quelques traducteurs. |
CHAPITRE XII.
Suite. Des qualités que les citoyens
doivent avoir dans la république parfaite ; conditions générales du
bonheur ; influence de la nature, des habitudes et de la raison ;
union nécessaire de ces trois conditions pour constituer le bonheur
de l'individu et de la cité ; il faut supposer qu'elles se
réunissent dans la cité parfaite. |
§ 1. Περὶ δὲ τῆς πολιτείας αὐτῆς, ἐκ τίνων καὶ ποίων [25] δεῖ συνεστάναι
τὴν μέλλουσαν ἔσεσθαι πόλιν μακαρίαν καὶ πολιτεύσεσθαι καλῶς,
λεκτέον. Ἐπεὶ δὲ δύ᾽ ἐστὶν ἐν οἷς γίγνεται τὸ εὖ πᾶσι, τούτοιν δ᾽
ἐστὶν ἓν μὲν ἐν τῷ τὸν σκοπὸν κεῖσθαι καὶ τὸ τέλος τῶν πράξεων
ὀρθῶς, ἓν δὲ τὰς πρὸς τὸ τέλος φερούσας πράξεις εὑρίσκειν (ἐνδέχεται
γὰρ [30] ταῦτα καὶ διαφωνεῖν ἀλλήλοις καὶ συμφωνεῖν· ἐνίοτε γὰρ ὁ
μὲν σκοπὸς ἔκκειται καλῶς, ἐν δὲ τῷ πράττειν τοῦ τυχεῖν αὐτοῦ
διαμαρτάνουσιν, ὁτὲ δὲ τῶν μὲν πρὸς τὸ τέλος πάντων ἐπιτυγχάνουσιν,
ἀλλὰ τὸ τέλος ἔθεντο φαῦλον, ὁτὲ δὲ ἑκατέρου διαμαρτάνουσιν, οἷον
περὶ ἰατρικήν· οὔτε γὰρ [35] ποῖόν τι δεῖ τὸ ὑγιαῖνον εἶναι σῶμα
κρίνουσιν ἐνίοτε καλῶς, οὔτε πρὸς τὸν ὑποκείμενον αὐτοῖς ὅρον
τυγχάνουσι τῶν ποιητικῶν· δεῖ δ᾽ ἐν ταῖς τέχναις καὶ ἐπιστήμαις
ταῦτα ἀμφότερα κρατεῖσθαι, τὸ τέλος καὶ τὰς εἰς τὸ τέλος πράξεις),
§ 2. ὅτι μὲν οὖν τοῦ τε εὖ ζῆν καὶ τῆς εὐδαιμονίας ἐφίενται [40] πάντες,
φανερόν, ἀλλὰ τούτων τοῖς μὲν ἐξουσία τυγχάνει τοῖς δὲ οὔ, διά τινα
τύχην ἢ φύσιν (δεῖται γὰρ καὶ χορηγίας τινὸς τὸ ζῆν καλῶς, [1332a]
τούτου δὲ ἐλάττονος μὲν τοῖς ἄμεινον διακειμένοις, πλείονος δὲ τοῖς
χεῖρον), οἱ δ᾽ εὐθὺς οὐκ ὀρθῶς ζητοῦσι τὴν εὐδαιμονίαν, ἐξουσίας
ὑπαρχούσης. Ἐπεὶ δὲ τὸ προκείμενόν ἐστι τὴν ἀρίστην πολιτείαν ἰδεῖν,
αὕτη δ᾽ [5] ἐστὶ καθ᾽ ἣν ἄριστ᾽ ἂν πολιτεύοιτο πόλις, ἄριστα δ᾽ ἂν
πολιτεύοιτο καθ᾽ ἣν εὐδαιμονεῖν μάλιστα ἐνδέχεται τὴν πόλιν, δῆλον
ὅτι τὴν εὐδαιμονίαν δεῖ, τί ἐστι, μὴ λανθάνειν. § 3. Φαμὲν δὲ (καὶ διωρίσμεθα ἐν τοῖς Ἠθικοῖς, εἴ τι τῶν λόγων ἐκείνων
ὄφελος) ἐνέργειαν εἶναι καὶ χρῆσιν ἀρετῆς τελείαν, καὶ ταύτην [10]
οὐκ ἐξ ὑποθέσεως ἀλλ᾽ ἁπλῶς. Λέγω δ᾽ ἐξ ὑποθέσεως τἀναγκαῖα, τὸ δ᾽
ἁπλῶς τὸ καλῶς· οἷον τὰ περὶ τὰς δικαίας πράξεις, αἱ δίκαιαι
τιμωρίαι καὶ κολάσεις ἀπ᾽ ἀρετῆς μέν εἰσιν, ἀναγκαῖαι δέ, καὶ τὸ
καλῶς ἀναγκαίως ἔχουσιν (αἱρετώτερον μὲν γὰρ μηδενὸς δεῖσθαι τῶν
τοιούτων [15] μήτε τὸν ἄνδρα μήτε τὴν πόλιν), αἱ δ᾽ ἐπὶ τὰς τιμὰς
καὶ τὰς εὐπορίας ἁπλῶς εἰσι κάλλισται πράξεις. Τὸ μὲν γὰρ ἕτερον
κακοῦ τινὸς ἀναίρεσίς ἐστιν, αἱ τοιαῦται δὲ πράξεις τοὐναντίον·
κατασκευαὶ γὰρ ἀγαθῶν εἰσι καὶ γεννήσεις. § 4. Χρήσαιτο δ᾽ ἂν ὁ σπουδαῖος
ἀνὴρ καὶ πενίᾳ καὶ νόσῳ καὶ [20] ταῖς ἄλλαις τύχαις ταῖς φαύλαις
καλῶς· ἀλλὰ τὸ μακάριον ἐν τοῖς ἐναντίοις ἐστίν (καὶ γὰρ τοῦτο
διώρισται κατὰ τοὺς ἠθικοὺς λόγους, ὅτι τοιοῦτός ἐστιν ὁ σπουδαῖος,
ᾧ διὰ τὴν ἀρετὴν ἀγαθά ἐστι τὰ ἁπλῶς ἀγαθά, δῆλον δ᾽ ὅτι καὶ τὰς
χρήσεις ἀναγκαῖον σπουδαίας καὶ καλὰς εἶναι ταύτας [25] ἁπλῶς)· διὸ
καὶ νομίζουσιν ἄνθρωποι τῆς εὐδαιμονίας αἴτια τὰ ἐκτὸς εἶναι τῶν
ἀγαθῶν, ὥσπερ εἰ τοῦ κιθαρίζειν λαμπρὸν καὶ καλῶς αἰτιῷντο τὴν λύραν
μᾶλλον τῆς τέχνης.
§ 5. Ἀναγκαῖον τοίνυν ἐκ τῶν εἰρημένων τὰ μὲν ὑπάρχειν, τὰ δὲ
παρασκευάσαι τὸν νομοθέτην. Διὸ κατατυχεῖν εὐχόμεθα [30] τῇ τῆς
πόλεως συστάσει ὧν ἡ τύχη κυρία (κυρίαν γὰρ ὑπάρχειν τίθεμεν)·
τὸ δὲ
σπουδαίαν εἶναι τὴν πόλιν οὐκέτι τύχης ἔργον ἀλλ᾽ ἐπιστήμης καὶ
προαιρέσεως. Ἀλλὰ μὴν σπουδαία γε πόλις ἐστὶ τῷ τοὺς πολίτας τοὺς
μετέχοντας τῆς πολιτείας εἶναι σπουδαίους· ἡμῖν δὲ πάντες οἱ πολῖται
[35] μετέχουσι τῆς πολιτείας. Τοῦτ᾽ ἄρα σκεπτέον, πῶς ἀνὴρ γίνεται
σπουδαῖος. Καὶ γὰρ εἰ πάντας ἐνδέχεται σπουδαίους εἶναι, μὴ καθ᾽
ἕκαστον δὲ τῶν πολιτῶν, οὕτως αἱρετώτερον· ἀκολουθεῖ γὰρ τῷ καθ᾽
ἕκαστον καὶ τὸ πάντας. Ἀλλὰ μὴν ἀγαθοί γε καὶ σπουδαῖοι γίγνονται
διὰ τριῶν.
§ 6. Τὰ τρία δὲ [40] ταῦτά ἐστι φύσις ἔθος λόγος.
Καὶ γὰρ
φῦναι δεῖ πρῶτον, οἷον ἄνθρωπον ἀλλὰ μὴ τῶν ἄλλων τι ζῴων· εἶτα καὶ
ποιόν τινα τὸ σῶμα καὶ τὴν ψυχήν. Ἔνια δὲ οὐθὲν ὄφελος φῦναι·
[1332β] τὰ γὰρ ἔθη μεταβαλεῖν ποιεῖ· ἔνια γὰρ εἶσι, διὰ τῆς φύσεως
ἐπαμφοτερίζοντα, διὰ τῶν ἐθῶν ἐπὶ τὸ χεῖρον καὶ τὸ βέλτιον. §
7. Τὰ μὲν
οὖν ἄλλα τῶν ζῴων μάλιστα μὲν τῇ φύσει ζῇ, μικρὰ δ᾽ ἔνια καὶ τοῖς
ἔθεσιν, ἄνθρωπος δὲ [5] καὶ λόγῳ· μόνος γὰρ ἔχει λόγον· ὥστε δεῖ
ταῦτα συμφωνεῖν ἀλλήλοις. Πολλὰ γὰρ παρὰ τοὺς ἐθισμοὺς καὶ τὴν φύσιν
πράττουσι διὰ τὸν λόγον, ἐὰν πεισθῶσιν ἄλλως ἔχειν βέλτιον. Τὴν μὲν
τοίνυν φύσιν οἵους εἶναι δεῖ τοὺς μέλλοντας εὐχειρώτους ἔσεσθαι τῷ
νομοθέτῃ, διωρίσμεθα πρότερον· [10] τὸ δὲ λοιπὸν ἔργον ἤδη παιδείας.
Τὰ μὲν γὰρ ἐθιζόμενοι μανθάνουσι τὰ δ᾽ ἀκούοντες. |
§ 1. Examinons maintenant ce que
sera la constitution elle-même, et quelles qualités doivent posséder
les membres qui composent la cité pour que le bonheur et l'ordre de
l'État soient parfaitement assurés. Le bonheur en général ne
s'obtient qu'à deux conditions : l'une, que le but, la fin qu'on se
propose, soit louable ; la seconde, qu'on puisse accomplir les actes
qui y conduisent. Il est également possible, et que ces deux
conditions se rencontrent, et qu'elles ne se rencontrent point.
Parfois le but est excellent, et l'on ne possède pas les moyens
propres à l'atteindre ; parfois on a toutes les ressources
nécessaires pour y arriver, et le but est mauvais ; enfin on peut se
tromper tout à la fois sur le but et sur les moyens ; témoin la
médecine : tantôt elle ne sait pas juger comme il faut du remède qui
doit guérir le mal ; tantôt elle ne possède pas les moyens
nécessaires à la guérison qu'elle se propose. Dans tous les arts,
dans toutes les sciences, il faut donc que le but et les moyens qui
peuvent y conduire soient également bons et forts. § 2. II est clair
que tous les hommes souhaitent la vertu et le bonheur ; mais y
atteindre est permis aux uns et interdit aux autres ; et c'est un
effet, soit des circonstances, soit de la nature. La vertu ne
s'obtient qu'à certaines conditions, faciles à réunir pour les
individus heureusement placés, [1332a] plus difficiles pour
les individus moins favorisés ; et l'on peut, même avec toutes les
facultés requises, s'égarer dans la route dès les premiers pas.
Puisque nos recherches ont pour objet la meilleure constitution,
source de l'administration parfaite de l'État, et que cette
administration parfaite est celle qui assurera la plus grande somme
de bonheur à tous les citoyens, il nous faut nécessairement savoir
en quoi consiste le bonheur. § 3. Nous l'avons dit dans notre
Morale, si toutefois il nous est permis de croire que cet ouvrage
n'est pas dénué de toute utilité : le bonheur est un développement
et une application complète de la vertu, non pas relative, mais
absolue. J'entends par relative, la vertu appliquée aux besoins
nécessaires de la vie ; par absolue, celle qui s'applique uniquement
au beau et au bien. Ainsi, en fait de justice humaine, la punition
et le juste châtiment du coupable sont des actes de vertu ; mais
c'est aussi un acte de nécessité, c'est-à-dire qu'il n'est bon que
parce qu'il est nécessaire ; pourtant il serait certainement
préférable que les individus et l'État pussent se passer de
pénalité. Les actes, au contraire, qui n'ont pour objet que la
gloire et le perfectionnement moral, sont beaux dans le sens absolu.
