ARISTOTE
Thomas d’Aquin
Commentaire
de saint Thomas d'Aquin
Docteur
des docteur de l'Eglise
aux
huit livres de la Physique d'Aristote
traduction par Yvan Pelletier 1999, Prologue et livres 1, 2 et 4.
Yvan Pelletier Yvan Pelletier (né en 1946) est professeur titulaire à la Faculté de philosophie de l'Université Laval, où il enseigne depuis 1975 et où il a complété sa formation philosophique jusqu'au doctorat, en s'attachant à l'enseignement de Mgr Maurice Dionne, de M. l'abbé Jasmin Boulay et de MM. Warren Murray, Alphonse Saint-Jacques et quelques autres professeurs d'une tradition aristotélico-thomiste initiée à cette faculté par M. Charles De Koninck. Son enseignement est agencé de façon à offrir aux étudiants du baccalauréat une présentation des principes fondamentaux et de la méthode de chacune des disciplines philosophiques de base - dans une perspective aristotélicienne : éthique, politique, physique, métaphysique - et aux étudiants de maîtrise et doctorat une réflexion critique sur les éléments du credo contemporain - démocratie, nouvelle morale, logique symbolique, dissociation de l'être et du devoir, primauté de la conscience, etc. - à partir de ces principes fondamentaux.
LIVRE QUATRIÈME
(208a27-209a2) 208a27 277. À propos du lieu aussi, tout comme à propos de l'infini, le naturaliste doit faire connaître s'il existe ou non, et comment il existe, et ce qu'il est. 208a29 278. Car tous pensent que ce qui est est quelque part; en effet, ce qui n'est pas n'est nulle part: car où est le bouc-cerf (1)? ou le sphinx? 208a31 279. En outre, ce qu'il y a de plus général et de principal comme mouvement se fait en rapport au lieu: c'est celui que nous appelons transport (2). 208a32 280. Cependant, il y a plein de difficultés pour savoir ce que peut bien être le lieu. C'est qu'à le regarder sous toutes ses propriétés il n'a pas l'air de demeurer la même chose. En outre, nous ne tenons rien des autres auteurs à son sujet, ni examen de difficultés ni recherche soignée. 208b1 281. Que donc le lieu est, cela donne l'impression de devenir évident avec le remplacement: car là où à un moment il y a de l'eau, là même il se trouve au contraire de l'air, une fois que l'eau en est sortie, comme d'un vase; puis, à un autre moment, tel autre corps occupe ce même lieu. Celui-ci donne certes l'impression d'être autre chose que tout ce qui y survient et s'y échange, car en celui où il y a maintenant de l'air, en celui-là même il y avait auparavant de l'eau; par suite, il est évident que le lieu était déjà quelque chose et que la place est autre chose que les deux qui y sont entrés et en sont sortis successivement. 208b8 282. En outre, les transports des corps naturels simples, par exemple, du feu, de la terre et des autres de la sorte, montrent non seulement que le lieu est quelque chose, mais aussi qu'il détient une certaine puissance. En effet, chacun, s'il n'en est pas empêché, se transporte vers son lieu à lui, l'un en haut, l'autre en bas. Par ailleurs, ce sont là des parties et des espèces du lieu: le haut, le bas, et les autres parmi les six directions (3). D'ailleurs, ces directions, le haut et le bas, et la droite et la gauche, ne valent pas seulement en rapport à nous; pour nous, en effet, elles ne restent pas toujours pareilles, mais se produisent selon la position que nous prenons. Par suite, la même chose, souvent, se trouve à droite et à gauche, et en haut et en bas, et en avant et en arrière. Dans sa nature, au contraire, chaque direction se définit séparément: le haut n'est pas n'importe quoi, mais le lieu vers lequel se transportent le feu et le léger; de même, le bas n'est pas n'importe quoi, mais le lieu où se transportent les choses pesantes et terreuses. Il en va de sorte que ces divers lieux ne diffèrent pas seulement par leur position, mais aussi par leur puissance. En outre, les êtres mathématiques le montrent aussi, car, sans être en un lieu, ils comportent tout de même gauche et droite suivant leur position relativement à nous; leur position est par conséquent seulement objet de pensée, et ce n'est pas par nature qu'ils comportent chacune de ces directions. 208b25 283. En outre, ceux qui affirment le vide se trouvent à soutenir que le lieu existe, car le vide serait un lieu privé de corps. Que donc le lieu soit quelque chose indépendamment des corps et que tout corps sensible soit dans un lieu, on pourrait l'admettre d'après ce qui précède. 208b29 284. Hésiode donnerait l'impression d'avoir parlé correctement en produisant en premier le chaos. Il affirme, en tout cas: «Le premier de tous à être engendré fut le Chaos, puis la Terre au large sein», comme s'il fallait qu'il existe d'abord une place pour les êtres. C'est qu'il pensait, avec la plupart, que tout est quelque part et en un lieu. Or s'il en est ainsi, la puissance du lieu est prodigieuse et prime tout; car ce sans quoi rien d'autre n'existe et qui existe sans le reste est nécessairement premier. Et de fait, le lieu n'est pas supprimé quand ce qui s'y trouve est détruit.
Leçon 1
#406. — Après avoir traité du mouvement, au troisième livre, et de l'infini, qui concerne intrinsèquement le mouvement du fait qu'il appartient au genre des continus, il entend maintenant, au quatrième livre, traiter de ce qui touche le mouvement de l'extérieur. En premier, il traite de ce qui touche le mouvement de l'extérieur comme des mesures de l'être mobile; en second (217b29), du temps, qui constitue une mesure du mouvement même. Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il traite du lieu; en second (213a12), du vide. Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il montre qu'il appartient au naturaliste de traiter du lieu; en second (208b1), il poursuit son propos. Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il propose son intention, et il affirme que de même qu'il appartient au naturaliste d'établir, à propos de l'infini, s'il existe ou non, et comment il existe, et ce qu'il est, il en va pareillement aussi du lieu. En second (208a29), il prouve ce qu'il disait: en premier du côté du lieu même; en second (208a32), de notre côté à nous.
#407. — Sur le premier point, il présente deux raisonnements, dont le premier va comme suit (208a3). Ce qui est commun à toutes choses naturelles, c'est cela surtout qui appartient à la considération du naturaliste; or le lieu est de la sorte: en effet, tous admettent communément que tout ce qui est est en un lieu. Et pour le prouver, ils se servent d'un argument sophistique, tiré de la position du conséquent. On argumente en effet comme suit. Ce qui n'existe pas n'est nulle part, c'est-à-dire n'est en aucun lieu. En effet, il est impossible de préciser où se trouve le bouc-cerf, ou le sphinx, qui sont des fictions, comme la chimère. On argumente alors que si ce qui n'est en aucun lieu n'existe pas, donc, tout ce qui existe est en un lieu. Cependant, si d'être en un lieu convient à tous les êtres, il semble bien que le lieu appartienne plutôt à la considération du métaphysicien que du naturaliste. On doit remarquer qu'ici on argumente à partir de l'opinion de gens qui soutiennent que tous les êtres sont sensibles, du fait de ne pouvoir transcender l'imagination des corps; aussi, à leur avis, la science naturelle est la philosophie première, étant commune à tous les êtres, comme il est dit, Métaphysique, IV, 3.
#408. — Il présente ensuite son second raisonnement (208a31), qui va comme suit. Il appartient au philosophe naturel de traiter du mouvement; or le mouvement qui se fait en rapport au lieu, que nous appelons changement de lieu (4), est le plus commun parmi tous les mouvements: il y a en effet des êtres, à savoir, les corps célestes, qui se meuvent seulement de lieu, tandis que rien ne se meut d'autres mouvements sans se mouvoir de lieu. Pareillement aussi, ce mouvement est plus propre comme mouvement, car ce seul mouvement est vraiment continu et parfait, comme il est prouvé au huitième livre (leç. 15, ss.). Or on ne peut connaître le mouvement en rapport au lieu sans connaître le lieu. Le naturaliste, donc, doit traiter du lieu.
#409. — Ensuite (208a32), il conduit un raisonnement à la même conclusion, en partant de notre côté. Ce qui est à déterminer par les sages, en effet, c'est ce qui comporte difficulté; or il existe beaucoup de difficultés, sur le lieu, concernant ce qu'il est. Il y a deux causes pour ces difficultés: l'une vient du lieu même — c'est que toutes les propriétés du lieu ne conduisent pas à la même conception sur le lieu; au contraire, à partir de certaines propriétés du lieu, il semble que le lieu soit telle chose, mais à partir d'autres il semble que le lieu soit autre chose; l'autre cause vient des gens — c'est que, touchant le lieu, les anciens n'ont ni bien soulevé la difficulté, ni non plus bien recherché la vérité.
#410. — Ensuite (208b1), il commence à traiter du lieu. En premier, d'une manière dialectique (5); en second (210a14), en établissant la vérité. Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il examine dialectiquement si le lieu existe; en second (209a31), ce qu'il est. Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il présente des raisonnements pour montrer que le lieu existe; en second (209a2), pour montrer que le lieu n'existe pas. Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il montre que le lieu existe, moyennant des raisonnements tirés de la vérité de la chose (6); en second (208b25), moyennant des raisonnements tirés des opinions des autres.
#411. — Pour le premier point, il présente deux raisonnements, dont le premier procède comme suit. Il dit, de fait, qu'à partir de la transformation des corps qui se meuvent quant au lieu, il devient manifeste que le lieu est quelque chose. En effet, la transformation qui va selon les formes a conduit les gens à la connaissance de la matière, car il faut bien qu'il y ait un sujet dans lequel les formes se succèdent; de même, la transformation selon le lieu a conduit les gens à la connaissance du lieu, car il faut bien qu'il y ait une chose où les corps se succèdent. C'est ce qu'il ajoute qu'une fois l'eau sortie de là où elle est maintenant, par exemple, d'un vase, l'air s'y infiltre. Comme donc c'est parfois un autre corps qui occupe le même lieu, il semble bien en devenir manifeste que le lieu soit autre chose que ce qui s'y trouve et qui se voit transformé selon le lieu; car, où il y a maintenant de l'air, il y avait auparavant de l'eau, et cela ne serait pas si le lieu n'était pas autre chose à la fois que l'air et que l'eau. Il reste donc que le lieu est quelque chose; et qu'il est comme un réceptacle, différent de l'une et l'autre des choses qui l'occupent; et qu'il est le terme dont est issu le mouvement local et le terme auquel il termine.
#412. — Il présente ensuite son second raisonnement (208b8). Il dit qu'alors que le mouvement de n'importe quels corps montre qu'il existe des lieux, comme on l'a dit, le mouvement local des corps naturels simples, par exemple, celui du feu, de la terre et des autres corps lourds et légers de ce type, montre non seulement qu'il existe des lieux, mais aussi que les lieux ont une espèce de puissance et de vertu. Nous observons, en effet, que chacun de ces corps se porte à son lieu propre quand il n'en est pas empêché: le lourd, en effet, va vers le bas, et le léger vers le haut. De là, il appert qu'un lieu détient une espèce de capacité pour conserver ce qu'il contient; et que c'est pour cela que ce qu'il contient, par désir de sa conservation, tend à son lieu. Avec cela, toutefois, on ne mntre pas que le lieu détient une capacité d'attraction, sinon comme on dit qu'une fin attire. Par ailleurs, le haut et le bas, et les autres au nombre des six distances, à savoir, l'avant et l'arrière, la droite et la gauche, sont les parties et les espèces de lieu. Ces distances sont établies par nature dans l'univers, et non seulement par rapport à nous. Cela devient évident du fait qu'en ce en quoi on parle de ces distances par rapport à nous, ce n'est pas toujours la même chose qui est en haut ou en bas ou à droite ou à gauche; au contraire, cela varie suivant que nous nous tournons de manière différente vers la chose localisée; aussi, bien souvent une chose qui demeure immobile aboutit à gauche alors qu'elle était auparavant à droite, et pareillement pour les autres distances, selon que nous nous tournons de différente façon vers elle. Or dans la nature, une chose est établie en haut et en bas suivant le mouvement des corps lourds et légers; et les autres positions s'établissent suivant le mouvement du ciel, comme on a dit au troisième livre. Car ce n'est pas indifféremment que n'importe quelle partie du monde est en haut ou en bas; au contraire, c'est toujours en haut que les corps légers se portent, alors que c'est en bas que se portent les corps lourds. Par ailleurs, tout ce qui a une position déterminée a nécessairement une capacité qui l'y établit; en effet, chez l'animal, c'est une puissance pour la droite et une autre pour la gauche. Il en reste donc que des lieux existent, et qu'ils détiennent une espèce de capacité. Que, par ailleurs, pour certaines choses, on parle de position seulement quant à nous, il le montre par les choses mathématiques; elles, en effet, bien qu'elle ne soient pas en un lieu, on leur attribue une position seulement par rapport à nous. Aussi, en elles il n'y a pas de position par nature; mais seulement suivant l'intelligence selon qu'on les intelligenen un certain ordre à nous, ou au-dessus, ou en dessous, ou à droite, ou à gauche.
