RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE MOÏSE DE KHORENE

 

MOÏSE DE KHORÈNE.

HISTOIRE D'ARMÉNIE

LIVRE III

livre I - livre II

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

LIVRE TROISIÈME.

TABLE DES CHAPITRES DU LIVRE TROISIEME.

I. [Préface du troisième livre.]

II. Événements arrivés, après la mort de Tiridate, au grand Verthanès et à trois satrapies.

III. Saint Grigoris mis à mort par les barbares. IV. Le pteschkh Pagour se sépare de la confédération des Arméniens. -— Les satrapes s’entendent pour donner le royaume à Chosroès.

V. Copie de la lettre des Arméniens.

VI. Arrivée d’Antiochus. — Ses actes.

VII. Coupable conduite de Manadjihr envers Jacques (Agop) le Grand. — Mort de Manadjihr.

VIII. Règne de Chosroès le Petit. — Changement de la résidence royale. — Plantation d’une forêt.

IX. Les peuples du nord font une irruption dans notre pays, au temps de Chosroès. — Exploits de Vahan Amadouni.

X. Mort de Chosroès. — Guerre entre les Arméniens et les Perses.

XI. Règne de Diran. — Mort de Verthanès le Grand. — Saint Iousig lui succède.

XII. Guerre entre Sapor et Constance.

XIII. Comment Diran va au-devant de Julien et lui donne des otages.

XIV. Martyre de saint Iousig et de Daniel.

XV. Comment Zora avec l’armée arménienne quitte le parti de Julien, et est exterminé avec toute sa race.

XVI. Mort des fils d’Iousig. — Pharnersèh lui succède sur le siège [patriarcal).

XVII. Comment Diran fut trompé par Sapor en se rendant à son appel, et eut les yeux crevés par son ordre.

XVIII. Sapor donne le trône à Arsace. —Sapor fait une irruption en Grèce.

XIX. Comment Arsace méprise l’empereur (roi) des Grecs.

XX. De Saint Nersès. — Ses sages institutions

XXI. Meurtre de Tiridate, frère d’Arsace. — Saint Nersès se rend à Byzance et en ramène les otages.

XXII. Rupture d’Arsace et de Knel. — Mort de Diran.

XXIII. Arsace porte de nouveau envie à Karl et le fait périr.

XXIV. Comment Arsace osa prendre pouf épouse la femme de Knel, de laquelle il eut Bab.

XXV. Meurtre de Dirit.

XXVI. Défaite de Sapor à Tigranocerte.

XXVII. Construction et destruction d’Arschagavan. — Prise d’Ani.

XXVIII. Prise et ruine totale de Tigranocerte.

XXIX. Arsace en vient aux mains avec ses satrapes. — Bab envoyé comme otage à Byzance.

XXX. Nersès le Grand est exilé dans une île déserte. — Comment les captifs étaient nourris par les soins de la Providence.

XXXI. Arsace extermine les satrapes. — Conduite de l’évêque Khat.

XXXII. Comment Arsace fit saisir le bienheureux Khat et voulait le faire lapider, parce qu’il lui avait reproché ses crimes.

XXXIII. Règne de Théodose le Grand. — Concile tenu à l’occasion de ceux qui niaient le Saint-Esprit.

XXXIV. Départ forcé d’Arsace [pour aller trouver] Sapor. — Il ne quitte plus [la Perse].

XXXV. Malheurs arrivés en Arménie par le fait de Sapor. — Mort d’Arsace.

XXXVI. Malheurs causés par Méroujan. — Bab règne en Arménie.

XXXVII. De la grande bataille de Tzirav, et de la mort de l’impie Méroujan.

XXXVIII. Bab donne un breuvage empoisonné à saint Nersès qui termine ainsi sa vie.

XXXIX. Avènement de Sahag. — Théodose fait mourir Bab.

XL. Règne de Varaztad. — Sa captivité.

XLI. Règnes d’Arsace et de Valarsace.

XLII. Division de l’Arménie en deux parties, entre les mains de deux rois arsacides, et sous la dépendance des deux nations perse et grecque.

XLIII. Les satrapes d’Arménie retournent chacun dans leurs domaines, et prennent du service chez les deux rois.

XLIV. Chosroès comble d’honneur Sahag commandant de la cavalerie. — Ses exploits contre les brigands de la race des Vanantatzi.

XLV. Sourên, Vahan et Aschkhatar vont rejoindre Chosroès avec les trésors d’Arsace.

XLVI. Arsace, vaincu par Chosroès dans une bataille, meurt de maladie.

XLVII. Du bienheureux Mesrob.

XLVIII. Les satrapes qui étaient auprès d’Arsace vont rejoindre Chosroès.

XLIX. Chosroès règne seul en Arménie. — Sahag le Grand occupe le siège patriarcal.

L. Chosroès est chargé de chaînes. — La couronne passe à Vramschapouh son frère.

LT. Sahag le Grand va à Ctésiphon (Dispon) et revient comblé d’honneurs et de présents.

LII. Des caractères [alphabétiques] de Daniel.

LIII. Des caractères mesrobiens révélés par la grâce divine.

LIV. Des caractères arméniens, géorgiens et aghouank.

LV. Chosroès règne pour la seconde Ibis, et a pris lui Sapor le Perse.

LVI. Événements survenus après le départ de Sapor de l’Arménie. — Anarchie après sa mort.

LVII. Mesrob envoyé à Byzance. — Copie de cinq lettres.

LVIII. Instruction répandue dans la partie occidentale de notre pays. — Tranquillité générale. — Règne d’Ardaschir.

LIX. Construction de la ville de Garin, appelée Théodosiopolis.

LX. Mesrob évangélise de nouveau le pays. — Voyage des traducteurs à Byzance.

LXI. Du concile tenu à Éphèse à l’occasion de l’impie Nestorius.

LXII. Des docteurs. — De l’auteur et de son voyage d’instruction, avec une comparaison tirée du système céleste.

LXIII. Déplorable coalition des Arméniens, méditant leur propre perte.

LXIV. Destruction volontaire du royaume d’Arménie. — Avilissement du siège patriarcal.

LXV. Départ de la Perse de Sahag le Grand avec son coadjuteur Samuel.

LXVI. Conduite de Samuel, collègue indigne de Sahag le Grand.

LXVIL Mort de Sahag le Grand et du bienheureux Mesrob.

LXVIII. Elégie sur le royaume d’Arménie, arraché à la race des Arsacides, et sur le patriarcat enlevé à la maison de saint Grégoire.


 

LIVRE TROISIÈME.

Fin de l’histoire de notre patrie.

CHAPITRE I.

[Préface du troisième livre.]

Il n’y a point d’archéologie dans notre pays, et parcourir toute celle des Grecs nous est impossible, à cause du manque de temps. Nous n’avons pas les livres de Diodore,[1] pour pouvoir, en y jetant les yeux, mentionner chaque événement, sans omettre rien de ce qui est important et capital, digne enfin d’être relaté dans nos écrits. Mais, autant que nos forces et les documents le permettent, nous avons raconté exactement tous les faits depuis Alexandre le Grand jusqu’à la mort de saint Tiridate, c’est-à-dire les faits [accomplis] dans les temps anciens et reculés. Il ne faut donc pas nous reprendre et nous blâmer. Quant à ce qui s’est passé de notre temps ou même un peu avant, je te dirai avec certitude, dans un troisième livre, ce qui est arrivé depuis saint Tiridate jusqu’au moment où la race des Arsacides fut précipitée du tr6ne, et la postérité de saint Grégoire [expulsée] du sacerdoce. Nous employons un langage simple dans cette histoire, afin que personne ne se laisse surprendre par un style pompeux, mais que chacun  appréciant la vérité de nos paroles, lise souvent et avec plaisir l’histoire de notre patrie.

CHAPITRE II.

Evénement arrivés, après la mort de Tiridate, au grand Verthanès et à trois satrapies.

A l’époque de la mort de Tiridate, Verthanès le Grand se trouvait à l’église de Saint-Jean bâtie par son père dans [le canton] de Daron. Les montagnards, excités par les satrapes,[2] lui tendirent des embûches et voulaient le faire périr. Alors ils se trouvent [tout à coup) enchainés par des mains invisibles, comme autrefois du temps d’Elisée, ou plutôt comme à l’époque du Christ notre Dieu les Juifs furent terrifiés. Verthanès s’en alla sain et sauf dans le canton d’Eghéghiatz, au bourg de Thil où se trouvait la sépulture de son frère Rhesdaguès. Il pleura sur le pays des Arméniens livré à l’anarchie, car les satrapies, armées les unes contre les autres, s’entre-détruisaient [mutuellement]. Ainsi les trois maisons des Peznouni, des Manavazian et des Ouortoni, anéanties l’une par l’autre, disparurent totalement.[3]

CHAPITRE III.

Saint Grigoris mis à mort par les barbares.

Le bienheureux Tiridate déployait un grand zèle et une grande constance en faveur de la foi et de la morale, surtout à l’égard de ceux qui habitaient les contrées les plus éloignée [du centre] de son empire. C’est pourquoi les intendants des contrées du nord-est, les chefs de la ville lointaine de Phaïdagaran,[4] étant venu trouver le roi, lui disent: « Si tu veux pousser ces contrées dans le chemin de la foi, envoie-leur un évêque de la race de saint Grégoire. C’est ce qu’ils désirent ardemment, et nous sommes persuadés qu’ils le respecteront à l’égal du nom illustre de Grégoire et qu’ils se conformeront ponctuellement à ses ordres. » Le bienheureux Tiridate, accueillant leur demande, leur donne pour évêque le jeune Grigoris, fils ainé de Verthanès. Cependant, à cause de sa jeunesse, Tiridate hésitait; mais, connaissant la grandeur de son esprit et réfléchissant que Salomon régna dès l’âge de douze ans sur Israël,[5] il envoie en toute confiance Grigoris avec Sanadroug,[6] issu de la race arsacide qui est aussi la sienne.

Aussitôt arrivé, Grigoris montra le bon exemple et fit preuve dans sa conduite de la vertu de ses pères. Supérieur à eux par son innocence, il était égal au roi par son austérité. Ayant appris la mort de Tiridate, des embûches furent tendues au saint par Sanadroug et par d’autres hommes faux et perfides du pays d’Aghouank; les barbares assassinèrent [Grigoris] en le faisant fouler aux pieds de leurs chevaux[7] dans la plaine de Vadnian,[8] près de la mer Caspienne. Les diacres, ayant enlevé son corps, le portèrent dam la petite Siounie, et l’ensevelirent dans le bourg d’Amaras.[9] Sanadroug, ayant pris la couronne, occupa la ville de Phaïdagaran, et, soutenu par les peuplades étrangères, il prétendait commander à toute l’Arménie.

CHAPITRE IV.

Le pteschkh Pagour se sépare de la confédération des Arméniens. Les satrapes s’entendent pour donner le royaume à Chosroès.

Ainsi que nous le trouvons consigné dans les histoires divines, le peuple hébreu, après les Juges, au temps de l’anarchie et de la confusion, était sans roi et chacun agissait selon sa convenance. Il en fut de même dans notre pays : à la mort du bienheureux Tiridate, le grand pteschkh Pagour, qui est appelé pteschkh d’Aghtznik,[10] voyant Sanadroug régner à Phaïdagaran, conçut le projet d’imiter son exemple. Comme il ne pouvait pas prendre le titre de roi, parce qu’il n’était pas arsacide, il ne voulut pas du moins être un vassal. Séparé de la confédération des Arméniens, il fit alliance avec Hormisdas (Ormizt) roi des Perses. Alors les satrapes arméniens, réfléchissant, s’assemblèrent auprès du grand Verthanès, et envoyèrent deux princes des plus honorables, Mar, prince de Dzop,[11] et Kak, prince de Haschdiank,[12] à la ville capitale, prés de l’empereur Constance, fils de Constantin, avec des présents et une lettre ainsi conçue

CHAPITRE V.

Copie de la lettre des Arméniens.

« Verthanès, chef des évêques, les évêques qui sont avec lui et tous les satrapes de la Grande Arménie, à Constance notre seigneur, empereur (césar) souverain, salut!

Souviens-toi du pacte d’alliance de ton père Constantin avec notre roi Tiridate, et n’abandonne pas ton pays au pouvoir des Perses; aide-nous par tes armes à placer sur le trône Chosroès, fils de Tiridate. Dieu t’a établi maître souverain, non seulement de l’Europe, mais encore de toutes les contrées méditerranéennes, et la terreur [qu’inspire] ta puissance s’est répandue jusqu’aux extrémités de la terre. Nous demandons à Dieu que tu étendes de plus en plus ta domination. Sois en santé! »

Constance, accueillant [leur requête), envoie Antiochus, son préfet du palais, avec une nombreuse armée, et [porteur de] la pourpre et d’une couronne, avec une lettre ainsi conçue:

Lettre de Constance.

« Constance Auguste, empereur souverain, au grand Verthanès et à tous ses compatriotes, salut!

Je vous ai envoyé des troupes pour vous seconder, et l’ordre d’établir pour votre roi Chosroès, fils de votre roi Tiridate, afin que vous organisiez une sage administration et que vous nous serviez fidèlement. Soyez en santé. »

CHAPITRE VI.

Arrivée d’Antiochus.[13] Ses actes.

Antiochus, étant arrivé, mit Chosroès[14] sur le trône et rétablit dans le commandement des armées les quatre généraux que Tiridate, de son vivant, avait nommés la place d’Ardavazt Mantagouni, son gouverneur, qui était seul généralissime de toute l’Arménie. Le premier, Pakarad, commandant de la cavalerie, était chef de l’armée de l’ouest; le second, Mihran, gouverneur des Ibères et pteschkh des Koukaratzi,[15] commandait l’armée du nord; le troisième, Vahan, chef des Amadouni, commandait l’armée de l’est; le quatrième, Manadjihr, chef des Reschdouni, commandait l’armée du midi. Antiochus leur partagea ainsi le commandement des troupes: il envoya Manadjihr, avec l’armée du midi et [les contingents] de la Cilicie, dans les régions de l’Assyrie et de la Mésopotamie; Vahan, chef des Amadouni, avec l’armée de l’est et les contingents des Galates, dans la province de l’Adherbadagan pour la défendre contre [les attaques] du roi des Perses.

Antiochus, laissant le roi Chosroès, qui était de petite taille, faible de corps et n’ayant nullement l’apparence d’un guerrier, prend avec lui Mihran Pakarad et leurs troupes, et se porte avec toute l’armée grecque contre Sanadroug. Celui-ci, ayant garni de soldats perses la ville de Phaïdagaran, se hâte de se réfugier près du roi Sapor, avec les satrapes des Aghouank. Antiochus, voyant leur refus de se soumettre pacifiquement, donne ordre d’anéantir la puissance des rebelles, prélève les tributs et retourne auprès de l’empereur.

CHAPITRE VII.

Coupable conduite de Manadjihr envers Jacques (Agop) le Grand.[16]Mort de Manadjihr.

Manadjihr, étant allé avec l’armée méridionale de l’Arménie et les troupes ciliciennes dans les contrées de l’Assyrie, fait la guerre au pteschkh Pagour,[17] le défait, lui et ses troupes, met en fuite les Perses accourus à son secours, et, ayant fait prisonnier Hescha, fils de Pagour, il l’envoie chargé de chaînes à Chosroès.[18] Il condamne cruellement, non seulement les combattants, mais encore les simples paysans des localités placées sous son autorité, à être passés au fil de l’épée. Il fait, dans les contrées de Medzpin, un grand nombre de prisonniers, parmi lesquels huit diacres du grand évêque Jacques (Agop). Jacques va trouver sans retard Manadjihr et l’engage à délivrer les prisonniers qui sont innocents de tout crime; mais celui-ci refuse en alléguant les ordres du roi.

Jacques étant allé trouver le roi, Manadjihr devient encore plus furieux, et, excité [d’ailleurs] par les habitants du pays, il fait précipiter dans la mer les huit diacres qui étaient dans les fers. A cette nouvelle, Jacques le Grand retourne plein d’indignation dans sa résidence, comme Moïse sortant de la présence de Pharaon, et, étant aussitôt monté sur la montagne[19] d’où l’on découvrait tout le district, il maudit Manadjihr et son canton, et les jugements de Dieu ne tardèrent pas à fondre sur lui.

Comme Hérode, Manadjihr meurt accablé de divers maux;[20] le sol fertile de la contrée, arrosé par des eaux abondantes, devient un terrain couvert de gel; le ciel qui surplombe au- dessus devient, selon l’Écriture, comme [une plaque] de bronze;[21] enfin la mer en furie inonde toute la campagne. A cette nouvelle, le grand Verthanès et le roi Chosroès, irrités, ordonnent de délivrer tous les prisonniers, de faire pénitence et d’implorer le saint, afin de détourner la colère de Dieu. Jacques sortit de ce monde, et le fils de Manadjihr,[22] qui était son successeur, avec un repentir sincère, [en versant] d’abondantes larmes et [pénétré] d’une douleur profonde, obtint, par son intercession, la guérison pour lui et son canton.

CHAPITRE VIII.

Règne de Chosroès le Petit.[23]Changement de la résidence royale. Plantation d’une forêt.

La deuxième année d’Hormisdas roi de Perse et la huitième du règne de Constance, Chosroes monta sur le trône avec le secours de ce dernier. Non seulement Chosroès ne fit aucune action d’éclat comme son père, mais encore il ne chercha point à reconquérir les contrées soustraites à son autorité, et ne prit pas les armes après l’expédition de l’année grecque. Laissant au contraire le roi des Perses agir comme il le voulait, il signa la pais avec lui, content de régner sur les Etats qui lui restent et peu soucieux [de s’élever] à de nobles conceptions. Chosroès était de petite taille,[24] non pas aussi petit qu’Alexandre de Macédoine qui n’avait que trois coudées, et qui avait néanmoins un esprit très actif. Il n’avait en lui ni valeur, ni pensée généreuse, et il s’adonnait tout entier à la chasse aux oiseaux et aux autres chasses. C’est ce qui fait qu’il plante près du fleuve Azad (litre)[25] une forêt qui porte encore à présent son nom.[26]

Chosroès transporte sa cour sur un point élevé de la forêt et s’y bâtit un palais entouré d’ombrage, appelé en langue perse Tovin, qui se traduit par  colline.[27] Car, en ce temps-là, Arès (Mars) faisait route avec le soleil, et les vents soufflaient un air embrasé, corrompu et fétide; ne pouvant supporter [ce fléau], les habitants d’Ardaschad consentirent volontiers à émigrer.[28]

CHAPITRE IX.

Les peuples du nord font une irruption dans notre pays, au temps de Chosroès. Exploits de Vahan Amadouni.

Du temps de 2iosroès, les habitants du nord du Caucase, s’étant ligués, connaissant sa faiblesse et son inertie, et surtout excités par les sourdes menées de Sanadroug[29] qui agissait secrètement pour Sapor, roi de Perse, accoururent en foule pour envahir notre pays, au nombre d’environ vingt mille. L’armée orientale et occidentale des Arméniens, sous les ordres du général Pakarad et de Vahan chef des Amadouni, s’oppose [à leur marche]; car nos troupes du midi étaient auprès du roi Chosroès dans le pays de Dzop. Mihran avait été tué;[30] les ennemis avaient mis en pièces et dispersé notre année du nord, et, arrivés aux portes de Vagharschabad, ils investissaient la place. Tout à coup, l’armée orientale et occidentale, tombant sur eux, les repousse sur le rocher d’Oschagan, sans leur laisser lancer leurs flèches selon leur coutume. D’intrépides cavaliers les poursuivent et les repoussent dans des lieux rocailleux et difficiles.[31]

A la fin, les ennemis se préparent malgré eux à la défense. Le chef des gens armés de lances, géant d’une taille immense, armé de toutes pièces, couvert d’un feutre épais, fait preuve de sa vaillance au milieu de tous. Les braves Arméniens, qui ne perdent aucun de ses mouvements, fondirent sur lui sans pouvoir le blesser, car les coups de lance s’amortissaient sur sa cuirasse de feutre. Alors le valeureux Vahan Amadouni, en regardant l’église métropolitaine,[32] s’écrie : « Aide-moi, ô Dieu! toi qui as dirigé la pierre de la fronde de David au front de l’orgueilleux Goliath; dirige aussi ma lance sur l’œil de mon terrible ennemi. » Vahan ne pria pas en vain, car il renversa de cheval le géant redoutable, ce qui amena la fuite des ennemis et décida la victoire de l’armée arménienne.[33] Revenu au pays de Dzop, Pakarad rend au roi un témoignage fidèle et sans envie de la valeur et du courage de Vahan. Aussi le roi donne à Vahan le champ de bataille d’Oschagan, où il s’était tout à coup révélé par son grand cœur. A la place de Mihran, le roi nomme commandant des troupes Kardchouil Makhaz chef des Khorkhoroum.

CHAPITRE X.

Mort de Chosroès. Guerre entre les Arméniens et les Perses.

Après cela, Chosroès apprenant que Sapor, roi des Perses, donnait la main à ses ennemis, rompit avec lui et lui refuse le tribut particulier jour l’acquitter envers l’empereur (César). Se mettant ensuite à la tête de l’armée grecque, il résiste au roi de Perse. Cependant il meurt bientôt après, après un règne de neuf ans, et il est enterré à Ani, à côté de ses pères.[34] Alors Verthanès le Grand rassemble les satrapes de toute l’Arménie avec les troupes et les chefs, confie l’Arménie à Arschavir Gamsaragan,[35] comme au premier et au plus illustre après le roi, et, prenant avec lui Diran, fils de Chosroès, il va prier l’empereur de le mettre sur le trône à la place de son père.

Cependant Sapor, roi de Perse, ayant appris la mort de Chosroès et que Diran son fils avait été trouver l’empereur, rassemble une armée considérable, sous le commandement de son frère Nersèh,[36] qu’il veut établir sur le trône d’Arménie, et il l’envoie dans notre pays parce qu’il le croyait sans chef. Mais le brave Arschavir Gamsaragan, s’opposant à cette invasion avec toutes les forces de l’Arménie, livre bataille dans la plaine appelée Mérough. Quoiqu’un grand nombre des plus illustres satrapes aient trouvé la mort dans ce combat, l’armée arménienne triomphe, met en fuite les troupes perses, et garde le pays jusqu’à l’arrivée de Diran.

CHAPITRE XI.

Règne de Diran. — Mort de Verthanès le Grand. — Saint Iousig lui succède.

La dix-septième année de son règne, Constance Auguste, fils de Constantin, met sur le trône Diran, fils de Chosroès,[37] et l’envoie avec Verthanès le Grand, en Arménie. Étant arrivé, il prend en paix possession de notre pays, fait alliance avec les Perses, renonce aux combats, et paie tribut aux Grecs [d’une part, et de l’autre il acquitte] un tribut spécial aux Perses. Il vivait tranquille comme son père, sans faire aucun acte de prouesse ou de bravoure bien plus, loin d’imiter les vertus paternelles, il s’écartait secrètement des voies de la piété, ne pouvant en donner ouvertement au vice, en présence de saint Verthanès.

Ayant passé quinze années sur le siège épiscopal, Verthanès le Grand passe de cette vie dam l’autre, la troisième année de Diran, et d’après son ordre, on porte son corps et on le dépose au village de Thortan,[38] comme s’il eût vu d’un œil prophétique que, longtemps après, les restes de son père reposeraient en ce même lieu. Iousig[39] son fils lui succède la quatrième année de Diran et se montre fidèle imitateur des vertus de ses pères.

CHAPITRE XII.

Guerre entre Sapor et Constance.

Sapor, fils d’Hormisdas, cimenta avec notre roi Diran une amitié encore plus étroite; en le secourant avec ses armes. Il le délivre de l’irruption des nations du nord qui, liguées ensemble, franchirent le défilé de Djor,[40] et s’établirent pendant quatre ans sur le territoire des Aghouank. Sapor, après avoir subjugué beaucoup d’autres rois et pris comme auxiliaires un assez grand nombre de peuples barbares, fondit sur les pays méditerranéens et sur la Palestine. Constance, ayant déclaré Julien, César,[41] prit les armes contre les Perses. Une bataille fut livrée où les deux armées furent défaites, car, des deux côtés, un grand nombre de guerriers succombèrent, sans qu’aucun des deux camps voulût reculer. A la fin, on fit une paix qui dura peu d’années.[42] Revenu de la Perse, Constance, après une longue maladie, mourut à Mopsueste,[43] ville de la Cilicie, ayant régné vingt-trois ans. Sous son règne, apparut la croix lumineuse au temps du bienheureux Cyrille.[44]

CHAPITRE XIII.

Comment Diran va au-devant de Julien et lui donne des otages.

En ce temps-là, l’impie Julien régna sur les Grecs. Il renia Dieu, adora les idoles et suscita des persécutions et des troubles contre l’Eglise. Il s’efforça de toute manière d’éteindre la foi chrétienne; ce n’était pas par la violence qu’il entraînait les peuples, mais il cherchait par toutes sortes de ruses à leur faire adorer les démons (dev).[45] Quand la justice [divine] l’arma contre les Perses, il traversa la Cilicie et arriva en Mésopotamie. L’armée perse qui gardait le pays, coupant les amarres du pont de bateaux établi sur l’Euphrate, défendait le passage. Notre roi, Diran, s’étant avancé à la rencontre de Julien, fond sur l’armée perse, la met en fuite, et, par un service signalé, il fait passer l’impie Julien avec toute sa cavalerie, et revient comblé d’honneurs.[46]

Diran demande à l’empereur de ne pas le suivre en Perse, parce qu’il était incapable de monter à cheval, et Julien consent, mais il demande des troupes et des otages.[47] Diran pour épargner son second fils Arsace, lui donne le troisième, Tiridate, avec sa femme et ses enfants, ainsi que Dirith fils d’Ardaschès, son fils aîné, qui était mort. Dès que ces otages furent donnés à Julien, il les envoya aussitôt à Byzance. Ensuite Julien renvoie Diran dans notre pays et lui donne son image peinte sur des tableaux avec celles de plusieurs démons, lui enjoignant de les exposer dans les églises, du côté de l’Orient, en disant que tous les peuples tributaires des Romains en agissent ainsi. Diran reçoit ces images et les emporte, sans penser que, trompés de la sorte, ils adorent l’image des démons.

CHAPITRE XIV.

Martyre de saint Iousig et de Daniel.

Arrivé dans le canton de Dzop, Diran veut placer dans son église royale L’image [de l’empereur], Saint Iousig, arrachant cette image des mains du roi, la jette à terre, et, la foulant aux pieds, la brise en criant à l’imposture. Diran prend une résolution subite, car il redoutait Julien et il attendait la mort pour avoir profané l’image impériale. Exaspéré encore davantage à cause de la haine qu’il nourrissait contre Iousig qui le réprimandait continuellement sur sa coupable conduite, Diran le fait battre longtemps avec un nerf de bœuf, jusqu’à ce qu’il rendit le dernier soupir sous les coups.[48]

Après le martyre [du saint], Diran fut maudit par le vieux prêtre Daniel,[49] ancien disciple et vicaire de saint Grégoire; mais il le fit étrangler. Les disciples emportèrent son corps et l’ensevelirent dans la solitude appelée le Jardin des Frênes (Hatziatz Trakhd).[50] Le corps de saint Iousig fut transporté près de [celui de] son père au village de Thortan. Il avait passé  six ans dans l’épiscopat.[51]

CHAPITRE XV.

Comment Zora, avec l’armée arménienne, quitte le parti de Julien, et est exterminé avec toute sa race.

