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MOÏSE DE KHORÈNE.

HISTOIRE D'ARMÉNIE

LIVRE II

livre I

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

MOÏSE DE KHORÈNE

HISTOIRE D’ARMÉNIE

LIVRE II.

Ch. i.

Histoire des temps intermédiaires de nos ancêtres.

Je vais maintenant, dans ce second livre, te raconter l’histoire particulière de notre pays, depuis le règne d’Alexandre jusqu’à celui du saisit et vaillant Tiridate (Dertad) le Grand.[1] Je te dirai successivement les actes de valeur et d’éclat, les ordonnances et les institutions de chacun des princes qui sont issus d’Arsace (Arschag), roi des Perses, et notamment de Valarsace (Vagharschag), son frère,[2] établi par lui roi de notre nation; enfin, de tous les monarques de sa race qui se sont succédé sur le trône de père en fils, et ont été appelés Arsacides (Arschagouni) du nom d’Arsace. Ses descendants se multiplient et forment une nombreuse lignée; mais, d’après l’ordre établi, il n’y a qu’un seul prince d’appelé à ce pouvoir suprême. D’ailleurs, j’écris rapidement ce qui nous intéresse, et je néglige le reste, car, pour les autres nations, ce qu’ont dit une foule d’historiens suffit.

Alexandre de Macédoine, fils de Philippe et d’Olympias,[3] vingt-quatrième descendant d’Achille,[4] après avoir soumis à ses lois le monde entier, laisse par son testament son empire à plusieurs [généraux],[5] de telle sorte que l’empire de tous est appelé l’empire des Macédoniens; puis il meurt. Ensuite, Séleucus, régnant à Babylone, ravit les États de ses compagnons. Il soumet les Parthes, après une guerre terrible, et fut appelé par cette raison Nicator (Nicanor). Après trente et un ans de règne, il laissa le royaume à son fils Antiochus, surnommé Soter, qui régna dix-neuf ans. Antiochus, dit Théus, lui succède [et règne] dix ans; mais, la onzième année, les Parthes secouent le joug des Macédoniens, et par suite le brave Arsace monte sur le trône. Il était de la race d’Abraham, du lignage de Cétura,[6] en accomplissement de la parole du Seigneur à Abraham: « De toi sortiront les rois des nations.[7] »

Ch. ii.

Règne d’Arsace et de ses fils. — Guerre contre les Macédoniens. — Amitié arec les Romains.

Soixante ans après la mort d’Alexandre, le brave Arsace régna, comme nous l’avons dit,[8] sur les Parthes, dans la ville appelée Pahl Aravadin,[9] au pays des Kouschans. Il fait une guerre épouvantable, s’empare de l’orient tout entier, et chasse de Babylone les Macédoniens. Il apprend que les Romains sont maîtres de l’occident et de la mer, qu’ils ont enlevé aux Hispani les mines d’où l’on tire l’or et l’argent, qu’ils ont rendu tributaires les Galates et les royaumes de l’Asie; il envoie des ambassadeurs et sollicite une alliance en vertu de laquelle tout secours sera refusé aux Macédoniens. Il ne consent point à payer tribut aux Romains, mais il leur donne chaque année un présent de cent talents (kankar).

Arsace règne ainsi trente et un ans; Ardaschès, son fils, vingt-six ans. A celui-ci succède le fils d’Ardaschès, Arsace,[10] surnommé le Grand. Ce dernier fait la guerre à Démétrius et à Antigone, fils de Démétrius. Antigone vient fondre sur Arsace à Babylone avec une armée macédonienne et lui livre combat; mais, fait prisonnier par Arsace, il fut conduit en Parthie chargé de fers, d’où lui vint le surnom de Sidérités. Son frère, Antiochus Sidétès, prévenu de la marche d’Arsace, vient occuper la Syrie. Arsace revient contre lui avec cent vingt mille hommes.[11] Antiochus, pressé par la rigueur de l’hiver, contraint de livrer bataille dans un étroit défilé, périt avec toute son armée. Alors Arsace commande en maître dans la troisième partie du monde, comme nous l’apprend le quatrième livre des histoires véridiques[12] d’Hérodote, qui traite de la division de l’univers en trois parties: l’une appelée Europe, l’autre Libye, la troisième Asie, sur laquelle domine Arsace.

Ch. iii.

Valarsace est établi roi dans le pays des Arméniens.

En ce temps-là, Arsace établit son frère Valarsace roi de notre pays,[13] lui donnant pour États le nord et l’occident. Valarsace, ainsi que nous l’avons dit dans notre premier livre,[14] prince brave et vertueux, étendit bientôt son empire. Il organisa autant qu’il put les institutions civiles, créa des satrapies, à la tête desquelles il plaça des dynastes, personnages illustres, de la race de notre ancêtre Haïg et des autres chefs.

Le Parthe magnanime, ayant dompté les Macédoniens et mis fin à la guerre, donne un large cours à sa bienfaisance. D’abord, il songe à récompenser les services du juif Schampa Pakarad, homme puissant et sage; il lui confère, ainsi qu’à ses descendants, le privilège de couronner les Arsacides.[15] Il accorde à sa race le droit de s’appeler Bagratides (Pakradouni), satrapie considérable existant encore aujourd’hui en Arménie.[16] Ce Pakarad s’était dévoué volontairement au service de Valarsace, avant la guerre d’Arsace contre les Macédoniens. Il est crée aussi [chef] de la porte royale; et, à l’extrémité du royaume où se parle encore la langue arménienne, (il est nommé) préfet et prince de onze mille hommes à l’occident.[17]

Mais retournons en arrière, et racontons la guerre de Valarsace contre les habitants du Pont et ensuite contre ceux de la Phrygie, enfin sa victoire.

Ch. iv.

Comment Valarsace, après avoir réuni l’élite des Arméniens,

marche contre les alliés des Macédoniens.

Après la guerre d’Arsace contre les Macédoniens et la conquête de Babylone et de la partie orientale et occidentale de l’Assyrie, Valarsace lève dans l’Aderbadagan[18] et l’Arménie centrale des guerriers renommés et valeureux, et convoque Pakarad et ses braves, avec la jeunesse du littoral, les descendants de Kégham, des Cananéens, de Schara, de Couschar, leurs voisins de Sissag et de Gatmos, enfin presque la moitié du pays. Valarsace arrive au milieu de l’Arménie, au-dessus des sources du Grand Marais (Medz-Amor),[19] au bord de l’Araxe (Eraskh), près de la colline d’Armavir. Là, il s’arrête plusieurs jours, parce que, comme il convient de le dire, ses troupes n’étaient pas au fait de la discipline.

Ayant encore levé des troupes en Chaldie,[20]— car la Lazique,[21] le Pont, la Phrygie, Majak[22] et les autres provinces, ne sachant rien de la guerre d’Arsace et soumises à l’empire des Macédoniens,[23] gardaient scrupuleusement les traités, — un certain Morphilig, soulevant toutes ces provinces, livre bataille à Valarsace. Les deux armées se rencontrèrent près d’une haute colline rocheuse, aujourd’hui appelée Colonia,[24] et, s’approchant l’une de l’autre de quelques stades, elles se fortifièrent des deux côtés pendant plusieurs jours.

Ch. v.

Combat de Morphilig. — Il est tué d’un coup de lance.

Les deux armées, après avoir été occupées à se fortifier pendant plusieurs jours, engagent la bataille; les nôtres commencent. Morphilig, de gré ou de force, range ses soldats et charge avec fureur, car c’était un vaillant guerrier, aux membres vigoureux et bien proportionnés, et d’une force égale à sa stature. Tout couvert de fer et d’airain, à la tête de ses soldats d’élite en petit nombre, Morphilig faisait mordre la poussière à la jeunesse courageuse de Valarsace. Il s’efforça de s’ouvrir un passage jusqu’au roi d’Arménie, à travers un fort bataillon bien armé. Arrivé près de lui, il réussit à croiser la lance, et, fort comme il était, champion exercé, son arme fendait l’air comme de rapides oiseaux. Mais les braves et renommés enfants d’Haïg et de Sennékérim l’Assyrien ne tardèrent pas à lui barrer le chemin. D’un coup de lance ils renversent Morphilig, et mettent en fuite son armée. Le sang coulait sur la terre à flots pressés, comme des torrents de pluie. Depuis ce moment, le pays fut en paix et soumis à Valarsace. Les Macédoniens cessèrent alors toute attaque.

Ch. vi.

Valarsace organise les parties occidentales et septentrionales de notre pays.

L’expédition ainsi terminée, Valarsace organisa les provinces de Majak, du Pont et des Colches (Ekératzi). Il va au pied du Barkhar dans le Daïk,[25] dans des lieux marécageux, couverts de brouillards et remplis de forêts et de mousses. Il donne à la contrée une forme nouvelle, aplanit les terrains accidentés, change la brûlante chaleur en une douce température et en fait le séjour de délices de son empire. Là il prépare des résidences d’été quand il ira au nord. Il transforme en parcs deux plaines boisées, entourées de collines, pour le plaisir de la chasse. Il destine le climat chaud de Gogh[26] aux plants de vignes de l’Arménie et à des jardins. Je voudrais ici, pour un prince si cher, dire toutes choses avec détail et clarté; mais j’ai seulement signalé en passant les localités, laissant de côté les particularités et les formes du style, afin de conserver indissolubles les liens de mon amour pour un aussi admirable prince.

Alors Valarsace convoque les populations étrangères et barbares, celles du nord de la plaine, celle de la base de la grande chaine du Caucase, celles qui sont les plus enfoncées dans les vallées d’une large et profonde étendue, en descendant de la montagne qui est au sud jusqu’à l’entrée de la grande plaine. Valarsace ordonne à cette multitude de renoncer à ses brigandages et à ses ruses, et de se soumettre aux lois et aux tributs royaux, afin qu’en la revoyant, il puisse lui donner des chefs, des princes et une bonne organisation. Puis il la renvoie sous la conduite de prudents inspecteurs de son choix. Ayant ainsi congédié les hommes de l’occident, il descend dans les prairies verdoyants, près des domaines de Schara, que les anciens appelaient Pasène supérieure et déboisée.[27] Plus tard, et par suite de l’établissement dans ces lieux de la colonie de Veghentour Boulgar[28] de Vount,[29] le pays fut appelé de son nom Vanant; et les villages sont appelés jusqu’à présent du nom de ses frères et de ses descendants.[30]

[Valarsace], afin de se soustraire au souffle glacé du nord, descend dans une immense plaine; là, il campe au bord du Medzamor, à l’endroit où le grand fleuve, sortant du lac septentrional, va se perdre dans le Grand Marais. Puis il organise les milices du pays, laisse des inspecteurs, et, emmenant avec lui les plus notables, il se rend à Medzpine.

Ch. vii.

Organisation du royaume. — D’où Valarsace tire toutes ses satrapies?  — Comment il règle ses institutions.

Voici un important chapitre, tout rempli de détails historiques et digne de la plus claire et de la plus complète exposition; car il y a beaucoup à dire sur les institutions, les règlements, les familles, les races, les villes, les bourgs, les établissements, et en général sur l’organisation entière d’un royaume, sur tout ce qui le concerne, les armées, les généraux, les gouverneurs de provinces et les autres officiers.[31]

En premier lieu, le roi règle tout ce qui concerne sa personne et sa maison, et commence par sa tête et sa couronne. Voulant récompenser le juif Pakarad de son ancien dévouement, de sa fidélité et de sa valeur, il confère, ainsi que nous lavons dit,[32] à lui et à sa descendance, le titre de grand feudataire, le privilège de mettre la couronne sur la tête du roi, de s’appeler thakatir et général de la cavalerie,[33] de porter le diadème avec trois rangs de perles, sans or ni pierreries, quand il se trouvait à la cour ou dans l’appartement du roi.

Valarsace choisit parmi les descendants des Cananéens un certain Tzerès, chargé de lui mettre ses ornements royaux, et donne à sa race le nom de Kentouni.[34] Il tire ses gardes du corps, armés de toutes pièces, de la race de Khor descendant de Haïg, tous guerriers braves et habiles au maniement de la lance et de l’épée, et leur donne pour chef Malkhaz, en leur conservant le nom de leur race primitive.[35] Tad, de la race de Karnig, sorti de Kégham, est préposé aux chasses royales. Son fils est Varj,[36] et C’est de lui que la race tire son nom; toutefois ce ne fut que postérieurement, au temps d’Ardaschès.[37] Kapagh[38] est intendant des greniers à blé,[39] et Apel[40] est majordome et chambellan. Valarsace leur donne des villages qui portent leurs noms; ce sont les satrapies Apéghèn[41] et Kapéghèn.[42]

Les Ardzrouni,[43] je ne devrais pas dire Ardzrouni, mais Ardzivouni, parce qu’ils furent ceux qui portaient les aigles devant Valarsace. Je laisse de côté les fables et les contes publiés à Hatamaguerd,[44] à savoir qu’un enfant dormait exposé à la pluie et au soleil, lorsqu’un oiseau couvrit de ses ailes l’enfant défaillant. Je sais que le mot Kénouni vient de kini (vin) et ouni (il a) celui qui prépare les breuvages du roi. Voici une particularité curieuse touchant cette fonction et cette dénomination: celui qui dégustait les vins les plus savoureux et les plus généreux pour le roi, s’appelait Kin. Valarsace, dit-on, enchanté de cette singulière coïncidence, élève Kin au rang des grands satrapes. Ce sont là les deux maisons sorties de la race de Sennékérim, les Ardzrouni et les Kénouni.

Je le dis aussi: les Sbantouni[45] étaient préposés aux sacrifices; les Havénouni,[46] fauconniers, habitaient les forêts; et si tu ne me prends pour un conteur, je dis encore: les Tzunagan[47] étaient les gardiens des résidences d’été, les préposés aux glacières du roi; ils furent anoblis pour leurs services, comme gens de la maison royale.

Valarsace crée quatre compagnies de gardes de la porte royale, armées de toutes pièces, et chacune avec son chef, recrutées parmi les anciennes races des rois successeurs d’Haïg, qui, a différentes époques, ont hérité de leurs ancêtres de villages et d’établissements. Mais depuis, sous la domination des Perses, comme je l’ai appris, il se forma des compagnies tirées des autres classes, et qui s’appelaient Osdan.[48] Je ne sais pas si c’est par suite de l’extinction de la première race, ou bien par esprit d’opposition à ces familles répudiées et proscrites, qu’on forma à leur place d’autres compagnies dites royales.[49] Les premières descendent bien des premières races des rois primitifs, comme encore à présent en Ibérie, la race appelée Méphédzoul.[50] Valarsace fait aussi eunuques de descendants de la même race,[51] et leur donne pour chef Haïr,[52] prince du pays depuis l’Aderbadagan jusqu’à Djouasch[53] et Nakhdjavan. Mais comment se fit cet arrangement? où sont passés les documents déjà oubliés de ce chef? Je l’ignore.

Ch. viii.

Seconde dignité du royaume, conférée aux descendants d’Astyage roi des Mèdes.

La maison du roi ayant été organisée, la seconde dignité du royaume[54] fut donnée aux descendants d’Astyage roi des Mèdes, appelés à présent Mouratzan;[55] car le chef de cette race ne s’appelle pas Mouratzan-der, mais Maratzouotz-der (seigneur des Mèdes). Valarsace abandonne à ce chef tous les villages pris sur les Mèdes. Il établit en orient, aux frontières de la langue arménienne,[56] les chefs des descendants des deux dynasties de Sissag et de Gatmos, dont nous avons donné les noms dans la première partie.[57]

Valarsace donne le gouvernement de la grande, illustre et fertile contrée du nord-est à Aran, homme illustre et distingué par sa prudence et son esprit. Cette contrée est près du Cyrus (Gour), grand fleuve qui traverse la plaine étendue. Sache aussi que nous avons oublié de mentionner, dans notre premier livre, cette grande et illustre maison de Sissag[58] qui possédait la plaine des Aghouank avec sa région montagneuse depuis l’Eraskh jusqu’à la forteresse qui est appelée Hénaraguerd. Le pays, à cause de la douceur des mœurs de Sissag, fut appelé Aghouank, car lui-même était surnommé Aghou (doux).[59] De celui-ci descend le renommé et brave Aran, créé par le Parthe Valarsace, chef de dix mille (soldats). D’Aran sont issues, dit-on, les races des Oudi,[60] des Kartmanatzi,[61] des Dzovtéatzi[62] et la principauté des Karkaratzi.[63] Kouschar, l’un des descendants de Schara, a pour sa part la montagne chargée de brouillards qui est Gankar, la moitié de la contrée de Dchavakh, Gogh, Dzop, Tzor,[64] jusqu’à la forteresse d’Hénaraguerd. Quant au domaine d’Achotz,[65] aux propriétés de Daschir,[66] Valarsace en investit les enfants de Kouschar, descendant de Haïg. En face du mont Caucase, il établit, pour gouverner la partie nord, cette grande et puissante race; le titre de la principauté est pteschkh (toparque)[67] des Koukaratzi; c’est une race sortie de Mithridate (Mihrtad), satrape de Darius, qu’Alexandre emmena et chargea de commander aux captifs faits par Nabuchodonosor en Ibérie, comme le raconte Abydène[68] en ces termes: « Le puissant Nabuchodonosor était encore plus terrible que l’Hercule libyen. Ayant rassemblé ses troupes, il fondit sur les Ibères, les défit, les réduisit sous le joug, et en transporta une partie sur la rive droite de la mer de Pont, en occident. Dans une grande vallée de la Pasène, Valarsace créa une satrapie appelée Ouortouni,[69] issue de Haïg.

Un homme au visage repoussant, grand mais difforme, au nez aplati, à l’œil enfoncé, d’un aspect féroce, de la descendance de Baskam, petit-fils de Haïgag,[70] appelé Dork, et surnommé à cause de sa laideur Ankéghia (le laid), doué d’une taille et d’une force de colosse, est établi gouverneur de l’occident. A cause de la laideur de Dork, sa race prend le nom de maison d’Ankegh.[71] Mais, si tu veux, je débiterai sur le compte de Dork des fables et des extravagances, comme ont fait les Perses pour Rosdom Sakdjig,[72] duquel on disait que sa force égalait celle de cent vingt éléphants. Des chants rationnels[73] touchant la force et la valeur de Dork étaient en vogue, et on ne pouvait pas attribuer au même degré la même chose à Samson, à Hercule et à Sakdjig. On disait, dans ces chants, qu’il saisissait dans ses mains des pierres très dures, sans aucune fêlure, qu’il les rendait à volonté grandes ou petites, les polissait avec ses ongles, en formait comme des tablettes, et y traçait, aussi avec l’ongle, des aigles et d’autres figures. Ayant vu des vaisseaux ennemis s’approcher du rivage de la mer de Pont, il s’élance à leur rencontre; mais les vaisseaux gagnent la haute mer à une distance de huit stades, et il ne peut les atteindre; il prend, à ce que l’on raconte, des pierres grandes comme des collines et les lance sur ces navires. L’immense tourbillon engloutit un grand nombre de vaisseaux, et les flots, soulevés dans le vide, portent à plusieurs milles au loin le reste des vaisseaux. Oh! c’est trop de fables; c’est la fable des fables! Mais que t’importe? Dork était vraiment d’une force extraordinaire, et bien digne de semblables récits.

Valarsace établit ensuite la grande satrapie de Dzop[74] dans la quatrième Arménie, ainsi que les satrapies Abahouni,[75] Manavazian, Peznounian,[76] issues de la même race d’Haïg. Il choisit les plus illustres d’entre les habitants, les nomma seigneurs des villages et des cantons, et leur nom est appliqué à ces localités.

Cependant nous avons oublié le terrible Slak.[77] Je ne saurais pas dire avec certitude s’il descend de Haïg, ou des habitants qui étaient établis dans la contrée avant son arrivée, et dont parlent les traditions. C’était un homme valeureux. Valarsace le charge avec une petite troupe de garder la montagne et de chasser les chamois. Ces hommes furent appelés Selgouni.[78] Miantag, qui ne recule jamais, est préposé aux ménses fonctions; c’est de lui que descendent les Mantagouni.[79]

Parmi les enfants de Vahakn, il s’en trouva qui demandèrent spontanément le ministère des temples; Valarsace les comble d’honneurs en leur confiant le sacerdoce; il les élève au rang de première satrapie et les nomme Vahnouni.[80] De même les races Aravénian[81] et Zaréhavanian,[82] issues des premiers rois, sont établies par Valarsace dans les bourgs du même nom.

Scharaschan, de la maison de Sanassar, est créé grand toparque et gouverneur de la partie sud-ouest, sur les frontières d’Assyrie, au bord du Tigre. Il reçoit [en apanage] le canton d’Artzen,[83] le pays d’alentour, le mont Taurus,[84] avec le Sim[85] et toute la Coelésyrie.

Quant aux Moghatzi, Valarsace, trouvant un homme du canton de Mog,[86] qui était chef d’une bande de brigands, crée la satrapie du même nom. Il fit de même des Gortouatzi,[87] des Antzévatzi,[88] des Aguéatzi[89] issus des mêmes cantons. Pour ce qui est des Rechdouni[90] et des Koghtnetzi,[91] j’ai trouvé que ce sont vraiment des branches de la race Sissagais. Je ne sais si l’on appelle ces cantons du nom de ces hommes, ou leurs satrapies du nom des cantons.

Ayant fait toutes ces dispositions, Valarsace bâtit un temple à Armavir où il met les images du Soleil (Arékagen),[92] de la Lune (Lousin),[93] et celles de ses ancêtres. Schampa Pakarad le juif, investi de la dignité de thakatir et de général de la cavalerie, est invité et pressé d’abandonner la foi judaïque et d’adorer les idoles; mais s’y étant refusé, le roi Valarsace le laisse libre.

Valarsace fait reconstruire la ville de Sémiramis et élever dans beaucoup d’endroits, pour des populations nombreuses, des bourgs importants.

Il fait régner également un ordre parfait, fixe les heures d’audience, des conseils et des divertissements. Il divise la milice en première, seconde, troisième classe et ainsi de suite. Il nomme deux rapporteurs chargés de rappeler par écrit au roi, l’un, le bien à faire; l’autre, les vengeances à exercer. Il enjoint au premier de prévenir le roi, dans sa colère, qu’il donne des ordres iniques, et de le rappeler à la justice et à la philanthropie. Il crée des justiciers dans les villes et les campagnes. Il ordonne aux citadins de tenir un rang supérieur à celui des paysans, à ceux-ci d’honorer les citadins comme leurs supérieurs, enfin aux gens des villes de ne pas être hautains envers les paysans,[94] mais de se conduire en frères pour maintenir le bon ordre et conserver l’harmonie, sans jalousie, ce qui est la cause du bonheur et de la tranquillité de la vie. Il établit encore d’autres institutions du même genre.

Valarsace, ayant plusieurs fils, ne jugea pas convenable de les garder tous à Medzpin. Il les envoie en conséquence demeurer dans le canton de Haschdiank[95] et dans la vallée frontière hors de Daron, leur laissant tous les villages avec une addition de revenus particuliers et de traitements pris sur le trésor royal.[96] Valarsace garde près de lui son fils aîné, appelé Arsace (Arschag) pour lui assurer le trône, et son petit-fils Ardaschès qu’il aime tendrement. C’était en effet un enfant vraiment intelligent, de belle venue, et qui faisait présager de futures actions d’éclat. Ce fut dès lors un principe chez les Arsacides, qu’il ne restât près du roi qu’un seul fils, l’héritier de la couronne, tandis que les autres fils et filles allassent aux contrées de Haschdiank, apanage de la race.

Cependant Valarsace, après avoir accompli tous ces faits et cette magnifique organisation, meurt à Medzpin, après vingt-deux ans de règne.[97]

Ch. ix.

De notre Arsace (Arschag) premier. — Ses faits et gestes.

Arsace, fils de Valarsace, règne treize ans sur les Arméniens.[98] Jaloux de suivre les traces des vertus de son père, il fit aussi beaucoup de sages institutions, déclara la guerre aux habitants du Pont, et laissa sur le rivage de la grande mer une marque de sa victoire. Prenant sa lance dont la pointe était bien affilée et qui était trempée dans le sang des reptiles, il la brandit, étant à pied, d’un bras vigoureux et la fait pénétrer profondément dans une colonne de pierre très dure qu’il érigea au bord de la mer.

A cette époque de son règne, surviennent de grands troubles dans les gorges de la chaîne du Caucase, au pays des Boulgars;[99] grand nombre d’habitants émigrèrent dans notre pays, se fixèrent au-dessous de Gog, dans des plaines très fertiles et abondantes en blé et y restèrent longtemps.

Les fils de Pakarad, inquiétés par Arsace [qui voulait les contraindre] à adorer les idoles, périrent noblement au nombre de deux, martyrs de la foi de leurs pères. Je n’hésite pas à proclamer qu’ils ont suivi l’exemple des Ananéens[100] et des Eléazaréens.[101] Les autres (membres de cette famille) consentent seulement à chevaucher le jour du sabbat pour aller à la chasse ou en expédition, et à ne plus faire circoncire leurs enfants dam l’avenir. Comme ils n’étaient pas mariés, Arsace fit défense dans toutes les satrapies de leur donner des femmes en mariage, s’ils ne faisaient serment de renoncer à la circoncision.

Ils se soumettent seulement à ces deux conditions, mais ils refusent d’adorer les idoles.

Ici se termine le récit du vénérable Mar Apas Catina

Ch. x.

D’où cette histoire est-elle tirée après le livre de Mar Apas Catina?

Nous commencerons à te raconter les événements d’après Je cinquième livre de [Jules l’]Africain le chronographe,[102] dont le témoignage est confirmé par Josèphe, Hippolyte[103] et beaucoup d’autres auteurs grecs; car l’Africain a extrait des manuscrits et des archives d’Édesse, c’est-à-dire Ourrha,[104] tout ce qui concernait l’histoire de nos rois. Ces livres avaient été apportés de Medzpin; mais l’Africain mit à profit aussi les histoires des temples de Sinope et du Pont; et que personne n’en doute, car nous avons vu nous-mêmes, de nos yeux, ces manuscrits. Comme témoignage et comme garantie, tu as encore l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée que le bienheureux docteur Maschdotz fit traduire en arménien.[105] Cherche à Kéghahhouni,[106] dans le canton de Siounie, et tu auras dans le premier dossier, numéro treize, la certitude que dans les archives d’Edesse on trouve l’histoire de tous les actes de nos premiers rois jusqu’à Abgar, et depuis Abgar jusqu’à Erouant.[107] Je crois que tous ces documents sont encore conservés dans cette ville.

Ch. xi.

De notre Ardaschès premier. — Il s’empare du premier rang.

Ardaschès succède à son père Arschag sur le trône d’Arménie, la vingt-quatrième année du règne d’Arschagan, roi des Perses.[108] Sa situation ayant progressé, il ne se contente plus de la seconde place et il veut le premier rang; Arschagan lui cède la suprême royauté. Ardaschès était un homme orgueilleux et belliqueux. Il se bâtit en Perse un palais; il frappa monnaie à son effigie;[109] il tint sous sa dépendance Arschagan, roi des Perses, et déclara son propre fils Tigrane roi d’Arménie.

Ardaschès confie l’éducation de son fils Tigrane à un jeune homme appelé Varaj, fils de Tad, de la race de Karnig, descendant de Kégham. Varaj était un jeune homme renommé par son adresse et son habileté à tirer de l’arc. Créé surintendant des chasses royales, il obtient encore des villages sur les bords du fleuve Hrastan;[110] c’est de son nom que sa race s’appelle Varajnouni. Ardaschès donne sa fille Ardaschama en mariage à Mithridate (Mihrtad),[111] grand pteschkh des Ibériens (Virk), issu de la race de Mithridate, satrape de Darius, qu’Alexandre plaça à la tête des captifs ibériens, comme cela a été dit plus haut. Ardaschès confie à Mithridate le gouvernement des montagnes du Nord et de la mer du Pont.

Ch. xii.

Ardaschès part pour l’Occident, fait Crésus prisonnier,  et donne à l’Arménie les idoles qu’il a enlevées.

Alors Ardaschès ordonne de lever en Orient et au Nord une si grande armée qu’il ignore même le nombre [des soldats qui la composent]; mais il ordonne à chacun de laisser dans les lieux par où l’on passera et où l’on fera halte, une pierre pour former un monticule, en souvenir d’une si prodigieuse multitude. Ardaschès se dirige sur l’Occident et fait prisonnier Crésus, roi de Lydie.

Il trouva en Asie les statues de bronze doit d’Artémis, d’Hercule et d’Apollon, et les fit porter dans notre pays pour les ériger à Armavir. Les pontifes qui étaient de la race des Vahnouni dressèrent à Armavir les statues d’Apollon et d’Artémis; mais la statue virile d’Hercule, faite par Scyllis et Dipenus de Crète,[112] qu’ils prirent pour leur ancêtre Vahak’n, ils l’érigèrent dans le canton de Daron, dans leur propre village d’Aschdischad, après la mort d’Ardaschès.

Mais Ardaschès, ayant soumis la contrée située entre les deux grandes mers, couvrit l’Océan de la multitude de ses voiles pour asservir tout l’Occident. Rome était alors agitée par de grands troubles,[113] et personne n’oppose à Ardaschès une vive résistance. Mais je ne saurais dire par quelle influence s’éleva cet effroyable tumulte, et ces troupes innombrables s’exterminèrent mutuellement. Ardaschès fuit et meurt, dit-on, de la main de ses soldats, après vingt-cinq ans de règne.[114]

Ardaschès, ayant enlevé encore dans l’Hellade les statues de Zeus, d’Artémis, d’Athénée, d’Héphaïstos et d’Aphrodite, les fait transporter en Arménie. Ces statues ne sont pas encore arrivées au centre du pays, que déjà on répand la nouvelle de la mort d’Ardaschès; on fuit, on jette ces statues dans le fort d’Ani; mais les prêtres, s’attachant à ces idoles, restent près d’elles.

Ch. xiii.

Preuve des conquêtes d’Ardaschès et comment il fit Crésus prisonnier, d’après les autres historiens.

Ces faits sont racontés par les historiens grecs, non pas seulement par un seul ou par deux, mais par un grand nombre. Doutant encore de la vérité, nous avons fait beaucoup de recherches minutieuses, car nous avions su, par certaines histoires, que Cyrus avait tué Crésus et s’était emparé du royaume de Lydie; on rapporte aussi les combats de Crésus et de Nectanébo. Ce Nectanébo est le dernier roi d’Egypte, selon Manéthon, et selon d’autres il serait le père d’Alexandre. Nous trouvons Crésus deux cents ans avant Nectanébo, et Nectanébo deux cents ans avant Ardaschès premier, roi d’Arménie.

Mais, puisque beaucoup d’historiens disent que notre Ardaschès prit Crésus et qu’ils rapportent ce fait avec des détails circonstanciés, je veux bien le croire; car Polycrate s’exprime ainsi : « Ardaschès le Parthe me paraît bien supérieur à Alexandre de Macédoine, parce que, tout en restant dans son propre pays, il commanda à Thèbes et à Babylone; et, sans franchir le fleuve Halys, il tailla en pièces les troupes lydiennes et prit Crésus. Avant son arrivée en Asie, son nom était connu dans le château de l’Attique (Eddigé). Malheur à sa destinée! Si, du moins, il était mort sur le trône, et non dans une défaite! »

Évagoras (Évagaros) dit également: « La guerre d’Alexandre et de Darius est peu de chose, comparativement à celles d’Ardaschès; car la poussière soulevée par la marche d’Alexandre et de Darius obscurcissait la clarté du jour; mais Ardaschès cacha le soleil avec la multitude des flèches lancées, et produisit les ténèbres, faisant ainsi une nuit artificielle au milieu du jour. Il ne laisse pas un seul des Lydiens prendre la fuite pour annoncer la nouvelle [de leur défaite], et il fait mettre leur roi Crésus dans une chaudière de fer. A cause d’Ardaschès, les torrents ne grossirent pas le fleuve; ses eaux, absorbées par les soldats, s’étaient abaissées comme en hiver. Ardaschès rendit les nombres impuissants à calculer la multitude de ses troupes, au point qu’il fallût plutôt recourir aux mesures qu’aux chiffres, il ne se glorifiait pas de cela, mais il pleurait en disant : Hélas! ma gloire est passagère! »

Camadrus s’exprime ainsi: « Les Lydiens, dans leur orgueil, se laissèrent tromper par la réponse de l’oracle pythique à Crésus: Crésus, en passant l’Halys, brisera la puissance. »

Il entendait la puissance des étrangers, et il se brise lui-même. Fait prisonnier par le Parthe Ardaschès, il est jeté dans une chaudière de fer. Alors Crésus, se rappelant les paroles de Solon l’Athénien, dit dans sa langue : « O Solon, ô Solon! tu avais bien raison de ne pas vouloir proclamer le bonheur d’un homme jusqu’au moment de sa fin. » Ce qu’ayant entendu les gens les plus rapprochés de lui, ils rapportèrent à Ardaschès que Crésus invoquait quelque nouveau dieu. Ardaschès, touché de compassion, se fit amener le captif, l’interrogea, et, ayant compris son invocation, il fit cesser les tortures.

