Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE II : DE  LA NATURE : CHAPITRE II

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre I - chapitre III

paraphrase du livre II

 

LIVRE II

DE LA NATURE.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE II.
Rapports et différences des mathématiques et de la physique. Critique de la théorie des Idées, qui se perd dans tes abstractions. - Deux aspects de la nature, la matière et la forme ; les anciens philosophes, Empédocle, Démocrite, etc., n'ont étudié que la matière. Le vrai physicien doit étudier la matière et la forme tout ensemble. Citation du traité Sur la philosophie.

1 . Ἐπεὶ δὲ διώρισται ποσαχῶς ἡ φύσις, μετὰ τοῦτο θεωρητέον τίνι διαφέρει ὁ μαθηματικὸς τοῦ φυσικοῦ (καὶ γὰρ ἐπίπεδα καὶ στερεὰ ἔχει τὰ φυσικὰ σώματα καὶ μήκη καὶ στιγμάς, περὶ ὧν σκοπεῖ ὁ μαθηματικός).  2 Ἔτι εἰ ἡ ἀστρολογία ἑτέρα ἢ μέρος τῆς φυσικῆς. 3 Εἰ γὰρ τοῦ φυσικοῦ τὸ τί ἐστιν ἥλιος ἢ σελήνη εἰδέναι, τῶν δὲ συμβεβηκότων καθ' αὑτὰ μηδέν, ἄτοπον, ἄλλως τε καὶ ὅτι φαίνονται λέγοντες οἱ περὶ φύσεως καὶ περὶ σχήματος σελήνης καὶ ἡλίου, καὶ δὴ καὶ πότερον σφαιροειδὴς ἡ γῆ καὶ ὁ κόσμος ἢ οὔ. 4 Περὶ τούτων μὲν οὖν πραγματεύεται καὶ ὁ μαθηματικός, ἀλλ' οὐχ ᾗ φυσικοῦ σώματος πέρας ἕκαστον· οὐδὲ τὰ συμβεβηκότα θεωρεῖ ᾗ τοιούτοις οὖσι συμβέβηκεν· διὸ καὶ χωρίζει· χωριστὰ γὰρ τῇ νοήσει κινήσεώς ἐστι, καὶ οὐδὲν διαφέρει, οὐδὲ γίγνεται ψεῦδος χωριζόντων. 5 Λανθάνουσι δὲ τοῦτο ποιοῦντες καὶ οἱ τὰς ἰδέας λέγοντες· τὰ γὰρ φυσικὰ χωρίζουσιν [194a] ἧττον ὄντα χωριστὰ τῶν μαθηματικῶν.  6 Γίγνοιτο δ' ἂν τοῦτο δῆλον, εἴ τις ἑκατέρων πειρῷτο λέγειν τοὺς ὅρους, καὶ αὐτῶν καὶ τῶν συμβεβηκότων. Τὸ μὲν γὰρ περιττὸν ἔσται καὶ τὸ ἄρτιον καὶ τὸ εὐθὺ καὶ τὸ καμπύλον, ἔτι δὲ ἀριθμὸς καὶ γραμμὴ καὶ σχῆμα, ἄνευ κινήσεως, σὰρξ δὲ καὶ ὀστοῦν καὶ ἄνθρωπος οὐκέτι, ἀλλὰ ταῦτα ὥσπερ ῥὶς σιμὴ ἀλλ' οὐχ ὡς τὸ καμπύλον λέγεται. 7 Δηλοῖ δὲ καὶ τὰ φυσικώτερα τῶν μαθημάτων, οἷον ὀπτικὴ καὶ ἁρμονικὴ καὶ ἀστρολογία· ἀνάπαλιν γὰρ τρόπον τιν' ἔχουσιν τῇ γεωμετρίᾳ. Ἡ μὲν γὰρ γεωμετρία περὶ γραμμῆς φυσικῆς σκοπεῖ, ἀλλ' οὐχ ᾗ φυσική, ἡ δ' ὀπτικὴ μαθηματικὴν μὲν γραμμήν, ἀλλ' οὐχ ᾗ μαθηματικὴ ἀλλ' ᾗ φυσική.

