Les écrivains et le pouvoir |
Un poète protégé |
VIRGILE.
Publius Vergilius Maro naquit à Mantoue et fit ses premières études à
Crémone. Il compléta sa formation à Rome par la rhétorique et la
philosophie. De retour dans son pays, il composa vers 42 ACN. les Eglogues
ou Bucoliques. Après la bataille de Philippes, Octave distribue à
ses vétérans des terres en Italie. Virgile échappe à ces confiscations
et obtient de conserver son petit domaine. De 37 à 30 A.C.N. , il compose les Géorgiques puis entreprend l'Eneïde. Pour y mettre la dernière main, Virgile voulait visiter la Grèce, mais il meurt à Brindes en 19 ACN. |
L'Eglogue I met en scène Mélibée et Tityre ; le premier est le porte-parole des compatriotes du poète, dépossédés de leurs terres au profit des vétérans et contraints à l'exil, tandis que l'autre permet à Virgile de chanter son propre bonheur et de faire les louanges d'Octave. |
O Meliboee, Deus nobis haec otia fecit
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Un poète protégé O Mélibée, c'est à un dieu que nous devons ces loisirs ; car Il sera pour moi, toujours, un dieu ; Son autel, une tendre victime, un agneau de nos bergeries, souvent l'ensanglantera. Grâce à Lui, mes génisses ont le droit de paître en liberté, comme tu vois, et moi-même celui de jouer mes airs préférés sur un roseau rustique. Alors j'ai vu, Mélibée, le jeune héros en l'honneur de qui, douze jours par an, nos autels fument. Alors il a d'emblée fait cette réponse à ma requête : "Faites paître vos boeufs, comme avant, mes enfants ; élevez des taureaux. VIRGILE, Bucoliques, I, 6-10 et 42-45 (Traduction de E. de SAINT-DENIS, Paris, les Belles Lettres)
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Textes
parallèles
a) louanges d'Auguste : VIRGILE : Géorgiques, I, 24-42, Et toi enfin, qui dois un jour prendre place dans les conseils des dieux à un titre qu'on ignore, veux-tu, César, visiter les villes ou prendre soin des terres et voir le vaste univers t'accueillir comme l'auteur des moissons et le maître des saisons, en te ceignant les tempes du myrte maternel? Ou bien deviendras-tu le dieu de la mer immense, [1,30] pour que les marins révèrent ta seule divinité, que Thulé aux confins du monde soit soumise à tes lois, et que Téthys, au prix de toutes ses ondes, achète l'honneur de t'avoir pour gendre? Ou bien, astre nouveau, prendras-tu place, aux mois lents dans leur course, dans l'intervalle qui s'ouvre entre Erigone et les Chèles qui la poursuivent? De lui-même, l'ardent Scorpion pour toi déjà replie ses bras et te cède dans le ciel plus d'espace qu'il n'en faut. Quel que soit ton destin (car le Tartare ne saurait t'espérer pour roi, et ton désir de régner n'irait pas jusque-là, bien que la Grèce admire les Champs-Elyséens et que Proserpine n'ait cure de répondre aux appels de sa mère), [1,40] donne-moi une course facile, et favorise mes hardies entreprises, et, sensible comme moi aux misères des campagnards qui ne savent pas leur route, avance et accoutume-toi, dès maintenant, à être invoqué par des voeux. 498-514 Dieux de nos pères, dieux Indigètes, et toi Romulus, et toi Vesta notre mère, qui veilles sur le Tibre toscan et sur le Palatin de Rome, [1,500] n'empêchez pas au moins ce jeune héros de relever les ruines de ce siècle. Assez, et depuis trop longtemps, notre sang a lavé les parjures de la Troie de Laomédon. Depuis longtemps, César, le palais céleste nous envie ta présence, et se plaint de te voir sensible aux triomphes décernés par les hommes. Ici-bas en effet le juste et l'injuste sont renversés, tant il y a de guerres par le monde, tant le crime revêt d'aspects divers. La charrue ne reçoit plus l'honneur dont elle est digne; les guérets sont en friche, privés des laboureurs entraînés dans les camps; et les faux recourbées servent à forger une épée rigide. D'un côté l'Euphrate, de l'autre la Germanie fomentent la guerre; [1,510] des villes voisines, rompant les traités qui les lient, prennent les armes; Mars impie sévit dans tout l'univers. Tels, quand ils se sont une fois élancés des barrières, les quadriges se donnent du champ; en vain le cocher tire sur les rênes; il est emporté par ses chevaux et le char n'obéit plus aux brides. II, 167-176 C'est lui qui a produit une race d'hommes ardente, les Marses, et la jeunesse Sabellienne, et le Ligure endurci à la fatigue et les Volsques armés de dagues; c'est lui qui a produit les Décius, les Marius, les