La nouvelle de la mort de saint Iousig et les murmures de tous les satrapes parvinrent à Zora, chef des Reschdouni, commandant l’armée arménienne du midi, à la place de Manadjihr, envoyé par l’ordre de Diran, avec ses troupes, à la suite de Julien. En apprenant cette nouvelle, Zora dit à ses soldats : « Nous n’obéirons pas à un prince qui jette le scandale parmi les adorateurs du Christ et massacre ses saints, et nous ne marcherons pas avec ce roi impie. »

L’armée, impressionnée par l’effet de ces paroles, revient sur ses pas. [Zora] se fortifie à Demoris[52] jusqu’à ce que les autres satrapes se décident à prendre un parti. Cependant les courriers de Julien arrivent avant lui auprès de Diran, avec la lettre suivante :

Lettre de Julien à Diran.[53]

Julien autocrate, descendant d’Inachus, fils d’Aramazd et destiné à l’immortalité, à Diran notre procurateur,[54] salut! Les troupes que tu nous as envoyées ont suivi leur chef qui a déserté nos rangs. Nous pouvions les poursuivre avec nos innombrables légions et les arrêter; mais nous avons souffert [leur désertion] pour deux motifs : d’abord, pour que les Perses ne disent pas de nous que c’est par la violence et non de leur plein gré qu’il a réuni des troupes ; ensuite, pour éprouver ta loyauté. Or, si Zora n’a pas agi ainsi d’après tes recommandations, tu l’extermineras avec sa race, pour ne pas lui laisser un seul descendant; si c’est le contraire, je jure par le dieu Mars (Arès)[55] qui nous a donné l’empire, par Minerve (Athéné) qui nous a donné la victoire, qu’à notre retour, nous irons, avec des forces invincibles, exterminer et toi et ton pays.

Diran, effrayé de cette nouvelle, envoie mander Zora par le premier eunuque de ses femmes, appelé Haïr,[56] avec un serment [de ne lui faire aucun mal.] Les soldats de Zora, voyant tous les satrapes garder le silence, se dispersent chacun dans sa maison, avec cette impatience habituelle chez notre nation. Zora, seul, abandonné, va, malgré lui, trouver le roi qui s’empare de sa forteresse d’Aghthamar[57] et extermine toute sa race. Un seul enfant fut sauvé, c’était le fils de Mehentag frère de Zora,[58] que les nourrices enlevèrent. Le roi mit à la place de Zora, Saghamont, seigneur d’Antzid.[59]

CHAPITRE XVI.

Mort des fils d’Iousig-. Pharnersèh lui succède sur le siège [patriarcal].

Les satrapes d’Arménie prient Diran d’élever un homme digne sur le trône épiscopal, en remplacement d’Iousig, parce que ses fils, par leurs habitudes peu honnêtes, étaient indignes de ce siège apostolique. D’ailleurs la mort vint les frapper sur ces entrefaites; événement affreux et épouvantable à entendre. Dans le même endroit, les deux frères sont frappés par la foudre;[60] l’un s’appelait Dab et l’autre Athénogène (Athanakinès). Ils ne laissaient pas de fils en âge d’occuper une telle position, excepté le jeune enfant d’Athénogène, appelé Nersès,[61] qui étudiait alors à Césarée, et qui, vers cette époque, était allé à Byzance pour épouser la fille d’un grand prince appelé Aspion. Comme il n’y avait personne de la race de Grégoire, on choisit Pharnersèh d’Aschdischad de Daron[62] et on le fit grand pontife, la dixième année de Diran. Il occupa le siège quatre ans.

CHAPITRE XVII.

Comment Diran fut trompé par Sapor, en se rendant à son appel, et eut les yeux crevés par son ordre.

Après tous ces événements, l’impie Julien, en punition de ses crimes, mourut en Perse d’une blessure [reçue] dans les entrailles.[63] Les troupes revinrent avec le nouveau roi (empereur) Jovien (Jopianos), qui mourut en route et n’arriva pas à Byzance.[64] Le roi des Perses, Sapor, poursuit les [Grecs] et attire par ruse Diran auprès de lui, en lui écrivant la lettre que voici:

Lettre de Sapor à Diran.

« Le brave adorateur d’Ormizd (Maztezen),[65] l’égal du Soleil,[66] Sapor, roi des rois, à notre frère bien-aimé, dont le souvenir [augmente] notre félicité, à Diran, roi des Arméniens, beaucoup de saluts![67]

Nous tenons pour certain que tu nous as gardé la fidélité en ne venant pas en Perse avec l’empereur, cl que l’armée qu’il avait obtenue de toi a été rappelée. Ce que tu as fait d’abord, nous le savons, c’était pour l’empêcher de traverser ton pays, comme il l’aurait fait. C’est ce qui fait que notre avant-garde découragée a fui, en rejetant la faute sur toi. Irrité, nous avons fait boire à leur chef du sang de taureau.[68] Mais nous ne ferons aucun mal à ton royaume; [nous le jurons] par le grand dieu Mihr.[69] Hâte-toi seulement de venir nous trouver, afin que nous puissions aviser au salut commun. »

Ce que voyant Diran, sa tête s’égara et il vint trouver Sapor, car la justice [divine] l’attirait vers son supplice. Sapor, en le voyant, lui adressa des reproches en face des troupes, et lui fit crever les yeux,[70] comme autrefois il fut fait à Sédécias. Ainsi vengeance fut tirée du martyre du saint,[71] par qui était illuminé notre pays, selon la parole évangélique : « Vous êtes la lumière du monde[72] », lumière dont Diran priva l’Arménie. Et lui aussi fut privé de la lumière après un règne de onze ans.

CHAPITRE XVIII.

Sapor donne le trône à Arsace. Sapor fait une irruption en Grèce.

Sapor établit roi, à la place de Diran, son fils Arsace,[73] craignant que l’armée arménienne ne vint mettre obstacle à ses projets. Il croyait, par cet acte de générosité, s’assurer la possession de notre pays. Il soumit ainsi la caste satrapale, en prenant de chacun en particulier des otages. En place de Vahan Amadouni, il nomma commandant de l’armée arménienne de l’est Vaghinag de Siounie, son favori, et, lui confiant [le gouvernement de] toute l’Arménie, il alla poursuivre les troupes grecques. Arrivé en Bithynie, il y séjourna plusieurs mois, sans rien entreprendre. Il dressa sur les bords de la mer une colonne surmontée d’un lion ayant un livre sous ses pieds, ce qui signifiait que le lion étant la plus redoutable des bêtes féroces, de même le roi des Perses est le plus puissant des rois. Le livre renferme la sagesse, tout comme l’empire romain.

CHAPITRE XIX.

Comment Arsace méprise l’empereur (roi) des Grecs.

Vers ce temps-là, les nations du nord s’insurgèrent contre Sapor roi des Perses. Valentinien, établi empereur (roi) des Grecs, ayant envoyé des troupes dans les contrées méditerranéennes, chasse l’armée perse; ensuite il adresse à notre roi Arsace cette lettre :

Lettre de Valentinien à Arsace.

« Valentinien Auguste, autocrate, avec notre collègue et associé Valens César, à Arsace roi d’Arménie, salut!

Tu ne devras pas oublier les malheurs que vous avez endurés de la part des Perses infidèles et les bienfaits que vous avez reçus de nous, depuis les temps anciens jusqu’à présent. [Il fallait] t’éloigner d’eux et te rapprocher de nous, t’unir à nos troupes, et combattre contre eux; envoyer enfin, avec des lettres de satisfaction de nos généraux, les tributs de ton pays. Tes frères et les proscrits qui sont avec eux seront relâchés. Sois en bonne santé et soumis aveuglément à l’empire romain. »

Arsace ne répondit pas à cette lettre, mais il dédaigna et méprisa les Romains. Il ne s’attacha pas de tout cœur à Sapor; mais, suivant ses instincts, il mettait toute sa gloire à manger, à boite et à entendre des chanteuses. Plus robuste et plus brave en apparence qu’Achille, Arsace ressemblait de fait à Thersite le boiteux et à la tête pointue.[74] S’étant soustrait à l’autorité de ses maîtres, il reçut enfin le prix de son orgueil.

CHAPITRE XX.

De saint Nersès. Ses sages institutions.

La troisième année du règne d’Arsace, on établit comme chef des évêques Nersès le Grand, fils d’Athénogène, fils d’Iousig, fils de Verthanès, fils de saint Grégoire.[75] A son retour de Byzance à Césarée et à son arrivée en Arménie, il renouvela toutes les sages institutions de ses pures, et fit plus encore, en mettant en vigueur la belle discipline qu’il a vue établie en Grèce, surtout dans la ville capitale. Ayant convoqué les évêques, avec tous les laïques, il établit la charité par des constitutions canoniques, et extirpa la rudesse qui était une chose naturelle dans notre pays. Ainsi, les lépreux étaient pourchassés et réputés immondes par les lois; les gens atteints de l’éléphantiasis étaient mis en fuite, de peur que leur mal ne se communiquât aux autres. Leurs refuges étaient les déserta et la solitude; leurs abris étaient des rochers et des buissons; ils ne trouvaient aucune consolation dans leurs douleurs Ensuite, il n’y avait aucun secours pour les estropiés, aucune hospitalité pour les voyageurs inconnus et pour les étrangers.

Nersès fit construire dans chaque canton des hôpitaux dans les lieux retirés, à la manière des hospices grecs, pour soulager les affligés. Il leur assigna des bourgs, des champs riches en fruits, en laitage et en laines, pour l’entretien particulier des pauvres, afin qu’ils ne sortissent pas de leurs maisons.[76]

Nersès confia la surveillance à Khat,[77] natif de Marak[78] dans [le district de] Garin, son diacre, et lui enjoignit de construire des hôtelleries dans tous les villages à l’usage des étrangers, pour y nourrir les orphelins, les vieillards, et soulager les indigents. Il bâtit aussi des confréries, des monastères, des ermitages dans les lieux déserts et inhabités par les solitaires, et nomma pour pères et inspecteurs de ces refuges Schaghida, Epiphane, Ephrem, Kint de la race de Selgouni, avec d’autres encore. Il défendit deux choses aux races satrapales: les alliances entre parents qui se faisaient pour conserver soigneusement la noblesse des familles; et enfin les lamentations sur les morts, selon l’usage des païens.[79] Dès lors, on vit notre pays se conduire non selon la coutume des barbares et des gens grossiers, mais à la manière des citadins policés.

CHAPITRE XXI.

Meurtre de Tiridate, frère d’Arsace. — Saint Nersès se rend à Byzance et en ramène les otages.

Valentinien se montrait sévère et inflexible contre les injustices; il fit mourir beaucoup de princes à cause de leurs dilapidations,[80] et brûler vif un certain Rodanus, chef des eunuques, qu’il avait engagé par trois fois à restituer à une veuve les biens qu’il lui avait pris, et qui s’y était refusé.[81] Le même jour, les envoyés de Valentinien, revenus d’Arménie, l’irritèrent en lui rapportant les insolences d’Arsace. En ce moment, comme il était fort en colère, il fit mettre à mort Tiridate frère d’Arsace et père du jeune Knel.

Théodose, à la tête d’une nombreuse armée vint fondre sur l’Arménie. Déjà il est arrivé sur les frontières du pays, quand Arsace effrayé envoie au-devant de lui Nersès le Grand qui supplie l’empereur, lui paye les tributs qu’il avait refusé d’acquitter et lui remet encore de riches présents. Nersès va trouver Valentinien, le prépare à faire la paix, et reçoit lui-même de grands honneurs. Il obtint encore les otages qu’il réclame, et part en ramenant à Arsace comme épouse Olympias, fille d’un parent de l’empereur.[82] Valentinien, pour consoler le jeune Knel de la mort injuste de son père Tiridate, lui conféra la dignité de consul[83] et lui donna de grandes sommes d’argent. Dirith, jaloux de Knel, ne pensait qu’à lui nuire et attendait pour cela une occasion favorable.[84]

CHAPITRE XXII.

Rupture d’Arsace et de Knel. Mort de Diran.

Knel vint un jour dans le bourg de Gouasch, situé au pied du mont Arakadz,[85] pour voir son aïeul Diran l’aveugle qui vivait encore. Diran pleurait amèrement son fils Tiridate, père de Knel, en se reprochant d’être la cause de sa mort. C’est pourquoi il donne à Knel tous ses biens, la propriété des villages et des métairies, en lui imposant pour condition d’habiter dans ce bourg de Gouasch. Ensuite Knel prend pour femme Pharandzêm, de la race de Siounie, célèbre son mariage avec une magnificence toute royale et comble de présents tous les satrapes. Ceux-ci, très satisfaits et attachés à sa personne, lui donnèrent leurs enfants. Knel les fit habiller avec de magnifiques ornements, leur donna des armes, et on en aima Knel encore davantage.

Dirith trouva là un prétexte à la calomnie, et étant chez le roi avec son ami Vartan écuyer du roi et de la race des Mamigoniens, ils lui dirent: « Tu ignores, ô roi! que Knel a formé le projet de te tuer pour régner à ta place. Voici la preuve de ce fait, ô roi! Knel habite l’Ararat dans vos domaines royaux, et le cœur des satrapes lui est dévoué. Les empereurs, pour lui fournir l’occasion de conspirer, lui ont conféré le consulat, beaucoup d’argent avec lequel il a corrompu les satrapes. » Vartan jurait par le soleil (la vie) du roi et disait: « J’ai entendu de mes propres oreilles Knel dire : Je ne laisserai pas, sans la venger sur mon oncle, la mort de mon père, dont il a été la cause. »

Arsace crut à ces paroles et envoya Vartan auprès de Knel pour lui dire : « Pourquoi t’es-tu établi en Ararat et as-tu transgressé les règlements établis par nos pères? » Car c’était la coutume que le roi seul habitât en Ararat avec le seul fils qui était son successeur désigné;[86] tandis que les autres Arsacides résidaient dans les contrées d’Haschdiank, d’Aghiovid et d’Arpéran[87] avec des revenus et des rentes sur le trésor royal. « Or, tu dois choisir actuellement, ou la mort, ou abandonner l’Ararat et renvoyer d’auprès de toi les fils des satrapes. » Knel, ayant entendu ces paroles, obéit à l’ordre du roi et s’en alla dans les cantons d’Aghiovid et d’Arpéran. Cependant Diran, son grand-père, adressa des remontrances sévères à son fils Arsace. C’est pourquoi Diran fut, pendant la nuit, étranglé par ses grands chambellans,[88] sur l’ordre du roi, et enterré dans le bourg même de Gouasch, comme n’étant pas digne de la sépulture de ses pères. Ainsi Diran éprouva la juste récompense du traitement qu’il avait fait endurer à Daniel l’homme de Dieu;[89] et, selon les paroles de l’Écriture, il fut mesuré avec sa propre mesure.[90]

CHAPITRE XXIII.

Arsace porte de nouveau envie à Knel et le fait périr.

Ensuite le roi va sur le versant opposé du Massis, chasser dans son canton de prédilection, à Gokaiovid.[91] La chasse fut si abondante qu’aucun roi jusqu’alors n’avait tué tant de gibier en une heure. Et lui, dans les joies du vin, s’en glorifiait. C’est pourquoi Dirith et Vartan renouvelèrent leurs perfidies, en disant que Knel en ces jours-ci abat un bien plus grand nombre de pièces sur sa montagne de Schahabivan[92] qui lui vient de son aïeul maternel, Knel Kénouni.

Alors Arsace envoie à Knel la lettre suivante:

Lettre d’Arsace à Knel.

« Arsace, roi de la Grande Arménie, à mon fils Knel, salut! Cherche les endroits les plus abondants en bêtes fauves sur la montagne des Fleurs (Dzaghgatz), le long de l’eau, et tu disposeras tout afin qu’à notre arrivée nous trouvions une chasse digne d’un roi. »

Arsace, arrivant presqu’en même temps que sa lettre, pensait trouver Knel non encore préparé aux ordres du roi, et, sous le prétexte que lui porte envie aux plaisirs du roi, le charger de chaînes. Mais Arsace, voyant qu’il n’y avait jamais eu tant de préparatifs de chasse et tant de gibier, tourmenté par ses idées d’envie et ses soupçons, ordonne à ce même Vartan de le tuer pendant la chasse, comme si c’était par un coup de maladresse que le trait avait atteint Knel. Vartan s’apprête à exécuter cet ordre, non pas tant pour obéir au roi que pour satisfaire la haine de son cher Dirith.[93] Cependant Arsace, accompagné de ses satrapes, fait descendre dans la plaine d’Aghiovid le corps de Knel et l’enterre dans la plaine de Zarischad.[94] Puis, feignant d’être innocent [de ce crime], le roi s’abandonne à un grand désespoir.

CHAPITRE XXIV.

Comment Arsace osa prendre pour épouse la femme de Knel, de laquelle il eut Bab.

Bien qu’Arsace croyait exécuter ses crimes secrètement, il arriva que ce qui ne peut être caché à l’œil de Dieu, qui voit tout, fut aussi manifesté au monde pour la terreur des coupables, comme fut la mort de Diran et de Knel. Tout fut connu; Nersès le Grand l’apprit aussi et il maudit Arsace et celui qui avait été la cause du meurtre.[95] Puis, s’en étant allé, il passa plusieurs jours dans le deuil, comme [autrefois] Samuel à l’occasion de Saül. Mais Arsace, loin de se repentir, osa s’emparer des trésors de l’héritage des morts, et il prit encore sa femme Pharandzêm, de laquelle naquit un fils qui fut appelé Bab.[96]

Cette Pharandzêm commit un forfait inouï, incroyable et bien fait pour causer l’indignation de ceux qui l’entendirent conter; par les mains d’un prêtre indigne,[97] mêlant au remède de vie le poison mortel, elle le donna à Olympias, première femme d’Arsace et la fit mourir, parce qu’elle enviait son rang. Elle excite aussi Arsace à tuer Vaghinag, pour mettre à sa place son père Antiochus.[98]

CHAPITRE XXV.

Meurtre de Dirith.

Sapor, en paix avec les nations du nord et ayant terminé toutes ses campagnes, manifesta son indignation contre Arsace qui, pendant d’assez longues années, avait payé le tribut à César et non à lui. En conséquence, Arsace envoie à Sapor Dirith et son favori Vartan, avec de riches présents, en demandant sa grâce. Mais Sapor voulait se venger des dernières guerres, et il s’avança contre les Grecs. C’est pourquoi il invite Arsace notre roi à le suivre avec toute l’armée arménienne. Arsace ne voulut pas marcher avec lui, et, donnant un prétexte, il n’envoie avec Sapor qu’une petite troupe.

Cependant Arsace, furieux contre Dirith, le dépouille de ses honneurs, comme si tout n’était arrivé qu’à son instigation, à cause de la haine qu’il nourrissait contre les Grecs. Vasag son écuyer excitait encore davantage la colère du roi, parce qu’il gardait rancune à son propre frère au sujet d’une jeune concubine. C’est pourquoi le roi accable d’injures [Dirith et Vartan] qui, ne pouvant supporter un tel traitement et tant de reproches, se réfugient auprès de Sapor. Arsace, encore plus furieux, ordonne à Vasag de les poursuivre avec une nombreuse troupe, et de les arrêter partout où on les trouverait.[99] Vasag se hâte de poursuivre les fugitifs, quoique Vartan fût son frère. Ainsi le sang innocent de Knel fut vengé dans celui de l’impie Dirith, selon la malédiction fulminée par Nersès,[100] et Vartan fut tué par son propre frère.[101]

CHAPITRE XXVI.

Défaite de Sapor à Tigranocerte.

Sapor se hâta de se porter contre notre ville de Tigranocerte; les habitants, avec une armée rassemblée aussitôt, lui opposent une vive résistance, car Antiochus, chef de la race de Siounie, beau-père d’Arsace et gouverneur de la ville, ordonne d’en fermer les portes devant Sapor. Et non seulement il intercepta le passage, mais il ne lui envoya aucun député et n’en reçut aucun de lui. Une grande bataille eut lieu où un nombre considérable de Perses trouva la mort, et l’armée de Sapor en déroute retourne à Medzpin. Après avoir pris un peu de repos et s’être remis de ses fatigues, Sapor essaie de prendre Tigranocerte; mais l’avant-garde et les éclaireurs l’en empêchèrent sous prétexte que les Grecs en souffriraient. Alors Sapor écrit aux habitants de la ville une lettre ainsi conçue:

Lettre de Sapor [aux habitants de] Tigranocerte.

« Le plus brave des adorateurs d’Ormizd, Sapor, roi des rois, à vous, habitants de Tigranocerte qui n’êtes plus comptés au nombre des Arik et des Anarik.

Je voulais, en commençant par vous, faire mon entrée en paix et librement dans les villes des environs. Or vous, habitants de Tigranocerte, qui êtes les premiers, non par vos exploits, mais par votre position sur ma route, si vous me résistez, les autres villes imiteront votre exemple et en feront autant. Mais, à mon retour, je vous exterminerai dans sua colère, afin que vous soyez un double exemple pour les audacieux et les rebelles. »

CHAPITRE XXVII.

Construction et destruction d’Arschagavan. Prise d’Ani.

Arsace fit une folle entreprise; sur le revers du mont Massis, il bâtit un lieu de refuge pour les malfaiteurs et ordonna que quiconque viendrait s’y établir ne pourrait être atteint par les droits de la justice. Aussitôt la vallée se peupla tout entière d’une multitude semblable [aux flots] de la mer; car les dépositaires infidèles, les débiteurs, les esclaves, les malfaiteurs, les voleurs, les assassins, les gens divorcés et autres venaient s’y réfugier sans être inquiétés. Souvent déjà les satrapes avaient murmuré, mais Arsace ne les écouta pas, si bien qu’ils adressèrent des plaintes à Sapor qui, revenu de Grèce, envoya un de ses généraux, avec un détachement d’Arméniens, pour s’emparer d’Arsace si l’occasion le permettait. Mais Arsace s’enfuit dans les régions du Caucase, avec le concours des Ibères.[102]

Le général des Perses, arrivé en Arménie, et soutenu par les satrapes, s’empare du fort d’Ani,[103] de tous les trésors royaux et même des ossements des rois; j’ignore si c’est pour faire un outrage à Arsace, ou à cause de quelque sortilège païen. Les satrapes, ayant obtenu ces ossements par leurs prières, les enterrèrent dans le bourg d’Aghtz, au pied du mont Arakadz;[104] car ils ne savaient pas distinguer les ossements des païens de ceux des chrétiens, parce que ces restes avaient été confondus ensemble par les violateurs. Aussi ces ossements ne furent pas jugés dignes d’être ensevelis dans la ville de Vagharschabad, dans la sépulture des saints.

Les satrapes d’Arménie, ligués ensemble, tombèrent sur la cité royale d’Arschagavan, passèrent au fil de l’épée les hommes et les femmes, à l’exception des enfants à la mamelle; car chacun sévissait contre ses propres esclaves et contre les criminels.[105] Nersès le Grand, bien qu’averti sur le champ, ne put arriver avant le massacre, mais il trouva les enfants des victimes rassemblés de côté pour être traînés en captivité, comme des enfants d’ennemis éloignés. Nersès, les délivrant, les fait porter dans des corbeilles et placer dans une étable, et leur fait donner des soins et des nourrices. Avec le temps, cet endroit devint un bourg, qui à cause de cela fut appelé Ouorthkh (corbeilles).[106]

CHAPITRE XXVIII.

Prise et ruine totale de Tigranocerte.

Sapor étant arrivé à Tigranocerte, les habitants s’y renfermèrent pour résister [à ses attaques]. Etant montés sur les murailles, ils disaient: « Retire-toi, Sapor, afin que nous ne te fassions pas éprouver une seconde fois une défaite plus terrible que la première ». — O braves Arméniens, répond Sapor, vous qui vous tenez renfermés dans ces murailles de Tigranocerte, poussez au dehors vos cris menaçants. C’est le fait des braves de combattre en rase campagne, en champ libre; car il n’appartient qu’à des femmes de se tenir cachés par crainte d’une collision! » Cela dit, Sapor se tourna vers les soldats grecs prisonniers et leur parla de la sorte: « Si, avec le secours de vos armes, je prends cette ville, je vous délivrerai tous avec vos familles. » Puis il ordonne à l’armée perse d’investir la ville et de faire pleuvoir une grêle de flèches sur ceux qui étaient sur les murailles.

Les Grecs se mirent aussitôt avec ardeur à appliquer contre les murailles des machines roulantes appelées ânes, manœuvrées par trois hommes, munies à la partie inférieure de faux, de socs à deux tranchants, de pics recourbés, pour ruiner les fondations. C’est ainsi que tombèrent les murailles élevées et fortifiées par Tigrane l’Haïcien.[107] On mit le feu aux portes; de toutes parts on lançait des pierres, des flèches et des traits. Les nôtres, blessés et effrayés, laissèrent la soldatesque se précipiter dans la ville; la main des Perses ne se lassait pas de tremper le fer homicide dans le sang, si bien que le sang des morts inonda les fondements [de la ville]. La main des Grecs incendia aussi tous les édifices de bois.[108] Sapor emmène en captivité tous ceux qui avaient échappé au massacre et retourne en Perse.[109] Il envoie des courriers aux troupes cantonnées en Arménie et ordonne d’exterminer toute la famille de Siounie.[110]

CHAPITRE XXIX.

Arsace en virait aux mains arec ses satrapes. Bab envoyé comme otage à Byzance.

Les mêmes peuplades[111] se révoltèrent de nouveau contre Sapor, et la paix fut signée [entre lui] et les Grecs. Comme il est dit: il y a changement de rôles: paix pour ceux-ci, guerre pour ceux-là; paix ensuite pour ceux-là et guerre pour ceux-ci. La fin de l’un devient le commencement de l’autre. Valentinien tombe malade dans le château de Brégétium (Perkidion) et meurt en laissant l’empire à son frère.[112] Valens, heureux vainqueur des Goths (Keth), se hâte d’envoyer des troupes en Mésopotamie et en Arménie pour offrir leur concours à Sapor.

Arsace, à la tête d’une armée d’Ibères,[113] rassemble le petit nombre de ses partisans, et livre combat à ses satrapes pour se venger de la destruction de sa ville d’Arschagavan. Les confédérés, sous le commandement de Nersèh, fils de Gamiar, combattent pour résister à Arsace. La bataille fut meurtrière, car des deux côtés périrent beaucoup de gens: les braves combattaient contre les braves, et personne ne voulait se croire vaincu. Les choses en étaient là, lorsqu’arrivèrent les troupes impériales. Arsace, voyant alors qu’il a pour adversaires Sapor, Valens et ses propres satrapes, qu’il est abandonné de tous, envoie plusieurs fois supplier Nersès le Grand, promettant de quitter désormais le chemin du vice, de se soumettre à sa volonté, de faire pénitence couvert d’un sac et de cendre, pourvu que Nersès parvint à conclure la paix et à l’arracher des mains puissantes des Grecs. Les satrapes, de leur côte, adressaient également de semblables prières à Nersès, et les évêques rassemblés le conjuraient aussi de s’interposer pour mettre un terme au péril de son troupeau.[114]

Nersès le Grand, cédant enfin, vint au milieu d’eux, rétablit la paix, en obtenant la parole du roi et des satrapes, à l’exception de Méroujan chef des Ardzrouni et du mari de sa sœur, Vahan Mamigonien, qui, sourds aux prières de Nersès, s’en allèrent, dans leur rébellion, trouver Sapor.[115]

Tous les autres satrapes, à la condition que le roi à l’avenir se comporterait avec équité, promirent de lui être fidèlement soumis. L’engagement fut ainsi fait de part et d’autre. Mais Nersès le Grand, étant allé trouver l’armée grecque, la supplia de ne faire aucun mal à notre pays, de prélever les tributs, d’emmener Bab fils d’Arsace, en otage, avec les fils de tous les satrapes, et de se retirer. Accédant à cette proposition, le bon, le grand Théodose, général [des Grecs], retourne près de l’empereur avec les otages et accompagné de Nersès le Grand[116] qui était porteur d’une lettre d’Arsace, conçue en ces termes

Lettre d’Arsace à Valens.

« Arsace, roi de la Grande Arménie, et tous les satrapes de la nation arménienne,[117] à notre Seigneur l’empereur Valens Auguste et à Gratien son fils,[118] salut!

Que ta majesté soit convaincue que ce n’est point par haine que nous nous sommes révoltés, ou par confiance dans nos forces que nous avons envoyé des détachements pour piller sur les domaines des Grecs. Ayant appris les grands troubles qui ont eu lieu chez vous, et redoutant Sapor, si personne ne fût accouru pour nous tirer de ses mains, nous l’avons aidé avec une faible troupe. Cependant, moi, Arsace, je n’ai pas marché avec lui et je vous suis resté fidèle. C’est pourquoi il a dévasté notre pays, il l’a réduit en servitude et arraché de leurs tombeaux les ossements de nos pères. Croyez nos envoyés, conservez-nous sincèrement l’ancienne amitié, et nous vous serons dévoués avec une entière fidélité. »

Valens, sans lire la lettre, sans voir saint Nersès le Grand, ordonna qu’il fût déporté[119] et que tous les prisonniers fussent passés au fil de l’épée.