8 Ἐπεὶ δ' ἡ φύσις διχῶς, τό τε εἶδος καὶ ἡ ὕλη, ὡς ἂν εἰ περὶ σιμότητος σκοποῖμεν τί ἐστιν, οὕτω θεωρητέον· ὥστ' οὔτ' ἄνευ ὕλης τὰ τοιαῦτα οὔτε κατὰ τὴν ὕλην. 9 Καὶ γὰρ δὴ καὶ περὶ τούτου ἀπορήσειεν ἄν τις, ἐπεὶ δύο αἱ φύσεις, περὶ ποτέρας τοῦ φυσικοῦ. Ἢ περὶ τοῦ ἐξ ἀμφοῖν; ἀλλ' εἰ περὶ τοῦ ἐξ ἀμφοῖν, καὶ περὶ ἑκατέρας. Πότερον οὖν τῆς αὐτῆς ἢ ἄλλης ἑκατέραν γνωρίζειν;  10 Εἰς μὲν γὰρ τοὺς ἀρχαίους ἀποβλέψαντι δόξειεν ἂν εἶναι τῆς ὕλης (ἐπὶ μικρὸν γάρ τι μέρος Ἐμπεδοκλῆς καὶ Δημόκριτος τοῦ εἴδους καὶ τοῦ τί ἦν εἶναι ἥψαντο). 11 Εἰ δὲ ἡ τέχνη μιμεῖται τὴν φύσιν, τῆς δὲ αὐτῆς ἐπιστήμης εἰδέναι τὸ εἶδος καὶ τὴν ὕλην μέχρι του (οἷον ἰατροῦ ὑγίειαν καὶ χολὴν καὶ φλέγμα, ἐν οἷς ἡ ὑγίεια, ὁμοίως δὲ καὶ οἰκοδόμου τό τε εἶδος τῆς οἰκίας καὶ τὴν ὕλην, ὅτι πλίνθοι καὶ ξύλα· ὡσαύτως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων), καὶ τῆς φυσικῆς ἂν εἴη τὸ γνωρίζειν ἀμφοτέρας τὰς φύσεις.  12 Ἔτι τὸ οὗ ἕνεκα καὶ τὸ τέλος τῆς αὐτῆς, καὶ ὅσα τούτων ἕνεκα. Ἡ δὲ φύσις τέλος καὶ οὗ ἕνεκα (ὧν γὰρ συνεχοῦς τῆς κινήσεως οὔσης ἔστι τι τέλος, τοῦτο <τὸ> ἔσχατον καὶ τὸ οὗ ἕνεκα· διὸ καὶ ὁ ποιητὴς γελοίως προήχθη εἰπεῖν

Ἔχει τελευτήν, ἧσπερ οὕνεκ' ἐγένετο·

Βούλεται γὰρ οὐ πᾶν εἶναι τὸ ἔσχατον τέλος, ἀλλὰ τὸ βέλτιστον). 13 Ἐπεὶ καὶ ποιοῦσιν αἱ τέχναι τὴν ὕλην αἱ μὲν ἁπλῶς αἱ δὲ εὐεργόν, καὶ χρώμεθα ὡς ἡμῶν ἕνεκα πάντων ὑπαρχόντων (ἐσμὲν γάρ πως καὶ ἡμεῖς τέλος· διχῶς γὰρ τὸ οὗ ἕνεκα· εἴρηται δ' ἐν τοῖς περὶ φιλοσοφίας). Δύο [194b] δὲ αἱ ἄρχουσαι τῆς ὕλης καὶ γνωρίζουσαι τέχναι, ἥ τε χρωμένη καὶ τῆς ποιητικῆς ἡ ἀρχιτεκτονική. Διὸ καὶ ἡ χρωμένη ἀρχιτεκτονική πως, διαφέρει δὲ ᾗ ἡ μὲν τοῦ εἴδους γνωριστική, ἡ ἀρχιτεκτονική, ἡ δὲ ὡς ποιητική, τῆς ὕλης· ὁ μὲν γὰρ κυβερνήτης ποῖόν τι τὸ εἶδος τοῦ πηδαλίου γνωρίζει καὶ ἐπιτάττει, ὁ δ' ἐκ ποίου ξύλου καὶ ποίων κινήσεων ἔσται. Ἐν μὲν οὖν τοῖς κατὰ τέχνην ἡμεῖς ποιοῦμεν τὴν ὕλην τοῦ ἔργου ἕνεκα, ἐν δὲ τοῖς φυσικοῖς ὑπάρχει οὖσα.  14 Ἔτι τῶν πρός τι ἡ ὕλη· ἄλλῳ γὰρ εἴδει ἄλλη ὕλη.