#413. — Ensuite (208b25), il montre que des lieux existent à partir des opinions des autres. Et en premier à partir de l'opinion de ceux qui affirment qu'il y a du vide. En effet, tous ceux qui affirment qu'il y a du vide, admettent nécessairement qu'il y a des lieux, puisque le vide n'est rien d'autre qu'un lieu privé de corps. Ainsi, avec cela et avec les raisonnements précédents, on peut concevoir que le lieu est quelque chose d'autre que les corps, et que tous les corps sensibles sont en un lieu.
#414. — En second (208b29), il conduit à la même conclusion l'opinion d'Hésiode, qui a été l'un des anciens poètes théologiens, et qui a soutenu qu'en premier c'est le chaos qui a été fait. Il a affirmé, en effet, qu'en premier de tout c'est le chaos qui a été fait, celui-ci se trouvant une espèce de mélange et de réceptacle des corps; ensuite, c'est la terre qui a été faite pour recevoir les différents corps. Comme s'il était d'abord nécessaire qu'il y ait un réceptacle des choses avant les choses mêmes. La raison pour laquelle ils (7) ont introduit cela, c'est qu'ils ont cru, comme aussi beaucoup d'autres, que tout ce qui est est en un lieu. Et si cela est vrai, il s'ensuit que le lieu non seulement existe, mais qu'il ait la capacité étonnante d'être premier de tous les êtres. En effet, ce qui peut exister sans autre chose, et sans lequel les autres ne peuvent exister, semble bien être premier. Or selon eux le lieu peut exister sans corps; cela, ils pouvaient le concevoir d'ailleurs, car nous observons qu'un lieu demeure une fois ce qu'il contient détruit. Par contre, les choses ne peuvent exister sans lieu. Il reste donc, suivant leur avis, que le lieu soit le premier parmi tous les êtres.
(209a1-30) 209a1 285. Maintenant, il y a tout de même de la difficulté, si le lieu existe, à savoir ce qu'il est: s'il est une masse corporelle ou s'il est d'une autre nature; car c'est son genre qu'on doit d'abord chercher. Or il possède bien les trois dimensions — longueur, largeur et profondeur — avec lesquels tout corps se délimite. Mais il est impossible que le lieu soit un corps, car cela ferait deux corps dans le même. 209a7 286. En outre, s'il y a pour le corps un lieu et une place, il y en aura aussi, évidemment, pour la surface et les autres limites. Car le même raisonnement s'appliquera: où il y avait auparavant les surfaces de l'eau, il y aura à la place celles de l'air. Or nous n'avons aucune différence à faire entre point et lieu de point. Si donc le lieu ne diffère pas du point, il ne diffère pas non plus des autres choses et il n'est rien en dehors de chacune. 209a13 287. Que pourrions-nous bien admettre en effet que soit le lieu? Car il n'est ni élément, ni formé d'éléments de manière à détenir telle nature, ni parmi les choses corporelles, ni parmi les incorporelles. De fait, il a grandeur mais n'est point un corps; pourtant, les éléments des corps sensibles sont des corps, et de ce qui est intelligible ne se forme aucune grandeur. 209a18 288. En outre, de quoi pourrait-on admettre que le lieu soit cause chez les êtres, puisqu'il n'est aucune des quatre causes: il ne cause ni comme matière des êtres — car rien n'est constitué de lui —, ni comme forme et essence des choses, ni comme leur fin, et il ne meut pas les êtres. 209a23 289. En outre, lui-même, s'il est un des êtres, où sera-t-il? Car la difficulté de Zénon réclame solution; si en effet tout être est en un lieu, il y aura évidemment un lieu pour le lieu aussi, et cela va à l'infini. 209a26 290. En outre, comme tout corps est en un lieu, de même, en tout lieu il y a un corps. Comment parlerons-nous donc de ce qui s'accroît? Il s'ensuit, en effet, que son lieu s'accroîtra nécessairement avec lui, si le lieu n'est ni plus grand ni plus petit que son contenu. Avec tout cela, non seulement ce que le lieu est, mais même s'il existe, fait encore nécessairement difficulté.
Leçon 2
#415. — Auparavant, le Philosophe a présenté des raisonnements pour montrer que le lieu existe; il présente ici six raisonnements pour montrer que le lieu n'existe pas. Or comme principe pour chercher d'une chose si elle existe, il faut prendre ce qu'elle est, du moins ce qu'on signifie avec son nom. C'est pourquoi le Philosophe dit que, bien qu'on ait montré que le lieu existe, il reste quand même un manque, c'est-à-dire une difficulté, quant à savoir ce qu'il est, même sachant qu'il existe: si c'est une masse corporelle, ou une nature d'un autre genre.
#416. — À partir de là, on argumente comme suit. Si un lieu est quelque chose, il faut bien qu'il soit un corps. C'est qu'un lieu a les trois dimensions, à savoir, de longueur, de largeur et de profondeur. Or avec celles-ci, on délimite un corps, car tout ce qui a trois dimensions est un corps. Pourtant, il est impossible qu'un lieu soit un corps, car comme lieu et contenu sont ensemble, cela ferait deux corps en un (8), ce qui est absurde. Il est donc impossible qu'un lieu soit quelque chose.
#417. — Il introduit ensuite son second raisonnement (209a7), qui va comme suit. Si le lieu d'un corps est vraiment pour ce corps un réceptacle différent du corps même, il y aura nécessairement pour la surface aussi un réceptacle différent d'elle; et il en va pareillement pour les autres termes de la quantité que sont la ligne et le point. Puis il prouve comme suit cette conditionnelle. On a montré que le lieu est différent des corps du fait que là où il y a maintenant un corps d'air, il y avait auparavant un corps d'eau; or pareillement, où il y avait auparavant une surface d'eau, il y a maintenant une surface d'air; donc le lieu de la surface est différent de la surface même. Pareil raisonnement vaut pour la ligne et le point. On argumente donc à partir de la destruction du conséquent, par le fait qu'il ne peut y avoir différence entre le lieu d'un point et ce point, parce que, comme le lieu ne dépasse pas ce qui s'y trouve, le lieu d'un point ne peut être qu'une chose indivisible. Or deux indivisibles de quantité, comme deux points unis ensemble, n'en font qu'un seul; donc, pour la même raison, le lieu de la surface ne sera pas différent non plus de la surface, ni le lieu du corps ne sera différent du corps.
#418. — Il présente ensuite son troisième raisonnement (209a13), qui va comme suit. Tout ce qui existe est ou élément ou formé d'éléments; or le lieu n'est ni l'un ni l'autre; donc le lieu n'existe pas. Il prouve comme suit la proposition intermédiaire. Tout ce qui est ou élément ou formé d'éléments compte ou comme corporel ou comme incorporel; or le lieu ne compte pas comme incorporel, puisqu'il a une grandeur; ni comme corporel, puisqu'il n'est pas un corps, comme on l'a prouvé; donc, il n'est ni élément ni formé d'éléments. Or comme on pourrait dire que, bien qu'il ne soit pas un corps, il est cependant un élément corporel, il ajoute, pour exclure cette possibilité, que les corps sensibles ont des éléments corporels; en effet, les éléments ne sont pas en dehors du genre des choses formées d'éléments. Car avec des principes intelligibles, qui sont incorporels, on ne constitue aucune grandeur. Aussi, si le lieu n'est pas un corps, il ne peut être un élément corporel.
#419. — Il présente ensuite son quatrième raisonnement (209a18), qui va comme suit. Tout ce qui existe est de quelque manière cause au regard d'autre chose; or le lieu ne peut être cause selon aucun des quatre modes. En effet, il n'est pas cause comme matière, puisque les choses qui existent ne sont jamais constituées de lieu, ce qu'implique la notion de matière; il ne l'est pas non plus comme cause formelle, car alors tout ce qui a un même lieu serait d'une seule espèce, puisque le principe de l'espèce est la forme; il ne l'est encore pas comme une cause finale des choses, puisque ce sont plutôt les lieux qui existent pour ce qui s'y trouve que ce qui s'y trouve pour les lieux; enfin, il n'est pas non plus cause efficiente ou motrice, puisqu'il est le terme du mouvement. Il semble donc bien que le lieu ne soit rien.
#420. — Il présente ensuite son cinquième raisonnement (209a23), qui est le raisonnement de Zénon et qui va comme suit. Tout ce qui existe est en un lieu; si donc le lieu est quelque chose, il s'ensuit qu'il soit en un lieu, et ce lieu en un autre lieu, et ainsi à l'infini. Or cela est impossible. Donc, le lieu n'est pas quelque chose.
#421. — Il présente ensuite son sixième raisonnement (209a26), qui va comme suit. Tout corps est en un lieu et en tout lieu il y a un corps, comme on l'admet avec probabilité à la suite de beaucoup. À partir de là, on admet aussi que le lieu ne soit ni plus petit ni plus grand que ce qui s'y trouve. Quand donc ce qui s'y trouve grandit, il faut que le lieu aussi grandisse. Or cela semble bien impossible, puisque le lieu est quelque chose d'immobile. Donc, le lieu n'est pas quelque chose. Finalement, il remarque en épilogue qu'avec des raisonnements de la sorte on constate la difficulté de savoir non seulement ce qu'est le lieu, mais même s'il existe. Mais de pareils raisonnements se résolvent avec ce qui suit.