CHAPITRE XXX.

Nersès le Grand est exilé dan, une île déserte. — Comment les captifs étaient nourris par les soins de la Providence.

En ce temps-là, Macédonius, qui niait le Saint-Esprit, tenait le siège épiscopal de Byzance[120]

Quand vint l’ordre de déporter Nersès le Grand, comme si ce fût lui qui avait fait une offense à l’empereur, quelques Ariens l’approchèrent et lui dirent: « Si tu veux professer notre croyance, notre père Macédonius te délivrera. » Nersès refusa et fut déporté. Comme on naviguait par un vent impétueux de l’hiver, le vaisseau fut jeté sur une île déserte et fut brisé. Les marins, ne pouvant naviguer avec la chaloupe, restèrent là et mangèrent des racines d’arbres.[121] Cependant la Providence divine les nourrit pendant huit mois[122] avec des poissons que la mer jetait vivants sur le rivage.[123] Bab, avec les autres otages, ayant consenti [à accepter l’erreur], Macédonius le fit délivrer.[124]

CHAPITRE XXXI.

Arsace extermine les satrapes. Conduite de l’évêque Khat.

Nersès le Grand étant éloigné, Arsace viola tous les serments qu’il avait jurés avec les satrapes, et tira vengeance de la destruction de sa ville d’Arschagavan. Il extermina grand nombre de satrapes, anéantit la race des Gamsaragan parce qu’il convoitait leur forteresse d’Ardakers[125] et leur ville libre d’Erouantaschad. Les appelant près de lui, dans son palais abandonné d’Armavir, comme ses alliés qu’il voulait combler d’honneurs, hommes, femmes et enfants, il fit tout tuer, et seul Sbantarad, fils d’Arschavir, échappa à la mort. Celui-ci avait épousé en secondes noces une Arsacide et habitait dans ses domaines aux cantons de Daron et d’Haschdiank, sous prétexte qu’il avait à se plaindre de son oncle paternel Nersèh.[126] C’est pourquoi il échappa au massacre; mais, ayant appris cette affreuse nouvelle, il s’enfuit en Grèce avec ses fils Schavarsch et Kazavon, et avec tous les siens.

Nersès le Grand, lors de son départ pour la Grèce, avait consacré son diacre Khat (8), évêque de Pakrévant et d’Arscharouni, et lui avait confié l’administration de son pays jusqu’à son retour. Khat ressemblait en tout à Nersès le Grand, et il le surpassait même dans son zèle pour les pauvres. Ses greniers se remplirent comme par miracle, comme à l’époque d’Elie et d’Elisée.[127] Lorsqu’il réprimandait le roi, il se montrait inflexible, sévère et sans crainte. Satan ne pouvait rien trouver en lui, si ce n’est que Khat était recherché dans ses habits et aimait les chevaux.[128] Aussi ceux qui étaient réprimandés par lui le blâmaient, le tournaient en risée, comme pour se venger. C’est pourquoi, abandonnant pour toujours ses vêtements magnifiques, et couvert d’un cilice, il ne monta plus que sur un âne jusqu’au jour de sa mort.

CHAPITRE XXII.

Comment Arsace fait saisir le bienheureux Khat et voulait le faire lapider, parce qu’il lui avait reproché ses crimes.

Lors du massacre de toute la race des Gamsarian, Arsace fit mutiler leurs cadavres et [ordonna de les] jeter sans sépulture, en pâture aux chiens. Le roi, comme couronné par une si grande victoire, passait ses jours dans les délices de la joie, faisant amonceler et accumuler à Armavir toutes les richesses de ses victimes. Il y avait deux fosses[129] très larges et très profondes creusées près du village de Nakhdjavan; on y transporte les trésors trouvés sur des chariots du bourg même des Gamsarian. Les voituriers, voyant des os de cadavres humains rongés par les bêtes et dispersés çà et là sur le bord de la fosse, demandèrent et apprirent que c’étaient les restes de leurs seigneurs. Les ayant recueillis dans leurs chariots, ils les couvrirent de joncs et allèrent les enterrer dans ces fosses. Arsace, ayant su cela, fait accrocher les voituriers à un poteau sur le bord de la fosse.

Khat, qui ne s’était pas trouvé au premier massacre, étant arrivé en ce moment, réprimanda fortement le roi. Arsace le fit saisir et lapider. Mais les beaux-frères de sa fille,[130] qui étaient de grands satrapes de la race puissante et brave des Abahouni, tirant leurs épées, laissèrent pour morts les gens venus pour arrêter Khat, l’arrachèrent de leurs mains et s’en retournèrent dans leur pays. Arsace, qui n’osa pas se venger, se cacha, craignant une révolte de tous les satrapes.

CHAPITRE XXXIII.

Règne de Théodo.se le Grand. Concile tenu à l’occasion de ceux qui niaient le Saint-Esprit

(Pneumatomaques).

Valens fut ici-bas l’exemple du feu éternel selon ses mérites, et périt au milieu des flammes à Andrinople. Théodose prend la couronne. Celui-ci ruina jusqu’aux fondements les temples des idoles, déjà fermés par Constantin, tels que ceux du Soleil, d’Artémis et d’Aphrodite, à Byzance. Il détruisit aussi le temple de Damas et le convertit en église; il fit de même du temple de la ville du Soleil (Héliopolis),[131] de celui si grand et si fameux du Liban, qui était formé de trois blocs.[132]

Théodose rappela tous les saints pères condamnés aux mines à cause de leur orthodoxie, Parmi ceux-ci était Nersès le Grand, que Théodose conduit à Byzance et qu’il garde auprès de lui avec de grands honneurs, afin que la véritable doctrine apparaisse au sujet des blasphèmes de l’impie Macédonius. Cet homme n’admettait pas le Saint-Esprit comme Seigneur (Dieu), ne le croyait pas digne d’être l’objet du culte et de l’adoration avec le Père et le Fils, mais comme étranger à la nature de Dieu, créature, serviteur et ministre, inspiration et non essence et personne. Rassemblés dans la ville impériale de Byzance, les saints pères Damase de Rome, Nectar de Constantinople, Timothée d’Alexandrie, Mélite d’Antioche, Cyrille de Jérusalem, [saint Nersès de la Grande Arménie[133]], Grégoire de Nysse, Gélase[134] de Césarée, Grégoire de Nazianze, Amphiloque d’Iconium et d’autres évêques, en tout cent cinquante pères, anathématisèrent et excommunièrent Macédonius et tous ceux qui niaient le Saint-Esprit (les Pneumatomaques).[135]

CHAPITRE XXXIV.

Départ forcé d’Arsace [pour aller trouver] Sapor. Il ne quitte plus [la Perse].

Sapor, libre enfin de toute guerre, envoie contre Arsace, Alanaozan Pahlav, avec une troupe assez nombreuse, c’était un parent d’Arsace.[136] Celui-ci prend la fuite, car il était abandonné de la plupart des satrapes qui, prêtant leur concours à Alanaozan, allaient volontairement trouver Sapor, tant ils étaient fatigués de leur roi Arsace, et, comblés d’honneurs [par le roi de Perse], ils retournaient dans notre pays. Arsace, très inquiet, envoie un message au chef de l’armée des Perses:

« Toi, lui dit-il, mon sang et mon frère, pourquoi me poursuis-tu avec tant d’acharnement? Je sais que tu viens ici malgré toi, ne pouvant transgresser les ordres de Sapor et refuser de marcher contre moi, ton parent. Laisse-moi donc m’échapper à un moment donné, de façon que, m’étant reposé, je puisse gagner la Grèce. Alors tu prendras ce pays, et tu recevras de moi somme d’un sincère parent, un grand nombre de bienfaits. »

Alanaozan envoya cette réponse à Arsace : « Tu n’as pas épargné-les Gamsarian nos parents, qui me touchaient de plus près que toi par leur religion et par leur voisinage de mon pays; comment peux-tu donc espérer que je t’épargnerai, puisque je suis, et comme religion et comme habitation, fort éloigné de toi? Comment, dans l’espérance de tes bienfaits que je doute d’obtenir, perdrais-je ce que je tiens de mon roi?[137] »

Arsace, réduit alors à la dernière extrémité, va malgré lui trouver Sapor qui le retient captif. Ensuite, sous la pression de la violence, il écrit à Pharandzêm, sa femme, de se rendre à la Porte.

Sapor ordonne enfin à tous les Grands de venir avec la reine.[138]

CHAPITRE XXXV.

Malheurs arrivés en Arménie par le fait de Sapor. Mort d’Arsace.

Las satrapes d’Arménie, qui, au lieu de défendre Arsace, avaient donné la main à Sapor, voyant qu’il veut leur enlever leurs femmes, et celles des satrapes qui étaient restées fidèles à Arsace, voyant aussi qu’Alanaozan s’en est allé avec la petite troupe venue avec lui, les satrapes se réunirent et la repoussèrent; puis, ayant pris leurs femmes et leurs enfants, ils s’enfuirent en Grèce. La reine Pharandzêm, au lieu de se rendre à l’appel de son mari, s’enferme avec ses trésors dans la forteresse d’Ardakers et prévient son fils Bab, car elle espérait échapper aux poursuites de Sapor. Celui-ci, au comble de la fureur, fit enchaîner Arsace et le fit conduire dans la contrée de Khouzistan (Khoujasdan), dans la forteresse appelée l’Oubli (Anousch);[139] puis, ayant ressemblé une armée considérable sous les ordres de Méroujan Ardzrouni et de Vahan Mamigonien, ces apostats du Christ, il les lance contre l’Arménie.[140] Ceux-ci arrivèrent et investirent la place d’Ardakers. Ils ne pouvaient rien entreprendre contre les formidables murailles de la forteresse; mais la colère de Dieu s’appesantissait sur Arsace. Les soldats de la garnison ne voulurent pas attendre des nouvelles de Bab et se rendirent volontairement et nécessité. Faits prisonniers avec les trésors de la princesse Pharandzêm, on les conduisit en Assyrie, et là on les empala avec un timon de char, et ils moururent ainsi.[141]

En ce temps-là arriva un ordre de Sapor, de raser les fortifications de toutes les villes, d’emmener en captivité les Juifs qui, fidèles la loi mosaïque, habitaient à Van[142] dans le canton de Dosp et qu’avait amenés Parzaphrane Reschdouni au temps de Tigrane.[143] Sapor les établit à Asbahan.[144] On emmena encore en captivité les Juifs d’Ardaschad et de Vagharschabad qui avaient été amenés par le même roi Tigrane, et qui avaient été convertis à la foi du Christ à l’époque de Grégoire et de Tiridate.[145] Parmi les autres se trouvait Zouith, prêtre d’Ardaschad. Alors Méroujan et Vahan calomnièrent, auprès de Sapor, Zouith prêtre d’Ardaschad, en disant qu’il était venu avec les captifs dans le seul but de les exhorter à garder fermement la loi chrétienne. En conséquence, Sapor ordonna de faire appliquer la torture à Zouith afin qu’il abandonnât la foi du Christ, et, comme il refusa, il fut livré au martyre.[146] Arsace ayant appris tous ces malheurs et toutes ces calamités, se tua comme Saül, après avoir régné trente ans.[147]

CHAPITRE XXXVI.

Malheurs causés par Méroujan. Bab règne en Arménie.

Après la mort d’Arsace, Sapor rassembla beaucoup de troupes sous le commandement de Méroujan[148] et les envoya en Arménie, en lui confiant le gouvernement du pays. Le roi lui donna aussi comme épouse sa sœur Ormiztoukhd,[149] des diplômes [lui concédant] de nombreux villages et des propriétés en Perse, et lui promit encore la souveraineté de l’Arménie, à la charge de soumettre les satrapes et d’amener tout notre pays à professer le culte du mazdéisme. Méroujan consentit; et, aussitôt arrivé en Arménie, il s’empara de la plupart des femmes de satrapes, les fit renfermer dans différentes forteresses, espérant faire ainsi revenir leurs maris. Méroujan s’efforçait également de ruiner tout l’édifice du christianisme: il jetait dans les fers les évêques et les prêtres sous prétexte de tributs, et il les faisait conduire en Perse. Il brûlait tous les livres qu’il trouvait; il ordonnait d’abandonner l’étude des lettres grecques, et permettait seulement [l’usage de] la langue perse, défendant absolument qu’on parlât ou qu’on traduisit le grec, sous prétexte d’empêcher toute relation et tout lien d’amitié entre les Arméniens et les Grecs; mais en réalité c’était pour empêcher l’enseignement du christianisme. Alors les caractères arméniens n’existaient pas encore et les livres d’église étaient écrits, en caractères grecs.

Nersès le Grand, ayant appris tous les malheurs qui accablaient l’Arménie, et connu la mort d’Arsace, prie l’empereur Théodose de venir à leur aide. Celui-ci place sur le trône Bab fils d’Arsace,[150] et lui donne pour l’appuyer une puissante armée commandée par le brave Térence.[151] Nersès le Grand, accompagné de tous les satrapes, de ceux qui étaient partisans de Bab et qui lui étaient opposés, de l’exilé Sbantarad Gamsarian, ramène Bab en Arménie, avec leur concours. A leur arrivée, ils trouvent l’impie Méroujan maître absolu du pays; ils le chassent et se mettent en possession de la contrée. Alors Méroujan ordonne aux gardes de pendre aux murailles des forteresses les femmes des satrapes, de les laisser mourir et d’abandonner leurs cadavres suspendus aux potences, pour qu’en se pourrissant, ils servent de pâture aux oiseaux.[152]

CHAPITRE XXXVII.

De la grande bataille de Tzirav et de la mort de l’impie Méroujan.

Méroujan fit savoir à Sapor, alors dans le Khorassan, tous les secours prêtés par Théodose à Bab, et Sapor ordonne à toutes les forces des Perses d’aller, avec Méroujan, porter la guerre en Arménie. Bab et Térence, de leur côté, préviennent l’empereur Théodose que Sapor a donné l’ordre à toute son armée, excepté à ses familiers, de nous envahir. Alors Théodose Auguste commande à Addée, grand comte,[153] de se porter au secours de Bab avec toutes les forces de la Grèce sans exception, de prendre même les gardes à pied des villes, qui portaient des dragons de soie [peints sur leurs bannières].

La bataille fut livrée dans la plaine appelée Tzirav,[154] où les armées se rencontrèrent. La jeunesse des braves satrapes d’Arménie, avec un élan impétueux, se lance dans la mêlée, entraînée par le commandant de la cavalerie Sempad, fils de Pakarad, de la race des Bagratides. La jeunesse perse s’avance également et se lance au milieu des lignes ennemies. Tout était dans la confusion: quand la jeunesse perse s’avançait, les nôtres aussitôt se précipitaient sur elle. De même que la tempête emporte les feuilles d’une forêt, de même les Arméniens, au galop de leurs coursiers, la lance en arrêt, couchent à terre de rigides cadavres, sans que l’ennemi ait le temps de regagner son camp. Aussi, quand les Perses voulaient entourer les nôtres, ils se garantissaient derrière les boucliers des Grecs, comme dans une ville fortifiée, pour n’éprouver aucun dommage. C’est ainsi que le prince Gorgonius, chef de l’infanterie, entoura, comme d’un rempart de boucliers, le front de Bab.

Les troupes grecques étaient munies d’armes d’or et d’argent et les chevaux étaient magnifiquement harnachés; on eût dit une muraille! La plupart portaient une armure complète faite de nerfs et de cuir et dure comme la pierre. Une crinière épaisse flottait sur leur tête comme le faîte d’arbres touffus. Quant aux enlacements des dragons,[155] avec la gueule effroyablement ouverte, leur corps gonflé par le souffle du vent,[156] je ne puis mieux les comparer qu’à une montagne de diamants s’abaissant vers la mer. C’est ainsi que toute l’armée grecque fond sur les Perses. Ceux-ci étaient comme un fleuve impétueux, étendant et élargissant ses rives; ou bien ces hommes couverts de cuirasses ressemblaient pour la couleur à une grande masse d’eau.

A cette vue, le grand Nersès monte sur le sommet du mont Niphates (Nébad), et, ayant levé les mains au ciel en les tenant levées et suppliantes, comme autrefois le premier prophète Moïse,[157] il attendait que le nouvel Amalécite fut défait.[158]

Le soleil s’étant levé en face de nos troupes, les boucliers couverts de bronze étincelaient, scintillaient sur les montagnes, comme des éclairs sortis d’une épaisse nuée. Au milieu [de cette armée] les plus braves de nos satrapes, bardés de cuirasses, s’élancèrent hors des rangs comme les étincelles de l’éclair. A cette vue, l’armée perse est frappée d’effroi et la nôtre également, car les yeux ne pouvaient fixer le soleil levant. Mais, tandis que les deux années étaient aux prises, survint une nuée protectrice, et de notre côté un vent impétueux qui soufflait à la face des Perses. Dans la mêlée, Sbantarad Gamsarian rencontre un fort détachement où se trouvait le brave Scherkir, roi des Lek (Gheg),[159] qui se tenait fortement à la tête du centre de l’armée. Sbantarad fond sur cette troupe et l’enfonce, en culbutant par terre le brave Scherkir qui sembla frappé par la foudre; sa troupe, attaquée sur le flanc, s’enfuit. C’est ainsi que, fortifiée par le secours d’en haut, l’armée grecque et arménienne couvre le champ de bataille de cadavres ennemis et poursuit les fuyards.[160] Parmi ceux-ci Ournaïr, roi des Aghouank, frappé par Mouschegh, fils de Vasag le Mamigonien, est mis hors de combat.[161]

Cependant l’impie Méroujan, dont le cheval était blessé, ne peut suivre les fisyards. Sempad, général des Arméniens, l’atteint rapidement, taille en pièces tous les siens et fait prisonnier ce pervers, au bord des roseaux de Gokaïovid. Réfléchissant que peut-être Nersès le Grand pourra lui rendre la liberté, Sempad ne le mène pas dans le camp, mais il trouve dans cet endroit ce qu’il faut pour le supplice de l’impie, [c’est-à-dire] des gens dans une tente qui ont allumé du feu, et une broche de fer pour rôtir des viandes. Il fait rougir cette broche, la courbe en forme de couronne, et, la voyant toute rouge, il dit: « Je te couronne, ô Méroujan, puisque tu voulais régner sur les Arméniens; c’est au surplus mon droit héréditaire de poser la couronne. » Et, pendant que le fer était encore rouge, il le plaça sur la tête de Méroujan; ainsi périt ce pervers.[162] Depuis ce moment le pays fut en paix et soumis à Bab.

CHAPITRE XXXVIII.

Bab donne un breuvage empoisonné à saint Nersès qui termine ainsi sa vie.

La guerre étant terminée, la tranquillité fut rétablie dans notre pays. Nersès le Grand fit promettre au roi et aux satrapes de marcher dans les voies de la justice, afin que leurs œuvres témoignassent de leur foi dans le Christ au roi de ne point ressembler à son père, de ne point commettre d’injustice ni d’extorsions, mais de se conduire avec équité et de témoigner à ses satrapes la sollicitude d’un père. [Il fit promettre] aux satrapes de ne plus se révolter contre Bab, et de lui obéir fidèlement. Alors le roi Bab rendit à Sbantarad Gamsarian tout ce dont son père l’avait dépouillé, le canton de Schirag et d’Arscharouni, non pas comme des biens ravis par l’avarice injuste de son père Arsace, mais comme des présents pour les services rendus par le brave Sbantarad qui tua le roi des Lek. Bab rendit aussi aux autres satrapes ce qu’on leur avait enlevé;[163] il ne se montrait nullement avide de richesses, mais très libéral.

Bab, livré à une passion honteuse[164] et réprimandé fortement à cause de cela par Nersès le Grand, regardait ce dernier d’un mauvais œil, en méditant contre lui un perfide projet.[165] Ne pouvant, par respect pour l’empereur Théodose, nuire ouvertement à Nersès, il lui fit donner secrètement un breuvage mortel, il termina ainsi son existence après avoir siégé trente-quatre ans.[166] Le bienheureux Nersès sortit de cette vie, dans le canton d’Eghéghiatz, au village de Khakh.[167] Le roi Bab fit enlever son corps et le fit ensevelir dans le bourg de Thil, en tenant cachée la cause de sa mort.[168]

CHAPITRE XXXIX.

Avènement de Sahag.[169]Théodose fait mourir Bab.

Le roi Bab, voyant toute l’Arménie en deuil du bienheureux Nersès,[170] et pressé par les circonstances, cherche et découvre un membre de la race et de la famille d’Albianus, nommé Schahag,[171] homme très vertueux et qu’il établit à la place de Nersès, sans l’intervention du grand archevêque de Césarée.[172] Schahag occupa le siège quatre ans.

Bab ayant appris que Théodose le Grand était allé de Byzance à Rouie, et qu’à son entrée à Thessalonique avec ses troupes, il s’était élevé entre lui et les habitants, au sujet des logements, une contestation qui avait pris les proportions d’un combat, qu’enfin l’empereur, maître de l’émeute, avait mis à mort quinze mille personnes,[173] Bab, à cette nouvelle, croyant que le conflit se prolongerait, secoua avec mépris le joug de l’obéissance et, courant à sa ruine, il chassa Térence avec ses troupes et se prépara au combat. Le brave Térence, par ordre de Théodose le Grand, revint sur ses pas, et, par un effet de sa bonne fortune, il tombe à l’improviste sur le camp, taille les uns en pièces et met les autres en fuite. Là, luttant avec courage et intrépidité, Knel, chef de la race des Antzévatzi et général de l’armée orientale de Bab, lui oppose une vive résistance. Térence victorieux, fend d’un violent coup d’épée la tête de Knel[174] et fait prisonnier le roi Bab. Bab le supplie de ne pas le faire mourir et de le conduire en présence de l’empereur, et Térence, ému de pitié, y consent. Bab, chargé de chaînes, est conduit devant Théodose le Grand et tué d’un coup de hache en punition de sa perfidie, après avoir régné sept ans.[175]

CHAPITRE XL.

Règne de Varaztad. — Sa captivité.

Le généreux Auguste Théodose, surnommé le Grand, dans la vingtième année de son règne, plaça sur le trône d’Arménie, à la place de Bab, Varaztad, issu de la même race arsacide.[176] Ce Varaztad était un jeune homme plein d’ardeur, et robuste, d’un courage à toute épreuve et très habile au tir de l’arc.[177] Lors de la fuite de Sapor, il était allé à la Porte (cour) de l’empereur, et se fit remarquer tout d’abord, en sortant victorieux d’un combat, au pugilat, à Pise; puis à Héliopolis (Arek-Khaghakh),[178] ville de la Hellade, où il terrassa en plein jour des lions, et sa gloire fut célébrée et proclamée aux jeux Olympiques par le Athlètes. D’après toua ses exploits contre la nation des Longobards,[179] j’ose le comparer à saint Tiridate, car, cinq guerriers ennemis étant tombés sur lui, il les abattit tous les cinq à coups d’épée. Arrivé à une place forte, il perça dix-sept hommes placés sur les remparts avec ses flèches, et les blessés tombèrent l’un après l’autre du haut des murailles, comme des figues gâtées que l’ouragan a abattues.

Celui-ci, devenu roi de notre pays, la cinquante cinquième année de Sapor, dans un premier combat, rencontra dans les gorges de Taranaghi[180] plusieurs brigands syriens; il les mit en fuite et leur donna la chasse; mais les brigands franchirent le passage, puis le pont sur l’Euphrate, et coupèrent les madriers.[181] Cependant Varaztad accourt, franchit l’Euphrate et surpasse ainsi le saut de Chion le Laconien qui fut de vingt-deux coudées;[182] on eût cru voir Achille franchissant le Scamandre. Les brigands épouvantes jetèrent leurs armes et se rendirent.

C’est pourquoi Varaztad, qui était accoutumé dès son enfance aux entreprises audacieuses, aussitôt qu’il fut sur le trône, s’affranchit de l’autorité des chefs de l’armée grecque. Il envoya donc a Sapor des messagers pour lui demander une de ses filles en mariage, lui promettant de lui soumettre l’Arménie. Les chefs des Grecs, informés [de cette démarche], en donnèrent avis à l’empereur.

Théodose ordonna alors qu’on arrêtât Varaztad, s’il ne se rendait sur le champ à l’appel de l’autocrate. Le roi, contraint par la nécessité, va trouver Théodose, espérant tromper Auguste par des paroles mensongères. Mais l’empereur ne voulut pas le voir,[183] le fit conduire enchaîné à Thulé, île de l’Océan.[184] Varaztad avait régné quatre ans.

La deuxième année du règne de Varaztad, Zavên fut nommé chef des évêques de l’Arménie; il était de la famille d’Albianos et occupa le siège pendant quatre ans.[185]

CHAPITRE XLI.

Règne d’Arsace et de Valarsace.

Théodose le Grand mit à la place de Varaztad, roi d’Arménie, les deux fils de Bab, Arsace et Valarsace, pensant qu’ils ne se réuniraient pas ensemble pour se révolter.[186] Gardant près de lui la mère[187] des jeunes princes, il les envoie en Arménie avec leurs gouverneurs, hommes qui lui étaient dévoués, et avec des troupes.[188] A leur arrivée, ils s’établirent en maîtres sur le pays, en combattant vigoureusement les Perses; ensuite Arsace épousa la fille de Papig, chef de Siounie,[189] et Valarsace celle du commandant de la cavalerie Sahag. Cette même année Valarsace mourut.

La deuxième année d’Arsace, Asbouraguès, parent de Schahag et de Zavên, fut pendant cinq ans chef des évêques d’Arménie.[190]

Cependant Théodose le Grand, qui livre de nouvelles batailles, tombe malade à Milan (Mitovlanon), et meurt, laissant le trône à ses fils; Arcadius eut l’empire byzantin et Honorius l’empire romain. Ces princes ne méritèrent aucune louange, et ne furent pas les dignes héritiers des vertus paternelles.

CHAPITRE XLII.

Division de l’Arménie en deux parties, entre les mains de deux rois arsacides et sous la dépendance des deux nations perse et grecque.

Sapor, voyant qu’Arcadius était un homme injuste, traita avec lui de la paix, parce qu’il avait été vaincu et mis en déroute par Théodose le Grand, son père. Arcadius consent à faire la paix, surtout sur l’avis de ses généraux; car, bien que Dieu leur ait donné la victoire durant la vie du bienheureux Théodose, ces généraux étaient las et fatigués de livrer des combats continuels. En conséquence, on s’accorda pour diviser en deux parties différentes la Mésopotamie et l’Arménie.[191] Arsace, laissant alors le propre royaume de ses pères, c’est-à-dire l’Ararat et toute la contrée limitrophe de la Perse, vint régner sur les parties occidentales de notre pays, dans la région limitrophe de Grèce, non seulement à cause de sa mère qui était originaire de la ville impériale, mais surtout parce qu’il aimait mieux gouverner un territoire moins étendu,[192] être vassal d’un souverain chrétien, que de régner sur un Etat plus vaste et vivre sous le joug des païens. Les satrapes de la partie du pays soumise à Sapor émigrèrent avec le roi en emmenant leurs femmes et leurs fils, et en faisant abandon de leurs biens, de leurs villages et de leurs établissements.

Sapor, furieux, écrit à Arsace : « Pourquoi as-tu excité une guerre entre moi et l’empereur, en entraînant les satrapes? » Il reçut d’Arsace cette réponse : « Parce qu’ils souffraient d’être soumis à la domination de la Perse, et ils m’ont suivi. Mais, si tu me confies le gouvernement de la partie [de notre pays] qui t’appartient, comme l’empereur l’a fait pour la sienne, je me hâterai de te prêter l’hommage comme à César. Si cette proposition ne t’est pas agréable et que les satrapes retournent de bon gré, je ne m’y opposerai pas. » Sapor, ayant eu connaissance de cette réponse, établit comme roi de l’Arménie soumise à son autorité, Chosroès[193] qui était aussi un Arsacide. Il envoie aux satrapes de sa domination qui avaient suivi Arsace, un édit ainsi conçu:

Lettre de Sapor aux satrapes.