15 Μέχρι δὴ πόσου τὸν φυσικὸν δεῖ εἰδέναι τὸ εἶδος καὶ τὸ τί ἐστιν; ἢ ὥσπερ ἰατρὸν νεῦρον ἢ χαλκέα χαλκόν, μέχρι τοῦ τίνος [γὰρ] ἕνεκα ἕκαστον, καὶ περὶ ταῦτα ἅ ἐστι χωριστὰ μὲν εἴδει, ἐν ὕλῃ δέ; ἄνθρωπος γὰρ ἄνθρωπον γεννᾷ καὶ ἥλιος. Πῶς δ' ἔχει τὸ χωριστὸν καὶ τί ἐστι, φιλοσοφίας ἔργον διορίσαι τῆς πρώτης.

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§ 1. Après avoir parcouru toutes les acceptions du mot de nature, nous devons dire maintenant en quoi l'étude des mathématiques diffère de l'étude de la physique ; car les corps de la nature ont des surfaces, des solidités, des lignes et des points, qui sont les objets particuliers des recherches du mathématicien. § 2. Il faut voir en outre si l'astronomie diffère de la physique, ou si elle n'en est qu'une branche. § 3. Car si c'est au physicien qu'il appartient de savoir ce que sont le soleil ou la lune dans leur essence, on pourrait trouver étrange qu'il ne lui appartint pas aussi d'étudier les phénomènes secondaires que ces corps présentent, surtout quand on voit qu'en général ceux qui s'occupent de l'étude de la nature traitent aussi de la figure du soleil et de la lune, et qu'ils recherchent, par exemple, si la terre et le monde sont sphériques ou ne le sont pas. § 4. Le mathématicien, quand il étudie les surfaces, les lignes et les points, ne s'en occupe pas en tant que ce sont là les limites d'un corps naturel, et il ne regarde pas davantage aux propriétés qui peuvent accidentellement leur appartenir en tant que ces propriétés appartiennent à des êtres réels : aussi il peut abstraire ces notions, que l'entendement, en effet, sépare sans peine du mouvement ; et cette abstraction, qui n'amène aucune différence, n'est pas faite pour produire d'erreur § 5. C'est là ce que font précisément aussi ceux qui admettent le système des Idées, sans d'ailleurs s'en apercevoir ; car ils abstraient les choses physiques, [194a] qui sont bien moins susceptibles d'abstraction que les choses mathématiques. § 6. Ceci devient parfaitement clair, quand on se donne la peine de comparer de part et d'autre les définitions de ces choses et de leurs accidents. Ainsi, le pair et l'impair, le droit et le courbé, et d'un autre point de vue, le nombre, la ligue, la figure, peuvent exister sans le mouvement, tandis que des choses telles que la chair, les os, l'homme, ne peuvent pas se concevoir sans mouvement ; et l'on dénomme tontes ces dernières choses comme on dénomme le nez camard, et non comme on le fait pour le courbe. § 7. C'est bien là encore ce que prouvent les parties des mathématiques qui se rapprochent le plus de la physique ; l'optique, l'harmonie et l'astronomie. En un certain sens, elles sont tout à fait l'inverse de la géométrie. Ainsi, tandis que la géométrie étudie la ligne qui est bien physique, mais qu'elle ne l'étudie pas telle que cette ligne est dans la nature, l'optique, au contraire, étudie la ligne mathématique, non pas en tant que mathématique, mais en tant qu'elle joue un rôle dans la réalité naturelle.