De ces deux ordres d'actes, le premier tend simplement à nous
délivrer d'un mal ; le second, tout au contraire, prépare et opère
directement le bien. § 4. L'homme vertueux peut savoir noblement
supporter la misère, la maladie et tant d'autres maux; mais le
bonheur n'en consiste pas moins dans les contraires. Dans la Morale
encore, nous avons défini l'homme vertueux : l'homme qui, par sa
vertu, ne prend pour des biens que les biens absolus ; et il n'est
pas besoin d'ajouter qu'il doit aussi savoir faire de ces biens-là
un emploi absolument beau, absolument honnête. De là même est venue
cette opinion vulgaire, que le bonheur dépend des biens extérieurs.
Autant vaudrait attribuer un jeu savant sur la lyre à l'instrument
lui-même plutôt qu'au talent de l'artiste.
§ 5. De ce que nous venons de dire, il
résulte évidemment que le législateur doit trouver à l'avance
certains éléments de son oeuvre, mais qu'il peut aussi en préparer
lui-même quelques-uns.
Aussi nous a-t-il fallu supposer à
l'État tous les éléments dont le hasard seul dispose ; car nous
avons admis que le hasard était parfois le seul maître des choses ;
mais ce n'est pas lui qui assure la vertu de l'État; c'est la
volonté intelligente de l'homme. L'État n'est vertueux que lorsque
tous les citoyens qui font partie du gouvernement sont vertueux; et
l'on sait qu'à notre avis, tous les citoyens doivent prendre part au
gouvernement de l'État. Cherchons donc comment on forme les hommes à
la vertu. Certes, si cela était possible, il serait préférable de
les y former tous en même temps, sans s'occuper des individus un à
un : mais la vertu générale n'est que le résultat de la vertu de
tous les particuliers.
§ 6. Quoi qu'il en soit, trois choses
peuvent rendre l'homme bon et vertueux : la nature, l'habitude et la
raison. Ainsi d'abord, il faut que la nature nous fasse naître de la
race humaine, et non de telle autre espèce d'animaux ; il faut
ensuite qu'elle accorde certaines qualités d'âme et de corps. De
plus, les dons de la nature ne suffisent pas ; les qualités
naturelles se modifient suivant les moeurs, et elles en peuvent
recevoir une double influence qui les pervertit ou qui les améliore.
§ 7. Presque tous les animaux ne sont soumis qu'à l'empire de la
nature ; quelques espèces en petit nombre sont encore soumises à
l'empire des habitudes ; l'homme est le seul qui joigne la raison
aux moeurs et à la nature. Il faut que ces trois choses concordent
entre elles ; et souvent la raison combat la nature et les moeurs,
quand elle croit meilleur de secouer leurs lois. Nous avons déjà dit
à quelles conditions les citoyens peuvent offrir une matière facile
à l'oeuvre du législateur ; le reste est l'affaire de l'éducation,
qui agit par les habitudes et par les leçons des maîtres. |
§ 3. Dans notre Morale.
Morale à Nicomaque, liv. I, ch. XI, § 5, p. 52 et suiv. de ma
traduction, p. 1102, édit. de Berlin.
§ 4. Dans la Morale.
Morale à Nicomaque, liv. II, ch. III, § 6, p. 75 de ma traduction,
p. 1105, h, édit. de Berlin.
§ 7. Nous avons déjà dit.
Voir plus haut, ch. VI, § 2. |
CHAPITRE XIII.
Suite. De l'égalité et de la
différence des citoyens dans la cité parfaite ; subordination
naturelle des âges divers. Les occupations de la paix sont la vie
véritable de la cité ; il faut savoir user convenablement du repos ;
la culture de la raison doit être le principal objet que l'homme se
propose dans la vie; et le législateur, dans l'éducation des
citoyens. |
§ 1. Ἐπεὶ δὲ πᾶσα πολιτικὴ κοινωνία συνέστηκεν ἐξ ἀρχόντων καὶ ἀρχομένων,
τοῦτο δὴ σκεπτέον, εἰ ἑτέρους εἶναι δεῖ τοὺς ἄρχοντας καὶ τοὺς
ἀρχομένους ἢ τοὺς αὐτοὺς διὰ [15] βίου· δῆλον γὰρ ὡς ἀκολουθεῖν
δεήσει καὶ τὴν παιδείαν κατὰ τὴν διαίρεσιν ταύτην. Εἰ μὲν τοίνυν
εἴησαν τοσοῦτον διαφέροντες ἅτεροι τῶν ἄλλων ὅσον τοὺς θεοὺς καὶ
τοὺς ἥρωας ἡγούμεθα τῶν ἀνθρώπων διαφέρειν, εὐθὺς πρῶτον κατὰ τὸ
σῶμα πολλὴν ἔχοντες ὑπερβολήν, εἶτα κατὰ [20] τὴν ψυχήν, ὥστε
ἀναμφισβήτητον εἶναι καὶ φανερὰν τὴν ὑπεροχὴν τοῖς ἀρχομένοις τὴν
τῶν ἀρχόντων, δῆλον ὅτι βέλτιον ἀεὶ τοὺς αὐτοὺς τοὺς μὲν ἄρχειν τοὺς
δ᾽ ἄρχεσθαι καθάπαξ· § 2. ἐπεὶ δὲ τοῦτ᾽ οὐ ῥᾴδιον λαβεῖν οὐδ᾽ ἔστιν ὥσπερ
ἐν Ἰνδοῖς φησι Σκύλαξ εἶναι τοὺς βασιλέας τοσοῦτον διαφέροντας [25]
τῶν ἀρχομένων, φανερὸν ὅτι διὰ πολλὰς αἰτίας ἀναγκαῖον πάντας ὁμοίως
κοινωνεῖν τοῦ κατὰ μέρος ἄρχειν καὶ ἄρχεσθαι. Τό τε γὰρ ἴσον ταὐτὸν
τοῖς ὁμοίοις, καὶ χαλεπὸν μένειν τὴν πολιτείαν τὴν συνεστηκυῖαν παρὰ
τὸ δίκαιον. Μετὰ γὰρ τῶν ἀρχομένων ὑπάρχουσι νεωτερίζειν [30]
βουλόμενοι πάντες οἱ κατὰ τὴν χώραν, τοσούτους τε εἶναι τοὺς ἐν τῷ
πολιτεύματι τὸ πλῆθος ὥστ᾽ εἶναι κρείττους πάντων τούτων ἕν τι τῶν
ἀδυνάτων ἐστίν.
§ 3. Ἀλλὰ μὴν ὅτι γε δεῖ τοὺς ἄρχοντας διαφέρειν τῶν
ἀρχομένων, ἀναμφισβήτητον. Πῶς οὖν ταῦτ᾽ ἔσται καὶ πῶς μεθέξουσι,
δεῖ σκέψασθαι [35] τὸν νομοθέτην. Εἴρηται δὲ πρότερον περὶ αὐτοῦ. Ἡ
γὰρ φύσις δέδωκε τὴν διαίρεσιν ποιήσασα αὐτὸ τὸ γένει ταὐτὸ τὸ μὲν
νεώτερον τὸ δὲ πρεσβύτερον, ὧν τοῖς μὲν ἄρχεσθαι πρέπει τοῖς δ᾽
ἄρχειν· ἀγανακτεῖ δὲ οὐδεὶς καθ᾽ ἡλικίαν ἀρχόμενος, οὐδὲ νομίζει
εἶναι κρείττων, ἄλλως τε [40] καὶ μέλλων ἀντιλαμβάνειν τοῦτον τὸν
ἔρανον ὅταν τύχῃ τῆς ἱκνουμένης ἡλικίας. § 4. Ἔστι μὲν ἄρα ὡς τοὺς αὐτοὺς ἄρχειν καὶ ἄρχεσθαι φατέον, ἔστι δὲ ὡς
ἑτέρους. [1333a] Ὥστε καὶ τὴν παιδείαν ἔστιν ὡς τὴν αὐτὴν ἀναγκαῖον,
ἔστιδ᾽ ὡς ἑτέραν εἶναι. Τὸν [τε] γὰρ μέλλοντα καλῶς ἄρχειν ἀρχθῆναί
φασι δεῖν πρῶτον. (Ἔστι δὲ ἀρχή, καθάπερ ἐν τοῖς πρώτοις εἴρηται
λόγοις, ἡ μὲν τοῦ ἄρχοντος χάριν ἡ δὲ τοῦ ἀρχομένου. [5] Τούτων δὲ
τὴν μὲν δεσποτικὴν εἶναί φαμεν, τὴν δὲ τῶν ἐλευθέρων. ... § 5.
Διαφέρει
δ᾽ ἔνια τῶν ἐπιταττομένων οὐ τοῖς ἔργοις ἀλλὰ τῷ τίνος ἕνεκα. Διὸ
πολλὰ τῶν εἶναι δοκούντων διακονικῶν ἔργων καὶ τῶν νέων τοῖς
ἐλευθέροις καλὸν διακονεῖν· πρὸς γὰρ τὸ καλὸν καὶ τὸ μὴ καλὸν οὐχ
οὕτω διαφέρουσιν [10] αἱ πράξεις καθ᾽ αὑτὰς ὡς ἐν τῷ τέλει καὶ τῷ
τίνος ἕνεκεν.)
Ἐπεὶ δὲ πολίτου καὶ ἄρχοντος τὴν αὐτὴν ἀρετὴν εἶναί
φαμεν καὶ τοῦ ἀρίστου ἀνδρός, τὸν δ᾽ αὐτὸν ἀρχόμενόν τε δεῖν
γίγνεσθαι πρότερον καὶ ἄρχοντα ὕστερον, τοῦτ᾽ ἂν εἴη τῷ νομοθέτῃ
πραγματευτέον, ὅπως ἄνδρες ἀγαθοὶ [15] γίγνωνται, καὶ διὰ τίνων
ἐπιτηδευμάτων, καὶ τί τὸ τέλος τῆς ἀρίστης ζωῆς. § 6. Διῄρηται δὲ δύο μέρη τῆς ψυχῆς, ὧν τὸ μὲν ἔχει λόγον καθ᾽ αὑτό, τὸ
δ᾽ οὐκ ἔχει μὲν καθ᾽ αὑτὸ λόγῳ δ᾽ ὑπακούειν δυνάμενον· ὧν φαμεν τὰς
ἀρετὰς εἶναι καθ᾽ ἃς ἀνὴρ ἀγαθὸς λέγεταί πως. Τούτων δὲ ἐν [20]
ποτέρῳ μᾶλλον τὸ τέλος, τοῖς μὲν οὕτω διαιροῦσιν ὡς ἡμεῖς φαμεν οὐκ
ἄδηλον πῶς λεκτέον. Αἰεὶ γὰρ τὸ χεῖρον τοῦ βελτίονός ἐστιν ἕνεκεν,
καὶ τοῦτο φανερὸν ὁμοίως ἔν τε τοῖς κατὰ τέχνην καὶ τοῖς κατὰ φύσιν·
βέλτιον δὲ τὸ λόγον ἔχον.
§ 7. Διῄρηταί τε διχῇ, καθ᾽ ὅνπερ εἰώθαμεν
τρόπον διαιρεῖν· [25] ὁ μὲν γὰρ πρακτικός ἐστι λόγος ὁ δὲ
θεωρητικός. Ὡσαύτως οὖν ἀνάγκη διῃρῆσθαι καὶ τοῦτο τὸ μέρος
δηλονότι. Καὶ τὰς πράξεις δ᾽ ἀνάλογον ἐροῦμεν ἔχειν, καὶ δεῖ τὰς τοῦ
φύσει βελτίονος αἱρετωτέρας εἶναι τοῖς δυναμένοις τυγχάνειν ἢ πασῶν
ἢ τοῖν δυοῖν· αἰεὶ γὰρ ἑκάστῳ τοῦθ᾽ αἱρετώτατον [30] οὗ τυχεῖν ἔστιν
ἀκροτάτου.