Phléton (Phlégon) écrit: « Le Parthe Ardaschès était devenu de tous les rois le plus puissant; non seulement il défit les Lydiens, enchaina Crésus, mais encore, dans l’Hellespont et dans la Thrace, il changea la nature des éléments; sur terre, il marchait à pleines voiles; sur mer, il marchait à pied. Il menaça la Thessalie; sa renommée plongea toute la Grèce dans la stupeur; il défit les Lacédémoniens, mit en fuite les Phocéens; les Locriens se donnèrent à lui et les Béotiens firent partie de ses peuples. Toute l’Hellade lui payait tribut par terreur. Peu de temps après, ses malheurs dépassèrent ceux de tous les autre s. Cyrus combattant contre les Massagètes, Darius chez les Scythes, Cambyse chez les Ethiopiens, n’éprouvèrent pas tant d’infortunes. C’est peu de chose que la disgrâce de Xerxès, dans son expédition de Grèce, abandonnant ses trésors et ses tentes, car il s’échappa sain et sauf. Mais lui, si fier de ses grands triomphes, il est assassiné par ses propres soldats. »

Je considère ces récits comme dignes de foi; et le Crésus qui, dit-on, vivait sous Cyrus et sous Nectanébo, je le regarde comme un personnage imaginaire, à moins que plusieurs rois n’aient porté le même nom, connue c’est l’usage pour beaucoup.

Ch. xiv.

Règne de Tigrane (Dikran) II. — Sa résistance aux armées grecques. - Il construit des temples. — Il envahit la Palestine.

Après Ardaschès Ier, son fils Tigrane monte sur le trône,[115] dans la dix-neuvième année du règne d’Arschagan, roi des Perses. Tigrane, ayant rassemblé les forces arméniennes, se porte contre celles des Grecs, qui, après la mort de son père Ardaschès et la dispersion de ses troupes, étaient parvenus par une marche progressive jusque dans notre pays. Tigrane les attaque et les repousse; Tigrane remet ensuite à son beau-frère Mithridate[116] (Mihrtad) le gouvernement de Mazaca (Césarée) et des provinces méditerranéennes, lui laisse une armée nombreuse et retourne dans notre pays.

Son premier soin fut de construire des temples; mais les prêtres venus de Grèce, craignant d’être relégués au fond de l’Arménie, prétendirent que les présages [avaient ordonné] que les idoles voulaient se fixer dans ces lieux. Tigrane, cédant [à leurs vœux], érige la statue de Jupiter (Zeus) Olympien sur le rocher d’Ani, la statue d’Athénée à Thil, la statue d’Artémis à Eriza, celle d’Héphaïstos à Pakaïarindch.[117] Quant à la statue d’Aphrodite, comme l’amante d’Hercule, il la fait porter à côté de celle d’Hercule à Aschdischad (lieu des sacrifices). Irrité contre les Vahnouni qui avaient dressé dans leurs propres domaines la statue d’Hercule envoyée par son père, il les dépouille du sacerdoce et confisque le village où elle était élevée.

Ayant construit des temples et dressé devant [ces sanctuaires) des autels, le roi ordonne à tous ses satrapes d’offrir des sacrifices [aux dieux] et de les adorer. La famille des Bagratides s’y refuse, et un de ses membres, nommé Asout, qui avait méprisé les idoles, a la langue coupée. Les autres ne furent pas inquiétés, parce qu’ils consentirent à manger de la chair des victimes et de la viande de porc, bien qu’ils ne sacrifiassent pas eux-mêmes et n’adorassent point les idoles. Pour cette raison, Tigrane leur enlève le commandement de l’armée, mais il ne leur ôte pas celui de la cavalerie auquel est attaché le droit de poser la couronne sur la tête du roi. Ensuite Tigrane va en Mésopotamie, y trouve la statue de Parschamin, faite d’ivoire, de cristal et d’argent; il la fait enlever et dresser dans le bourg de Thortan.

Sans plus tarder, Tigrane se porte en Palestine[118] pour demander raison à Cléopâtre, fille de Ptolémée, des insolences de son fils Dionysos envers son père (Ardaschès). Il fait prisonniers un grand nombre de Juifs et assiège la ville de Ptolémaïs. La reine des Juifs, Alexandra, c’est-à-dire Messaline,[119] femme d’Alexandre, fils de Jean, fils de Simon, frère de Juda Macchabée, qui alors occupait le trône de Judée, obtint à force d’argent que Tigrane se retirerait; car ce prince avait reçu l’avis qu’un brigand nommé Vaïgoun dévastait l’Arménie, et qu’il avait occupé une montagne inexpugnable qui, du nom de ce brigand, fut alors appelée Vaïgounikh.[120]

Ch. xv.

Pompée, général romain, tombe sur nous. — Prise de Mazaca (Césarée). — Mort de Mithridate.

En ce temps-là, Pompée, qui était à la tête des Romains, arrive sur les terres méditerranéennes avec son armée, et envoie Scaurus, son lieutenant an Syrie, pour livrer bataille à Tigrane. Scaurus, n’ayant pu joindre ce dernier qui était retourné dans son pays à cause des dévastations du brigand, se rendit à Damas. Scaurus trouva cette ville au pouvoir de Métellus et de Lucullus (Lollius), les en chassa et se hâta d’arriver en Judée, pour attaquer Aristobule, de concert avec son frère aîné Hyrcan, grand-prêtre, fils d’Alexandre.

Cependant Pompée, dans sa guerre contre Mithridate, trouve une vigoureuse résistance, [livre] de terribles batailles et court de grands périls. Toutefois le nombre l’emporte, et Mithridate, mis en fuite, regagne les régions du Pont. Pompée, ainsi débarrassé de son ennemi par un bonheur inespéré, s’empare de la personne du fils de Mithridate, appelé aussi Mithridate, se rend maître de Mazaca (Césarée), y met une garnison, mais, au lieu de poursuivre le [vaincu], il se hâte d’arriver en Judée, en passant par la Syrie.[121] Il fait emprisonner Mithridate par le père de Ponce-Pilate.[122] C’est ce que confirme Josèphe, lorsqu’en parlant du baume, il dit : « Pompée, près de Jéricho, reçoit l’heureuse nouvelle que Mithridate est mort.[123] »

Ch. xvi.

Tigrane fond sur l’armée romaine. — Fuite de Gabinius. — Délivrance du jeune Mithridate.

Le roi d’Arménie Tigrane, ayant colonisé les Juifs prisonniers à Armavir et dans le bourg de Vartkès[124] sur le fleuve Khasagh, exterminé les brigands de la montagne, et gardé le deuil de Mithridate, se porta en Syrie contre l’armée romaine, pour en tirer vengeance. Gabinius, général romain, que Pompée avait laissé à sa place pour retourner à Rome, marche contre Tigrane. Cependant Gabinius, ne pouvant résister à ce dernier, regagne par l’Euphrate l’Egypte, sous prétexte d’agir contre Ptolémée. Ayant traité secrètement avec Tigrane, Gabinius lui rend Mithridate le jeune, son neveu (fils de sa sœur), fait prisonnier antérieurement à Mazaca, et répand le bruit que le captif s’est échappé.

Ch. xvii.

Combat de Crassus qui est défait par Tigrane.

Les Romains, qui soupçonnaient Gabinius, le rappellent et mettent à sa place Crassus, qui, dès son arrivée, s’empare des immenses trésors qu’il trouve dans le temple de Dieu à Jérusalem, et s’avance contre Tigrane. Après avoir franchi l’Euphrate, il est défait, avec toute son armée, par Tigrane, qui revient en Arménie chargé de trésors.

Ch. xviii.

De quelle manière Cassius résista à Tigrane. — Révolte de Mithridate. - Reconstruction de Césarée.

Les Romains, irrités, envoient Cassius avec une armée innombrable. Celui-ci, à peine arrivé, oppose une vive résistance et empêche l’armée arménienne de franchir l’Euphrate et de faire des incursions en Syrie.

Vers le même temps, Tigrane, qui se défie du jeune Mithridate, qu’il soupçonne n’être point le fils de sa sœur, ne lui donne aucune part à la souveraineté, et refuse même de lui confier ses propres Etats de l’Ibérie. Mithridate, méprisé de la sorte par son oncle Tigrane, se révolte et se retire auprès de César, qui lui donne la souveraineté de la ville de Pergame (Perga) et reçoit de lui l’ordre de se porter au secours d’Antipater, père d’Hérode. Mithridate multiplie les constructions de Mazaca, qu’il nomme Césarée, en l’honneur de César.[125] Dès lors cette ville fut détachée des domaines de l’Arménie.

Ch. xix.

Alliance de Tigrane et d’Ardaschès. — Invasion en Palestine. — Captivité du grand prêtre Hyrcan et d’un grand nombre de Juifs.

A la suite de tous ces événements, Tigrane, attaqué par la maladie, offre à Ardaschès,[126] roi des Perses, de se réconcilier avec lui, car celui-ci avait été dépouillé du rang suprême par l’orgueilleux père de Tigrane. Cependant Tigrane, se démettant spontanément du second rang, restitue, comme c’était le droit, le premier à Ardaschès, fait amitié avec ce prince, et en reçoit un secours de troupes. En même temps, Tigrane choisit Parzaphrane,[127] chef de la satrapie des Reschdouni, pour commander l’armée des Arméniens et des Perses, l’envoie contre les Romains et lui ordonne de traiter avec les habitants de la Syrie et de la Palestine. Un certain Pacorus, dont le père avait été roi de Syrie et était parent d’Antigone, descendant d’Aristobule,[128] s’avança au-devant de Parzaphrane, et promit au chef des Reschdouni, général des Arméniens et des Perses, cinq cents femmes d’une grande beauté et mille talents d’or, si Parzaphrane voulait l’aider, en dépouillant Hyrcan de la couronne de Judée, à placer Antigone sur le trône.

Quand Hyrcan, grand-prêtre et roi des Juifs, et Phasaël, frère d’Hérode, virent que Parzaphrane, ayant mis en fuite l’armée romaine, après en avoir précipité une partie dans la mer, et rejeté me partie dans les villes, traversait le pays sans le molester, ils firent ensemble des propositions de paix à Parzaphrane. Ce général envoie sans retard Knel,[129] grand échanson du roi d’Arménie, de la maison des Kénouni,[130] à Jérusalem, avec de la cavalerie, sous prétexte de traiter de la paix, mais en réalité pour secourir Antigone. Hyrcan ne permit pas au grand échanson d’entrer avec toutes ses troupes à Jérusalem, mais seulement avec cinq cents cavaliers. Le grand échanson, usant de ruse, conseilla à Hyrcan d’aller s’entendre avec Parzaphrane relativement à la désolation du pays, lui promettant de lui piéter sa médiation. Hyrcan ayant demandé un serment à Parzaphrane, celui-ci jure par le Soleil, par toutes les divinités du ciel et de la terre, et par le soleil (la vie) d’Ardaschès et de Tigrane. Hyrcan, rassuré par ce serment, laisse Hérode à Jérusalem et va trouver Parzaphrane avec Phasaël, frère ainé d’Hérode, sur le rivage de la mer, dans as village du nom d’Ecdippon.

Parzaphrane, usant de ruse, les reçut avec honneur, puis, s’esquivant brusquement, il donna ordre aux soldats qui étaient là de se saisir des deux étrangers et de les livrer à Antigone. Antigone se jeta sur Hyrcan, lui coupa une oreille avec les dents, afin que, si les temps changeaient il ne pût plus exercer le suprême pontificat, car la loi ordonne de n’élever à la dignité sacerdotale que ceux qui ont tous leurs membres. Alors Phasaël, frère d’Hérode, se frappe lui-même la tête contre une pierre, et un médecin, appelé par Antigone comme pour lui donner des soins, introduit du poison dans la plaie, et le fait mourir.

Parzaphrane ordonna au grand échanson d’Arménie de s’emparer de la personne d’Hérode à Jérusalem, en lui tendant des embûches. L’échanson s’avança jusqu’auprès des murailles pour [chercher à] tromper Hérode. Mais celui-ci ne donna pas dans le piège, et, craignant de rester davantage dans la ville, tant il redoutait la faction d’Antigone, il s’enfuit nuitamment et en secret chez les Iduméens, en laissant sa famille dans la forteresse de Masandan;[131] puis il se hâta d’aller à Rome. Cependant l’année arménienne, grossie des soldats de la faction d’Antigone, entra à Jérusalem sans molester aucunement les habitants et se contenta de saisir les biens d’Hyrcan [qui montaient à] plus de trois cents talents. Tout le pays est envahi; on pille tous les partisans d’Hyrcan, la ville de Marissa[132] est prise, et Antigone est établi comme roi. Ensuite Hyrcan, chargé de chaînes, est conduit avec les captifs devant Tigrane.[133] Tigrane ordonne à Parzaphrane de transporter les captifs juifs de Marissa dans la ville de Sémiramis (Van); et Tigrane, trois ans après ces événements, meurt après avoir régné trente ans.

Ch. xx.

Autre guerre des Arméniens contre les Romains. — Défaite de Silon et de Ventidius.

Arrivé à Rome, Hérode se présente devant Antoine, César et le sénat; et il expose sa fidélité envers les Romains. Investi de la royauté de la Judée par Antoine, il reçoit de lui comme auxiliaire le général Ventidius, avec une armée romaine, afin de combattre les Arméniens et d’anéantir Antigone. Arrivé en Syrie, Ventidius met en fuite l’armée arménienne, laisse Silon pour leur résister près de l’Euphrate, et, après avoir mis à mort Pacorus, il retourne à Jérusalem pour attaquer Antigone. Cependant les Arméniens, ayant reçu de nouveaux renforts de la Perse, fondent sur Silon, le culbutent, le rejettent sur Ventidius, et font couler des flots de sang.[134]

Ch. xxi.

Comment Antoine fond lui-même sur l’armée armenienne, et s’empare de Samosate.

Antoine, au comble de la fureur, accourt en personne à la tête de toute l’armée romaine, et, arrivé à Samosate, il apprend la mort de Tigrane. Il s’empare de la ville, et, laissant à Sosius le soin de se porter au secours d’Hérode pour combattre contre Antigone à Jérusalem, il va prendre ses quartiers d’hiver en Egypte. Enflammé d’amour, il courait plein d’ardeur vers Cléopâtre, reine d’Egypte. Cette Cléopâtre était la fille de Ptolémée Dionysos,[135] neveu de Cléopâtre Ptolémaïs et ami d’Hérode. C’est pourquoi Antoine recommande chaudement la cause d’Hérode à Sosius. Sosius, après avoir combattu vaillamment, s’empare de Jérusalem, met à mort Antigone et rétablit Hérode comme roi de toute la Judée et de la Gaulée.[136]

Ch. xxiii.

Règne d’Ardavazt. — Guerre contre les Romains.

Ardavazt,[137] fils de Tigrane, règne sur les Arméniens. Celui-ci établit ses frères et ses sœurs dans les cantons d’Aghiovid[138] et d’Arpéran,[139] leur abandonne une partie des droits royaux perçus sur les villages de cette contrée, avec des revenus et des rentes particulières,[140] sur le même pied que ses parents établis dans les régions d’Haschdiank, pour augmenter l’éclat de leur rang et rendre leur position plus royale encore que celle des autres Arsacides. Seulement il les force à ne point vivre en Ararat, lieu de la résidence royale.

Ardavazt ne fit rien autre chose de remarquable et n’accomplit aucune action d’éclat. Adonné à la bonne chère et à la boisson, il errait dans les marais, dans les roseaux et les rochers, pour chasser les onagres et les sangliers. Peu soucieux de ce qui regardait la sagesse, la valeur et la bonne renommée; véritablement esclave de son ventre, il en augmentait sans cesse la rotondité. Se voyant méprisé de ses soldats, à cause de son excessive mollesse et de sa dégoûtante gloutonnerie, et surtout à cause de la perte de la Mésopotamie, qu’Antoine lui avait enlevée, Ardavazt, indigné, ordonne de réunir les dix mille hommes de la province d’Adherbadagan, les habitants de la montagne du Caucase avec les Aghouank et les Ibères (Virk), et il se porte sur la Mésopotamie, d’où il expulse les garnisons romaines.

Ch. xxiii.

Antoine fait Ardavazt prisonnier.

Antoine rugit comme un lion furieux, et Cléopâtre l’excite encore davantage, parce qu’elle nourrissait dans son cœur le souvenir des persécutions endurées par son aïeule, de la part de Tigrane. Antoine devint le bourreau non seulement des Arméniens, mais de beaucoup de rois, dont il confisqua les Etats. C’est pourquoi, immolant un grand nombre de rois, il donne leurs domaines à Cléopâtre, à l’exception de Tyr et de Sidon et des pays situés près du fleuve Eleuthère (Azad). Antoine, avec ses troupes, marche contre Ardavazt, et, étant entré en Mésopotamie, taille en pièces l’armée arménienne, fait le roi prisonnier et revient en Égypte pour offrir à Cléopâtre Ardavazt, fils de Tigrane, avec beaucoup de butin fait pendant la guerre.[141]

Ch. xxiv.

Règne d’Arscham. — L’Arménie est en partie soumise au tribut des Romains, pour la première fois. — Délivrance d’Hyrcan. — Périls que la race des Bagratides court à cause de lui.

La vingtième année et vers la fin du règne d’Ar[da]schès, les troupes arméniennes, rassemblées par ses ordres, élurent pour roi Arscham on Arsame,[142] fils d’Ardaschès frère de Tigrane, père d’Abgar. Quelques Syriens le nomment Manova,[143] selon l’usage commun à plusieurs princes d’avoir deux noms, comme Hérode Agrippa, comme Tibia Antonin ou Titus Justus. Mais, comme cette même année mourut Ar[da]schès laissant la couronne de Perse à son fils Arschavir encore en bas âge, il n’y eut personne qui vint en aide à Arscham contre les Romains. C’est pourquoi Arscham signe la paix avec ses ennemis, leur paye tribut pour les contrées de la Mésopotamie et de Césarée, entre les mains d’Hérode. C’est alors que l’Arménie commença à être en partie tributaire des Romains.

Vers le même temps, Arscham entra en fureur contre Enanus, [général de la cavalerie], et qui posait la couronne sur la tête des rois, parce qu’il avait délivré Hyrcan, grand-prêtre des Juifs, fut autrefois prisonnier par Parzaphrane Reschdoum, au temps de Tigrane.[144] Enanus s’excuse auprès du roi en disant qu’Hyrcan a promis cent talents pour prix de sa délivrance, qu’il espère les recevoir et s’engage à les donner au roi. Alors Arscham fixe un terme à Enanus, qui envoie en Judée un de ses frères appelé Sénékhias, pour réclamer à Hyrcan le prix de la rançon. Cependant, à l’arrivée du messager d’Enanus, Hérode avait fait mourir Hyrcan pour se délivrer de toute espèce d’inquiétude durant son règne.[145] Le terme échu, Enanus ne put fournir le prix de la rançon d’Hyrcan, et Arscham, fort irrité, le dépouille de ses dignités et le fait jeter en prison.

Sur ces entrefaites, Zora, chef de la race des Kentouni, vint accuser Enanus auprès du roi, disant: « Sache, ô roi! qu’Enanus a voulu se révolter contre toi et m’a proposé que nous demandions à Hérode, roi de Judée, un serment pour qu’il nous accueillit et nous donnât des domaines dans le pays de nos ancêtres, parce que nous avions à endurer dans celui-ci beaucoup d’outrages. Moi, loin de consentir à ses propositions je lui dis: « A quoi bon nous laisser berner par des traditions antiques et surannées, en croyant que nous sommes sortis de la Palestine? Enanus, n’espérant rien de moi, a relâché le grand-prêtre Hyrcan, et de plus il a perdu tout espoir du côté d’Hérode. Cependant il n’abandonne pas ses projets de trahison, si tu ne te hâtes, ô roi! de les conjurer. » Arscham, ajoutant foi à cette dénonciation, ordonne qu’on fasse endurer à Enanus toutes sortes de supplices, et cela afin de le contraindre à abandonner tout à fait le judaïsme, d’adorer le Soleil et de rendre hommage aux idoles du roi. A ces conditions, le roi lui rendra ses anciennes dignités; mais, s’il n’y consent pas, il son attaché au gibet et sa race exterminée. De plus, on exécute en sa présence un de ses parents, appelé Sana, et ses fils Saphadia et Aghazia[146] sont amenés sur le lieu du supplice. Enanus, dans la crainte de voir mourir ses fils, vaincu par les supplications de ses femmes, consentit avec toute sa famille à se rendre aux volontés du roi, il est rétabli dans ses anciennes charges. Cependant, le roi qui ne se fie pas entièrement à lui, l’envoie en Arménie,[147] et, afin de le tenir

Ch. xxv.

Différend survenu entre Arscham et Hérode. — Soumission forcée d’Arscham.

Après ces événements, Hérode roi des Juifs et Arscham notre roi se brouillèrent, parce qu’Hérode, après beaucoup d’actions d’éclat, se donna tout entier aux soins d’une bonne administration, en élevant beaucoup d’édifices dans la plupart des villes depuis Rome jusqu’à Damas.[148] Il demande à Arscham beaucoup d’ouvriers pour faire paver les places d’Antioche en Syrie, impraticables jusqu’alors à cause des boues. Arscham, au lieu de satisfaire à la demande d’Hérode, rassemble ses troupes pour lui résister et il envoie en même temps des députés à Rome, auprès de César, en le priant de ne pas le mettre sous la dépendance d’Hérode. César non seulement ne l’affranchit pas de la domination d’Hérode, mais il confie encore au roi de Judée le gouvernement de toutes les terres méditerranéennes.

En ce temps-là, Hérode fut, sous son autorité, roi des provinces méditerranéennes le beau-père d’Alexandre son fils, issu par son père Simon[149] et sa mère, du royaume des Mèdes, de la race de Darius fils d’Hystaspe. Hérode prit à sa solde dix légions de Galates et d’habitants du Pont. Ayant vu cela, Arscham se prosterne devant Hérode comme devant son maître en toutes choses, et lui envoie les ouvriers qu’il demandait. Hérode leur fait réparer les rues d’Antioche sur une longueur de vingt stades, et paver ensuite en marbre blanc, afin que les torrents, ayant un cours plus facile en glissant sur ces dalles, n’inondassent pas la ville. Arscham meurt après un règne de vingt ans.

Ch. xxvi.

Règne d’Abgar. — L’Arménie est soumise tout entière au tribut des Romains. — Guerre avec les troupes d’Hérode. — Son neveu (fils de son frère) Joseph est tué

Abgar, fils d’Arscham, monte sur le trône la vingt-quatrième année d’Arschavir, roi des Perses.[150] Cet Abgar était appelé Avag-haïr (homme brave) à cause de sa bonté, de sa sagesse,[151] et surtout à cause de sa haute stature. Les Grecs et les Syriens, qui ne pouvaient bien prononcer son nom, l’appelaient Abgar. La seconde année de son règne, toutes les provinces de l’Arménie devinrent tributaires des Romains. Il parut alors un édit de César Auguste enjoignant, comme il est dit dans l’Evangile de saint Luc, de faire un dénombrement général. Alors des procurateurs romains furent envoyés en Arménie, y apportèrent l’image de l’empereur Auguste, et la placèrent dans tous les temples. En ce temps-la, naquit Notre Sauveur Jésus-Christ, fils de Dieu.

Dans le même temps, Abgar et Hérode [Antipas] se brouillèrent, parce qu’Hérode voulait que son image fût placée à côté de celle de César, dans les temples de l’Arménie; Abgar s’y opposa. D’ailleurs Hérode, qui ne cherchait qu’une occasion pour attaquer Abgar, envoya une armée composée de Thraces et de Germains, pour faire une incursion dans le pays des Perses, avec ordre de traverser les États d’Abgar. Abgar, loin de consentir, s’oppose [au passage de cette armée], en se fondant sur l’ordre de l’empereur qui disait de la faire passer en Perse par le désert. Hérode indigné et ne pouvant agir par lui-même, [tant il était] accablé de souffrances, en punition de sa coupable conduite envers le Christ, comme le raconte Josèphe, envoie son neveu Joseph, à qui il avait donné sa fille, unie en premières noces à Phérour (Phéroras) son frère. Celui-là, à la tête d’une armée considérable, précipitant sa marche sur la Mésopotamie, se présenta devant le camp d’Abgar, établi dans la province de Pouknan, fut tué dans le combat, et son armée fut mise en déroute. Aussitôt après, Hérode mourut, et Archélaos, son fils, fut nommé dynaste des Juifs par Auguste.[152]

Ch. xxvii.

Fondation de la ville d’Édesse. — Court aperçu sur la race de notre Illuminateur.

Peu de temps après, Auguste mourut, et Tibère lui succéda comme empereur des Romains. Germanicus devint César et conduisit à Rome les princes [du royaume d’Arschavir et d’Abgar qui ornèrent son triomphe, à la suite de la guerre où ils avaient fait périr le neveu d’Hérode. Abgar, irrité, médite des projets de révolte et se pare à la guerre. Il éleva une ville sur le lieu occupé par le camp des Arméniens, à l’endroit même où précédemment elle gardait le passage de l’Euphrate contre les entreprises de Cassius. Cette nouvelle ville fut appelée Edesse. Abgar y transporte sa cour qui était à Medzpin, tous ses dieux savoir : Nabok, Bel, Patnikal et Tarata,[153] les bibliothèques des écoles attachées aux temples, et aussi les archives royales.

Ensuite, Arschavir étant mort, son fils Ardaschès régna sur les Perses. Bien que ce ne soit pas l’ordre chronologique, ni l’ordre systématique que nous avons adopté pour la rédaction de en annales, nous allons, — puisqu’il est question des descendants du roi Arschavir et d’Ardaschès son fils, [auxquels la nation arménienne est redevable de la vraie croyance[154]], — pour faire honneur à ces princes, les placer par anticipation près d’Ardaschès, afin que les lecteurs sachent qu’ils sont bien issus de la race du brave [Arschag le Parthe]. Enfin nous noterons l’époque de l’arrivée en Arménie, de leurs ancêtres, les Garénian et les Sourénian, de qui descendent saint Grégoire et les Gamsarian, lorsque, suivant l’ordre des événements, nous atteindrons le règne du roi sous lequel ils parurent.[155]

Cependant Abgar échoua dans ses projets de révolte; des dissensions s’étant élevées entre ses parents du royaume de Perse, il se mit en marche avec une armée pour apaiser et faire cesser la discorde.

Ch. xxviii.

Abgar va en vient et maintient Ardaschès sur le trône de Perse. — il réconcilie ses freres de qui sont issus notre Illuminateur et ses paroles.

Abgar, étant allé en Orient, trouva sur le trône de Perse Ardaschès, fils d’Arschavir, et les frères d’Ardaschès en lutte avec lui; car ce dernier voulait régner sur eux dans sa postérité, et eux ne voulaient pas se soumettre à ses prétentions. C’est pourquoi Ardaschès les cerne de toutes parts, en les menaçant de les faire mourir. La division régnait parmi leurs soldats, leurs parents et leurs alliés; car le roi Arschavir avait trois fils et une fille : l’aîné était le roi Ardaschès lui-même, le second Garên, le troisième Sourên, et leur sœur, appelée Goschm, était mariée au général de tous les Arik, choisi par leur père Arschavir.[156]

Alors Abgar persuade aux fils d’Arschavir de faire la paix, et stipule ainsi les conditions: Ardaschès régnera avec sa postérité, comme il voulait, et ses frères seront appelés Pahlav, du nom de leur ville et de leur vaste et fertile domaine, de manière que leur satrapie soit la plus noble et la première de toutes celles de la Perse, comme étant d’origine vraiment royale. Il est stipulé en outre, par des traités et des serments, qu’en cas d’extinction de la ligue masculine d’Ardaschès, ses frères arriveront au trône. Après la descendance régnante d’Ardaschès, ses frères sont distingués en trois branches appelées: race de Garên Pahlav, race de Sourên Pahlav, et la race de leur sœur, Asbahabed Pahlav, du titre d’honneur porté par son mars.

On dit saint Grégoire issu de la race de Sourên Pahlav, et les Gamsarian de la race Garên Pahlav. Nous raconterons plus tard les circonstances de la venue de ces personnages, ne rappelant seulement ici leurs noms à côté d’Ardaschès, que pour que tu saches que ces grandes races sont bien du sang de Valarsace, c’est-à-dire la postérité d’Arsace le Grand, son frère.

Tout étant réglé de la sorte, Abgar, muni du texte du traité, retourne [dans son royaume], malade et en proie à d’intolérables douleurs.

Ch. xxix.

Abgar revient en Orient. Il secourt Arétas contre Hérode le tétrarque.

A son retour d’Orient, Abgar apprend que les Romains le soupçonnaient d’y être allé pour lever une armée. En conséquence, il expose aux procurateurs romains les causes de son voyage en Perse et le traité signé entre Ardaschès et ses frères. Toutefois on n’ajouta pas foi à ses rapports, car il était calomnié par ses ennemis, Pilate, Hérode le tétrarque, Lysanias (Lousina) et Philippe. Abgar, s’étant rendu dans sa ville d’Edesse, se ligua avec Arétas, roi de Pétra (des Pétréens), lui fournit des auxiliaires sous la conduite de Kosran[157] Ardzrouni, pour faire la guerre à Hérode. Celui-ci avait d’abord épousé la fille d’Arétas, puis l’avait répudiée pour prendre Hérodiade, du vivant même de son mari, circonstance pour laquelle il avait fait mourir Jean-Baptiste (Méguerdich). Ainsi la guerre entre Hérode et Arétas éclata à cause de l’injure faite à la fille de ce dernier. Les troupes d’Hérode, brusquement attaquées, furent écrasées, grâce au concours des braves Arméniens, comme si la divine Providence eût voulu tirer vengeance de la mort du Baptiste.[158]

Ch. xxx.

Abgar envoie à Marinus des princes qui, à cette occasion, voient Jésus notre Sauveur, ce qui est le début de la conversion d’Abgar.

Vers ce temps-là, Marinus, fils de Storog (Eustorge), fut investi par l’empereur de la charge de commandant de la Phénicie, de la Palestine, de la Syrie et de la Mésopotamie. Abgar lui envoya deux de ses principaux officiers, Mar-Ikap,[159] prince d’Aghdznik, et Sampsicéramus (Schamschagrun), chef de la maison des Abahouni, ainsi qu’Ananus (Anan), son favori. Les envoyés se rendirent dans la ville de Bethkoubin pour faire connaître à Marinus les causes du voyage d’Abgar en Orient, en lui montrant le traité conclu entre Ardaschès et ses frères, et en même temps pour invoquer l’appui de Marinus. Ils rencontrèrent ce dernier à Eleuthéropolis. Marinus reçut avec courtoisie et distinction les députés, et fit cette réponse à Abgar : « Ne redoute rien de la part de l’empereur, pourvu que tu acquittes régulièrement le tribut. »

A leur retour, les députés allèrent à Jérusalem pour voir le Christ notre Sauveur, attirés par la renommée de ses miracles. Devenus eux-mêmes témoins oculaires de ses prodiges, ils en firent part à Abgar. Celui-ci, saisi d’admiration, crut vraiment que Jésus était le fils de Dieu, et dit: « Ces miracles ne sont pas d’un homme, mais d’un Dieu! Il n’est personne ici-bas qui ait le pouvoir de ressusciter les morts, si ce n’est Dieu! » Abgar souffrait, par tout le corps, de douleurs aiguës qu’il avait contractées en Perse, sept ans auparavant, et les hommes n’avaient pu apporter aucun soulagement à ses maux. Il fit porter une lettre suppliante à Jésus, le conjurant de venir le guérir de ses douleurs. Cette lettre était ainsi conçue:

 Ch. xxxi.

Lettre d’Abgar au Sauveur Jésus-Christ.

« Abgar, fils d’Arscham, toparque (prince du pays), à Jésus, Sauveur et bienfaiteur [de l’humanité], qui as apparu dans le pays de Jérusalem, salut:

« J’ai entendu parler de toi et des guérisons opérées par tes mains, sans l’emploi des remèdes et des plantes. Car il est dit que tu fais que les aveugles voient, que les boiteux marchent et que les lépreux sont guéris. Tu chasses les malins esprits; tu guéris les malheureux affligés de longues maladies; enfin tu ressuscites les morts. Comme j’ai entendu parler de toutes ces merveilles opérées par toi, je n’hésite pas à croire, ou que tu es Dieu descendu du ciel pour faire de tels prodiges, ou bien le fils de Dieu, toi qui opères de si grandes choses. En conséquence je t’ai donc écrit, te suppliant de daigner venir vers moi afin de me guérir du mal qui me dévore. J’ai entendu dire aussi que les Juifs murmurent contre toi et veulent te livrer au supplice. Je possède une ville petite, mais [dont le séjour est] agréable; elle suffira à nous deux.

« Les porteurs de ce message rencontrèrent Jésus à Jérusalem, événement confirmé par les paroles de l’Evangile: « Quelques-uns d’entre les parents vinrent trouver Jésus; mais ceux qui les entendirent, n’osant rapporter à Jésus ce qu’ils avaient entendu, le dirent à Philippe et André qui racontaient tout à Jésus. »

Le Sauveur n’accepta pas alors l’invitation qui lui était adressée, mais il voulut bien honorer Abgar d’une réponse dont voici le sens:

 Ch. xxxii.

Réponse à la lettre d’Abgar, écrite par l’apôtre Thomas, d’après l’ordre du Sauveur.