(209a31-210a13) 209a31 291. Telle chose se dit par soi, telle autre par autre chose; de même, par conséquent, tel lieu est commun — celui dans lequel sont tous les corps —, et tel autre lieu est propre — celui dans lequel on se trouve en premier. Par exemple, dis-je, tu es maintenant dans le ciel parce que tu es dans l'air et que celuici est dans le ciel; et tu es dans l'air parce que tu es sur la terre; et pareillement, tu es sur celle-ci parce que tu es en ce lieu-ci, qui n'enveloppe rien de plus que toi. Si donc son lieu est ce qui enveloppe en premier chacun des corps, il sera comme une limite. Par suite, le lieu de chaque chose donnera l'impression d'être la forme et la figure par quoi se trouve délimitée sa grandeur, et la matière de sa grandeur; car c'est cela la limite de chaque chose. À regarder ainsi, donc, le lieu c'est la forme de chaque chose. 209b6 292. Par contre, en tant que le lieu donne l'impression d'être la dimension de la grandeur, c'est la matière; car c'est là autre chose que la grandeur: c'est ce qu'enveloppe et délimite la forme, à la manière d'une surface et d'une limite, par exemple. Or, telle est la matière et l'indéfini; en effet, quand on retire la limite et les affections de la sphère, il ne reste rien hors la matière. C'est pourquoi aussi Platon, dans le Timée, affirme que la matière et l'étendue c'est la même chose; car le récepteur et l'étendue c'est une seule et même chose. Toutefois, il parle là du récepteur d'une autre manière que dans ses enseignements dits non écrits, mais il y a quand même soutenu que le lieu et l'étendue c'est la même chose. Tous ont soutenu que le lieu est quelque chose, de fait, mais ce que c'est, lui seul a essayé de le dire. 209b17 293. D'ailleurs, c'est à juste titre qu'à faire partir de là l'examen on aura l'impression qu'il est difficile de savoir ce qu'est le lieu, si justement c'est l'une de ces deux choses, la matière ou forme; cellesci réclament d'ailleurs une très haute réflexion et, séparément l'une de l'autre, il est très difficile de les connaître. 209b21 294. Mais de toute façon, qu'il est impossible que le lieu soit l'une ou l'autre, ce n'est pas difficile à voir. En effet, la forme et la matière ne se séparent pas de la chose, tandis que le lieu le peut, car là où il y avait de l'air, là-même vient ensuite de l'eau, comme nous l'avons dit, l'eau et l'air se remplaçant mutuellement, et les autres corps pareillement. Par suite, le lieu n'est ni partie ni habitus, mais séparable de chaque chose. De fait, le lieu donne l'impression d'être comme un vase, car le vase est un lieu transportable; or le vase n'est rien de la chose. En tant, donc, que séparable de la chose, le lieu n'en est pas la forme; et en tant qu'il contient, il est autre chose que la matière. 209b32 295. Par ailleurs, toujours ce qui est quelque part donne l'impression d'être par soi quelque chose et d'avoir autre chose en dehors de lui. 209b33 296. À Platon, s'il faut y aller avec une digression, on doit demander pourquoi les formes et les nombres ne sont pas dans un lieu, si le lieu c'est précisément ce qui participe, et cela que ce qui participe soit le grand et le petit, ou que ce soit la matière, comme il est écrit dans le Timée. 210a2 297. En outre, comment se transporterait-on vers son lieu propre, si le lieu était la matière ou la forme? En effet, il est impossible que ce dont il n'y a mouvement ni vers le haut ni vers le bas ait un lieu. En conséquence, c'est parmi des choses de la sorte qu'il faut chercher le lieu. D'ailleurs, si le lieu est dans la chose même — il le faut bien s'il est ou la forme ou la matière —, le lieu sera dans un lieu; en effet, c'est en même temps que la chose que changent et se meuvent aussi et sa forme et son élément indéfini, qui ne demeurent pas toujours au même lieu, mais se trouvent là même où est la chose. Il y aura ainsi un lieu du lieu. 210a5 298. En outre, quand à partir d'air de l'eau se trouve produite, le lieu se perd, car le corps produit n'est pas dans le même lieu. Qu'est-ce donc que cette corruption ? Voilà donc d'où on tient que le lieu est nécessairement quelque chose et, à l'encontre, d'où on tire des difficultés sur son essence.
Leçon 3
#422. — Auparavant, le Philosophe a examiné dialectiquement si le lieu existe; ici, il examine ce qu'il est. En premier, il présente des raisonnements dialectiques pour montrer que le lieu est la forme ou la matière; en second (209a21), il présente des raisonnements en sens contraire. Sur le premier point, il développe trois points: en premier, il présente un raisonnement pour montrer que le lieu est la forme; en second (209b6), pour montrer que le lieu est la matière; en troisième (209b17), il induit un corollaire à partir de là.
#423. — Parmi les êtres, dit-il donc en premier, on dit que l'un en est un par soi et que l'autre en est un par accident. Pareillement, doit-on prendre en considération, à propos du lieu, il y a un lieu commun, où on trouve tous les corps, et il y en a un autre qui est un lieu propre; c'est ce dernier qu'on appelle lieu en premier et par soi. Par contre, le lieu commun ne s'appelle lieu que par accident et par après. Il manifeste cela comme suit: je peux dire que tu es dans le ciel, parce que tu es dans l'air, qui est dans le ciel; et que tu es dans l'air et dans le ciel, parce que tu es sur terre; et je dirais sur terre, parce que tu es en un lieu qui ne contient rien de plus que toi.
#424. — Ainsi donc, c'est ce qui contient en premier et par soi une chose qui est par soi son lieu. Or ce qui est tel, c'est la limite à laquelle la chose finit. Il s'ensuit donc que le lieu est proprement et par soi la limite de la chose. Or c'est sa forme la limite de chaque chose, car c'est par sa forme que la matière d'une chose est gardée dans les limites de son être propre, et que sa grandeur est gardée dans sa mesure déterminée; en effet, les quantités des choses suivent leurs formes. D'après cette réflexion, il semble donc bien que le lieu soit la forme. On doit savoir, toutefois, qu'il y a dans ce raisonnement un sophisme du conséquent, car on y raisonne en seconde figure à partir de deux affirmatives.
#425. — Ensuite (209b6), il présente le raisonnement de Platon, par lequel il semblait à celui-ci que le lieu, c'est la matière. Pour en avoir l'évidence, on doit savoir que les anciens pensaient que le lieu, c'est l'espace présent entre les limites de la chose qu'il contient, lequel espace a, bien sûr, des dimensions de longueur, de largeur et de profondeur. Or pareil espace ne semble s'identifier à aucun des corps sensibles, car il reste le même avec le départ et l'arrivée de différents corps sensibles. Par là, donc, il s'ensuit que le lieu soit les dimensions séparées.
#426. — C'est par là que Platon voulait conclure que le lieu est la matière. C'est ce qu'il dit que, pour autant qu'il semble à d'aucuns que le lieu c'est la dimension de la grandeur de l'espace, séparée de tout corps sensible, il semblerait que le lieu ce soit la matière. En effet, la distance même, c'est-à-dire la dimension de la grandeur, c'est autre chose que la grandeur. Car la grandeur signifie une chose délimitée par une espèce (9), comme une ligne est délimitée par des points, et une surface par une ligne, et un corps par une surface, et voilà les espèces de grandeur. Or la dimension de l'espace est contenue et délimitée sous une forme; par exemple, un corps est délimité par un plan, c'est-à-dire par une surface, comme par sa limite. Or ce qui est contenu sous des limites semble bien ne pas être en lui-même délimité. Et ce qui n'est pas en soi délimité, mais est délimité par une forme et une limite, c'est la matière, qui implique la notion d'indéfini: car si d'un corps sphérique on retirait les propriétés sensibles et les limites par lesquelles prend figure la dimension de la grandeur, il ne resterait que la matière. Aussi reste-t-il que les dimensions mêmes, non délimitées par elles-mêmes et délimitées par autre chose, sont la matière même. Cette conclusion s'ensuivait principalement en conformité avec les principes (10) de Platon, qui soutenait que les nombres et les quantités sont les substance des choses.
#427. — Étant donné, donc, que le lieu ce sont les dimensions, et que les dimensions ce sont la matière, Platon affirmait, dans le Timée, que c'est la même chose le lieu et la matière. En effet, il disait que tout ce qui est réceptif de quoi que ce soit est un lieu, sans distinguer la réceptibilité du lieu et celle de la matière; aussi, comme la matière est réceptive des formes, il s'ensuit que la matière soit un lieu. Cependant, doit-on savoir, Platon a parlé de plusieurs façons du récepteur. Dans le Timée, en effet, il a dit que le récepteur est la matière; par contre, dans ses enseignements oraux et non écrits, c'est-à-dire quand il enseignait oralement à l'École, il disait que le récepteur c'est le grand et le petit, qu'il situait aussi du côté de la matière, comme on l'a dit plus haut (#332). Cependant, quel que soit ce à quoi il attribuait d'être le récepteur, il disait toujours que récepteur et lieu c'est la même chose. Ainsi donc, alors que beaucoup ont affirmé que le lieu est quelque chose, seul Platon s'est efforcé de préciser ce qu'il est.
#428. — Ensuite (209b17), il conclut de ce qui précède que si le lieu est ou la matière ou la forme, il paraît raisonnable qu'il soit difficile de connaître ce qu'est le lieu, parce que tant la matière que la forme prêtent à une réflexion très élevée et difficile; en outre, il n'est pas facile non plus de connaître l'un sans l'autre.
#429. — Ensuite (209b21), il présente cinq raisonnements en sens contraire. Il donne comme le premier d'entre eux qu'il n'est pas difficile de voir que le lieu n'est ni la matière ni la forme: la forme et la matière, en effet, ne se séparent pas de la chose à laquelle elles appartiennent; le lieu, par contre, peut s'en séparer, car au lieu où il y avait de l'air se trouve ensuite de l'eau; en outre, d'autres corps changent réciproquement de lieu. Aussi, il est manifeste que le lieu n'est pas une partie de la chose comme sa matière ou sa forme. Ce n'est pas non plus un habitus ou quelque accident, parce que les parties et les accidents ne sont pas séparables de la chose, tandis que le lieu est séparable. Il manifeste cela par un exemple, du fait que le lieu semble se comparer à ce qui s'y trouve comme un vase, à la différence seulement que le lieu est immobile, tandis que le vase est mobile, comme on l'exposera plus loin (#468). Ainsi donc, avec le fait que le lieu est séparable, on montre que le lieu n'est pas la forme. Que le lieu, maintenant, ne soit pas la matière, on le montre non seulement avec le fait qu'il est séparable, mais aussi avec le fait qu'il contient, tandis que la matière ne contient pas, mais est contenue.
#430. — Il présente ensuite son second raisonnement (209b32). Il a montré que le lieu n'est ni matière ni forme avec le fait que le lieu se sépare de ce qui s'y trouve; par suite, il veut montrer que même si le lieu ne se séparait jamais de ce qui s'y trouve, du fait même de dire qu'une chose est en un lieu, il apparaît que le lieu n'est ni forme ni matière. En effet, le seul fait de dire qu'une chose est quelque part semble toujours impliquer que cela même est quelque chose et que c'est autre chose que cela où c'est. Aussi, quand on dit qu'une chose est en un lieu, il s'ensuit que le lieu soit en dehors de ce qui s'y trouve. Or la matière et la forme ne sont pas en dehors de la chose; le lieu n'est donc ni la matière ni la forme.
#431. — Il présente ensuite son troisième raisonnement (209b33). Celui-ci s'attaque spécialement à la position de Platon, par mode de digression. Platon, a-t-on dit plus haut, au troisième livre (#331), soutenait que les idées et les nombres ne se trouvent pas dans un lieu. Or il s'ensuivait, d'après sa conception du lieu, qu'ils seraient dans un lieu, parce que tout participé est dans ce qui y participe, et il soutenait que les espèces et les nombres sont participés soit par la matière soit par le grand et le petit. Si donc la matière, ou le grand et le petit, est le lieu, il s'ensuit que les nombres et les espèces sont dans un lieu.
#432. — Il présente ensuite son quatrième raisonnement (210a2). À son propos, il dit qu'on ne pourra pas rendre compte comment une chose change de lieu si la matière et la forme sont le lieu. En effet, il est impossible d'assigner un lieu à ce qui ne se meut pas vers le haut ou vers le bas, ou de quelque autre manière selon le lieu. Aussi, c'est à propos de ce qui se meut selon le lieu que l'on doit enquêter sur le lieu. Mais si le lieu est dans cela même qui se meut comme quelque chose qui lui est intrinsèque — ce qu'il faut concéder, si c'est la matière ou la forme le lieu —, il s'ensuit que le lieu sera dans un lieu, car tout ce qui change de lieu est en un lieu; or ce qui est dans la chose comme l'espèce et l'indéfini, c'est-àdire la matière, se meut en même temps que la chose, puisqu'il n'est pas toujours au même lieu, mais où est la chose. Donc, la matière et la forme sont nécessairement en un lieu. Si donc l'une d'elles est le lieu, il s'ensuit que le lieu est en un lieu, ce qui est absurde.