§ 8. Διῄρηται δὲ καὶ πᾶς ὁ βίος εἰς ἀσχολίαν καὶ σχολὴν καὶ
εἰς πόλεμον καὶ εἰρήνην, καὶ τῶν πρακτῶν τὰ μὲν εἰς τὰ ἀναγκαῖα καὶ
χρήσιμα τὰ δὲ εἰς τὰ καλά. Περὶ ὧν ἀνάγκη τὴν αὐτὴν αἵρεσιν εἶναι
καὶ τοῖς τῆς ψυχῆς μέρεσι καὶ ταῖς πράξεσιν [35] αὐτῶν, πόλεμον μὲν
εἰρήνης χάριν, ἀσχολίαν δὲ σχολῆς, τὰ δ᾽ ἀναγκαῖα καὶ χρήσιμα τῶν
καλῶν ἕνεκεν. § 9. Πρὸς πάντα μὲν τοίνυν τῷ πολιτικῷ βλέποντι
νομοθετητέον, καὶ κατὰ τὰ μέρη τῆς ψυχῆς καὶ κατὰ τὰς πράξεις αὐτῶν,
μᾶλλον δὲ πρὸς τὰ βελτίω καὶ τὰ τέλη. Τὸν [40] αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ
περὶ τοὺς βίους καὶ τὰς τῶν πραγμάτων αἱρέσεις· δεῖ μὲν γὰρ ἀσχολεῖν
δύνασθαι καὶ πολεμεῖν, [1333b] μᾶλλον δ᾽ εἰρήνην ἄγειν καὶ
σχολάζειν, καὶ τἀναγκαῖα καὶ τὰ χρήσιμα δὲ πράττειν, τὰ δὲ καλὰ δεῖ
μᾶλλον. Ὥστε πρὸς τούτους τοὺς σκοποὺς καὶ παῖδας ἔτι ὄντας
παιδευτέον καὶ τὰς ἄλλας ἡλικίας, ὅσαι δέονται [5] παιδείας.
§ 10. Οἱ δὲ νῦν ἄριστα δοκοῦντες πολιτεύεσθαι τῶν Ἑλλήνων, καὶ τῶν
νομοθετῶν οἱ ταύτας καταστήσαντες τὰς πολιτείας, οὔτε πρὸς τὸ
βέλτιστον τέλος φαίνονται συντάξαντες τὰ περὶ τὰς πολιτείας οὔτε
πρὸς πάσας τὰς ἀρετὰς τοὺς νόμους καὶ τὴν παιδείαν, ἀλλὰ φορτικῶς
ἀπέκλιναν [10] πρὸς τὰς χρησίμους εἶναι δοκούσας καὶ
πλεονεκτικωτέρας. Παραπλησίως δὲ τούτοις καὶ τῶν ὕστερόν τινες
γραψάντων ἀπεφήναντο τὴν αὐτὴν δόξαν· ἐπαινοῦντες γὰρ τὴν
Λακεδαιμονίων πολιτείαν ἄγανται τοῦ νομοθέτου τὸν σκοπόν, ὅτι πάντα
πρὸς τὸ κρατεῖν καὶ πρὸς πόλεμον ἐνομοθέτησεν. § 11. [15] Καὶ κατὰ τὸν
λόγον ἐστὶν εὐέλεγκτα καὶ τοῖς ἔργοις ἐξελήλεγκται νῦν. Ὥσπερ γὰρ οἱ
πλεῖστοι τῶν ἀνθρώπων ζηλοῦσι τὸ πολλῶν δεσπόζειν, ὅτι πολλὴ χορηγία
γίγνεται τῶν εὐτυχημάτων, οὕτω καὶ Θίβρων ἀγάμενος φαίνεται τὸν τῶν
Λακώνων νομοθέτην, καὶ τῶν ἄλλων ἕκαστος τῶν [20] γραφόντων περὶ τῆς
πολιτείας αὐτῶν, ὅτι διὰ τὸ γεγυμνάσθαι πρὸς τοὺς κινδύνους πολλῶν
ἦρχον· § 12. καίτοι δῆλον ὡς ἐπειδὴ νῦν γε οὐκέτι ὑπάρχει τοῖς Λάκωσι τὸ
ἄρχειν, οὐκ εὐδαίμονες, οὐδ᾽ ὁ νομοθέτης ἀγαθός. Ἔστι δὲ τοῦτο
γελοῖον, εἰ μένοντες ἐν τοῖς νόμοις αὐτοῦ, καὶ μηδενὸς ἐμποδίζοντος
[25] πρὸς τὸ χρῆσθαι τοῖς νόμοις, ἀποβεβλήκασι τὸ ζῆν καλῶς. Οὐκ
ὀρθῶς δ᾽ ὑπολαμβάνουσιν οὐδὲ περὶ τῆς ἀρχῆς ἣν δεῖ τιμῶντα φαίνεσθαι
τὸν νομοθέτην· τοῦ γὰρ δεσποτικῶς ἄρχειν ἡ τῶν ἐλευθέρων ἀρχὴ
καλλίων καὶ μᾶλλον μετ᾽ ἀρετῆς. § 13. Ἔτι δὲ οὐ διὰ τοῦτο δεῖ τὴν πόλιν
εὐδαίμονα νομίζειν [30] καὶ τὸν νομοθέτην ἐπαινεῖν, ὅτι κρατεῖν
ἤσκησεν ἐπὶ τὸ τῶν πέλας ἄρχειν· ταῦτα γὰρ μεγάλην ἔχει βλάβην. Δῆλον γὰρ ὅτι καὶ τῶν πολιτῶν τῷ δυναμένῳ τοῦτο πειρατέον διώκειν,
ὅπως δύνηται τῆς οἰκείας πόλεως ἄρχειν· ὅπερ ἐγκαλοῦσιν οἱ Λάκωνες
Παυσανίᾳ τῷ βασιλεῖ, καίπερ [35] ἔχοντι τηλικαύτην τιμήν. § 14. Οὔτε
δὴ πολιτικὸς τῶν τοιούτων λόγων καὶ νόμων οὐθεὶς οὔτε ὠφέλιμος οὔτε
ἀληθής ἐστιν. Ταὐτὰ γὰρ ἄριστα καὶ ἰδίᾳ καὶ κοινῇ, τόν τε νομοθέτην
ἐμποιεῖν δεῖ ταῦτα ταῖς ψυχαῖς τῶν ἀνθρώπων· τήν τε τῶν πολεμικῶν
ἄσκησιν οὐ τούτου χάριν δεῖ μελετᾶν, ἵνα καταδουλώσωνται [40] τοὺς
ἀναξίους, ἀλλ᾽ ἵνα πρῶτον μὲν αὐτοὶ μὴ δουλεύσωσιν ἑτέροις, ἔπειτα
ὅπως ζητῶσι τὴν ἡγεμονίαν τῆς ὠφελείας ἕνεκα τῶν ἀρχομένων, [1334a]
ἀλλὰ μὴ πάντων δεσποτείας· τρίτον δὲ τὸ δεσπόζειν τῶν ἀξίων
δουλεύειν. § 15. Ὅτι δὲ δεῖ τὸν νομοθέτην μᾶλλον σπουδάζειν ὅπως καὶ
τὴν περὶ τὰ πολεμικὰ καὶ τὴν ἄλλην νομοθεσίαν τοῦ σχολάζειν [5]
ἕνεκεν τάξῃ καὶ τῆς εἰρήνης, μαρτυρεῖ τὰ γιγνόμενα τοῖς λόγοις. Αἱ
γὰρ πλεῖσται τῶν τοιούτων πόλεων πολεμοῦσαι μὲν σῴζονται,
κατακτησάμεναι δὲ τὴν ἀρχὴν ἀπόλλυνται. Τὴν γὰρ βαφὴν ἀνιᾶσιν, ὥσπερ
ὁ σίδηρος, εἰρήνην ἄγοντες. Αἴτιος δ᾽ ὁ νομοθέτης οὐ παιδεύσας
δύνασθαι σχολάζειν.
§ 16. [10] Ἐπεὶ δὲ τὸ αὐτὸ τέλος εἶναι φαίνεται καὶ κοινῇ καὶ ἰδίᾳ τοῖς
ἀνθρώποις, καὶ τὸν αὐτὸν ὅρον ἀναγκαῖον εἶναι τῷ τε ἀρίστῳ ἀνδρὶ καὶ
τῇ ἀρίστῃ πολιτείᾳ, φανερὸν ὅτι δεῖ τὰς εἰς τὴν σχολὴν ἀρετὰς
ὑπάρχειν· τέλος γάρ, [15] ὥσπερ εἴρηται πολλάκις, εἰρήνη μὲν πολέμου
σχολὴ δ᾽ ἀσχολίας. § 17. Χρήσιμοι δὲ τῶν ἀρετῶν εἰσι πρὸς τὴν σχολὴν καὶ
διαγωγὴν ὧν τε ἐν τῇ σχολῇ τὸ ἔργον καὶ ὧν ἐν τῇ ἀσχολίᾳ.
§ 17. Δεῖ γὰρ
πολλὰ τῶν ἀναγκαίων ὑπάρχειν ὅπως ἐξῇ σχολάζειν· διὸ σώφρονα τὴν
πόλιν εἶναι προσήκει [20] καὶ ἀνδρείαν καὶ καρτερικήν· κατὰ γὰρ τὴν
παροιμίαν, οὐ σχολὴ δούλοις, οἱ δὲ μὴ δυνάμενοι κινδυνεύειν ἀνδρείως
δοῦλοι τῶν ἐπιόντων εἰσίν. § 18. Ἀνδρείας μὲν οὖν καὶ καρτερίας δεῖ πρὸς
τὴν ἀσχολίαν, φιλοσοφίας δὲ πρὸς τὴν σχολήν, σωφροσύνης δὲ καὶ
δικαιοσύνης ἐν ἀμφοτέροις τοῖς χρόνοις, [25] καὶ μᾶλλον εἰρήνην
ἄγουσι καὶ σχολάζουσιν· ὁ μὲν γὰρ πόλεμος ἀναγκάζει δικαίους εἶναι
καὶ σωφρονεῖν, ἡ δὲ τῆς εὐτυχίας ἀπόλαυσις καὶ τὸ σχολάζειν μετ᾽
εἰρήνης ὑβριστὰς ποιεῖ μᾶλλον. § 19. Πολλῆς οὖν δεῖ δικαιοσύνης καὶ πολλῆς
σωφροσύνης τοὺς ἄριστα δοκοῦντας πράττειν [30] καὶ πάντων τῶν
μακαριζομένων ἀπολαύοντας, οἷον εἴ τινές εἰσιν, ὥσπερ οἱ ποιηταί
φασιν, ἐν μακάρων νήσοις· μάλιστα γὰρ οὗτοι δεήσονται φιλοσοφίας καὶ
σωφροσύνης καὶ δικαιοσύνης, ὅσῳ μᾶλλον σχολάζουσιν ἐν ἀφθονίᾳ τῶν
τοιούτων ἀγαθῶν. Διότι μὲν οὖν τὴν μέλλουσαν εὐδαιμονήσειν [35] καὶ
σπουδαίαν ἔσεσθαι πόλιν τούτων δεῖ τῶν ἀρετῶν μετέχειν, φανερόν. Αἰσχροῦ γὰρ ὄντος μὴ δύνασθαι χρῆσθαι τοῖς ἀγαθοῖς, ἔτι μᾶλλον τὸ μὴ
δύνασθαι ἐν τῷ σχολάζειν χρῆσθαι, ἀλλ᾽ ἀσχολοῦντας μὲν καὶ
πολεμοῦντας φαίνεσθαι ἀγαθούς, εἰρήνην δ᾽ ἄγοντας καὶ σχολάζοντας
ἀνδραποδώδεις. § 20. [40] Διὸ δεῖ μὴ καθάπερ ἡ Λακεδαιμονίων πόλις τὴν
ἀρετὴν ἀσκεῖν. Ἐκεῖνοι μὲν γὰρ οὐ ταύτῃ διαφέρουσι τῶν ἄλλων,
[1334b] τῷ μὴ νομίζειν ταὐτὰ τοῖς ἄλλοις μέγιστα τῶν ἀγαθῶν, ἀλλὰ τῷ
γίνεσθαι ταῦτα μᾶλλον διὰ τινὸς ἀρετῆς· ἐπεὶ δὲ μείζω τε ἀγαθὰ ταῦτα
καὶ τὴν ἀπόλαυσιν τὴν τούτων ἢ τὴν τῶν ἀρετῶν ... καὶ ὅτι δι᾽ αὑτήν,
φανερὸν [5] ἐκ τούτων· πῶς δὲ καὶ διὰ τίνων ἔσται, τοῦτο δὴ
θεωρητέον. § 21. Τυγχάνομεν δὴ διῃρημένοι πρότερον ὅτι φύσεως καὶ ἔθους καὶ λόγου
δεῖ.