« Heureux celui qui croit en moi sans m’avoir vu! car il est écrit de moi: « Ceux qui me verront ne croiront point en moi; et ceux qui ne me voient point, croiront et vivront. Quant à ce que tu m’as écrit de venir près de toi, il me faut accomplir ici toutes les choses pour lesquelles j’ai été envoyé, et, lorsque j’aurai tout accompli, je monterai vers Celui qui m’a envoyé; et quand je m’en irai, j’enverrai un de mes disciples qui guérira tes maux, te donnera la vie, à toi et à tous ceux qui sont avec toi. »

Anan, courrier d’Abgar, lui apporta cette lettre, ainsi que l’image du Sauveur qui se trouve encore à présent à Edesse.

Ch. xxxiii.

Prédication de l‘apôtre Thaddée à Édesse. — Copie de cinq lettres.

Après l’ascension de notre Sauveur, l’apôtre Thomas, l’un des douze, envoya un des soixante-dix disciples, Thaddée, dans la ville d’Edesse, pour guérir Abgar et évangéliser selon la parole du Seigneur. Thaddée se rendit dans la maison de Tobie, prince juif que l’on dit être de la race des Bagratides (Pakradouni). Ce Tobie, ayant été persécuté par[160] Arscham, n’abjura pas cependant avec ses autres parents le judaïsme, mais il en observa les lois jusqu’au moment où il crut au Christ. Bientôt le nom de Thaddée se répandit dans toute la ville. Abgar, en apprenant sa présence, dit: « C’est bien celui au sujet duquel Jésus m’a écrit », et il le manda aussitôt auprès de lui. Lorsque Thaddée entra, une apparition merveilleuse éclaira sa face aux yeux d’Abgar, qui se leva tout à coup de son trône, tomba la face contre terre et se prosterna devant l’apôtre. Tous les princes qui étaient présents furent saisis d’étonnement, car ils n’avaient point remarqué la vision. « Es-tu vraiment, dit Abgar, le disciple de Jésus à jamais béni, qu’il m’a promis de m’envoyer, et peux-tu me délivrer de mes maux? — Je le suis, dit Thaddée, si tu crois en Jésus-Christ, fils de Dieu, les vœux de ton cœur seront exaucés. — J’ai cru en lui, reprit Abgar, et en son Père; c’est pourquoi je voulais aller à la tête de mes troupes exterminer les Juifs qui ont crucifié Jésus, si je n’en eusse été empêché par la puissance romaine. »

Dès lors Thaddée se mit à évangéliser le roi et [les habitants de] sa ville; puis, imposant ses mains sur Abgar, il lui rendit la santé. Il guérit aussi un goutteux appelé Abdiou, patricien de la ville, très honoré dans la maison du roi. Il guérit encore tous les malades et les infirmes de la ville, et tous eurent la foi. Abgar fut baptisé, et, avec lui, tous [les habitants] de la ville; les temples des faux dieux furent fermés, et les statues des idoles, [qui étaient placées] sur les autels et, les colonnes, furent dissimulées sous [d’épaisses nattes de] roseaux. Abgar ne contraignait personne par la force à embrasser la foi; mais de jour en jour le nombre des croyants augmentait.

L’apôtre Thaddée baptisa un fabricant de tiares de soie, appelé Addée, le consacra, l’établit à Edesse et le laissa au roi à sa place. Ensuite, ayant reçu un édit du roi, qui exigeait que tous écoutassent l’Evangile du Christ, Thaddée s’en alla trouver Sanadroug, neveu (fils de la sœur) d’Abgar, que ce prince avait établi comme chef du pays et de l’année.

Abgar se plut à écrire à l’empereur Tibère la lettre suivante:

Lettre d’Abgar à Tibère.

« Abgar, roi des Arméniens, à son seigneur Tibère, empereur des Romains, salut.

Je sais que rien n’est ignoré de ta majesté; mais, comme ton ami, je te ferai encore mieux connaître les faits par écrit. Les Juifs qui habitent dans les cantons de la Palestine ont crucifié Jésus, sans péché, après tant de bienfaits, tant de prodiges, tant de miracles opérés en leur faveur jusqu’à ressusciter les morts. Crois-le bien, ce ne sont pas là des effets de la puissance d’un simple mortel, mais ce sont [des manifestations] divines, au moment où ils l’ont mis en croix, le soleil s’obscurcit, la terre fut ébranlée jusque dans ses fondements. Jésus lui-même, le troisième jour, ressuscita d’entre les morts et apparut à plusieurs [personnes]. Aujourd’hui, en tous lieux, son nom, invoqué par ses disciples, produit les plus grands miracles. Ce qui m’est arrivé, à moi-même, en est la preuve manifeste. Ta majesté sait donc ce qu’elle doit ordonner à l’égard du peuple juif qui a commis ce forfait; elle sait si elle doit publier partout l’univers l’ordre d’adorer le Christ comme le Dieu véritable. Sois en santé. »

Réponse de Tibère à la lettre d’Abgar.

« Tibère, empereur des Romains, à Abgar, roi des Arméniens, salut.

On a lu devant moi ta lettre amicale, et on t’adresse de ma part des remerciements. Quoique nous ayons déjà entendu raconter ces faits par plusieurs, Pilate, de son côté, nous a officiellement informé des miracles opérés par Jésus. C’est ainsi qu’étant ressuscité d’entre les morts, plusieurs l’ont reconnu pour être Dieu. En conséquence, j’ai voulu moi aussi faire ce que tu proposes; mais, comme il est d’usage chez les Romains de ne pas admettre un Dieu [nouveau] sur l’ordre du souverain seulement, tant que le sénat ne s’est pas réuni pour discuter l’affaire, j’ai donc dû proposer l’admission de ce Dieu au sénat qui l’a rejeté avec mépris parce qu’elle n’avait pas été examinée d’abord par lui. Toutefois nous avons donné ordre à tous ceux à qui cela conviendra de recevoir Jésus parmi les dieux; et nous avons menacé de mort quiconque parlera en mal des chrétiens.[161] Quant aux Juifs qui ont osé crucifier Jésus, qui, ainsi que je l’ai appris, ne méritait ni la croix, ni la mort, mais était digne d’être honoré et adoré, j’examinerai l’affaire quand j’aurai apaisé la révolte des Hispaniens,[162] et je traiterai ces Juifs selon leur mérite. »

Abgar écrit encore une lettre à Tibère.

« Abgar, roi des Arméniens, à son seigneur Tibère, empereur des Romains, salut.

J’ai reçu la lettre écrite de la part de ta majesté, et je me suis réjoui des ordres émanés de ta sagesse. Si tu le permets, mon avis est que la conduite du sénat est ridicule; car, selon la raison, c’est d’après le jugement des hommes que se confère la divinité. Ainsi donc, si Dieu ne convient pas à l’homme, il ne peut être Dieu, car il faut de toute nécessité que Dieu soit accepté par l’homme.[163] Donc, mon seigneur pensera qu’il est juste d’envoyer un autre gouverneur à Jérusalem, en place de Pilate qui doit être chassé avec ignominie de l’emploi élevé où tu l’avais appelé; car il s fait la volonté des Juifs et crucifié le Christ injustement et sans ton ordre. Je souhaite que tu conserves la santé. »

Abgar, ayant écrit cette lettre, en déposa la copie avec celle des autres dans les archives, il écrivit ensuite au jeune Nersès (Nersèh), roi d’Assyrie, à Babylone (sic).

Lettre d’Abgar à Nersès.

« Abgar, roi des Arméniens, à mou fils Nersès, salut.

J’ai reçu ta lettre; j’ai brisé les fers de Bérose et je lui ai remis ses offenses. Si cela te convient, nomme-le gouverneur de Ninive. Quant à ce que tu m’écris de t’envoyer ce médecin qui fait des miracles et prêche un autre Dieu supérieur au Feu et à l’Eau, afin que tu puisses le voir et l’entendre, [sache que] ce n’est point un médecin selon l’art des hommes, mais qu’il est un disciple du fils de Dieu, Créateur du feu et de l’eau, et destiné à venir [évangéliser] les contrées de l’Arménie. Toutefois un de ses principaux compagnons, appelé Simon,[164] est envoyé dans les contrées de la Perse. Cherche-le et tu l’entendras, toi, ainsi que ton père Ardaschès. Il périra tous vos maux, et vous conduira dans le chemin de la vie. » Abgar écrit encore à Ardaschès, roi de Perse, la lettre suivante:

Lettre d’Abgar à Ardaschès.

« Abgar, roi des Arméniens, à Ardaschès, mon frère, roi des Perses,[165] salut.

Je sais que tu as entendu parler de Jésus-Christ, fils de Dieu, que les juifs ont crucifié, qui est ressuscité d’entre les morts et qui a envoyé ses disciples par tout l’univers pour instruire les hommes. L’un de ses principaux disciples, nommé Simon, se trouve dans les États de ta majesté. Cherche-le, tu le trouveras; il vous guérira de toutes vos maladies, il vous conduira dans le chemin de la vie, et tu croiras à ses paroles, toi, tes frères et tous ceux qui sont soumis à ton autorité. Il m’est bien doux de penser que mes parents, selon la chair, seront aussi mes parents et mes amis selon l’esprit. »

Abgar n’avait pas encore reçu la réponse à ces lettres, lorsqu’il mourut après trente-huit ans de règne.[166]

Ch. xxxiv.

Martyre de nos Apôtres.

Après la mort d’Abgar, le royaume d’Arménie se divisa en deux parties: Ananoun, fils d’Abgar, fut couronné, roi à Edesse, et son neveu (le fils de sa sœur) Sanadroug [régna] en Arménie. Ce qui se passa de leur temps a été écrit antérieurement par d’autres: l’arrivée de l’apôtre, en Arménie et la conversion de Sanadroug, son apostasie par crainte des satrapes arméniens, le martyre de l’apôtre et de ses compagnons dans le canton de Schavarschan, appelé aujourd’hui Ardaz, la pierre s’entrouvrant pour recevoir le corps de l’apôtre, l’enlèvement de ce corps par ses disciples, son inhumation dans la plaine, le martyre de Santoukhd, fille du roi, près de la route, l’invention des reliques des deux saints, et leur humiliation dans les grottes,[167] faits relevés per d’autres [écrivains] avant nous, ainsi que nous l’avons dit et que nous n’avons pas cru nécessaire de rappeler en détail. De même aussi, ce qui a trait au martyre d’Addée, disciple de l’apôtre à Edesse, ordonné par le fils d’Abgar, a été raconté par d’autres avant nous.

Celui qui régna après la mort de son père n’hérita pas des vertus paternelles, car il ouvrît les temples des idoles et retourna au paganisme.

Il envoya dire à Addée: « Fabrique-moi tiare en étoffe tissée d’or, comme celles que tu faisais pour mon père. » Il lui fut répondu: « Mes mains ne fabriqueront pas de tiare pour le prince indigne qui n’adore pas le Christ, Dieu vivant. Aussitôt le roi chargea un de ses gardes d’aller trancher les pieds d’Addée avec le glaive. Le soldat, étant venu et ayant vu le saint homme assis sur le siège doctoral, lui coupa les jambes avec son épée, et aussitôt le saint rendit l’esprit. Nous mentionnons ce fait sommairement, parce que d’autres l’ont déjà raconté.

Vint ensuite en Arménie l’apôtre Barthélemy qui fut martyrisé chez nous, dans la ville d’Âzevpan.[168] Quant à Sinon, envoyé en Perse, je ne puis pas rapporter avec certitude ce qu’il y fit, ni où il souffrit le martyre, parce que l’on raconte qu’un Simon apôtre fut martyrisé à Vériospora.[169] Est-ce vrai? et pourquoi vint, il là? Je l’ignore. J’ai seulement noté ce fait pour que tu saches que je n’épargne aucun soin pour te dire tout ce qui est nécessaire.[170]

Ch. xxxv.

Règne de Sanadroug. — Meurtre des enfants d’Abgar. — La princesse Hélène.

Sanadroug, étant monté sur le trône, lève des troupes avec le secours des braves Bagratides et Ardzrouni, ses tuteurs, et va déclarer la guerre aux fils d’Abgar, pour s’assurer la possession de tout le royaume. Pendant qu’il était occupé de cette expédition, et comme par un effet de la divine Providence, la mort d’Addée par le fils l’Abgar fut vengée; car une colonne de marbre, — qu’il faisait ériger à Edesse sur le faite de son palais, lorsqu’il était en bas pour diriger les travaux, — échappa des mains des ouvriers, tomba et lui écrasa les pieds.

Aussitôt un message des habitants de la ville parvint à Sanadroug, lui demandant qu’il s’obligeât, par un traité, à ne pas les troubler [dans l’exercice] du culte chrétien, et eux alors remettront en ses mains la ville et les trésors royaux. Sanadroug promit; mais ensuite il viola son serment. Il passa au fil de l’épée tous les enfants de la maison d’Abgar, hormis les filles qu’il retira de la ville pour les établir dans la province d’Haschdiank. Quant à la première des femmes d’Abgar, appelée Hélène, il l’envoya à Kharran, ville qui lui appartenait, lui laissant la souveraineté de toute la Mésopotamie, en souvenir des bienfaits s’elle avait obtenus pour lui d’Abgar.

Cette Hélène, pieuse comme Abgar son époux, n’accepta point de résider parmi des idolâtres, et se rendit à Jérusalem au temps de Claude, à l’époque de la famine prédite par Akab.[171] Elle acheta en Egypte, avec ses trésors, une immense quantité de blé qu’elle distribua aux pauvres, ainsi que le rapporte Josèphe.[172] Le tombeau d’Hélène, [monument] vraiment remarquable, se voit actuellement devant la porte de Jérusalem.[173]

Ch. xxxvi.

La ville de Medzpin construite. — Étymologie du nom de Sanadroug. — Sa mort.

De toutes les actions de Sanadroug, rien n’est plus digne de souvenir que la reconstruction de la ville de Medzpin; car, cette ville ayant été ruinée par un tremblement de terre, Sanadroug la démolit, la rebâtit plus magnifiquement, l’entoura d’une double enceinte de murailles avec des bastions, et fit ériger, au milieu [de la ville], sa statue avec une seule pièce de monnaie dans la main, ce qui signifiait : « Tous mes trésors ont été dépensés à construire cette ville, et il ne m’est plus resté que cette seule [pièce]. »

Mais pourquoi ce prince fut-il appelé Sanadroug? Nous le dirons c’est qu’Odé, sœur d’Abgar, voyageant en hiver en Arménie, fut assaillie dans les monts Gortouk par un tourbillon de neige qui dispersa tous les voyageurs, au point que le compagnon ignorait où son compagnon avait été emporté. La gouvernante de Sanadroug, Sanod, sœur de Piourab Bagratide et épouse de Khosran Ardzrouni, prit l’enfant qui était encore tout petit, le plaça sur son sein, et resta avec lui sous la neige pendant trois jours et trois nuits. C’est de là qu’est venue la fable [qui dit] qu’un animal d’une nouvelle espèce, merveilleux et de couleur blanche, envoyé par les dieux, garda l’enfant. Mais, d’après nos informations, voici le fait : un chien blanc, qui était avec les [gens] envoyée à la découverte, trouva l’enfant et la gouvernante. Cet enfant fut donc appelé Sanadroug, du nom de sa gouvernante, c’est-à-dire: « don de Sanod[174] ».

Sanadroug, monté sur le trône la douzième année d’Ardaschès, roi des Perses, et ayant vécu trente ans, mourut à la chasse d’un trait qui lai traversa les entrailles, comme une punition des tourments qu’il avait fait subir à sa sainte fille. Léroubna, fils du scribe Apschatar,[175] a recueilli tous les faits qui se sont passés du temps d’Abgar et de Sanadroug et les a déposés dans les archives d’Edesse.

Ch. xxxvii.

Règne d’Erouant. — Meurtre des fils de Sanadroug. — Ardaschès échappe à la mort par la fuite.

A la mort de Sanadroug,[176] son royaume tombe dans L’anarchie: un certain Erouant[177] fils d’une [femme] arsacide, règne la huitième année du dernier Darius. Voici ce qu’on raconte de lui : Une femme de race arsacide, d’une stature élevée, d’une figure horrible et repoussante, que personne n’avait voulu épouser, met au monde deux fils par suite d’un honteux commerce, comme Pasiphaé [enfanta] le Minotaure. Ces enfants grandirent et prirent les noms d’Erouant et d’Erouaz. Parvenu à l’âge viril, Erouant devint courageux et d’une force colossale; de plus, ayant été employé comme inspecteur et commandant par Sanadroug, il acquiert une si grande gloire que bientôt il devient le premier des satrapes arméniens. Timide et généreux, il gagnait tous les cœurs. A la mort de Sanadroug, tous proclamèrent roi unanimement Erouant, sans l’intervention d’aucun thakatir bagratide.[178]

Dès qu’Erouant fut installé sur le trône, il conçut des craintes du côté des fils de Sanadroug et les extermina tous; il paraît que l’on tira vengeance des fils d’Abgar massacrés. Un seul, nommé Ardaschès, échappe; sa gouvernante s’enfuit avec lui dans les contrées de Her,[179] là où sont les pâturages de Maghkhazan, donne avis au gouverneur de cet enfant, Sempad, fils de Piourad Bagratide, [qui résidait] au canton de Sber,[180] dans le village de Sempadavan.[181] Lorsque Sempad, fils de Piourad, apprend l’horrible nouvelle de la mort de Sanadroug, du massacre de ses enfants, il prend avec lui ses deux filles, Sempadanouisch et Sempadouhi, il les installe à Païpert,[182] en laissant la garde de la forteresse à des hommes courageux. Ensuite il se dirige, avec sa seule femme et quelques serviteurs, sur les traces du jeune Ardaschès. Informé de ce fait, le roi Erouant lance des espions. C’est pourquoi, errant pendant longtemps sur les montagnes et dans les plaines, à pied, avec l’enfant, sous différents déguisements, Sempad l’élève dans des cabanes, au milieu des bergers, jusqu’à ce qu’enfin, trouvant l’occasion favorable, il passe près de Darius, roi des Perses. Comme Sempad était brave et connu depuis longtemps, il reçoit un accueil honorable de la part des généraux perses. De plus l’enfant est admis parmi les fils du roi, et ils reçurent pour résidence les cantons de Pad et d’Ozom.

Ch. xxxviii.

Efforts d’Erouant pour s’emparer du jeune Ardaschès. — Comment il abandonne la Mésopotamie.

Erouant, en réfléchissant à l’ennemi de sa royauté qui grandissait en Médie, ne pouvait, la haine au cœur, goûter un seul moment de repos. Sans cesse éveillé, il était constamment assiégé par cette pensée, et dans le sommeil il était troublé par des songes effrayants. C’est pourquoi il sollicitait par des ambassadeurs et avec des présents le roi des Perses à lui livrer Ardaschès, disant: « Toi, du même sang que moi, mon proche parent, pourquoi élever le Mède Ardaschès, moi ennemi et celui de ma royauté, sur la foi des paroles du brigand Sempad qui prétend qu’Ardaschès est fils de Sanadroug? Il veut faire du fils d’un pâtre et d’un bouvier un Arsacide, en répandant le bruit que c’est ton sang et ton proche parent. Cependant ce n’est pas le fils de Sanadroug, et Sempad, par suite d’une imposture, a rencontré un enfant de Médie, et se joue [de toi.] » Erouant dépêcha aussi plusieurs fois vers Sempad, pour lui dire: « A quoi bon toutes ces intrigues inutiles? Trompé par une gouvernante, tu élèves le fils d’un Mède contre moi. » Toutefois Erouant ne reçoit pas de réponses favorables, et il envoie l’ordre d’exterminer les braves qui sont à Païpert, fait captives les filles de Sempad, les enferme dans la forteresse d’Ani, sans user envers elles de violences.

Erouant, protégé par les Romains, n’éprouve aucun dommage sous Vespasien et Titus, moyennant qu’il leur cédât la Mésopotamie. Depuis ce moment, l’autorité des Arméniens sur ce pays cessa d’exister, et Erouant tirait des Arméniens, pour les Romains, des impôts encore plus lourds [qu’auparavant]. Les procurateurs romains, ayant restauré magnifiquement la ville d’Edesse, y établissent des trésoreries pour recevoir les impôts perçus sur l’Arménie, la Mésopotamie et la Syrie. Ils rassemblent dans cette ville toutes les archives, ouvrent deux écoles, l’une pour la langue du pays, le syriaque, l’autre pour le grec. Ensuite ils transportent dans cette ville les archives des impôts et des temples, archives que l’on gardait à Sinope, ville du Pont.[183]

Ch. xxxix.

Fondation de la ville d’Erouantaschad.[184]

Au temps d’Erouant, la cour se transporte hors de la colline dite d’Arznavir. Comme le fleuve Araxe (Eraskh) était éloigné, l’hiver étant rigoureux et le vent glacé du nord si froid qu’il gelait les eaux du canal, il n’en restait plus assez pour l’usage de la résidence royale. Erouant, lassé [de ces inconvénients], et voulant trouver une position encore plus forte, transporte sa résidence à l’Occident, sur un rocher très élevé près duquel l’Arase partage son cours, tandis que de l’autre côté coule le fleuve Akhourian.[185] Il entoure le rocher d’une enceinte de murailles et, dans celles-ci, il taille les pierres en beaucoup d’endroits jusqu’à la base du rocher et au niveau du fleuve, afin que les eaux de celui-ci s’écoulent par les conduites creusées, pour qu’on puisse en boire. Il flanque de hautes murailles la forteresse située au sommet [du rocher], il fabrique des portes de bronze au milieu de ces murailles, des escaliers en fer dans l’intérieur jusqu’au-dessus de la porte, et place des pièges entre les degrés des escaliers pour prendre ceux qui voudraient, en montant furtivement, attenter à la vie du roi. On dit que cet escalier était double, de telle sorte qu’un côté servait aux officiers de la cour, pour les allants et venants pendant le jour, et que l’autre côté était pour les traîtres [qui auraient voulu pénétrer] la nuit.

Ch. xl.

Comment Erouant construisit Pakaran, ville des idoles.

Erouant, ayant construit sa ville, y transporte tout ce qui était à Armavir, excepté les idoles qu’il ne juge pas à propos de placer dans sa [nouvelle] capitale, redoutant l’affluence de ceux qui viendraient pour y sacrifier, car la ville ne pouvait être suffisamment gardée. A une distance de quarante stades environ au nord, il éleva une forteresse semblable à la sienne sur le fleuve Akhourian, lui donna le nom de Pakaran,[186] ce qui signifie que, dans cette ville, il a réuni [tous] les autels [des divinités], et il y transporte toutes celles d’Armavir. Les temples étant construits, il éleva son frère Erouaz [à la dignité de] grand-prêtre.

Ch. xli.

Plantation d’une forêt dite de la Multiplication.

Erouant plante aussi une grande forêt au nord du fleuve, l’entoure d’une muraille pour y parquer des daims légers, des cerfs, des onagres et des sangliers. Ces animaux, croissant et se multipliant, peuplèrent la forêt pour le grand plaisir du roi aux époques de la chasse. Erouant appela cette forêt du nom de forêt de la Multiplication.

Ch. xlii.

De la ville appelée Erouantaguerd.

Il m’est doux de parler de la gracieuse ville d’Erouantaguerd,[187] que ce même Erouant bâtit [d’une manière] si belle et si élégante. Il remplit le centre de la grande vallée d’habitants et d’édifices magnifiques, brillant comme la prunelle de l’œil. A l’entour de l’endroit habité s’étend une ceinture de jardins fleuris et odoriférants, comme autour de la prunelle se décrit le cercle de l’œil. D’innombrables vignobles imitent le contour frangé et gracieux des paupières. Sa forme arquée, au nord, est vraiment comparable aux sourcils de gracieuses jeunes filles; au sud, la forme unie des prairies ressemble à la beauté des joues bien lisses. Le fleuve avec ses rives, comme une bouche entr’ouverte, représente les deux lèvres; et ce site si splendide semble regarder fixement le sommet où se dresse le séjour du monarque, séjour vraiment somptueux et royal!

Toutes ces constructions d’Erouant, Tigrane le Grand les donne plus tard à la famille des Gamsaragan comme alliée à la race des Arsacides par le sang et l’amitié, ainsi que nous le dirons en son lieu.

On raconte qu’Erouant, selon la magie, avait le mauvais œil; c’est pourquoi, chaque matin, les chambellans du palais avaient l’habitude de placer des pierres très dures en face d’Erouant, et qu’elles se fendaient [sous l’influence] de la malignité de son regard. Mais, ou ceci est faux ou fabuleux, ou bien cela veut dire qu’il avait la puissance diabolique de nuire, et l’influence du mauvais œil, à tous ceux auxquels il en voulait.

Ch. xliii.

Sempad, aidé par les satrapes perses, cherche à mettre Ardaschès sur le trône.

Le jeune Ardaschès ayant grandi, Sempad son gouverneur avait fait beaucoup d’actions de valeur et d’éclat. Les satrapes des Arik, satisfaits de lui, supplient le roi de lui accorder en présent tout ce qu’il demandera. Le roi, accueillant leur demande, dit aux satrapes: « Voyez ce que désire cet homme valeureux! — Ta magnanimité est immortelle! [répondent-ils]; Sempad ne demande qu’une chose, c’est que tu rétablisses sur son trône et ton sang et ton allié, Ardaschès, fils de Sanadroug, banni de son propre royaume. » Le roi des rois, cédant à leurs prières, donne à Sempad une partie de ses troupes de l’Assyrie et celles de l’Adherbadagan, pour replacer Ardaschès sur le trône de ses pères.[188]

Ch. xliv.

Erouant, ayant appris l’arrivée d’Ardaschès, léve des troupes pour se préparer au combat.

Erouant était dans la province d’Oudi[189] quand il apprit que le roi de Perse a rassemblé une puissante armée, sous les ordres de Sempad, pour marcher contre lui et replacer le jeune Ardaschès sur son trône. Dès qu’Erouant eut connaissance de cette nouvelle, il laissa plusieurs satrapes à la garde du royaume, se transporta lui-même au plus vite dans sa ville, pour appeler autour de lui les années d’Arménie et d’Ibérie, celles des provinces de Césarée et enfin celles de la Mésopotamie, à force de prières et de présents. On était au printemps; aussi toutes les troupes furent-elles promptement rassemblées. Parmi elles, Arka, chef de la race de Mouratzan, de la descendance d’Astyage, commandait un corps de fantassins.[190] Erouant lui avait restitué le second rang que Tigrane avait enlevé à sa famille pour le donner à son beau-frère Mithridate. Cependant, à la mort de Mithridate, cette dignité n’avait été confiée à personne jusqu’au moment où Erouant la rendit à Arkam. Erouant ne fit pas seulement à ce prince des présents, mais il en donna aussi à tous les satrapes et combla tous les soldats de riches cadeaux.

Ch. xlv.

Réussite de l’entreprise d’Ardaschès, dés son entrée dans le pays.

Sempad et le jeune Ardaschès se hâtèrent d’arriver sur les frontières d’Oudi. Les garnisons de ces contrées et les satrapes qu’Erouant y avait laissés vinrent au-devant d’eux. A cette nouvelle, les autres satrapes d’Arménie, découragés, songèrent à se détacher d’Erouant, d’autant plus qu’ils ne voyaient pas les Romains accourir à son secours. Cependant Erouant répandait de plus en plus ses largesses et distribuait à tout le monde ses propres trésors. Malgré cela, plus il se montrait généreux, plus il devenait odieux, car tout le monde savait qu’il ne donnait rien par libéralité, mais qu’il prodiguait tout par crainte. D’ailleurs il s’attirait moins l’amitié de ceux à qui il donnait beaucoup que l’inimitié de ceux qu’il ne comblait pas suffisamment de ses largesses.

Ch. xlvi.

Lutte d’Erouant contre Ardaschès. — Sa fuite. — Prise de sa capitale. — Mort d’Erouant.

Cependant Sempad, avec le jeune Ardaschès, s’avance vers le rivage de la mer de Kégham, derrière la montagne appelée Arakadz. Ils se hâtent d’arriver au camp d’Erouant. Sans s’effrayer de la multitude de ses soldats, ils ne redoutaient seulement que le Mouratzan Arkam, qui était un homme intrépide et chef de beaucoup de piquiers. Le camp d’Erouant était à plus de trois cents stades de la ville au nord, sur le fleuve Akourian. Erouant, prévenu de la marche de l’ennemi, fit avancer la masse de ses troupes, et la rangea en bataille non loin du camp. Alors Ardaschès envoie un messager à Arkam, chef de la race des Mouratzan, en lui promettant par mille serments de lui conserver tout ce qu’il tient [de la faveur] d’Erouant, à doubler encore ces faveurs, pourvu qu’il abandonne la cause d’Erouant.

Pendant que les étendards d’Ardaschès s’avançaient contre l’armée d’Erouant, Arkam, avec son infanterie, passa du côté d’Ardaschès. Sempad ordonne de faire sonner les trompettes d’airain[191] et fait avancer son armée comme un aigle qui vient fondre sur des bandes de perdrix. Les satrapes arméniens, qui se tenaient à l’aile droite et à l’aile gauche, se réunirent et vinrent rejoindre Sempad. Les troupes d’Ibérie avec leur roi Pharsmane,[192] malgré l’ardeur impétueuse de leur premier choc, se mirent aussitôt à fuir. On vit alors le carnage immense fait dans l’armée d’Erouant et dans les troupes de la Mésopotamie. Cependant, dans cette mêlée des deux camps, Ardaschès est surpris par les braves habitants du Taurus, qui, au péril de leur vie, avaient promis à Erouant de tuer Ardaschès. Mais Kisag, fils de la gouvernante d’Ardaschès, se précipite à pied à travers leurs rangs et en fait un grand carnage; cependant il a la moitié de la figure emportée, et, bien que triomphant, il meurt de cette horrible blessure Le reste de l’armée prit la fuite.

Erouant, à cheval, brûle la route des relais,[193] qui sépare le camp de sa capitale, et, changeant sans cesse de monture à chaque relais, il continue à s’enfuir. Le brave Sempad le poursuit vivement et le presse la nuit jusqu’à la porte de la ville. Alors les troupes mèdes, traversant le camp d’Erouant, s’établirent le soir sur les cadavres. Ardaschès, à peine arrivé, entra dans la tente d’Erouant dont les parois étaient garnies de peaux et de toiles, et y passa la nuit. Le lendemain, en maître du champ de bataille, il ordonna d’enterrer les morts et appela la vallée où il avait campé sur des cadavres champ des Mèdes (Maratz Mark) et le champ de bataille Erouant Avan, nom conservé jusqu’à présent, et qui signifie qu’en cet endroit il défit Erouant.[194] De là Ardaschès se mit en marche pour la ville d’Erouant. Arrivé avant le milieu du jour, il commande à ses troupes de crier à la fois : Mar Amad, ce qui veut dire : le Mède est arrivé,[195] pour rappeler l’insulte qu’Erouant adressa au roi de Perse et à Sempad en appelant Ardaschès Mède. D’après ce cri, l’endroit fut appelé Marmed, parce qu’Ardaschès voulait ôter à cette localité le nom d’Erouant. Telle est l’origine du nom imposé à cette ville.

Cependant Sempad, qui avait suivi de nuit la piste d’Erouant avec une petite troupe, gardait la porte de la ville jusqu’à l’arrivée d’Ardaschès et de toute l’armée. Les plus braves, ayant escaladé les murailles, les franchirent, et les hommes qui étaient dans la place se rendirent et ouvrirent les portes de la ville. Un des soldats, pénétrant aussitôt à l’intérieur, fendit d’un coup d’épée la tête d’Erouant, dont la cervelle se répandit sur le sol. Ainsi fut tué et mourut Erouant, après vingt ans de règne. Ardaschès, se rappelant qu’Erouant était du sang des Arsacides, ordonna de placer son corps dans un monument funéraire.[196]

Ch. xlvii.

Règne d’Ardaschès qui comble de largesses ses partisans.

Erouant étant mort, Sempad ne cessait de rechercher ses trésors; ayant trouvé la couronne du roi Sanadroug, il la pose sur la tête d’Ardaschès, le proclame roi de toute l’Arménie, la vingt-neuvième année de Darius roi de Perse. Ardaschès, ayant reconquis son royaume, fait des présents aux troupes des Mèdes et des Perses et les renvoie chez elles. Il confère au brave et illustre Arkam le second rang qu’il lui avait promis, la couronne de perles, deux pendants d’oreilles, le brodequin de pourpre à un pied seulement, plus le droit de se servir d’une cuiller et d’une fourchette d’or et de boire dans une coupe d’or.[197] Ardaschès accorda, sans en rien retrancher, les mêmes honneurs à son gouverneur Sempad, sauf les pendants d’oreille et le brodequin de pourpre. Enfin il lui donne en outre la dignité héréditaire de thakatir, de commandant de la cavalerie et de général de l’armée de l’Occident, avec le commandement de toutes les troupes arméniennes, l’inspection de tous les fonctionnaires de notre pays et la surintendance de toute la maison royale. Quant à Nersès, fils de Kisag, fils de la gouvernante d’Ardaschès, il lui donne, à lui et à sa race, le nom de Timakhsian,[198] en mémoire des exploits de son père qui, ainsi que nous l’avons dit, avait eu la moitié de la figure emportée, en voulant défendre Ardaschès.