« Le plus brave des héros, Sapor, roi des rois, aux satrapes d’Arménie qui ont des domaines dans mes possessions [arméniennes), salut à vous !

Il n’est pas noble d’avoir abandonné vos domaines, ce qui du reste ne nous fait éprouver aucun dommage; mais, en souverain généreux, nous avons eu pitié de vous et de votre pays, en pensent que si les troupeaux ne peuvent rester sans pasteurs, les pasteurs eux aussi ne peuvent se passer d’un chef supérieur. C’est pourquoi nous vous avons donné pour roi Chosroès qui pratique votre religion et qui appartient à la race de vos rois. Rentrez donc dans vos domaines et reprenez votre pouvoir habituel. Nous jurons par le Feu, par l’Eau et par la gloire de nos immortels ancêtres, que nous avons agi sans arrière-pensée et sans ruse et que nous garderons ce pacte inviolable. Quant à ceux qui n’obéiront pas à nos ordres, nous avons ordonné que leurs maisons, leurs villages et leurs établissements soient réunis au domaine royal. Soyez en santé! »

CHAPITRE XLIII.

Les satrapes d’Arménie retournent chacun dans leurs domaines, et prennent du service chez les deux rois.

Les satrapes arméniens qui avaient leurs domaines dans les cantons de la partie du pays appartenant aux Perses, ayant appris que Sapor leur avait donné un roi chrétien et Arsacide, et voyant l’édit déjà mis à exécution, abandonnèrent Arsace et retournèrent dans leurs propres domaines, excepté trois jeunes gens qui avaient été élevés avec le roi, et étaient ses plus proches parents. C’étaient Tara, fils de Papig, seigneur de Siounie et beau-frère d’Arsace, Kazavon, fils de Sbantarad, seigneur de Schirag et d’Arscharouni, Bérose (Pirouz) de la race des Kartananatzi, avec leurs partisans, Adad de la race des Kenouni, Génan de la race des Amadouni, Soura de la race de Mog, Resdom Aravénian et d’autres qui sont inconnus. En conséquence, Chosroès réunit leurs domaines à la couronne par ordre de Sapor, sans laisser au père les possessions du fils, ni au frère celles du frère.

Cependant il se trouva quelques satrapes qui avaient leurs domaines dans la partie du pays soumise aux Grecs, et dans les possessions d’Arsace, comme le commandant de la cavalerie, Sahag, beau-père de Valarsace frère d’Arsace, qui cherchèrent à aller rejoindre Chosroès. Arsace en voulait à Sahag, parce que sa femme l’excitait contre ce dernier [en disant] qu’il portait un ornement royal laissé par son gendre. Alors s’élevèrent contre Sahag des accusations mensongères de la part de ses parents du canton de Sber. C’est pourquoi le roi Arsace le persécuta, et Sahag chercha à le fuir et à se réfugier auprès de Chosroès. Sahag avait pour fauteurs et complices de ses projets Sourên Khorkhorouni, Vahan Aravélian et Aschkhatar de la race de Timakhsian. Lorsque Sahag fut parti, ceux-ci ne le suivirent pas, parce qu’Arsace, avec ses troupes, les empêcha de partir. Ils cachèrent dès lors leurs projets sous le voile de l’hypocrisie, en attendant une occasion favorable.

CHAPITRE XLIV.

Chosroès comble d’honneurs Sahag commandant de la cavalerie. Ses exploits contre les brigands de la race de Vanant.

Chosroès fut très satisfait de la venue du commandant de la cavalerie Sahag; il le mit à la tête de ses propres troupes, lui rendit les possessions de ses pères et lui donna en outre d’autres bourgades avec les terres provenant de l’héritage de ceux qui avaient quitté le territoire perse pour rester auprès d’Arsace.

A ce moment, quelques membres de la race de Vanant[194] se révoltèrent contre Chosroès. Ils ne se réfugièrent pas dans les domaines d’autrui, mais dans les forêts de leurs montagnes, dans les défilés et les rochers des Daïk, et troublèrent le pays sans relâche, en faisant des incursions et des ravages sur les terres des deux rois d’Arménie. Sahag, général de la cavalerie et chef des troupes de Chosroès, marcha contre eux, en tua une grande partie, tandis que beaucoup s’enfuirent dans les régions de la Quatrième Arménie, car ils ne se jetèrent ni dans le pays de Chaldie, chez les Grecs, ni sur les domaines du roi Arsace; mais ils cherchèrent un refuge auprès des brigands de la Quatrième Arménie, sur les confins de la Syrie. Les gens de Vanant se livraient au brigandage avec beaucoup d’ardeur, et ce métier leur paraissait agréable et naturel. Sahag va droit contre eux, les repousse au loin jusque sur les frontières de Mananaghi.[195]

CHAPITRE XLV.

Sourên, Vahan et Aschkhatar vont rejoindre Chosroès avec les: trésors d’Arsace.

Sourên Khorkhorouni, Vahan Aravélian et Aschkhatar Timakhsian saisirent le moment où l’on enlevait les trésors d’Arsace de la forteresse d’Ani, pour les porter au pays de Dzop. S’étant emparés de ces trésors, ils voulaient se rendre chez Chosroès, mais ils ne le purent pas, car Samel le Mamigonien, confident d’Arsace, se mit à leur poursuite avec une nombreuse armée et força les fugitifs à s’enfermer dans une caverne très forte du district de Mananaghi, dans laquelle il n’y avait pas d’entrée, mais seulement une issue fort étroite sur un des côtés. En avant de la porte de la grotte, était un pic élevé formé tout d’un morceau de roc, et au-dessus un rocher avancé qui surplombait sur l’abîme d’une profonde vallée. Tout ce qui tombe de cet endroit se précipite avec une effroyable rapidité et avec une immense force de rotation, sans s’arrêter à aucun obstacle.

Samel, très inquiet, réfléchissant que ces lieux étaient inaccessibles, en informa Arsace, et ordonna de fabriquer un coffre de fer, d’y placer des hommes courageux et de les faire descendre au moyen de chaînes jusqu’à l’entrée de la caverne. Mais ce moyen ne réussit pas, car d’épais buissons empêchaient de s’en approcher de près.

Tandis qu’on était occupé à cette opération, voici que par hasard arriva Sahag, chef de toute l’armée de Chosroès, qui était à la poursuite des brigands. Ayant abandonné ces derniers, il tomba sur les gens qui faisaient le siège de la caverne, et, les ayant chassés, il délivre Sourên, Vahan et Aschkhatar avec les trésors et il les expédie aussitôt à Chosroès. Celui-ci prélève sur ces trésors la part de Sapor, qui lui donne l’ordre d’octroyer à ces trois personnages des villages situés sur la partie du pays appartenant aux Perses et des emplois élevés et distingués provenant de l’héritage de ceux qui étaient demeurés auprès d’Arsace. Telle fut la cause de la guerre qui éclata entre Arsace et Chosroès.

CHAPITRE XLVI.

Arsace, vaincu par Chosroès dans une bataille, meurt de maladie.

Quoique Sapor et Arcadius ne prêtassent la main ni à Chosroès, ni à Arsace, ne leur donnassent aucun secours dans leur guerre, cependant ils ne s’opposèrent pas aux hostilités. Les messages ayant cessé de tous côtés, Arsace, à la tête de ses troupes, marcha contre Chosroès. Chosroès partit de son camp et se dirigea vers la mer de Kégham,[196] appelée Mours, à la rencontre d’Arsace pour l’empêcher d’entrer sur son territoire. Cependant il n’arriva pas assez à temps et trouva Arsace ayant déjà envahi ses États et occupant le canton de Vanant. Ils se rencontrèrent dans la plaine d’Érével et se livrèrent un combat acharné. L’armée d’Arsace fut taillée en pièces; Tara de Siounie qui la commandait meurt en combattant, et Arsace s’enfuit avec une faible escorte. Le brave commandant de la cavalerie, Sahag, chef de l’armée de Chosroès, le poursuit et le serre de près. En cette circonstance, Kazavon, fils de Sbantarad, fit des prodiges d’audace, en revenant plusieurs fois à l’attaque, et en dispersant ceux qui poursuivaient Arsace, afin de lui donner le temps de s’enfuir.

Chosroès rentra chez lui, et Arsace se rendit à Eghéghiatz. Là, il fut atteint d’une maladie de langueur, et se consuma dans les douleurs. Il avait régné sur l’Arménie entière cinq années et sur une partie seulement deux ans et demi.[197] A partir de ce moment, les Grecs ne nommèrent plus de roi dans la partie du pays qui leur était soumise; on désigna comme chef des satrapes de cette contrée le brave Kazavon, et, pour commander le pays, les Grecs envoyèrent des comtes gouverneurs.[198]

CHAPITRE XLVII.

Du bienheureux Mesrob.

Mesrob, voyant le royaume d’Arménie toucher à sa fin et trouvant que de semblables perturbations avaient lassé sa patience, Mesrob, qui était d’Hatzeg, dans le canton de Daron, qui avait été élevé et instruit près de Nersès le Grand, et nommé à sa mort secrétaire-archiviste[199] de la Porte royale, préféra de vivre dans la solitude. Comme on l’a dit:[200] « Le vaisseau battu par la tempête arrive au port, et l’homme prudent recherche la solitude. Fuyant ainsi les affaires du monde et renonçant aux honneurs de la terre, il recherchait les biens célestes. Mesrob va se fixer dans le canton de Koghtèn et y vivre dans la solitude. Prêtant son appui au prince du canton, Schapith,[201] il détruisit la secte païenne qui s’était réfugiée dans cet endroit, s’y était tenue cachée depuis le règne de Tiridate jusqu’alors, et s’était montrée de nouveau à la chute de la dynastie des Arsacides. Différents miracles se manifestèrent alors comme du temps de saint Grégoire; des démons à forme humaine, mis en fuite, se réfugièrent dans les contrées des Mèdes.[202] Des merveilles non moins grandes éclatèrent dans le pays de Siounie, avec le concours du prince du canton, appelé Vaghinag.[203]

Le bienheureux Mesrob éprouva beaucoup de fatigues dans l’exercice de son doctorat, parce qu’il était à la fois lecteur et traducteur. Si une autre personne lisait et que Mesrob n’y fut pas, les populations ne comprenaient pas, parce qu’il n’y avait pas de traducteur. C’est alors qu’il songea à inventer des caractères pour la langue arménienne, et, se livrant à ce travail, il éprouva des fatigues sans nombre.

CHAPITRE XLVIII.

Les satrapes qui étaient auprès d’Arsace vont rejoindre Chosroès.

Les satrapes arméniens, voyant que les Grecs ne leur avaient pas donné de roi, et ne voulant pas rester sans chef, résolurent spontanément de faire leur soumission au roi Chosroès. Ils lui écrivirent une lettre ainsi conçue:

Lettre des satrapes à Chosroès.

« Le général[204] Kazavon et tous les satrapes arméniens de la partie du pays soumise aux Grecs, à notre seigneur Chosroès, roi de la contrée de l’Ararat, salut.

Tu sais, ô roi, notre vénération pour la mémoire de notre roi Arménien, auquel nous avons conservé la fidélité jusqu’au jour de sa mort. Aujourd’hui nous avons résolu de te servir avec dévouement, si par un traité tu t’obliges envers nous à observer trois choses : premièrement, d’oublier nos torts envers toi dans la guerre que nous t’avons faite par la force des choses et non de notre gré; de nous rendre tout notre patrimoine qui se trouve dans la partie du pays soumise aux Perses, et que tu a annexé au domaine royal; enfin, de trouver le moyen de nous affranchir de l’empereur et d’empêcher que les Grecs viennent détruire les biens que nous possédons dans cette contrée. Ecris ce traité et accepte ces conditions en y appliquant le sceau de la croix. En le voyant, nous accourrons pair te servir. Sois en santé, notre seigneur. »

Lettre de Chosroès aux sxsper.

« Le brave des braves,[205] Chosroès, roi des Arméniens, au général Kazavon et à tous nos satrapes, salut.

Réjouissez-vous, car nous sommes en bonne santé et nous nous réjouissons que vous soyez aussi bien portants. Nous vous avons envoyé, selon votre désir, ce traité d’abord d’oublier vos torts qui ne nous parurent pas aussi graves, puisqu’ils étaient la conséquence de la gratitude et de l’attachement que vous gardiez votre roi Arsacide, et qui seront, nous l’espérons, les mêmes envers nous. Ensuite, nous vous rendrons votre héritage que nous avions confisqué, sauf les biens que nous avons donnés à différentes personnes, car les dons faits par les rois ne se révoquent point sans inconvénient, surtout puisqu’ils ont été enregistrés dans les archives de notre père, le seigneur Sapor, roi des rois. Mais, en échange de ces biens, nous établirons une compensation de vos pertes avec l’argent du fisc. Enfin, nous vous affranchirons de la domination des procurateurs grecs, soit en faisant la guerre à l’empereur, soit en employant des moyens pacifiques.

En ce qui te concerne, Kazavon, mon propre sang et mon proche, non point en raison de notre ancienne parenté, mais à cause des droits que tu tiens de ta mère Arschanouisch Arsacide, te tirant de ta race paternelle de Gamsarian, je te rangerai dans celle de ta mère, qui est ma race, et je t’honorerai du nom d’Arsacides. »

Ayant entendu tout cela, Kazavon ramène de suite tous les satrapes à Chosroès; et, comblé d’honneurs et de bienfaits, il voit toutes ses prières et toutes ses promesses satisfaites. Cependant Samel le Mamigonien prit la lettre de Chosroès et la copie de celle des satrapes, et, s’étant séparé de ces derniers, il va trouver l’empereur Arcadius. Samel avait fait tuer son père Vartan,[206] à cause de son apostasie et de celle de sa mère Dadjadour-hi; il avait donc alors tout à craindre de la part des Perses et de la part de ses oncles maternels les Ardzrouni; aussi il ne voulait pas se séparer des Grecs. Arcadius le comble de faveurs et ordonne de déposer dans ses archives la copie des lettres en caractères grecs, afin de perpétuer le souvenir des races rebelles. Ces pièces existent encore à présent.

CHAPITRE XLIX.

Chosroès règne seul en Arménie. Sahag le Grand occupe le siège patriarcal.

Chosroès régnant, comme c’était son désir, sur tous les satrapes arméniens, envoie demander à Arcadius de lui confier le gouvernement des possessions grecques en Arménie, promettant de bien administrer le pays, de lui payer fidèlement le tribut, comme autrefois il l’avait acquitté à ses procurateurs. Arcadius, se défiant d’une coalition des satrapes qui pourraient arracher cette partie du pays [à sa domination] pour la donner aux Perses, consent à accorder la requête de Chosroès.

Après cela, Asbouraguès, chef des évêques, étant mort, Chosroès mit à sa place Sahag, fils de Nersès le Grand, fils d’Athénogène, fils d’Iousig, fils de Verthanès, fils de saint Grégoire.[207] Celui-ci réunissait toutes les vertus de ses ancêtres, mais il l’emportait sur eux par l’amour de la prière. Il avait réuni soixante disciples, sous la règle du grand couvent des Spoudées.[208] Ses disciples, voués à la vie religieuse, portant le cilice, ayant une ceinture de fer, marchant nu-pieds, le suivaient partout. Avec eux, Sahag passait tout son temps en continuelles observances, comme ceux qui habitaient les déserts, et il s’occupait des choses du monde comme ceux qui vivent dans les choses du monde. Mesrob vint trouver Sahag, au sujet de la recherche des caractères arméniens et le trouva encore plus désireux que lui d’arriver à un bon résultat. Après beaucoup d’efforts infructueux, ils eurent de nouveau recours à la prière pour obtenir de Dieu ce qu’ils désiraient. S’étant séparés ensuite, Mesrob retourna dans sa solitude, et, se livrant à toutes sortes d’austérités, ils se fortifièrent chacun davantage.

CHAPITRE L.

Chosroès est chargé de chaînes. La couronne passe à Vramschapouh son frère.

Sapor[209] était irrité contre Chosroès qui avait fait une alliance étroite avec Arcadius et avait installé Sahag le Grand sur le siège épiscopal; il lui fit adresser des reproches et des menaces. Chosroès répondit avec fierté et arrogance, et renvoya les ambassadeurs avec mépris. Aussitôt il conféra avec Arcadius qui, rompant la paix avec Sapor, fournit à Chosroès un secours militaire et plaça tout le pays sous son autorité. Cependant Sapor, à l’instigation des chefs, de nos races,[210] envoya aussitôt son fils Ardaschir avec une puissante armée en Arménie. Alors Arcadius refuse de se coaliser avec Chosroès, et celui-ci, ne trouvant d’assistance chez aucune nation étrangère, ne voyant pas non plus les moyens de résister ou de s’enfuir, se rendit auprès d’Ardaschir.

Ardaschir déposa Chosroès et mit à sa place son frère Vramschapouh;[211] il ne garda ni Sahag le Grand, ni aucun des satrapes institués par Chosroès; il les dépouilla tous de leurs honneurs, et ordonna d’user de la même rigueur envers ceux qui étaient dans la partie du pays soumise aux Grecs. Puis, ayant laissé en Arménie une armée considérable, il retourna à Ctésiphon (Dispon), à cause de la vieillesse de son père. Il emmena avec lui Chosroès, pour le faire enfermer dans la forteresse d’Anousch. Chosroès avait régné cinq ans. Il emmena aussi Kazavon dont il redoutait le courage, et ordonna que sa maison fût donnée à la couronne ainsi que celles de son frère Schavarsch et de Barkev Amadouni. Tous deux avec leurs troupes, au nombre de sept cents hommes, épiaient le moment opportun, pour attaquer la caravane[212] et délivrer leur roi Chosroès. Leur entreprise échoua parce que Chosroès avait les chaînes aux pieds. Dans un combat acharné périrent Schavarsch, Manuel fils de Barkev, et beaucoup d’autres avec eux. Barkev fait prisonnier fut conduit devant Ardaschir qui ordonna qu’on fit gonfler sa peau comme une vessie, afin de l’exposer continuellement aux regards de Chosroès.

CHAPITRE LI.

Sahag le Grand va à Ctésiphon et revient comblé d’honneurs et de présents.

Les premiers patriarches et pasteurs de ce pays furent saints et illustres; c’étaient vraiment des sources de lumière. Leur succession descend de fils en fils jusqu’à Sahag le Grand, en qui s’éteignit la ligne masculine. Il avait une fille nommée Sahaganouisch qui épousa Hamazasb Mamigonien. A la mort du brave chef des Arméniens, de Sahag commandant de la cavalerie, saint Sahag pria Chosroès, et, après la captivité de celui-ci, son frère Vramschapouh, de mettre Hamazasb à la place de Sahag. Mais Vramschapouh ne voulut pas le faire sans l’autorisation du roi des rois, se rappelant qu’à cause de faits analogues, son frère Chosroès avait beaucoup souffert. Alors saint Sahag, muni d’une lettre de Vramschapouh, et sur les instances de sa fille, alla en personne trouver Ardaschir roi de Perse, qui, après son père (dont le règne fut de soixante ans), occupa le trône pendant quatre ans.

Sahag est comblé d’honneurs par le roi de Perse; d’abord à cause de l’illustration de sa race, les Bahlaviens, puis encore parce que, devant les infidèles, Dieu montre que ses serviteurs sont dignes de respect et d’honneurs. Toutes les demandes de Sahag sont accordées : celle qu’il fait pour son gendre Hamazasb et celle qu’il adresse pour les individus restants des races qui ont été coupables envers Ardaschir, comme les Gamsarian et les Amadouni, et qui se tenaient cachés dans des lieux éloignés et inconnus. Saint Sahag implora pillé, selon le divin commandement, pour que les fils ne portassent pas la peine des pères. Du reste les pères, qui avaient commis la faute, sont morts à cause de leur coupable conduite. Ardaschir, en faisant grâce de la vie aux survivants, fit restituer à tous les deux leurs maisons confisquées; cependant il ne leur rendit pas les dignités de leurs pères; il les plaça dans un rang inférieur à celui des autres satrapes, dans la classe des derniers. Quant à la race d’Hamazasb qui est de la maison Mamigonienne, il l’élève au cinquième rang parmi les satrapes d’Arménie et fait consigner tous [ces actes] dans ses archives.

Deux règlements étaient observés d’ordinaire: à chaque renouvellement de règne, toute la monnaie qui était gardée dans le trésor royal était fondue, et on la frappait à l’effigie du nouveau roi; ensuite la rubrique des diplômes était modifiée et portait son nom avec une légère différence, sans abandonner cependant les anciennes formules. Si le roi occupait le trône pendant de longues années et faisait opérer une nouvelle révision des actes, on laissait de côté les changements survenus précédemment, pour n’écrire que le nom du nouveau roi. Ardaschir qui, dans sa courte existence, n’eut pas le temps d’ordonner une révision des actes, changea les formules de ses prédécesseurs, et voulut que tout fût rédigé en son nom.[213] Il accorda le rang et les honneurs de satrape à Hamazasb, avec la possession de villages et de domaines, parce qu’il ambitionnait le commandement de l’armée arménienne. Puis il adressa à notre roi Vramschapouh cet édit:

Lettre d’Ardaschir à Vramschapouh.

« Le plus brave des adorateurs d’Ormizt, Ardaschir, roi des rois, à mon frère Vramschapouh, roi des Arméniens, salut à toi!

J’ai reçu ta lettre relative à l’évêque Sahag; et je me suis rappelé les services de ses ancêtres qui étaient les chefs de la race de Sourên Pahlav et qui reconnurent la domination de mon ancêtre appelé comme moi Ardaschir. Ces chefs de race, qui l’affectionnaient comme s’il eut été un de leurs parents, non contents de combattre avec eux en Perse, vinrent de ce pays dans le vôtre pour tuer Chosroès ton ancêtre, et ils payèrent de leur sang le meurtre [qu’ils avaient commis]. Lorsque Tiridate eut perdu par suite d’une maladie le trône avec la vie, le fils du meurtrier, Grégoire, lui donna de nouveau ces biens en le guérissant. Il fut encore plus bienfaisant à votre égard. C’est pourquoi, avec notre agrément, tu établiras Hamazasb, fils adoptif de Sahag, comme commandant des troupes; tu donneras à sa race le cinquième rang parmi les satrapes, et les villages, avec les domaines octroyés par tes ancêtres à ses pères, retourneront à sa famille. De même pour les gens appartenant aux races coupables, tu leur rendras les maisons que nous leur avions confisquées, seulement tu ne les élèveras pas au rang qu’occupaient leurs pères. Telles sont les dispositions que nous avons fait consigner par écrit dans nos archives. Sois en santé! »

A peine Sahag le Grand était-il arrivé, et toutes les donations faites par le roi de Perse Ardaschir étaient-elles confirmées, qu’Ardaschir mourut et eut pour successeur Vram, surnommé Kirinan [schah] (German) qui régna dix ans. Il conserva les mêmes liens d’amitié avec Vramschapouh notre roi et avec Sahag le Grand, et la paix régna également entre Vram et Arcadius. Vramschapouh gouverna notre pays, étant vassal des deux rois et payant à chacun le tribut: Vram recevait celui de la partie du pays soumise à la Perse, et Arcadius celui de la partie soumise aux Grecs.[214]

CHAPITRE LII.

Des caractères [alphabétiques] de Daniel.

Dans ce temps-là, Arcadius tomba malade; d’horribles tremblements de terre, des incendies eurent lieu à Byzance, au sujet de Jean [Chrysostome] le Grand.[215] L’empire grec était dans la confusion, et les armées se battaient tantôt entre elles et tantôt contre les Perses. C’est pourquoi Vram ordonne à Vramschapouh, notre roi, d’entrer en Mésopotamie pour la pacifier, d’y mettre l’ordre, de faire une enquête, et d’assigner à chacun des procurateurs ses attributions.[216] Arrivé en Mésopotamie et ayant tout réglé, il éprouve de grandes difficultés pour trouver un secrétaire archiviste. Car, lorsque Mesrob eut quitté la Porte royale, il n’y avait plus d’habile secrétaire, et tous employaient les caractères perses. Alors se présente au roi un prêtre appelé Abel, qui promit de tracer pour la langue arménienne des caractères disposés par l’évêque Daniel, son parent. Le roi, sans se préoccuper de cela, étant revenu en Arménie, trouva réunis, auprès de Sahag le Grand et de Mesrob, les évêques occupés à chercher des caractères arméniens. Instruit par eux-mêmes de leurs désirs, le roi leur rapporte l’offre du cénobite. Aussitôt toute l’assemblée le pressa instamment de s’occuper d’une affaire aussi importante.

Alors le roi envoie de notre pays comme messager, à Abel, un homme honorable, son confident, de la race des Khatouni, appelé Vahridj, qui désirait beaucoup le succès de l’entreprise. Celui-ci emmena Abel et le conduisit avec lui auprès de Daniel qui l’avait instruit, et, après qu’on eut disposé selon l’ordre de l’alphabet grec les caractères anciennement inventés, ils allèrent les présenter à Sahag le Grand et à Mesrob. Ceux-ci apprirent ces caractères et, en peu d’années, des jeunes gens travaillèrent avec eux à cette lecture. Mais les docteurs reconnurent l’insuffisance de ces caractères, pour rendre exactement les syllabes des mots arméniens avec ce système graphique imparfait et emprunté [à d’autres alphabets].

CHAPITRE LIII.

Des caractères Mesrobiens révélés par la grâce divine.

Après cela, Mesrob, étant allé en Mésopotamie trouver Daniel avec ses disciples, sans mieux réussir que la première fois, passa à Edesse pour voir un certain Platon, rhéteur païen, qui était garde des archives. Celui-ci le reçut avec joie, et, s’étant pénétré à fond de tout ce qui concernait les locutions arméniennes, après beaucoup d’efforts infructueux, le rhéteur finit par avouer son impuissance. Il parla à Mesrob d’un homme fort instruit, appelé Epiphane, qui avait été son maître et qui s’en était allé, en emportant avec lui les livres de science de la bibliothèque d’Edesse, et avait embrassé la foi chrétienne : « Va vers lui, dit Platon à Mesrob, et il satisfera tes désirs. »

Alors Mesrob, avec le secours de l’évêque Babylas, se rend en Phénicie et arrive à Samos[ate]. Epiphane était mort, mais il avait laissé un disciple du nom Rufin (Hrophanos), habile dans l’art de la calligraphie grecque, qui était cénobite à Samos[ate]. Mesrob vint le trouver, et, sans tirer profit de cette démarche, il recourt à la prière. Alors il aperçoit non pas dans un songe pendant son sommeil, non pas le jour dans une vision, mais dans le secret de son cœur apparaître aux yeux de son esprit une main droite écrivant sur la pierre,[217] comme l’on voit marquées sur la neige les lignes les plus fines. Et non seulement cela lui apparut, mais toutes les particularités de l’apparition se rassemblèrent dans l’esprit de Mesrob, comme dans un vase. Ayant cessé de prier, Mesrob créa nos caractères avec Rufin qui traça aussitôt la forme des signes de Mesrob, en combinant les éléments arméniens d’après le mode des syllabes grecques. Aussitôt Mesrob se mit à traduire, en commençant judicieusement par les Proverbes, et il traduisit en entier, en arménien, les vingt-deux livres authentiques et le Nouveau Testament, avec l’aide de ses disciples Jean d’Eghéghiatz et Joseph de Baghin. En même temps, il enseignait avec eux l’art de l’écriture à ses disciples les plus jeunes.

CHAPITRE LIV.

Des caractères arméniens, géorgiens et aghouank.