Τούτων δὲ ποίους μέν τινας εἶναι χρὴ τὴν φύσιν, διώρισται
πρότερον, λοιπὸν δὲ θεωρῆσαι πότερον παιδευτέοι τῷ λόγῳ πρότερον ἢ
τοῖς ἔθεσιν. Ταῦτα γὰρ δεῖ [10] πρὸς ἄλληλα συμφωνεῖν συμφωνίαν τὴν
ἀρίστην· ἐνδέχεται γὰρ διημαρτηκέναι τὸν λόγον τῆς βελτίστης
ὑποθέσεως, καὶ διὰ τῶν ἐθῶν ὁμοίως ἦχθαι. § 22. Φανερὸν δὴ τοῦτό γε πρῶτον
μέν, καθάπερ ἐν τοῖς ἄλλοις, ὡς ἡ γένεσις ἀπ᾽ ἀρχῆς ἐστι καὶ τὸ
τέλος ἀπό τινος ἀρχῆς ἄλλου τέλους, [15] ὁ δὲ λόγος ἡμῖν καὶ ὁ νοῦς
τῆς φύσεως τέλος, ὥστε πρὸς τούτους τὴν γένεσιν καὶ τὴν τῶν ἐθῶν δεῖ
παρασκευάζειν μελέτην· § 23. ἔπειτα ὥσπερ ψυχὴ καὶ σῶμα δύ᾽ ἐστίν, οὕτω
καὶ τῆς ψυχῆς ὁρῶμεν δύο μέρη, τό τε ἄλογον καὶ τὸ λόγον ἔχον, καὶ
τὰς ἕξεις τὰς τούτων δύο τὸν ἀριθμόν, [20] ὧν τὸ μέν ἐστιν ὄρεξις τὸ
δὲ νοῦς, ὥσπερ δὲ τὸ σῶμα πρότερον τῇ γενέσει τῆς ψυχῆς, οὕτω καὶ τὸ
ἄλογον τοῦ λόγον ἔχοντος. Φανερὸν δὲ καὶ τοῦτο· θυμὸς γὰρ καὶ
βούλησις, ἔτι δὲ ἐπιθυμία, καὶ γενομένοις εὐθὺς ὑπάρχει τοῖς
παιδίοις, ὁ δὲ λογισμὸς καὶ ὁ νοῦς προϊοῦσιν ἐγγίγνεσθαι [25]
πέφυκεν. Διὸ πρῶτον μὲν τοῦ σώματος τὴν ἐπιμέλειαν ἀναγκαῖον εἶναι
προτέραν ἢ τὴν τῆς ψυχῆς, ἔπειτα τὴν τῆς ὀρέξεως, ἕνεκα μέντοι τοῦ
νοῦ τὴν τῆς ὀρέξεως, τὴν δὲ τοῦ σώματος τῆς ψυχῆς.
|
§ 1. L'association politique
étant toujours composée de chefs et de subordonnés, je demande si
l'autorité et l'obéissance doivent être alternatives ou viagères. Il
est clair que le système de l'éducation devra se rapporter à ces
grandes divisions des citoyens entre eux. Si quelques hommes
l'emportaient sur les autres hommes autant que, selon la croyance
commune, les dieux et les héros peuvent différer des mortels, à
l'égard du corps, qu'un coup d'oeil suffit pour juger, et même à
l'égard de l'âme, de telle sorte que la supériorité des chefs fût
aussi incontestable et aussi évidente pour les sujets, nul doute
qu'il ne fallût préférer la perpétuité de l'obéissance pour les uns,
et du pou-voir pour les autres. § 2. Mais ces dissemblances sont
choses fort difficiles à constater ; et il n'en est point du tout
ici comme pour ces rois de l'Inde qui, selon Scylax, l'emportent si
complètement sur les sujets qui leur obéissent. Il est donc évident
que, par bien des motifs, l'alternative de l'autorité et de la
soumission doit nécessairement être commune à tous les citoyens.
L'égalité est l'identité d'attributions entre des êtres semblables,
et l'État ne saurait vivre contre les lois de l'équité ; les
factieux que le pays renferme toujours trouveraient de constants
appuis dans les sujets mécontents, et les membres du gouvernement ne
sauraient jamais être assez nombreux pour résister à tant d'ennemis
réunis.
§ 3. Cependant, il est incontestable
qu'il doit y avoir une différence entre les chefs et les
subordonnés. Quelle sera cette différence, et quelle sera la
répartition du pouvoir ? Telles sont les questions que doit résoudre
le législateur. Nous l'avons déjà dit : c'est la nature elle-même
qui a tracé la ligne de démarcation, en créant dans une espèce
identique les classes des jeunes et des vieux, les uns destinés à
obéir, les autres capables de commander. Une autorité conférée par
l'âge ne peut irriter la jalousie, ni enfler la vanité de personne,
surtout lorsque chacun est assuré d'obtenir avec les années la même
prérogative. § 4. Ainsi, l'autorité et l'obéissance doivent être à
la fois perpétuelles et alternatives; [1333a] et par suite,
l'éducation doit être à la fois pareille et diverse, puisque, de
l'aveu de tout le monde, l'obéissance est la véritable école du
commandement. Or l'autorité, avons-nous dit plus haut, peut être ou
dans l'intérêt de celui qui la possède, ou bien dans l'intérêt de
celui sur qui elle s'exerce. Dans le premier cas, c'est l'autorité
d'un maître sur ses esclaves ; dans le second, c'est une autorité
appliquée à des hommes libres. § 5. De plus, les ordres peuvent
autant différer par le motif qui les a dictés que par les résultats
mêmes qu'ils produisent. Bien des services réputés exclusivement
domestiques, sont faits pour honorer les jeunes gens libres qui les
accomplissent. Le mérite ou le vice d'une action est bien moins dans
cette action elle-même que dans les motifs qui l'inspirent et le but
qu'elle poursuit.
Nous avons établi que la vertu du
citoyen, quand il commande, est identique à la vertu de l'homme
par-fait, et nous avons ajouté que le citoyen devait d'abord obéir
avant de commander; nous en concluons ici que c'est au législateur
de former les citoyens à la vertu, en connaissant et les moyens de
les y mener, et le but essentiel de la vie la meilleure. § 6. L'âme
se compose de deux parties : l'une qui possède par elle-même la
raison, l'autre qui, sans la posséder, est du moins capable de lui
obéir ; à l'une et à l'autre, appartiennent les vertus qui
constituent l'homme de bien. Cette division une fois admise telle
que nous la proposons, on peut dire sans peine laquelle entre ces
deux parties de l'âme, renferme le but même que l'on doit poursuivre
; car toujours un objet moins bon est fait en vue d'un objet
meilleur; c'est chose non moins évidente dans les produits de l'art
que dans ceux de la nature; et ici l'objet le meilleur, c'est la
partie raisonnable de l'âme.
§ 7. En adoptant dans cette recherche
notre procédé ordinaire d'analyse, on peut diviser la raison en deux
autres parties, raison pratique et raison spéculative. Par une
conséquence nécessaire, la division que nous appliquons à cette
partie de l'âme s'applique également aux actes qu'elle produit ; et
si l'on pouvait choisir, il faudrait préférer les actes de la partie
naturellement supérieure, soit dans tous les cas, soit dans un cas
unique où les deux parties de l'âme seraient en présence ; car en
toutes choses il faut toujours préférer ce qui mène au but le plus
élevé.
§ 8. La vie se partage, quelle qu'elle
soit, en travail et repos, en guerre et paix. Parmi les actes
humains, les uns se rapportent au nécessaire, à l'utile ; les autres
se rapportent uniquement au beau. Une distinction toute pareille
doit, à ces divers égards, se retrouver nécessairement dans les
parties de l'âme et dans leurs actes : la guerre ne se fait qu'en
vue de la paix ; le travail ne s'accomplit qu'en vue du repos ; on
ne recherche le nécessaire et l'utile qu'en vue du beau. § 9. En
tout ceci, l'homme d'État doit régler ses lois sur les deux parties
de l'âme et sur leurs actes, mais surtout sur la fin la plus relevée
qu'elles puissent toutes deux atteindre. Des distinctions pareilles
s'appliquent aux diverses carrières, aux diverses occupations de la
vie pratique. Il faut être également prêt au travail et au combat ;
[1333b] mais le loisir et la paix sont préférables ; il faut
savoir accomplir le nécessaire et l'utile ; cependant le beau est
supérieur à l'un et à l'autre. Ce sont donc là des directions qu'il
convient de donner aux citoyens, dès leur enfance, et pendant tout
le temps qu'ils restent soumis à des maîtres.
§ 10. Les gouvernements qui semblent
aujourd'hui les meilleurs de la Grèce, comme les législateurs qui
les ont fondés, ne paraissent point avoir rapporté leurs
institutions à une fin supérieure, ni dirigé leurs lois et
l'éducation publique vers l'ensemble des vertus ; mais ils ont
incliné assez peu noblement à celles qui semblent devoir être utiles
et plus capables de satisfaire l'ambition. Des auteurs plus récents
ont soutenu à peu près les mêmes opinions ; et ils ont admiré
hautement la constitution de Lacédémone, et loué le fondateur qui
l'a tournée tout entière vers la conquête et la guerre. § 11. La
raison suffit aisément à condamner ces principes, comme les faits
eux-mêmes, accomplis sous nos yeux, se sont chargés d'en prouver la
fausseté. Partageant le sentiment qui pousse les hommes en général à
la conquête, en vue des bénéfices de la victoire, Thibron et tous
ceux qui ont écrit sur le gouvernement de Lacédémone, semblent
porter aux nues son illustre législateur, parce que, grâce au mépris
de tous les périls, sa république a su se faire une vaste
domination. § 12. Mais, à cette heure, que la puissance spartiate
est détruite, tout le monde convient que Lacédémone n'est point
heureuse, ni son législateur irréprochable. N'est-il pas
extraordinaire, cependant, que conservant les institutions de
Lycurgue, et pouvant sans obstacle les suivre à son gré, elle ait
perdu toute sa félicité ? Mais c'est qu'on se trompe aussi sur la
nature de la puissance que l'homme politique doit s'efforcer de
mettre en honneur. Commander à des hommes libres vaut bien mieux, et
est bien plus conforme à la vertu, que de commander à des esclaves.
§ 13. De plus, il ne faut pas croire un État heureux, ni un
législateur fort habile, quand ils n'ont songé qu'aux dangereux
travaux de la conquête. Avec des principes aussi déplorables, chaque
citoyen ne pensera évidemment qu'à usurper le pouvoir absolu dans sa
propre patrie, dès qu'il pourra s'en rendre maître ; ce dont
pourtant Lacédémone n'a pas manqué de faire un crime au roi
Pausanias, que toute sa gloire ne put défendre. De pareils principes
et les lois qu'ils dictent, ne sont pas dignes d'un homme d'État ;
ils sont aussi faux qu'ils sont funestes. Le législateur ne doit
déposer dans le coeur des hommes que des sentiments également bons
pour le public et pour les particuliers. § 14. Si l'on s'exerce aux
combats, ce doit être non point en vue de soumettre à l'esclavage
des peuples qui ne méritent point ce joug ignominieux ; mais ce doit
être d'abord pour n'être point subjugué soi-même; ensuite, pour ne
conquérir le pouvoir que dans l'intérêt des sujets; [1334a]
et enfin, pour ne commander en maître qu'à des hommes destinés à
obéir en esclaves. § 15. Le législateur doit surtout faire en sorte
que même ses lois sur la guerre, comme le reste de ses institutions,
n'aient en vue que la paix et le repos. Et ici les faits viennent
joindre leur témoignage à celui de la raison. La guerre, tant
qu'elle dure, a fait le salut de pareils États ; mais la victoire,
en leur assurant le pouvoir, leur a été fatale ; comme l'acier, ils
ont perdu leur trempe dès qu'ils ont eu la paix ; et la faute en est
au législateur, qui n'a point appris la paix à sa cité.