§ 8. Comme le mot de Nature peut être pris en un double sens, et qu'il signifie à la fois la forme et la matière, il faut étudier ici ce mot, comme nous le ferions si nous avions à nous demander ce que c'est que la qualité de Camus car les choses de ce genre ne peuvent exister sans matière, et pourtant elles ne sont pas purement matérielles. § 9. Mais du moment qu'on reconnaît deux natures, on peut hésiter doublement à savoir, d'une part, de laquelle des deux doit s'occuper le physicien, et d'autre part, s'il ne doit pas s'occuper uniquement de leur résultat commun. Mais s'il doit étudier ce résultat, ne faut-il pas aussi qu'il les étudie l'une et l'autre ? Par suite, connaître chacune de ces deux natures, est-ce le fait d'une même science ou d'une science différente ? § 10. Si l'on regarde aux anciens philosophes, on pourrait croire que l'objet de la physique n'est que d'étudier la matière ; car Démocrite et Empédocle ont à peine effleuré la question de la forme et de l'essence. § 11. Mais s'il est vrai que l'art imite la nature, on peut dire que c'est à une seule et même science d'étudier jusqu'à un certain point et tout à la fois la forme et la matière. Si par exemple, c'est au médecin d'étudier la santé, et de plus la bile et le flegme dans lesquels la santé consiste ; si de même l'architecte s'occupe tout ensemble de la forme de la maison et de la matière de la maison, les murailles et les bois, et ainsi de tout le reste, on en peut conclure que la physique doit étudier les deux natures à la fois. § 12. Ajoutez que c'est à une seule et même science d'étudier et le pourquoi et la fin des choses, et tous les éléments qui y concourent. Or la nature est la fin et le pourquoi des choses ; car là où le mouvement étant continu, il y a une fin au mouvement, cette fin est le dernier terme et le pourquoi. Aussi l'exclamation du poète est-elle assez ridicule, quand il dit :

C'est la fin pour laquelle il avait été fait !

Car, il ne suffit pas qu'un terme soit le dernier pour qu'il soit toujours une fin véritable, et il n'y a que le bien qui en soit une. § 13. Ainsi les arts travaillent la matière ; mais les uns la travaillent purement et simplement, tandis que les autres la façonnent du mieux qu'ils peuvent à notre usage ; et nous nous servons des choses comme si elles n'existaient qu'en vue de nous, puisqu'en effet nous aussi nous sommes bien une sorte de fin. Car le pourquoi peut s'entendre de deux façons, ainsi que nous l'avons dit dans nos livres intitulés : De la Philosophie. Il y a donc deux [194b] espèces d'arts qui commandent à la matière et qui en jugent, l'un de ces arts étant celui qui emploie les choses, et l'autre dirigeant comme un habile architecte, l'industrie qui les façonne. L'art qui emploie les choses joue bien aussi en quelque sorte le rôle d'architecte dirigeant ; mais il y a cette différence entre les deux arts que l'un, l'art architectonique, connaît de la forme, tandis que l'autre, qui façonne les choses, connaît de la matière. Ainsi, le pilote du navire connaît quelle doit être la forme du gouvernail et la commande, tandis que le constructeur sait de quel bois le gouvernail doit être fait, et quels mouvements on en exige. Dans les produits de l'art, c'est nous qui façonnons la matière en vue de l'œuvre à laquelle nous la destinons; mais dans les choses de la nature, la matière est toute faite. § 14. Enfin, il faut ajouter que la matière n'est qu'une relation, puisque la matière varie avec la forme et qu'à une autre forme répond une autre matière.

§ 15. Mais jusqu'à quel point le physicien doit-il étudier la forme et l'essence des choses ? Doit-il les connaître comme le médecin connaît ce que c'est que les nerfs, ou le fondeur ce que c'est que l'airain qu'il fond, c'est-à-dire dans une certaine mesure, chacune de ces choses servant en effet à une certaine destination ? et doit-il s'occuper des choses qui, bien que séparables au point de vue de la forme, n'en sont pas moins toujours dans la matière ? Car l'homme et le soleil engendrent l'homme. Quant à savoir ce que c'est que le séparable, et quelle est son essence, c'est une question spécialement réservée à la philosophie première.