Arcadius étant mort, son fils appelé Théodose le Jeune lui succéda. Il fut également l’ami de notre pays et du roi Vramschapouh; cependant Théodose ne lui confia pas la partie du territoire [qui était soumise aux Grecs], et il la fit gouverner par ses procurateurs. Il fit aussi amitié avec Iezdedjerd (Hazguerd) roi de Perse. En ce temps-là, Mesrob vint apporter les caractères de notre langue, et sur l’ordre de Vramschapouh et de Sahag le Grand, ayant réuni des enfants choisis, intelligents, à la prononciation nette, à la voix douce, ayant la respiration longue, il établit des écoles dans tous les cantons, et il instruisit toutes les contrées de la partie [du pays soumise] à la Perse, hormis [celle qui appartenait] aux Grecs, dont les habitants, soumis à la juridiction du siège de Césarée, devaient employer les lettres grecques et non syriennes.

Mesrob, étant arrivé dans le pays des Ibères, leur composa aussi un alphabet, par la grâce qu’il avait reçue d’en haut, en collaboration avec un certain Dehagaï, interprète du grec et de l’arménien, et avec la protection de leur roi Bacour (Pagour) et de leur évêque Moïse.[218] Mesrob choisit des enfants, les partage en deux classes et leur laisse pour maîtres Der de Khortzèn et Mousché de Daron, ses disciples.

Puis, Mesrob se rend dans le pays des Aghouank, auprès du roi de la contrée d’Arsvaghen et du chef des évêques Jérémie, qui, ayant agréé volontiers son enseignement, lui coulèrent des enfants choisis. Puis ils appelèrent un certain Benjamin, traducteur fort distingué, qu’envoya sans tarder le jeune Vasag, prince de Siounie, par l’entremise de son évêque Anania. Avec leur coopération, Mesrob créa les caractères de la langue des Karkarabé, langue gutturale, rauque, barbare, grossière et discordante.[219] Ayant laissé pour directeur un de ses élèves, Jonathan, et établi quelques prêtres à la Porte du roi, Mesrob vint trouver Sahag le Grand qui était occupé à traduire des livres syriaques, car les livres grecs manquaient. D’abord Méroujan avait fait brûler dans notre pays tous les livres grecs,[220] et, lors du partage de l’Arménie, les gouverneurs perses ne permettaient à personne, sur leur territoire, d’apprendre le grec, mais [ils autorisaient] seulement l’étude du syriaque.

CHAPITRE LV.

Chosroès règne pour la seconde fois, et après lui Sapor le Perse.

Vramschapouh, ayant régné vingt et un ans, mourut laissant un fils âgé de dix ans, appelé Ardaschès. Aussitôt Sahag le Grand se rendit à la Porte du roi des Perses, Iezdedjerd, pour réclamer Chosroès qui était dans les fers et qui, depuis la mort d’Ardaschir, était délivré de ses chaînes et gardé seulement à vue dans la forteresse d’Anousch, du temps de Vram. Iezdedjerd accueillit la requête, rendit à Chosroès le trône et le renvoya en Arménie.[221] Chosroès réclama Hrahad,[222] fils de Kazavon, qui, à la mort de son père, avait été tire de la forteresse d’Anousch[223] et exilé de là dans le Sakastan.[224] Mais Chosroès ne put voir Hrahad, car il ne régna pour la seconde fois que pendant un an.[225]

Après cela, Iezdedjerd donna pour roi aux Arméniens, non pas un prince de leur race, mais son fils Sapor,[226] avec l’intention perfide [de forcer] les satrapes à dire ainsi toujours en relation avec lui, au moyen de conversations, de présents réciproques, de festins et de chasses. [Il croyait] qu’il y aurait union par des alliances et des mariages, et qu’ainsi il pourrait les ramener au culte du mazdéisme et les détacher entièrement des Grecs. Il ignorait, l’insensé, que le Seigneur anéantit les pensées des païens, quoique peu s’en fallût qu’il ne réussit. En effet, Hamazasb était mort et Sahag était plongé dans le deuil; personne n’était plus à la tête des troupes arméniennes. Alors Sapor entra facilement dans notre pays, amenant avec lui Hrahad et tous les bannis.[227] Cependant il ne put gagner l’esprit des satrapes; tous le haïssaient, et, soit à la chasse, soit dans les jeux, personne ne lui rendait les honneurs dus à un roi.

Un jour, en poursuivant avec vigueur un troupeau d’onagres, il arriva qu’on se lança dans des endroits difficiles et rocailleux. Sapor se retirait, quand Adom Mogatzi, en le raillant, lui dit: « Va, fils du dieu des Perses, va, si tu es un homme! » Sapor répliqua: « Va toi-même, car c’est le fait des démons de s’aventurer au milieu des rochers. » Un autre jour, on chassait avec des torches allumées des sangliers dans les roseaux. Sapor n’osait pas s’aventurer dans le fourré, parce que le feu l’environnait de toutes parts, et, regardant de tous les côtés, il allait de droite et de gauche avec son cheval. « Fils du dieu des Perses, lui dit encore Adom, voici ton père et ton dieu; que crains-tu donc? — Cesse de railler, répartit Sapor, passe à travers le feu et je te suivrai par derrière, car mon cheval se cabre lorsqu’il passe le premier. » Adom railla encore Sapor, en disant: « Est-ce qu’il y aurait encore ici des pierres, qu’il me faut de nouveau passer le premier? Si donc tu appelles les Mogatzi, race de démons, je vous appellerai, vous autres Sassanides, des hommes efféminés. » Et Adom, éperonnant son cheval, passe comme dans une prairie en fleurs, à travers le feu, pour tirer Sapor d’embarras. Ensuite, ayant appris que Sapor ne lui pardonnerait pas ses railleries, Adom se rend dans le pays de Mog.

Une autre fois, en jouant au mail, il arrive par deux fois à Schavasb Ardzrouni d’enlever la balle à Sapor, et le roi, lui appliquant un coup de bâton, lui dit: « Apprends à te connaître. — Oui, je me reconnais, reprit Schavasb, je suis de race royale et du sang de Sanasar,[228] et j’ai le droit, avec tes frères, d’embrasser le coussin du roi, en raison même de mon nom. En proférant ces paroles pleines de mépris, Schavasb s’élança comme la foudre hors de l’hippodrome.

Enfin, une autre fois, au milieu des fêtes d’un festin, Chosroès Kartmanatzi, pris de vin, en présence de Sapor, montra un amour indécent et passionné pour une femme qui pinçait avec talent de la cithare. Sapor indigné ordonne de l’arrêter et de le garder dans la salle. Mais, mettant la main sur son épée, comme Tiridate Bagratide,[229] il traverse [la salle] et rentre chez lui. Nul d’entre les officiers du roi n’ose mettre la main sur lui, car on connaît déjà par expérience la valeur de Chosroès. C’est sur tes instances que j’ai été forcé de rapporter ces faits.

CHAPITRE LVI.

Evénements survenus après le départ de Sapor en Arménie. Anarchie après sa mort.

Sapor, ayant passé quatre ans sans gloire sur le trône d’Arménie, reçut la nouvelle de la maladie de son père et s’apprêta à partir. Il enjoignit au commandant qui était son lieutenant de réunir les grands d’Arménie et de les conduire en Perse. A peine Sapor fut-il arrivé à Ctésiphon qu’Iezdedjerd soit père mourut, après un règne de onze ans. Ce jour-là même, Sapor, surpris par les embûches des gens de la Porte, fut tué.[230] Alors les satrapes arméniens choisissent le brave et illustre Nersès Djidjragatzi, pour leur général, et avec leurs troupes ils livrent bataille à l’armée perse et la taillent en pièces; Abersam Sbantouni tue leur commandant. Chacun s’en va de son côté, maître de lui-même, et cherche, par la fuite, un refuge dans les montagnes et les rochers. Les habitants de Vanant se distinguent par un courage héroïque. Ainsi déchiré par des discordes et des collisions, notre pays reste pendant trois ans[231] livré à l’anarchie, à la désolation et à la ruine.[232] Alors les impôts ne rentraient plus dans le trésor royal, les chemins publics étaient coupés, et toute l’organisation intérieure était bouleversée et détruite.

En ce temps-là, Vram II était assis sur le trône de Perse, et il chercha à tirer vengeance de notre pays. Il fit la paix avec les Grecs et respecta la partie du pays qui leur appartenait.

CHAPITRE LVII.

Mesrob envoyé à Byzance. — Copie de cinq lettres.

Sahag le Grand, voyant tous les malheurs arrivés dans la partie [de notre pays appartenant à la] Perse, se transporta à l’occident de l’Arménie, dans la partie qui dépendait des Grecs; mais il n’y fut pas reçu selon son mérite. En conséquence, il envoie Mesrob et Vartan son neveu, à Byzance, auprès de l’empereur Théodose, avec une lettre ainsi conçue

Lettre de Sahag à Théodose.

« Au pacifique empereur, mon seigneur Théodose Auguste, Sahag, évêque des Arméniens, salut dans le Seigneur. Je sais que le bruit de nos infortunes est parvenu aux oreilles compatissantes de ta majesté. Aussi, plein d’espoir dans ta bienfaisance miséricordieuse, je suis venu me réfugier à tes pieds; je n’ai pas trouvé d’accueil dans ma juridiction, d’après l’ordre prohibitif de ceux qui gouvernent. Ils nous haïssent tellement qu’ils n’ont pas accepté les caractères [arméniens] que leur a portés l’homme que j’ai envoyé à ta bienfaisance, après qu’il eut souffert beaucoup de tribulations en Syrie. Qu’il plaise à ta majesté de ne pas nous laisser sans autorité dans notre juridiction, et d’ordonner qu’ils nous reçoivent et qu’ils acceptent notre enseignement. Sois en santé. »

Sahag écrit la lettre suivante à l’évêque de la ville impériale:

Lettre de Sahag à Atticus.

« Sahag, évêque des Arméniens, à notre docteur Atticus, évêque de la Porte très fréquentée; salut et bénédiction !

Espérant en ta sainteté, j’ai envoyé le docteur de notre pays, Mesrob, et mon neveu Vartan, afin que tu apprennes d’eux nos infortunes, que tu intercèdes auprès du grand empereur et que tu nous sauves véritablement comme un frère bien-aimé. Sois en santé. »

Sahag écrit également au général Anatole cette lettre:

Lettre de Sahag à Anatole.[233]

« Sahag, évêque des Arméniens, au brave général Anatole, salut!

Je rends grâces à Dieu de ce qu’il t’a donné à nous pour être notre refuge. Aussi je te fais savoir que, cherchant quelque expédient dans notre détresse, j’ai envoyé notre docteur Mesrob et mon neveu Vartan à la Porte impériale, et je prie ta bravoure de faciliter leur voyage. Sois en santé! »

En voyant cette lettre, Anatole, qui se rappelait la réputation bien connue de Mesrob, fit aux envoyés un très bon accueil. Ayant informé l’empereur [de leur venue] par un messager et une lettre, il en reçut l’ordre de les envoyer sans retard et avec de grands honneurs. Puis, gardant à Mélitène les nombreux disciples que Mesrob avait emmenés avec Léon leur chef, Anatole les laisse auprès de l’évêque Acacius. Ensuite, ayant pris Mesrob et Vartan, il les confie à Knith évêque de Terdchan,[234] et les reconduit avec de grands honneurs. Mesrob et Vartan, entrèrent à Byzance et furent présentés de suite au grand empereur, dont ils obtinrent beaucoup plus qu’ils n’espéraient. Enfin ils s’en retournèrent avec une lettre ainsi conçue:

Lettre de Théodose à Sahag.

« L’empereur Théodose, Auguste et César des Romains, à Sahag le Grand, évêque, salut.

« Ayant daigné voir tes lettres, nous avons appris ce que tu as écrit et nous t’avons fait beaucoup de reproches de ce que tu t’es dévoué de tout cœur à un roi païen, et tu n’as pas même daigné par lettres te faire connaître à nous. Nous te blâmons encore davantage de ce que, dédaignant les savants qui sont dans notre ville, tu t’es adressé à certains Syriens pour obtenir des inventions scientifiques. C’est pourquoi il nous a plu de voir nos sujets rejeter ton enseignement. Mais, quand ensuite Mesrob nous a raconté que l’exécution de sa découverte était due à la grâce d’en haut, nous avons écrit qu’ils eussent à apprendre aussitôt ce tu enseignais, qu’ils t’accueillissent avec respect comme leur véritable maître, comme cela a lieu pour l’archevêque de Césarée, et que les provisions et les dépenses soient payées par le trésor. Nous avons encore ordonné de bâtir une ville dans votre pays d’Arménie pour servir de résidence à vous et à nos troupes; et, comme faveur, nous avons nommé général Vartan, fils de ton fils adoptif, et fait inscrire Mesrob parmi les premiers docteurs. Sois en santé! »

Le grand évêque Atticus lui écrivit aussi en ces termes :

Lettre d’Atticus à Sahag.

« Atticus, évêque indépendant[235] de Constantinople, à mon cher frère et collègue Sahag, évêque des Arméniens, salut dans le Seigneur!

« Nous rendons grâces à Dieu au sujet de ta bonne renommée parmi des nations aussi barbares, mais nous te blâmons de ne pas t’être rappelé plus tôt l’amitié de Grégoire et de Nersès, tes pères, pour nous. Nous nous étonnons encore davantage de ce que tu as négligé la source de l’Eglise, saint Jean notre père, par qui, non seulement cette métropole de l’univers, mais encore tous les chrétiens et le monde entier ont été enseignés, ce qui l’a fait surnommer Chrysostome. Sans vous arrêter à lui, vous avez voulu étancher votre soif à des eaux bourbeuses; mais enfin le Tout-Puissant, à la vue de tous ces vains efforts, fit pleuvoir sur vous les grâces du Saint-Esprit, ce dont nous nous réjouissons aujourd’hui. Ainsi donc, d’après l’ordre de l’auguste empereur, il t’est accordé d’enseigner sur la partie [de l’Arménie qui] nous [appartient], et de convaincre ou d’expulser hors de ta juridiction la secte des Borborides.[236] En ce qui concerne Mesrob ton envoyé, nous l’avons ordonné prédicateur (egghésiastikos). »

CHAPITRE LVIII.

Instruction répandue dans la partie occidentale de notre pays. —Tranquillité générale. —Règne d’Ardaschir.

A leur arrivée, Mesrob et le commandant Vartan trouvèrent le général Anatole parvenu aux frontières de notre pays. Anatole, ayant reçu l’ordre royal, mena à bonne fin les affaires, avec encore plus de zèle et de bonne volonté. Les princes, [les procurateurs[237]], les grands et tous les notables du pays se réunirent avec toute la classe sacerdotale, de bon gré, comme s’ils étaient convoqués par la voix de Dieu. Alors, se mettant immédiatement à enseigner cette multitude, les docteurs instruisirent en peu de temps la contrée d’Occident, comme ils l’avaient fait déjà pour celle d’Orient.

Des messagers envoyés alors au nom de beaucoup de satrapes, près de Sahag le Grand, le sollicitaient de venir au milieu d’eux, et de les réunir tous en corps de confédération. Car le roi des Perses, Vram, savait bien que sans les satrapes d’Arménie, il ne pouvait pas posséder le pays, et il engagea des pourparlers avec Sempad commandant de la cavalerie, pour aviser à un accommodement. C’est pourquoi Sahag laisse Mesrob pour instruire les contrées occidentales, et lui confie ses neveux Hemaïag et Hamazasbian, fils du commandant Vartan. Il ordonne de bien examiner la secte criminelle des Borborides, et si, ni par la douceur, ni par la rigueur, ils n’abandonnent pas leurs erreurs, d’employer les supplices, afin que des offenses vengent des offenses, et qu’une mort justement infligée au corps stigmatise la mort injuste des âmes. Ensuite Sahag se rend dans la province d’Ararat, convoque toutes les races satrapales, et envoie le commandant de la cavalerie Sempad et le général Vartan, son petit-fils, à la cour du roi des Perses.[238]

Ce prince, ayant conclu la paix, signe un édit revêtu de son sceau qui accorde l’amnistie, et, à la demande des satrapes, il institue comme roi Ardaschès, fils de Vramschapouh, dont il change le nom en l’appelant Ardaschir, et il lui confie le pays d’Arménie, sans y envoyer un préfet perse. Ardaschir régna six ans.[239]

CHAPITRE LIX.

Construction de la ville de Garin, appelée Théodosiopolis.

Le général Anatole, ayant reçu l’ordre impérial, vient dans notre pays; il traverse beaucoup de nos provinces et veut construire dans le canton de Garin,[240] comme étant le centre du pays, une ville sur un terrain productif, fertile et riche en eaux. Comme centre du pays, ce lieu n’est pas très éloigné de l’endroit où jaillissent les sources d’une partie de l’Euphrate,[241] qui dans leur cours paisible se grossissent comme un vaste marais ou une mer.[242] Il y avait une grande quantité de poissons et une grande variété d’oiseaux, et les habitants se nourrissaient exclusivement de leurs œufs. Sur les bords de ce marais on trouve quantité de joncs et de roseaux. Les plaines produisent des herbes et des fruits à semence. Les montagnes sont remplies d’animaux au pied fourchu et ruminants. Les troupeaux se multiplient, sont de grande espèce et très forts, et s’engraissent merveilleusement.

Au pied de cette agréable montagne,[243] on trouve quantité de sources limpides. C’est cet endroit qu’Anatole choisit, pour fonder la ville, il l’entoura d’un large fossé, jeta les fondations des murailles à une grande profondeur, et il éleva sur les remparts des tours hautes et formidables, dont la première fut nommée Théodosie, en l’honneur de Théodose. Plus loin il construisit d’autres tours pointues en forme de proues de navires et creusa des passages en face de la montagne. Il fit la même chose sur le côté de la plaine qui regarde le nord; et du côté de l’est, ainsi que du côté de l’ouest, il construisit des tours de forme circulaire. Au milieu de la ville, sur une éminence, il bâtit de nombreux magasins, et il appela cet endroit Augusteum, en l’honneur d’Auguste. Il amena les eaux sur différents points, par des canaux souterrains. Il remplit d’armes et de troupes la ville, afin de la défendre et il lui donna le nom de Théodosiopolis, afin que le nom de la ville immortalisât celui de Théodose. Enfin Anatole éleva des édifices en pierre de taille sur les sources thermales.[244]

CHAPITRE LX.

Mesrob évangélise de nouveau le pays. Voyage des traducteurs à Byzance.

Mesrob, fixé dans le désert et dans des lieux inhabités et boisés, appelés Schaghkomkh, complète l’instruction des masses; car ce n’était pas un art qu’il enseignait, mais c’était un souffle qu’il donnait à ses disciples, à la manière des apôtres. Puis, laissant comme directeurs quelques-uns de ses disciples, Léon et Énoch à Sber, à Terdchan leur évêque Knit, Tanan à Eghéghiatz, Mesrob s’en alla en Ararat, en passant par le canton de Koghtèn, son premier séjour.

Là une racine amère de la secte païenne s’était propagée depuis l’époque de l’anarchie, et elle s’était manifestée et étendue de nouveau. Le bienheureux l’ayant complètement extirpée, avec raide de Kid digne fils de Schapith prince du canton, apprend que les instigateurs de ces faux docteurs sont dans les contrées de Paghassagan;[245] il vient sur les lieux, en ramène plusieurs à la saine croyance et chasse les plus obstinés qui restent dans le pays des Huns. Mesrob, confiant l’instruction de cette contrée à l’évêque appelé Mousché, retourne au vallon de Kartman, où il a appris que se trouvent encore des sectaires. Mesrob les découvre, les amène à la connaissance de la vérité, et convertit également le prince de Kartman appelé Khours. Le pteschkh des Koukaratzi, Aschouscha,[246] invita aussi Mesrob à venir au canton de Daschir, dans ses domaines, dans le même but. Arrivé dans ce pays, Mesrob instruit les habitants qui se montrèrent plus disposés et plus fermes dans la doctrine que tous ses autres disciples. En ce temps-là, Artzil était roi des Ibères.

Puis Mesrob et Sahag le Grand, ayant rappelé les mêmes disciples, Joseph[247] et son compagnon du village de Goghp, appelé Eznig, ils les envoient de la Mésopotamie dans la ville d’Edesse, pour rapporter promptement des traductions en notre langue de tous les livres qu’ils pourraient trouver des premiers saints Pères, afin qu’après cela ils les fassent partir pour Byzance, en vue de s’occuper du même travail. Ceux-ci, d’après des lettres mensongères de quelques fourbes, qui leur disent que Sahag le Grand et Mesrob sont disposés à envoyer d’autres disciples à Byzance, s’y rendent sans retard et sans en avoir reçu l’ordre de leurs docteurs, car ils étaient avides de la saine doctrine. Devenus habiles dans les lettres grecques, ils s’adonnèrent à traduire et à écrire. Mais, poussés par l’envie, leurs compagnons et leurs condisciples, appelés Léon et Gorioun, se rendirent spontanément à Byzance. Puis arrivèrent également Jean et Artzan envoyés aussi par Sahag le Grand et Mesrob. Comme Ils voyageaient doucement, ils s’arrêtèrent pour se reposer à Césarée. Tous avaient reçu un accueil empressé de Maximien, évêque de Byzance.[248]

CHAPITRE LXI.

Du concile tenu à Ephèse à l’occasion de l’impie Nestorius.

Vers le même temps, l’impie Nestorius, indignement assis sur le siège épiscopal de Byzance, et suivant les enseignements des Juifs, blasphémait que la très sainte Vierge était mère d’un homme et non de Dieu. Car l’enfant né de la Vierge ayant eu un commencement, était, disait-il, un fils de Marie créé par la grâce et différent de l’autre fils né du père et préexistant; de cette manière il y avait deux fils, et la Trinité devenait Quatrinité. C’est pourquoi, en vue d’examiner la Sainte-Ecriture,[249] se réunirent en Asie, à Éphèse, ville maritime,[250] les saints Pères, Célestin de Rome,[251] Cyrille d’Alexandrie, Juvénal de Jérusalem, Jean d’Antioche, Memnon d’Éphèse, Paul d’Émèse, Théodote d’Ancyre, et beaucoup d’autres au nombre de deux cents. Ils anathématisèrent Nestorius, confessèrent que Notre-Seigneur Jésus-Christ était le Fils unique de Dieu, et que la très sainte Vierge Marie était la mère de Dieu.

Sahag le Grand et Mesrob n’assistèrent pas au concile; mais Cyrille d’Alexandrie, Proclus de Constantinople[252] et Acacius de Mélitène, leur écrivirent pour les avertir que quelques disciples des hérétiques, emportant les écrits de Théodore de Mopsueste, maître de Nestorius et disciple de Diodore [de Tarse], s’étaient rendus en Arménie. Puis nos traducteurs, dont nous avons déjà donné les noms, vinrent trouver Sahag le Grand et Mesrob à Aschdischad de Daron, et leur remirent les lettres et les canons du concile d’Éphèse, contenus en six chapitres; enfinn des copies authentiques des Livres-Saints.

Sahag le Grand et Mesrob, ayant reçu ces livres, traduisirent de nouveau ceux qui avaient été déjà traduits [du syriaque], et ils formèrent promptement avec leurs disciples une composition toute nouvelle;[253] mais, comme ces traducteurs ignoraient notre méthode, leur travail fut trouvé défectueux en beaucoup de points. C’est pourquoi Sahag le Grand et Mesrob nous envoyèrent à Alexandrie, pour étudier la langue savante et nous initier à la science philologique.

CHAPITRE LXII.

Des docteurs. De l’auteur et de son voyage d’instruction, avec une comparaison tirée de système céleste.

Les philosophes et les observateurs, dans leurs infatigables recherches touchant les sciences mathématiques, disent que les astres reçoivent leur éclat de la lune et que la lune emprunte sa lumière au soleil, et que le soleil lui-même [tire son éclat] du ciel lumineux; que la lumière de l’éther se partage en deux zones, dont chacune, par le moyen du soleil, se tempère ou se propage selon le lieu, le degré et le temps. De même, nous aussi, illuminés par l’effusion continuelle des rayons invisibles de nos pères spirituels, en parcourant les régions du midi, nous sommes parvenus à la ville d’Édesse; en naviguant légèrement sur les abîmes des archives, nous sommes arrivés aux lieux saints pour adorer et nous raffermir dans les doctrines de la Palestine.

Puis, avec la même rapidité, nous sommes entrés en Egypte, dans ce pays si fameux, exempt des excès du froid et de la chaleur, garanti contre les inondations et la sécheresse, situé dans la plus belle partie de la terre, produisant en abondance toutes sortes de fruits, et auquel le Nil sert de murailles non construites de main d’homme; le Nilu qui non seulement la protège, mais lui fournit encore toutes les denrées, et qui par ses canaux est l’arbitre et le dispensateur de la chaleur et de l’humidité pour la culture de la terre. Tout ce que le sol ne peut produire, le fleuve le fournit en abondance; il fait du pays une île fertile, car il environne la terre de ses eaux qui s’écoulent par les branches de douze canaux. Là est construite avec un art admirable la grande ville d’Alexandrie, dans un climat excellent, entre la mer et un lac artificiel. Ce qui cause la douce température de l’air, c’est que des bouches du lac qui se dirigent dans la mer et de celles qui viennent de la mer, qui est proche, s’échappe un souffle presque continuel, qui est léger lorsqu’il est apporté par la mer, et épais lorsqu’il vient du lac. Ces souffles, qui se confondent, raffermissent et consolident la vie.

Aujourd’hui le premier du pays n’est plus ce Pluton aux cinq têtes qui enveloppait l’immensité du monde,[254] c’est Marc proclamant l’Evangile. On ne voit plus les tombeaux des descendants, du dragon, mais les églises des saints martyrs resplendissent. On ne célèbre plus le 25e jour du mois de tubi (doupi), cette fête insensée où l’on couronnait des bêtes de somme, où l’on adorait des serpents et où l’on distribuait des épis de blé (?);[255] mais le 11e jour de ce même mois de tubi, on célèbre la fête de l’Epiphanie, ou on loue les victorieux athlètes de la foi et où on accorde l’hospitalité aux étrangers et des aumônes aux pauvres. On ne sacrifie plus à l’infâme démon Sérapis, mais on offre en sacrifice le sang du Christ. On n’interroge plus les oracles de Protée le chef des enfers; on apprend toute la sagesse d’un nouveau Platon,[256] je veux dire de ce docteur dont je ne me suis pas trouvé digne d’être le disciple; mais je me suis, par des exercices multipliés approprié la science et je l’ai cultivée.

En naviguant du côté de la Grèce, nous avons été poussé par des vents contraires en Italie. Là, nous avons salué la terre où reposent les saints Pierre et Paul, sans trop nous arrêter dans la ville des Romains, et, gagnant la Grèce pour venir en Attique, nous sommes restés un temps assez court à Athènes. A la fin de l’hiver, nous nous sommes dirigé vers Byzance, désireux de rentrer dans notre patrie.

CHAPITRE LXIII.

Déplorable coalition des Arméniens, méditant leur propre perte.

Le roi d’Arménie Ardaschir se plongea éperdument dans le gouffre des voluptés, et tous les satrapes s’éloignèrent de lui. Ils vinrent trouver Sahag le Grand et se plaignirent à lui, en le suppliant de venir à leur secours, de dénoncer Ardaschir auprès du roi des Perses, pour qu’il détrônât leur roi et qu’il mit un Perse à la tête de leur pays. Mais Sahag dit : « Je sais que vous n’êtes pas des fourbes, car j’ai entendu parler des incroyables folies d’Ardaschir, et plusieurs fois je l’ai réprimandé et il a abjuré ses torts. Or il faut encore supporter avec patience les défauts du roi, jusqu’à ce que nous puissions arranger cette affaire avec l’empereur des Grecs, Théodose, pour ne pas exposer Ardaschir à la risée et aux moqueries des infidèles. »

Les satrapes n’acceptaient point [ce détail] et ils tentaient d’amener Sahag à partager leur avis; mais il répondit: « Dieu me garde de livrer à des loups ma brebis égarée, de ne point la soigner lorsqu’elle est blessée ou malade, et de la précipiter dans l’abîme. S’il fallait traiter avec un roi de notre foi, je le ferais sans hésiter, dans l’espérance de relever le malheureux; mais, avec des païens, j’aggraverais sa ruine et je refuse, car il est dit: Ne livre pas aux bêtes celui qui te confesse.[257] Bien qu’Ardaschir soit adonné à tous les vices, il a été marqué du sceau du baptême; il est débauché, mais c’est un chrétien. Son corps est souillé, mais son âme a gardé sa foi; il est dissolu, mais il n’est pas un adorateur du feu. Il est sans défense devant les femmes, mais il n’est pas l’esclave des éléments. Et comment pourrait-il me venir à l’esprit de changer ma brebis souffrante contre une bête vigoureuse, dont la santé même serait un fléau pour nous? »

Les satrapes, réfléchissant que ces paroles cachent peut-être une ruse pour les arrêter, et donner au roi le temps d’être averti, dirent tous: « Puisque tu n’as pas voulu, d’accord avec nous, lui ôter la couronne, nous ne voulons plus de toi pour notre pontife. » Tous alors, ligués ensemble, se rendirent auprès du roi des Perses, Vram, avec Sourmag d’Ardzgué,[258] prêtre vaniteux, pour accuser leur roi Ardaschir et Sahag le Grand de pencher du côté des Grecs.[259]

CHAPITRE LXIV.