§ 16. Puisque le but de la vie humaine
est le même pour les masses et pour les individus, et puisque
l'homme de bien et une bonne constitution se proposent
nécessairement une fin pareille, il s'ensuit évidemment que le repos
exige des vertus spéciales ; car, je le répète, la paix est le but
de la guerre, le repos est le but du travail. § 17. Les vertus qui
assurent le repos et le bonheur, sont celles qui sont d'usage dans
le repos aussi bien que dans le travail. Le repos ne s'obtient que
par la réunion de bien des conditions indispensables pour les
premiers besoins. L'État, pour jouir de la paix, doit être prudent,
courageux et ferme; car le proverbe est bien vrai : « Point de repos
pour les esclaves. » Quand on ne sait pas braver le danger, on
devient la proie du premier attaquant. § 18. Il faut donc courage et
patience dans le travail ; il faut de la philosophie dans le loisir,
de la prudence et de la sagesse dans l'une et l'autre de ces deux
situations, niais surtout au milieu de la paix et du repos. La
guerre donne forcément justice et sagesse à des hommes qu'enivrent
et pervertissent le succès et les jouissances du loisir et de la
paix. § 19. On a surtout besoin de justice et de prudence, quand on
est au faîte de la prospérité et qu'on jouit de tout ce qui fait
l'envie des autres hommes. Il en est comme des sages que les poètes
nous représentent dans les îles Fortunées : plus leur béatitude est
complète, au milieu de tous les biens dont ils sont comblés, plus
ils doivent appeler à leur aide la philosophie, la modération et la
justice. Ces vertus évidemment ne sont pas moins nécessaires au
bonheur et à la vertu de l'État. S'il est honteux de ne point savoir
user de la fortune, il l'est surtout de ne pas savoir en user au
sein du loisir, et de développer son courage et sa vertu durant les
combats, pour montrer une bassesse d'esclave pendant la paix et le
repos. § 20. Il ne faut pas entendre la vertu comme l'entendait
Lacédémone ; ce n'est pas qu'elle ait compris le bien suprême
autrement que chacun ne le comprend ; [1334b] mais elle a cru
qu'on pouvait surtout l'acquérir par une vertu spéciale, la vertu
guerrière. Or, comme il existe des biens supérieurs à ceux que
procure la guerre, il est évident aussi que la jouissance de ces
biens-là est préférable, sans avoir d'autre objet qu'elle-même, à
celle des seconds. § 21. Voyons par quelles voies on pourra gagner
ces biens inappréciables.
Nous avons déjà dit que les influences
qui s'exercent sur l'âme sont de trois sortes, la nature, les moeurs
et la raison. Nous avons aussi précisé les qualités que les citoyens
doivent préalablement recevoir de la nature. Il nous reste à
rechercher si l'éducation de la raison doit précéder celle des
habitudes ; car il faut que ces deux dernières influences soient
dans la plus parfaite harmonie, puisque la raison même peut s'égarer
en poursuivant le meilleur but, et que les moeurs ne sont pas
sujettes à moins d'erreurs. § 22. Ici, comme dans tout le reste,
c'est la génération par laquelle tout commence; mais la fin de la
génération remonte à une source dont l'objet est tout différent.
Dans l'homme, la vraie fin de la nature c'est la raison et
l'intelligence, seuls objets qu'on doit avoir en vue dans les soins
appliqués, soit à la génération des citoyens, soit à la formation de
leurs moeurs. § 23. De même que l'âme et le corps, avons-nous dit,
sont bien distincts, de même l'âme a deux parties non moins
différentes : l'une irrationnelle, l'autre douée de raison ; elles
se produisent sous deux manières d'être diverses : pour la première,
l'instinct ; pour l'autre, l'intelligence. Si la naissance du corps
précède celle de l'âme, la formation de la partie irrationnelle est
antérieure à celle de la partie raisonnable. Il est bien facile de
s'en convaincre : la colère, la volonté, le désir se manifestent
chez les enfants aussitôt après leur naissance ; le raisonnement,
l'intelligence ne se montrent, dans l'ordre naturel des choses, que
beaucoup plus tard. Il faut donc nécessairement s'occuper du corps
avant de penser à l'âme ; et après le corps, il faut songer à
l'instinct, bien qu'en définitive l'on ne forme l'instinct que pour
l'intelligence, et que l'on ne forme le corps qu'en vue de l'âme. |
§ 1. La perpétuité de
l'obéissance. Aristote se prononce fort nettement ici contre la
perpétuité du pouvoir, et par conséquent contre la tyrannie. Voir
liv. III, ch. VIII, § 1, et la préface. Voir aussi, liv. I, ch. II,
§ 15, la même pensée.
§ 2. Scylax, de
Cariandre, géographe et navigateur , vivait au commencement du Ve
siècle avant J.-C., cent ans environ avant Aristote. Il reste de lui
le récit d'une de ses excursions maritimes, apud Geographos minores,
tome I, édit. Firmin Didot, p. 15 et suiv.
§ 3. Nous l'avons déjà
dit. Voir plus haut, ch. VIII, § 4.
§
4. Avons-nous dit plus haut. Voir plus haut, liv. I, chap.
II, § 21, et liv. III, ch iv, § 5 et suiv.
§ 5. Nous avons établi.
Voir plus haut, liv. III, ch. II, § 5.
§ 10. Des auteurs plus
récents. Aristote a sans doute en vue Xénophon et Platon, grands
admirateurs tous les deux de la constitution lacédémonienne. Toute
cette théorie, d'ailleurs, est empruntée à Platon. Voir les Lois,
liv. 1, p. 6, trad. de M. Cousin.
§ 11. Les faits eux-mêmes.
Voir plus haut, même livre, ch. II, § 5, et ch. X, § 5, et liv.
II, ch. VI, § 23.
- Thibron. Aristote
est le seul auteur de l'antiquité qui fasse mention de Thibron.
§ 12. Lacédémone n'est
point heureuse. Voir liv. II, ch. VI, § 22.
§ 13. Pausanias. Voir
plus loin, liv. VIII (5), ch. I, et ch. VI, § 2.
§ 15. Le salut de pareils
États. Aristote a déjà fait la même remarque relativement à
Lacédémone. Voir plus haut, liv. II, ch. VI, § 22.
Perdu leur trempe. Expression remarquable.
§ 20. La jouissance de ces biens-là. Voir une pensée
analogue, liv. II, ch. VI, § 22.
§ 21. Nous avons déjà dit.
Voir plus haut, ch. XII, § 6.
-- Nous avons aussi
précisé. Voir plus haut, ch. VI, § 2. Voir aussi la Morale à
Nicomaque, liv. I, ch. I, § 9, page 5 de ma traduction, II, ch. I,
§§ 3 et suiv., page 66; et X, ch. X, § 6, page 469. Tout cela est
admirable. |
CHAPITRE XIV.
Suite. De l'éducation des enfants dans
la cité parfaite ; soins que le législateur doit donner à la
génération ; de l'âge des époux ; conditions indispensables pour que
l'union soit tout ce qu'elle doit être ; dangers des unions trop
précoces ; soins à prendre pour les femmes enceintes ; abandon des
enfants difformes et en surnombre ; avortement ; punition de
l'infidélité. |
§ 1. Εἴπερ οὖν ἀπ᾽ ἀρχῆς τὸν νομοθέτην ὁρᾶν δεῖ ὅπως [30] βέλτιστα τὰ
σώματα γένηται τῶν τρεφομένων, πρῶτον μὲν ἐπιμελητέον περὶ τὴν
σύζευξιν, πότε καὶ ποίους τινὰς ὄντας χρὴ ποιεῖσθαι πρὸς ἀλλήλους
τὴν γαμικὴν ὁμιλίαν. Δεῖ δ᾽ ἀποβλέποντα νομοθετεῖν ταύτην τὴν
κοινωνίαν πρὸς αὐτούς τε καὶ τὸν τοῦ ζῆν χρόνον, ἵνα συγκαταβαίνωσι
ταῖς ἡλικίαις [35] ἐπὶ τὸν αὐτὸν καιρὸν καὶ μὴ διαφωνῶσιν αἱ
δυνάμεις τοῦ μὲν ἔτι δυναμένου γεννᾶν τῆς δὲ μὴ δυναμένης, ἢ ταύτης
μὲν τοῦ δ᾽ ἀνδρὸς μή (ταῦτα γὰρ ποιεῖ καὶ στάσεις πρὸς ἀλλήλους καὶ
διαφοράς)· § 2. ἔπειτα καὶ πρὸς τὴν τῶν τέκνων διαδοχήν, δεῖ γὰρ οὔτε
λίαν ὑπολείπεσθαι ταῖς [40] ἡλικίαις τὰ τέκνα τῶν πατέρων (ἀνόνητος
γὰρ τοῖς μὲν πρεσβυτέροις ἡ χάρις παρὰ τῶν τέκνων, ἡ δὲ παρὰ τῶν
πατέρων βοήθεια τοῖς τέκνοις), [1335a] οὔτε λίαν πάρεγγυς εἶναι
(πολλὴν γὰρ ἔχει δυσχέρειαν· ἥ τε γὰρ αἰδὼς ἧττον ὑπάρχει τοῖς
τοιούτοις ὥσπερ ἡλικιώταις καὶ περὶ τὴν οἰκονομίαν ἐγκληματικὸν τὸ
πάρεγγυς)·
ἔτι δ᾽, ὅθεν ἀρχόμενοι δεῦρο [5] μετέβημεν, ὅπως τὰ
σώματα τῶν γεννωμένων ὑπάρχῃ πρὸς τὴν τοῦ νομοθέτου βούλησιν.
§ 3. Σχεδὸν δὴ πάντα ταῦτα συμβαίνει κατὰ μίαν ἐπιμέλειαν.
Ἐπεὶ γὰρ
ὥρισται τέλος τῆς γεννήσεως ὡς ἐπὶ τὸ πλεῖστον εἰπεῖν ἀνδράσι μὲν ὁ
τῶν ἑβδομήκοντα ἐτῶν ἀριθμὸς ἔσχατος, πεντήκοντα δὲ [10] γυναιξί,
δεῖ τὴν ἀρχὴν τῆς συζεύξεως κατὰ τὴν ἡλικίαν εἰς τοὺς χρόνους
καταβαίνειν τούτους. § 4. Ἔστι δ᾽ ὁ τῶν νέων συνδυασμὸς φαῦλος πρὸς τὴν
τεκνοποιίαν· ἐν γὰρ πᾶσι ζῴοις ἀτελῆ τὰ τῶν νέων ἔκγονα, καὶ
θηλυτόκα μᾶλλον καὶ μικρὰ τὴν μορφήν, ὥστ᾽ ἀναγκαῖον ταὐτὸ τοῦτο
συμβαίνειν [15] καὶ ἐπὶ τῶν ἀνθρώπων. Τεκμήριον δέ· ἐν ὅσαις γὰρ τῶν
πόλεων ἐπιχωριάζεται τὸ νέους συζευγνύναι καὶ νέας, ἀτελεῖς καὶ
μικροὶ τὰ σώματά εἰσιν. Ἔτι δὲ ἐν τοῖς τόκοις αἱ νέαι πονοῦσί τε
μᾶλλον καὶ διαφθείρονται πλείους· διὸ καὶ τὸν χρησμὸν γενέσθαι τινές
φασι διὰ τοιαύτην αἰτίαν [20] τοῖς Τροιζηνίοις, ὡς πολλῶν
διαφθειρομένων διὰ τὸ γαμίσκεσθαι τὰς νεωτέρας, ἀλλ᾽ οὐ πρὸς τὴν τῶν
καρπῶν κομιδήν. § 5. Ἔτι δὲ καὶ πρὸς σωφροσύνην συμφέρει τὰς ἐκδόσεις
ποιεῖσθαι πρεσβυτέραις· ἀκολαστότεραι γὰρ εἶναι δοκοῦσι νέαι
χρησάμεναι ταῖς συνουσίαις. Καὶ τὰ τῶν ἀρρένων [25] δὲ σώματα
βλάπτεσθαι δοκεῖ πρὸς τὴν αὔξησιν, ἐὰν ἔτι τοῦ σπέρματος αὐξανομένου
ποιῶνται τὴν συνουσίαν· καὶ γὰρ τούτου τις ὡρισμένος χρόνος, ὃν οὐχ
ὑπερβαίνει πληθύον ἔτι, <ἢ μικρόν>·
§ 6. διὸ τὰς μὲν ἁρμόττει περὶ τὴν
τῶν ὀκτωκαίδεκα ἐτῶν ἡλικίαν συζευγνύναι, τοὺς δ᾽ ἑπτὰ καὶ τριάκοντα
ἢ μικρόν πρότερον· [30] ἐν τοσούτῳ γὰρ ἀκμάζουσί τε τοῖς σώμασιν ἡ
σύζευξις ἔσται, καὶ πρὸς τὴν παῦλαν τῆς τεκνοποιίας συγκαταβήσεται
τοῖς χρόνοις εὐκαίρως· ἔτι δὲ ἡ διαδοχὴ τῶν τέκνων τοῖς μὲν
ἀρχομένοις ἔσται τῆς ἀκμῆς, ἐὰν γίγνηται κατὰ λόγον εὐθὺς ἡ γένεσις,
τοῖς δὲ ἤδη καταλελυμένης τῆς ἡλικίας [35] πρὸς τὸν τῶν ἑβδομήκοντα
ἐτῶν ἀριθμόν. § 7. Περὶ μὲν οὖν τοῦ πότε δεῖ ποιεῖσθαι τὴν σύζευξιν εἴρηται, τοῖς δὲ
περὶ τὴν ὥραν χρόνοις δεῖ χρῆσθαι οἷς οἱ πολλοὶ χρῶνται, καλῶς καὶ
νῦν ὁρίσαντες χειμῶνος τὴν συναυλίαν ποιεῖσθαι ταύτην. Δεῖ δὲ καὶ
αὐτοὺς ἤδη θεωρεῖν πρὸς τὴν τεκνοποιίαν τά τε [40] παρὰ τῶν ἰατρῶν
λεγόμενα καὶ τὰ παρὰ τῶν φυσικῶν· οἵ τε γὰρ ἰατροὶ τοὺς καιροὺς τῶν
σωμάτων ἱκανῶς λέγουσι, [1335b] καὶ περὶ τῶν πνευμάτων οἱ φυσικοί,
τὰ βόρεια τῶν νοτίων ἐπαινοῦντες μᾶλλον.
