LIVRE III
DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI.
CHAPITRE IX.
Suite; réfutation des théories
antérieures; véritable définition de l'infini opposée à la
définition vulgaire. Parménide et Mélissus. |
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1 Συμβαίνει δὲ τοὐναντίον εἶναι ἄπειρον ἢ ὡς λέγουσιν. [207a] Οὐ γὰρ οὗ μηδὲν ἔξω, ἀλλ' οὗ ἀεί τι ἔξω ἐστί, τοῦτο ἄπειρόν ἐστιν. 2 Σημεῖον δέ· καὶ γὰρ τοὺς δακτυλίους ἀπείρους λέγουσι τοὺς μὴ ἔχοντας σφενδόνην, ὅτι αἰεί τι ἔξω ἔστι λαμβάνειν, καθ' ὁμοιότητα μέν τινα λέγοντες, οὐ μέντοι κυρίως· δεῖ γὰρ τοῦτό τε ὑπάρχειν καὶ μηδέ ποτε τὸ αὐτὸ λαμβάνεσθαι· ἐν δὲ τῷ κύκλῳ οὐ γίγνεται οὕτως, ἀλλ' αἰεὶ τὸ ἐφεξῆς μόνον ἕτερον. Ἄπειρον μὲν οὖν ἐστιν οὗ κατὰ τὸ ποσὸν λαμβάνουσιν αἰεί τι λαμβάνειν ἔστιν ἔξω. 3 Οὗ δὲ μηδὲν ἔξω, τοῦτ' ἔστι τέλειον καὶ ὅλον· οὕτω γὰρ ὁριζόμεθα τὸ ὅλον, οὗ μηδὲν ἄπεστιν, οἷον ἄνθρωπον ὅλον ἢ κιβώτιον. Ὥσπερ δὲ τὸ καθ' ἕκαστον, οὕτω καὶ τὸ κυρίως, οἷον τὸ ὅλον οὗ μηδέν ἐστιν ἔξω· οὗ δ' ἔστιν ἀπουσία ἔξω, οὐ πᾶν, ὅ τι ἂν ἀπῇ. Ὅλον δὲ καὶ τέλειον ἢ τὸ αὐτὸ πάμπαν ἢ σύνεγγυς τὴν φύσιν. Τέλειον δ' οὐδὲν μὴ ἔχον τέλος· τὸ δὲ τέλος πέρας. 4 Διὸ βέλτιον οἰητέον Παρμενίδην Μελίσσου εἰρηκέναι· ὁ μὲν γὰρ τὸ ἄπειρον ὅλον φησίν, ὁ δὲ τὸ ὅλον πεπεράνθαι, “μεσσόθεν ἰσοπαλές”.
Οὐ γὰρ λίνον λίνῳ συνάπτειν ἐστὶν τῷ
ἅπαντι καὶ ὅλῳ τὸ ἄπειρον, |
§ 1. Il se trouve que l'infini est tout le contraire de ce que disent nos philosophes; [207a] car l'infini n'est pas du tout ce en dehors de quoi il n'y a rien, mais il est précisément ce qui a perpétuellement quelque chose en dehors. § 2. La preuve, c'est qu'ils qualifient eux-mêmes d'infinis les anneaux qui n'ont pas de chaton, parce qu'on peut toujours prendre un point en dehors de celui auquel on s'arrête ; mais ce n'est là qu'une espèce de similitude qu'ils peuvent employer à leur gré ; ce n'est pas cependant une expression propre. Il faut bien en effet pour l'infini que cette condition existe, et aussi que jamais le même point n'y soit repris: or, il n'y a rien de pareil dans le cercle, et le point nouveau n'est autre que parce qu'on le prend à la suite d'un point qui précède. Donc l'infini est ce qui peut toujours, en dehors de la quantité qu'on a, fournir quelque chose, qui soit une quantité nouvelle. § 3. Au contraire, ce en dehors de quoi il n'y a plus rien peut s'appeler le parfait, le tout, l'entier; car on entend par le tout, par l'entier, ce à quoi rien ne manque en fait de parties : par exemple, un homme complet et entier, un coffre entier et complet. Car de même que la définition s'applique à chaque objet particulier. elle s'applique aussi de même au terme propre et absolu ; et par exemple, le tout, l'entier, signifie ce en dehors de quoi il n'y a plus rien. Mais ce en dehors de quoi reste quelque chose qui lui manque, n'est plus entier, quelque soit ce qui lui manque. L'entier et le parfait sont des termes absolument identiques, ou du moins ils sont d'une nature bien voisine. Or, rien n'est parfait qui n'ait une fin ; et la fin, c'est la limite. § 4. Aussi doit-on trouver que Parménide était plus dans le vrai que Mélissus ; car celui-ci disait que l'infini est l'entier, tandis que celui-ci pré-tendait que l'entier est limité et fini : « De tous côtés égal, à partir du milieu. »