Destruction volontaire du royaume d’Arménie. —Avilissement du siège patriarcal.

Alors Vram, roi des Perses, manda à la Porte le roi d’Arménie Ardaschir et Sahag le Grand. Les satrapes forcèrent ce dernier à accuser Ardaschir; mais il refusa de parler en bien ou en mal. Vram ordonne au général des Arik, appelé Sourên Bahlav, de gagner Sahag, son parent, par des paroles d’amitié. Sourên, usant de tous les moyens d’exhortation, dit: « Tu es mon propre sang, mon frère, et je te veux du bien. Si tu veux te réunir avec les satrapes, tu seras comblé d’honneurs par le roi des Perses, qui établira ton neveu Vartan chef des Arméniens, avec un rang égal au rang et à la dignité d’un roi. » Mais Sahag refusa, disant : « Comment, pour une vaine gloire et par amour de la puissance, dire du mal de mon compagnon? Et que signifie cette proposition de renverser Ardaschir? Je ne découvre chez lui aucun désir de se révolter. Si c’est à cause de sa conduite dissolue qu’on l’accuse, il mérite au contraire d’être considéré chez vous selon vos lois impures, quoique notre loi le condamne. Mais ne comptez plus entendre de moi une seule parole. »

Cependant Vram, très irrité, faisant examiner l’affaire dans le grand tribunal, et sans prêter l’oreille aux paroles d’Ardaschir, écoutait avec complaisance ses délateurs, et principalement les paroles insolentes de Sourmag, auquel les satrapes, dans leur haine violente, avaient promis le siège pontifical. Aussi Sourmag, dans son propre intérêt, fit de sa langue une épée meurtrière. Alors Vram enlève sa couronne à Ardaschir, l’emprisonne dans ses propres Etats et confisque tous les domaines de sa race. Puis voici comment il traita Sahag le Grand; il affecta la maison du patriarcat au domaine royal et installa à sa place Sourmag sur le siège pontifical d’Arménie.[260] Il combla de richesses les satrapes et les renvoya accompagnés d’un marzban[261] persan nommé Veh-Mihr-Schabouh.[262] Cependant Sourmag n’occupa pas le siège plus d’un an, et il en fut chassé par les satrapes eux-mêmes. Ensuite il obtint du roi de Perse, pour lui et sa race, l’évêché de son canton de Peznouni. Nos satrapes demandèrent alors à Vram un autre pasteur, et il leur donna un Syrien du nom de Perkhischo.[263] Arrivé avec ses compagnons de débauche et avec des femmes, pour tenir sa maison,[264] Perkhischo, par des dépenses superflues et immodérées, en extorquant les diocèses des [évêques] qui mouraient, se maintint durant trois ans. Les satrapes, ne pouvant plus le tolérer, supplièrent de nouveau Vram de le changer et de leur donner un autre pontife de leur religion. La moitié des satrapes redemande alors Sahag le Grand.[265]

CHAPITRE LXV.

Départ de la Perse de Sahag le Grand, mec son assesseur Samuel.

Les satrapes arméniens, comme il est dit, étaient divisés en deux partis. Des deux côtés on envoya demander au roi de Perse un pasteur: Vatché, seigneur des Ardzrouni, et Hemaïag, seigneur d’Aschotz,[266] [furent chargés de demander telle personne qui conviendrait au roi; d’autre part, Manèdj, seigneur des Abahowu, et Sbantarad, seigneur des Ardzrouni, réclamèrent Sahag le Grand. Le général des Grecs, Anatole, lui aussi, envoie de Garin, Havoug de Gougaïaridj,[267] [pour dire au roi] que, s’il ne lui est pas agréable d’avoir [Sahag] dans la partie du pays qui lui appartient, il le donne à la partie de l’Arménie dépendant des Grecs. La majorité des évêques avec le bienheureux Mesrob et tout le clergé envoyèrent, avec une supplique, le prêtre Diroug, fils de Movsisig, de Zarischad [dans le canton] de Vanant. Vram consentit et donna satisfaction aux deux partis, en nommant à la dignité pontificale, un autre Syrien appelé Samuel (Schmouel),[268] qui, par son rang et sa dignité, sera le rival de Sahag le Grand. Il lui ordonne d’assister le marzban, de veiller à la répartition des impôts fixes, aux jugements et aux autres affaires temporelles. Quant à Sahag le Grand, le roi, en le renvoyant, lui laisse quelques villages de sa maison pour s’y fixer, avec le seul pouvoir d’enseigner la religion et de consacrer les ecclésiastiques que Samuel lui désignera.

Cependant, avant de le laisser partir, Vram fait venir Sahag en sa présence, au milieu d’une nombreuse assistance, et lui dit : « Je veux que tu jures par ta foi de demeurer fidèle à notre service, de ne point méditer de projets séditieux, de ne pas t’associer à la fausse communion de la foi des Grecs, pour ne point nous fournir l’occasion de ruiner l’Arménie et de faire changer notre nom bienfaisant en un nom exterminateur. » Alors Sahag le Grand, debout, le visage calme et plein de sérénité comme il convient à ce genre de discours faits en public, le regard modeste et d’une voix plus modeste encore, se mit à énumérer ses services, l’ingratitude de ses ouailles, leur reprochant la douceur hypocrite de leurs paroles, l’amertume de leurs pensées et la perfidie de leurs actions. En outre, il combat les paroles blasphématoires proférées par Vram qui dit que la communion de la même foi est une fausseté; il montre le néant de leur culte et termine par une admirable démonstration de la vraie foi, autant qu’il pouvait le faire pour des oreilles païennes. Il ne jette pas toute la splendeur de ses paroles, comme une perle aux pieds des pourceaux; mais telle est la foudre de son discours qu’il réduit en poussière la langue des mages. Le roi lui-même stupéfait est frappé d’effroi, et toute la multitude de l’assemblée des Perses l’écoutait debout sur la pointe des pieds. Enfin Vram fit donner à Sahag une grande somme d’argent pour prix de son éloquence et du courage [qu’il avait montré] en parlant si franchement en présence d’un si grand roi.

Toutefois Sahag refuse le présent et dit à son parent Sourên Bahlav : « Qu’il garde son argent, et engage-le seulement à m’accorder deux choses : que le rang des satrapes d’Arménie, tel qu’il fut réglé par Ardaschir[269] et tel qu’il s’est maintenu jusqu’à ce jour, soit réglé par lui de la même manière, pour que les marzban perses ne puissent faire que des rapports sincères et ne rien changer selon leur caprice; ensuite que Vram restitue les biens de mon parent, qui est aussi le tien, le jeune Kazavon, fils de Hrahad. Car, s’il ne l’a pas replacé dans son rang par haine du nom arsacide, au moins qu’il le mette dans sa caste, qu’il le compte au nombre des satrapes dans quelle place il voudra, — comme il l’a fait pour la race des Gamsarian ou celle des Amadouni, déchues de la gloire de leurs pères et précipitées des hautes régions de leur dignité; — ou bien qu’il confie l’administration royale du pays à Kazavon et à ses fils, avec une égale confiance, jusqu’à ce que Dieu, devenu favorable, daigne lui rendre le rang de ses pères par l’entremise d’un roi quelconque. Efforce-toi donc de décider Vram, à la manière d’un habile enchanteur. »

Vram consent et ordonne qu’on satisfasse sans retard aux demandes de Sahag; puis il rétablit son neveu, le commandant Vartan, dans les possessions de la race mamigonienne et le renvoie en Arménie.[270]

Mais, s quelques-uns disent qu’il nous fallait rappeler tout ce qu’a dit Sahag le Grand dans le discours qu’il pronoria devant l’assemblée des Perses, qu’ils sachent que personne n’est venu rapporter à nos oreilles ce discours tout entier avec exactitude; que dès lors nous ne pouvons consentir à le reproduire dans cette histoire. Car je suis vieux et malade, toujours occupé à traduire; j’ai pris soin de me presser, sans penser à châtier mon style, afin que ton désir soit satisfait et que je puisse accomplir la tâche que tes instances et tes prières mont imposée. Je crois que tu es un homme égal à nous pour les souffrances ordinaires et non pas, comme disent les poètes, que les princes sont des proches parents de la race et du sang des dieux.

CHAPITRE LXVI.

Conduite de Samuel, collègue indigne de Sahag le Grand.

Samuel arriva et occupa le siège épiscopal il adopta les habitudes de rapacité de Perkhischo, et le surpassa même. Car, de même que ce dernier, il extorquait les revenus des évêques morts et même ceux des vivants. Il ne permettait pas à Sahag le Grand de consacrer les successeurs des morts, et, cherchant de futiles prétextes aux vivants, en les accusant d’empêcher la rentrée des impôts royaux, il chassait et s’appropriait les maisons de chacun d’eux. C’est pourquoi, odieux à tous les évêques, Samuel était très méprisé. Bien qu’ils eussent enduré de lui mille maux, personne ne le voyait, excepté Sourmag dont il augmenta les revenus en vertu d’un ordre royal, et, ce qu’il extorquait aux autres, il le lui donnait. Les autres évêques, poussés par la jalousie, en firent aussi autant et demandèrent l’autorisation du roi des Perses, avec l’assistance de chacun de leurs princes.

Cependant Sahag le Grand ne cessait de répandre le lait spirituel sur les enfants de l’Eglise, ainsi que Mesrob qu’il avait préposé aux soins de l’Église métropolitaine de Vagharschabad; car pour lui il se fixa au canton de Pakrévant, à l’endroit où apparut une clarté lumineuse du haut du ciel, quand saint Grégoire baptisa le roi Tiridate et tous les Arméniens.[271]

Après cela, Samuel, ayant vécu cinq ans, mourut dans notre pays. Alors tous les satrapes réunis allèrent trouver Sahag le Grand, et, confessant leur faute, ils le supplièrent de remonter sur son siège. Ils promirent d’obtenir du roi des Perses la confirmation, et, par un acte scellé d’eux tous, de donner la même dignité à ses neveux dans leurs descendances. Sahag refusa; mais, pressé par leurs instantes prières, il raconta la vision qu’il avait eue longtemps auparavant, pendant un songe, et qui lui avait révélé l’avenir.[272] Ayant entendu ce récit, les satrapes, voyant que, par l’ordre divin, le pontificat sortirait de la race de Sahag, fondirent en larmes, et se lamentèrent selon cette parole de l’Evangile Il faut que le scandale arrive, mais malheur à ceux par qui arrivera le scandale;[273] et ils le laissèrent tranquille.[274]

CHAPITRE LXVII.

Mort de Sahag le Grand et du bienheureux Mesrob.

Vram II, ayant régné en Perse vingt et un ans,[275] meurt en laissant le pouvoir à Iezdedjerd son fils.[276] Celui-ci, méconnaissant la paix dès qu’il fut sur le trône,[277] fond sur l’armée grecque qui était à Medzpin et ordonne aux forces de l’Adherbadagan de se porter sur notre pays. Ces troupes accoururent par bandes et campèrent près du bourg de Pakavan.

Alors survint la maladie mortelle [qui emporta] Sahag le Grand. Ses disciples le transportèrent dans le village de Pelour,[278] comme en un endroit caché et à l’abri des incursions des Perses leurs persécuteurs. Là, il mourut après cinquante et un ans de son pontificat, qui avait commencé la troisième année du règne de Chosroès, dernier roi d’Arménie, [et avait duré] jusqu’au commencement de la deuxième année de Iezdedjerd, roi de Perse, à la fin du mois de navassart, le jour anniversaire de sa naissance. Né mortel, il laissa une mémoire immortelle. Il honora l’image [divine], adora celui qui l’avait invité [au banquet évangélique?], et ne fit que changer de vie. Sa conduite fut toujours la même, de sorte qu’on n’y trouva aucune tache causée ou par la vieillesse ou par la maladie, Il nous faudrait, en termes magnifiques et sublimes, célébrer les louanges de ce père; mais, de peur que la longueur de notre discours ne fatigue le lecteur, nous nous réserverons de le faire dans une autre occasion et dans un autre temps; car nous nous sommes propose dès le commencement de traiter ce sujet.[279]

Quant au corps vénérable de Sahag, le chef le ses diacres, Jérémie, avec ses condisciples et la princesse des Mamigoniens sa nièce, appelée Tesdrig, épouse du commandant Vartan, allèrent le déposer dans leur village d’Aschdischad, qui se trouve dans le district de Daron. Les disciples de saint Sahag, religieux spoudes, dispersés chacun dans leurs cantons, bâtirent des couvents et y rassemblèrent des frères.

Six mois après, le treizième jour de méhégan[280] mourut également, dans la ville de Vagharschabad, le bienheureux Mesrob, qui surpassait en vertu ses contemporains les plus vertueux. Jamais l’orgueil ou la flatterie ne trouvèrent place dans sa vie; il était doux et bienveillant, occupé à faire le bien, et se montrait à tous orné des qualités célestes. Son aspect était angélique; son esprit était fécond, il était doué d’une éloquence sublime, d’une constante persévérance, sa stature était noble, sa contenance digne, il était d’un bon conseil, sa foi était droite, il vivait dans l’espérance, son amour était sincère, et son enseignement lumineux. Je ne suffirais pas à énumérer tous les mérites de Mesrob, et je vais parler de l’ensevelissement de ses dépouilles mortelles. Ainsi que je l’ai entendu raconter par des hommes véridiques, une lumière rayonnante, ayant la forme un peu confuse d’une croix, brilla sur la maison où le bienheureux rendit l’esprit. Ce fut un prodige visible non seulement pour quelques personnes, mais pour toute la multitude, ce qui amena beaucoup d’infidèles à se faire baptiser. Alors il y eut un grand trouble parmi le peuple divisé en trois partis, au sujet de l’endroit où on devait déposer ce corps si pur et si bien préparé a la mort, avant même de mourir. Les uns disaient de le porter dans son canton natal, à Daron; les autres dans celui de Koghtèn qui avait goûté la primeur de ses enseignements; les autres à Vagharschabad, dans la sépulture des saints. Le brave Vahan Amadouni l’emporta, car il était puissant par la foi et par la richesse, et de plus les Perses lui avaient confié le gouvernement de l’Arménie. Celui-ci prit le corps, le transporta avec un cortège magnifique dans son village d’Oschagan. Alors la même croix lumineuse apparut sur la civière, en présence de toute la multitude, jusqu’au moment où Vahan et Thatig ses disciples eurent déposé son corps dans le lieu de son repos; ensuite le signe [divin] se dissipa.[281] Le siège du pontificat fut donné avec le titre de suppléant, par ordre du bienheureux Mesrob, à son disciple Joseph, prêtre de Vaïotz-dzor, du village de Khoghotzim.[282]

CHAPITRE LXVIII.

Elégie sur le royaume d’Arménie arraché à la race des Arsacides et sur le patriarcat enlevé à la maison de saint Grégoire.

Je te plains, terre d’Arménie; je te plains, contrée supérieure à toutes celles du nord, car ils te sont ravis, ton roi et ton pontife, le conseiller et le maître de la science! La paix a été troublée, le désordre n pris racine; l’orthodoxie a été ébranlée, et l’hérésie s’est fortifiée par l’ignorance.

Je te plains, Eglise d’Arménie; le magnifique éclat de ton sanctuaire est obscurci, car tu es privée du pasteur excellent et de son compagnon. Je ne vois plus ton troupeau spirituel paître dans la prairie verdoyante, le long du fleuve de la tranquillité; je ne vois plus le troupeau rassemblé dans la bergerie et protégé contre les loups; mais il est dispersé dans des déserts et des précipices.

Heureux le premier et le second changement car alors l’époux était absent avec son compagnon; et toi, l’épouse, tu supportais patiemment l’absence, conservant la pureté du mariage, comme on l’a déjà si bien exprimé avant nous. Une autre fois, lorsqu’un audacieux libertin vint s’imposer sur ta couche inviolée, toi, l’épouse, tu ne l’as point souillée. Quoique la violence ait écarté l’époux, que des enfants orgueilleux aient méprisé leur père,[283] — comme le font avec raison les enfants d’un autre lit avec un père étranger, un beau-père nouveau venu; — cependant on ne t’a point vue abandonnée de tous, car tu espérais le retour de ton pasteur et de son compagnon. Tu n’as pas agi comme avec un beau-frère, mais comme le père véritable de tes enfants, et tu leur as prodigué tes caresses. Dans cette troisième absence, il n’y a plus d’espérance de retour, car et lui et le compagnon de ses labeurs et de ses fatigues ont quitté cette vie corporelle.

Il est préférable pour eux d’habiter dans le Christ, de reposer dans le sein d’Abraham et de voir les chœurs des anges. Mais toi, tu es restée sans appui dans ton veuvage, et nous, malheureux, nous sommes privés de la surveillance paternelle! Car nous ne sommes pas comme l’ancien peuple [hébreu], puisque notre misère est plus grande. Moïse disparaît, mais Josué ne vient pas à sa place pour nous conduire dans la terre promise.[284] Roboam fut abandonné de son peuple, et le fils de Nabat lui a succédé.[285] L’homme de Dieu n’a pas été dévoré par un lion,[286] mais par la consommation des temps. Elie fut enlevé, et Elisée n’est point resté avec le double esprit[287] pour oindre Jéhu; mais Azael a été appelé à exterminer Israël.[288] Sédécias fut emmené en captivité, et il ne se trouve nulle part un Zorobabel pour restaurer sa puissance.[289] Antiochus (Iezdedjerd II)[290] nous condamne à abandonner les lois de nos pères, et Mathatitias ne s’y oppose point; la guerre nous a environnés et Macchabée ne nous délivre pas.[291] Aujourd’hui la guerre est intestine et la terreur est au dehors. L’effroi nous vient des païens; les combats, des hérétiques; et il n’est plus au milieu de nous, le conseiller qui avertissait et préparait aux combats.

O désolation! ô lamentable histoire! Comment supporter ma douleur? Comment contenir mon esprit et ma langue et trouver quelques paroles à dire à mes pètes pour la vie et les soins qu’ils m’ont donnés? Car ils m’ont mis au monde, ils m’ont nourri de leur doctrine, et, m’ont fait grandir sous d’autres maîtres. Lorsqu’ils comptaient sur notre retour pour se glorifier de la profondeur de mon savoir et de rues dispositions bien coordonnées; lorsque nous, accourant de Byzance, en grande hâte, nous espérions très certainement danser aux noces, et chanter des épithalames; alors, au lieu de cette allégresse, me voici sur une tombe, gémissant, me lamentant et pleurant. Pas même arriver à temps pour les voir (Sahag et Mesrob), leur fermer les yeux, entendre leurs paroles dernières et recevoir leurs bénédictions!

Mon âme est oppressée sous le poids d’un si grand malheur, et je cours un grand danger par la perte de notre père. Où est cette douce tranquillité de son regard sur les justes, et ce terrible coup d’œil sur les pervers? Où est ce gracieux sourire de la lèvre à l’arrivée de ses chers disciples? Où est cette vive allégresse en recevant ses serviteurs? Où est cette espérance qui rendait facile les longs voyages, et faisait reposer des fatigues? La maison hospitalière n’est plus, et le port a disparu; le secours manque; la voix qui encourageait est muette.

Qui désormais appréciera votre doctrine? Qui se réjouira de mes progrès, moi qui fus son disciple? qui parlera ce langage de la joie d’un père, en partie surpassé par moi son fils? Qui réprimera les insolences élevées contre la sainte doctrine, de ces gens qui, en toute circonstance, inconstants et dissipés, changent souvent de maîtres et de livres, comme l’a dit un ancien? Tout raisonnement les irrite à un même degré; ils donnent un mauvais exemple (?) en nous traitant avec insolence et mépris, comme des gens légers pour qui la science ne présente rien d’utile. Qui fermera leur bouche en les reprenant, et qui les consolera par quelques louanges? Qui pourra imposer une limite au bavardage et au silence?

En pensant à tout cela, je sens au dedans de moi venir les soupirs et les larmes et le désir de pousser des cris douloureux et funèbres. Je ne sais comment diriger mes lamentations, ou ce qui doit plutôt me faire verser des larmes. Sera-ce mon jeune et malheureux roi (Ardaschir) qu’ils ont, dans leurs conseils pervers, dépouillé avec sa race, et, qui avant la mort corporelle, subit la mort de l’infamie, et se vit précipiter du trône? Ou bien, pleurerai-je sur moi-même? Car elle a été enlevée de dessus ma tête cette couronne si brillante et si salutaire qui était ma gloire. Dois-je pleurer mon père, le pontife aux sublimes pensées, qui allait porter partout sa parole accomplie avec laquelle il gouvernait et dirigeait toute chose; et, tenant les rênes, il guidait l’esprit, refrénait les langues discordantes? Ou bien dois-je pleurer encore sur moi-même, qui suis prive des faveurs de l’esprit, et qui suis abandonné à l’aventure? Dois-je pleurer mon père, cette source de doctrine fécondant la justice, ce torrent dévastant l’impiété? Ou dois-je pleurer sur moi qui me sèche et me flétris, dévoré que je suis par la soif de la science? Dois-je pleurer sur les désastres de ma patrie et sur l’avenir [qui lui est réservé]? Qui racontera avec nous ces malheurs en partageant notre tristesse ? Qui nous aidera, en souffrant avec nous, à redire nos douleurs ou à les graver sur la pierre? Réveil le-toi, Jérémie, réveille-toi; pleure dans tes prophéties les misères que nous avons endurées et qu’il nous reste encore à souffrir. Prédis l’apparition des pasteurs ignorants, comme le fit jadis Zacharie en Israël.[292]

Les docteurs ignorants et prétentieux, achetant l’honneur [du sacerdoce] et non désignés par Dieu, élus à prix d’argent et non par l’esprit, avares, envieux, méprisant la douceur dans laquelle Dieu se complait, deviennent des loups déchirant leurs propres troupeaux. Les moines hypocrites, orgueilleux et vains, préfèrent les honneurs à Dieu. Les ecclésiastiques hautains, pleins d’assurance, débitant des futilités, paresseux, ennemis des sciences, des instructions des docteurs, préfèrent le trafic et les bouffonneries. Les disciples insouciants de s’instruire, pressés d’enseigner avant d’avoir approfondi la science, siègent en théologiens. Le peuple altier, insolent, hautain, désœuvré, caustique, malfaisant, fuit l’état ecclésiastique. Les soldats brutaux, fanfarons, laissant le métier des armes, paresseux, débauchés, intempérants, pillards, sont devenus les émules des brigands. Les princes révoltés, associés aux voleurs, avares, cupides, spoliateurs et dévastateurs, dépravés, Ont l’âme semblable à celle des esclaves. Les juges partiaux, faux, trompeurs, avides de cadeaux, prévaricateurs, sont faibles dans leurs jugements et se livrent à des controverses. En somme, tout sentiment de charité et de pudeur a disparu d’au milieu de tous.

Quel sera le châtiment de tant [de fautes], si ce n’est que nous sommes abandonnés de Dieu et que la nature des éléments se modifiera? Le printemps sera sec, l’été pluvieux, l’automne glacé, l’hiver intense, avec des tempêtes, et sera prolongé; les vents feront tourbillonner la neige, ils seront brûlants et mortels; les nuées s’enflammeront, et il tombera une grêle épaisse; les pluies arriveront à contretemps, et seront inutiles; l’air sera glacial et saturé de givre; la crue des eaux sera sans utilité, et la chaleur deviendra intolérable. La terre ne produira plus de fruits et les animaux ne se multiplieront plus. Il y aura encore des secousses et des tremblements de terre, et, pour comble de fléaux, la perturbation régnera partout, ainsi qu’il est dit: « Point de paix pour les impies[293] ! »

Les rois deviendront des tyrans cruels, exécrables, qui imposeront des charges énormes et accablantes, et donneront des ordres intolérables; les supérieurs, sans souci de la justice, seront sans pitié. Les amis seront trahis et les ennemis triompheront. La foi sera vendue au profit de cette vie futile. Les brigands, en nombre considérable, afflueront de toutes parts. Les maisons seront ruinées, les propriétés volées; il y aura des chaînes pour les chefs, des prisons pour les notables, l’exil pour les gens libres et la misère pour la masse du peuple. Les villes seront prises, les forteresses détruites, les bourgs mis au pillage, et les édifices livrés aux flammes. Enfin, il y aura de longues famines, des épidémies et des morts de toute espèce. Le culte divin sera oublié et on aura l’enfer à ses pieds.

Que le Christ-Dieu nous garde de tous ces malheurs, et qu’il protège ceux qui l’adorent en vérité! Gloire lui soit rendue par nous tous ses créatures! Ainsi soit-il!

Fin du livre troisième de l’Histoire de la Grande Arménie.[294]

 


 

[1] L’auteur fait allusion dans son exorde à la Bibliothèque Historique de Diodore de Sicile.

[2] Il est question dans ce passage des fils des prêtres païens, rassemblés en ce lieu, au nombre d’environ deux mille, et qui voulurent attenter aux jours de Verthanès, à l’instigation de la reine, femme de Chosroès II, ainsi que le rapporte Faustus de Byzance dans son Histoire (l. III, ch. 3).

[3] La destruction totale des deux maisons des Manavazian et des Ouortoni fut amenée à la suite de leurs querelles particulières et des guerres incessantes que les membres de ces deux familles se firent entre eux. Le roi Chosroès et Verthanès se décidèrent à mettre fin à ces massacres, en donnant l’ordre à Vatché, fils d’Ardavazt, chef de la maison des Mamigoniens, d’exterminer entièrement les deux familles. Cet ordre fut ponctuellement exécuté, et les biens de ces deux satrapies furent donnés à l’Église (Faustus de Byzance, l. III, ch. 4. — Plus tard les Peznouni furent également exterminés par l’ordre de Chosroès, parce que Tadapé, chef de la satrapie, qui avait reçu la mission du roi de se porter à la rencontre des Perses qui venaient envahir le pays, trahit son maître et vint à la tête des années ennemies attaquer le roi d’Arménie. Les troupes de Chosroès furent battues. Tadapé fut fait prisonnier et lapidé. Sa famille fut exterminée sans exception, et les biens du traître furent confisqués au profit du fisc. — Cf. Faustus de Byzance, l. III, ch. 8.

[4] Ville principale de la province du même située dans le canton de Vartanaguerd. Elle porte aujourd’hui le nom de Baylakan. (Indjidji, Arm. anc., p. 226. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 134-135)

[5] Cf. III Rois, III, 12, de la version arménienne mais cette indication manque dans la Vulgate.

[6] Sanadroug est appelé Sanesan par Faustus de Byzance (III, 6) qui dit que ce prince était en effet un arsacide, qui occupait le trône des Massagètes, et qui était parent des rois d’Arménie.

[7] Ce récit diffère de celui de Faustus, qui dit que Grigoris fut attaché à la queue d’un cheval fougueux que l’on lança sur le littoral de la mer (III, 6).

[8] Cf. Indjidji, Acm. anc., p. 318.

[9] Cf. Faustus de Byzance, I. III, ch. 6. — Moïse de Gaghangaïdoutz, Hist. des Aghouank, t. I, ch. 14, 21. — Ce fut dans ce lieu que le corps de Grigoris fut découvert en 489, à l’époque du règne de Vatchiagan, roi des Aghouank.

[10] Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 9.

[11] Ce prince est également cité par Faustus (op. cit., loc. cit.).