§ 8. Ποίων δέ τινων τῶν σωμάτων
ὑπαρχόντων μάλιστ᾽ ἂν ὄφελος εἴη τοῖς γεννωμένοις, ἐπιστήσασι μὲν
μᾶλλον λεκτέον ἐν τοῖς περὶ τῆς παιδονομίας, [5] τύπῳ δὲ ἱκανὸν
εἰπεῖν καὶ νῦν. Οὔτε γὰρ ἡ τῶν ἀθλητῶν χρήσιμος ἕξις πρὸς πολιτικὴν
εὐεξίαν οὐδὲ πρὸς ὑγίειαν καὶ τεκνοποιίαν, οὔτε ἡ θεραπευτικὴ καὶ
κακοπονητικὴ λίαν, ἀλλ᾽ ἡ μέση τούτων. Πεπονημένην μὲν οὖν ἔχειν δεῖ
τὴν ἕξιν, πεπονημένην δὲ πόνοις μὴ βιαίοις, μηδὲ πρὸς ἕνα [10]
μόνον, ὥσπερ ἡ τῶν ἀθλητῶν ἕξις, ἀλλὰ πρὸς τὰς τῶν ἐλευθερίων
πράξεις. Ὁμοίως δὲ δεῖ ταῦτα ὑπάρχειν ἀνδράσι καὶ γυναιξίν. § 9. Χρὴ δὲ καὶ τὰς ἐγκύους ἐπιμελεῖσθαι τῶν σωμάτων, μὴ ῥᾳθυμούσας μηδ᾽
ἀραιᾷ τροφῇ χρωμένας. Τοῦτο δὲ ῥᾴδιον τῷ νομοθέτῃ ποιῆσαι
προστάξαντι καθ᾽ [15] ἡμέραν τινὰ ποιεῖσθαι πορείαν πρὸς θεῶν
ἀποθεραπείαν τῶν εἰληχότων τὴν περὶ τῆς γενέσεως τιμήν. Τὴν μέντοι
διάνοιαν τοὐναντίον τῶν σωμάτων ῥᾳθυμοτέρως ἁρμόττει διάγειν·
ἀπολαύοντα γὰρ φαίνεται τὰ γεννώμενα τῆς ἐχούσης ὥσπερ τὰ φυόμενα
τῆς γῆς.
§ 10. Περὶ δὲ ἀποθέσεως καὶ [20] τροφῆς τῶν γιγνομένων ἔστω νόμος
μηδὲν πεπηρωμένον τρέφειν, διὰ δὲ πλῆθος τέκνων ἡ τάξις τῶν ἐθῶν
κωλύῃ μηθὲν ἀποτίθεσθαι τῶν γιγνομένων· ὁρισθῆναι δὲ δεῖ τῆς
τεκνοποιίας τὸ πλῆθος, ἐὰν δέ τισι γίγνηται παρὰ ταῦτα
συνδυασθέντων, πρὶν αἴσθησιν ἐγγενέσθαι καὶ ζωὴν [25] ἐμποιεῖσθαι
δεῖ τὴν ἄμβλωσιν· τὸ γὰρ ὅσιον καὶ τὸ μὴ διωρισμένον τῇ αἰσθήσει καὶ
τῷ ζῆν ἔσται.
§ 11. Ἐπεὶ δ᾽ ἡ μὲν ἀρχὴ τῆς ἡλικίας ἀνδρὶ καὶ γυναικὶ
διώρισται, πότε ἄρχεσθαι χρὴ τῆς συζεύξεως, καὶ πόσον χρόνον
λειτουργεῖν ἁρμόττει πρὸς τεκνοποιίαν ὡρίσθω. Τὰ γὰρ τῶν πρεσβυτέρων
[30] ἔκγονα, καθάπερ τὰ τῶν νεωτέρων, ἀτελῆ γίγνεται καὶ τοῖς σώμασι
καὶ ταῖς διανοίαις, τὰ δὲ τῶν γεγηρακότων ἀσθενῆ· διὸ κατὰ τὴν τῆς
διανοίας ἀκμήν. Αὕτη δ᾽ ἐστὶν ἐν τοῖς πλείστοις ἥνπερ τῶν ποιητῶν
τινες εἰρήκασιν οἱ μετροῦντες ταῖς ἑβδομάσι τὴν ἡλικίαν, περὶ τὸν
χρόνον τὸν τῶν πεντήκοντα [35] ἐτῶν. Ὥστε τέτταρσιν ἢ πέντε ἔτεσιν
ὑπερβάλλοντα τὴν ἡλικίαν ταύτην ἀφεῖσθαι δεῖ τῆς εἰς τὸ φανερὸν
γεννήσεως· τὸ δὲ λοιπὸν ὑγιείας χάριν ἤ τινος ἄλλης τοιαύτης αἰτίας
φαίνεσθαι δεῖ ποιουμένους τὴν ὁμιλίαν.
§ 12. Περὶ δὲ τῆς πρὸς ἄλλην ἢ πρὸς
ἄλλον, ἔστω μὲν ἁπλῶς μὴ καλὸν [40] ἁπτόμενον φαίνεσθαι μηδαμῇ
μηδαμῶς, ὅταν ᾖ καὶ προσαγορευθῇ πόσις· περὶ δὲ τὸν χρόνον τὸν τῆς
τεκνοποιίας ἐάν τις φαίνηται τοιοῦτόν τι δρῶν, [1336α] ἀτιμίᾳ
ζημιούσθω πρεπούσῃ πρὸς τὴν ἁμαρτίαν.
|
§ 1. Si c'est un devoir du
législateur d'assurer dès le principe aux citoyens qu'il élève des
corps robustes, ses premiers soins doivent s'attacher aux mariages
des parents, et aux conditions de temps et d'individus requises pour
les contracter. Ici deux choses sont à considérer, les personnes et
la durée probable de leur union, afin que les âges soient toujours
dans un rapport convenable, et que les facultés des deux époux ne
discordent jamais, le mari pouvant encore avoir des enfants, quand
la femme est devenue stérile, ou réciproquement ; car ce sont là,
dans les unions, des germes de querelles et de mésintelligence. § 2.
Ceci importe, en second lieu, pour le rapport des âges entre les
parents et les enfants, qui les doivent remplacer. Il ne faut pas
qu'il y ait entre les pères et les enfants une excessive différence
; car alors la gratitude des enfants, envers des parents trop âgés,
est complètement vaine, et les parents ne peuvent assurer à leur
famille les secours dont elle a besoin. [1335a] Il ne
faut pas non plus que cette différence des âges soit trop faible ;
car ce sont d'autres inconvénients non moins graves . Les enfants
alors ne se sentent pas plus de respect pour leurs parents que pour
des compagnons d'âge ; et cette égalité peut causer dans
l'administration de la famille des discussions peu convenables.
Mais revenons à notre point de départ,
et voyons comment le législateur pourra former presqu'à son gré les
corps des enfants dés qu'ils sont engendrés.
§ 3. Tout ici à peu près repose sur un
seul point auquel il faut donner grande attention. Comme la nature a
limité la faculté génératrice à l'âge de soixante-dix ans tout au
plus tard pour les hommes, et cinquante pour les femmes, c'est en se
réglant sur ces époques extrêmes qu'il faut fixer l'âge où peut
commencer l'union conjugale. § 4. Les unions prématurées ne sont pas
favorables aux enfants qui en sortent. Dans toutes les races
d'animaux, les accouplements entre bêtes trop jeunes produisent des
rejetons faibles, le plus ordinairement du sexe féminin et de formes
très petites. L'espèce humaine est nécessairement soumise à la même
loi. On peut s'en convaincre en voyant que, dans tous les pays où
les jeunes gens s'unissent ordinairement de trop bonne heure, la
race est débile et de petites proportions. Il en résulte un autre
danger : les femmes jeunes souffrent bien davantage en couches, et
succombent bien plus fréquemment. Aussi, assure-t-on que l'oracle
répondit aux Trézéniens qui le consultaient sur les morts
multipliées de leurs jeunes femmes, qu'on les mariait trop tôt, «
sans penser à la récolte des fruits ». § 5. L'union dans un âge plus
formé n'est pas moins utile pour assurer la modération des sens. Les
femmes qui ont trop tôt senti l'amour, paraissent douées en général
d'un excessif tempérament. Pour les hommes, l'usage du sexe durant
leur croissance nuit au développement du corps, qui ne cesse
d'acquérir de la force qu'à un moment fixé par la nature, au delà
duquel il ne peut plus croître.
§ 6. On peut donc déterminer l'époque
du mariage, à dix-huit ans pour les femmes, et à trente-sept ou un
peu moins pour les hommes. Dans ces limites, le moment de l'union
sera précisément celui de toute la force ; et les époux auront un
temps égal pour procréer convenablement, jusqu'à ce que la nature
leur ôte la puissance génératrice. Ainsi leur union pourra être
féconde, et au moment de toute leur vigueur, si, comme on doit le
croire, la naissance des enfants suit immédiatement le mariage, et
jusqu'au déclin de l'âge, c'est-à-dire vers soixante-dix ans pour
les maris. § 7. Tels sont nos principes sur l'époque et la durée des
mariages ; quant au moment précis de l'union, nous partageons l'avis
de ceux qui, par leur propre expérience toujours heureuse, croient
que l'hiver est le temps le plus propice. Il faut consulter aussi ce
que les médecins et les naturalistes ont pensé sur la génération.
Les premiers pourront dire quelles sont les qualités requises de
santé ; et les autres apprendront quels vents il convient
d'attendre. En général le vent du nord leur semble préférable à
celui du midi.
§ 8. Nous ne nous arrêterons pas sur
les conditions de tempérament les plus favorables dans les parents à
la vigueur de leurs fils ; ces détails, si l'on approfondissait les
choses, ne trouveraient une place convenable que dans un traité
d'éducation. Nous pouvons, ici, aborder ce sujet en quelques mots.
Le tempérament n'a pas besoin d'être athlétique, ni pour les travaux
politiques, ni pour la santé, ni pour la procréation : il ne faut
pas non plus qu'il soit valétudinaire et trop incapable de rudes
travaux ; il faut qu'il tienne le milieu entre ces extrêmes. Le
corps doit être rompu aux fatigues, sans pourtant que ces fatigues
soient par trop violentes. Il ne doit pas non plus n'être propre
qu'à un seul genre d'exercice, comme ceux des athlètes ; il doit
pouvoir supporter tous les travaux dignes d'un homme libre. Ces
conditions me paraissent également applicables aux femmes et aux
hommes. § 9. Les mères, durant la grossesse, veilleront avec soin à
leur régime, et se garderont bien d'être inactives et de se nourrir
légèrement. Le moyen est facile, et le législateur n'aura qu'à leur
prescrire de se rendre chaque jour au temple, pour implorer l'appui
des dieux qui président aux naissances. Mais si leur corps a besoin
d'activité, il faudra conserver au contraire à leur esprit le calme
le plus parfait. Les enfants ne ressentent pas moins les impressions
de la mère qui les porte, que les fruits ne tiennent du sol qui les
nourrit.
§ 10. Pour distinguer les enfants
qu'il faut abandonner, et ceux qu'il faut élever, il conviendra de
défendre par une loi de prendre jamais soin de ceux qui naîtront
difformes ; quant au nombre des enfants, si les moeurs répugnent à
l'abandon complet, et qu'au delà du terme formellement imposé à la
population, quelques mariages deviennent féconds, il faudra
provoquer l'avortement avant que l'embryon ait reçu le sentiment et
la vie. Le crime, ou l'innocence de ce fait, ne dépend absolument
que de cette circonstance de sensibilité et de vie.