On raconte aussi, qu’en ces jours-là, Ardaschès érigea une satrapie pour les fils de Dour, qui étaient quinze garçons, et il les appela Drouni du nom de leur père, non point à came de ses prouesses, mais seulement parce que leur père faisait des rapports à Sempad sur la maison du roi. Dour était attaché à la cour d’Erouant et fut mis à mort par ordre de ce prince, pour crime de trahison.

Ch. xlviii.

Meurtre d’Erouaz. — Construction d’une autre ville appelée aussi Pakaran. —Ardaschès tributaire des Romains.

Après cela, Ardaschès ordonne à Sempad d’aller à la forteresse de Pakaran, [située] près de la ville d’Erouant, sur le fleuve Akhourian, et de mettre à mort Erouaz, frère d’Erouant. Sempad, s’étant emparé de sa personne, lui fit attacher une meule au cou et jeter dans un tourbillon du fleuve; puis il mit à sa place, pour veiller à Pakaran,[199] un officier d’Ardaschès, disciple d’un mage interprète des songes, appelé pour cette raison Mokbaschdè.[200] Sempad s’empare ensuite des trésors d’Erouaz, de ses esclaves au nombre de cinq cents, ainsi que des objets les plus précieux des trésors des temples, qu’il apporte à Ardaschès. Ardaschès donne à Sempad les esclaves d’Erouaz; quant aux trésors, auxquels il ajoute encore, il les fait porter à Darius, roi des Perses comme marque de sa reconnaissance, comme à un père et à un bienfaiteur.

Sempad emmène alors les esclaves d’Erouaz pris à Pakaran, et les transporte sur le revers du Massis, en donnant à cet endroit le même nom, Pakaran. Il va ensuite en Perse pour offrir à Darius les présents, sans trop s’inquiéter des forces romaines. Au moment du départ de Sempad pour la Perse, les collecteurs de l’empereur arrivent en Arménie avec une armée nombreuse. Ardaschès, à force de prières et en payant un double tribut, les apaise. Ces faits nous sont attestés par Olympius (Oughioub),[201] prêtre d’Ani, auteur d’une Histoire des Temples, ainsi que beaucoup d’autres faits qui nous restent à raconter et qui sont confirmés par le témoignage des livres des Perses et par les chants historiques des Arméniens.

Ch. xlix.

Construction de la ville d’Ardaschad.

Les entreprises du dernier Ardaschès se sont la plupart révélées par les chants historiques qui se récitent dans le Koghtèn : la construction de la ville, l’alliance avec les Alains, sa race et sa postérité, l’amour de Satinig pour les descendants des dragons, c’est-à-dire d’Astyage, comme dit la fable, qui occupent tout le pied du Massis;[202] sa guerre contre eux, la ruine de leur puissance, leur meurtre et l’incendie de leurs domaines,[203] la jalousie des fils d’Ardaschès et la guerre suscitée par leurs femmes. Tous ces faits, comme nous l’avons dit, te sont tous racontés dans les chants historiques, mais nous les rappellerons en peu de mots et nous donnerons l’interprétation vraie de l’allégorie.

Ardaschès, ayant été au confluent de l’Araxe et du Medzamor, trouve l’endroit à son gré et y élève une ville qui, de son nom, est appelée Ardaschad.[204] L’Araxe lui fournit les bois de plus; aussi la ville s’élève rapidement et sans beaucoup de peine. Ardaschès y construit un temple dans lequel il transporte de Pakaran la statue d’Artémis et toutes les idoles de son père; mais, la statue d’Apollon, il la dresse hors de la ville, sur la route. Il tire de la ville d’Erouant les Juifs captifs qui avaient été transportés d’Armavir et les colonise à Ardaschad. Tous les ornements de la ville d’Erouant, apportés d’Armavir, et ceux dont il avait lui-même décoré la ville, il les transporte à Ardaschad, ajoute encore à la magnificence de cette ville et en fit la cité royale.

Ch. l.

Invasion des Alains; leur défaite. — Ardaschès fait alliance avec eux.

Vers ce temps-là, les Alains, [alliés] à tous les montagnards et avec une partie de l’Ibérie, viennent en troupes compactes se répandre sur notre pays.[205] Ardaschès réunit la masse de ses troupes et la bataille s’engage sur les frontières des deux nations composées d’hommes braves et habiles à tirer l’arc. Celle des Alains fléchit un peu, traverse le grand fleuve Cyrus (Gour) et s’arrête sur la rive au nord. Ardaschès arrive, campe au sud et le fleuve [seul] les sépare.

Mais, comme le fils du roi des Alains, fait prisonnier par les troupes arméniennes, était conduit auprès d’Ardaschès, le roi des Alains demanda la paix en promettant de donner tout ce qu’on exigerait de lui. Il offrait de signer des traités perpétuels par serment juré, s’engageant à ce que les fils des Alains ne fissent plus irruption sur la terre d’Arménie. Cependant, comme Ardaschès refuse de rendre le jeune prince, la sœur du prisonnier s’avance au bord du fleuve sur un tertre élevé et crie par la bouche des interprètes au camp d’Ardaschès: « O toi, brave Ardaschès,[206] vainqueur de la valeureuse nation des Alains, consens à me rendre ce jeune homme, à moi, la vierge des Alains, la vierge aux beaux yeux. Il n’est pas digne des héros d’ôter, par vengeance, la vie aux fils des autres héros, ni de les tenir prisonniers, ni de les mettre au rang des esclaves, ni de perpétuer une éternelle inimitié entre deux peuples braves. » Ardaschès, ayant entendu ces sages paroles, se rendit sur la rive du fleuve, et, ayant aperçu la belle jeune fille et écouté ses sages propositions, brûla d’amour pour elle. Ayant mandé son gouverneur Sempad, il lui découvre la flamme de son cœur, [son désir] de prendre la princesse pour épouse, de faire un traité d’alliance et d’amitié avec la nation des braves et de mettre en liberté le jeune prince. Sempad consent et envoie demander au roi des Alains la jeune princesse des Alains, Satinig, en mariage pour Ardaschès : « Pourra-t-il me donner, le brave Ardaschès, répondit le roi des Alains, des milliers et des millions[207] [de trésors] en échange de la noble princesse, de la vierge des Alains? »

Les chantres de cet épisode, le transformant en allégorie, dirent dans leurs chants:

« Le valeureux roi Ardaschès, monté sur un beau [coursier] noir,

« Tirant la lanière de cuir rouge garnie d’anneaux d’or,

« Et prompt comme un aigle qui fend l’air, passant le fleuve,

« Lance cette lanière de cuir rouge garnie d’anneaux d’or

« Autour des flancs de la vierge des Alains; et il étreint avec douleur par le milieu du corps la jeune princesse,

« Et l’entraîne brusquement dans son camp.

Voici maintenant le fait dans toute sa vérité comme le cuir rouge est très estimé chez les Alains, Ardaschès donne beaucoup de peaux de cette couleur,[208] et beaucoup d’or en dot, et il obtient la jeune princesse Satinig. C’est là la lanière de cuir rouge garnie d’anneaux d’or. Ainsi, dans les noces, ils chantent des légendes, [en disent]

Une pluie d’or tombait

Au mariage d’Ardaschès;

Les perles pleuvaient

Aux noces de Satinig.

C’était en effet la coutume de nos rois, à leur mariage, d’aller, sur le seuil du palais, jeter des pièces de monnaie à la manière des consuls romains; c’était aussi la coutume des reines de jeter des perles dans leur chambre nuptiale.[209] Telle est la vérité des faits.

Satinig, la première des femmes d’Ardaschès, lui donna Ardavast et plusieurs autres fils, que nous n’avons pas cru devoir inscrire ici les noms; mais nous consignerons [plus tard] quelques-unes de leurs actions.[210]

Ch. li.

Meurtre d’Arkam et de ses enfants.

Ardavazt, fils d’Ardaschès, ayant grandi, se montra brave, fier et orgueilleux. Portant envie au vieil Arkam, il engagea son père à sévir contre lui, sous prétexte qu’Arkam songeait à imposer son autorité à tout le monde. Ayant dépouillé Arkam de toutes ses dignités, Ardavazt s’empare du second rang. Quelque temps après, Ardaschès se rend à une invitation d’Arkam; les fils du roi, feignant de croire que des embûches leur sont tendues, suscitent un tumulte, et, au milieu du festin, ils arrachent la barbe blanche d’Arkam. Ardaschès retourne à Ardaschad, saisi d’épouvante, et envoie son fils Majan à la tête d’un fort détachement, avec l’ordre de faire périr quantité de Mouratzan, d’incendier le palais d’Arkam, d’enlever Mantou sa concubine, femme remarquable par sa beauté et son port majestueux, et de la conduire dans la couche d’Ardaschès. Deux ans après, Ardaschès se rapprocha de nouveau d’Arkam, et ordonna de lui rendre ses biens, à l’exception de sa concubine.

Cependant Ardavazt, non content d’avoir dépouillé la race d’Arkam du second rang, s’empare aussi de Nakhdjavan et de tous les villages au nord de l’Araxe, et y construit, comme dans ses propres domaines, des palais et des forteresses. Le fils d’Arkam, irrité de cette usurpation, résiste à Ardavazt les armes à la main; mais le fils du roi le vainquit, et extermina toute la famille d’Arkam avec leur père, ainsi que tous les principaux de la race de Mouratzan. Il s’empara ensuite des villages et de toutes leurs possessions. Il n’y eut que quelques individus inconnus de cette famille qui échappèrent au massacre et se réfugièrent à la Porte Royale. Cet Arkam est celui que la fable nomme Arkavan, et voilà la cause de la guerre qu’il soutint avec Ardavazt.

Ch. lii.

De Sempad. — Ce qu’il fit dans le pays des Alains. — La ville d’Ardaz est peuplée de colons.

Il m’est doux de parler encore du brave Sempad, car vraiment la fable n’est pas trop éloignée de la vérité. Sa taille n’était surpassée que par sa valeur et par sa vertu.[211] Sa beauté était rehaussée par de beaux cheveux blonds, et il avait dans les yeux une légère tache de sang, comme la paille[212] qui se voit sur l’or ou au milieu d’une perle, très léger de sa personne et agile de corps, il était prudent en toutes choses; aussi il était plus heureux dans les batailles que les autres guerriers. Après tant de hauts faits, il va, par ordre d’Ardaschès, avec une armée, porter secours au frère de Satinig, dans le pays des Alains; car, à la mort du père de Satinig, un usurpateur s’était établi en maître dans le pays et avait chassé le frère de la [reine d’Arménie]. Sempad renverse le tyran, replace sur le trône le frère de Satinig, ruine les terres de ses ennemis et les emmène tous prisonniers à Ardaschad. Ardaschès fit transférer ensuite les captifs dans la partie sud-est du Massis, appelé le canton de Schavarschagan,[213] tout en conservant le nom primitif d’Ardaz, parce que le pays d’où étaient venus les prisonniers s’appelle Ardu encore à présent.

Ch. liii.

Ruine des Caspiens (Gasp). — Les fils d’Ardaschès se brouillent d’abord avec Sempad, puis les uns avec les autres.

Après la mort du dernier Arschag, roi des Perses, notre Ardaschès place sur le trône de Perse son homonyme Ardaschès, fils d’Arschag. Cependant le nouveau roi ne put se faire accepter, ni des habitants de la montagne, appelée dans leur langue le canton de Badijahar, c’est-à-dire la montagne des laines (Keghmantz), ni de ceux du littoral, ni de ceux des pays éloignés; même, à cette occasion, le pays des Caspiens[214] se révolta contre notre roi. C’est pourquoi Ardaschès envoie contre eux Sempad, à la tête de toutes les troupes arméniennes; le roi lui-même les accompagne durant sept jours. Sempad s’avance et fait rentrer dans le devoir tous les révoltés; il ravage le pays des Caspiens, il ramène en Arménie encore plus de captifs qu’il n’en avait tiré d’Ardaz. Au nombre de ces captifs se trouve leur roi, nommé Zartmanos. En récompense de tous ses services; Ardaschès donne à Sempad un apanage de la couronne, situé dans les villages de Koghtèn, ainsi que les sources du chameau (Oughd ou Aghounk),[215] et lui abandonne en outre tout le butin. Cependant Ardavazt, jaloux de Sempad, voulait le faire mourir; mais, le projet découvert, son père en fut fort indigné.

Sempad s’en alla en Assyrie et quitta volontairement le commandement des troupes arméniennes que lui enviait Ardavazt. Il s’établit par l’ordre d’Ardaschès à Dmorik, appelé aujourd’hui Gortik,[216] et colonise à Algui[217] la masse des captifs. Sempad, déjà vieux, s’était marié en Assyrie, dans ces contrées, et, comme il aimait beaucoup sa femme, il se fixa dans son pays.

Cependant Ardavazt, après le départ de Sempad, obtint de son père, comme il le désirait, le commandement de toute l’armée. Mais bientôt éclate contre Ardavazt la jalousie de ses frères, à l’instigation de leurs femmes. Alors Ardaschès choisit pour ministre Vroïr, homme prudent et poète, lui confie l’administration de toutes les affaires de la cour, et institue Majan, grand-prêtre du Dieu Aramazd à Ani. Il partage ses troupes en quatre corps, laisse l’armée d’orient à Ardavazt, confie celle d’occident à Diran, celle du sud à Sempad et celle du nord à Zareh. Zareh était un homme orgueilleux, habile à chasser les bêtes fauves, mais inhabile et lâche dans les combats. Khartzam, roi des Ibères,[218] ayant appris les choses de bonne source, soulève le pays, charge Zareh de chaînes et le jette en prison sur le Caucase. Ardaschès et Diran avec Sempad fondent sur Khartzam, et délivrent leur frère de ses lourdes chaines et de sa prison.

Ch. liv.

Guerre contre l’armée de Domitien dans la Pasêne.

Des complications étant survenues en Occident, Ardaschès se fie à ces bruits, se révolte, résiste aux Romains et refuse d’acquitter le tribut. L’empereur (César) Domitien, indigné, envoie armée contre Ardaschès. Arrivées près de Césarée, les [troupes romaines] attaquent impétueusement Diran et les troupes de l’occident jusqu’à l’immense vallée de Pasène. Ardavazt, accouru avec ses troupes d’orient et du nord, avec tous les fils du roi, combat vaillamment, et court les plus grands dangers. Vers la fin du combat, Sempad le rejoint avec les troupes du sud, et, fait diversion, il dégage les fils du roi, et remporte une victoire complète qui met fin au combat. Sempad, quoique avancé en âge, dirige et organise la guerre avec toute la vigueur d’un jeune homme, et, par une poursuite acharnée, il repousse les troupes romaines jusque sur les terres de Césarée.

Les chantres de ces événements, en les traduisant sous une forme légendaire, disent qu’un certain Domed, c’est-à-dire l’empereur Domitien, s’était rendu à cette expédition. Mais il n’y était pas personnellement; seulement ses ordres, se troupes, sont groupés ici sous son nom.[219] La fortune semble favoriser Ardaschès; car sur ces entrefaites Domitien meurt à Rome, et Nerva, qui lui succède, ne règne pas plus d’un an. Encouragées de plus en plus par ces événements, les troupes des Arméniens et des Perses firent des incursions jusqu’en Grèce. A leur exemple, les Egyptiens et les peuples des contrées de la Palestine refusent, eux aussi, d’acquitter le tribut aux Romains.

Ch. lv.

Trajan; ses faits et gestes. — Majan meurt de la main de ses frères.

Vers ce temps-là, Trajan devint empereur des Romains, et, ayant pacifié tout l’Occident, il vint fondre sur l’Egypte et sur les habitants de la Palestine. Les ayant soumis [à son autorité], il marche en Orient contre les Perses. Cependant Ardaschès se hâte d’accourir au-devant de Trajan avec de riches présents, et, prenant sur lui [la responsabilité de] la faute commise, il se présente avec tous les tributs des années précédentes, à l’empereur qui lui pardonne et le laisse retourner en Arménie. Ensuite Trajan passe en Perse, fait exécuter ses volontés et retourne par la Syrie.

Majan se porte au-devant de Trajan pour trahir ses propres frères: « Sache, dit-il, ô roi! que si tu ne chasses pas Ardavazt et Diran, si tu ne confies pas l’armée arménienne à Zareh, les tributs ne rentreront pas facilement [dans ton trésor]. » Trajan agissait ainsi pour se venger de Sempad, qui les avait élevés à la puissance. Il méditait aussi la perte de Diran, afin de devenir grand-prêtre et commandant de l’armée d’occident. Trajan, méprisant cette dénonciation, renvoie Majan tout confus. Ardavazt et Diran, ayant eu connaissance de cette machination, lui tendirent des embûches dans une partie de chasse, le tuèrent et allèrent l’enterrer dans le bourg des idoles (Pakaran), comme grand-prêtre. Après ce temps-là, Ardaschès acquitta ponctuellement jusqu’à sa mort le tribut à Trajan, et ensuite à l’empereur Adrien.

Ch. lvi.

Comment Ardaschès accrut la population de notre pays et en fixa les limites.

Après tant de hauts faits, tant de sages institutions, Ardaschès fit tracer les limites des bourgs et des champs. Il augmenta la population de notre pays en y amenant beaucoup d’étrangers, qu’il établit dans les montagnes, dans les vallées et dans les plaines. Il fit fabriquer ainsi les marques des limites, il commanda de faire des cubes de pierre, d’y creuser un trou rond dans le milieu et de les enfouir dans le sol. Puis il fit placer sur ces pierres des bornes à quatre faces, dépassant un peu le niveau de la terre. Ardaschir, fils de Sassan,[220] jaloux de toutes ces [novations], ordonne de faire la même chose en Perse, sous son nom, afin que l’on ne se souvienne plus de celui d’Ardaschès.[221]

On dit qu’au temps d’Ardaschès on ne trouvait dans toute l’Arménie aucun terrain inculte, ni dans les montagnes, ni dans les plaines, tant était grande la prospérité du pays.

Ch. lvii.

De la satrapie des Amadouni.

Sous Ardaschès, la race des Amadouni arriva, dit-on, du pays des Arik orientaux. Ils sont d’origine juive et sont issus d’un certain Manoué. Le fils de ce dernier était d’une taille gigantesque et athlétique, et s’appelait Samson, parce qu’il est d’usage chez les Juifs d’imposer les noms de leurs aïeux aux enfants qui donnent des espérances. A présent encore on remarque la même chose chez les hommes de la race des Amadouni, qui sont robustes, bien faits, vigoureux et gracieux en toutes choses. Ceux-ci furent amenés par Arsace, premier roi parthe, et s’étaient élevés de grade en grade aux dignités dans le pays des Arik, aux contrées d’Ahmadan.[222] Quelle fut la cause de leur migration dans notre [pays]; je l’ignore! Honorés et gratifiés par Ardaschès de villages et de domaines, ils sont appelés Amadouni, comme étant étrangers; cependant certains Perses les nomment encore Manouan, du nom de leur ancêtre.

Ch. lviii.

De la maison des Aronéghian. — D’où cette race est issue.

Sous Ardaschès, les Aronéghian, de la nation des Alains, alliés de Satinig et venus avec elle, furent élevés au rang de satrapie en Arménie, comme parents de la grande reine. Au temps de Chosroès, père de Tiridate, ils s’allièrent avec une branche illustre des Pasils, qui s’était fixée en Arménie.

Ch. lix.

Connaissance des arts, introduite sous Ardaschès.

Comme beaucoup de faits ont été accomplis sous Ardaschès, nous les avons partagés en plusieurs chapitres, de peur qu’une longue narration ne fatiguât les lecteurs. Ce dernier chapitre est consacré au récit de tous les autres faits arrivés du temps d’Ardaschès; car quoique, d’après tout ce que nous avons rappelé dans les précédents chapitres, des institutions, des sages coutumes qui avaient été établies par Vagharschag et les premiers autres rois, ces souverains n’avaient aucune idée des beaux-arts et des sciences. Occupés à des courses et à des incursions, ils négligeaient ces sciences ou ils les ignoraient; j’entends parler de la succession des semaines, des mois et des années, choses qu’ils ignoraient, bien qu’elles fussent en usage chez les autres peuples. Il n’y avait ni navigation sur les lacs de notre pays, ni traversées sur les fleuves [au moyen de ponts[223]], ni instruments de pèche. L’agriculture même n’était pas pratiquée eu tous lieux, mais sur quelques points seulement. Comme c’est la coutume des habitants des contrées du Nord, certaines gens se nourrissaient de chairs crues et d’autres aliments analogues. Tout cela fut réglé à l’époque d’Ardaschès.

Ch. lx.

Mort d’Ardaschès.

Ce que raconte Ariston de Pella[224] touchant la mort d’Ardaschès est vraiment digne d’intérêt. En ce temps-là les Juifs se révoltèrent contre Adrien, empereur des Romains, firent la guerre contre l’éparque Rufus, sous la conduite d’un certain brigand appelé Barcocébas (Parkoba), c’est-à-dire Fils de l’Étoile. Malfaiteur, assassin, cet homme se vantait de son nom avec orgueil, comme s’il eût été pour les Juifs un sauveur descendu des cieux, afin de délivrer les opprimés et les captifs, Il poussait si activement la guerre que, à cette vue, les Syriens, les habitants de la Mésopotamie et toute la Perse, s’affranchirent du tribut des Romains, car Barcocébas avait appris qu’Adrien était atteint de la lèpre. Cependant notre Ardaschès resta fidèle à l’empereur.

Sur ces entrefaites, Adrien arriva en Palestine et défit les révoltés, en les assiégeant dans une petite ville[225] près de Jérusalem. En conséquence, il ordonna à tous les Juifs de s’éloigner de leur pays, de telle sorte qu’ils n’apercevront pas même de loin Jérusalem. Adrien rebâtit cette ville, détruite par Vespasien et par lui-même, et il la nomma Aelia (Eghia) de son propre nom, car on appelait Adrien le Soleil (Arékagn).[226] Il y établit des païens et des chrétiens, dont l’évêque était un certain Marc. Dans le même temps, [Adrien] envoya de grandes forces en Assyrie, et ordonna à notre Ardaschès d’aller en Perse avec les nobles de sa garde.[227] Celui qui nous a transmis cette histoire était attaché à sa personne en qualité de secrétaire.[228] Il rencontra Ardaschès en Médie, dans un endroit appelé Schount. Il est dit qu’Ardaschès tomba malade à Mirant, dans le bourg de Pagouraguerd. Là se trouvait un certain Apégho, chef de la maison des Apéghian, homme actif, astucieux et adulateur. Ardaschès, sa demande, l’envoie à Eriza, canton d’Eghéghiatz[229] au temple d’Artémis pour demander à la déesse la guérison et une longue vie. L’envoyé n’était pas encore de retour, qu’Ardaschès était mort. L’historien raconte en détail le nombre de personnes qui périrent à la mort d’Ardaschès, ses femmes bien aimées, ses concubines et ses esclaves dévoués, quelles pompes magnifiques on déploya pour rendre honneur à dépouilles mortelles, selon la coutume des villes, et non à la manière des barbares. La civière était d’or, le trône et le lit d’étoffe fine, le manteau qui enveloppait le corps, de drap d’or. Une couronne était posée sur la tête d’Ardaschès; son épée d’or était devant lui. Autour du trône se tenait son fils et toute la foule des parents et des proches. Près d’eux étaient les généraux, les chefs des satrapies, les classes des nobles, les corps de troupes armées de toutes pièces, comme si elles allaient marcher au combat. En avant, les trompettes d’airain retentissantes; derrière le cortège des jeunes filles vêtues de noir, de femmes éplorées, et enfin la foule du peuple. Ce fut ainsi qu’Ardaschès fut porté et enseveli. Autour de son tombeau eurent lieu bien des morts volontaires, comme nous l’avons dit plus haut. Ainsi finit ce prince chéri de tout notre pays, après un règne de quarante et un ans.

Ch. lxi.

Règne d’Ardavazt. —Il chasse ses frères et ses sœurs. — Sa mort, avec toutes les circonstances fabuleuses.

Après Ardaschès, son fils Ardavazt régna.[230] Il chassa de l’Ararat tous ses frères, et les relégua dans les cantons d’Aghiovid et d’Arpéran, pour qu’ils n’habitassent pas en Ararat, dans les domaines du roi. Il garde seulement auprès de lui Diran, son successeur désigné, car il n’avait pas de fils. Après quelques jours de règne,[231] en passant sur le pont de la ville d’Ardaschad pour aller à la chasse des sangliers et des onagres, prés des sources de Kin,[232] Ardavazt, saisi d’un vertige subit, et errant çà et là à cheval, tombe dans ma gouffre profond et disparaît. Les chantres du Koghtèn improvisèrent des fables sur cet événement. A la mort d’Ardaschès, il y eut beaucoup de sang versé, selon l’usage des païens. Ardavant, disent les chantres, parla ainsi avec amertume à son père:

« Tandis que tu es parti, emportant avec toi tout le pays,

« Comment régnerai-je, moi, sur ces ruines?

« A cause de cela, Ardaschès maudit Ardavant, et lui répliqua en ces termes

« Si tu vas à cheval chasser sur le libre Massis,

« Les Kadch[233] te saisiront, te conduiront sur le libre Massis,

« Tu resteras là et tu ne verras plus la lumière.

Les vieilles femmes racontent également d’Ardavazt qu’il est emprisonné dans une caverne, chargé de chaînes de fer, deux chiens rongent continuellement ses chaînes, et il s’efforce de s’échapper pour venir porter la dévastation dans le monde. Mais au bruit des coups de marteau des forgerons, ses fers acquièrent, dit-on, une nouvelle force. C’est pourquoi, même de nos jours, beaucoup de forgerons, s’en rapportant à la fable, frappent l’enclume trois ou quatre fois le premier jour de la semaine,[234] pour consolider, disent-ils, les chaînes d’Ardavazt.[235] Toutefois la vérité est ce que nous avons rapporté plus haut.

On dit encore qu’à la naissance d’Ardavazt ce fait se produisit, que les femmes des descendants d’Astyage passèrent pour lui avoir jeté un sore, ce qui fit qu’Ardaschès les tourmenta de mille façons. Voici ce que disent les chants de la fable: « Les descendants du Dragon enlevèrent le jeune Ardavazt, et mirent un dev à sa place. » Mais la vérité est, selon moi, que la folie s’empara d’Ardavazt depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Ensuite Diran son frère s’empara de la royauté.

Ch. lxii.

Faits relatifs à Diran.

Diran, fils d’Ardaschès,[236] règne en Arménie la treizième année de Béroze (Firouz) Ier, roi des Perses. On ne raconte de lui aucune action remarquable, mais seulement qu’il servit fidèlement les Romains. Il vécut en paix, occupé de chasses et de plaisirs, à ce que l’on assure. Il avait deux chevaux plus rapides que Pégase, qui paraissaient non pas toucher la terre, mais bien fendre l’air. Un jour, Tadaké, prince des Pernouni, obtint de les monter, et se vanta d’être plus magnifique que le roi.

Les hommes de la race antique des Arsacides (Acschagouni), qui était aussi la sienne, et qui habitaient dans les contrées de Haschdiank, étant venus vers Diran, lui dirent: « Elargis nos domaines, qui sont trop insuffisants pour nous à cause de notre accroissement. » Le roi ordonna à une partie d’entre eux d’aller dans les cantons d’Aghiovid et d’Arpéran. Mais ils firent au roi de plus vives réclamations, en disant: « Nous sommes encore plus à l’étroit. » Diran ne fit pas droit [à leur requête], il refusa de leur donner d’autres domaines, et partagea entre eux, par parties égales, le territoire qu’ils occupaient. Le partage fait par tête, le territoire de Haschdiank fut trouvé insuffisant pour le nombre des habitants. Alors beaucoup d’entre eux allèrent dans les cantons d’Aghiovid et d’Arpéran.

Il y avait, dit-on, du temps de Diran un jeune homme de la race des Antzévatzi accompli en toutes choses et appelé Erakhnavou; il épousa la dernière des femmes d’Ardavazt, que ce prince avait ramenée de Grèce. Ardavazt n’ayant pas de fils, le roi laisse à Erakhnavou toute la maison d’Ardavazt; car on disait celui-là homme de mérite, modéré en toutes choses, et réglé dans ses passions. Le roi, qui l’aime, lui donne le second rang qu’occupait Ardavazt, lui confie l’armée d’orient et laisse près de lui Trouasb le perse, son favori, qui était allié aux satrapes du Vasbouragan, et à qui il avait donné le bourg de Dadion avec son territoire, et une grande vigne arrosée par un canal venant du lac de Kaïladou.[237] Diran s’en alla dans les contrées d’Eghéghiatz, établir sa cour dans le bourg de Tchermès, et il occupa le trône vingt et un ans. Il périt enseveli sous une avalanche.

Ch. lxiii.

De Tiridate (Dertad) le Bagratide. — Noms de sa première race.

Assurément Tiridate (Dertad), de la race des Bagratides (Pakradouni), fils de Sempadouhi, fille du brave Sempad, était un homme courageux et fort, de petite taille et d’apparence chétive. Le roi Diran lui fit épouser sa fille Eraniag. Celle-ci haïssait son mari Tiridate, et allait toujours se lamentant, murmurant et se plaignant d’être contrainte, elle si belle, de cohabiter avec un homme disgracieux; d’être alliée, elle sortie d’une maison illustre, à un homme d’un rang inférieur. Tiridate, indigné, la frappa un jour très rudement, arracha sa blonde chevelure, et l’ayant dépouillée de ce riche ornement, il commanda qu’on l’entraînât et qu’on la jetât hors de l’appartement. Lui-même, s’étant révolté, s’en alla dans les contrées imprenables de la Médie. Arrivé au pays de Siounie, il apprend la mort de Diran, et à cette nouvelle il s’y arrête.

Un jour Tiridate est invité à la table de Pagour, chef de la famille de Siounie. Au milieu des joies de l’ivresse, Tiridate voit une femme d’me grande beauté, qui chantait en s’accompagnant d’un instrument, et qui s’appelait Nazinig. Transporté d’amour, il dit à Pagour : « Donne-moi cette chanteuse? — Non, répond celui-ci, car c’est ma favorite. Tiridate saisissant alors Nazinig, l’attira à lui au milieu du festin, et donna cours à sa passion comme un jeune libertin. Pagour, furieux de jalousie, se leva pour l’arracher [à son rival], mais Tiridate, debout, s’arma d’un vase rempli de fleurs, et chassa du banquet les convives. On croyait voir un nouvel Ulysse expulsant le prétendant de Pénélope, ou bien la lutte des Lapithes et des Hippocentaures[238] aux noces de Pirithoüs. Mais il est superflu de toucher le sujet des prouesses de cet homme débauché.

Sache donc que la race des Bagratides, en abandonnant la foi de ses pères,[239] reçut d’abord des noms barbares, Piourab, Sempad, et autres appellations du même genre; privés ainsi des noms de leurs aïeux, qu’ils portaient avec leur apostasie, Pakatia, Doupia, Sénékia, Assout, Sapadia, Vazaria, Enanus. Il me semble que le nom de Pakarad que portent à présent les Bagratides est bien Pakatia; de même qu’Assout est Achot; de même aussi Vazania est Varaz; Schampad est Sempad.

Ch. lxiv.

Le dernier Tigrane. — Ses faits et gestes.

A Tigrane (Dikran) succède son frère Tigrane (Dikran) dernier[240] qui régna sur l’Arménie la vingt-quatrième année de Bérose, roi des Perses. Après un long règne[241] de quarante-deux ans, il mourut sans avoir accompli aucune action mémorable, Il fut captif d’une jeune fille grecque, à l’époque où mourut Titus second, empereur des Romains, appelé Antonin Auguste. Bérose, roi des Perses, fondit sur l’empire romain,[242] et pour cela il fut nommé Firouz, c’est-à-dire vainqueur; car avant il se nommait Vologèse en langue grecque. Mais comment le nomment les Perses? je l’ignore.

En même temps que Bérose fait une invasion en Syrie sur le territoire de la Palestine, notre Tigrane envahit pour lui et par son ordre les provinces méditerranéennes. Il est fait prisonnier par une jeune princesse qui gouvernait le pays, dans le temps que Lucius (Loukianos) César[243] construisait un temple à Athènes. Lucius, étant passé avec de nombreuses troupes dans les terres méditerranéennes, soumit l’Arménie, après la mort de Bérose, délivra Tigrane et lui donna en mariage la jeune Rufa. Mais, arrivé en Arménie, Tigrane l’abandonne, et, des quatre fils qu’il avait d’elle, il en fait une race appelée Rufsian, du nom de leur mère Rufa. Il crée le premier d’entre eux chef de la famille qu’il met au rang des autres satrapies, afin qu’ils ne puissent prendre le nom d’Arsacides.