[12] Faustus donne à ce personnage le nom de Tad.

[13] Un Antiochus est cité dans le Code Théodosien (lib. III, de inf. his quae sub tyr.), comme étant, en 326, préfet des Veilles à Rome, praefectus Vigilium. — Cf. Lebeau, Hist. du Bas-Emp., éd. Saint-Martin, t. I, p. 407, note 3.

[14] Chosroès II le Petit régna de 316 à 325.

[15] Voyez plus haut, liv. II, ch. 86.

[16] Saint Sacques de Nisibe surnommé « le Sage », Ezcon par les Arméniens, était parent de saint Grégoire l’Illuminateur et fut un des pères qui assistèrent au concile de Nicée (Faustus de Byzance, l. III, c. 10).

[17] Moïse de Khorène (l. III, C. 4) a déjà parle de la défection de Pagour qui fut tué dans une affaire à Manadjihr commandait les troupes royales (Faustus de Byzance, l. III, c. 9). Toute la famille de Pagour fut exterminée dans ce combat, à l’exception de sa fille que le roi maria à Vaghinag de Siounie.

[18] Faustus de Byzance (l. III, c. 9) raconte au contraire que le jeune Hescha se réfugia chez Vatché le Mamigonien qui l’adopta. Il sera question plus loin le ce Vatché dans les notes du ch. 9.

[19] Faustus de Byzance nomme cette montagne Endsakhisar (l. III, c. 10); maison la désignait également saisie nom de Gabudog, aujourd’hui Gabudgog. Cette montagne se trouvait sur le territoire des Reschdouni dans la province de Vasbouragan. — Cf. aussi Ménologe arm. 15 décembre.

[20] Faustus de Byzance (l. III, c. 10) est entré dais des détails très circonstanciés sur l’histoire de saint Jacques et sur les représailles qu’il exerça centre Manadjihr, en appelant sur lui la colère divine. Non seulement Manadjihr succomba dans d’atroces souffrances mais sa femme et ses enfants furent également frappés par la mort.

[21] Deuter., XXVIII, 23.

[22] D’autres historiens nous font connaître le sen de ce prince, qui s’appelait Zoura.

[23] Chosroès II le Petit est surnommé Kotac par Faustus de Byzance (l. III, c. 3). Peut-être faut-il voir dans ce surnom une altération des mots cotak ou kiuteh qui, en persan, veulent dire, petit, court.

[24] Cf. plus haut, ch. 6.

[25] Cette rivière fumait un des affluents de l’Araxe et arrosait la province d’Ararat. Les Grecs lui donnaient le nom d’Ἐλεύτερος « libre », qui a la même signification en arménien.

[26] Faustus de Byzance (l. III, c. 8) donne en effet à cette forêt le nom de Khosrovakert, « plantée par Chosroès » ; il ajoute que cette forêt se trouvait partagée en deux parties par une grande route et qu’elle était entourée de palissades.

[27] Tovin ou Tevin, appelé Δούβιος (Procope, Bell. Pers., II, 24) et Τιβίον. Const. Porphyrog., de Adm. imp., p. 153), ville situéé au nord d’Ardaschad, sur le Medzamor, fut fondée en 350. (Indjidji, Arm. anc., p. 463. — Saint-Martin. Mém. sur l’Arm., t. I. p. 119, 120). — Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 8.

[28] Il ne semble pas que la ville d’Ardaschad ait été complètement abandonnée par ses habitants, comme Moïse semble l’affirmer; on doit croire qu’une partie seulement se transporta à Tovin.

[29] Faustus de Byzance (l. III, c. 7) prétend que les hordes du nord, dont il donne la nomenclature, étaient commandées par Sanésan de même que Sanadroug, roi des Massagètes. — Cf. plus haut, ch. 6.

[30] Selon les annales de Géorgie rédigées par Vakhthang, le roi Mihran mourut de maladie, et laissa la couronne à son fils Sakar (Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 131, 132).

[31] Faustus de Byzance (l. III, c. 7) dit que, dans ce combat, celui qui commandait les Arméniens était Vatché fils d’Ardavazt, de la maison des Mamigoniens. Ce général mit en déroute les ennemis dans un lieu appelé Tzlou.kloukh (tête de taureau), et le roi le récompensa de ce service en lui donnant en propriété le champ de bataille où il avait vaincu les ennemis (l. III, c. 8).

[32] Il est fait allusion ici à la métropole patriarcale d’Edchmiadzin, à Vagharschabad. Le texte arménien emploie l’adjectif grec Gathoughigué « catholique », ce qui est le synonyme de métropolitaine

[33] Faustus de Byzance (l. III, c. 7) parle également de cette seconde affaire qui eut un heureux résultat pour les armes arméniennes. Le roi Sanésan (Sanadroug de Moïse de Khorène) fut tué. Faustus donne les noms des généraux qui prirent part à cette affaire et cite Bagrat (Pakarad) le Bagratide, Méhentag et Karékin Reschdouni, Vahan Amadouni et Varaz Gaminagan. Selon Faustus, Vatché commandait en chef les Arméniens à la bataille d’Oschagan.

[34] Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 11.

[35] Arschavir Gamsaragan était prince de Schirag et d’Arscharouni (Faustus, l. III, c. 11.)

[36] Selon les historiens grecs, Nersèh, qu’ils nomment Nersès, était le fils de Sapor.

[37] Diran II régna de l’an 335 à l’an 341.

[38] Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 11.

[39] Le nom d’Iousig paraît être la transcription de l’appellation grecque Hésychios : cependant on peut croire que ce nom est le diminutif du mot Ioïs (prononcer oïs) « espérance ». — Iousig monta sur le trône pontifical en 330, et fut tué six ans après sur ordre de Diran, en 336. — Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 11.

[40] Cf. plus haut, l. II, ch. 65.

[41] Ammien Marcellin, l. xv, c. 8. — Zosime, I, III, c. 1, 2. — Julian ad Ath.; et Or., 3. — Libanius, Or., 10.

[42] Ammien Marcellin, l. xxi, C. 6, 7, 13, 16.

[43] Ce fut à Mopsucrène dans les gorges du Taurus, entre Tarse et les portes de Cilicie, que Constance II mourut le 3 novembre 361 (Ammien Marcellin, l. xxi, ch. 13-18).

[44] Julien ayant permis aux Juifs de rebâtir le temple de Jérusalem, ceux-ci s’empressèrent de déployer un grand zèle dans cette entreprise. Mais une tempête effroyable détruisit les travaux commencés. Les Juifs ne perdaient pas courage et reprenaient sans cesse les travaux, lorsqu’enfin une tempête plus terrible encore, mêlée d’orages et de tonnerres, les força à cesser tout à coup. Alors apparurent des croix lumineuses dans le ciel et sur les membres des spectateurs de ce phénomène, ce qui frappe d’étonnement les Juifs, les païens et l’empereur. Beaucoup .de Juifs se convertirent. Saint Grégoire de Nazianze (Oral. 4), Salut Jean Chrysostome (de S. Babyla ; et contr. jud. et gentil), Saint Ambroise (Ep. 40, t. II, 952), et surtout Ammien Marcellin (l. xxiii, c. 1) rapportent ce fait qui peut paraître merveilleux, mais qui est attesté aussi bien par les chrétiens que par les païens. — Cf. Basnage, Hist. des Juifs, l. viii, c. 5. — Gibbon, Hist, de la décad., t. IV, p. 405-421. — Lebeau, Hist. du Bas.-Emp., (éd. Saint-Martin), t. III, p. 43 et suiv. — Warburton, Disc. sur Julien, etc., etc.

[45] Cf. Libanius, Or. 10. — Saint Grég. Naz., Or. 3. — Saint Jean Chrysost., de S. Babyla, et contr. jud. et gent., t. II, p. 575.

[46] Sozomène raconte (l. vi, c. 1) que Julien imita le roi d’Arménie qu’il appelle Arsace, par une lettre, à se joindre à lui pour marcher contre les Perses. — Cf. Fabricius, t. VIII, p. 82. — Ammien Marcellin ne dit presque rien de l’alliance du roi d’Arménie avec Julien (liv. xxii, c. 3.)

[47] Cf. Ammien Marcellin, l. xxiii, c. 2. — C’est par erreur que Moïse de Khorène et les autres auteurs arméniens rapportent les événements qui suivent au règne de Diran père d’Arsace. La chose est impossible, puisque Diran avait cessé de régner en 337, c’est-à-dire vingt-cinq ans avant l’époque dont il s’agit (Lebeau. Hist. du Bas-Emp., t. III, p. 42, note 1; éd. Saint-Martin).

[48] Faustus de Byzance (l. III, c. 13) raconte d’une manière un peu différente la mort d’Iousig. Selon cet écrivain, Diran et les satrapes ne supportaient qu’avec peine les reproches qu’Iousig leur adressait à propos ils dérèglement de leur conduite. Un jour que le roi se présentait à la porte de l’église, Iousig lui en défendit l’entrée. Diran fit traîner le saint hors du sanctuaire, le fit battre à coups de bêlons elle laissa pour mort sur la place. Les disciples du patriarche transportèrent le blessé à Thortan où il expira quelques jours après. Le récit de Moïse paraît être rependant plus conforme à la vérité que celui de Faustus, car il est d’accord avec les légendes arméniennes.

[49] Ce Daniel était un Syrien, qui était surintendant principal du canton de Daron, dans la province d’Eghéghiatz (Faustus de Byzance, l. III, c. 15).

[50] Cf. Faustus de Byzance, l. III. c. 14. — Le jardin des frênes était situé dans la province de Douroupéran (Indjidji, Arm. anc., p. 96).

[51] Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 12.

[52] Cf. Indjidji. Arm. anc., p. 146.

[53] Cf. la lettre de Julien à Arsace fils de Diran, roi d’Arménie (Muratori, Anecd. graec., p. 334. —. Fabricius, Bibl. graec., t. VII, p. 82), où il appelle ce prince Armenion hgoumeno (Cf. aussi Sozomène, l. vi, c. 1), qui est l’équivalent du titre kordzagal « procurateur », que nous lisons dans Moïse de Khorène.

[54] Cf. la note précédente où le mot kordzagal est expliqué.

[55] Le texte porte Ras qui est une altération due aux copistes; il est évident qu’il est question ici du dieu Mars envers lequel Julien avait une grande dévotion qui s’affaiblit dans la suite par suite de présages funestes (Ammien Marcellin, l. xxiv, c. 6). La veille du jour où Julien fut mortellement blessé par un javelot qui lui traversa le foie, il avait vu pendant un sacrifice une étoile filante qu’il crut être une menace du dieu Mars qu’il avait offensé, en jurant par Jupiter de ne plus offrir d’holocaustes à son dieu favori (Ammien Marcellin, l. xxv, c. 2.)

[56] Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 18.

[57] L’île d’Aghthamar est située dans le lac de Van (Indjidji, Arm. anc., p. 172). Cette île est aujourd’hui le siège d’un évêque arménien, naguère encore indépendant, qui habite le couvent construit dans l’île.

[58] Dadjad, fils de Mehentag, fut sauvé par le général Vasag, et rentra plus tard en possession des domaines de sa famille (Faustus de By., I. III, c. 18).

[59] Andzid, Andzith ou Handzith, l’Anzithène des Grecs faisait partie de la Quatrième Arménie (Indjidji, Arm. anc., p. 43. —Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 93).

[60] Faustus de Byzance (l. III, c. 19) raconte cet événement d’une façon romantique, en disant que l’ange du Seigneur, apparaissant comme un éclair, frappa les deux frères, au moment où ils se livraient à la joie du festin.

[61] Nersès était fils d’Athénogène et de Bambischen sœur de Diran (Faustus de Byzance, l. III, c. 15, 19).

[62] Pharnarsèh occupa le trône pontifical de l’an 336 à l’an 340. — Faustus de Byzance (l. III, c. 16) l’appelle Pharèn ou Pharin.

[63] Cf. Ammien Marcellin, l. xxv, c. 3. — Libanius, Oral. 10. — Zosime, I. iii, c. 28 et suiv. — Julien mourut dans la nuit du 26 au 27 juin 363, âgé de trente-deux ans.

[64] Ammien Marcellin, l. xxv, c. 10. — Eutrope. l. x. — Jovien mourut le 16 février 361, à Dadastana, bourg de la Galatie, à l’âge de 33 ans.

[65] Le mot Maztezen est la transcription du zend rnazdiesn qui signifie « adorateur d’Ormizd ». — Cf. le Zend-Avesta d’Anq. Duperron, t. I, 2e partie, p. 177. — Hyde, Hist. rel. cet. Pers., p. 442. — S. de Sacy, Mém. sur diverses antiq. de la Perse, p. 39. — Une inscription grecque copiée par Niebuhr et expliquée par M. de Sacy (op. cit., p. 31) a transcrit le mot Masdiesn par ΜΑΣΔΛΣΝΟΥ, au cas oblique.

[66] Ammien Marcellin donne la rubrique d’une lettre adressée à l’empereur par Sapor, où il prend les titres de « particeps siderum, frater solus et lux » (Amm. Marc., l. 17).

[67] Cette formule oghdchoïn schad est la traduction de « Salutem plurimam dico » que Sapor emploie dans sa lettre à l’empereur rapportée par Ammien Marcellin (loc. cit.).

[68] L’empoisonnement par le sang de taureau était fort usité dans l’antiquité, surtout en Perse. — Cf. Plutarque, Vie de Thémistocle. — Strabon, l. i, c. 3, § 21.

[69] Mihrou Mithra. Le nom de ce dieu était invoqué dans les serments des Perses. — Cl. Xénophon, Cyrop., c. 5.

[70] Faustus de Byzance (III, 20) raconte les faits d’une manière différente, bien que le résultat final soit le même. Schapouh Varaz, gouverneur perse de l’Adherbadagan, engagea un certain Phisac, chambellan de Diran, à trahir son maître. Dans une entrevue entre Varaz et Diran, et pour un motif futile. Varaz se saisit traîtreusement du roi d’Arménie pendant un festin. L’ayant fait charger de chaînes, il le fit aveugler avec un fer rouge et le conduisit ensuite en Perse auprès de Sapor.

[71] Il s’agit d’Iousig qui fut assassiné quelque temps avant Daniel. — Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 20.

[72] Matt., V, 14.

[73] Arsace III régna de l’an 341 à l’an 370. — Les historiens modernes de l’Arménie donnent le plus souvent à cet Arsace ou Arschag le nom d’Arsace II, parce qu’ils ne comptent point parmi les monarques arméniens Arsace II, fils d’Artaban III, roi des Parthes, qui régna en l’an 3 de notre ère.

[74] Cf. Homère, Iliad., c. II. « Seul Thersite glapit encore sans mesure …. c’est le plus vil des gueux qui sont venus devant Ilion. Son œil est louche, ses pieds sont boiteux; ses épaules voûtées se confondent avec sa poitrine, et sa tête pointue est à peine recouverte de quelques rares cheveux. »

[75] Cf. Faustus de Byzance, l. IV, c. 3. — Nersès le Grand occupa le siège pontifical de l’an 340 à l’an 374.

[76] Cf. Faustus de Byzance, l. IV. c. 4.

[77] Cf. Faustus de Byzance, l. IV. c. 12.

[78] Selon un mac. Markatz. — Faustus de Byz., l. IV, c. 12. — Indjidji, Arm. anc., p. 35.

[79] Cf. sur ces cérémonies funèbres, ce que raconte Faustus de Byzance, l. V, c. 31.

[80] Cf. Ammien Marcellin, l. xxvii, c. 7; l. xxx, c. 8. — Zosime, l. iv, c. 14. — Zonaras, l. xiii. — Cod. Théodos., l. xi, tit. 10, loi 1, et tit. 11.

[81] Cf. Chron. Pasc., p. 301.

[82] Olympias était fille d’Ablabius, préfet du prétoire, et avait été fiancée à Constant, frère de Constance (Am. mien Marcell., l. xx, c. 11). — Cf. aussi Faustus de Byzance, I. IV, c. 15, et surtout la note première de la p. 346 du t. II de l’Hist. du Bas-Emp. de Lebeau. éd. Saint-Martin.

[83] Moïse de Khorène a employé le mot composé hypadosouthioun (formé de ὕπατος « consul » et de la terminaison outhioun), qui signifie « le consulat, l’action d’être consul ». Le droit de porter des ornements consulaires s’appelait τιμαί « honneurs ».

[84] La véritable cause de la haine que Dirith portait à Knel n’était pas seulement la faveur dont ce dernier avait été l’objet de la part de l’empereur, c’était surtout son amour pour Pharandzêm, femme de Knel, que le roi Arsace épousa après avoir tué son mari. — Cf. Faustus de Byz., l. IV, c. 15.

[85] Cf. Indjidji. Arm. anc., p. 4t2. — Saint-Martin. Mém.sur l’Arm., t. I, p. 47.

[86] Cf. Moïse de Khorène, l. III, c. 8. — Cette loi avait été établie par le fondateur de la dynastie arsacide d’Arménie.

[87] Le canton de Haschdiank, l’Asthianène ou Hanstanités des Grecs, était la résidence des branches collatérales de la famille des Arsacides, ainsi que l’avait établi Valarsace. Il était situé dans la Quatrième Arménie; au deuxième siècle Ardavazt II et Diran I y joignirent les cantons d’Aghiovid dans le Douroupéran, et d’Aspéran dans le Vasbouragan. — Cf. Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 92, 101, 131.

[88] Moïse emploie le mot sénagabed qui est l’équivalent de kedjoub, « chambellan, camérier ». — Cf. sur cette fonction, notre Cartulaire d’Arménie sous les Roupéniens; Introd., p. 45.

[89] Voir plus haut, ch. 14.

[90] Isaïe, XXVII, 8.

[91] Indjidji, Arm. anc., p. 446.

[92] Cette montagne était située dans le canins de Dzalgadn, en Ararat et s’appelle actuellement Ah-Dagh. Elle portait aussi le nom de « Montagne des fleurs » Dzaghgatz, et selon d’autres écrivains Dzalghé ou Dzalgoud. — Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 414.

[93] La mort de Knel est racontée d’une manière toute différente par Faustus de Byzance (l. III, c. 15). Arschag, excité par les calomnies de Dirith, cousin de Knel, engagea ce dernier à venir le trouver dans son camp pour célébrer ensemble la fête de navassart. Sans défiance Knel se rendit à l’appel du roi, qui le fit saisir et enchaîner. Puis il donna l’ordre à son bourreau, Erazmag, de tuer le prince qui avait cependant trouvé un chaleureux défenseur auprès du roi dans la personne du patriarche Nersès. Faustus est d’accord avec Moïse, pour accuser le roi d’une hypocrisie odieuse, puisqu’il assista en gémissant aux funérailles de son neveu. On verra plus loin comment mourut Dirith qui avait été la cause de cet assassinat parce qu’il voulait épouser la femme de Knel.

[94] Indjidji, Arm. anc., p. 125. — Cf. aussi Faustus de Byzance, l. IV, c. 55.

[95] Mesrob, Biogr. de saint Nersès, 13. — Cf. aussi plus bas, c. 25. — Faustus de Byzance, l. III, c. 15.

[96] Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 15. — Mesrob et Faustus disent qu’Arsace avait d’abord épousé Pharandzêm, et que ce fut pour se venger du peu de sympathie qu’elle lui témoignait, qu’il épouse Olympias.

[97] Ce prêtre s’appelait Merdchiounig; il était originaire d’Arschamouni, au canton de Daron. (Faustus de Byzance, l. III, c. 15.)

[98] Faustus de Byzance (l. III, c. 15) appelle ce personnage Antov de Siounie.

[99] Cf. Faustus de Byzance, l. III, c. 15.

[100] Cf. plus haut, c. 24.

[101] Cf. Faustus de Byzance (l. III, c. 17), qui dit que Vartan fut assassiné par des émissaires, dans son château de Trakhani, au canton de Daïk. Sa femme qui était enceinte, entendant du bruit, accourut, mais elle fut obligée de s’arrêter et mit au monde un fils qui fut nommé Vartan comme son père.

[102] Faustus de Byzance raconte (IV, 20 et suiv.) qu’Arsace, étant à la cour de Sapor, fut averti faussement par Antov de Siounie que le roi de Perse voulait le faire mourir. Antov craignait qu’Arsace n’épousât la fille de Sapor, et que cette alliance ne fût préjudiciable à celle que le roi avait contractée avec sa fille Pharandzêm. Arsace, confiant dans les paroles d’Antov, s’enfuit; et, malgré les protestations de Sapor, il persista à ne pas retourner auprès du roi de Perse. Dès lors, il s’ensuivit une guerre longue et désastreuse qui dura trente ans.

[103] Faustus de Byzance (IV, 14) raconte la prise d’Ani par le traître Méroujan, et donne les mêmes détails que notre auteur sur l’enlèvement des trésors et les viols des sépultures royales.

[104] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 440.

[105] Faustus de Byzance (IV, 13) raconte que ce fut une épidémie qu’il qualifie d’implacable, qui fit mourir la population d’Arschagavan. Le patriarche Nersès avait engagé le roi à détruire ce bourg qui renfermait tous les criminels du pays, mais Arsace ne tint aucun compte des avertissements du saint, qui annonça qu’à la suite d’une vision qu’il avait eue, Arschagavan serait complètement détruite. En effet 20.000 personnes furent atteintes par le fléau et périrent en trois jours. La ville fut alors complètement détruite.

[106] Le mot Ouorth a également le sens de « vigne ».

[107] Cf. plus haut : I, 30. Tigranocerte avait été reconstruite par Tigrane II. (Indjidji, Arm. anc., p. 74—M.)

[108] Les éditeurs de la version italienne de Moïse observent avec beaucoup de justesse que cette description du sac de Tigranocerte offre une grande ressemblance avec le récit que le Pseudo-Callisthène s donné de la prise de Thèbes par Alexandre de Macédoine. Ils en tirent cette conclusion que Moïse ne doit pas être étranger à la traduction de cet ouvrage en arménien. — Cf. Vie d’Alex. de Macéd., en arm.; Venise, 1842, in 8°. — Et plus haut, l’Introd. à l’Histoire de Moïse de Khorène.

[109] Faustus de Byzance (IV, 24) attribue la prise de Tigranocerte à Méroujan.

[110] Faustus de Byzance (IV, 57).

[111] Ammien Marcellin (l. 27, c. 12) parle de cette expédition de Sapor en Ibérie.

[112] Cf. Ammien Marcellin, XXX, 6 et 10. — Zosime, IV, 17. —Socrate, IV, 31. — Sozomène, IV, 36. —Paul Orose, VII, 32.

[113] Cf. Faustus de Byzance, IV, 25.

[114] Cf. Faustus de Byzance, IV, 50-51.

[115] Cf. Faustus de Byzance, IV, 23.

[116] Cf. Faustus de Byzance, IV,  5.

[117] Moïse emploie le mot aramian, dont la racine est Aram. C’est une épithète peu usitée.

[118] Gratien était le fils du frère de Valens, et par conséquent son neveu.

[119] Cf. Faustus de Byzance, IV, 5.

[120] Socrate, II, 27, 38. — Sozomène, IV, 20, 26. — Cf. sur les Pneumatomaques ou Macédoniens, Tillemout, t. vi, Arius, art. 62, 66, 104 et passim.

[121] Cf. Faustus de Byzance, IV, 5, 6.

[122] Neuf ans, selon Faustus.

[123] Cf. Faustus de Byzance, IV, 6.

[124] Cf. Faustus de Byzance, V, 1.

[125] Ardakers est le nom arménien (Indjidji, Géogr. anc., p. 396) de la ville d’Artogérasse ou Artagéra des écrivains grecs et latins. Ceux-ci ont transcrit ce nom sous différentes formes, ainsi qu’on peut le voir dans Strabon (xi, 14, 6), Ptolémée (v, 13), Vell. Patercul, ii, et Ammien-Marcellin (xxvii, 12).

[126] Khat était originaire de Marah (Indjidji, Arm. anc., p. 35) dans le canton de Garin. — Cf. Faustus de Byzance, IV, 12.

[127] III Rois, xvii, 16; IV Rois, ix, 5.

[128] Cf. Faustus de Byzance, IV, 12.

[129] Khor en arménien veut dire « fosse ou fossé ». Mais deux mss. donnent la variante hor qui veut dire « puits ».

[130] Faustus de Byzance (IV, 12) nous apprend que Khat avait deux filles, dont l’une épousa Asroug, qui succéda à son beau-père sur le siège épiscopal.

[131] Le texte porte Ilouz (Ἥλιος) khaghakh (ville); il s’agit de Baalbek.

[132] La Chronique pascale (p. 303) appelle ce temple τὸ τρίλιθον, et dit qu’il était situé à Balanias, τὸ τοῦ Βαλανίου, ce qui est une faute de copiste pour τὸ τοῦ Λιβανίου. Le texte de Moïse ne laisse aucun doute sur cette restitution.

[133] Le nom de Nersès n’est mentionné que dans un seul ms.

[134] Au lieu de Gélase, deux mss. donnent le nom de Basile.

[135] Cf. sur le 1er concile de Constantinople (2e œcuménique), Mansi, t. III. — Meranda, Proleg. in Damasum; c. 18, t. III de la Patrologie latine (éd. Migne).

[136] Cf. Faustus de Byzance, IV, 38.

[137] Faustus de Byzance raconte, dans une suite de chapitres, une série de victoires et de combats tous identiques, dans lesquels les Arméniens auraient triomphé d’une vingtaine de généraux perses, envoyés pour les soumettre à la tête d’armées immenses, dont les soldats se comptaient par millions !!! Ce récit est évidemment exagéré; nous nous bornerons à signaler ici seulement la campagne d’Alanaosan mentionnée par Faustus (IV, 38) qui dit que ce général fut battu par le général arménien Vasag.

[138] Faustus (IV, 52, 53)

[139] Cf. Faustus de Byzance, IV, 54. — Procope Bell. pers., I, 5. — On peut voir tous les détails de l’emprisonnement d’Arsace dans Faustus.

[140] Cf. Faustus de Byzance, IV, 57, 58.

[141] Cf. Faustus de Byzance, IV, 54. —Ammien Marcellin, l. xxvii, c. 12.

[142] Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 172.

[143] Cf. plus haut, II, 19.

[144] Asbahan, aujourd’hui Ispahan, la seconde capitale de la Perse. — Cf. sur cette ville, le Dict. géogr. de la Perse, extrait du Modjem el Bouldan de Yakout, publié par M. Barbier de Meynard, p. 40 et suiv.

[145] Cf. Faustus de Byzance, IV, 55.

[146] Cf. Faustus de Byzance, IV, 56.

[147] Cf. Faustus de Byzance, V, 7. — Procope, Bell. pers., l. i, ch. 5.

[148] Faustus de Byzance dit que Vahan Mamigonien partageait avec Méroujan le commandement de l’armée et l’administration de l’Arménie après l’invasion perse, dont il parle au ch. 57 du l. IV de son Histoire.

[149] Faustus de Byzance (IV, 58) dit que cette femme avait épousé Vahan Mamigonien et que leur fils les fit périr tous deux.

[150] Bab, fils d’Arsace III, régna en Arménie de l’an 370 à l’an 377. C’est ce même prince qui est appelé Para par Ammien Marcellin (l. xxvii, c. 12; l. xxx, c. 1).

[151] Cf. Faustus de Byzance, V, 1. — Ammien Marcellin, l. xxxvii.

[152] Cf. Faustus de Byzance, IV, 57, 58.

[153] Cf. Faustus de Byzance (V, 1), qui donne à ce personnage le nom d’Até, et ne lui confère seulement que le titre de comte.

[154] Indjidji (Arm. anc., p. 40) ne donne aucun détail sur cette localité de la province d’Ararat.

[155] Moïse parle ici des enseignes militaires, dont il est aussi fait mention quelques lignes plus haut.

[156] On peut rapprocher la description que fait ici notre historien du passage suivant d’Ammien Marcellin décrivant l’entrée triomphale de Constance à Rome .... « Tout autour on voyait flotter les dragons attachés à des hampes incrustées de pierreries, et dont la pourpre, gonflée par l’air qui s’engouffrait dans leurs gueules béantes, rendait un bruit assez semblable aux sifflements de colère du monstre, tandis que leurs longues queues se déroulaient au gré du vent ». (Amm. Marcell., l. xvi, ch. 10.)