#433. — Il présente ensuite son cinquième raisonnement (210a5), qui va comme suit. Chaque fois qu'une chose se corrompt, les parties de son espèce se corrompent de quelque manière; or ce sont la matière et la forme les parties de l'espèce; donc, une fois la chose corrompue, la forme et la matière se 9 trouvent corrompues, au moins par accident. Si donc la matière et la forme sont le lieu, il s'ensuit que le lieu se corromp, si le lieu appartient à l'espèce, car le corps qui se trouve engendré ne se trouverait pas au même lieu, si le lieu de l'air appartenait à son espèce, comme lorsque de l'eau se trouve produite à partir de l'air. Pourtant, il n'est pas possible de rendre compte comment le lieu se corrompt; donc, on ne peut dire que la matière ou la forme soit le lieu. Voilà dit, épilogue-t-il finalement, par quoi il semble nécessaire qu'il y ait lieu, et par quoi on peut douter de son essence (11).
Chapitre 3
(210a14-210b31) 210a14 299. Après cela, on doit saisir de combien de manières on dit qu'une chose est dans une autre. D'une première manière, c'est comme le doigt dans la main et, en général, la partie dans le tout; d'une autre, comme le tout dans les parties, car le tout n'est pas en dehors de ses parties; d'une autre manière, comme l'homme dans l'animal et, en général, l'espèce dans le genre; d'une autre, comme le genre dans l'espèce et, en général, la partie de l'espèce dans la définition de l'espèce; en outre, comme la santé dans le chaud et le froid et, en général, comme la forme dans la matière; en outre, comme les affaires des Grecs dans les mains du roi et, en général, comme dans le premier moteur; en outre, comme dans le bien et, en général, dans la fin, c'est-à-dire celle en vue de quoi. Mais la manière la plus appropriée, c'est comme dans un vase et, en général, dans un lieu. 210a25 300. On pourrait par ailleurs se demander si une chose peut encore être en elle-même, ou si rien ne le peut, mais que tout est ou nulle part ou en autre chose. 210a26 301. Mais cela s'entend de deux manières: ou par soi ou par l'intermédiaire d'autre chose. Quand, en effet, c'est comme parties du tout que l'un est ce en quoi et l'autre ce qui s'y trouve, on dira que le tout est en lui-même, car on le nomme aussi d'après ses parties: blanc, par exemple, parce que sa surface est blanche, et savant, parce que sa raison l'est. L'amphore, donc, ne sera pas en elle-même, ni le vin en lui-même, mais l'amphore de vin le sera; car elle et ce qui est en elle sont toutes deux des parties du même. De cette façon, donc, on peut être en soi-même. 210a33 302. Mais ce n'est pas possible, par exemple, que le blanc soit premièrement dans le corps, car c'est la surface qui est dans le corps; quant à la science, c'est dans l'âme qu'elle est. D'après le blanc et la science, toutefois, pour autant que ce sont des parties, on tire des appellations, pour l'homme, par exemple (12). Car l'amphore et le vin ne sont pas des parties quand elles sont séparées, mais quand elles sont ensemble. Aussi, pour autant qu'elles sont des parties, une chose sera en elle-même: par exemple, le blanc sera dans l'homme, puisqu'il est dans le corps, et en celui-ci, puisqu'il est dans la surface. Mais en celle-ci, il ne l'est plus par autre chose; aussi, la surface et le blanc, ce sont des choses d'espèces différentes, et chacune a une nature et une puissance différentes. 210b8 303. À le vérifier par induction, on ne voit non plus rien qui soit en soi-même selon aucune des manières définies. 210b9 304. Et par le raisonnement il devient évident que c'est impossible. En effet, il faudra que chacun soit les deux: par exemple, que l'amphore soit le vase et le vin, et que le vin soit le vin et l'amphore, si justement on peut être en soi-même. Mais de fait (13), si profondément qu'ils soient l'un dans l'autre, l'amphore recevra le vin, non en tant qu'elle est du vin, mais une amphore; et le vin sera dans l'amphore, non en tant qu'il est une amphore, mais du vin. Il est donc évident que leur essence est différente, car elles sont différentes la définition de ce en quoi se trouve une chose et celle de cette chose qui s'y trouve. 210b17 305. Mais ce n'est pas non plus possible par accident, car il y aura ensemble deux choses dans la même. En effet, l'amphore sera en elle-même, s'il est possible, pour ce à quoi appartient la nature réceptrice, d'être en soi-même; et il s'y trouvera en outre ce dont elle est le récepteur, par exemple, si c'est du vin, le vin. Il est donc évident qu'il est impossible qu'une chose soit en premier en elle-même. 210b22 306. Par ailleurs, la difficulté que soulève Zénon, que si le lieu est quelque chose, il sera en un autre, n'est pas difficile à résoudre. Rien n'empêche, en effet, que le premier lieu soit en un autre; ce ne sera cependant pas comme dans un lieu, mais à la manière dont la santé est dans le chaud, comme habitus, et la chaleur dans le corps, comme affection. Ainsi, il n'est pas nécessaire d'aller à l'infini. 210b27 307. Cela maintenant est manifeste: le vase n'est rien de ce qui est en lui-même, car cela qui est en premier en autre chose et cela en quoi il est en premier sont différents; par conséquent, le lieu ne saurait être ni la matière ni la forme, mais il en est différent; car et la matière et la forme sont quelque chose de ce qui s'y trouve. Voilà qui suffira pour les difficultés.
Leçon 4
#434. — Auparavant, le Philosophe a examiné dialectiquement s'il existe un lieu et ce qu'il est; ici, il en vient à établir la vérité. En premier, il présente des notions qui sont nécessaires pour établir la vérité; en second (210b32), il établit la vérité. Sur le premier point, il en développe trois autres: en premier, il montre de combien de manières on dit qu'une chose est dans une autre; en second (210a25), il s'enquiert si une chose pourrait être en elle-même; en troisième (210b22), il résout des difficultés soulevées.
#435. — Il présente donc huit manières de dire qu'une chose est dans une autre. La première en est comme on dit que le doigt est dans la main et, universellement, toute autre partie en son tout. La seconde manière, c'est pour autant qu'on dit que le tout est en ses parties. Mais comme cette manière n'est pas aussi habituelle que la première, il ajoute, pour la manifester, que le tout n'est pas en dehors de ses parties, d'où il faut bien qu'on comprenne qu'il est en ses parties. La troisième manière, c'est comme on dit que l'homme est dans l'animal, ou toute autre espèce en son genre. La quatrième manière, c'est comme on dit que le genre est en ses espèces. Pour éviter que cette manière paraisse étrange, il signale la raison de parler ainsi: c'est que le genre est une partie de la définition de l'espèce, avec la différence; par suite, d'une certaine manière on dit que tant le genre que la différence sont dans l'espèce comme des parties dans leur tout. La cinquième manière, c'est comme on dit que la santé est dans le chaud et le froid, dont l'équilibre constitue la santé; et, universellement, toute autre forme dans sa matière ou son sujet, qu'elle soit accidentelle ou substantielle. La sixième manière, c'est comme on dit que les affaires des Grecs sont dans les mains du roi de Grèce, et, universellement, comme tout ce qui est mû est en son premier moteur. Selon cette manière-là, je peux dire aussi qu'une chose est en moi du fait qu'il soit en mon pouvoir de la faire. De la septième manière, on dit qu'une chose est dans une autre comme en ce qu'il y a de plus aimable et désirable, et, universellement, comme en sa fin. C'est aussi de cette manière qu'on dit que le cœur de quelqu'un est dans telle chose qu'il désire et aime. De la huitième manière, on dit qu'une chose est en une autre comme dans un vase, et, universellement, comme ce qui s'y trouve est en un lieu. Il semble que le Philosophe oublie la manière dont une chose est en une autre comme en son temps; mais ici elle se trouve réduite à la huitième manière, car, de même que le lieu est la mesure du mobile, de même le temps est la mesure du mouvement.
#436. — Par ailleurs, il dit que c'est selon cette huitième manière qu'on dit le plus proprement qu'une chose est dans une autre. Aussi faut-il, en accord avec la règle qu'il prescrit, Métaphysique, IV, 2 et V, 1, que toutes les autres manières se réduisent de quelque façon à cette manière selon laquelle une chose est dans une autre comme dans son lieu. Cela appert comme suit. Ce qui se trouve dans un lieu, en effet, y est contenu ou inclus, et y trouve repos et stabilité. De la manière la plus prochaine à celle-ci, donc, on dit que la partie est dans son tout intégral, dans lequel elle se trouve incluse en acte. Aussi sera-t-il encore dit, plus loin (#461), qu'un objet dans un lieu en est comme une partie séparée, et qu'une partie est comme un objet en un lieu qui serait conjoint à son lieu. Et le tout rationnel, c'est à la similitude de ce tout qu'on le prend; par suite, on dit que ce qu'on trouve dans la définition de quelque chose est en lui; par exemple, que l'animal est dans l'homme. Il se trouve d'ailleurs que, comme la partie du tout intégral est incluse en acte en son tout, de même la partie du tout universel est incluse en puissance en son tout; en effet, le genre s'étend en puissance à plus de choses que l'espèce, bien que l'espèce en comporte davantage en acte; aussi, en conséquence, on dit encore que l'espèce est dans son genre. Puis, comme l'espèce est contenue dans la puissance du genre, de même la forme est dans la puissance de la matière; par conséquent, on dit ensuite que la forme est dans la matière. Ensuite, le tout a raison de forme en rapport aux parties, comme il est dit au second livre (#188-189); on dit donc aussi, en conséquence, que le tout est dans ses parties. Puis, comme la forme est incluse sous la puissance passive de la matière, de même l'effet est inclus sous la puissance active de l'agent; d'où aussi, on dit qu'une chose est dans le pouvoir de son premier moteur (14). Ensuite, par ailleurs, il est manifeste que l'appétit se repose dans le bien désiré et aimé, et qu'il se fixe en lui, comme le fait en son lieu ce qui s'y trouve. Par suite, on dit aussi que l'affection de l'amant se trouve dans l'aimé. C'est de la sorte qu'il appert que toutes les autres manières dérivent de la dernière, laquelle est la plus propre.
#437. — Ensuite (210a25), il s'enquiert si une chose pourrait se trouver en elle-même; c'est qu'Anaxagore, plus haut, a dit que l'infini est en lui-même. En premier, donc, il soulève la difficulté de savoir si certaine même et unique chose pourrait se trouver en elle-même, ou si ce n'est le cas d'aucune, mais que toutes choses soient ou bien nulle part, ou bien en autre chose.
#438. — Ensuite (210a26), il résout. En premier, il montre de quelle manière une chose pourrait être en elle-même; en second (210a33), de quelle manière elle ne le pourrait pas. C'est de deux manières, dit-il donc en premier, qu'on peut comprendre qu'une chose est en elle-même: d'une manière, en premier et par soi; de l'autre manière, par autre chose, c'est-à-dire par une partie. De cette seconde manière, une chose peut se dire en soi-même. En effet, lorsque deux parties d'un tout se rapportent l'une à l'autre de manière que l'une soit ce en quoi est l'autre, et que l'autre soit ce qui s'y trouve, il s'ensuit qu'on dise que le tout est à la fois ce en quoi il y a autre chose, en raison d'une partie, et ce qui est en autre chose, en raison de l'autre partie: et ainsi, on dira que le tout est en lui-même. Nous trouvons en effet qu'on dise une chose d'une autre en raison de sa partie; par exemple, on dit une chose blanche du fait que sa surface est blanche, et on appelle un homme savant, du fait que sa science est dans sa partie raisonnante. Si donc on prend l'amphore pleine de vin comme un tout dont les parties sont l'amphore et le vin, ni l'une ni l'autre de ses parties ne sera en elle-même, c'est-à-dire ni l'amphore ni le vin, mais le tout, à savoir l'amphore de vin, sera en lui-même, en tant que l'une et l'autre sont ses parties, à savoir, tant le vin qui est dans l'amphore, que l'amphore dans laquelle se trouve le vin. De cette manière, donc, il se peut qu'une même chose soit en elle-même.