Quant aux branches cadettes, ici et dans les centrées de Gordjaïk,[244] elles furent établies par Tigrane; c’étaient des hommes sans rang dans les milices, mais remarquables de leur personne, qui avaient combattu pour la cause de Tigrane en Grèce. Ils étaient venus des contrées de Gordjaïk’, ou bien de notre côté, je veux parler de nos voisins les Vedjiank et des descendants de Haïg, et même des étrangers. Nous ne les appelons pas par leurs noms, à cause de notre ignorance à ce sujet et aussi de la difficulté des recherches; enfin parce que les opinions de beaucoup de gens sont si différentes qu’il nous faudrait les passer toutes en revue. Pour cela, nous ne dirons rien de ces races constituées par le dernier Tigrane, quoique, à plusieurs reprises, tu nous aies engagé à le faire; suais nous parlerons seulement des faits dont nous sommes certain, des événements postérieurs. Nous avons évité autant que possible tout discours superflu, toute parole pompeuse, et tout ce qui était un sujet de doute en parole et en imagination, nous attachant, autant qu’il était en notre pouvoir, à ce qui est juste et vrai, soit que la chose vint de nous ou d’ailleurs; de même ici, je m’abstiens de toutes paroles irréfléchies, et de tout ce qui tend à introduire des opinions inexactes. Je te conjure encore, comme je l’ai déjà fait à plusieurs reprises, de ne pas m’imposer des récits superflus, et de ne pas faire que ce travail, qui est en tout point une œuvre grande et vraie, devienne puéril et oiseux par des récits douteux ou mensongers. Le danger pour toi comme pour moi serait le même.

Ch. lxv.

Règne de Vagharsch. — il édifie le bourg de Paséne, — La nouvelle ville est ceinte de murailles. — Guerre contre les Khazirs. — Mort de Vagharsch.

Après la mort de Tigrane, son fils Vagharsch[245] règne la trente-deuxième année de son homonyme Vagharsch, roi des Perses. Il élève un grand bourg sur le chemin, au lien même de sa naissance. Sa mère, en allant passer l’hiver en Ararat, prise tout à coup de douleurs, était accouchée sur le chemin dans le canton de Pasène,[246] au confluent du Mourtz[247] et de l’Araxe (Erask). Vagharsch couvrit cet endroit de constructions, et de son nom l’appela Vagharschavan.[248] Il l’entoura de murailles, ainsi que le bourg de Vartkès,[249] situé sur le fleuve Kasakh.[250] Voici ce que disent les fables:

Vartkès,[251] encore enfant, étant parti

Du canton de Douh, près du fleuve Kasakh,

Va se fixer près de la colline de Chérech,

Près de la ville d’Ardimet,[252] près du fleuve Kasakh,

Pour tailler et sculpter la porte d’Erouant, roi.[253]

C’est Erouant premier qui vécut peu de temps et descendait de Haïg. Vartkès, ayant épousé sa sœur, éleva ce bourg. Tigrane (Dikran) second, de la race des Arsacides, y établit de nombreux juif provenant de la première captivité, et ce lien devint une bourgade commerçante.[254] Vagharsch l’entoura de murailles et de forts remparts, et l’appela Vagharschabad, qui est nommée encore la Nouvelle-Ville. Ce prince mourut après vingt ans de règne. Les autres vécurent seulement; mais lui, je le dis, continue à vivre après sa mort, à cause de sa bonne renommée qui l’élève au-dessus des rois pusillanimes et efféminés. Car, de son temps, les masses coalisées des peuples du Nord, j’entends parler des Khazirs[255] et des Pasils, franchissant la Porte de Djor[256] sous la conduite de leur roi Venaseb Sourhab,[257] passent le fleuve Cyrus (Gour), et se rassemblent dans cet endroit. Vagharsch accourt avec une nombreuse armée de vaillants soldats, et jonche toute la surface de leur camp d’une multitude de cadavres; puis, puis poursuivant vigoureusement les ennemis, il franchit le défilé de Djor. Là, ceux-ci s’étant ralliés, se rangent en bataille, et, bien que les braves Arméniens les aient encore battus et mis en fuite, cependant Vagharsch meurt [frappé] par d’habiles archers, [après avoir régné vingt et un ans].[258]

Le trône de Vagharsch est occupé par Chosroès (Khosrov),[259] son fils, la troisième d’Artaban (Ardavan), roi des Perses. Aussitôt ce prince, à la tête des forces de l’Arménie, passe la grande montagne (le Caucase) pour venger la mort de son père, poursuit avec l’épée et la lance ces populations courageuses, prend sur elles la centième partie des choses utiles, et, comme signe de sa domination, il laisse une colonne avec une inscription grecque, afin qu’il demeure évident que le pays est sous l’obéissance des Romains.

Ch. lxvi.

D’où sont tirés tous ces faits.

Ces faits nous sont transmis par Bardesane (Partadzan) d’Édesse, qui fleurit comme historien au temps du dernier Antonin.[260] Il avait été disciple de l’hérésie de Valentinien; puis il l’avait rejetée et combattue, et il n’était pas arrivé à la vérité. Séparé de ce dernier, il avait fondées une secte particulière; cependant il ne dénatura pas l’histoire. Il était persuasif et sa parole était brûlante;[261] il osa même adresser une lettre à Antonin, disserta longuement contre la secte des Mardonites, contre le Destin[262] et le culte des idoles pratiqué dans notre pays. Bardesane vint ci pour essayer de faire quelques prosélytes parias ce peuple grossier de païens. Comme il ne fut pas bien accueilli, il entra dans le fort d’Ani, lut l’Histoire des Temples, où se trouvaient aussi relatées les actions des rois, y ajouta ce qui se passait de son temps et traduisit le tout en idiome syriaque, ce qui, dans la suite, fut retraduit en langue grecque. Bardesane rapporte, d’après l’Histoire des Temples, que le dernier Tigrane (Dikran), roi d’Arménie, voulant honorer le tombeau de son frère Majan le grand-prêtre, dans le bourg des idoles situé au canton de Pakrévant, élève sur ce tombeau un autel, afin que tous les passants puissent participer aux sacrifices, et que les étrangers y soient reçus la nuit. Dans la suite, Vagharsch y institua une fête générale au commencement de l’année, à l’entrée du mois de navassart.[263] C’est de cette histoire, qu’ayant tiré nos récits, nous l’avons reproduite pour toi, depuis le règne d’Ardavazt jusqu’aux annales de Chosroès.

Ch. lxvii.

Comment Agathange a raconte les faits en abrégé.

Chosroès (Khosrov), fils de Vagharsch et père de saint Tiridate le Grand, succède, comme nous l’avons dit, [à son père]. Agathange, l’habile secrétaire de Tiridate, traitant rapidement de Chosroès et de ses parents, rapporte en peu de mots la mort d’Ardavan, roi de Perse, la destruction du royaume des Parthes par Ardaschir, fils de Sassan, la réduction des Perses sous Ardaschir, la vengeance exercée sur Chosroès, père de Tiridate, et ses incursions qui désolèrent le pays des Perses et des Assyriens. Après cela, dit l’historien, Chosroès envoya dans son pays natal, aux contrées des Kouschans, prier ses parents de venir à son secours et de résister à Ardaschir. Mais ceux-ci, ajoute Agathange, repoussèrent ses propositions, parce qu’ils aimaient mieux vivre sous la domination d’Ardaschir que sous l’autorité de leur parent et de leur frère. Cependant Chosroès, poursuit encore l’historien, obtient, sans leur concours, la vengeance [qu’il désire], et, pendant dix années, renouvelant sans cesse le pillage, il réduit tout le pays à l’extrémité. Agathange rapporte ensuite l’arrivée perfide d’Anag, séduit par les promesses d’Ardaschir qui lui dit: « Je vous rendrai votre noble apanage héréditaire de Pahl, et toi, je t’honorerai d’un diadème. » Anag consent et tue Chosroès.

Or, bien qu’Agathange ait à peine esquissé ce récit, je me suis décidé à traiter plus en détail l’histoire de cette époque, en la prenant dès l’origine et [en la présentant] dans toute sa vérité.

Ch. lxviii.

Des races royales d’où sont issues celles des Parthes.

Depuis Adam, le vingt et unième patriarche est Abraham, comme le prouve l’Histoire sainte, et d’Abraham descend la race des Parthes. Sara étant morte, dit l’Écriture, Abraham prit pour femme Céthura de laquelle naquirent Emran et ses frères, qu’Abraham, pendant sa vie, sépara d’Isaac, en les envoyant en Orient.[264] C’est de ceux-là qu’est issue la race des Parthes, de qui descend le brave Arschag, qui secoua le joug des Macédoniens, et régna dans la terre des Kouschans pendant trente et un ans. Après lui, son fils Ardaschès régna vingt-six ans, puis le fils d’Ardaschès, Arschag, surnommé le Grand, qui tua Antiochus et établit Vagharschag, son frère, comme roi d’Arménie en le nommant son second, Aschag, étant allé à Pahl, occupa le trône cinquante-trois ans; c’est pourquoi ses descendants sont appelés Pahlav, comme aussi les descendants de son frère Vagharschag sont nommés Arschagouni (Arsacides) du nom de leur ancêtre. Voici les rois Pahlav: après Arschag le Grand, Arschagan prend le pouvoir la trentième année de Vagharschag, roi d’Arménie, et règne trente ans. Ensuite Arschanag[265] trente et un ans, puis Archèz vingt ans, puis Arschavir quarante-six ans. Celui-ci eut trois fils et une fille, comme je l’ai dit plus haut.[266] Le nom de l’aîné est Ardaschès, celui du second Garên, celui du troisième Sourên, et la fille s’appelait Goschm.

A la mort de son père, Ardaschès voulut, dans sa postérité, régner sur ses frères. Ceux-ci consentent, non pas tant à cause de ses paroles douces et trompeuses, mais [contraints] par la force. Abgar, avec des traités et des conventions, établit qu’Ardaschès régnera dans sa postérité, et, si sa descendance vient à manquer, ses frères occuperont le trône, par droit d’aînesse. Ardaschès, ayant obtenu de ses frères ce résultat, leur concède des provinces et érige pour eux des satrapies dénommées d’après l’appellation de chacun. Il classa ces satrapies au-dessus de toutes les autres, en conservant à chacune le nom primitif de la race d’où elles sont issues, à savoir Garên Pahlav, Sourên Pahlav; et la satrapie de la sœur Asbahabed Bahlav, parce que son époux était le commandant en chef des troupes. Beaucoup d’années s’écoulèrent [sous le régime de] ces dispositions, jusqu’au moment où la royauté leur fut arrachée.

Mais ne nous blâme point comme nous livrant à un travail superflu, sous prétexte que nous avons reproduit des faits déjà rapportés. Sache que c’est à dessein que nous avons derechef raconté ces faits, afin que les lecteurs soient édifiés sur la race de notre Illuminateur.

Ch. lxix.

De la postérité d’Ardaschès, roi de Perse, jusqu'à la chute [de sa dynastie].

Nous allons établir la série des rois de la race d’Ardaschès, jusqu’au moment où la puissance leur fut enlevée. Après Arschavir, ainsi que nous l’avons dit, Ardaschès règne trente-quatre ans, Darius trente ans, Arschag dix-neuf ans, Ardaschès vingt ans, Bérose trente-quatre ans,[267] Vagharsch cinquante ans, Ardavan trente et un ans. Ardaschir de Sdahr,[268] fils de Passan, tue Ardavan et s’empare du royaume des Parthes qu’il prive de leur dynastie héréditaire. L’histoire de cette époque est écrite par un grand nombre de Perses, de Syriens et de Grecs, car, depuis le commencement de leur empire jusqu’à sa chute, les Parthes eurent des relations avec les Romains; tantôt ils leur étaient soumis, tantôt ils leur faisaient la guerre, ainsi que le racontent Paléphate,[269] Porphyre,[270] Philémon[271] et beaucoup d’autres écrivains. Mais nous ne parlerons que d’après le livre apporté par Khorohpoud, sous le nom de Barsouma.

Ch. lxx.

Quelles sont les fables touchant les Bahlaviens.

Ce Khorohpoud, étant secrétaire de Sapor (Schabouh), roi des Perses, tombe au pouvoir des Grecs lorsque Julien l’Apostat[272] était à Ctésiphon (Dispon). Julien étant mort, Khorohpoud alla en Grèce avec Jovien, au nombre des officiers impériaux, et ayant embrassé notre religion, il fit nommé Eléazar. Instruit dans la langue grecque, il écrivit les actions de Sapor et de Julien. Il traduisit ensuite en un volume l’Histoire des temps primitifs, composée par un de ses compagnons de captivité, appelé Barsouma et que les Perses nomment Rasdsohoun.[273] Nous reproduisons les données de cet ouvrage, en omettant le merveilleux de leurs fables. Car il serait déplacé de répéter ici les contes relatifs au songe du désir, à la colonne de feu qui sortait de Sassan et entourait le troupeau, à la clarté de la lune, à ces prédictions des interprètes des songes qui sont des astrologues, et ainsi de suite. Nous tairons le projet luxurieux d’Ardaschir suivi de meurtre, et cette passion insensée de la fille d’un mage pour un bouc, et tout le reste. Nous laisserons encore de côté la chèvre allaitant le nouveau-né à l’ombre des ailes d’un aigle, le présage du corbeau, la garde du lion merveilleux et le service du loup, l’acharnement de la lutte, et tout ce qui respire l’allégorie. Nous ne raconterons que ce qui est certain et tout ce qui est de l’histoire véritable.

Ch. lxxi.

Première invasion de Chosroès en Assyrie, en vue de secourir Ardavan.

Après la mort d’Ardavan, Ardaschir, fils de Sassan, s’étant emparé du trône,[274] deux branches des Pahlav, appelées Aspahabed et Sourên Pahlav, jalouses de la branche régnante, sortie de leur race et à laquelle appartenait Ardaschès, consentirent, d’un commun accord, à voir régner Ardaschir, fils de Sassan. Cependant la maison de Garên Pahlav, gardant la fidélité à leur frère et parent, s’opposèrent à main armée à Ardaschir fils de Sassan. Aussitôt que Chosroès roi d’Arménie eut été informé de ces troubles, il se porta au secours d’Ardavan, pour le sauver s’il était possible. A peine fut-il entré en Assyrie qu’il apprit la triste nouvelle de la mort d’Ardavan, l’alliance de toutes les troupes des Perses et des satrapes, et même de sa race, celle des Parthes et des Pahlav, excepté la branche de Garên, qui s’étaient tous lignés contre lui. Après leur avoir envoyé des députés, il retourne dans notre pays, le cœur rempli de tristesse et d’indignation. Il donne aussitôt avis de ces événements à Philippe, empereur des Romains, en sollicitant son assistance.

Ch. lxii.

Chosroès, secouru par Philippe, tombe sur Ardaschir et lui livre bataille.

L’empire de Philippe étant agité par de grands troubles, ce prince ne put envoyer au secours de Chosroès les légions romaines, mais il l’aida par ses édits, en ordonnant à toutes les provinces de venir lui prêter assistance. L’édit une fois connu, on arrive au secours de Chosroès du fond de l’Égypte et des déserts jusqu’aux rivages du Pont. Chosroès, suivi de cette multitude, se porte au-devant d’Ardaschir, lui livre bataille, met en fuite son armée et lui enlève l’Assyrie et les autres parties de ses États.[275]

Chosroès convie alors de nouveau tous ses parents de race Parthe et Pahlav, et toutes les troupes du pays des Kouschans, pour qu’ils accourent tirer vengeance d’Ardaschir, promettant de faire roi le plus digne d’entre eux, pour éviter que le trône ne leur échappât. Mais les branches Aspahabed et Sourên refusent [de se rendre à son appel] et Chosroès retourne dans notre pays, moins satisfait de sa victoire, qu’affligé de l’abandon de ses alliés. Alors quelques-uns des envoyés de Chosroès vinrent le rejoindre; ils étaient allés chez une race plus illustre, résidant dans le centre du pays, à Pahl même, et qui lui donnèrent cette nouvelle : « Ton parent Vehsadjan Pahlav, avec sa branche de Garên Pahlav, n’a pas obéi à Ardaschir; il répond à ton appel et vient à toi. »

Ch. lxxiii.

Chosroès marche contre Ardaschir, sans le secours des Romains.

Chosroès fut ravi d’apprendre l’arrivée de ses parents, mais sa joie fut de courte durée, car tout à coup il apprend la fâcheuse nouvelle qu’Ardaschir lui-même, à la tête de ses troupes ralliées, s’est mis en marche et a taillé en pièces toute la race des Garên Pahlav, exterminant tous les enfants mâles, depuis les jeunes gens jusqu’aux enfants à la mamelle, à l’exception d’un seul qui fut sauvé par un ami fidèle de sa maison, nommé Pourz, lequel s’enfuit dans le pays des Kouschans et confia l’enfant à ses parents. Ardaschir fit tous ses efforts pour s’emparer de l’enfant, mais il ne put l’obtenir de ses parents confédérés, et jura, malgré lui, de ne lui faire aucun mal. C’est pourquoi les Perses ont composé mille fables sur cet enfant qui, disent-ils, était gardé par des animaux.[276] Cet enfant est Bérozamad, ancêtre de l’illustre race des Gamsaragan, dont nous parlerons en son lieu.

Nous allons raconter maintenant ce qui arriva après la destruction de la race de Garên Pahlav, dont Chosroès roi d’Arménie poursuivit ardemment la vengeance. Quoique Philippe fût mort et que l’empire romain fût agité par des révolutions, quoique les empereurs Decius, Gallus et Valérien s’arrachassent l’un à l’autre une puissance éphémère, et qu’ils ne vinssent point au secours de Chosroès, ce prince, avec ses troupes, ses fidèles partisans et les nations du nord, triompha d’Ardaschir et le poursuivit jusque dans l’Inde.

Ch. lxxiv.

Arrivée d’Anag et conception de saint Grégoire.

Mis en fuite par Chosroès, Ardaschir, poursuivi jusque dans l’Inde, fait de grandes promesses à ses satrapes si l’un d’eux le délivre de Chosroès, soit par le poison, soit secrètement par le poignard. Il offrait [en récompense] de grands présents: « C’est surtout à vous, ô Parthes! dit-il, qu’il pourrait être facile, sous le prétexte de l’amitié, de surprendre facilement Chosroès. » Il les engage à le tromper en se prévalant du titre de parents et promet de leur rendre l’ancien patrimoine de leur maison de Pahlav, la cité royale de Pahl, et tout le pays des Kouschans. Il leur promettait encore le titre et l’éclat de la royauté, même la moitié du pays des Arik, avec le titre de second sous son autorité. Anag, de la race de Sourên Pahlav, s’engage à tuer Chosroès. Sous le prétexte d’émigrer, il s’enfuit d’auprès d’Ardaschès, et les Perses font le simulacre de le poursuivre et de le rejeter en fugitif en Assyrie, en l’entrainant sur les frontières de l’Adherbadagan, chez les Gortouk. A cette nouvelle, Chosroès le Grand, qui était alors dans la province d’Oudi, supposant que cette émigration était comme celle des Garéniens, envoie un détachement au secours d’Anag. L’ayant rencontré, on le conduisit, par ordre du roi, dans le canton d’Ardaz, dans une plaine où furent découverts [dans la suite] les restes du saint et grand apôtre Thaddée.

Je vais relater ici une narration de l’admirable vieillard[277] qui disait : « Je tiens des anciens la coutume de recueillir de père en fils le souvenu des traditions, — comme celles d’Olympiodore, au sujet de Daron et de la montagne appelée Sim. — Or, il advint qu’Anag, s’arrêtant dans la plaine d’Ardaz, fixe sa résidence près du tombeau du saint apôtre, placé à l’endroit le plus retiré de la tente. Là, dit-on, la mère du saint et grand illuminateur le conçut. C’est pourquoi, ayant obtenu aussi la grâce du saint apôtre [Thaddée], celui qui reçut la vie près de son tombeau acheva son œuvre de spirituelle culture. »

Deux ans après son arrivée en Arménie, la troisième année, Anag tue Chosroès qui avait régné quarante-huit ans. Anag meurt avec tous les siens; mais la Providence divine ne conserve que celui qui, par la volonté de Dieu et les grâces de l’apôtre, est formé, disons-nous, ou plutôt est illuminé dans le sein de sa mère, et reçoit ainsi les grâces de son apostolat. Quant aux autres événements, Agathange te les fait connaitre.[278]

Ch. lxxv.

De Firmilien, évêque de Césarée en Cappadoce, et des histoires [qu’il a composées].

Firmilien (Fermélianos), évêque de Césarée en Cappadoce, d’un amour admirable pour l’étude alla, dans sa jeunesse, prendre les leçons d’Origène. Il composa plusieurs discours[279] l’un est l’Histoire des persécutions dirigées contre l’Eglise, sous Maximien [Hercule] et [Trajan] Dèce, et qui se continuèrent encore sous Dioclétien. Il raconta aussi les actes des rois. Dans cette histoire, il dit que le seizième évêque, qui occupait alors le siège d’Alexandrie, Pierre, souffrit le martyre la neuvième année de la persécution.[280] Il parle également de plusieurs martyrs envoyés au supplice, dans notre pays, par Chosroès, et d’autres encore immolés par d’autres princes; mais, comme il ne raconte pas les choses avec une exactitude rigoureuse, qu’il ne mentionne ni les noms des martyrs, ni le lieu de leur supplice, nous n’avons pas cru nécessaire de reproduire ses récits. Nous passons aussi sous silence ce qu’il dit d’Antonin [Caracalla], fils de Sévère, qui combattit contre Vagharsch, roi des Perses, en Mésopotamie, et mourut entre Edesse et Kharres, tandis que notre [roi] Chosroès ne prit parti pour aucun d’eux.[281] Mais pour ce qui concerne les événements arrivés depuis la mort de Chosroès jusqu’au règne de Tiridate, dans les temps d’anarchie, nous les tenons pour certains et nous les reproduisons en abrégé. Ce qui a trait au règne de Tiridate et aux temps postérieurs n’est erroné ni par négligence ni par ignorance, aucune faute volontaire ne s’y remarque; tout se trouve raconté d’après les documents tirés des archives des Grecs. Pour tout le reste, nous te le raconterons fidèlement d’après les relations d’hommes savants, instruits des choses du passé, philologues et véridiques.

Ch. lxxvi.

Invasion d’Ardaschir dans notre [pays]. Sa victoire sur l’empereur Tacite.

Le même historien dit que, après le meurtre de Chosroès, les satrapes arméniens, d’un consentement unanime, amenèrent dans leur intérêt commun les troupes grecques qui étaient en Phrygie, pour résister aux Perses et garder le pays, et ils en informèrent sans retard l’empereur Valérien. Cependant, comme quelques troupes, eu franchissant le Danube (Tanonp), enlevèrent beaucoup de prisonniers dans plusieurs cantons et saccagèrent les îles Cyclades, Valérien n’arriva pas à temps pour défendre notre pays.[282] Il vécut trop peu de temps, et l’empire passa aux mains de Claude, puis à celles d’Aurélien, car ces princes se succédèrent promptement. Pendant quelques mois, les frères Quintus,[283] Tacite et Florin occupèrent l’empire.[284] C’est pourquoi Ardaschir envahit tout à son aise notre pays, met en fuite l’armée grecque, et fait prisonniers ou anéantit une grande partie [des habitants] de l’Arménie. Obligés de s’enfuir, les satrapes d’Arménie, avec la race des Arsacides (Arschagouni), se réfugient en Grèce. Un de ces derniers était Ardavazt Mantagouni, qui, ayant enlevé Tiridate, fils de Chosroès, le conduisit à la porte de l’empereur. En conséquence, Tacite se vit dans l’obligation de marcher contre Ardaschir dans les contrées du Pont, et envoya son frère Florien avec une autre armée[285] dans la Cilicie. Ardaschir rejoignit Tacite et le mit en fuite. L’empereur fut tué par les siens à Djanik, dans le Pont, qui est la Chaldie.[286] Son frère Florien périt de la même manière, quatre-vingt-huit jours après, à Tarse.[287]

Ch. lxxvii.

Paix entre les Perses et les Grecs. — Ardaschir, pendant les années d’anarchie, couvre de monuments l’Arménie.

Probus qui régnait sur les Grecs,[288] avant conclu la paix avec Ardaschir, divisa notre pays, et en fixa les limites en faisant creuser des fossés. Ardaschir soumet la caste satrapale, rappelle les émigrés, réduit ceux qui s’étaient fortifiés, à l’exception d’un satrape nommé Oda, de la maison des Amadouai, gendre de celle des Selgouni et père adoptif de Khosrovitoukhd, fille de Chosroès. Oda se tient caché sur le rocher d’Ani, comme dans une tanière.

Ardaschir, organisant notre pays d’une manière admirable, le replace au premier rang. Les Arsacides, qui avaient perdu la couronne et leurs domaines de l’Ararat, sont rétablis dans leurs possessions, avec leurs revenus et leurs apanages, comme auparavant. Ardaschir donne de plus larges attributions aux fonctions des temples, et ordonne que le feu d’Ormizd brûle continuellement sur l’autel de Pakaran. Quant aux statues élevées par Valarsace (Vagharschag) en l’honneur de ses ancêtres, et à celles du Soleil et de la Lune érigées à Armavir, qui avaient été transportées d’abord à Pakaran et ensuite à Ardaschad,[289] Ardaschir les abat; il contraint par un édit notre pays à lui payer le tribut, et impose partout [l’autorité de] son nom.

Les termes de pierre qui avaient été plantés sur le sol, par ordre d’Ardaschès, furent renouvelés par Ardaschir qui leur donna son nom et les appela termes ardaschiriens.[290] Ardaschir administra, comme une de ses provinces propres, notre pays qui fut soumis à des gouverneurs perses pendant vingt-six ans. Après lui, son fils appelé Sapor (Schabouh), nom qui signifie « fils du roi », régna jusqu’à l’avènement de Tiridate, durant une année.

Ch. lxxviii.

Ardaschir extermine la race des Mantagouni.

Ardaschir avait su qu’un des satrapes arméniens s’était enfui avec un des fils de Chosroès, et l’avait mis en sûreté.[291] Ayant découvert qui était ce satrape, il s’assura que c’était Ardavazt, de la race des Mantagouni, et il ordonna d’exterminer toute cette famille.[292] En effet, quand les Arméniens désertèrent la cause d’Ardaschir, les Mantagouni l’avaient également abandonnée, conjointement avec les autres races satrapales. Ensuite, quand Ardaschir les eut réduites à l’obéissance, les Mantagouni revinrent et furent massacrés. Cependant, une des sœurs d’Ardavazt, jeune fille d’une grande beauté, fut enlevée par Dadjad,[293] de la race d’Achotz, de la lignée de Couchar, descendant de Haïg.[294] Ce Dadjad s’enfuit avec elle dans la ville de Césarée où il la retint en lieu sûr et l’épousa à cause de sa rare beauté.

Ch. lxxix.

Prouesses de Tiridate pendant les années d’anarchie en Arménie.

L’historien rapporte ensuite les hauts faits de Tiridate (Dertad). Encore jeune homme, il aimait à monter à cheval ce qu’il savait très bien; il maniait les armes avec dextérité et apprenait avec ardeur les autres exercices guerriers. Selon l’oracle de la Pythie dans le Péloponnèse, Tiridate surpassait dans les combats Cléostrate le Rhodien,[295] auquel il suffisait de saisir son ennemi par le cou pour le vaincre; Céras l’Argien,[296] qui arrachait le sabot d’un bœuf. En effet, Tiridate saisit d’une seule main deux buffles par la corne, l’arracha et l’enleva en la tordant. Ayant voulu conduire un char aux courses du grand hippodrome, Tiridate fut renversé par l’adresse de son rival et tomba à terre; mais, saisissant le char, il l’arrêta au grand étonnement de tous. Lors de la guerre de Probus contre les Goths, il y eut une grande famine; les soldats, ne trouvant plus de vivres, se mutinèrent et égorgèrent Probus. Ils fondirent en même temps sur tous les autres princes; mais Tiridate, seul contre tous, ne laissa entrer personne dans le palais de Licinius, près de qui il était.

Alors Carus occupa le trône avec ses fils Caria et Numérien.[297] Ayant rassemblé ses troupes, Carus livra bataille au roi des Perses et rentra vainqueur à Rome. Mais Ardaschir, appelant à son aide beaucoup de peuplades, s’appuyant aussi sur le désert de l’Arabie (Dadjgastan), attaqua de nouveau les Romains des deux côtés de l’Euphrate, et fit mourir Carus à Rinon.[298] Il en fut de même de Caria qui marcha sur Gornag[299] dans le désert, ayant Tiridate avec lui. Carin fut taillé en pièces avec son escorte, et le reste de son armée fut mis en fuite. Tiridate, dont le cheval était blessé, ne put courir avec les fuyards; prenant alors ses armes et les harnais de son cheval, il traversa à la nage la grande et profonde largeur de l’Euphrate, pour rejoindre les troupes au milieu desquelles se trouvait Licinius. En ce temps-là, Numérien fut tué en Thrace, et Dioclétien lui succéda sur le trône.[300] Pour ce qui est des faits arrivés de son temps, Agathange te les expose.[301]

Ch. lxxx.

Exposé rapide de la naissance et de la vie de Grégoire et de ses fils, d’après la lettre de l’évêque Ardithéos,[302] en réponse à Marc, solitaire d’Akrodjan.

Un homme d’entre les Perses, non point sorti d’une origine commune et vulgaire, nommé Pourtar, quittant le pays, vint dans la province de Cappadoce (Kamir) et émigra à Césarée. Ayant pris parmi les croyants une femme appelée Sophie, sœur d’un riche habitant du nom d’Euthale, Pourtar se mit en route avec elle pour retourner en Perse; mais son beau-frère Euthale, l’ayant rejoint, l’empêche [de continuer son voyage].

Notre Illuminateur venait alors de naître, et Sophie s’offrit comme nourrice de l’enfant dans cette circonstance. C’était au moment de la terrible catastrophe, et Euthale, prenant sa sœur et soc mari avec l’enfant, retourne en Cappadoce. Tout ceci fut l’effet de la Providence de Dieu, comme je le crois, touchant la voie de notre salut. Sinon, comment élever un jeune enfant de la race de Pahlav, dans l’empire des Romains, et le consacrer à la foi du Christ?

Dès que le jeune homme fut en âge de puberté, un homme pieux du nom de David lui donna pour femme sa fille Marie. Les deux époux, ayant eu deux fils en trois ans, se séparèrent d’un commun accord. Marie, avec le plus jeune, se retira dans un couvent, et s’y fit religieuse. Ce fils,[303] parvenu à l’âge de puberté, s’attache aux pas d’un solitaire appelé Nicomaque, qui l’envoie dans le désert. L’aîné[304] reste près de ses maîtres; puis, ayant adopté la vie séculière, il se maria. Cependant leur père Grégoire se rend auprès de Tiridate pour acquitter la dette de son père, ou plus exactement pour se livrer à l’œuvre de son apostolat dans son pays, à l’œuvre de son sacerdoce[305] et de son martyre.

Mais qui en vérité furent les plus admirables, le père ou les fils? Car Grégoire ne demanda point ses enfants lorsqu’il se rendit auprès de Tiridate, et les fils n’allèrent point vers leur père, et cela peut-être par crainte des persécutions. Mais, à l’époque du sacerdoce de leur père et de sa gloire, ils ne s’en enorgueillirent pas. C’est pourquoi Grégoire ne resta pas longtemps à Césarée, mais, étant retourné promptement dans la ville de Sébaste, il se mit à recueillir toutes les matières de son enseignement. Si même il eût prolongé plus longtemps son séjour à Césarée, ses fils n’auraient rien fait de ce qu’il craignait, car ils étaient seulement préoccupés de ce qui ne passe et ne finit point. Ils ne recherchèrent pas les honneurs, et les honneurs vinrent les trouver, comme te l’apprend Agathange.

Ch. lxxxi.

D’où la race des Mamigoniens est-elle issue?

Ardaschir fils de Sassan étant mort, la couronne de Perse échut à son fils Sapor (Schabouh). Sous ce prince, arrive en Arménie l’auteur de la race des Mamigoniens venus des contrées du nord et de l’est d’un pays noble, illustre, le premier de toutes les contrées septentrionales, je veux dire, le pays des Djèn[306] où se conserve cette tradition.

Dans l’année de la mort d’Ardaschir, un certain Arpog Djenpagour,[307] — ce qui dans leur langue veut dire « l’honneur du royaume ». — avait deux frères de lait appelés Peghtokh et Mamkoun, qui étaient de grands satrapes. Comme Peghtokh parlait sans cesse mal de Mamkoun, le roi des Djèn, Arpog, donna ordre de tuer Mamkom. Celui-ci, ayant appris ce projet, ne se rendit pas à l’appel du roi, mais il s’enfuit avec tout ce qu’il possédait, auprès du roi des Perses, Ardaschir. Arpog envoie des députés pour le réclamer, mais Ardaschir refuse de le leur livrer, et le roi des Djèn s’apprête à lui déclarer la guerre. Ardaschir étant mort subitement, Sapor monte sur le trône.

Quoique Sapor ne livre pas Mamkoun entre les mains de son suzerain, il ne le laisse pas [résider] sur les terres des Arik, et il l’envoie avec tous les siens, comme étranger, auprès de ses commissaires en Arménie, et il députe vers le roi des Djèn, pour lui dire : « Ne trouve pas mauvais que je n’aie pu livrer entre tes mains Mamkoun, car mon père lui avait juré assistance par la lumière du soleil. Toutefois, afin de te délivrer de tes inquiétudes, je l’ai chassé de mes Etats et [relégué] à l’extrémité de la terre à l’occident, peine comparable pour lui à la mort. Qu’il n’y ait donc pas de guerre entre toi et moi. Comme de tous les habitants de la surface de la terre, la nation la plus pacifique est, dit-on, celle des Djèn, elle consent à faire la paix; ce qui prouve que cette nation aime surtout la paix et la tranquillité.