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Ch. II, § 1. Après avoir parcouru, voir plus haut ch, §§ 16 et suiv.

 - En quoi l'étude des mathématiques, toute la discussion qui va suivre jusqu'au § 8 parait n'être pas très bien placée ici ; elle interrompt le cours des pensées, et il semble qu'elle eût été bien plus convenable dans le Livre I, et au début même du traité.

- Des surfaces, des solidités, des lignes et des points, c'est là de la géométrie spécialement, plutôt que des mathématiques en général, puisque les mathématiques comprennent aussi l'arithmétique.

- Du mathématicien, et plus particulièrement du géomètre.

§ 2. Si l'Astronomie diffère de la Physique, autre digression qui s'écarte encore plus du sujet. C'est peut-être une interpolation.

§ 3. Les phénomènes secondaires, par exemple, les éclipses, les levers et les couchers, les phases, etc.

 - Si la terre et le monde sont sphériques, études qu'avait faites surtout l'École Pythagoricienne.

§ 4. Du corps naturel, c'est-à-dire que les mathématiques ne s'occupent pas des réalités, et peu leur importe ce que sont les surfaces, les lignes et les points dans les corps mêmes que présente la nature ; elles ne s'occupent que des formes idéales, abstraites de la réalité.

- Aux propriétés qui peuvent accidentellement leur appartenir, les propriétés des diverses figures composées de surfaces et de lignes géométriques. La géométrie n'étudie ces propriétés qu'abstractivement, et elle ne s'en occupe pas dans les êtres naturels.

- Qui n'amène aucune différence, dans les spéculations de la géométrie. Voir les Derniers Analytiques, Livre I, ch. 10 § 10, p. 62 de ma traduction, où Aristote défend très bien la géométrie contre l'accusation d'admettre des hypothèses fausses.

§ 5. Le système des Idées, cette critique du système des Idées nous écarte encore davantage du sujet spécial de ce chapitre.

- Ils abstraient les choses physiques, en séparant la forme de la matière, et en donnant à la forme une existence séparée qu'elle n'a pas. Cette objection contre la théorie des Idées peut d'ailleurs être contestée ; mais ce n'est pas ici le lieu.

§ 6. Les définitions de ces choses, les exemples qui suivent prouvent que par ces choses, il faut entendre d'une part les choses mathématiques, et de l'autre les choses de la nature.

 - Le pair et l'impair, qu'étudie l'arithmétique.

- Le droit et le courbe, qu'étudie la géométrie.

 - Peuvent exister sans le mouvement, dans l'état d'abstraction où les mathématiques les considèrent.

- Ne peuvent pas se concevoir sans mouvement, parce que ce sont des choses naturelles, et que, d'après ce qui a été établi dans le chapitre précédent, les corps naturels sont ceux qui ont en eux-mêmes le principe du mouvement ou du repos.

 - Le nez camard, c'est-à-dire, en comprenant dans la définition de ces choses, l'idée de mouvement, comme dans la définition de Camard, on comprend nécessairement l'idée de nez ; voir plus haut, Livre 1, ch. 4, § 14. Le texte est d'ailleurs ici assez obscur, parce qu'il est trop concis, et j'aurais peut-être dû le remplacer par une paraphrase qui l'aurait rendu plus clair.

 - Pour le courbe, en effet, en définissant le courbe on n'y comprend pas nécessairement l'idée de ligne, puisque la ligne n'est pas la seule chose à être courbe, tandis qu'il n'y a que le nez qui soit camard dans la langue ordinaire.

§ 7. C'est bien là encore, autre idée qui ne tient pas assez directement au sujet. La réflexion d'ailleurs est très vraie ; et elle revient à dire que dans les mathématiques il y a des parties pures et des parties appliquées. Aujourd'hui la distinction est vulgaire et bien connue ; au temps d'Aristote, elle était encore fort neuve, et elle méritait d'être constatée.