#439. — Ensuite (210a33), il montre qu'il ne se peut pas qu'une chose soit en premier en elle-même. En premier, il présente son intention, en distinguant l'une et l'autre manières selon lesquelles une chose est en elle-même et ne l'est pas; en second (210b8), il la prouve. Il ne se peut pas, dit-il donc, qu'une chose soit en premier en elle-même. Il manifeste avec un opposé ce que c'est qu'une chose soit en premier en elle-même. Car on dit qu'il y a du blanc dans un corps parce qu'il y a une surface dans le corps; aussi, le blanc n'est pas premièrement dans le corps, mais dans la surface. Pareillement, on dit que la science est en premier dans l'âme, non dans l'homme, en qui elle est par son âme. C'est à cause de cela, à savoir, à cause de l'âme et de la surface, qu'on a des appellations avec lesquelles on nomme l'homme blanc ou savant, puisque l'âme et la surface sont comme des parties en l'homme; non pas que la surface soit une partie, mais parce qu'elle se rapporte à la manière d'une partie, en tant qu'elle est quelque chose de l'homme, comme un terme de son corps. Mais si on prend le vin et l'amphore à part l'une de l'autre, ils ne sont pas des parties; aussi, il n'appartient ni à l'une ni à l'autre d'être en soi-même. Par contre, lorsqu'ils sont ensemble, par exemple, quand l'amphore est pleine de vin, du fait qu'alors tant l'amphore que le vin sont des parties, la même chose sera en elle-même, comme on l'a exposé, quoique non pas en premier, mais à cause des parties: par exemple, le blanc n'est pas en premier dans l'homme, mais il s'y trouve par le corps, et il se trouve dans le corps par la surface. Néanmoins, il n'est pas dans la surface par autre chose; aussi, on dit qu'il est en premier dans la surface. Or ce n'est pas la même chose ce en quoi une chose est en premier, et ce qui est en premier en elle, comme le blanc et la surface, car surface et blanc diffèrent spécifiquement: et leur nature et leur puissance diffèrent.
#440. — Ensuite (210b8), maintenant que se trouve montrée la différence entre le fait d'être en premier et non en premier en autre chose, il montre que rien n'est en premier en soi-même. Il montre, en premier, qu'il n'existe rien qui soit en premier en soi-même par soi; en second (210b17), qu'il n'existe rien qui soit en premier en soi-même par accident. Il montre le premier point de deux manières, à savoir, par une induction et par un raisonnement. À vérifier par une induction pour chacune des manières dont on a établi plus haut (#435) qu'on dit qu'une chose est dans une autre, dit-il donc en premier, il apparaît que rien n'est en soi-même en premier et par soi. Rien, en effet, n'est son propre tout, ni sa partie, ni son genre, et ainsi du reste. Concluant alors à partir de ce qui précède, il établit qu'on peut constater pour toutes les autres manières qu'il en va de même que pour le blanc et la surface, pour quoi il est manifeste qu'ils se rapportent l'un à l'autre comme forme et matière, et qu'ils diffèrent d'espèce et de vertu.
#441. — Ensuite (210b9), il prouve la même chose avec un raisonnement. Il devient manifeste avec un raisonnement, dit-il, qu'il est impossible qu'une chose soit en premier et par soi en soi-même. Car si une chose est en premier et par soi en soi-même, nécessairement, à la même chose et sous le même rapport conviennent la définition de ce en quoi est la chose et la définition de la chose qui est en elle. Par suite, il faut que l'un et l'autre, à savoir, tant le contenant que le contenu, soit l'un et l'autre; par exemple, que l'amphore soit le vase et le vin, et que le vin soit le vin et l'amphore, s'il se peut qu'une chose, en premier et par soi, soit en elle-même. Aussi, cela une fois affirmé, à savoir, que le vin soit l'amphore et le vin, et que l'amphore soit le vin et l'amphore, si quelqu'un dit que l'un d'eux est en l'autre, comme, par exemple, le vin dans l'amphore, il s'ensuit que le vin soit reçu dans l'amphore non en tant que c'est du vin, mais en tant que le vin est celle-ci, à savoir, l'amphore. C'est pourquoi, si d'être dans l'amphore convient en premier et par soi à l'amphore, du fait qu'on admette qu'une chose soit en premier et par soi en ellemême, il s'ensuit qu'on ne puisse dire de rien que c'est dans l'amphore, à moins de dire qu'il y est en tant qu'il s'agit d'une amphore. Et ainsi, si on dit que le vin est dans l'amphore, il s'ensuit que d'être dans l'amphore concerne le vin non en tant que le vin est du vin, mais en tant que le vin c'est l'amphore. Pour la même raison, si l'amphore reçoit le vin, elle le recevra non en tant que l'amphore est une amphore, mais en tant que l'amphore est le vin. Or c'est là une absurdité. Par suite, il est manifeste que c'est selon une définition différente qu'on est ce en quoi une chose se trouve et la chose qui est en une autre. Autre, en effet, est la définition de ce qui est une chose et de ce en quoi est cette chose. On ne peut donc pas par soi et en premier être en soi-même.
#442. — Ensuite (210b17), il montre qu'une chose n'est pas non plus par accident en premier en soimême. En effet, on dit qu'une chose est en une autre par accident, quand elle est en elle à cause d'autre chose qui se trouve en elle; par exemple, si nous disons qu'un homme est dans la mer, parce qu'il est dans un navire qui est dans la mer: dans ce navire, cependant, on dit qu'il est en premier, non à cause d'une partie. Si donc il se peut qu'une chose soit en soi-même en premier, non pas par soi, certes, mais par accident, il s'ensuit qu'elle soit en soi-même à cause de ce qu'autre chose est en elle-même. Et ainsi, il s'ensuit que deux corps soient dans le même, à savoir, ce corps qui est en lui, et lui-même qui est en luimême. Ainsi, en effet, l'amphore sera en elle-même par accident, si l'amphore même, dont la nature est de recevoir autre chose, est en elle-même, et en plus ce dont elle est réceptive, à savoir le vin; donc, il y aura dans l'amphore et l'amphore et le vin, si à cause de cela que le vin est dans l'amphore, il s'ensuit que l'amphore soit en elle-même; et ainsi, on aura deux corps dans le même. Il appert donc ainsi qu'il est impossible qu'une chose soit en premier en elle-même. On doit savoir, cependant, qu'on dit parfois qu'une chose est en elle-même sans l'entendre affirmativement, comme le réprouve ici le Philosophe, mais en l'entendant négativement, pour autant qu'être en soi-même signifie simplement ne pas être en autre chose.
#443. — Ensuite (210b22), il résout certaines difficultés. Et en premier, il annule le raisonnement de Zénon, qui tendait à prouver que le lieu n'existe pas, du fait que s'il y en a un, il faut qu'il soit en un autre, et ainsi à l'infini. Mais, comme il dit, il n'est pas difficile de résoudre cela, maintenant qu'on a distingué les manières dont une chose se dit en une autre. Rien n'empêche de dire, en effet, qu'un lieu est en un autre, mais d'une autre manière, comme la forme est dans la matière ou l'accident dans le sujet; à savoir, en tant que le lieu est le terme de ce qui contient. C'est ce qu'il ajoute: comme la santé est dans le chaud à la manière d'un habitus, et la chaleur dans le corps à la manière d'une affection ou d'un accident. Par suite, il n'est pas nécessaire qu'on procède à l'infini.
#444. — Ensuite (210b27), il résout aussi les difficultés présentées plus haut sur l'essence (15) du lieu, à savoir, s'il est la forme ou la matière, à partir de ce qu'on a montré que rien n'est en premier et par soi en soi-même. À partir de là, en effet, il devient manifeste que rien ne peut être, pour une chose, comme son vase ou son lieu, de ce qui est contenu en elle comme sa partie, à titre de matière ou de forme; en effet, il faut que ce qui est en une chose en premier et par soi soit autre chose que ce en quoi il est, comme on l'a montré. Aussi, il s'ensuit que ni la forme ni la matière ne soit le lieu, mais que le lieu soit autre chose que ce qui s'y trouve; car la matière et la forme sont quelque chose de ce qui se trouve dans le lieu et interviennent comme ses parties intrinsèques. Enfin, conclut-il, c'est par mode d'opposition qu'on a présenté ce qui précède à propos du lieu. Certaines de ces oppositions sont déjà résolues, tandis que d'autres seront résolues une fois manifestée la nature du lieu.
Chapitre 4
(210b32-211b5) 210b32 308. Ce que peut bien être le lieu, voici précisément comment cela deviendra manifeste. Recueillons, à son sujet, tout ce qui donne l'impression de lui appartenir vraiment par soi. Assurément, nous tenons que le lieu est ce qui contient en premier ce dont il est le lieu, et qu'il n'est rien de la chose, qu'en outre le lieu premier n'est ni plus petit ni plus grand, qu'il peut être laissé par chaque chose et qu'il en est séparable, qu'en plus de cela tout lieu implique haut et bas, et que chacun des corps se transporte par nature et repose dans ses lieux propres, et que cela se fait soit vers le haut, soit vers le bas. Cela supposé, on doit regarder le reste (16). 211a7 309. Il faut s'efforcer de conduire l'examen de manière à rendre compte de ce qu'est le lieu, de sorte qu'on résolve les difficultés, de manière aussi que ce qui donne l'impression d'appartenir au lieu lui appartiendra de fait et qu'aussi la raison de la difficulté et des problèmes concernant le lieu deviendra manifeste. C'est ainsi, en effet, qu'on peut au mieux manifester chaque chose. 211a12 310. En premier, donc, il faut prendre conscience que le lieu n'aurait fait l'objet d'aucune recherche, s'il n'y avait pas cette espèce de mouvement qui se fait en rapport au lieu. Car c'est pour cela surtout que nous pensons que le ciel est dans un lieu: il est toujours en mouvement. Par ailleurs, à ce mouvement appartient d'une part le transport et d'autre part l'augmentation et la diminution; de fait, dans l'augmentation et la diminution aussi, on se déplace, et ce qui était d'abord à tel endroit s'est déplacé vers un lieu plus petit ou plus grand. 211a17 311. Par ailleurs, on est mû par soi ou par accident. Pour ce qui l'est par accident, une partie peut l'être aussi par soi, comme les parties du corps et le clou dans le navire, tandis que le reste ne le peut pas, mais est toujours mû par accident, comme la blancheur et la science; cela, en effet, change de lieu pour autant qu'en change ce en quoi il est. 211a23 312. Par ailleurs, nous disons qu'on est dans le ciel comme dans un lieu parce qu'on est dans l'air et que celui-ci est dans le ciel. Non dans tout l'air, cependant: nous disons être dans l'air à cause de sa limite qui nous contient. Car si c'est tout l'air qui sert de lieu, le lieu de chaque chose ne sera pas égal à chacune, alors qu'il donne pourtant l'impression de lui être égal. En tout cas, le premier lieu dans lequel on est donne cette impression. 211a29 313. Quand donc le contenant est non pas distinct, mais continu, on ne dit pas qu'on s'y trouve comme dans un lieu, mais comme une partie dans un tout. Quand, par contre, il est distinct et en contact, on est dans la première limite du contenant, lequel n'est point une partie de ce qui est en lui, ni plus grand que sa dimension, mais lui est égal; car les limites des choses en contact reviennent au même. 211a34 314. En outre, s'il est continu, on ne se meut pas en lui, mais avec lui, tandis que s'il est séparé, on se meut en lui. Et cela pas moins, que le contenant soit mû ou non. 211b1 315. En outre, quand il n'est pas distinct, on est dit dedans comme une partie dans un tout, par exemple, la vue dans l'œil ou la main dans le corps, tandis que, lorsqu'il est distinct, c'est comme l'eau dans le tonneau et le vin dans l'outre; car la main est mue avec le corps, mais l'eau l'est dans le tonneau.