Ce pays est encore merveilleux par l’abondance de toutes sortes de fruits; il est riche en plantes magnifiques, il abonde en safran, en paons et en soie. On y trouve une foule d’antilopes, de monstres, et d’animaux appelés daims. La nourriture la puis commune se compose d’aliments très recherchés chez nous et réservés à un petit nombre de gens, comme le faisan et le cygne, et autres mets semblables. Les perles et les pierres précieuses sont, dit-on, en si grand nombre chez les grands qu’ils n’en savent pas le nombre; des vêtements qui seraient magnifiques chez nous et pot-lés par peu de gens, sont dans ce pays le costume ordinaire. Voila ce qui concerne le pays des Djèn.[308]

Cependant Mamkoun, venu contre son gré dans notre pays, s’y trouve à l’arrivée de Tiridate. Au lieu de retourner [en Perse] avec l’armée des Perses, il s’en va, avec tous ses bagages, au-devant du roi, en lui offrant de grands présents. Tiridate l’accueille, mais il ne le prit pas avec lui dans son expédition contre les Perses, et il fixe à lui et à ses gens une résidence et des subsides, en le faisant changer de localité tous les ans.

Ch. lxxxii.

Prouesses de Tiridate pendant son règne et ainsi sa conversion.

Comme il n’y a pas de véritable histoire sans chronologie, nous avons scrupuleusement examiné et reconnu que Tiridate monta sur le trône la troisième année de Dioclétien,[309] et qu’il arriva ici avec une nombreuse armée. Parvenu à Césarée, un grand nombre de satrapes se portèrent à sa rencontre. Etant venu dans notre pays, il trouve Oda qui avait élevé sa sœur Khosrovitoukhd, et conservé ses trésors dans une forteresse, avec une grande sollicitude. Oda était un homme juste, d’une grande constance et d’une sagesse exemplaire. Quoiqu’il ne connut pas la vérité au sujet de Dieu, cependant il était persuadé de la fausseté des idoles. Son élève Khosrovitoukhd était une jeune fille très modeste, comme le sont les religieuses; et sa bouche n’était pas comme celle des autres femmes, sans aucune retenue.

Tiridate élève Oda à la dignité de chef suprême des affaires en Arménie et le comble d’honneurs par reconnaissance. Il favorise encore d’avantage son frère de lait[310] Ardavazt Mantagouni qui était la cause de son salut et de son avènement au trône de ses pères. C’est pourquoi Tiridate lui confie le commandement en chef des troupes arméniennes, et, à cause de lui, il créa son beau-frère Dadjad prince du canton d’Achotz. Ce fut ce dernier qui, plus tard, prévint son beau-frère Ardavazt, qui, à son tour, avertit le roi que Grégoire était fils d’Anag, puis qui parla des enfants de Grégoire, faits qu’il avait appris pendant son séjour à Césarée.

Le brave Tiridate livra, en peu de temps, beaucoup de combats d’abord en Arménie, puis en Perse, et c’est à lui que l’on devait surtout la victoire. Une fois, surpassant même cet Éléhanan du Vieux-Testament, il lève la lance pour protéger autant de blessés;[311] une autre fois les braves Perses éprouvèrent toute la force du géant et de sa massive armure : son cheval, couvert de blessures, tomba sous une grêle de flèches, et l’animal en s’abattant jeta le roi par terre; mais celui-ci, se relevant aussitôt, et combattant à pied, étendait morts sur le sol beaucoup d’ennemis; puis, saisissant le cheval d’un d’entre eux, il saute bravement dessus. Une autre fois encore, marchant de son plein gré à pied, Tiridate fait reculer à coup d’épée des troupes d’éléphants.

Telles sont les promesses accomplies par Tiridate pendant son séjour en Perse et en Assyrie. Il passe ensuite à Ctésiphon.

Ch. lxxxiii.

Tiridate épouse Aschkhèn, et Constantin, Maximina. — Comment arrive la conversion de Constantin.

Tiridate, arrivé dans notre pays, envoie le général Sempad, père de Pakarad, demander pour lui en mariage la jeune Aschkhèn, fille d’Aschkhatar. Cette princesse était d’une taille aussi élevée que le roi. Dertad la fait inscrire au rang des Arsacides, lui fait revêtir la pourpre, ceindre le diadème, pour l’élever à la dignité d’épouse royale. De leur union naquit un fils, Chosroès, dont la taille n’égale point celle de ses parents.

Dans le même temps, à Nicomédie, eut lieu également le mariage de Maximina, fille de Dioclétien, avec le césar Constantin, fils de Constance empereur de Rome. Constantin n’était pas né de la fille de Maximien,[312] mais de la courtisane Hélène.[313] Ce Constantin fait amitié, lors de son mariage, avec notre roi Tiridate. Constance étant mort quelques années plus tard, Dioclétien envoie pour lui succéder son fils Constantin qu’il avait adopté.

Constantin, avant son règne et lorsqu’il n’était que césar, vaincu dans une bataille et s’abandonnant au sommeil à force de tristesse, vit en songe une croix d’étoiles dans le ciel avec une inscription à l’entour qui disait: « Triomphe avec elle! »

Constantin, arborant aussitôt ce signe[314] en tête de son armée, remporta la victoire; mais, entrant dans la suite par sa femme Maximina, fille de Dioclétien, il suscita des persécutions contre l’Église, et fit un grand nombre de martyrs. Constantia, bientôt attaqué de la lèpre sur tout le corps, en punition de son orgueil, ne pouvait obtenir sa guérison ni des devins,[315] ni des médecins Marses.[316] C’est pourquoi il s’adressa à Tiridate pour lui demander des devins perses et indiens, qui ne parvinrent pas à le guérir. Quelques prêtres païens, excités par les démons, lui conseillèrent d’immoler dans un bassin beaucoup de jeunes enfants et de se baigner dans leur sang encore chaud, pour recouvrer la santé.[317] Constantin, entendant les vagissements des enfants, les lamentations de leurs mères, mû par un sentiment de pitié et d’humanité, préféra leur salut à sa propre conservation. Alors il reçut de Dieu sa récompense, car, dans un songe, l’ordre lui vint des apôtres de se purifier et de se laver dans la piscine de vie par les mains de Sylvestre, évêque de Rome, qui, fuyant ses persécutions, s’était retiré sur le mont Soracte. Instruit par ce pontife, l’empereur crut en Dieu, fit disparaître de devant lui tous ses compétiteurs, comme te l’apprend Agathange en peu de mots.[318]

Ch. lxxxiv.

Les Selgouni exterminés par Mamkoun, de la race de Djèn.

Pendant que Sapor, roi des Perses, se reposait [des fatigues] de la guerre, Tiridate se rendit à Rome pour trouver saint Constantin.[319] Sapor, profitant du moment, ourdit des trames contre notre pays, force tout le nord à flaire des incursions en Arménie et fixe L’instant où il doit y arriver lui-même, sur un autre point avec les Arik. Entrainé par ses paroles, Seloug, chef de la race des Selgouni, tue son propre gendre, le vieil Oda de la maison des Amadouni, qui avait élevé Khosrovitoukhd, sœur du roi. Presqu’aussitôt Tiridate le Grand, arrivé d’occident, instruit de ces faits, et que Sapor n’est pas arrivé à temps, marche contre les révoltés du nord. Le chef des Selgouni s’était fortifié dans son château d’Oghagan[320] et s’était assuré le concours des habitants de la montagne de Sim. Il opposait au roi de la résistance et soulevait le pays, et, près de la montagne, il ne laissait aucun repos aux populations. Le roi, s’adressant à toutes les maisons satrapales du royaume d’Arménie, dit: « Celui qui m’amènera le chef des Selgouni, je lui donnerai en perpétuelle souveraineté les villages, les domaines, et toute la puissance de la race des Selgouni ». La proposition est acceptée par Mamkoun le Djèn.

Tandis que le roi se portait par les contrées des Aghouank contre les révoltés du nord, Mamkoun s’en alla avec toute sa suite dans le pays de Daron, comme s’il eût été en rébellion contre le roi. Aussitôt après son départ, il envoie secrètement des hommes à pied avertir le chef de la race des Selgouni que le roi est allé dans le pays des Aghouank : « Le danger est grand, dit-il, pour le roi Tiridate; c’est pourquoi il s’est porté dans les contrées des Aghouank, afin de combattre tous les habitants de la base de la montagne. L’occasion est donc favorable pour nous de comploter et d’exécuter ce que nous voudrons. J’ai résolu de me liguer avec toi, en raison des injures que j’ai éprouvées de la part du roi ». Ravi de ces propositions, le chef de la race des Selgouni reçoit son serment d’alliance, mais il ne le laisse pas dans la place avant de voir comment il gardera la foi du serment et des conventions. Cependant Mamkoun, qui s’efforce en toute chose de prouver sa sincérité au rebelle, parvint à lui inspirer toute confiance comme un fidèle auxiliaire. Si bien que Seloug permet à Mamkoun d’entrer dans la forteresse et d’en sortir librement.

Après toutes ces assurances de sincérité, Mamkoun décide un jour le chef de la race des Selgouni de sortir du château pour aller chasser les bêtes fauves. Pendant la chasse, Mamkoun, ajustant son arc, transperce au milieu des épaules le dos du rebelle qu’il étend à terre. Il court aussitôt vers la porte de la citadelle avec les siens, occupe la place, et charge de fers tous ceux qui s’y trouvent. Mamkoun se décide ensuite à exterminer la race des Selgouni; mais deux d’entre eux se réfugient dans le pays de Dzop.[321] Mamkoun se hâte de prévenir le roi [des événements]. Tiridate, au comble de la joie, lui expédie aussitôt des lettres lui concédant les domaines des Selgouni,[322] et l’établit satrape à la place du rebelle, en appelant cette satrapie de son nom, Mamkounian. Quant aux Selgouni qui restent, il ordonne qu’il ne leur soit fait aucun mal.

Ch. lxxxv.

Prouesses de Tiridate pendant la guerre des Aghouank. — Il coupe par le milieu [du corps] le roi des Pasils.

Le roi Tiridate, descendu avec tous les Arméniens dans la plaine des Karkaratzi, rencontre les révoltés du nord[323] et leur livre bataille. Pendant que les deux armées sont aux prises, Tiridate fend la masse des ennemis et s’avance comme un géant. Je ne saurais dire l’agilité de son bras, et le nombre incroyable de blessés qu’il étendit à terre. Comme des poissons amenés par l’hameçon du pêcheur habile et jetés sur le sol, ils bondissaient sur la terre. A cette vue, le roi des Pasils s’approche du roi, et, tirant de dessous l’armure de son cheval une lanière faite de nerfs, il la lance violemment par-derrière le roi, et le saisit de l’épaule gauche jusqu’à l’aisselle droite, car Tiridate avait le bras levé pour frapper quelqu’un avec le glaive. D’ailleurs, il était revêtu d’une armure que les traits ne pouvaient entamer. [Le roi des Pasils] ne pouvant ébranler le géant avec ses mains, s’attaqua à la poitrine du cheval. Le géant ne s’efforce pas tant de piquer sa monture que de saisir la lanière avec la main gauche, et il s’en dégage par un mouvement violent, en tirant à lui son ennemi qu’il frappe adroitement de son glaive à deux tranchants et le fend par le milieu du corps. Du même coup, il abat la tête du cheval [du roi].[324]

Toutes les troupes, voyant leur vaillant roi coupé en deux par un bras si terrible, prennent la fuite. Tiridate, se mettant à leur poursuite, les chasse jusque dans le pays des Huns. Quoique les troupes de Tiridate aient été fortement décimées et qu’un grand nombre de chefs aient perdu la vie, entre autres le généralissime des Arméniens, Ardavazt Mantagouni; cependant Tiridate, selon la coutume de ses pères, prend des otages et s’en retourne.[325] Tiridate, en cette occurrence, convoquant tout le nord, lève beaucoup de troupes, les rassemble et se dirige sur la Perse contre Sapor, fils d’Ardaschir. Il choisit parmi les siens quatre chefs de corps : Mihran, gouverneur des Ibères,[326] qui avait toute sa confiance, parce qu’il était chrétien; Pacarad, chef de la cavalerie; Manadjihr, satrape de la race des Reschdouni, et Vahan, satrape des Amadouni. Mais il est utile de parler maintenant de la conversion de Mihran et du pays des Ibères.

Ch. lxxxvi.

De la bienheureuse Nouné. — Comment elle fut cause de la conversion des Ibères (Virk).[327]

Une femme appelée Nouné,[328] l’une des compagnes dispersées des saintes Hripsimiennes,[329] arrive en fuyant en Ibérie, à Medzkhitha,[330] ville capitale du pays. Cette femme, par [le mérite de] sa vie austère, avait reçu du ciel le don de guérir, et déjà elle avait guéri beaucoup de personnes, notamment la femme de Mihran, gouverneur des Ibères.[331] Mihran lui demanda: « Par quelle vertu fais-tu ces prodiges? » et il reçut la connaissance de l’Évangile du Christ. L’ayant écoutée avec plaisir, il en parla avec beaucoup d’éloges à ses satrapes. Dans le même temps, la renommée des miracles opérés en Arménie parvint jusqu’au roi et à ses satrapes, ainsi que les aventures des compagnes de la bienheureuse Nouné. Grandement émerveillé de ces faits, il les rapporta à Nouné qui les lui confirma jusqu’aux moindres détails. A cette époque, Mihran, étant allé à la chasse, s’égara dans les passages difficiles des montagnes,[332] sans que ses yeux fussent obscurcis, mais le temps était brumeux, comme lorsqu’il est dit: « Et il appelle de sa voix le brouillard[333] », ou bien selon l’autre: « Il change le jour en une nuit sombre[334] ». Mihran fut surpris par un semblable brouillard qui fut pour lui la cause de la lumière éternelle. Tout effrayé, il se rappela ce qu’il avait entendu dire de Tiridate qu’ayant voulu aller à la chasse, les châtiments de Dieu s’appesantirent sur lui. Mihran crut que les mêmes malheurs allaient l’accabler, et, saisi d’une grande terreur, il se mit à prier, pour que le brouillard se dissipât et qu’il pût s’en revenir en paix, promettant d’adorer le Dieu de Nouné. Ayant obtenu [ce qu’il demandait], il accomplit sa promesse.[335]

La bienheureuse Nouné, ayant obtenu des hommes fidèles, les envoie à saint Grégoire, pour lui demander ce qu’il lui ordonne de faire désormais, car déjà l’Ibérie a reçu avec joie l’annonce de l’Évangile. Elle reçoit l’ordre de briser les idoles, comme il le faisait lui-même, de dresser le précieux signe de la croix, jusqu’au jour où le Seigneur donnera un pasteur au pays pour le conduire. Aussitôt Nouné se met à renverser l’idole du Dieu du tonnerre, Aramazd, qui était dressée en dehors de la ville et dont elle était séparée par le fleuve aux flots impétueux.[336] Les habitants avaient coutume, à la pointe du jour, d’adorer, du haut de leurs toits, cette idole qui se trouvait en face d’eux. Si quelqu’un voulait offrir des sacrifices, il traversait le fleuve et allait sacrifier au temple même. Les satrapes de la ville se soulevèrent, disant: « Qu’adorerons-nous donc à la place des idoles? —Le signe de la croix du Christ, leur fut-il répondu. » Ils élevèrent ce signe sur une riante colline à l’orient de la ville, qui en était séparée par une petite rivière.[337] Tous les habitants, dès la pointe du jour, comme c’était la coutume, l’adorèrent, chacun sur le toit de sa maison. Mais, quand ils eurent monté sur la colline et qu’ils virent un tronc d’arbre grossièrement taillé, la plupart le méprisèrent, disant que leur forêt était remplie de bois semblable, et s’en retournèrent. Mais Dieu miséricordieux, comprenant leur erreur, envoya du ciel une colonne de nuages; la montagne fut remplie des parfums les plus suaves, et des quantités de voix harmonieuses firent entendre les plus doux accords. Une lumière apparut, portant l’image et la forme de la croix de bois, et planant au-dessus d’elle au milieu (d’une auréole) de douze étoiles. Tous se convertirent et adorèrent. Depuis ce moment, toutes les guérisons s’opéraient par elle.[338]

La bienheureuse Nouné s’en alla prêcher la foi dans les autres provinces de l’Ibérie, avec son sincère langage, parcourant le pays sans faste ni éclat, étrangère au monde et à tout ce qui en dépend, ou, pour parler plus vrai, attachée à la croix, préparant sa vie à l’exercice de la mort, confessant avec sa parole le Verbe de Dieu et digne par son zèle d’être couronnée d’une couronne de martyr (de sang). Aussi, nous osons l’appeler une apôtre, car elle prêcha l’Évangile depuis le pays de Gghardch[339] jusqu’à la porte des Alains et des Caspiens (Gasp) et jusqu’au pays des Massagètes (Maskhouth), comme te l’apprend Agathange.[340]

Mais revenons à l’histoire de Tiridate lors de son invasion en Perse.

Ch. lxxxvii.

Défaite de Sapor. — il se soumet forcément a Constantin le Grand. — Tiridate s’empare d’Ecbatane. — Arrivée de ses parents. —A ce moment a lieu l’invention du bois du salut.

Quoique victorieux, Tiridate, affaibli par les pertes de son année et la mort d’un grand nombre de satrapes, craignait de se mesurer avec ses seules forces contre Sapor, jusqu’à l’arrivée de la formidable année des Romains qui vint fondre sur l’Assyrie. Sapor fut mis en fuite et les Romains saccagèrent tout le pays, car Tiridate, avec tous les siens et toutes les troupes alliées, fait une incursion pendant une année entière dans les contrées septentrionales de l’empire des Perses.

Alors Gamsar, fils aîné de Bérozamad, vint trouver son parent Tiridate. Ce Bérozamad est cet enfant qui, lors de l’extermination de la race de Garên Pahlav par Ardaschir, fut enlevé et sauvé par l’ours.[341] Parvenu à l’adolescence, il est élevé à la dignité de son père et placé à la tête des troupes d’Ardaschir pour combattre contre ces nations féroces, mais dans le but perfide de le jeter aux mains des barbares. Bérozamad, qui était devenu un guerrier intrépide, mène admirablement la guerre et triomphe de Vezerg[342] surnommé khakhan, qui lui donne sa fille en mariage. Bérozamad prend encore d’autres femmes alliées d’Ardaschir, et, en ayant eu beaucoup d’enfants, il se fortifie et tient toutes les contrées sous sa domination. Bien que Bérozamad fût tenu en grande estime par Ardaschir, il ne consent pas à le voir, et, à la mort de ce prince, il refuse de reconnaître son fils Sapor. Bérozamad le défait même dans plusieurs batailles, lorsqu’il est empoisonné par les confidents de Sapor, et meurt.

Vers ce temps-là vivait un autre Vezerg khakhan, ennemi personnel de Gamsar, fils de Bérozamad. Gamsar, se voyant placé dans une position difficile entre deux rois puissants et jaloux, surtout parce que ses propres frères ne prenaient pas son parti, vient trouver, avec toute sa maison et ses biens, notre roi Tiridate, tandis que ses frères vont rejoindre Sapor. Ce Gamsar se signale dans les combats, à côté de son père, par une valeur intrépide et terrible. Mais, pendant qu’il déploie tout son courage, il est frappé à la tête d’un coup de sabre qui lui enlève un morceau de l’os du crâne. Cependant il guérit; mais le sommet de sa tête perd de son contour, et à cause de cela il fut appelé Gamsar.[343]

Tiridate, maître de la seconde Ecbatane aux sept murs d’enceinte, y laisse des gouverneurs nommés par lui, et retourne en Arménie, emmenant avec lui Gamsar et tous les siens. Sapor supplia Constantin son vainqueur de lui accorder son amitié et de signer ensemble une paix perpétuelle. Ce qu’ayant fait, Constantin envoie Hélène sa mère à Jérusalem à la recherche de la croix vénérable. Hélène découvre le bois du salut avec les cinq clous.[344]

Ch. lxxxviii.

Licinius dans les fers. — La cour quitte Rome, et Constantinople est fondée.

Lorsque Dieu eut fait disparaître de devant Constantin tous ses compétiteurs, l’empereur éleva à de grands honneurs Licinius, lui donna en mariage sa sœur de père, et lui conféra la pourpre et le diadème de césar, en lui donnant le second rang et l’empire de tout l’Orient. Mais voici que la parole divine aux Hébreux, « que la transformation du vice est chose impossible[345] », s’accomplit; car s’il est impossible au léopard de changer ses taches mouchetées, et à l’Ethiopien son teint basané, de même aussi il est impossible de changer le caractère de l’impie. En effet, à l’occasion de la foi [chrétienne], Licinius dévoila sa perfidie, et ensuite il se montra rebelle envers son bienfaiteur. Licinius suscita une nouvelle persécution contre l’Eglise, conspira secrètement contre Constantin, et tourmenta de toutes les manières ceux qui se trouvaient sous sa domination. Cet homme voluptueux, ce méprisable vieillard, se teignait encore les cheveux et tenait sa femme dans une grande contrainte, à cause de la passion qu’il éprouvait pour la bienheureuse Glaphyra et qui le détermina à faire mourir saint Basile, évêque d’Amasie dans le Pont.[346]

Lorsque le complot fut découvert, Licinius, qui n’ignorait pas que Constantin ne lui accorderait point son pardon, rassembla des troupes pour résister à l’empereur. Licinius, à cause du refroidissement de son amitié avec Tiridate notre roi, s’en méfiait comme d’un ennemi, car il savait que tout impie est ennemi du juste. Lorsque Constantin arriva triomphant, Dieu livra entre ses mains Licinius. L’empereur, épargnant les jours du vaincu parce que c’était un vieillard et [de plus] son beau-frère, le fit conduire dans les Gaules, chargé de chaînes, et mettre aux mines, afin qu’il invoquât Dieu contre qui il avait péché, et que Dieu pût se montrer miséricordieux envers lui. Constantin, pour montrer qu’il ne fait avec ses fils qu’un seul empire qui est l’empire des Romains, va à Nicomédie célébrer ses vicennales.[347] Constantin régna depuis la quatrième année de la persécution jusqu’à la treizième année de la paix, que le monde célèbre pareillement en ce jour.

Constantin, ne croyant pas devoir retourner à Rome, se rend à Byzance, y établit sa cour, d’après les avertissements qu’il reçut dans un songe. Il y élève des édifices somptueux, agrandit au quintuple la ville, qui n’eut jamais de semblables monuments édifiés par aucun roi, sauf quelques constructions qu’avait laissées le conquérant Alexandre de Macédoine, lorsque, de cet endroit, il se prépara à marcher contre Darius, et bâtit, pour perpétuer sa mémoire, une place appelée Stratégion, parce que ce fut là qu’il fit ses préparatifs de guerre.[348] Ensuite Sévère, empereur romain, la restaura, bâtit des thermes là où s’élevait une colonne portant une inscription avec le nom mystique du soleil, Zeuxippon, en langue thrace, nom qui est resté appliqué aux bains.[349] Il construisit aussi un amphithéâtre pour les combats d’animaux, un autre pour les histrions, un hippodrome [qui resta] inachevé. Mais ce Constantin qui orna de toutes manières la ville qu’il appelle nouvelle Rome et que tout le monde appela la ville de Constantin.[350] On dit aussi que Constantin enleva secrètement de Rome le palladium, chef-d’œuvre de sculpture, et le p1as dans le forum, au-dessus de la colonne qu’il y dressa; mais, quelle que soit l’opinion d’autres [écrivains], nous ne croyons pas à cela.[351]

Ch. lxxxix.

D’Arius l’hérésiarque et du concile tenu a Nicée, à cause de lui. — Miracle qui apparut à Grégoire.

En ce temps-là, parut Arius d’Alexandrie qui enseigna cette hérésie impie que le Fils n’était pas l’égal du Père, qu’il n’avait pas la même Nature et la même Essence que le Père, qu’il n’est pas né du Père avant tous les siècles, mais qu’il lui est étranger, qu’il est une créature inférieure et formée dans la suite.[352] Arius l’impie mourut comme il le méritait, en satisfaisant ses besoins naturels. A cause de lui, l’empereur Constantin publia un édit qui enjoignait à tous les évêques de s’assembler à Nicée, en Bithynie.[353] Alors se réunirent Vitus (Pidon) et Vincent (Pigent), prêtres de Rome, légats de saint Sylvestre; Alexandre d’Alexandrie, Eustathe d’Antioche, Macaire de Jérusalem, Alexandre, évêque de Constantinople.

Alors arriva une lettre de l’empereur Constantin à Tiridate notre roi, pour l’inviter à se rendre au concile avec saint Grégoire. Tiridate déclina la proposition, parce qu’il avait appris l’alliance de Sapor avec le roi des Indes et le khakhan d’Orient. Sapor avait confié le commandement des troupes à Nersès qui dans la suite régna neuf ans, et à Hormisdas (Ormizt) qui plus tard occupa le trône pendant trois ans, avec un grand éclat. Tiridate, redoutant que Sapor ne vint à violer les traités selon l’habitude des païens, ne veut pas s’éloigner du pays. Saint Grégoire ne consent pas non plus à se rendre au concile, craignant d’y recevoir de trop grands honneurs à cause de son grand renom de confesseur. En effet, on le réclamait avec de vives instances et une grande insistance. Alors [Tiridate et Grégoire] envoient à leur place Rhesdaguès,[354] avec leur profession de foi, très sincère à tous deux. Rhesdaguès, pendant sa route, rencontre le grand Léonce[355] au moment où il baptisait Grégoire, père de Grégoire le théologien. A peine Grégoire fut-il sorti de l’eau qu’il fut environné d’une éclatante lumière, invisible à toute la multitude, mais vue seulement de Léonce qui baptisait, de notre Rhesdaguès, d’Euthale d’Edesse, de Jacques de Medzpin[356] et de Jean, évêque de Perse, qui se rendaient au concile par le même chemin.

Ch. xc.

Retour de Rhesdaguès de Nicée. — Conversion de ses parents. — Edifices éleves à Karni.

Rhesdaguès, étant parti avec le grand Léonce, arrive à la ville de Nicée, où se rassemblèrent trois cent-dix huit Pères pour anéantir la doctrine des Ariens qu’ils anathématisèrent et exclurent de la communion de l’Eglise; puis l’empereur les déporta dans les mines.[357] Rhesdaguès, revenu ensuite avec une profession de foi orthodoxe et les vingt chapitres canoniques du concile, rencontre dans la ville de Vagharschabad son père et le roi. Saint Grégoire, au comble de l’allégresse, ajoute encore quelques courts articles à ceux du concile pour mieux veiller dans la suite à la garde de son troupeau.[358]

Dans le même temps, leur parent Gamsar est baptisé avec tous les siens de la main de Grégoire le Grand. Le roI en recevant [Gamsar dans ses bras], au sortir de l’immersion, lui donne en propriété le grand bourg d’Ardaschès, à présent appelé Traskhanaguerd,[359] et de plus le canton de Schirag, comme à son parent et fidèle allié. Mais Gamsar, sept jours à peine après son baptême, meurt. Le roi Tiridate, pour consoler le chef des fils de Gamsar, Arschavir, le confirme dans les charges de son père, et donne son nom à sa race,[360] en l’élevant au rang des satrapies. Il ajouta à cette faveur d’autres concessions, telles que la ville d’Erouant et son canton jusqu’à l’extrémité de la grande vallée,[361] pour effacer de son esprit le souvenir de son pays originaire appelé Pahlav, et pour qu’il conservât fidèlement la foi. Arschavir, qui aimait passionnément cette contrée, l’appela de son nom Arscharouni, car auparavant ce pays s’appelait Eraskhadzor. Nous avons exposé plus haut les causes de la venue de ces deux races : celle des Parthes et celles des Pahlav.[362]

Vers ce temps-là, Tiridate achève la construction de la forteresse de Karni, avec des pierres très dures et taillées au marteau, cimentées ensemble par du fer et du plomb. Il élève encore une résidence d’été, ornée de colonnes et de magnifiques bas-reliefs, pour sa sœur Khosrovitoukhd, et il y fait graver une inscription grecque en souvenir d’elle.[363]

Saint-Grégoire, retourné à une montagne,[364] ne se fit plus voir à personne jusqu’à sa mort.

Ch. xci.

Mort de Grégoire et de Rhesdaguès. — Pourquoi appelle-t-on la montagne autre de Mané?

La dix-septième année du règne de Tiridate, comme nous l’avons trouvé, s’assit sur le siège de l’apôtre Thaddée, Grégoire, notre ancêtre et notre père, selon l’Evangile. Après avoir éclairé toute l’Arménie des lumières de la connaissance de Dieu, dissipé les ténèbres de l’idolâtrie, établi dans toutes les contrées des évêques et des docteurs, Grégoire, aimant les montagnes et la solitude, voulant vivre dans un complet repos d’esprit, afin de s’entretenir avec Dieu sans nul souci, laisse à sa place son fils Rhesdaguès, se fixe au canton de Taranagh, dans l’antre de Mané, sur la montagne.[365]

Nous dirons ici pourquoi cette montagne est appelée l’antre de Mané. Une femme appelée Mané, compagne des saintes Hripsimiennes, comme Nouné qui éclaira l’Ibérie, ne suivit pas le même chemin que ses compagnes qui se fixèrent chez nous, sachant bien que tous les lieux appartiennent à Dieu, et elle s’établit sur cette montagne dans une caverne [formée par] des rochers; c’est pourquoi la montagne s’est appelée l’antre de Mané. C’est dans ce lieu que se fixa plus tard saint Grégoire.

Rien que retiré sur cette montagne, cependant Grégoire se montrait de temps en temps, visitait notre pays et affermissait dans la foi ses disciples. Mais lorsque son fils Rhesdaguès fut de retour du concile de Nicée, saint Grégoire ne se fit plus voir à personne. Ainsi, depuis le commencement de son sacerdoce, c’est-à-dire depuis la dix-huitième année du règne de Tiridate jusqu’à la quarante-sixième année, époque à laquelle saint Grégoire cessa de se faire voir, on peut donc compter trente ans.

Après Grégoire, Rhesdaguès [occupa le siège patriarcal] durant sept ans, de la quarante-septième jusqu’à la cinquante-troisième année du règne de Tiridate, qui est l’année du martyre de Rhesdaguès. Il était bien véritablement le glaive spirituel, comme il est dit,[366] et il était considéré comme l’ennemi des injustes et des pervers. C’est pourquoi Archélaos, alors préfet de la province appelée Quatrième Arménie, réprimandé par lui, attendit un jour favorable, et, ayant rencontré Rhesdaguès en voyage dans le canton de Dzop, le tua d’un coup d’épée, et s’enfuit sur le Taurus, en Cilicie.[367] Les disciples du bienheureux Rhesdaguès, ayant pris son corps, le portèrent au canton d’Eghéghiatz pour le déposer dans son village de Thil. Son frère aimé Verthanès lui succéda sur le siège patriarcal, à partir de la cinquante-quatrième année du règne de Tiridate.

Saint Grégoire, ayant vécu, sans se faire voir, de longues années dans l’antre de Massé, est transporté par la mort au sein des anges. Quelques pâtres le trouvèrent mort, et l’enterrèrent sur place, ne sachant pas qui il était. Il convenait en effet que les mêmes hommes qui avaient été les témoins de la naissance de notre Sauveur fussent chargés d’ensevelir son disciple. Les restes de saint Grégoire restèrent cachés un grand nombre d’années, car la Providence divine le voulait ainsi, comme autrefois pour les restes de Moïse, ainsi qu’il est dit dans le Vieux Testament, afin que les nations barbares, nouvellement converties au christianisme, n’en fissent pas un objet de culte. Mais lorsque la foi fait fondée et consolidée dans les contrées, et longtemps après, [l’endroit des reliques] fut révélé à un solitaire appelé Karnig, et elles furent portées au village de Thortan.[368]

Saint Grégoire, comme chacun le sait, était Parthe de nation, du pays de Pahlav, de la famille régnante et distinguée des Arsacides (Archagouni), de la branche de Sourên, issu d’un père nommé Anag. Saint Grégoire apparaît dans les contrées orientales de notre pays comme un orient et un rayon du soleil spirituel, comme un sauveur pour nous tirer de l’abîme fatal de l’idolâtrie, comme la véritable bonté et l’auteur de la fuite des démons, comme la cause du bonheur et de l’édification spirituelle, comme un palmier vraiment divin planté dans la maison du Seigneur et fleurissant dans les portiques de notre Dieu. Saint Grégoire, développant la foi chez tant de peuples différents, dans sa vieillesse, et tout rempli des grâces spirituelles, nous réunit tous pour la gloire et les louange, de Dieu.

Ch. xcii.

Mort du roi Tiridate. — Complainte en forme d’élégie sur cet événement.