 - L'optique au contraire, en partant de la ligne telle que la conçoit la géométrie, retrouve les propriétés de cette ligne dans les phénomènes de la lumière. Voir la Métaphysique, Livre VI, ch. 1, p. 1025, b, 25, édit. de Berlin, et aussi dans le Premier livre, p, 995, a, 15, édit. de Berlin.

§ 8. En un double sens, d'après les théories exposées plus haut, ch, 1, §§ 16 et 17.- Ce que c'est que la qualité de Camus, ici encore le texte est obscur à cause de sa concision, comme au § 6. L'idée de Camus renferme nécessairement l'idée d'une certaine forme dans une certaine matière, puisque l'attribut de Camus ne peut appartenir qu'au nez. De même pour les objets de la nature tels que les comprend Aristote, il faut toujours se les représenter comme étant composés à la fois de matière et de forme. La pensée est juste ; mais elle pouvait être exposée plus clairement, ainsi qu'elle l'est dans la Métaphysique , Livre. VI , ch. 1, p. 1025, b, 30, édit. de Berlin,

- Les choses de ce genre, c'est-a-dire les choses naturelles, les êtres de la nature.

- Elles ne sont pas purement matérielles, puisqu'elles ont une forme outre leur matière.

§ 9. Doublement, on ne voit pas très clairement à quoi s'applique ce mot ; il y a plus d'une alternative dans ce qui suit.

- De laquelle des deux, soit de la forme, soit de la matière.

- De leur résultat commun, c'est-à-dire du corps naturel, qui est composé à la fois de matière et de forme.

 - D'une même science ou d'une science différente, la forme, par exemple, étant réservée à la Métaphysique, et la matière étant l'objet spécial des recherches de la Physique, Plus bas § 11, il est établi que la Physique doit comprendre à la fois l'étude des deux natures, de la forme et de la matière.

§ 10. D'étudier la matière, voir plus haut, ch. 1, §§ 12 et suiv.

- Car Démocrite et Empédocle, Aristote croit devoir se borner à citer ces deux philosophes; mais il aurait pu en nommer encore bien d'autres ; voir plus haut, Livre 1, ch. 7. Voir aussi la Métaphysique, Livre 1, ch. 3, p. 983, b, 7, et 984, a, 17, édit. de Berlin, où est exprimée une pensée tout à fait identique, et où de nouveaux détails confirment ceux de la Physique, qui y est citée.

§ 11. L'art imite la nature, voir le début de la Poétique, et surtout ch. 3, p. 18 et suiv. de ma traduction.

 - La bile et le flegme dans lesquels la santé consiste, ceci se rapporte aux théories médicales qui avaient cours au temps d'Aristote. Elles ne seraient peut-être pas encore insoutenables aujourd'hui.

- Les deux natures à la fois, en étudiant les corps naturels, où la forme et la matière sont toujours réunies.

§ 12. Le mouvement étant continu, c'est là une condition indispensable ; car si le mouvement discontinuait et était interrompu, l'être ne pourrait pas arriver à la fin qu'il poursuit ; et il y aurait alors autant de fins, que d'interruptions de mouvement.

- L'exclamation de poète, Philopon croit qu'il s'agit ici d'Euripide ; mais ce n'est pas certain. Voir les Fragments d'Euripide, édit. Didot, Incertae fabulae, LXXXIV.

- Est-elle assez ridicule, l'exclamation du poète est ridicule en ce sens qu'on ne peut pas dire, que la mort soit la fin pour laquelle l'homme est fait, la fin véritable de l'homme, en tant qu'homme, c'est le bien et le devoir.

- Qu'un terme soit le dernier, comme la mort, qui est bien le terme dernier de la vie, mais qui n'en est pas le but et la fin véritable. Il est vrai que le poète aurait pu répondre que le mot dont il s'est servi a précisément ce sens de terme extrême, et non pas de but.