Leçon 5
#445. — L'examen du lieu, à savoir, s'il existe et ce qu'il est, est déjà fait; on a aussi résolu certaines difficultés; le Philosophe en arrive ici à établir la vérité à propos du lieu. En premier, il présente sur le lieu des
suppositions (17) dont il se servira pour définir le lieu; en second (211a7), il montre de quelle nature doit être la définition à donner du lieu; en troisième (211a12), il commence à déterminer du lieu.
#446. — Ce qu'est le lieu deviendra manifeste avec ce qui suit, dit-il donc en premier. Mais il faut d'abord recueillir comme des suppositons et des principes connus de soi, à savoir, ce qui paraît appartenir par soi au lieu. Il y en a quatre. En effet, tous pensent que ce qui suit est juste (18). En premier, bien sûr, le lieu contient ce dont il est le lieu, mais de telle manière que le lieu ne soit pas un élément de ce qui s'y trouve. Ce qu'il précise, certes, pour exclure la manière dont la forme contient, car elle est un élément de la chose et la contient d'une autre manière que le lieu. La seconde supposition, c'est que le premier lieu, c'est-à-dire, ce en quoi une chose est en premier, est égal à ce qui s'y trouve, ni plus grand ni plus petit. La troisième supposition, c'est que le lieu ne fait défaut à aucune chose qui en occupe un, de manière que toute n'en aurait pas un. Cependant, il n'en va pas de sorte qu'un seul et même lieu ne fasse jamais défaut à l'objet qui s'y trouve — car le lieu est séparable de ce qui s'y trouve —, mais que lorsqu'un lieu fait défaut à l'objet qui l'occupait, celui-ci aboutit en un autre lieu. La quatrième supposition, c'est qu'on trouve en tout lieu, comme une différence du lieu, le haut et le bas. Et que chaque corps, quand il se trouve en dehors de son lieu propre, y tend naturellement, et y demeure, quand il y est. Par ailleurs, les lieux propres des corps naturels sont le haut et le bas, vers quoi ils se meuvent naturellement et en lesquels ils demeurent. Toutefois, cela il le dit en se conformant à l'opinion de ceux qui n'introduisaient pas de corps qui sorte de la nature des quatre éléments; il n'a pas encore prouvé, en effet, que le corps céleste n'est ni lourd ni léger; c'est plutôt par la suite qu'il le prouvera, Du Ciel, I, 3. Partant maintenant de ce qu'on vient de supposer, on procédera à l'examen du reste.
#447. — Ensuite (211a7), il montre de quelle nature doit être la définition à donner du lieu. En définissant le lieu, dit-il, notre intention doit s'attarder à quatre aspects qui sont nécessaires, bien sûr, pour une définition parfaite. En premier, certes, elle doit montrer ce qu'est le lieu; car la définition est une phrase (19) qui exprime ce qu'est une chose. En second, elle doit résoudre certaines objections qui portent sur le lieu, car la connaissance de la vérité implique la solution des choses qui font difficulté (20). Le troisième aspect, c'est qu'à partir de la définition donnée on manifeste les propriétés du lieu, celles qui lui appartiennent; car la définition sert de moyen dans la démonstration, et c'est par elle qu'on démontre d'un sujet ses accidents propres. Le quatrième, enfin, est qu'à partir de la définition du lieu deviendra manifeste la cause pour laquelle certains se sont trouvés en désaccord à propos du lieu et de tout ce qu'on dit d'opposé sur le lieu. C'est ainsi qu'on définit toute chose de la plus belle façon.
#448. — Ensuite (211a12), il détermine du lieu. En premier, il montre ce qu'est le lieu; en second (212b22), il montre comment une chose est en un lieu. Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il présente d'abord des notions qui sont nécessaires pour chercher la définition du lieu; en second (211b5), il commence à chercher la définition du lieu.
#449. — Sur le premier point, il présente quatre notions. La première en est qu'on n'aurait jamais enquêté sur le lieu s'il n'y avait pas de mouvement en rapport au lieu. La raison pour laquelle il a été nécessaire de concevoir le lieu comme autre chose que ce qui s'y trouve, c'est justement qu'on trouve successivement deux corps au même lieu, et pareillement le même corps en deux lieux. De la même manière aussi, le changement de formes pour une matière unique a conduit à la connaissance de la matière. Et la raison pour laquelle surtout on pense que le ciel soit en un lieu, c'est qu'il se meut toujours. Cependant, l'un des mouvements se rapporte par soi au lieu, à savoir, le changement de lieu, tandis qu'un autre s'y rapporte par voie de conséquence, à savoir, l'augmentation et la diminution; en effet, dans la mesure où sa quantité augmente ou diminue, le corps occupe un lieu plus grand ou plus petit.
#450. — Il présente ensuite la seconde (211a17). Certaine chose, dit-il, se meut par soi en acte — par exemple, un corps quelconque —, tandis que certaine autre se meut par accident, ce qui peut se faire de deux manières. Il y en a, en effet, qui se meuvent par accident, mais sont tout de même aptes à se mouvoir par soi; par exemple, les parties d'un corps, tant qu'elles sont dans leur tout, se meuvent par accident; mais quand elles s'en séparent, elles se meuvent par soi: ainsi, le clou, tant qu'il est fixé au navire, se meut par accident, mais une fois qu'on l'en extrait, il se meut par soi. Par contre, certaines choses ne peuvent pas se mouvoir par soi, mais se meuvent toujours par accident; par exemple, la blancheur et la science, qui changent de lieu dans la mesure où en change ce en quoi elles sont. Il précise cela parce que c'est de la manière dont une chose est de nature à se mouvoir qu'elle est de nature à être en un lieu par soi ou par accident, en acte ou en puissance.
#451. — Il présente ensuite la troisième (211a23). On dit qu'on est dans le ciel comme dans un lieu, ditil, du fait qu'on est dans l'air, qui lui est dans le ciel. Et pourtant, nous ne disons pas que quelqu'un soit dans tout l'air en premier et par soi; plutôt, c'est à cause de la dernière extrémité de l'air qui contient quelqu'un qu'on dit qu'il est dans l'air. Car si tout l'air était le lieu de quoi que ce soit, par exemple, d'un homme, le lieu et ce qui s'y trouve ne se trouveraient pas égaux, ce qui va contre la supposition introduite plus haut. Par contre, ce en quoi une chose est en premier semble bien être l'extrême limite du corps qui la contient, et par suite se trouve de la sorte, à savoir, égal.
#452. — Il présente ensuite la quatrième (211a29). En premier, il la présente; en second (211a34), il la prouve. Lorsque le contenant, dit-il donc en premier, n'est pas distinct du contenu, mais est continu avec lui, on ne dit pas que ce dernier est en lui comme en un lieu, mais comme une partie en son tout. Par exemple, si nous disons qu'une partie de l'air est contenue par le tout de l'air. Avec ce qui précède, il conclut donc qu'où il y a continu, il n'est pas loisible de prendre une limite (21) en acte, ce qu'il a dit, plus haut, être requis au lieu. Par contre, lorsque le contenant est distinct, et contigu au contenu, alors, le contenu est en un lieu, et se trouve dans la limite de ce qui le contient en premier et par soi, contenant qui n'est pas une partie du contenu ni n'est plus grand ni n'est plus petit en dimension, mais égal. Comment, par ailleurs, le contenant et le contenu peuvent être égaux, il le montre par le fait que les limites des choses contiguës (22) l'une à l'autre existent ensemble; aussi faut-il que ces limites soient égales.
#453. — Ensuite (211a34), il prouve cette quatrième notion avec deux raisonnements. Le premier en est que le contenu continu avec le contenant ne se meut pas dans le contenant, mais en même temps que lui, comme une partie se meut en même temps que son tout. Par contre, quand le contenu est séparé du contenant, alors il peut se mouvoir en lui, que le contenant se meuve ou non; en effet, on se meut dans un navire, qu'il soit en repos ou en mouvement. Lorsque donc une chose se meut en son lieu, il s'ensuit que le lieu soit un contenant séparé.
#454. — Il présente ensuite son second raisonnement (211b1). Lorsque le contenu, dit-il, n'est pas séparé du contenant, mais continu avec lui, alors on dit qu'il est en lui comme une partie en son tout; par exemple, la vue est comme une partie formelle dans l'œil, et la main comme une partie organique dans le corps. Comme, au contraire, le contenu est séparé du contenant, on dit alors qu'il est en lui comme dans un vase; par exemple, l'eau dans le tonneau et le vin dans l'outre. Entre eux, voilà la différence: la main se meut avec le corps, mais non dans le corps, tandis que l'eau se meut dans le tonneau. Comme donc on a dit plus haut que d'être en un lieu est comme être en un vase, et non comme une partie en un tout, il s'ensuit que le lieu soit comme un contenant séparé.
(211b5-212a30) 211b5 316. C'est donc à partir de là que devient manifeste ce qu'est le lieu. Car le lieu est nécessairement l'une de quatre choses: soit la forme, ou la matière, ou un espace — celui qu'il y a entre les extrémités —, ou les extrémités — s'il n'y a de tel espace sinon la grandeur du corps présent. 211b9 317. Or que cela est impossible pour trois d'entre elles, c'est manifeste. 211b10 318. Cependant, du fait qu'elle contient, la forme donne l'impression d'être le lieu; car les extrémités de ce qui contient et de ce qui est contenu coïncident (23). 211b12 319. De fait, les deux constituent des limites, mais non pour le même objet; la forme en constitue pour la chose, tandis que le lieu en constitue pour le corps qui contient. 211b14 320. Par ailleurs, souvent, alors que le contenant demeure, le contenu change, et il en est distinct, comme l'eau qui s'écoule du vase; pour cela, l'espace intermédiaire donne l'impression d'être quelque chose, comme il est à part du corps déplacé. 211b18 321. Or, il n'en va pas ainsi; au contraire, le premier corps venu prend sa place, entre ceux qui se déplacent et sont par nature aptes à se toucher. D'ailleurs, si un espace était de soi apte par nature à être et à subsister en lui-même, infinis seraient les lieux. En effet, quand l'eau et l'air se remplacent, toutes les parties feront dans le tout ce que fait toute l'eau dans le vase. 211b23 322. En même temps, le lieu aussi se trouvera changé. Ainsi y aura-t-il, pour le lieu, un autre lieu, et plusieurs lieux coïncideront. Mais le lieu de la partie, où elle se meut, n'en est pas un autre, quand tout le vase se déplace. Elle garde le même; car c'est dans le lieu où ils sont que changent de place l'air, l'eau, et les parties de l'eau, mais ils n'aboutissent pas dans le lieu qui est une partie du lieu qui est celui du ciel entier. 211b29 323. Par ailleurs, la matière aussi donnerait l'impression d'être le lieu, si on regarde à quelque chose qui soit en repos, et qui ne soit pas séparé mais continu. En effet, si une chose est altérée, il y a quelque chose qui maintenant est blanc mais tout à l'heure était noir, et maintenant dur mais tout à l'heure mou — c'est d'ailleurs pour cela que nous disons que la matière est quelque chose —; on a l'impression qu'il en va de même aussi du lieu, en raison d'une façon pareille de nous l'imaginer. Sauf qu'en cas d'altération, on dit: ce qui était de l'air est maintenant de l'eau, tandis que, dans le cas du lieu, on dit: où il y avait de l'air, il y a maintenant de l'eau. 211b36 324. Mais la matière, comme on l'a dit plus haut, n'est pas séparable de la chose ni ne la contient, tandis que le lieu fait les deux. 212a2 325. Si donc le lieu n'est aucune des trois choses — ni la forme, ni la matière, ni un espace qui serait toujours différent de celui de la dimension de la chose —, nécessairement le lieu est ce qui reste des quatre, à savoir, la limite du corps qui contient. Par corps contenu, je veux dire celui qui est mobile par transport. 212a7 326. Concevoir le lieu donne l'impression d'une question grande et difficile, parce qu'il donne apparence d'être la matière et la forme, et parce que le déplacement du corps transporté se produit dans un contenant en repos. Le lieu paraît ainsi pouvoir être un espace intermédiaire, distinct des grandeurs en mouvement. Ajoute à cela le fait que l'air donne l'impression d'être incorporel; il s'ensuit que le lieu paraît ne pas être seulement les limites du vase, mais ce qui se trouve entre elles, en tant que vide. 212a14 327. Par ailleurs, comme le vase est un lieu transportable, ainsi le lieu est un vase immobile. Par suite, quand ce qu'il y a à l'intérieur d'un mobile se meut et change de place — un navire sur un fleuve, par exemple —, on use de son contenant plus comme d'un vase que comme d'un lieu. Le lieu, par contre, veut être immobile; aussi est-ce plutôt le fleuve entier qui est le lieu, parce qu'il est immobile dans son entier. 212a20 328. Par suite, la limite immobile première du contenant, c'est cela le lieu. 212a21 329. De plus, le centre du ciel et l'extrémité — celle qui nous fait face — du transport circulaire donnent à tous l'impression principalement d'être proprement l'une le haut, l'autre le bas; c'est que l'un demeure toujours, tandis que l'autre, l'extrémité de la sphère, demeure du fait d'entretenir la même relation. Par suite, puisque le léger, c'est ce qui par nature se transporte vers le haut, et le lourd ce qui se transporte vers le bas, la limite du contenant qui fait face au centre est en bas, de même aussi que le centre même, tandis que la limite qui fait face à l'extrémité est en haut, de même aussi que l'extrémité. 212a28 330. Pour cette raison encore, le lieu donne l'impression d'être une surface et, à la manière d'un vase, une enveloppe. 212a29 331. En outre, le lieu coïncide avec la chose, car les limites coïncident avec ce qu'elles limitent.