grands Camille, [2,170] les Scipions durs à la guerre, et toi, le plus grand de tous, César, qui, déjà vainqueur aux extrêmes confins de l'Asie, repousses maintenant des citadelles romaines un Indien désarmé. Salut, grande mère de récoltes, terre de Saturne, grande mère de héros ! C'est pour toi que j'entreprends de célébrer l'art antique qui a fait ta gloire, osant rouvrir les fontaines sacrées, et que je chante le poème d'Ascra par les villes romaines. III, 10-39 [3,10] C'est moi qui, le premier, si ma vie est assez longue, ferai descendre les Muses du sommet Aonien pour les conduire avec moi dans ma patrie; le premier, je te rapporterai, ô Mantoue, les palmes d'Idumée, et, dans la verte plaine, j'élèverai un temple de marbre, au bord de l'eau où en lents détours erre le large Mincius et où le roseau tendre a couronné ses rives. Au milieu je mettrai César, qui sera le dieu du temple. Moi-même en son honneur, vainqueur et attirant les regards sous la pourpre de Tyr, je pousserai cent chars quadriges le long du fleuve. À mon appel, la Grèce entière, quittant l'Alphée et les bois sacrés des Molorchus , [3,20] disputera le prix des courses et du ceste sanglant, et moi, la tête ornée des feuilles d'un rameau d'olivier, j'apporterai des dons. Tu jouis déjà d'avance du plaisir de conduire aux sanctuaires les pompes solennelles, et de voir les jeunes taureaux égorgés, ou comme la scène mobile fait tourner ses décors, ou comme les Bretons lèvent les rideaux de pourpre tissés de leur image. Sur les portes, je représenterai en or et en ivoire massif le combat des Gangarides et les armes de Quirinus vainqueur; et là le Nil aux ondes guerrières et au grand cours, et les colonnes dressées avec l'airain naval. [3,30] J'ajouterai les villes d'Asie domptées, et le Niphate repoussé, et le Parthe mettant son espoir dans sa fuite et dans les flèches qu'il lance en se retournant, et deux trophées ravis de haute lutte à des ennemis qui habitent des contrées opposées, et le double triomphe remporté sur des peuples qui habitent l'un et l'autre rivage. Là se dresseront aussi dans la pierre de Paros les images vivantes de la postérité d'Assaracus, et cette race renommée descendue de Jupiter, et Tros, leur père, et le Cynthien, fondateur de Troie; l'Envie infortunée y aura peur des Furies, et du fleuve sévère du Cocyte, et des serpents d'Ixion enroulés, et de la roue monstrueuse, et de l'insurmontable rocher. IV, 559-562 Voilà ce que je chantais sur les soins à donner aux guérets et aux troupeaux, ainsi que sur les arbres, [4,560] pendant que le grand César lançait ses foudres guerrières contre l'Euphrate profond, et, vainqueur, donnait des lois aux peuples soumis, et se frayait un chemin vers l'Olympe. b) L' Enéïde 1. Rome future maîtresse du monde : I, 1-33 Je chante les
combats du héros qui fuit les rivages de Troie IV, 222-237 Puis
s'adressant à Mercure, il lui ordonne ce qui suit : VI, 847-853 D'autres
façonneront des bronzes animés d'un souffle plus doux, 2. évocation d'Auguste : VI, 788-807 (les descendants d'Enée) Maintenant,
tourne les yeux de ce côté, vois cette nation, VIII, 671-728 (le bouclier d'Enée : bataille d'Actium et triomphe du vainqueur) Et parmi ces
sujets se profilait largement, l'image d'une mer houleuse, c) VIRGILE, un poète sans génie : SUÉTONE, Caligula, XXXIV,4. (4) Peu s'en fallut qu'il n'enlevât de toutes les bibliothèques les écrits et les portraits de Virgile et de Tite-Live. Il trouvait l'un sans génie et sans science, et l'autre un historien verbeux et inexact. traduction reprises sur le site de l'UCL http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/intro.htm#vir Illustration romanesque De nombreux romans évoquent la figure de Virgile, mais moins sa vie que son oeuvre et ses rapports avec Auguste ou des poètes contemporains. Citons Hubert DURON, L'huile et le sel de la lampe, nouvelles Editions Baudinière, 1980 Ettore FABIETTI, César Auguste, Bruxelles, éd. Gérard Delforge, 1944 Jules de SAINT-FELIX, Les nuits de Rome, Bruxelles, Alphonse Lebègue, 1854. Le plus récent : Allan MASSIE, Auguste. Mémoires d'un empereur, éd. The Bodley Head, 1986. Le plus riche : notamment d'un point de vue strictement métaphysique : Herman BROCH, La mort de Virgile, éd. Gallimard, Paris, 1969.
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ab,
prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par |
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