[157] Exode, XVII, 8 et suiv.

[158] Cf. Faustus de Byzance, V, 4.

[159] Le nom de ce peuple est transcrit sous la forme Gheg ou Lek, dans la Géographie de Moïse de Khorène (éd. Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 356-357). Les anciens les connaissaient sous les noms de Lhgai, Leyx (Strabon, l. xi, c. 5, § 1. — Plutarque, Vie de Pompée). Leurs descendants sont les Lesghi ou Lesghiens actuels. Les Lek formaient une de ces peuplades barbares qui habitaient dans le Caucase, et dont Moïse a donné une nomenclature très détaillée.

[160] Faustus de Byzance (V, 2, 4, 5) ne parle pas de la bataille de Tzirav, mais il décrit trois batailles différentes; l’une livrée à Thavredj où le harem du roi de Perse tomba au pouvoir de Mouschegh; l’autre qui eut lieu au pied du mont Niphates, et enfin une troisième qui lut livrée près de Kantzag d’Adherbeidjan. C’est assurément de la seconde bataille qu’il est question dans Moïse de Khorène, puisque nous lisons dans les deux histoires les mêmes épisodes, racontés presque de les mêmes termes.

[161] Cf. Faustus de Byzance, V, 4.

[162] Faustus de Byzance (V, 43) raconte d’une tout autre manière la mort de Méroujan. Selon cet historien, Méroujan, qui continua à guerroyer longtemps contre les Arméniens, fut tué par le sbarabed Manuel sous le règne de Varaztad, roi d’Arménie, dans un combat où les Perses auraient été entièrement défaits.

[163] Selon notre auteur, la soumission des satrapes se serait faite pacifiquement; cependant Faustus de Byzance (V, 8-19) dit que le sbabarabed Mouschegh dut guerroyer longtemps contre les rebelles, et qu’il osa envers eux de mesures très rigoureuses pour les faire rentrer dans le devoir.

[164] Cf. Faustus de Byzance, V, 22.

[165] Cf. Faustus de Byzance, V, 23.

[166] Cf. l’Auctarium Biblioth. patrum (éd. Combefils), t. II, p, 271-292, qui renferme une liste des premiers patriarches de l’Arménie par un anonyme, qui avait écrit son livre en arménien. Une traduction grecque nous est parvenue, où il est dit que Nersès, NorsishV, siégea trente-quatre ans.

[167] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 21.

[168] Cf. Faustus de Byzance, V, 24.

[169] Le texte de cette rubrique porte Sahag, mais il faudrait lire Schahag, qui est l’orthographe adoptée par Moïse de Khorène, dans les plus anciens mss. et dans les meilleures éditions.

[170] Cf. Faustus de Byzance, V, 30.

[171] Schahag de Manazguerd occupa le trône pontifical de l’Arménie de l’an 374 à l’an 378. — Faustus de Byzance (V, 29) nomme après Nersès Iousig de Manazguerd, de la famille d’Albianos. Bien que ces deux noms soient très différents, il ne peut y avoir de doutes sur l’identité du personnage, et nous croyons que le nom d’Iousig est une altération commise dans le texte de Faustus, soit par le traducteur arménien de son Histoire, soit par les copistes.

[172] Les successeurs de saint Grégoire jusqu’à l’avènement de Schahag furent consacrés à Césarée; c’est un fait hors de doute, puisque Faustus de Byzance (V, 12, 16) et Assoghig le disent formellement. Jean VI raconte dans son Histoire (ch. 9, p. 40 de la trad. de Saint-Martin) que le roi Arsace fit rassembler un synode, dans lequel on conféra à Nersès le Grand le titre de patriarche, et on statua que ses successeurs seraient désormais ordonnés par les évêques du pays, et non plus par celui de Césarée.

[173] La sédition de Thessalonique fut amenée à cause d’un cocher du cirque qui avait été emprisonné. — Cf. Théodoret, V, 17 Sozomène, VII, 25; Rufin, XII, 18; Paulin, Vie de saint Ambroise, § 24.

[174] Cf. Faustus de Byzance, V, 32. — Selon cet historien, Knel ne fut pas tué dans une bataille, mais à la suite d’un banquet dans lequel Bab fut assassiné par les Grecs.  

[175] Ammien-Marcellin (l. xix, c. 1) raconte la fin tragique de Bab (Para) d’une manière toute différente, et, son récit qui est conforme à celui de Faustus (V, 32) semble devoir être préféré à celui de Moïse. Terence complotait depuis longtemps la perte de Bab, et celui-ci, pour éviter la mort, se jeta dans les bras du roi de Perse. On le poursuivit, mais il ne fut pas atteint; c’est alors que les Romains chargèrent le général Trajan d’attirer Bab dans une embuscade, où celui-ci se rendit sans défiance. Pendant un banquet donné en son honneur, un soldat barbare lui porta un coup mortel. Knel, prince des Antzévatzi, qui voulut le venger, tomba également sous les coups des conjurés.

[176] Varaztad régna de l’an 381 à l’an 388; il était fils d’Anob frère d’Arsace III, et n’appartenait pas à la ligne directe des Arsacides. Les Grecs et les Latins ne parlent pas de ce roi dans leurs écrits; seulement on trouve son nom mentionné dans la liste grecque des premiers patriarches arméniens dressée par l’anonyme arménien sous la forme Baristirtak (éd. Combefils. t. II du Suppl. à Biblioth. des Pères. p. 271-291).

[177] Cf. Faustus de Byzance, V, 34.

[178] Ce nom a été vraisemblablement altéré par les copistes.

[179] Cf. sur les Lombards, la note que Saint-Martin leur a consacrée dans son éd. de l’Hist. du .Bas-Emp. de Lebeau, t. IV, p. 34, note I.

[180] Canton de la Haute Arménie. — Cf. Indjidji, Arm. ancienne, p. 3.

[181] Le texte n’est pas très clair en cet endroit; mais on peut supposer qu’il s’agit de plusieurs madriers jetés sur un des petits affluents de l’Euphrate qui, en effet, est formé de plusieurs sources prenant naissance dans le canton de Taranaghi. — Cf. Xénophon, Exp. de Cyrus, liv. iv.

[182] Cf. Eusèbe, Chron, i, p. 248. — Le texte de la version arménienne d’Eusèbe et celui de Moïse portent le mot gankoun « coudée » mais le teste grec d’Eusèbe emploie le mot πούς « pied ». Le nombre de 32 pieds ou coudées qui se lit dans Eusèbe (vers. arm.) et dans notre auteur, permet de corriger le texte grec de la Chronique d’Eusèbe qui dit que la distance franchie était de 52 pieds.

[183] Faustus de Byzance (V, 37) dit que ce fut le sbarabed Manuel qui chassa Varaztad de l’Arménie, pour venger la mort du général Mouschegh que ce prince avait fait assassiner.

[184] Cf. Lebeau, Hist. du Bas-Emp. (éd. Saint-Martin), t. IV, p. 180, note 1. — Saint-Martin suppose que Varaztad fut relégué dans les îles Britanniques, auxquelles ou donnait quelquefois le nom de Thulé, qui s’applique à tous les pays septentrionaux de l’Europe, connus des anciens.

[185] Zavên de Manazguerd occupa le siège de l’an 378 à 382. Faustus le fait siéger avant Schahag. — Cf. Faust. de Byzance. VI, 2.

[186] Arsace IV et Valarsace II montèrent sur le trône en 382. Celui-ci étant mort en 383, Arsace régna seul de 383 à 389.

[187] Cette princesse s’appelait Zarmantoukhd (Faustus de Byzance, V, 37, 38).

[188] Le récit de Moïse est encore ici très différent de celui de Faustus de Byzance. Selon cet écrivain, ce fut Sapor roi de Perse qui plaça sur le trône d’Arménie les deux princes, fils de Bab (Faustus. V, 38).

[189] Faustus de Byzance (V, 44) dit qu’Arsace épousa Vartantoukhd, fille de Manuel.

[190] Asbouraguès siégea sur le trône patriarcal de l’an 382 à l’an 390 (Faustus de Byzance, VI, 4, 15).

[191] Cf. Faustus de Byzance, VI, 1.

[192] Cf. Faustus de Byzance, VI, 1. — Procope (de Aedif., l. iii, c. 1) dit que la partie de l’Arménie qui appartenait aux Perses était quadruple de l’autre.

[193] Chosroès ou Khosrov III régna sur la partie de l’Arménie soumise aux Sassanides, depuis l’an 387 (Faustus de Byz., VI, 1).

[194] Le pays de Vanant, dans la province d’Ararat, était voisin de la Pasène. — Cl. Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 107-108.

[195] Ce canton était situé dans la Haute Arménie. — Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 22.

[196] Ce lac est situé au nord de l’Araxe, non loin d’Erivan. Il porte actuellement le nom de lac de Sévan. Les anciens lui donnaient le nom de Lychnites (Ptolémée, V, 13. — Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 264. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 61.

[197] Arsace IV fut le dernier rejeton en ligne directe de la race des Arsacides d’Arménie. La descendance directe des Arsacides avait régné en Arménie depuis l’an 149 avant J.-C., jusque vers l’année 392 ou 393 après notre ère.

[198] Le texte emploie l’expression gomes ischkhan « comte-prince »; mais Procope (de Aedif., iii, 1) donne à ces fonctionnaires le titre de comte. Ce ne fut que plus tard qu’ils furent investis du titre de duc.

[199] Le texte arménien emploie le mot khardoughar qui est la transcription du grec χαρτουλάριον, qui a formé le latin chartularius ou cartularius.

[200] Le passage qu’on va lire est de saint Nilus, écrivain ecclésiastique du cinquième siècle, et il est extrait de son Exhortation à la vie spirituelle, dont les Arméniens ont fait une traduction dans leur langue à l’époque de l’apparition de cet ouvrage. Les Œuvres de saint Nilus, traduites en arménien, furent imprimées pour la première fois à Constantinople, en 1720.

[201] Ce prince est aussi appelé Schampith.

[202] Il est fait allusion dans ce passage à la secte des Borborides, dont il sera question plus loin, ch. 57, et dont il a été aussi fait mention dans la Géographie de S. Nersès par Gorioun.

[203] Vaghinag était frère de Babik.

[204] Moïse emploie ici le terme sdradélad qui est la transcription du grec στρατηλάτης.

[205] Le texte porte khadch arandtz, « le brave des hommes ».

[206] Thomas Ardzrouni (Hist. des Ardzrouni, 70 et 73) rappelle Vahan, et raconte sa mort avec des circonstances analogues. Faustus de Byzance (IV, 58) assure de son côté que Vahan le Mamigonien, complice de Méroujan et sa femme Ormuzdtoukhd, sœur de Sapor roi des Perses, furent assassinés par leur fils Samel.

[207] Saint Sahag le Grand, aussi nommé Parthev « le Parthe », occupa le siège patriarcal de l’an 390 à l’an 428.

[208] Les Spoudées, σπουδαῖοι « studieux », étalent appelés aussi Acœmeti. — Cf. Du Gange, au mot Acœmeti.

[209] Il paraît qu’à cette époque Sapor était mort et que le trône de Perse était occupé par Vram ou Vahram IV, Kirmanschah. Le nom de Sapor est donné par notre auteur indistinctement à tous les rois de Perse, comme un titre honorifique analogue à celui d’Arsace, d’Auguste ou de César. Au surplus les Romains eux-mêmes appliquaient aussi le nom de Sapor à tous les monarques sassanides à partir de cette époque, comme on peut le voir dans Claudien (In Eutr., l. ii, v. 481). — Cf. Lebeau, Hist. du Bas-Emp., t. V, p. 94, note I, éd Saint-Martin.

[210] Lazare de Pharbe entre dans de plus grands détails sur la conduite tenue par les satrapes dans cette circonstance.

[211] Vramschapouh, appelé Vramsapor par les Grecs, régna de 392 à 414.

[212] Le mot garavan qu’emploie ici Moïse est la transcription du mot persan kiarvan ou kiarban.

[213] Cf. Patkanian, Essai d’une histoire de la dyn. des Sassanides, etc., p. 13 de la trad. franc.

[214] Cf. Lazare de Pharbe, c. 4.

[215] Cf. saint Jean Chrysost., In act. Hom., 7, 41.— Socrate, l. vi, c. 23. — Sozomène, l. ix. c. 1.

[216] Cf. Lazare de Pharbe, c. 5.

[217] Un seul ms. donne les caractères, dont voici la valeur a, , é, e, i, ouo ou o, ou ou v.

[218] Mesrob donna aux Géorgiens leur alphabet khoutzouri ecclésiastique qui ressemble beaucoup à l’alphabet arménien. Cependant Vakhtang raconte dans ses Annales que cet alphabet fut donné aux Géorgiens par le roi Pharnavaz (Brosset, Hist. de la Géorg., t. I, p. 43). L’alphabet civil, mkédrouli « des guerriers », qui diffère par la forme des caractères, du khoutzouri, ne fut employé par les Géorgiens que beaucoup plus tard; c’est celui dont on se sert aujourd’hui habituellement dans le pays, tandis que le khoutzouri est réservé spécialement pour la transcription des livres religieux.

[219] L’alphabet des Aghouank est perdu depuis longtemps déjà, et jusqu’à présent on n’a trouvé aucune trace de manuscrits écrits dans cette langue. Les inscriptions lapidaires font également défaut. M. Boré (Lettres d’un voyageur en Orient, t. II, p. 50) avait cru retrouver l’alphabet des Aghouank dans un manuscrit arménien; mais cette découverte, qu’il avait annoncée à l’institut en 1838, était une véritable mystification. L’alphabet aghouank de M. Boré était tout simplement un alphabet moderne, que le plus illettré des Arméniens eût reconnu de suite pour des caractères nodorkir, fort en usage actuellement dans tout l’Orient.

[220] Cf. plus haut, III, 36.

[221] Chosroès III monta sur le trône en 414 et il régna jusqu’en 415.

[222] Ce nom est la transcription du nom perse Phraate.

[223] Le texte se sert du mot anischeli « sans souvenir » et par extension « oubli ».

[224] Le Sedjestan ou Séistan, est à l’est du Khorassan; c’est la Sacastène ou pays des Saces des anciens.

[225] Cf. Lazare de Pharbe, c. 7, 8.

[226] Sapor ou Schapouh, régna de 415 à 419. — Procope (de Aedif., l. iii, c. 1. — Bell. pers., l. ii. c. 3) donne des détails très circonstanciés sur la chute de la dynastie arsacide d’Arménie, et l’avènement au trône d’un prince perse. Pendant la minorité de Théodose II, Arsace, roi d’Arménie, mourut laissant le trône à ses deux fils Tigrane et Arsace. Tigrane eut une plus large part que son frère qui, mécontent de ce partage, appela à son aide les Romains. Tigrane, hors d’état de résister, fit don au roi de Perse des états que son père lui avait laissés. Arsace, de son côté, imitant la conduite de son frère, donna également à Théodose II la partie de l’Arménie que son père lui avait léguée. L’histoire d’Arménie ne parle pas de ces deux princes, et, pour concilier le récit de Moïse avec celui de Procope, il faut supposer qu’il s’agit de Chosroès III qui seul a pu faire les dispositions testamentaires en faveur de ses fils, dont parle Procope. En effet il ne peut être question de Vramschapouh qui ne laissa qu’un fils en bas âge, lequel fut exclu du trône à cause de sa jeunesse. — Cf. Lebeau, Hist du Bas-Emp., t. V, p. 438 et suiv., éd. Saint-Martin.

[227] Cf. Lazare de Pharbe, c. 8.

[228] Cf. plus haut, I, 23 ; II, 7.

[229] Cf. plus haut, II, 23.

[230] Lazare de Pharbe (c. 8), dit que Sapor fut empoisonné.

[231] Assoghig dit onze ans.

[232] Procope (de Aedif., l. iii, c. 1) nous donne des renseignements précieux sur l’état de l’Arménie à l’époque dont nous parlons. La Perse et l’Empire semblaient s’être mis encore une fois d’accord relativement aux affaires d’Arménie, et le partage, qui avait été fait jadis entre les deux Etats, fut de nouveau rétabli sur les anciennes bases; l’Arménie occidentale, désignée sous le nom de Grande Arménie, fut réunie à l’Empire qui en confia l’organisation à un comte. La Quatrième Arménie, qui était située au nord de la Mésopotamie, entre l’Euphrate et le Tigre, renfermait plusieurs satrapies indépendantes sous la suzeraineté de l’empereur (Justinien, Novell. Const., 31), formant une réunion de nations et de noms barbares. Ces satrapies étaient au nombre de cinq dans la partie de l’Arménie comprise entre l’Euphrate et la ville d’Amid; la Sophanène, l’Anzitène, la Sophène, l’Asthianène, la Bélabitène. Elles se transmettaient par droit de succession, et chacun des satrapes recevait de l’empereur l’investiture (Procope, op. et loc. cit.). Il est évident que c’est à cette division de l’Arménie en plusieurs états distincts, que Moïse de Khorène fait allusion dans ce chapitre, quand il parle de l’anarchie qui régna pendant plusieurs années dans le pays.

[233] Anatole était maître de la milice d’Orient et jouissait d’un très grand crédit sous le règne de Théodose le Jeune. — Cf. Cyrille de Scythopolis, Vit. S. Euth., dans les Anal. graec., t. I, p. 19 et suiv.

[234] Le canton de Terdchan, l’ancienne Derzène (Pline, V, 24) ou Xerxène (Strabon, XI, 14, 5) se trouvait dans la province appelée Haute Arménie. — Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 24. — Saint-Martin, Mémoires sur l’Arm., t. I, p. 44, 45, 74.

[235] L’arménien emploie le mot inkhnakloukh qui est la traduction du grec αὐτοκέφαλος.

[236] Le texte arménien emploie le mot porporidon qui est la transcription du mot βορβόρεος, « boue, fange ». — Moïse de Khorène avait déjà fait allusion à cette secte dans le ch. 47 de ce livre.

[237] Ce mot existe seulement dans deux mss.

[238] Cf. Lazare de Pharbe, c. 8.

[239] Ardaschir monta sur le trône d’Arménie en 422 par l’ordre de Bahram V roi de Perse. Il fut renversé par ce prince en 428. Ardaschir porte, dans les listes royales d’Arménie, le nom d’Ardaschès IV.

[240] Ce canton était situé dans la Haute Arménie: Pline (liv. v, c. 24) l’appelle Caranitis. — Cf. Procope. Bell pers., l. i, ch. 10. — Indjidji, Arm. anc., p. 27. — Saint-Martin; Mém. sur l’Arm., t. I, p. 27, 43.

[241] Ces sources proviennent de la montagne appelée en turc Bin-gueul, ou « les mille sources, les mille lacs ».

[242] Lazare de Pharbe nomme cet amas d’eau « mer de Garin ». Ce marais est appelé en turc Sazlik « marais ou endroit des roseaux ». — Cf. Saint-Martin; Mém. sur l’Arm., t. I, p. 64.

[243] C’est la montagne appelée Sourp-Khatch « la Sainte-Croix » par les Arméniens, et top-dagh « montagne du canon » par les Turcs.

[244] Cette description est tout à lait conforme à l’état actuel de la ville et diffère de celle que nous a transmise Procope (de Aedif., iii, 5) qui attribue la construction d’une partie des édifices aux empereurs Anastase et Justinien qui ne firent vraisemblablement que les restaurer. Les Arméniens donnent à cette ville le nom de Garin, quelquefois aussi ils la nomment Théodosiopolis; les Turcs rappellent Erzeroum ou Arzroum «  citadelle grecque » parce qu’elle confine avec l’Asie Mineure. Toutefois cette étymologie paraît douteuse, et Saint-Martin, dans les notes qu’il a jointes à son édition de l’Histoire du Bas-Empire de Lebeau (t. V, p. 448), suppose avec beaucoup de vraisemblance que le nom d’Erzeroum vient d’Arien ou Artzé, nom d’un bourg des environs que l’on avait donné au onzième siècle à la ville de Théodosiopolis, et auquel on avait ajouté l’épithète de Erroum (Arzen-erroum ; Ardzen des Grecs) pour le distinguer d’une localité située au sud de l’Arménie près des rives du Tigre. Les sources d’eau thermale portent actuellement le nom d’Iligé. La construction d’Erzeroum aurait été confiée, dit le Ménologe arménien (19 février), à notre auteur qui était à ce qu’il paraît surintendant des édifices publics; mais, comme cette assertion ne se trouve nulle part ailleurs, on est en droit de révoquer le fait en doute, car, en rapprochant la date de la construction de cette ville de l’âge de Moïse de Khorène à l’époque où elle fut fondée, on trouve que notre auteur aurait été âgé à peine de dix ans.

[245] On n’est pas d’accord sur ce point, à savoir si Paghassagan se trouvait dans la province de Siounie, ou dans le pays des Aghouank.

[246] Ce dynaste est connu par un monument fort curieux conservé au cabinet des médailles de la Bibliothèque impériale de Paris. Son buste de profil est gravé en creux sur un onyx, et autour on lit cette légende: Ουσας πητιαξης Ιβηρων Καρδηδων. Le mot Ουσας n’est autre chose que le nom d’Aschouscha rendu méconnaissable par l’artiste chargé de la gravure de la pierre. — Cf. Visconti, Iconogr. grecque, t. II, p. 269 et suiv., pl. 45, n° 10. — Ma Numismatique de la Géorgie (1re édit. 1852), p. 7-8. — Dumersan, Hist. du cab. des médailles, p. 90, n° 425.

[247] Joseph était de Baghin, canton de la Quatrième Arménie, non loin de la Sophène.

[248] Sisinnius, successeur d’Atticus, en 426, et prédécesseur de Nestorius et de Maximien, fit aussi un accueil empressé aux envoyés de Sahag et de Mesrob. Mais Moïse ne parle que de Maximien, sans qu’on s’explique la cause du silence qu’il a gardé envers Sisinnius. Maximien avait remplacé Nestorius, déposé en 431 au concile d’Ephèse.

[249] Cette phrase offre une véritable difficulté: les mots krovoragan rerdzanouthiamp signifient à proprement parler « avec une lecture littérale ».

[250] Le concile d’Ephèse se tint en 431. — Cf. Socrate, l. vii, c. 31. — Evagrius, I. i, c. 2. — Fleury, Hist. eccl., l. xxv, art. 1 et suiv.

[251] Le pape Célestin était représenté au concile par ses légats.

[252] La lettre de Proclus se trouve en grec, dans la Collection des conciles de Mani, t. V, p. 422.

[253] La nouvelle traduction de la Bible, en arménien, fût faite sur la version grecque des Septante et adoptée par les Pères du concile national d’Aschdischad en 434. C’est cette version arménienne que nous possédons actuellement, qui est appelée la reine des versions, parce que les traducteurs n’ont pas même interverti l’ordre relatif des mots, si bien qu’à la place d’une expression grecque, ils ont mis le mot arménien correspondant. Cette traduction est donc la reproduction fidèle d’un manuscrit grec de la version des Septante, dans de la première moitié du cinquième siècle.

[254] Ce passage est une réminiscence du ch. 30 de l’Hist. d’Alexandre du Pseudo-Callisthène, que les Arméniens, et probablement Moïse de Khorène, avaient traduite au cinquième siècle sur le texte grec. (Cf. Pseudo-Callisth., éd. Ch. Müller, p. 31)

[255] Moïse se sert ici du mol athéra qui est la transcription du grec ἀθήρ, « épi ».

[256] Moïse veut sans doute désigner ici saint Cyrille, évêque d’Alexandrie.

[257] Psalm. LXXIII, 19.

[258] Cette ville était située dans le canton de Peznouni, province de Douroupéran. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 100-104.

[259] Lazare de Pharbe, c. 18, 14.

[260] Sourmag occupa le siège patriarcal, comme intrus, de l’an 428 à l’an 429.

[261] Les marzban étaient des « gardiens des frontières » auxquels les rois de Perse confièrent le gouvernement de l’Arménie, lorsque la dignité royale eut été abolie, après le renversement d’Ardaschir.

[262] Ce personnage fut le premier marzban d’Arménie. Il appartenait à la famille perse des Mir ou Mirav, MirramoV (Th. Simocatta, iii, 18), l’une des branches des Arsacides, qui a donné plusieurs fonctionnaires célèbres à la cour des Sassanides (Patkanian, Essai d’une Hist. des Sassanides, p. 31 de la trad. fr.). —Le mot Veh « glorieux » précédait le nom de tous les personnages illustres par leur mine ou leur antiquité; c’est un mot pehlvi dérivé du zend, Vengh.

[263] Perkhischo, appelé aussi Bérékhischoï ou Abdishoï administra le siège de 429 à 432.

[264] Lazare de Pharbe (c. 15) assure que les prêtres syriens avaient des concubines.

[265] Cf. Lazare de Pharbe, c. 14.

[266] Le pays d’Aschotz, au nord de la province d’Ararat, fait partie de la Géorgie et s’appelle actuellement le Somkheth. — Indjidji, Arm, anc., p. 442. — Brosset, Géographie de Wakhoucht, p. 141.

[267] Cette localité n’est mentionnée dans aucun géographe arménien, et Indjidji ne la donne pas dans sa Arménie ancienne. Peut-être est-ce un mot altéré par les copistes.

[268] Samuel gouverna le siège patriarcal de l’an 432 à 439.

[269] Il s’agit ici d’Ardaschir II, roi de Perse, dont il a été question plus haut, c. 51.

[270] Cf. Lazare de Pharbe, c. 14-15.

[271] Cet endroit s’appelle actuellement Ulch-Kilissé (les trois églises, en turc). — Sur la clarté lumineuse qui apparut au moment du baptême de Tiridate, voir le passage où Agathange a raconté ce prodige.

[272] Cf. Lazare de Pharbe, ch. 15 et 16. — Cf. aussi la correspondance de Grégoire Magistros, et les ménologes.

[273] Matthieu, xviii, 7.

[274] Cf. Lazare de Pharbe, c. 15, 16.

[275] Bahram V régna seulement vingt ans, selon Agathias. l. iv, p. 237.

[276] Iezdedjerd II.

[277] Cf. Théodoret, l. v, c. 37.

[278] Ce village était situé dans le canton de Pakrévant.

[279] Ce passage est assez obscur; peut-être l’auteur fait-il allusion ici à ce qu’il se proposait de traiter dans le quatrième livre de son Histoire, mentionné par Thomas Ardzrouni, et dont il ne nous est parvenu qu’un Fragment très court.

[280] Septième mois arménien, qui commence vers le mi lieu de janvier. La mort de saint Mesrob eut lieu le 19 février 441. Le mois de Méhégan ou Méheghi correspond au mois persan Mihragan consacré au dieu Mihr ou Mithra. — Cf. Hyde, Hist. rel. vet. Pers., page 244-247.

[281] Cf. Lazare de Pharbe, c. 18.

[282] Joseph fut élevé au pontificat de l’Arménie en 441; mais il ne fut en réalité qu’un suppléant, car le roi de Perse avait exigé que l’on rendit le rang suprême à Sourmag qui avait déjà siégé pendant un an du vivant de Sahag. Seulement six ans plus tard, Joseph fut définitivement installé comme patriarche. Cf. Jean Catholicos, Hist. d’Arm., p. 49 de la trad. de Saint-Martin.

[283] Esaïe, I, 2.

[284] Josué, I, 3.

[285] III Rois, iii, 12, 14, 17.

[286] III Rois, xiii, 24.

[287] IV Rois, ii, 9, 11.

[288] IV Rois, ix, 2; x, 32; xiii, 3.

[289] IV Rois, v, 6; — I, Esdr. iii, 2.

[290] Cf. Lazare de Pharbe et  Elisée.

[291] I et II, Macchab., passim.

[292] Esaïe, LVII, 2f.

[293] Zaccharie, xi, 16.

[294] Le quatrième livre de l’Histoire de Moïse de Khorène, qui existait encore au temps de Thomas Ardzrouni, ne nous est pas parvenu. Il n’est arrivé jusqu’à nous qu’un seul chapitre relatif à l’assassinat et aux funérailles du roi Tiridate.