§ 13. Ainsi les arts façonnent la matière, la pensée ne se dégage pas très clairement dans ce §. Voici, je crois, quelle elle est. Les arts ne façonnent pas tous la matière de la même manière. Les uns confectionnent les matériaux ; les autres leur donnent la forme, qui se lie essentiellement à l'usage que nous pouvons faire des choses. Dans les arts subordonnés les uns aux autres, l'art supérieur s'occupe de la forme, tandis que la matière est l'objet de l'art inférieur. Il en est de même dans les choses de la nature ; et la matière n'y existe jamais qu'en vue de la forme, qui est leur fin véritable, et leur entéléchie. Mais il y a entre les arts et la nature cette différence que la matière est toute suite dans la nature, tandis que certains arts font la matière en quelque sorte, par exemple la menuiserie qui façonne les bois dont sera composée la maison, forme dernière à laquelle aboutit l'art de la construction.

- Une sorte de fin, la restriction est nécessaire ; car l'homme n'est pas une fin dans le sens où l'on peut dire que la forme est la fin de lu matière.

- Dans nos livres intitulés De la philosophie, dans le Catalogue de Diogène Laërte, il y a en effet trois livres mentionnés sous ce titre : De la philosophie, Livre V, ch. I (Aristote), p. 118, ligne 1, édit. Didot. Cette citation peut se rapporter dans une certaine mesure au passage de la Métaphysique, Livre V, ch. 18, p. 1022, a, 48, édit. de Berlin. Mais les livres De la Philosophie ont été perdus, et l'on a vainement essayé de les retrouver dans la Métaphysique, où l'on croyait qu'ils avaient été fondus.

- Il y a donc deux espèces d'arts, toutes ces idées se rapportent à celles qui sont développées dans la Métaphysique, Livre I, ch. 1, p. 981, a, 25, édit. de Berlin.

- Celui qui emploie les choses, Employer ne doit pas s'entendre ici au sens de Mettre en œuvre, comme le prouve ce qui suit.

- L'industrie qui les façonne, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

- Ainsi le pilote du navire, représente l'art qui emploie les choses et s'en sert, sans avoir à s'occuper de la matière dont elles sont faites. Il ne s'occupe en quelque sorte que de la forme.

 - Le constructeur, dirigé par le pilote, faisant fonction d'architecte, cherche, pour la solidité du gouvernail, le bois le meilleur possible, et pour son utilité, le mécanisme le plus simple. Le constructeur s'occupe donc en quelque sorte uniquement de la matière. On conçoit d'ailleurs que ces divisions théoriques ne sont jamais aussi nettement tranchées dans la réalité.

- La matière est toute faite, parce qu'elle est éternelle; voir plus haut, ch. 4, § 15.

§ 14. La matière n'est qu'une relation, la pensée n'est pas ici complètement exprimée ; voici comment il faut la compléter. La Physique doit étudier à la fois la matière et la forme ; plus haut, § 11 on en a donné plusieurs raisons, et l'on peut ajouter cette dernière, que la matière n'étant qu'un relatif, elle est connue en même temps que son corrélatif qui est la forme. Cette connaissance simultanée des relatifs a été démontrée dans les Catégories, ch. 7, § 26, p. 91 de ma traduction.

 - La matière varie avec la forme , le texte est moins développé ici que ma traduction n'a dû l'être.

§ 15. Servant à une certaine destination, et par suite il semble que la physique doit s'occuper de la forme en tant qu'elle concourt à la composition du corps naturel.

- Car l'homme et le soleil engendrent l'homme, malgré les explications des commentateurs grecs, ce passage reste obscur, parce que l'ellipse de la pensée est trop forte, et que trop d'intermédiaires ont été supprimés. La physique ne doit connaître de l'homme que dans une certaine mesure, c'est-à-dire en tant qu'être naturel, et elle sortirait de son domaine si elle cherchait à l'étudier dans sa génération, qui tient à la fois et de l'homme par la reproduction, et du soleil par l'action générale que cet astre exerce sur tout ce qui vit.

 - La philosophie première, c'est-à-dire la Métaphysique ; cette question a été traitée en effet plusieurs fois dans la Métaphysique, mais d'une manière incidente. Voir plus haut, § 13.

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