Leçon 6
#455. — Auparavant, le Philosophe a présenté les notions nécessaires à la recherche de la définition du lieu; il effectue ici cette recherche de la définition du lieu. À ce propos, il développe trois points: en premier, il cherche les particules de la définition; en second (212a20), il conclut la définition; en troisième (212a21), il montre qu'elle est bien donnée. Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il cherche le genre du lieu; en second (212a7), la différence susceptible de compléter sa définition. Dans la recherche du genre du lieu, maintenant, il use d'une division. Aussi, il développe trois points à ce propos: en premier, il présente la division; en second (211b9), il en exclut trois membres; en troisième (212a2), il conclut le quatrième.
#456. — Déjà avec ce qui précède, dit-il donc en premier, ce qu'est le lieu peut être manifeste. Il semble bien, en effet, d'après ce que l'on a coutume d'attribuer au lieu, que le lieu soit l'une de quatre choses: c'est la matière, ou la forme, ou un espace entre les extrémités du contenant, ou, s'il n'y a aucun espace entre les extrémités du contenant, avec des dimensions distinctes de la grandeur du corps placé à l'intérieur du corps qui contient, il faudra désigner une quatrième possibilité, à savoir, que le lieu soit les extrémités du corps qui contient.
#457. — Ensuite (211b9), il exclut trois membres de la division qui précède. En premier, il présente son intention: il dit qu'il devient manifeste avec ce qui suit qu'il ne se peut pas que le lieu soit l'une de ces trois choses; en second (211b10), il la poursuit, d'abord en ce qui concerne la forme; en second (211b14), en ce qui concerne l'espace; en troisième (211b29), en ce qui concerne la matière.
#458. — Sur le premier point, il en développe deux autres: en premier, il présente pour quelle raison la forme semble bien être le lieu: c'est que la forme contient, ce qui paraît être le propre du lieu. Par ailleurs, les extrémités du contenant et du contenu coïncident (24), puisque le contenant et le contenu sont contigus entre eux; et ainsi la limite du contenant (25), qui est le lieu, ne semble pas distincte de la limite du contenu (26); et ainsi, semble-t-il bien, le lieu ne diffère pas de la forme.
#459. — En second (211b12), il montre que la forme n'est pas le lieu. De fait, le lieu et la forme se ressemblent en ceci que l'un et l'autre sont une espèce de limite; mais ce n'est pas pour le même et unique objet. Au contraire, la forme est la limite du corps dont elle est la forme, tandis que le lieu n'est pas la limite du corps dont il est le lieu, mais du corps qui le contient. Or, bien que les limites du contenant et du contenu coïncident, elles ne sont cependant pas la même chose.
#460. — Ensuite (211b14), il passe à l'espace: en premier, il présente pourquoi l'espace semble être le lieu; en second (211b18), il montre que ce n'est pas le cas. Bien des fois, dit-il donc en premier, un corps contenu par un lieu et distinct de lui passe d'un lieu à un autre, et plusieurs corps se succèdent l'un l'autre dans le même lieu, de manière que le contenant demeure immobile, comme lorsque l'eau sort d'un vase. Pour cette raison, il semble bien que le lieu soit un espace intermédiaire entre les extrémités d'un corps contenant, comme s'il se trouvait là quelque chose d'autre que le corps qui se meut d'un lieu à l'autre. En effet, s'il ne se trouvait pas là d'autre corps que celui-là, il s'ensuivrait ou bien que le lieu ne soit pas autre chose que ce qui s'y trouve, ou bien que ce qu'il y a d'intermédiaire entre les extrémités du contenant ne puisse être le lieu. Or tout comme le lieu, nécessairement, est autre chose que le corps qu'il contient, il semble bien aussi qu'il soit nécessairement autre chose que le corps qui contient; car le lieu demeure immobile, tandis que le corps contenant, et tout ce qui s'y trouve, peut changer. Par ailleurs, à part le corps qui contient et celui qu'il contient, on ne peut rien concevoir là, sauf des dimensions d'espace qui n'appartiennent à aucun corps. Ainsi donc, du fait que le lieu est immobile, il semble qu'il soit cet espace.
#461. — Ensuite (211b18), il montre, avec deux raisonnements, que l'espace n'est pas le lieu. Cela n'est pas vrai, dit-il, quant au premier raisonnement, qu'il y ait là, entre les extrémités du corps contenant, autre chose que le corps contenu qui passe d'un lieu à l'autre. Au contraire, entre ces extrémités du corps contenant échoit un corps, quel qu'il puisse être, du nombre toutefois des corps mobiles et aussi du nombre de ceux qui sont aptes de nature à toucher le corps contenant. Si alors il pouvait y avoir un espace contenant intermédiaire, en dehors des dimensions du corps contenu, et qui demeurerait toujours au même lieu, il s'ensuivrait cette absurdité qu'une infinité de lieux seraient ensemble. La raison en est que, comme l'eau et l'air ont leurs propres dimensions, de même aussi tout corps et toute partie de corps; toutes les parties font la même chose dans leur tout que toute l'eau fait dans le vase. D'après la position, donc, des partisans de l'espace, au moment où toute l'eau est dans le vase, il y a là d'autres dimensions d'espace à part les dimensions de l'eau. Pourtant, toute partie est contenue par le tout comme ce qui se trouve en un vase l'est par lui — il n'y a pas d'autre différence que celle-là seulement: la partie n'est pas distincte, tandis que ce qui se trouve en un lieu en est distinct. Si, donc, la partie se trouve distincte en acte, il s'ensuivra qu'il y ait là d'autres dimensions du tout contenant à part les dimensions de la partie. Or on ne peut prétendre que la division ferait surgir là de nouvelles dimensions, car la division n'entraîne pas de dimension, mais en divise une préexistante. Donc, avant même de distinguer la partie du tout, il y avait d'autres dimensions propres à la partie, à part les dimensions du tout qui pénètrent aussi la partie. Autant donc il y a de parties à prendre par division dans un tout, de manière à ce que l'une en contienne une autre, autant de dimensions seront là distinctes entre elles, dont les unes pénétreront les autres. Or, dans un tout continu, il y a lieu de prendre à l'infini des parties qui en contiennent d'autres, pour la raison que le continu se divise à l'infini. Il reste donc qu'il existe une infinité de dimensions qui se pénètrent l'une l'autre. Si donc les dimensions du corps contenant qui pénètrent ce qui se trouve en un lieu sont ce lieu, il s'ensuit qu'il existe une infinité de lieux ensemble, ce qui est impossible.
#462. — Ensuite (211b23), il présente son second raisonnement, qui va comme suit. Si les dimensions de l'espace qui se trouve entre les extrémités du corps contenant sont le lieu, il s'ensuit que le lieu se transforme; car il est manifeste que, lorsqu'un corps est transformé, par exemple, une amphore, l'espace qu'il y a à l'intérieur des extrémités de l'amphore se transforme aussi, puisqu'il n'est nulle part sauf où est l'amphore. Par ailleurs, tout ce qui va à un lieu se trouve pénétré, quant à leur position, par les dimensions de l'espace où il va. Il s'ensuit donc que d'autres dimensions s'introduisent dans les dimensions de cet espace de l'amphore; et ainsi il y aura pour le lieu un autre lieu, et beaucoup de lieux se trouveront ensemble.
#463. — Cette absurdité donc se produit parce qu'on soutient que diffèrent le lieu du corps contenu, par exemple, l'eau, et du vase, par exemple, l'amphore. En effet, d'après leur opinion, le lieu de l'eau est l'espace qu'il y a entre les limites de l'amphore, tandis que le lieu de toute l'amphore est l'espace qu'il y a entre les extrémités du corps qui contient l'amphore. Pourtant, nous ne disons pas que le lieu de la partie est différent, celui où se meut la partie, quand tout le vase se transforme sous le même rapport — il appelle d'ailleurs ici partie le corps contenu dans le vase, par exemple: l'eau contenue dans l'amphore —, parce que, d'après Aristote, l'eau se meut par accident, quand le vase est transporté, et ne change pas de lieu sauf en tant que l'amphore change de lieu. Aussi, il ne faut pas que le lieu où il va soit par soi le lieu de la partie, mais seulement en tant qu'il est le lieu de l'amphore. Par contre, d'après les partisans de l'opinion de l'espace, il s'ensuit que ce lieu répond par soi à l'eau, comme aussi à l'amphore; et qu'il répond aussi par soi à l'espace; et à parler par soi, cet espace se meuvra et aura lieu, et non seulement par accident. Bien que le corps contenant se meuve parfois, il ne s'ensuit cependant pas, d'après l'opinion d'Aristote, que le lieu se meuve, ou qu'il y ait un lieu pour le lieu. Il se peut, certes, en effet, qu'un corps contenant, dans lequel il y a une chose contenue, se meuve, comme l'air ou l'eau ou des parties de l'eau; par exemple, si le navire est dans le fleuve, les parties de l'eau qui contiennent le navire se meuvent plus loin; pourtant, le lieu ne se meut pas. C'est ce qu'il ajoute: «mais pas le lieu où ils aboutissent», c'est-à-dire: mais ce n'est pas ce en quoi des choses aboutissent comme en un lieu, qui se meut. Et comment cela est vrai, il le montre par ce qu'il ajoute: «qui est une partie du lieu qui est le lieu de tout le ciel». En effet, bien que ce contenant se meuve pour autant qu'il est tel corps, cependant, pour autant qu'il est regardé selon l'ordre qu'il a avec tout le corps du ciel, il ne se meut pas: en effet, l'autre corps qui succède a le même ordre ou situation, par comparaison à tout le ciel, qu'a eu le corps qui en est sorti auparavant. C'est donc ce qu'il dit, que bien que l'eau ou l'air se meuve, le lieu ne se meut pas cependant, dans la mesure où il est considéré comme une partie du lieu de tout le ciel, ayant une situation déterminée dans l'univers.