Car confondre l'infini avec le tout et
avec l'entier, ce n'est pas précisément joindre un bout de fil à un
autre bout de fil. |
Ch. IX, § 1. Nos philosophes, le texte n'a qu'un verbe à la troisième personne du pluriel; j'ai cru devoir rendre tas traduction plus précise, Ces philosophes sont ceux dont on a réfuté les théories depuis le ch. 4 : les Pythagoriciens, Héraclite, Anaxagore, Démocrite, Platon, etc. - Ce qui a perpétuellement quelque chose en dehors, c'est un résumé aussi exact que concis de toute la discussion précédente, où l'Infini est présenté comme étant en puissance, bien plutôt qu'en fait et en réalité. § 2. Les anneaux qui n'ont pas de chaton, et qui peuvent par conséquent assez bien représenter un cercle où il n'y a ni commencement, ni fin, et qui peut être assimilé à l'infini. - En dehors de celui où l'on s'arrête, le texte n'est pas aussi formel. - Ce n'est pas une expression propre, pour rendre l'infini dans ce qu'il est véritablement. - Pour l'infini, j'ai ajouté ces mots qui sont indispensables. - Nouveau... nouvelle : même remarque. - Donc l'infini, Aristote répète la définition qui lui est propre, et qu'il a raison de préférer à toutes celles qu'on avait essayées avant lui. § 3. Le tout, l'entier, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. Voir pour la définition de ces différents termes la Métaphysique, Livre IV, ch. 16 et 26, p. 1021, b, 12 et 1022, h, 27, édit. de Berlin. - En fait de parties, ces mots qui manquent dans plusieurs manuscrits, et que les éditeurs de Berlin ont cru pouvoir supprimer, sont confirmés par les divers passages de la Métaphysique qui viennent d'être cités, - Au terme propre et absolu, j'ai ajouté ces derniers mots. Le ternie propre est ce-lui qui est pris absolument sans être joint comme épithète à aucun objet déterminé. - D'une nature bien voisine, dans la Métaphysique les définitions de ces deux termes sont séparées l'une de l'autre par plusieurs autres définitions. Il semble, d'après ce passage, qu'il aurait mieux valu les rapprocher à cause du rapprochement même des idées. § 4. Parménide était plus dans le vrai, plus haut, Livre 1, ch. 1, § 5, et ch. 4, § 1, Parménide a déjà été placé fort au-dessus de Mélissus - Est l'entier, et aussi le tout, l'univers. - De tous côtés égal, j'ai cru devoir faire un vers de ce passage, pour bien montrer que c'est une citation textuelle de Parménide que fait ici Aristote; elle nous a été conservée complète dans les fragments qui nous restent de Parménide. - Joindre un bout de fil, il est probable que c'était là un proverbe du temps d'Aristote, comme le remarque Simplicius; mais cette nuance n'étant pas indiquée dans le texte, je n'ai pas dû l'introduire dans la traduction, bien qu'elle soit évidente, et que j'eusse pu me permettre cette addition utile.
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