Pour parler du saint, du grand, du second martyr, de l’illustre auteur de notre illumination, du roi le plus véritablement roi de tous ceux qui l’ont été depuis le Christ, il convient d’employer des paroles sublimes et de dire de lui, comme du coopérateur, de l’égal en austérité, de notre premier guide et de l’auteur de notre illumination. Il a plu à l’Esprit-Saint de distinguer mon Illuminateur par les attributs du ministère de confesseur, et moi j’ajouterai encore par l’apostolat. Mais d’ailleurs le roi est égal à Grégoire et par ses paroles et par ses actions. Je dis même que c’est le roi qui le surpasse, car, pour cc qui est de la contemplation de Dieu et de la vie austère, le mérite est égal; mais, pour ce qui est de subjuguer par une puissance persuasive et incisive, il y avait plus de grâce du côté du roi, car tous ses actes étaient réglés selon sa foi. Voilà pourquoi je l’appelle la vie première et le second père de notre illumination. Mais, comme c’est le moment d’écrire l’histoire et non de célébrer des louanges, d’autant plus que le présent ouvrage a été composé à l’aide des écrits de différents annalistes, et qu’il n’y a rien qui nous appartienne en propre, nous allons donc passer à l’ordre des faits qui concernent Tiridate.

Après sa conversion à [la foi du] Christ, Tiridate, resplendissant [de l’éclat] de toutes les vertus, s’appliquait toujours à répandre parmi les chrétiens sa parole et ses actes, reprenant et persuadant les grands satrapes, ainsi que toute la masse du peuple, pour en faire de vrais chrétiens, afin que les œuvres de chacun témoignassent de sa foi. Mais je veux stigmatiser ici l’endurcissement et l’arrogance de notre nation depuis l’origine jusqu’à ce jour: indocile au bien, ennemie de la vérité, naturellement orgueilleuse et perverse, elle résiste à la volonté du roi en ce qui regarde la religion chrétienne, à l’instigation des femmes et des concubines. Le roi, ne pouvant tolérer un tel état de choses, jeta la couronne terrestre pour obtenir la couronne céleste, et se hâta de se rendre dans la retraite du saint confesseur du Christ afin de vivre dans le recueillement dans la caverne de la montagne.[369]

Je rougis ici de dire la vérité, surtout [de rappeler] l’injustice et l’impiété de notre nation, et des actes capables [de produire] des lamentations et des larmes. En effet, [les Arméniens] envoient promettre [au roi] de se conformer à ses volontés s’il veut conserver la couronne. Sur le refus de ce saint monarque, ils lui donnent un breuvage, comme autrefois les Athéniens donnèrent la ciguë à Socrate, ou mieux encore, comme les Hébreux qui, dans leur rage, donnèrent un breuvage mêlé de fiel à notre Dieu. Ayant agi de la sorte, ils éteignirent le rayon resplendissant de la piété.[370]

C’est pourquoi je dis, en gémissant sur les miens, comme Paul disait aux siens, ennemis aussi de la croix du Christ: seulement je n’emploierai pas mes propres paroles, mais celles de l’Esprit-Saint: « Nation perverse et criminelle, qui n’as pas eu le cœur de faire le bien et qui n’as pas eu l’âme de demeurer fidèle à Dieu! Gens de l’Arménie! jusques à quand votre cœur restera-t-il dans l’endurcissement? Pourquoi préférez-vous la vanité et l’impiété? Ignorez-vous que Dieu a glorifié ses saints? et Dieu ne vous entendra pas lorsque vous crierez vers lui. Vous avez péché dans votre colère, et vous ne vous êtes point repentis sur votre couche; vous sacrifiez à l’iniquité et vous avez méprisé ceux qui espèrent dans le Seigneur : c’est pourquoi vous serez pris dans les filets de celui que vous avez méconnu; la proie que vous chassez fera de vous sa proie, et vous tomberez dans vos propres pièges. Mais l’âme [du juste] se glorifiera dans le Seigneur, elle se réjouira de son salut et tout son être dira : Seigneur, qui est semblable à toi? »

Et, puisqu’il en est vraiment ainsi, consolons nous, nous aussi, de nos périls. « Car, s’ils ont agi ainsi avec le bois vert, dit le Christ, qu’arrivera-t-il au bois sec? » Si donc vous traitez ainsi les saints de Dieu et si ceux qui abandonnent un royaume par amour de Dieu s’humilient, quelles paroles adresserons-nous à Dieu; au sujet des périls que vous nous suscitez, nous qui n’avons en partage que les périls et la pauvreté? Cependant je dirai: « Qui de vous pourvoira à nos besoins? Qui a adressé des prières aux docteurs? Qui a prononcé des paroles de consolation et d’encouragement? Qui portera des fardeaux dans notre voyage? Qui nous donnera l’hospitalité à notre arrivée? Qui nous préparera un logis ou une hôtellerie? Je laisse le reste; car ces langues, pleines de malice et d’ignorance, parlent avec une vaine ambition et une jactance désordonnée ; vous ne les avez pas refrénées, vous avez donné matière à leurs sottes paroles, en témoignant votre mépris pour l’instruction, et vous en avez fait un foyer plus embrasé que la fournaise de Babylone ».[371]

C’est pourquoi chacun est prêtre et ministre, comme dit l’Écriture. De même aussi, aujourd’hui, beaucoup de ceux qui parlent des choses divines n’en comprennent point le sens. Ils parlent non pas selon la pensée de l’Esprit-Saint, mais selon le sens de l’esprit [immonde); c’est pourquoi de tels discours sont un sujet d’étonnement et d’horreur pour les sages; leur langue parle, il est vrai, de Dieu et des choses divines, mais leurs pensées sont tournées vers les choses étrangères à Dieu. Ils s’inquiètent peu de ce qu’ils disent, ils ne parlent pas doucement et agréablement, comme il est enseigné [dans la Sainte Écriture], et personne n’entend leurs paroles du dehors. Pour conquérir la gloire humaine, ils remplissent de leurs discours les oreilles des hommes; l’abondance de leur verbiage semble jaillir d’une source, comme l’a dit un ancien, et fatigue les ivrognes du carrefour. Quel est le sage qui ne se lamenterait pas sur [le sort de] ces hommes? S’il se trouvait quelqu’un qui ne fût pas indigné contre eux, je dirais que c’est les encourager dans leur conduite. Je m’abstiens cependant de répéter, avec le Christ, que vengeance sera tirée depuis le sang d’Abel le Juste jusqu’à celui de Zacharie, répandu entre le temple et l’autel.

Mais là s’arrête ce discours, car je suis las de me faire entendre aux oreilles des morts. L’histoire rapportée au sujet de Tiridate est vraie. En lui faisant boire le poison, ils se sont privés des rayons de la lumière de ses grâces. Tiridate régna cinquante-six ans.

 

 

ICI FINIT LE SECOND LIVRE DES PROGRÈS DE LA GRANDE ARMENIE.


 

[1] Tiridate le Grand, fils de Chosroès, régna sur l’Arménie de 259 à 314 de notre ère. Il fut établi roi par les Romains et se convertit à la religion chrétienne, sur les instances de saint Grégoire l’Illuminateur (Agathange, Vie de Tiridate et de la prédication de saint Grégoire l’Illuminateur. — Moïse de Khorène, Hist. d’Arménie, liv. II, ch. 68-91).

[2] L’historien Vartan assure que Valarsace n’était pas le frère, mais le fils d’Arsace Cf. Histoire universelle, ch. 15, p. 31 (éd. de Venise; 1862). Ce fait est également rapporté par d’autres historiens.

[3] Il existe une tradition qui donne pour père à Alexandre Nectanébo, roi d’Égypte, et Moïse de Khorène (Hist., liv. II, ch. 13) rappelle sans doute cette tradition d’après le pseudo-Callisthène (Coll. des hist. grecs, éd. Muller, liv. I, ch. i et suiv.) dont l’ouvrage avait été traduit en arménien, au cinquième siècle de notre ère, par Moïse de Khorène lui-même, à ce que l’on croit assez généralement ( Sukias de Somal, Quadro delle tari vari aut. antic. tradotte in arm., p. 9. — Préface de la trad. ital. de Moïse de Khorène, p. ix). Cette tradition eut cours pendant le moyen âge et on la trouve rapportée dans li Romans d’Alixandre, par Lambert li Tors et Alexandre de Bernay (Bibliothek des literarischen Vereins, t. XIII, Stuttgart, 1846), publié par M. Michelant, p. 5:

Quar li plusior disoient, sens nule legerie,
Que Alixandres est nés de bastarderie;
Car è l’ tans k’ il fut nés, si com la letre die,
Ert l clers de l’ palais, plains de grande voisdie;
Natabus (rar. Natanabus) ot a non, en la langue Arhrabie;
A l’ nestre aida l’enfant, coi que nus li en die.

[4] Cf. Diodore de Sicile, liv. XVII, ch. I. — Plutarque. Alexandre.

[5] Cf. Diodore de Sicile, liv. XIX, 105, et liv. XX, 28. — Ammien Marcellin, liv. xxiii, ch. 6. — I, Macchabées, 1, 7.

[6] Cf. Moïse de Khorène, liv. II, ch. 68.

[7] Genèse, ch. XVII, v. 6, 16.

[8] Cf. Moise de Khorène. l. I, ch. 8.

[9] Cf. plus haut, ch. vi. — Pahl, ainsi que nous l’avons fait observer déjà, est le nom arménien de la ville que les Grecs avaient appelée Bactres et qui était la capitale de la Bactriane. Les ruines de Bactres ou Pahl ont été visitées par Burnes. Cette ville a été rétablie à quelque distance des ruines de l’antienne cité par les Afghans, et porte actuellement le nom de Balkh.

[10] Ce prince est aussi appelé Arschagan.

[11] Le texte arménien dit douze myriades.

[12] Le mot arménien iragan qui signifie « exact » est selon le père Indjidji une faute de transcription. Il propose de restituer soit le mot hiousisagan, « septentrional », ou ipéragan, « ibérique », ou mieux « hyperboréen », parce que Hérodote, dans son quatrième livre, traite des Hyperboréens, après quoi il parle de la division du monde en trois parties, ce qui corrobore à la fois le texte de notre auteur et donne raison à l’explication proposée par le père Indjidji dans son Archéologie de l’Arménie.

[13] Rapprochez ce passage de ce que dit Justin (liv. XLI, ch. 5), en parlant d’Arsace, qu’il imposa Bacase, comme roi à la Médie. Cédrénus nous apprend en effet qu’une partie de l’Arménie supérieure portait le nom de Médie.

[14] Cf. Moïse de Khorène, liv. I, ch. 8, et plus haut.

[15] Cf. plus haut, XV (liv. I, ch. 22), et plus bas, XXXII (liv. II, ch. 7). — La charge de Thakatir, qui pose la couronne, était la première dignité du royaume. Cette dignité qui, on le voit, remonte à une époque très ancienne, avait été empruntée par Valarsace à l’organisation de la cour des rois parthes dont il avait introduit en Arménie le cérémonial, en même temps que les institutions de cet empire. La charge de Thakatir ou de Thakabah (conservateur de la couronne) était héréditaire et se conserva dans la famille de Pakarad, tant que dura la dynastie des Arsacides. Beaucoup plus tard, les rois Roupéniens de la Cnide la rétablirent en faveur des Héthoumiens, seigneurs de Lampron. Une charte française octroyée par Constantin, seigneur de Lampron, aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, en 1233, traduit le mot Thakatir par Météor (metteur ou poseur) de la couronne des Ermines (Arméniens).

Cf. notre Cartulaire d’Arménie, p. 140, n° XVII. — Toutefois la dignité de Thakatir, chez les Roupéniens, ne se continua pas longtemps en faveur des seigneurs de Lampron et il paraît que les patriarches héritèrent de la fonction de couronner les rois, car, à partir du règne de Léon III, nous ne rencontrons plus dans l’histoire la mention des Thakatirs.

[16] Cf. plus haut, XV (liv. I, ch. 22).

[17] Cf. sur les Pakradouni Indjidji, Archéologie de l’Arménie, t. II, p. 96-108.

[18] C’est la province appelée encore à présent Adherbeidjan, qui formait toute la partie orientale de la province de Vasbouragan, et s’étendait jusque dans la Mé die. C’est l’AtropatioV de Strabon (liv. XI, ch. 13, §. 1). — Cf. Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. I, p. 127 et suiv. — Indjidji, Géogr. anc., p. 319. — Le même, Arm. mod., p. 401. —L. Alischan, Géogr. de l’Arm., p. 98.

[19] Le Medz-Amor s’appelait aussi Azad (libre), et traversait les villes de Tovin et d’Artaxate. Celle rivière se jetait dans l’Araxe (Indjidji, Géogr. anc., p. 465. — Le même, Géogr. mod., p. 181. — Mékhithar abbé, Dict. des noms propres. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 40 et suiv.). Agathange fait mention d’un port sur le Medz-Amor (Hist. de Tiridate, liv. II, ch. 8).

[20] La Géographie attribuée à Moïse de Khorène (Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. II, p. 356-357) et tous les géographes anciens placent des Chaldéens en Arménie, dans le Pont et le pays des Chalybes, et Constantin Porphyrogénète (de Thematibus) parle d’une province qu’il appelle Caldia dont Trébizonde était la capitale. C’était sans doute dans cette région pontique que se trouvait la Chaldée primitive, repaire de belliqueux montagnards très redoutés (Habacue, I, 6 et suiv. — Job. 1, 17. —Xénophon, Cyropaed., III, 1. — Anabas., IV, 3; VII, 8), servant dans les armées étrangères comme mercenaires (Xénophon, Cyropaed., III, 2, VII, 2. — Anab., IV, 3) et identiques aux Kurdes actuels avec lesquels il est facile de les identifier. M. Renan conjecture que le nom de Kasdim, qui est la forme hébraïque du nom des Chaldéens, ne diffère pas de la forme grecque Χαλδαῖοι, en admettant la forme intermédiaire Kard (Kardu est le nom de la province d’Ararat dans la paraphrase chaldaïque, et du mont Ararat chez les Syriens), et cette forme reparaît aux diverses époques avec une persistance remarquable dans les noms de peuplades du Kurdistan, comme Κάρδακες, Καρδδοῦχοι, en arménien Gordoukh, Κορδιαῖοι, Γορδυνηοί, Γορδυαῖοι, Κύρτιοι, Gordiani et Kurdes (Renan, Hist. des lang. sémit., liv. I, ch. 2, p. 65 et suiv.). — Notons encore que la Chaldie est mentionnée aussi par Etienne de Byzance, de Urb. et pop., Χαλδία.

[21] La Lazique est une province de la Colchide, mentionnée par Ptolémée sous le nom de Λάζαι (liv. V, ch. 2). La Géographie attribuée Moise de Khorène lui donne le nom de Ghaziv (car la lettre gh affecte le son de l, et est remplacée souvent par cette lettre dans un grand nombre de mots). C’est le Lazistan actuel.

[22] C’est-à-dire la Cappadoce, dont Mazaca, en arménien Majak, était la ville principale. Cf. plus haut ch. VII, et notes.

[23] Le nom de Macédoniens s’applique ici aux rois Séleucides de Syrie, qui avaient hérité d’une notable partie de l’empire d’Alexandre.

[24] Cette ville est citée par Procope (de Aedificiis, liv. III). Elle fut, dit-il, restaurée par Pompée qui l’appela Colonia.

[25] Le mont Barkhar est désigné par Strabon (liv. XI, ch. 14, § 5) et Pline (liv. V, ch. 27) sous le nom de monts Paryadres. Xénophon (Anabas., liv. III, ch. 8) parle aussi de cette chaîne, mais sans donner son nom. — Indjidji, Archéologie de l’Arménie, t. I, p. 83. — Le même, Géogr. anc., p. 369.

[26] Gogh ou Goghp, comme l’écrit également Moïse de Khorène (liv. II, ch. 8, et liv. III, ch. 60), était un canton de la province de Daïk. Ce pays produisait beaucoup de sel, et Héraclius en concéda la propriété à Esdras, patriarche d’Arménie (628-640 de N. E.). — Cf. Indjidji (Arm. anc., p 372) qui assimile le canton de Gogh à la Kwlikh, Colice, d’Etienne de Byzance. — Cf. aussi Pline, liv. VI, ch. 5. — Le Périple de Scylax, Geogr. graec. minores, éd. Ch. Müller. t. I, p. 61.

[27] La Pasène est un pays assez considérable traversé par l’Araxe et qui faisait partie de la province d’Ararat. Il est cité par les Grecs du moyen âge, notamment par Constantin Porphyrogénète (De adm. imp., ch. 45), sous le nom de Phaciane, et par Procope (De Aedif., l. III, ch. 5), qui le nomme Vezani ou Bizane. Ce pays formait une immense plaine (Arisdaguès Lasdivertsi, Hist. d’Arm., p. 9, 13, 15 et passim), mais qui contenait des marécages et était fort malsaine, ce qui empêcha Justinien d’y élever des constructions (Procope, de Aedif., loc. cit.). Le nom de Phaciane, que Constantin Porphyrogénète applique à ce pays, s’est conservé dans celui de Pasin que lui donnent les géographes musulmans. — La Pasène déboisée, ou pays de Vanant, s’étendit à une certaine époque jusque dans le pays de Kars, dont le territoire fut appelé Petite Vanant (St-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 107-108). — Cf. aussi Indjidji, Géogr. anc., p. 380 et suiv.

[28] C’est la première fois qu’il est question, dans l’histoire, des Bulgares, peuple de rare finnoise, établi anciennement sur les bords du Volga (Ethil). La géographie attribuée à Moïse de Khorène place les Bulgares dans la Sarmatie et les appelle Boulkh, nom qui paraît avoir été leur appellation véritable (Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 354-35). Dans le courant de la seconde moitié du cinquième siècle, les Bulgares, qui avaient sans doute pris part aux entreprises des Huns, s’étaient avancés en Europe jusqu’au Borysthène et au Danube qu’ils ne tardèrent pas à franchir (Ennodius, Panégyrique de Théodoric, p. 296). Ils se fixèrent plus tard sur les rives méridionales de ce fleuve, et y fondèrent un royaume qui fit plus d’une fois trembler la puissance grecque. Toutefois il paraît certain que, lors de l’émigration des Bulgares au cinquième siècle, une partie assez notable d’entre eux resta dans leur ancienne patrie, où ils demeuraient encore au dixième siècle, puisque les écrivains byzantins donnent à leur pays le nom de Bulgarie noire, h maurh Βουλγαρία. Cette partie de la nation bulgare est souvent citée dans les écrivains slaves et orientaux, et il semble qu’elle était plus considérable que celle qui avait émigré et était venue se fixer sur le Danube. Les Bulgares orientaux ou noirs occupaient en effet, au dixième siècle, tout le cours du Volga depuis son embouchure dans la mer Caspienne jusqu’à une assez grande distance dans l’intérieur de la Russie. Ce fut Batou, fils de Gengis-Khan, qui mit fin à leur puissance au treizième siècle. — Le grand fleuve Ethil, Ἀτάλις de Théophane (p. 296-297), dont ils occupèrent si longtemps les rives, avait pris d’eux son nom de Volga, qu’il porte encore à présent.

[29] Ventour Poulgar de Vent, selon quelques mss. — Ce nom de Vount semble indiquer que la nation bulgare devait sa formation à l’agglomération de plusieurs peuples, et il n’est pas impossible en effet de reconnaître dans le nom de Vount, — qu’une variante donne sous la forme Vent, — les Vendes ou Antes qui occupaient les rives du Pont-Euxin depuis le Dniester jusqu’au Danube (Jornandès, De reb. Getic., ch. 5). On trouve en effet dans Théophane (Chronogr., p. 296) un nom de peuple assez barbare et qui semble être formé de l’agglomération de trois noms différents, mais unis en corps de nation ce sont les Ounno-bundo-bulgares, Οὐννοβουνδοβουλγάροι, appellation dans laquelle on retrouve les Huns, les Bunds ou Vendes et les Bulgares. On peut donc induire du texte de notre auteur qu’à une époque assez ancienne, une nation d’origine slave, les Vendes, s’étaient déjà confondus avec les Bulgares, et en effet la langue slave a prédominé chez les descendants des Bulgares, et on trouve aussi des noms slaves portés par beaucoup de chefs bulgares.

[30] Voy. plus bas, XXXIV (liv. II, ch. 9).

[31] Dans ce chapitre, il est question de l’organisation du royaume d’Arménie basée sur un système que noua avons tout lieu de croire identique à ce lui qui régissait les grands empires de l’Asie, et dont l’Arménie elle-même ne formait qu’une partie, avec le titre de satrapie. On sait en effet que ce pays fut presque toujours soumis à des maîtres étrangers pendant toute la durée de la dynastie d’Haïg, et qu’il faisait partie, à ces époques reculées, de ce vaste système monarchique, dont les chefs suprêmes, décorés du titre de roi des rois, furent tour à tour les souverains de Ninive, de Babylone, de la Médie et des Perses. Ce vaste système, qui se continua sous les Arsacides et les Sassanides, et dura jusqu’à la conquête arabe, représentait une vassalité solidement constituée, partant du dernier degré de l’échelle sociale pour s’élever successivement jusqu’au roi des rois. Moïse de Khorène a retracé, d’après Mar Apas Catina, le tableau fidèle de l’organisation de sa patrie sous le règne du premier Arsacide arménien, et ce qui rend plus curieux ce tableau, c’est que tout nous porte à croire qu’il ne fait que reproduire le mode de l’organisation politique existant dans la Perse et que les Arsacides avaient emprunté aux plus anciennes monarchies de l’Asie occidentale. Les Arsacides de Parthie avaient la suprématie sur toutes les autres branches de la même famille établies en Arménie, dans la Bactriane et dans la Médie, et, comme tels, les rois vassaux de ces trois États leur devaient l’hommage et étaient soumis à leur autorité (Cf. notre Cartulaire d’Arménie, ch. II, § I, p. 27). Un passage de Diodore de Sicile, (lui nous a été conservé par Constantin Porphyrogénète (Excerpt. de virt. et vitiis), nous montre qu’Arsace ou Mithridate Ier voulut joindre à la gloire de conquérant celle de législateur. Il forma un code des lois qu’il trouva chez les diverses nations soumises à son empire, pour le donner aux Parthes καθόλου δὲ πολλῶν ἐθνῶν ἐγκρατὴς, τὰ παρ' ἑκάστοις ἄριστα τῶν νομίμων κατέδειξε τοῖς Πάρθοις. Son frère Valarsace, qu’il avait établi roi d’Arménie, imita entièrement sa conduite; il remit en vigueur les anciennes lois du pays et en publia de nouvelles pour remédier à l’imperfection de ces dernières. — Cf. Saint-Martin, Hist. des Arsacides, t. I, p. 336 et suiv.

[32] Cf. plus haut, XXVIII (liv. II, ch. 3).

[33] Le mot asbed voulait dire anciennement « général de la cavalerie » et non pas « chevalier » comme quelques traducteurs l’ont supposé. Ce mot est le synonyme d’asbarabed, asbahabed, sbarabed, qui au moyen âge, et particulièrement à l’époque de la dynastie roupénienne, était rendu par le mot connétable, comme on peut le voir dans les Chroniques de Sempad (éd. de Paris, en arm., p. 105, et notre trad. fr., Extr. des Mém. de l’Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, p. 19) et d’autres historiens arméniens de l’époque des croisades. Le mot sbarabed paraît d’origine persane, car on trouve parmi les dignitaires de la cour de Perse les titres sipahbeh et sipahsalar (chef d’armée ou de soldats). Ce titre répond exactement au mot ἵππαρχος qui a la signification de général de cavalerie (Cf. S. de Sacy, dans les Notices et extr. des mss., t. VIII, p. 148 et suiv., 191). Chez les Géorgiens, le même titre était aussi en usage, mais le nom avait subi une légère altération et s’écrivait sparsalar ou achosalar (Klaproth, Reise in Georgien, t. II, p. 210. — Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, introd., p. clxiv). —Cf. aussi Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. I, p. 298, note.

[34] Il ne paraît pas certain que les Kentouni descendent des Cananéens, car on lit dans Moise de Khorène un passage qui semble infirmer cette tradition, Cet historien dit en effet (liv. II, ch. 24) que Zora Kentouni, chef de la satrapie de ce nom, ayant accusé de trahison Enanus, thakatir et général de la cavalerie, auprès du roi Arscham père d’Abgar, celui-ci fit jeter Enanus en prison, après l’avoir dégradé. Voici les paroles de Zora au roi, rapportées par Moïse de Khorène: « O roi! apprends qu’Enanus a voulu se révolter contre toi, et il m’a proposé de demander à Hérode, roi de Judée, un serment par lequel il s’engagerait à nous recevoir, à nous donner des possessions dans le pays de nos ancêtres, parce que nous avions beaucoup à souffrir dans celui-ci. Et moi, loin de consentir à ses propositions, je lui dis: Pourquoi vous laisser tromper par d’antiques traditions, par de vieilles fables, en croyant que nous sommes originaires de la Palestine. » Jean Catholicos représente la race des Kentouni comme portée à la ruse et à la rébellion, portrait qui s’accorde avec celui que nous a tracé Moïse de Khorène, de Zora dénonciateur d’Enanus (Hist. d’Arménie, ch. viii, p. 25 de la trad. fr.).

[35] Cf. V (liv. I, ch. 12).

[36] Varaj, selon un ms.

[37] Cf. liv. I, ch. 12 et les notes; et Moïse de Khorène (liv. II, ch. 11), qui dit que Ardaschès Ier confia l’éducation de son fils Dikran à un jeune homme nommé Varaj, fils de Tad, de la race de Karnig, descendant de Kégham de son nom sa race s’appelle Varajnouni.

[38] Kapa, selon un ms.

[39] Le mot goid a aussi en arménien le sens de haras, de sorte qu’on peut supposer que Kapagh était chargé de l’intendance des haras du roi.

[40] Un ms. écrit Arel.

[41] Cette satrapie était sans doute la même que celle des Apéghians qui avait pour chef, à l’époque d’Ardaschès Ier, un certain Apégho (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 60). — Le canton d’Apéghian se trouvait dans la province d’Ararat (Indjidji, Géogr. anc., p. 387).

[42] Cette satrapie se trouvait également dans la province d’Ararat (Indjidji, Géogr. anc., p. 387), entre les deux fleuves Akhourian et Géghouan. La ville principale était Getchror (Vartan, Géogr. de l’Arménie, dans les Mém. sur l’Aria., de Saint-Martin, t. II, p. 416-417), dans le voisinage d’Ani.

[43] La famille satrapale des Ardzrouni, mot formé de ardzir (aigle) et ouni (il a), qui correspond parfaitement au latin aquilifer, était une race issue d’Arkamozan, descendant de Sennachérib, qui vint en Arménie sous le règne de Sgaïorti (Cf. plus haut, XVI, liv. I, ch. 23) et reçut en apanage une portion du Vasbouragan. A l’époque des Arabes, les possessions des Ardzrouni s’augmentèrent considérablement, et elles formèrent le siège d’un état indépendant dont la capitale était Van. On possède une histoire détaillée des Ardzrouni écrite par un membre de cette famille, Thomas, qui a été publiée en arménien, à Constantinople, en 1852, et dont M. Brosset a donné l’analyse dans les Mélanges asiatiques de l’Acad. des Sciences de Saint Pétersbourg, t. IV, p. 686. — Cf. aussi Indjidji, Arch. de l’Arm., t. II, p. 109 et suiv.

[44] La ville d’Hatamaguerd est citée dans Thomas Ardzrouni (Hist. des Ardzrouni , liv. V, ch. 2) qui dit que Kourken, frère de Kakig, roi du Vasbouragan, y bâtit une église magnifique. Cette ville se trouvait dans le canton d’Aghpat, dans la province de Vasbouragan. — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 206.

[45] Sbant, en arménien, veut dire « sacrifice, immolation ».

[46] Hav, en arménien, veut dire « oiseau ». Le canton de Havénouni ou Havouni faisait partie de la province d’Ararat. C’est le même canton qui est probablement désigné dans la Géographie attribués à Moïse de Khorène, sous le nom de Vahagouni (St-Martin, Mém, sur l’Arm, t. II, p. 366-367). — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 380.

[47] Tzun, en arménien, veut dire « neige » et Tzunagir « porte-neige », celui qui apportait les sorbets au roi. Lazare de Pharbe cite Vren Tzunagan au nombre des satrapes qui prirent part à la levée de boucliers contre les Perses, et en effet Mesrob (Vie de saint Nersès, en arm., p. 36) classe cette famille au rang des satrapies.

[48] Cf. plus haut, XXIII (liv. I, ch. 30). — Les Osdan descendaient de Dikranouhi sœur de Tigrane Ier, et ils furent connus longtemps sous le nom de Osdanig, ou princes de la Maison royale.

[49] On trouve, dans l’ouvrage du P. Indjidji sur l’Archéologie de l’Arménie, quelques détails sur l’organisation des armées arméniennes, qui ont été abrégés par l’abbé Cappelletti, dans l’Armenia (Florence, 1841), t. II, ch. xii, p. 91 et suivantes mais ces renseignements sont fort peu circonstanciés. Nous savons cependant qu’en dehors des armées du roi et des troupes de la garde du souverain, il y avait encore en Arménie des légions soldées par la caste sacerdotale qui était très puissante dans ce pays, même l’époque du paganisme (Cf. Zénob de Glag, Histoire de Daron, p. 28, 37). Cette armée avait pour chefs les kirmabed ou prêtres (Zénob, p. 25). — Cf. Emin, Rech. sur le paganisme arménien, p. 52 et suiv.

[50] Ce mot est composé des deux mots géorgiens méphé « roi » et dzoul « race », — race royale. On dit aussi miphédzé, « fils de roi ». On donne actuellement aux membres de la famille royale de Géorgie le nom de batounichwili, « fils du maître », qui correspond à la première expression. — Cf. Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, Introd., p. 83. — Ad. Bergé, Voyage en Mingrélie (Paris, 1804), p. 34.

[51] C’est-à-dire la race qui descendait de Tigrane et d’Haïg.

[52] Haïr en arménien veut dire « père ». C’était le nom que l’on donnait au chef des eunuques (Moïse de Khorène, liv. III, ch. 15) qui s’appelait également martbed (chef des hommes). La dignité de chef des eunuques s’exprimait en arménien par le mot de martbedoulhioun, comme on peut le voir dans l’Histoire de Faustus de Byzance.

[53] Canton du Vasbouragan, sur les rives de l’Araxe, qui est appelé aussi Djovachrod par Thomas Ardzrouni (Hist. des Ardzrouni, liv. 4, ch. II). — Cf. Indjidji, Arm anc., p. 210.

[54] Cette charge répondait à celle de premier ministre, sadrazam ou grand-vizir des Orientaux. Moïse de Khorène décrit le costume que devait porter le personnage revêtu de cette charge importante (liv. II, ch. 47). On trouve aussi des détails analogues sur ce costume dans Procope (de Aedif., liv. III, ch. i. —Cf. aussi Indjidji, Archéol. de l’Arm., t. II, p. 284.

[55] Cf. sur les Mouratzan, Moïse de Khorène, liv. II, ch. 44 et suiv.

[56] Cette expression est purement biblique et s’employait pour désigner les peuples. C’est ainsi que, dans le livre de Daniel, on trouve à plusieurs reprises les mots peuples, races et langues (ch. III, versets 4, 7, 90, 98; ch. V, v. 19, 25). Ou peut encore rapprocher cette expression de ce vers du Dante (Enfer, ch. 5): « Fu imperatrice di molte favelle. »

[57] Cf. plus haut, liv. I, ch. 12; liv. II, ch. 4.

[58] La maison de Sissag, dont la dynastie était souveraine de Siounik et à laquelle les Persans donnèrent le nom de Sisagan (Moïse de Khorène, liv. I, ch. 12), peupla tout le pays formé des contrées montagneuses comprises entre le lac de Kégham ou de Sévan et la partie de l’Araxe qui s’étend depuis Nakhdjavan jusqu’à la cataracte appelée aujourd’hui Arashar, qui se trouve au confluent de l’Araxe et du Cyrus (Gour). St-Martin (Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 209) conjecture que le pays de Sissag correspond à la Sacasène de Strabon (liv. XI, ch. 7, § 2), et il propose de lire dans le texte de cet auteur, Σασακηνή, au lieu de Σακασηνή, qui doit être une erreur de transcription de la part des copistes qui ont écrit les manuscrits de sa Géographie. On peut croire encore que le pays de Sissag est le même que celui appelé Sacapène par Ptolémée (liv. V, ch. 13). Le pays de Sissag était possédé par des dynastes puissants qui, après avoir été d’abord soumis aux rois d’Arménie, devinrent indépendants après la conquête de ce pays par les Persans. Il est souvent question de ces dynastes, dans l’histoire de l’Arménie et notamment dans Faustus de Byzance, liv. IV, ch. ii, 20. — Moïse de Khorène, liv. III, ch. 23 et suiv., 41. — Elisée, Histoire des Vartaniens, p. 22, 32, 48 et passim. — Lazare de Pharbe, p. 243. —Jean Catholicos, ch. 13, 17, 19, 130, 133. —Les Byzantins appellent le prince de Siounik, Ἄρχων τοῦ Συνῆς roi (Constantin Porphyr., de Caerem., ch. 48). La dynastie des princes de Siounik se continua jusqu’au onzième siècle, époque à laquelle Vest Sarkis voulut s’emparer du trône d’Ani sur Kakig, et, n’ayant puy réussir, il livra cette place à l’empereur Constantin Monomaque en 1045 (Matthieu d’Édesse, liv. I, ch. 65, p. 76, de la trad. française). En 1231, un certain David est qualifié du titre de prince de Siounie (Etienne Orbélian, trad. Brosset, ch. 66, p, 229), et régnait dans les montagnes de Gaban [défilé]. Cf. Tchamitch, Hist. d’Arménie, t. III, p. 235. — Cf. aussi Brosset, Hist. de Géorgie, t. I, p. 545.