#464. — Ensuite (211b29), il poursuit avec la matière: en premier, il montre pourquoi la matière semble être le lieu; en second (211b36), il montre qu'elle n'est pas le lieu. La matière, dit-il donc en premier, semble être le lieu, si on regarde le changement des corps qui se succèdent au même lieu, en un sujet qui est en repos quant au lieu; et il est sans rapport avec cela que le lieu soit distinct, mais on porte seulement attention à une transformation en quelque chose de continu. En effet, un corps continu et en repos quant au lieu, quand il est altéré, tout en demeurant un et le même numériquement, est tantôt blanc, tantôt noir, et tantôt dur et auparavant mou. À cause de cette transformation des formes à propos du sujet, nous disons que la matière est une chose qui reste une, quand se fait une transformation quant à la forme. Et par pareille apparence il semble que le lieu soit une chose, parce que se succèdent différents corps en lui qui reste le même. D'ailleurs, nous usons de la même manière de parler dans l'un et l'autre cas. En effet, pour désigner la matière ou le sujet, nous disons que «ce qui maintenant est de l'eau, auparavant était de l'air»; pour désigner, par ailleurs l'unité du lieu, nous disons qu'«où il y a maintenant de l'eau, il y avait auparavant de l'air».
#465. — Ensuite (211b36), il montre que la matière n'est pas le lieu, parce que, comme on l'a dit plus haut, la matière n'est pas distincte de la chose dont elle est la matière, et ne la contient pas. Or les deux caractéristiques appartiennent au lieu. Le lieu donc n'est pas la matière.
#466. — Ensuite (212a2), maintenant qu'on a retiré trois membres, il conclut le quatrième. Parce que le lieu n'est pas l'une de trois choses, c'est-à-dire, ni la forme, ni la matière, ni un espace qui serait autre chose que les dimensions de la chose qui s'y trouve, il est nécessaire que le lieu soit celle qui reste, des quatre choses nommées plus haut, à savoir, qu'il soit le terme du corps qui contient. Pour que personne ne comprenne que le contenu, ce qui se trouve en un lieu, est un espace intermédiaire, il ajoute que le corps contenu est dit ce qui est de nature à se mouvoir selon le changement de lieu.
#467. — Ensuite (212a7), il examine la différence du lieu, à savoir, qu'il est immobile. À ce propos, il développe deux points: en premier, il montre que c'est de cette différence regardée non comme il faut qu'a surgi une erreur à propos du lieu; en second (212a14), il montre comment on doit entendre l'immobilité du lieu. 20 Cela paraît une grande question, dit-il donc en premier, et difficile à comprendre, — celle de ce qu'est le lieu — tant pour la raison qu'il a semblé à d'aucuns que le lieu soit la matière ou la forme, qui commandent une réflexion très élevée, comme on l'a dit plus haut (#440), que pour la raison que le changement de ce qui se transporte selon le lieu se fait en une chose en repos qui le contienne. Comme donc rien ne semble contenir et être immobile, sauf l'espace, le lieu paraît pouvoir être un espace intermédiaire, qui soit autre chose que les grandeurs qui se meuvent selon le lieu. Et cela aide beaucoup à la crédulité de cette opinion que l'air paraît incorporel, puisque où il y a de l'air, il semble qu'il n'y ait pas de corps, mais une espèce d'espace vide. Et ainsi, le lieu semble ne pas être le terme du vase, mais une espèce d'espace intermédiaire, en tant que vide.
#468. — Ensuite (212a14), il montre comment on doit entendre l'immobilité du lieu, pour exclure l'opinion qui précède. Le vase et le lieu, dit-il, paraissent différer en cela que le vase se transporte tandis que le lieu non. Aussi, comme le vase peut se dire un lieu transportable, de même le lieu peut se dire un vase immobile. Et c'est pourquoi, lorsqu'une chose se meut en un corps qui se meut, comme le navire sur le fleuve, on se sert de ce en quoi il se meut plus comme d'un vase que comme d'un lieu qui contienne. C'est que le lieu veut être immobile; c'est-à-dire, il est de l'aptitude et de la nature du lieu qu'il soit immobile; pour cette raison on peut dire, plutôt, que c'est le fleuve tout entier le lieu du navire, parce que le fleuve tout entier est immobile. Ainsi donc, le fleuve tout entier, en tant qu'il est immobile, est un lieu commun. Comme, par ailleurs, le lieu propre est une part du lieu commun, il faut prendre le lieu propre du navire dans l'eau du fleuve, en tant qu'elle a une ordonnance au fleuve tout entier, dans la mesure où celui-ci est immobile. Il est donc possible de prendre le lieu du navire dans l'eau qui coule, non d'après cette eau qui coule, mais d'après l'ordonnance ou la situation qu'elle a avec le fleuve tout entier: cette ordonnance ou situation demeure la même dans l'eau qui se succède. C'est pourquoi, bien que l'eau s'échappe matériellement, pour autant cependant qu'elle a la nature d'un lieu, à savoir, à la regarder en pareille ordonnance et situation avec le fleuve tout entier, elle ne change pas. C'est par cela pareillement que nous devons comprendre comment les extrémités des corps mobiles naturels sont le lieu, par rapport à tout le corps sphérique du ciel, qui a fixité et immobilité à cause de l'immobilité du centre et des pôles. Ainsi donc, cette partie de l'air qui contenait, ou cette partie de l'eau qui coulait se mouvait en tant qu'elle est cette eau; cependant, selon que cette eau a nature de lieu, à savoir, de situation et d'ordonnance au tout sphérique du ciel, elle demeure toujours. C'est de cette façon aussi qu'on dit que le même feu demeure quant à la forme, même s'il change quant à sa matière, à mesure que le bois se consume et s'ajoute.
#469. — Avec cela cesse l'objection possible contre notre affirmation que le lieu est le terme du contenant: que, comme le contenant est mobile, le terme du contenant sera aussi mobile; de sorte qu'une chose en repos aura plusieurs lieux. Cela pourtant ne suit pas, parce que le terme du contenant n'est pas le lieu en tant qu'il est cette surface de ce corps mobile, mais d'après son ordonnance ou sa situation dans le tout immobile. Il appert de là que toute la nature du lieu dans tous les contenants se tire du premier contenant et locateur, à savoir, le ciel.
#470. — Ensuite (212a20), il conclut à partir de ce qui précède la définition du lieu, à savoir, que le lieu est le terme immobile du contenant premier. Il dit premier, pour désigner le lieu propre et exclure le lieu commun.
#471. — Ensuite (212a21), il montre que la définition est bien donnée, par le fait que ce qui se dit du lieu s'accorde avec cette définition. Il présente trois points. Le premier découle de que le lieu est le contenant immobile: pour ce qui est «du milieu du ciel», c'est-à-dire du centre, «et de l'extrémité du changement de lieu circulaire», c'est-à-dire des corps qui se meuvent de manière circulaire — l'extrémité, je veux dire «de notre côté», à savoir, la surface de la sphère de la lune —, «l'un est manifestement le haut», à savoir, l'extrémité qu'on vient de nommer, «tandis que l'autre est le bas», à savoir, le centre. Et c'est manifestement ce qu'on peut dire de plus approprié entre toutes choses, car le centre de la sphère est toujours stable. Par ailleurs, ce qui constitue la limite de notre côté, pour les corps mus de manière circulaire, est tout de même stable, malgré le mouvement circulaire, en tant que «cela garde une relation pareille», c'est-à-dire la même distance par rapport à nous. En outre, les corps naturels se meuvent vers leurs lieux propres; aussi s'ensuit-il que les légers se meuvent naturellement vers le haut et les lourds 21 vers le bas. C'est qu'on appelle bas le centre même et la limite qui contient «du côté» du centre; et pareillement, on appelle haut la limite même et ce qui est «du côté de» la limite. Il use d'ailleurs de pareille façon de parler parce que le lieu de la terre, qui est lourde absolument, est le centre, tandis que le lieu de l'eau est «du côté du» centre; pareillement, le lieu du feu, qui est léger absolument, est la limite, tandis que le lieu de l'air est «du côté de» la limite. Il présente ensuite le second point (212a28). Parce que le lieu est une limite, dit-il, le lieu semble pour cela être comme une surface, et comme un vase contenant, mais non comme l'espace d'un vase contenant. Il présente ensuite le troisième point (212a29). Parce que le lieu est une limite, dit-il, il s'ensuit que le lieu coïncide avec ce qui s'y trouve; car le terme de ce qui se trouve en un lieu et la limite de ce qui la contient, qui est le lieu, coïncident. C'est que, pour les choses qui se touchent, les extrémités coïncident. Sous ce rapport encore, on comprend que le lieu est égal à ce qui s'y trouve, car ils sont égaux quant à leurs limites.
1
Τραγέλαφος. Animal fabuleux, demi-bouc, demi-cerf.
2 Φοράν.
3 Διαστάσεον.
4 Loci mutatio, en traduction de φόρα.
5 Per modum disputativum.
6 Rationibus acceptis a rei veritate. Vérité est à prendre largement, ici. Il ne s'agit pas de démontrer scientifiquement l'existence du lieu; le contexte reste dialectique, sauf qu'on part d'énoncés portant directement sur les choses, qui n'ont pas encore le sceau de l'approbation générale ou sapientielle, bref des endoxes potentiels, endoxaux et légitimes comme points de départ du fait que tous les admettront facilement, même s'ils n'y ont pas effectivement pensé
encore.
7 Posuerunt… crediderunt… Le pluriel anticipe sur la phrase suivante, où on dira que bien d'autres pensent comme Hésiode.
8 Sequeretur duo corpora esse simul.
9 Aliquid terminatum aliqua specie.
10 Radices.
11 Substantia.
12 On peut dire de l'homme qu'il est blanc ou qu'il est savant, ou l'appeler le blanc ou le savant.
13 ὡστε. La conjonction surprend, car il ne s'agit pas ici d'une conséquence, mais d'une objection.
14 In primo motivo.
15 Quidditas.
16 ῾Υποκειμένον δὲ τούτον τὰ λοιπὰ θεορεητέον. Aristote présente les énoncés qui précèdent comme des ὑποθησεις, c'est-à-dire des énoncés assez sûrs et évidents pour qu'on n'ait pas à s'attarder à les prouver, ce qui fait bien plus fort que notre supposition, en français. L'idée de supposition, de quelque chose de conditionnel, est présente en grec, dans l'usage le plus strictement technique de ce terme, mais la condition en question n'enlève rien de sa certitude à l'énoncé: elle renvoie au fait que l'éventuelle preuve de pareil énoncé relèverait d'une science antérieure. Cependant, Aristote n'est pas toujours aussi technique; il ne se fait pas faute d'étendre le terme à la désignation d'énoncés tout à fait évidents par eux-mêmes, comme en témoigne le verbe par lequel il les introduit:
ἀξιοῦμεν, qui a donné axiome, et introduit normalement des principes assez communément évidents pour qu'on soit incapable de ne pas les penser.
17 Suppositiones. Le terme est plus fort que ne le laisse imaginer son correspondant français. Saint Thomas qualifie d'ailleurs au paragraphe suivant ce qu'il vise comme principia per se nota. Voir supra, note
.
18 Dignum. Le correspondant latin de ἀξίωμα est dignitas.
19 Oratio.
20 Cognitio veritatis est solutio dubitatorum.
21 Ultimum.
22 Contingentium se. Tout le contexte, où on distingue contigus et continus selon qu'il y a ou non limites en acte, appelle à lire continguum sibi.
23 ᾿Ες τὰ αὐτα.
24 Sunt simul.
25 Terminus continens. On attendrait terminus continentis, comme on a, ensuite, terminus contenti. Voir note suivante.
26 A termino corporis contenti.