§ 11. Mais il ne suffit pas d'avoir
précisé l'âge où, pour l'homme et la femme, commencera l'union
conjugale, il faut encore déterminer l'époque où la génération devra
cesser. Les hommes trop âgés comme les jeunes gens ne produisent que
des êtres incomplets de corps et d'esprit, et les enfants des
vieillards sont d'une faiblesse irrémédiable. Que l'on cesse
d'engendrer au moment même où l'intelligence a acquis tout son
développement ; et cette époque, si l'on s'en rapporte au calcul de
quelques poètes, qui mesurent la vie par septénaires, coïncide
généralement avec la cinquantaine. Ainsi, qu'on renonce à procréer
des enfants quatre ou cinq ans au plus après ce terme ; et qu'on ne
prenne encore les plaisirs de l'amour que par des motifs de santé ou
par des considérations non moins fortes.
§ 12. Quant à l'infidélité, de quelque
part qu'elle vienne, à quelque degré qu'elle soit poussée, il faut
en faire un objet de déshonneur, tant qu'on est époux de fait ou de
nom; et si la faute est constatée durant le temps fixé pour la
fécondité, qu'elle soit punie d'une peine infamante avec toute la
sévérité qu'elle mérite. |
§ 1. Des germes de
querelles. On remarquera la profondeur de toutes ces
observations et de ces de sages conseils.
§ 4. Dans toutes les races
d'animaux. Voir l'Histoire des animaux, liv. VII, ch. I,
traduction de Camus, et p. 581, édit. de Berlin. On sait que cette
observation d'Aristote est parfaitement vraie. On l'a, depuis lors,
bien souvent répétée. Voir plus bas, § 11.
§ 6. Dix-huit ans pour les
femmes. Platon, Républ., liv. V, p. 276, trad. de M. Cousin, a
fixé pour les femmes l'âge de vingt à quarante ans, et pour les
hommes de trente-cinq à cinquante-cinq. Sous le climat de la Grèce,
c'était certainement retarder beaucoup le mariage pour les femmes.
En ceci, les deux philosophes grecs ont été plus sages que nous ne
le sommes aujourd'hui, où, dans un climat comme le nôtre,
c'est-à-dire beaucoup plus froid, les femmes sont mariées aussi, en
général, de dix-huit à vingt ans. Ocellus Lucanus, ou l'auteur qui a
pris son nom, expose les mêmes principes qu'Aristote sur le mariage,
dans le petit traité intitulé : «De la Nature de l'univers ».
§ 7. L'hiver est le temps
le plus favorable. Le mois Gamélion ou le mois des Noces, chez
les Athéniens, répondait à notre mois de novembre à peu près. Voir
la République de Platon, liv. V, p. 272.
§ 9. Se rendre chaque jour
au temple. Voir une pensée tout à fait analogue dans les Lois de
Platon, liv. VII, p. 5, trad. de M. Cousin.
§ 10. Ceux qu'il faut
abandonner. Il faut distinguer entre « l'exposition et l'abandon
» des enfants : l'exposition, c'est le dépôt de l'enfant dans un
lieu où il peut être recueilli ; l'abandon est le délaissement dans
un lieu où il doit mourir. Cet abandon des enfants contrefaits était
un principe généralement reçu dans la Grèce, excepté à Thèbes, où
une loi défendait expressément de les faire périr. A Sparte, il
était appliqué dans toute sa rigueur. Tout enfant qui naissait était
aussitôt soumis à l'examen des membres de la tribu, qui avaient sur
lui droit de vie et de mort. Voir Cragius, liv. 1, ch. V, et liv.
II, instit. 2. Platon, dans sa République, liv. V, p. 273, trad. de
M. Cousin, n'est pas moins dur qu'Aristote ; il prescrit même
positivement, p. 278, de laisser mourir de faim les enfants nés d'un
commerce incestueux.
Ce
sont les mêmes principes qu'Aristote professe. Ainsi Platon et son
disciple prescrivent l'abandon pour les enfants mal conformés :
celui-ci, l'avortement pour les enfants qui viendraient en surnombre
; celui-là, l'avortement et la mort pour les enfants produits par
l'inceste. Aristote semble ici montrer un peu plus d'humanité ; car
il paraît regarder comme un crime de tuer l'enfant qui aurait
échappé à l'avortement. Voir la fin du paragraphe. Voir aussi
Montesquieu, liv. XXII, ch. XXIII. - Provoquer l'avortement. Il
semblerait résulter de ce passage que l'on connaissait dans
l'antiquité des moyens infaillibles d'avortement. De nos jours, il
parait démontré qu'on ne peut le tenter sans risquer l'existence de
la mère. Ce détail est hideux.
§ 11. Les hommes trop âgés.
Voir la même pensée déjà exprimée plus haut, § 4.
§ 12. De quelque part
qu'elle vienne. On peut croire qu'il s'agit ici de défendre
l'adultère au mari aussi bien qu'à la femme ; mais il est possible
en comprenant ce passage dans le sens que lui ont donné la plupart
des commentateurs, de le rapprocher d'un autre dont il semble être
le complément, et qui désigne un délit de tout autre espèce, dont il
a été question liv. II, ch. VII, § 5. |
CHAPITRE XV.
Suite. De l'éducation de la première
enfance ; soins hygiéniques ; exercices corporels. La société des
esclaves est à éviter; il faut proscrire toute parole et toute
action déshonnêtes devant les enfants ; importance des premières
impressions. De cinq à sept ans, les enfants doivent assister aux
leçons sans y prendre part ; il y a deux époques dans l'éducation :
de sept ans à la puberté, de la puberté à vingt et un ans. |
§ 1. Γενομένων δὲ τῶν τέκνων οἴεσθαι δεῖ μεγάλην εἶναι διαφορὰν πρὸς τὴν
τῶν σωμάτων δύναμιν τὴν τροφήν, ὁποία [5] τις ἂν ᾖ. Φαίνεται δὲ διά
τε τῶν ἄλλων ζῴων ἐπισκοποῦσι, καὶ διὰ τῶν ἐθνῶν οἷς ἐπιμελές ἐστιν
ἄγειν εἰς τὴν πολεμικὴν ἕξιν, ἡ τοῦ γάλακτος πλήθουσα τροφὴ μάλιστ᾽
οἰκεία τοῖς σώμασιν, <ἡ> ἀοινοτέρα δὲ διὰ τὰ νοσήματα.
§ 2. Ἔτι δὲ καὶ
κινήσεις ὅσας ἐνδέχεται ποιεῖσθαι τηλικούτων συμφέρει. [10] Πρὸς δὲ
τὸ μὴ διαστρέφεσθαι τὰ μέλη δι᾽ ἁπαλότητα χρῶνται καὶ νῦν ἔνια τῶν
ἐθνῶν ὀργάνοις τισὶ μηχανικοῖς, ἃ τὸ σῶμα ποιεῖ τῶν τοιούτων
ἀστραβές. Συμφέρει δ᾽ εὐθὺς καὶ πρὸς τὰ ψύχη συνεθίζειν ἐκ μικρῶν
παίδων· τοῦτο γὰρ καὶ πρὸς ὑγίειαν καὶ πρὸς πολεμικὰς [15] πράξεις
εὐχρηστότατον. Διὸ παρὰ πολλοῖς ἐστι τῶν βαρβάρων ἔθος τοῖς μὲν εἰς
ποταμὸν ἀποβάπτειν τὰ γιγνόμενα ψυχρόν, τοῖς δὲ σκέπασμα μικρὸν
ἀμπίσχειν, οἷον Κελτοῖς.
§ 3. Πάντα γὰρ ὅσα δυνατὸν [ἐθίζειν] εὐθὺς
ἀρχομένων βέλτιον ἐθίζειν μέν, ἐκ προσαγωγῆς δ᾽ ἐθίζειν· [20] εὐφυὴς
δ᾽ ἡ τῶν παίδων ἕξις διὰ θερμότητα πρὸς τὴν τῶν ψυχρῶν ἄσκησιν. Περὶ μὲν οὖν τὴν πρώτην συμφέρει ποιεῖσθαι τὴν ἐπιμέλειαν τοιαύτην
τε καὶ τὴν ταύτῃ παραπλησίαν·
§ 4. τὴν δ᾽ ἐχομένην ταύτης ἡλικίαν μέχρι
πέντε ἐτῶν, ἣν οὔτε πω πρὸς μάθησιν καλῶς ἔχει προσάγειν οὐδεμίαν
[25] οὔτε πρὸς ἀναγκαίους πόνους, ὅπως μὴ τὴν αὔξησιν ἐμποδίζωσιν,
δεῖ τοσαύτης τυγχάνειν κινήσεως ὥστε διαφεύγειν τὴν ἀργίαν τῶν
σωμάτων· ἣν χρὴ παρασκευάζειν καὶ δι᾽ ἄλλων πράξεων καὶ διὰ τῆς
παιδιᾶς. Δεῖ δὲ καὶ τὰς παιδιὰς εἶναι μήτε ἀνελευθέρους μήτε
ἐπιπόνους μήτε ἀνειμένας. § 5. [30] Καὶ περὶ λόγων δὲ καὶ μύθων, ποίους
τινὰς ἀκούειν δεῖ τοὺς τηλικούτους, ἐπιμελὲς ἔστω τοῖς ἄρχουσιν οὓς
καλοῦσι παιδονόμους. Πάντα γὰρ δεῖ τὰ τοιαῦτα προοδοποιεῖν πρὸς τὰς
ὕστερον διατριβάς· διὸ τὰς παιδιὰς εἶναι δεῖ τὰς πολλὰς μιμήσεις τῶν
ὕστερον σπουδαζομένων. § 6. Τὰς δὲ διατάσεις [35] τῶν παίδων καὶ
κλαυθμοὺς οὐκ ὀρθῶς ἀπαγορεύουσιν οἱ κωλύοντες ἐν τοῖς νόμοις·
συμφέρουσι γὰρ πρὸς αὔξησιν· γίγνεται γὰρ τρόπον τινὰ γυμνασία τοῖς
σώμασιν· ἡ γὰρ τοῦ πνεύματος κάθεξις ποιεῖ τὴν ἰσχὺν τοῖς πονοῦσιν,
ὃ συμβαίνει καὶ τοῖς παιδίοις διατεινομένοις. Ἐπισκεπτέον δὲ [40] τοῖς παιδονόμοις τὴν τούτων διαγωγήν, τήν τ᾽
ἄλλην καὶ ὅπως ὅτι ἥκιστα μετὰ δούλων ἔσται. Ταύτην γὰρ τὴν ἡλικίαν,
[1336b] καὶ μέχρι τῶν ἑπτὰ ἐτῶν, ἀναγκαῖον οἴκοι τὴν τροφὴν ἔχειν.
§ 7. Εὔλογον οὖν ἀπολαύειν ἀπὸ τῶν ἀκουσμάτων καὶ τῶν ὁραμάτων
ἀνελευθερίαν καὶ τηλικούτους ὄντας. Ὅλως μὲν οὖν αἰσχρολογίαν ἐκ τῆς
πόλεως, ὥσπερ ἄλλο τι, δεῖ [5] τὸν νομοθέτην ἐξορίζειν (ἐκ τοῦ γὰρ
εὐχερῶς λέγειν ὁτιοῦν τῶν αἰσχρῶν γίνεται καὶ τὸ ποιεῖν σύνεγγυς)·
μάλιστα μὲν οὖν ἐκ τῶν νέων, ὅπως μήτε λέγωσι μήτε ἀκούωσι μηδὲν
τοιοῦτον· ἐὰν δέ τις φαίνηταί τι λέγων ἢ πράττων τῶν ἀπηγορευμένων,
τὸν μὲν ἐλεύθερον μὲν μήπω δὲ κατακλίσεως [10] ἠξιωμένον ἐν τοῖς
συσσιτίοις ἀτιμίαις κολάζειν καὶ πληγαῖς, τὸν δὲ πρεσβύτερον τῆς
ἡλικίας ταύτης ἀτιμίαις ἀνελευθέροις ἀνδραποδωδίας χάριν. § 8.
Ἐπεὶ δὲ τὸ
λέγειν τι τῶν τοιούτων ἐξορίζομεν, φανερὸν ὅτι καὶ τὸ θεωρεῖν ἢ
γραφὰς ἢ λόγους ἀσχήμονας. Ἐπιμελὲς μὲν οὖν ἔστω τοῖς [15] ἄρχουσι
μηθέν, μήτε ἄγαλμα μήτε γραφήν, εἶναι τοιούτων πράξεων μίμησιν, εἰ
μὴ παρά τισι θεοῖς τοιούτοις οἷς καὶ τὸν τωθασμὸν ἀποδίδωσιν ὁ
νόμος. Πρὸς δὲ τούτους ἀφίησιν ὁ νόμος τοὺς τὴν ἡλικίαν ἔχοντας ἔτι
τὴν ἱκνουμένην καὶ ὑπὲρ αὑτῶν καὶ τέκνων καὶ γυναικῶν τιμαλφεῖν τοὺς
θεούς·
§ 9. [20] τοὺς δὲ νεωτέρους οὔτ᾽ ἰάμβων οὔτε κωμῳδίας θεατὰς
ἐατέον, πρὶν ἢ τὴν ἡλικίαν λάβωσιν ἐν ᾗ καὶ κατακλίσεως ὑπάρξει
κοινωνεῖν ἤδη καὶ μέθης, καὶ τῆς ἀπὸ τῶν τοιούτων γιγνομένης βλάβης
ἀπαθεῖς ἡ παιδεία ποιήσει πάντως.
Νῦν μὲν οὖν ἐν παραδρομῇ τοῦτον πεποιήμεθα τὸν λόγον· [25] ὕστερον
δ᾽ ἐπιστήσαντας δεῖ διορίσαι μᾶλλον, εἴτε μὴ δεῖ πρῶτον εἴτε δεῖ
διαπορήσαντας, καὶ πῶς δεῖ· κατὰ δὲ τὸν παρόντα καιρὸν ἐμνήσθημεν ὡς
ἀναγκαῖον.
10. Ἴσως γὰρ οὐ κακῶς ἔλεγε τὸ τοιοῦτον Θεόδωρος ὁ τῆς
τραγῳδίας ὑποκριτής· οὐθενὶ γὰρ πώποτε παρῆκεν ἑαυτοῦ προεισάγειν,
οὐδὲ [30] τῶν εὐτελῶν ὑποκριτῶν, ὡς οἰκειουμένων τῶν θεατῶν ταῖς
πρώταις ἀκοαῖς· συμβαίνει δὲ ταὐτὸ τοῦτο καὶ πρὸς τὰς τῶν ἀνθρώπων
ὁμιλίας καὶ πρὸς τὰς τῶν πραγμάτων· πάντα γὰρ στέργομεν τὰ πρῶτα
μᾶλλον. Διὸ δεῖ τοῖς νέοις πάντα ποιεῖν ξένα τὰ φαῦλα, μάλιστα δ᾽
αὐτῶν ὅσα [35] ἔχει ἢ μοχθηρίαν ἢ δυσμένειαν. Διελθόντων δὲ τῶν
πέντε ἐτῶν τὰ δύο μέχρι τῶν ἑπτὰ δεῖ θεωροὺς ἤδη γίγνεσθαι τῶν
μαθήσεων ἃς δεήσει μανθάνειν αὐτούς.
§ 11. Δύο δ᾽ εἰσὶν ἡλικίαι πρὸς ἃς
ἀναγκαῖον διῃρῆσθαι τὴν παιδείαν, πρὸς τὴν ἀπὸ τῶν ἑπτὰ μέχρι ἥβης
καὶ πάλιν μετὰ πρὸς τὴν ἀφ᾽ [40] ἥβης μέχρι τῶν ἑνὸς καὶ εἴκοσιν
ἐτῶν. Οἱ γὰρ ταῖς ἑβδομάσι διαιροῦντες τὰς ἡλικίας ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ
λέγουσιν οὐ κακῶς, [1337α] δεῖ δὲ τῇ διαιρέσει τῆς φύσεως
ἐπακολουθεῖν· πᾶσα γὰρ τέχνη καὶ παιδεία τὸ προσλεῖπον βούλεται τῆς
φύσεως ἀναπληροῦν.
§ 12. Πρῶτον μὲν οὖν σκεπτέον εἰ ποιητέον τάξιν τινὰ
περὶ τοὺς παῖδας, ἔπειτα πότερον συμφέρει κοινῇ [5] ποιεῖσθαι τὴν
ἐπιμέλειαν αὐτῶν ἢ κατ᾽ ἴδιον τρόπον (ὃ γίγνεται καὶ νῦν ἐν ταῖς
πλείσταις τῶν πόλεων), τρίτον δὲ ποίαν τινὰ δεῖ ταύτην <εἶναι>. |
§ 1. Les enfants une fois nés,
il faut se bien persuader que la nature de l'alimentation qui leur
est donnée, a la plus grande influence sur leurs forces corporelles.
L'exemple même des animaux, ainsi que l'exemple de toutes les
nations qui font un cas particulier des tempéraments propres à la
guerre, nous prouve que la nourriture la plus substantielle et qui
convient le mieux au corps, est le lait, et qu'il faut s'abstenir de
donner du vin aux enfants, à cause des maladies qu'il engendre.
§ 2. Il importe aussi de savoir
jusqu'à quel point il convient de leur laisser la liberté de leurs
mouvements; pour éviter que leurs membres si délicats ne se
déforment, quelques nations se servent, encore de nos jours, de
diverses machines qui assurent à ces petits corps un développement
régulier. Il est utile encore, dès la plus tendre enfance, de les
habituer à l'impression du froid ; et cet usage n'est pas moins
utile pour la santé que pour les travaux de la guerre. Aussi, bien
des peuples barbares ont-ils la coutume tantôt de plonger leurs
enfants dans l'eau froide, tantôt de ne leur donner qu'un vêtement
fort léger ; et c'est ce que font les Celtes.
§ 3. Pour toutes les habitudes qu'on
peut contracter, il vaut mieux s'y prendre dès l'âge le plus tendre,
en ayant soin de procéder par degrés ; et la chaleur naturelle des
enfants leur fait très aisément affronter le froid. Tels sont à peu
près les soins qu'il importe le plus d'avoir pour le premier âge.
§ 4. Quant à l'âge qui suit celui-là
et qui s'étend jusqu'à cinq ans, on ne peut encore en exiger ni une
application intellectuelle, ni des fatigues violentes, qui
arrêteraient la croissance. Mais on peut lui demander l'activité
nécessaire pour éviter une entière paresse de corps. On peut alors
provoquer les enfants à l'action par divers moyens, mais surtout par
le jeu ; et les jeux qu'on leur donne ne doivent être ni indignes
d'hommes libres, ni trop pénibles, ni trop faciles. § 5. Surtout que
les magistrats chargés de l'éducation et qu'on nomme pédonomes,
veillent avec le plus grand soin aux paroles, aux contes qui
viendront frapper ces jeunes oreilles. Tout ici doit être fait pour
les préparer aux travaux qui plus tard les attendent. Que leurs jeux
soient donc en général les ébauches des exercices auxquels ils se
livreront dans un âge plus avancé. § 6. On a grand tort d'ordonner
par des lois de comprimer les cris et les pleurs des enfants ; c'est
au contraire un moyen de développement et une sorte d'exercice pour
le corps. On se donne une force nouvelle dans un rude effort en
retenant son haleine ; et les enfants profitent également de leur
contention à crier. Parmi tant d'autres soins, les pédonomes
veilleront aussi à ce qu'ils fréquentent le moins possible la
société des esclaves ; [1336b] car jusqu'à sept ans, les
enfants resteront nécessairement dans la maison paternelle. § 7.
Mais malgré cette circonstance, il convient d'épargner à leurs
regards et à leurs oreilles tout spectacle, toute parole indignes
d'un homme libre. Le législateur devra sévèrement bannir de sa cité
l'indécence des propos, comme il en bannit tout autre vice. Quand on
se permet de dire des choses déshonnêtes, on est bien près de se
permettre d'en faire ; et l'on doit proscrire, dès l'enfance, toute
parole et toute action de ce genre. Si quelque homme de naissance
libre, mais trop jeune pour être admis à l'honneur des repas
communs, se permet une parole, une action défendues, qu'on le châtie
honteusement, qu'on le frappe ; et s'il est d'un âge déjà mûr, qu'on
le punisse comme un vil esclave, par des châtiments convenables à
son âge ; car sa faute est celle d'un esclave. § 8. Puisque nous
proscrivons les paroles indécentes, nous proscrirons également et
les peintures et les représentations obscènes. Que le magistrat
veille donc à ce qu'aucune statue, aucun dessin ne rappelle des
idées de ce genre, si ce n'est dans les temples de ces dieux à qui
la loi elle-même permet l'obscénité. Mais la loi prescrit dans un
âge plus avancé de ne pas prier ces dieux-là, ni pour soi, ni pour
sa femme, ni pour ses enfants.
§ 9. La loi doit défendre aux jeunes
gens d'assister aux farces satyriques et aux comédies, jusqu'à l'âge
où ils pourront prendre place aux repas communs et boire le vin pur.
Alors l'éducation les aura tous prémunis contre les dangers de ces
réunions.
Nous n'avons fait ici qu'effleurer ce
sujet; mais nous verrons plus tard, en y insistant davantage, s'il
ne faut pas pour la jeunesse bannir absolument tout spectacle; ou
bien, en admettant ce principe, comment il faut le modifier. Pour le
moment, nous nous sommes bornés aux généralités indispensables.
§ 10. Théodore, l'acteur tragique,
n'avait peut-être pas tort de dire qu'il ne souffrait jamais qu'un
comédien, même fort médiocre, parût en scène avant lui, parce que
les spectateurs se faisaient aisément à la voix qu'ils entendaient
la première. Ceci est également vrai dans nos rapports, et avec nos
semblables, et avec les choses qui nous entourent. La nouveauté est
toujours ce qui nous charme le plus. Ainsi, qu'on rende étranger à
l'enfance tout ce qui porte une mauvaise empreinte ; et surtout,
qu'on en écarte tout ce qui sent le vice ou la malveillance.
§ 11. De cinq à sept ans, il faut que
les enfants assistent pendant deux années aux leçons qui, plus tard,
seront faites pour eux. D'ailleurs, l'éducation comprendra
nécessairement deux époques distinctes, depuis sept ans jusqu'à la
puberté, et depuis la puberté jusqu'à vingt-un ans. On se trompe
souvent quand on ne veut compter la vie que par périodes
septénaires. Il faut bien plutôt suivre pour cette division la
marche même de la nature ; car les arts et l'éducation ont
uniquement pour but d'en combler les lacunes.
§ 12. Voyons-donc en premier lieu s'il
convient que le législateur impose une règle à l'enfance. Nous
verrons ensuite s'il vaut mieux que l'éducation soit faite en commun
par l'État, ou laissée aux familles, comme dans la plupart des
gouvernements actuels ; et nous dirons enfin sur quels objets elle
doit porter. |
§ 2. De diverses machines.
Voilà sans doute la première trace d'orthopédie que puisse citer
l'his toire de la médecine. - L'impression du froid. Ce sont les
mêmes principes crue ceux de Rousseau sur la première éducation des
enfants. Seulement, Rousseau veut pousser cette éducation négative
jusqu'à douze ans; Aristote ne veut pas qu'elle s'étende au delà de
cinq, et je crois qu'il a raison. Il faut lire aussi Platon,
Républ., liv. VII, traduction de M. Cousin, p. 115 et suiv.; ses
préceptes sont à peu près ceux de son disciple.
§ 6. Par des lois.
C'est de Platon qu'Aristote veut parler, Lois, liv. VII, p. 7 et
suiv., trad. de M. Cousin.
§ 8. Permet l'obscénité.
Pan, Priape, Conisalos, Othanès, etc.
§ 9. Prendre place aux
repas communs. On sait que les anciens se couchaient et
n'étaient point assis, comme nous, pour manger. Les enfants
restaient debout, et sortaient de table quand on apportait le vin
pur, à la fin du repas, pour les autres convives. - Plus tard. C'est
sans doute dans un autre ouvrage qui est perdu ; dans celui-ci,
Aristote ne revient pas sur ce sujet.
--
Tout spectacle.
Aujourd'hui le législateur ne songe plus à ces graves précautions,
et la famille parmi nous n'y songe guère davantage.Nous n'avons fait
ici qu'effleurer ce sujet; mais nous verrons plus tard, en y
insistant davantage, s'il ne faut pas pour la jeunesse bannir
absolument tout spectacle; ou bien, en admettant ce principe,
comment il faut le modifier. Pour le moment, nous nous sommes bornés
aux généralités indispensables.
§ 10. Théodore était
un acteur célèbre, contemporain d'Aristote et de Paulus. Démosthène
en parle, De falsa legat., § 246, éd. Didot.
--
Une mauvaise empreinte.
Tous ces conseils sont d'une admirable sagesse.
§ 11. Par périodes
septénaires. Voir plus haut, même livre, ch. XIV, § II. |