[59] Voy. plus haut, liv. I, ch. 29 et la note. — Sur le royaume des Aghouank, on peut consulter Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, t. I, p. 149, 213 et suiv.; Indjidji (Géogr. anc., p. 301), et surtout l’Histoire des Aghouank, par Moïse de Gaghangaïdoutz (Pans, 1860. 2 v. in 8°) et celle de E. Hassan Djalaliantz (Choucha, 1839, in 12).

[60] La province d’Oudi était située à l’est du Koukarkh, au nord de celle d’Artzakh, et au sud-est elle touchait au Phaïdagaran. Le Cyrus l’arrosait dans toute sa longueur. Elle forme aujourd’hui une partie du pays appelé Karahagh (Jardin noir). Les anciens avaient rendu le nom d’Oudi par ‘Wtrhnh ou Otène; Ptolémée (liv. VI, ch. 13) la nomme Mwthnh pour Wtrhnh. — Étienne de Byz., hac roce. — Pline, liv. VI, ch. 13. — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p.336. — St-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 86 et suiv.

[61] Le canton de Kartman, dans la province d’Oudi, était situé sur la rive gauche du Cyrus (Indjidji, Géogr. anc., p. 337). Les personnages de cette famille qui, selon le Père Indjidji (Archéol. de l’Arm., t. II, p. 170), n’était pas satrapale, ont joué rependant un certain rôle dans l’histoire de l’Arménie. — Cf. Moire de Khorène, liv. III, ch. 43, 55. — Faustus de Byzance, liv. III, ch. 17.

[62] On ne connaît pas la position de ce canton.

[63] La province de Konkarkh était située à l’orient de celle de Daïk, au nord des provinces d’Ararat et de Siounik et à l’ouest de celle d’Oudi; au nord elle était limitée par le pays occupé par les Géorgiens. Elle était traversée de l’ouest à l’est par le Cyrus (Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 353. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 79). A la fin du neuvième siècle de notre ère, ce pays, qui s’était rendu indépendant des rois d’Arménie, eut à soutenir de longues guerres avec ces derniers qui voulaient le conquérir (Jean Catholicos, ch. 9). Au onzième siècle, il était possédé par des princes appelés dynastes Goriguians; ensuite il passa aux Orbélians (Matthieu d’Edesse, liv. I, ch. 10 de la traduction française. — Etienne Orbélian, Hist., trad. Brosset, ch. 66, 14, 4). La province de Koukarkh était connue des anciens; Strabon (liv. XI. ch. 14, l’appelle Γωγαρηνή, Ptolémée (liv. V, ch. IS) Τωσαρηνή, mais il est aisé de voir que le T a été mis par erreur pour un G par les copistes des manuscrits de sa Géographie; Etienne de Byzance appelle les Karkaratzi: Ὤδαρηνοί, ce qui est aussi une erreur du copiste pour Γωγαρηνοί ( (Cf. Ste-Croix, Mém. sur l’Araxe et le Cyrus, p. 115). La province de Koukarkh comprenait neuf cantons (Géogr. attr. à Moïse de Khorène, dans Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 366-367).

[64] Tous ces cantons faisaient partie de la province de Koukarkh (Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 353. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 81 et suiv.).

[65] Ce canton faisait partie de la province d’Ararat. (Indjidji, Géogr. anc., p. 452).

[66] Le canton de Daschir était compris dans la province de Koukarkh, et fait partie aujourd’hui du Somkheth, une des divisions de la Géorgie (Indjidji, Géogr. anc., p. 360). —Cf. Wakhoucht, Géogr. de la Géorgie, édit. Brosset, p. 180-181.

[67] Cf. plus haut, XVI (liv. I, ch. 23), et la note.

[68] Moïse de Khorène cite en cet endroit Abydène, d’après un passage de la Chronique d’Eusèbe (part. I, p. 58) traduite en arménien, et qui renferme un singulier contresens. D’abord il attribue à Abydène le passage qui commence par ces mots: « Le puissant (sic) Nabuchodonosor », qui n’est pas d’Abydène, mais de Mégasthène dont le nom n’est pas prononcé dans la version arménienne, tandis qu’il existe dans le texte grec qui nous a été conservé par Eusèbe (Prep. Evang., IX, 41). Voici ce qui a donné lieu à ce contresens: le mot μεγασθενής signifie: magni roboris (vir), potentissimus; le traducteur de la Chronique d’Eusèbe, prenant ce nom propre pour un adjectif servant de qualificatif à Nabuchodonosor, l’a traduit par medzazor, qui a en effet le même sens en arménien que μεγασθενής en grec. Voici le passage grec, tel qu’il se trouve dans le texte de la Préparation évangélique d’Eusèbe: Μεγασθένης δέ φησι, Ναβουκοδρόσορον Ἡρακλεόυς ἀλκιμώτερον γεγονότα, ἐπί τε Λιβύην καὶ Ἰβηρίην στρατεῦσαι κ. τ. λ. . Au surplus, tout ce passage a été fort mal traduit en arménien et rend d’une façon tort infidèle le texte de Mégasthène qui ne présente pas de difficulté. — Cf. la note 4, que le P. Aucher a écrite à propos de Mégasthène, à la p. 58 du t. Ier de son édition de la Chronique d’Eusèbe.

[69] Cf. ci-dessus la note du liv. I, ch. 12.

[70] Cf. ci-dessus. liv. I, ch. 23.

[71] Les possessions de cette satrapie se trouvaient dans le grand Dzop situé dans la quatrième Arménie (Faustus de Byzance, l. IV, ch. 24). — Indjidji, Géogr. anc., p. 507. — Agathange fait mention du chef de la maison d’Ankegh (Hist. de Tiridate, p. 593, 647).

[72] Rosdom, en persan Roustem, est longuement célébré dans l’épopée de Firdouzi (Schah-nameh, éd. Mohl dans la Collection orientale, t. I, Préface) « Roustem, fils de Zal, dont la vie a été tant célébrée par Firdouzi, n’a pas été chanté depuis par aucun autre auteur persan (Préface, p. lxi). » La mère de Roustem, ayant dit lorsqu’elle l’eut enfanté: Roustem, c’est-à-dire « je suis délivrée », désira qu’il fut appelé Roustem. L’histoire de Roustem est rapportée avec une foule de particularités (Schah-nameh, p. 340-509). A la page 50 commence le récit des sept aventures de Roustem, qui se continue dans le second volume jusqu’à la page 473. — Cf. aussi d’Herbelot, Bibl. orientale, Manougeher.

[73] Les chants rationnels ou raisonnés, erkh, panhiz ou erkarank panavourk, sont cités à deux reprises différentes par Moïse de Khorène (liv. I, ch. 3, et dans le chapitre dont nous nous occupons). C’étaient des chants simples et naturels, et vraisemblablement conçus dans un but moral qui excluait l’allégorie (Etude sur les chants historiques de l’Arménie, dans le Journal asiatique (1852), — et tirage à part, p. 28).

[74] Le canton de Dzop, qui fait en effet partie de la quatrième Arménie, était connu des anciens sous les noms de Sophène, Sophanène, Tzophanène (Strabon, I. XI, ch. 12, 14. — Pline, I. V, ch. 12. — Ptolémée, I. V, ch. 13. — Procope, de Aedif., liv. III). — Les Syriens le nommaient Tzouphasnia (Aboulfaradj, Chr. syr., p. 490 de la vers. syriaque). Il était divisé eu deux parties: la grande et la petite Sophène, ou Sophène de Schahouni (Indjidji, Géogr. anc., p. 45. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 91 et suiv.).

[75] Le canton d’Abahouni faisait partie de la province de Douroupéran et était situé au bord de la mer de Peznouni, au pied de l’Ararat (Faustus de Byzance, l. IV, 20. — Thomas Ardzrouni, p. 276, 310). — Cf., Indjidji, Géogr. anc., p. 128 et suiv. — Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, 100. — Constantin Porphyrogénète (De adm. imp., ch. 44) appelle les Abahouni, Ἀπαχουνὴς.

[76] Voy. ci-dessus liv. I, ch. 12 et la note.

[77] En arménien slak veut dire « flèche ».

[78] La satrapie des Selgouni se trouvait dans le canton de Daron, province de Douroupéran (Indjidji, Géogr. anc., p. 91). — Les Selgouni furent massacrés lors de leur révolte sous le règne de Tiridate, et leur satrapie passa aux mains de Mamcoun (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 84).

[79] La satrapie des Mantagouni se trouvait dans le canton de Daron, province de Douroupéran. Cette race fut exterminée par Ardeschir, roi de Perse (Cf. Moïse de Khorène, liv. II, ch. 78).

[80] Cf. plus haut, liv. I, ch. 31. — Les Vahnouni furent élevés à la dignité de grands prêtres en Arménie. C’était un droit héréditaire dans cette famille. La grande prêtrise, kermouthioun, fut confirmée par Valarsace aux descendants de Vahakn qui conservèrent leur nom de Vahnouni jusqu’en l’an 89 de J.-C., époque à laquelle Tigrane II les priva de la dignité sacerdotale (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 14). Les pontifes Vahnouni avaient élevé à Arznavir les statues d’Artémis et d’Apollon. Celle d’Hercule, qu’ils avaient assimilé à leur ancêtre Vahakn, fut dressée par eux au village d’Achdichad, dans le canton de Daron (Moïse de Khorène, liv. II, ch. 12).

[81] Cf. liv. I, ch. 31. — La satrapie des Aravénian était située dans la province de Mog, où se trouvait la vallée des Arouvénian, avec une légère différence dans l’orthographe (Indjidji, Géogr. anc., p. 134). — Moïse de Khorène (liv. III, ch. 43) et Lazare de Pharbe (p. 267) mentionnent quelques personnages appartenant à cette famille.

[82] Cf. liv. I, ch. 31, où ces satrapes sont appelés Zarébeavan. Thomas Ardzrouni (liv. IV, ch. 11) les mentionne également. — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 153.

[83] Le canton d’Artzen était situé dans la province d’Agtidznik ou d’Aghdzen (Arzanène ou Arsane d’Ammien Marcellin, de Procope; d’Agathias, etc.). — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 67.

[84] Le Taurus a été l’objet d’une magnifique description qu’on lit dans Pline (liv. V, ch. 27) qui nomme chacune des montagnes de cette immense chaîne, qui s’étend depuis la partie sud-ouest de l’Asie-Mineure jusqu’en Perse. — Cf. aussi notre Voyage dans la Cilicie. Prolégomènes, p. 8 et suiv.

[85] C’est-à-dire toute la région montagneuse qui s’étend depuis le lac de Van, à l’ouest, jusqu’au Tigre. — Cf. plus haut, liv. I, ch. 10, et la note, et liv. I, ch. 23 et la note.

[86] La province de Mog, l’une des grandes divisions de l’Arménie, était bornée au nord par le Douroupéran et le Vasbouragan, à l’est par le Gordjaïk, et au midi par une partie de l’Assyrie. Elle renfermait les montagnes du Kurdistan, et paraît répondre à la Moxoène d’Ammien Marcellin, l. XXV. ch. 7 (Indjidji, Géogr. anc., p. 133). La province de Mog passa aux dynastes du Vasbouragan, sous le règne du roi Sempad, comme nous l’apprend Thomas Ardzrouni, p. 259 et suiv.

[87] Cf. liv. I, ch. 14 et la note.

[88] Le canton d’Antzévatzi était situé dans la province de Douroupéran, au milieu des montagnes actuelles du Kurdistan. Son nom vient de l’arménien antzav qui veut dire « grotte » (Jean Catholicos, cité par Indjidji, Géogr. anc., p. 196).

[89] Le canton d’Aguéatzi faisait partie de la province de Vasbouragan (Indjidji, Géogr. anc., p. 201, note 2).

[90] Le canton de Rechdouni était situé dans le Vasbouragan sur les bords méridionaux du lac de Van qui s’appela aussi de son nom, « lac des Rechdouni » (Indjidji, Géogr. anc., p. 164). C’était une contrée très fertile avant la malédiction donnée par saint Jacques à Manadjir, prince du canton (Moïse de Khorène, l. III, ch. 7). Agathange (p. 593, 647) dit que le chef du canton avait le titre de prince du pays de Rechdouni. L’île d’Aghtamar dans le lac de Van faisait partie des domaines des Rechdouni (Moïse de Khorène, liv. III, ch. 15).

[91] Le canton de Koghten, fertile en vin (cf. plus haut, l. I, ch. 30), faisait partie du Vasbouragan. C’est dans ce lac que se conservèrent avec le plus de persistance les anciennes croyances et les traditions populaires des Arméniens (Moïse de Khorène, liv. I, ch. 30, II, 49, 61). Ce canton appartint pendant assez longtemps aux princes de Siounik et était compris alors dans la province de ce nom. Ptolémée (liv. V, ch. 13, § 9) appelle ce canton Kolqhnh. — Cf. Indjidji, Géogr. anc., p. 212 et suiv.

[92] Arékagen signifie à proprement parler « l’oeil d’Arek », le Soleil apparent que le Zend-Avesta nomme l’œil d’Ormuzd (Anquetil Duperron, Zend-Avesta, t. I, 2e partie, p. 87. — Burnouf, Commentaire sur le Yaçna, ch. I, p. 369 et suiv.). C’était, selon les idées arméniennes, idées qu’ils avaient empruntées à la religion des anciens Perses, la manifestation matérielle de Mihr ou Mithra, fils d’Aramnazd ou Ormuzd (Agathange, p. 586, 588.). Cf. Emin, Recherches sur le paganisme arménien, p. 20-21. — Arékagen était aussi le symbole du dieu sexuel chez l’homme.

[93] Lousin, mot à mot « lumineux » et par extension « la Lune », était le symbole du feu sexuel chez la femme. Moïse de Khorène (Hist. des Vierges, compagnes de sainte Ripsimé, dans ses Œuvres complètes publiées en arménien; Venise, 1843, p. 301, l’appelle le « feu-sœur ». La Lune, chez les Arméniens, était la seconde manifestation matérielle de Mihr. — Cf. Emin, Rech. sur le pag. arm., p. 21-22. — Rapprochez ce que dit Burnouf, Comm. sur le Yaçna, ch. I, p. 369.

[94] Cette loi, qui établissait différentes classes entre les Arméniens, est une de celles qui paraît avoir été le plus longtemps en vigueur non seulement pendant toute la durée du règne des Arsacides, mais encore sous les Bagratides et les Roupéniens. En effet, on trouve, dans le Code de Mékhitar Koch rédigé au douzième siècle, la distinction entre les citadins et les paysans parfaitement définie et réglée de la même manière qu’à l’époque de Valarsace (Ms. de Saint-Lazare de Venise, et de la Bibi, impériale, fonds arm., suppl. n° 53).

[95] Ce canton faisait partie de la quatrième Arménie, et était connu des Grecs sous le nom d’Asthianène ou Austanilis (Ptolémée, liv. V, ch. 13. — Procope, de Aedif., liv. III. — Cod. Justin., liv. I, De magist. Milit.) — Cf. Indjidji, Arma. anc., p. 43 et suiv.

[96] Cf. Moïse de Khorène, liv. II, ch. 21, 32; III, 4. — Jean Mamigonien, Continuat. de l’hist. de Zénob de Glag. — Lazare de Pharbe, p. 12. — Faustus de Byzance, III, 12.

[97] Valarsace régna de 149 à 127 av. J-C.

[98] Arsace Ier régna de 127 à 114 av. J.-C.

[99] Cf. plus haut, liv. II, ch. 8 et la note.

[100] Daniel, III. v. 12 et suiv. — Cf. aussi Josèphe. Antiq. Judaïq., liv. X, ch. 2.

[101] II, Macchab. VI, 18 et suiv. — Cf. aussi Josèphe, Antiq. Judaïq., liv. XII, ch. 7.

[102] Sextus Julius Africanus, auteur chrétien du troisième siècle de notre ère, écrivit en grec une Chronique embrassant l’histoire universelle depuis Adam jusqu’au règne de l’empereur Héliogabale. Des fragments de cet ouvrage nous ont été conservés dans les recueils de Routh et du cardinal A. Maï.

[103] On ne connait d’autre écrivain de ce nom que saint Hippolyte, métropolitain de l’Arabie, qui souffrit le martyre sous le règne d’Alexandre Sévère. Saint Hippolyte avait composé plusieurs ouvrages qui ont été réunis dans la Bibliothèque des Pères.

[104] Ville de la province d’Aghdznik, et capitale de la toparchie de l’Osrhoène, à l’époque des Abgar (S. Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 158). —-Cf. aussi plus bas, liv. II, ch. 27.

[105] Mesrob, surnommé Maschdotz. — Il est probable que l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe fut traduite en arménien, non pas sur le texte original grec, mais sur la version syriaque. Cette traduction arménienne existe encore à présent en manuscrit dans plusieurs bibliothèques, notamment à Edchmiadzin, à Saint-Lazare de Venise et à Paris.

[106] Le canton de Kégharkhouni ou de Kéghakhouni, le plus septentrional des districts de la Siounie, est situé sur les rives sud-est du lac de Sévan, auquel il donnait quelquefois son nom Indjidji. Arm. anc., p. 265. — Saint-Martin. Mém. sur l’Arm., t I, p. 113).

[107] Cette indication d’un classement méthodique d’archives, dès le cinquième siècle de notre ère, est fort intéressante, et c’est, à ma connaissance, la plus ancienne mention que l’on trouve dans l’histoire de l’Orient d’une organisation spéciale des documents conservés dans un dépôt d’archives.

[108] Ardaschès ou Artaxès I régna de l’an 114 à l’an 89 de notre ère.

[109] Aucune monnaie de ce prince ne nous est parvenue.

[110] Le Hrastan ou Hourasdan, actuellement Zangou-Ked ou Zingui-Sou, prend sa source dans le Kara-boghaz et reçoit les eaux d’une autre rivière qui est alimentée par celles du lac de Sévan. Il traverse Erivan et va se jeter dans l’Araxe. — Cf. la carte de la Transcaucasie publiée par le comité topographique du Caucase, 1853.

[111] Mithridate le Grand régna de l’an 123 à l’an 65 notre ère.

[112] Cf. Pline, Hist. nat. liv. XXXVI, ch. 4, § 1 (éd. Littré, dans la Collection des auteurs latins de M. Nisard, et Cédrénus, p. 265.

[113] La guerre civile de Marius et de Sylla.

[114] Moïse de Khorène et les autres historiens arméniens, après lui, semblent avoir confondu ensemble les expéditions d’Ardaschès avec celles de son fils Tigrane, car les Grecs attribuent au second toutes les conquêtes que Moïse met sur le compte de son père Ardaschès. Saint-Martin, dans son ouvrage posthume intitulé: Fragments dune Hist. des Arsacides (t. I, p. 62 et suiv.), a cherché à concilier les récits des Grecs et des Arméniens, en expliquant comment il a pu se faire que ceux-ci ont confondu Ardaschès avec Tigrane qui portait, au dire d’Appien (De bello Mithrid, civ), le même nom que son père. Ce qui est certain, c’est que les expéditions que Moïse dit avoir été faites par Ardaschès ne sont admissibles dans l’histoire qu’à la condition de les considérer comme étant les mêmes que celles que Mithridate, aidé de Tigrane, son parent et son allié, entreprit contre les Romains.

[115] Tigrane II régna de l’an 89 à l’an 36 avant notre ère.

[116] Selon le témoignage de Plutarque (Lucullus) et d’Appien (Bell. Mithr., viii), Mithridate aurait été le beau-père de Tigrane. — Cf. aussi Memnon, dans les Fragm. hist. graec. de M. Ch. Müller, t. III, page 59, § 43.

[117] Cf. J.-B. Emin, Recherches sur le pagan. arm., trad. d’A. de Stadler, passim.

[118] Josèphe, qui parle de cette expédition de Tigrane en Palestine (Antiq. jud., liv. XIII, ch. 24; — Bell. jud., liv. I, ch. 4), dit en effet que ce prince, après s’être emparé de Ptolémaïs, et avoir reçu les ambassadeurs d’Alexandre, qu’il renvoya avec des paroles d’espérance, rentra dans ses États, parce qu’il avait appris l’invasion de l’Arménie par Lucullus, qui ravageait tout le pays.

[119] Elle est appelée Séléné par Josèphe.

[120] Cette montagne, située dans la province d’Artzakh, donna son nom à un des quatorze cantons de cette contrée (Cf. Géogr. de Moïse de Khorène, dans Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 364-365)

[121] Les événements résumés dans ce chapitre, touchant Tigrane, Mithridate et leurs enfants, sont longuement racontés par les écrivains grecs et latins, avec des détails qui démontrent clairement que Matas n’a que très imparfaitement compulsé les monuments historiques étrangers qui concernaient les annales de son pays. Les sources où il a puisé ses informations étaient ou abrégées ou inexactes, et son récit renferme des détails erronés qu’il serait puéril de signaler. Au surplus on n’a qu’à recourir aux sources originales grecques et latines pour s’assurer que le récit de Moïse est très exact, et à consulter sur tous ces événements, Strabon (Géogr., liv. XI, ch. 14, § 15), Dion Cassius (Hist. Rom., liv. 36, 37, 40, 49), Appien (Bell. Syriac. et Mithr.), Eutrope (Hist. rom., VI, 6, et suiv.), Justin (Hist. univ., liv. XXXVIII), Cicéron (Discours en faveur du roi Déjotare. Discours en faveur de la loi Manilia; init.), Plutarque (Lucullus, Pompée, Antoine), Josèphe (op. cit., loc. cit.), Vell. Paterculus (liv. II, 18, 37, 40), qui donnent les renseignements les plus circonstanciés, sur le jeune Tigrane, sur sa révolte contre son père, sa fuite à Rome, etc., événements que notre auteur a complètement passés sous silence.

[122] Les historiens grecs et romains disent que Mithridate chercha à s’empoisonner; mais, le poison n’ayant plus sur lui aucune action, il se fit tuer par un Gaulois, en l’an 63 av. notre ère.

[123] Josèphe, Guerre des Juifs, liv. I, ch. 5. — Antiq. jud., liv. XIV, ch. 3, § 4.

[124] Vartkès est l’un des anciens noms de la ville de Vagharschabad, qui dans l’origine reçut le nom de Ardimet kliaghakh, ou « ville d’Artémis ». Elle fut fondée, à ce que l’on croit, par Erouant Ier. Le nom de Vartkès ou Vartkisi-avan, lui fut ensuite donna à cause d’un prince arménien appelé Vartkès, mari de la sœur d’Erouant (Moïse de Khorène, Hit. d’Arm., liv. II, ch. 62). Vagharsch, vers la fin du deuxième siècle, la ceignit de murailles, lui donna son nom et y fixa sa résidence. Elle reçut aussi le nom de Nor-khaghakh « nouvelle ville », et c’est sous cette appellation qu’on la trouve aussi rappelée dans le livre d’Agathange, dans l’Histoire de Moïse de Khorène et dans celle de Lazare de Pharbe, p. 64.

[125] Voyez plus haut, liv. I, ch. 14.

[126] Quelques mss. écrivent ce nom Arschez, mais c’est une erreur des copistes.

[127] Le nom de ce personnage est donné sous la forme Βαρζαφάνης, par Josèphe (Antiq. jud., liv. XIV, ch. 23, 24, 15. — Bell. jud., liv. I, ch. 11).

[128] Au dire de Cicéron (Lettres 219, 226, éd. Nisard, t. V, p. 204, 209) et de Justin (l. XLII, § 4.), ce Pacorus ou Bakour était fils d’Orode, roi des Parthes. Josèphe (Antiq. jud., liv. XIV, ch. 24) dit aussi que Pacorus était fils du roi des Parthes, sans donner le nom de son père; mais il comble cette lacune, dans sa Guerre des Juifs (liv. I, ch. 11) ,en disant que Pacorus était fils du roi Lysanias, qui avait succédé à Ptolémée son père, fils de Mennéus (Maanou des Syriens). Nous ferons cependant observer que cette généalogie est tout à fait erronée, car Orode était fils de Phraate III et frère de Mithridate III. Ce dernier périt assassiné par Orode et fut remplacé par lui sur le trône des Parthes, en l’an 53 av. notre ère.

[129] Selon Josèphe (Antiq. jud., liv. XIV, ch. 24), le nom du grand échanson était Pacorus, comme le fils du roi des Parthes.

[130] Cf. plus haut, liv. II, ch. 7.

[131] Masandan était une forteresse de l’Idumée, située à peu de distance de la mer Morte, et qui faisait autrefois partie de la tribu de Juda. M. de Saulcy, dans son Voyage autour de la suer Morte, a retrouvé son emplacement.

[132] Marisa, Marissa ou Marésa, était une ville de la tribu de Juda, qui est citée dans le liv. II des Paralipomènes, ch. XI, v. 8; XIV, 9-10; XX, 37. — Mich., I, 15. — II Macchab., XII, 35.

[133] Cf. Josèphe, Antiq. jud., liv. XIV, ch. 23-25. — Antiq. jud., liv. I, ch. 11.

[134] Cf. Josèphe, Antiq. jud., liv. XIV ch. 26. — Bell. jud., liv. I, ch. 12.

[135] Appien et d’autres écrivains assurent que cette princesse était à la fois la sœur et la femme de Ptolémée Dionysos.

[136] Cf. Josèphe, Antiq. jud., liv. XIV, ch. 27, 28, liv. XV, ch. I et suiv. — Bell. jud., liv. I, ch. 12-14.

[137] Ardavazt I, associé au trône par son père Tigrane, en l’an 56 avant notre ère, reste seul maître du pouvoir en 36. Il est fait prisonnier par Antoine en 34, et mis à mort en Egypte.

[138] Canton de la province de Douroupéran, que Thomas Ardzrouni et Vartan placent dans le canton de Peznouni.

[139] Ce nom me parait être altéré, et il n’est pas impossible d’y reconnaître le nom de la province de Douroupéran, qu’uns erreur de copiste aurait dénaturé en celui d’Arpéran (Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 193, note 2).

[140] Selon Moise de Khorène (Hist. d’Arm., II, 61-62); Ardavazt II aurait agi de la même façon avec les membres de sa famille.

[141] Cf. sur tous ces événements les historiens grecs et romains, notamment : Appien, Bell. Parth., ad calc. — Plutarque, Lucullus. — Dion Cassius, Hist. rom., liv. XL, XLIX. — Velléius Paterculus, Hist. rom., l. II, passim. — Josèphe, Antiq. jud., liv. XV, ch. 5. — Bell. jud., liv. I, ch. 13. — Les historiens occidentaux racontent d’une manière très différente les événements accomplis en Arménie à cette époque de troubles et de confusion. Moïse de Khorène, qui n’a eu en vue dans son Histoire que de rapporter les faits relatifs à la branche royale des Arsacides, a passé sous silence tous les événements qui eurent lieu dans la Haute Arménie, alors au pouvoir des Romains, et il s’est borné seulement à donner le récit des faits accomplis dans l’Arménie inférieure et dans la Mésopotamie. Aussi, pour se faire une idée exacte de la situation de l’Arménie à l’époque où nous sommes arrivés, il faut tenir compte des renseignements que nous ont fournis les historiens romains, et recourir aux sources latines qui sont fort abondantes. Nous nous contenterons de mentionner sommairement les plus importantes, parce que les faits qui sont rapportés dans les livres de ces écrivains sont suffisamment connus. Nous renvoyons donc le lecteur aux ouvrages de Josèphe, de Tacite, de Florus, de V. Paterculus, de Suétone, de Dion Cassius, d’Orose, etc., qui entrent dans les détails les plus circonstanciés sur les victoires de Corbulon, la puissance de Pharsmane, roi d’Ibérie, l’établissement de son frère Mithridate sur le trône d’Arménie et sa fin malheureuse, les aventures de Rhadamiste, fils de Pharsmane, et l’avènement de Tiridate, frère de Vologèse, roi des Parthes, qui sembla mettre un terme aux malheurs de l’Arménie.

[142] Arscham régna à Nisibe, avec l’assentiment des Parthes, de l’an 38 à l’an 10 avant notre ère.

[143] Ce nom de Manova, qui est une forme de l’appellation syrienne Maanou, était en effet le nom que les Syriens donnaient à Arsame ou Arscham, puisque nais le trouvons ainsi mentionné par Denys de Thelmehr (Chron. syr., p. 71, éd. Tullberg), qui lui attribue également le surnom de Sapheloul. L’appellation Maanou, dont les Arméniens avaient fait Manova, se retrouve sous la forme Monobase, et c’est en effet sous cette forme que nous la voyons mentionnée dans Josèphe (Antiq. jud., liv. XX, ch. 2 ),qui dit que Monobase, probablement le même que notre Arscham, était roi de l’Adiabène, Μονόβαζος ὁ τῶν Ἀδιαβηνῶν βασιλέυς.

[144] Cf. Josèphe (Antiq. jud., liv. XV, ch. 2), qui dit que Phraate, roi des Parthes, rendit la liberté à Hyrcan, après l’avoir comblé d’honneurs. L’historien juif ne parle en aucune façon d’une rançon promise par Hyrcan, et de l’intervention d’Enanus dans la grâce accordée au grand-prêtre des Juifs par le roi des Parthes.

[145] Cf. Josèphe, Antiq. jud., liv. XV, ch. 9. — Bell. Jud., liv. I, ch. 17.

[146] Ce nom est altéré et doit vraisemblablement se lire Azaria.

[147] Thomas Ardzrouni, qui rapporte ces événements, loin de la Mésopotamie, il lui donne l’administration du pays et donne en outre des détails circonstanciés sur la façon dont Enanus, attaché au gibet, fut délivré à la prière de Dchadchour, prince de la maison des Ardzrouni (Hist. des Ardzrouni, p. 48).

[148] Josèphe, Antiq. jud., liv. XV, ch. 11-14; liv. XVI, 19. — Bell. jud., liv. I, ch. 15, 16.

[149] Quelques mss. écrivent ce nom sous la forme Timon, qui est vicieuse.

[150] Abgar, surnommé Ouchama par les Syriens, est appelé Monobaze par Josèphe. Il régna de l’an 5 avant J.-C., à l’an 32 après notre ère.

[151] L’étymologie du nom d’Abgar, donnée ici par Moïse de Khorène, est erronée, et, bien que Jules l’Africain, cité par Eusèbe (Chron., II, p. 296), semble confirmer son explication « à Edesse régna Abgar, homme parfait », cependant rien n’autorise à l’admettre.

[152] Cf. Josèphe, Antiq. jud., liv. XIV, ch. 27 liv. XVII, ch. 10. — Bell. jud., liv. I; ch. 13, 21.M de Saulcy vient de publier tout récemment (Paris, 1857) une Histoire d’Hérode, où l’auteur a rassemblé tous les documents qui peuvent jeter un jour nouveau sur cette période des annales juives, dont les événements présentent une foule de complications.

[153] Cf. Emin, Rech. sur le pag. arm., trad. d’A. de Stadler, p. 33 et suiv.

[154] Ce qui est entre crochets [ ] est une addition que l’on trouve seulement dans deux manuscrits.

[155] Voir plus bas, les ch. 28 et 58 du liv. II.

[156] Cf. Agathange.

[157] Khosran est peut-être une altération pour Khouran qu’on lit dans Thomas Ardzrouni, p. 49-53.

[158] Cf. Josèphe, Antiq. Jud., liv. XVIII, ch. 6.

[159] Un manuscrit donne la variante Sariha.

[160] Deux mss., au lieu du mot khosial, qui veut dire « ayant fui ou évité », donnent la variante khouschiol, qui a la signification de « ayant été persécuté ou tourmenté ». Cette dernière acception doit être préférée, selon moi.

[161] Cf. Tertullien, Apol., ch. V.

[162] Cf. Suétone, Tiber., ch. 41,40. — Tacite, Annal., VI. — Vell. Paterc., liv. II, ch. 39.

[163] Cf. Tertullien, Apol, ch. V.

[164] Il s’agit ici de Simon le Cananéen, comme l’indiquent les martyrologes arméniens.

[165] Trois mss. donnent la variante, roi des rois.

[166] Selon deux mss. trente-deux ans.

[167] Un ms., sur le chemin. — La légende de ces saints dit: dans la montagne.

[168] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 509. — Le non de cette localité est altéré dans tous les martyrologes et dans tous les historiens.

[169] Ce nom est corrompu et paraît, d’après les plus anciens martyrologes arméniens, devoir se lire : dans le pays des Bretons, ce qui est conforme à la lecture que nous trouvons dans le martyrologe grec.

[170] Les faits que rapporte ici Moïse en abrégé sont relatés dans les martyrologes arméniens et les Vies des Saints — Cf. aussi J-B. Aucher, Vies des Saints arm. (en arm.), t. IV, p. 14-62.

[171] Actes des Apôtres, XI, 28; XXI, 10.

[172] Antiq. Judaïq., liv. XX, ch. 24. — cf. aussi Tchamitch, Hist. d’Arm.,t. I, p. 689.

[173] Josèphe, Antiq. jud., XX, 4, 3. — Eusèbe, Hist., eccl, II, 12. — Pausanias (VIII, 16) parle de ce tombeau comme d’une merveille. — Voyez sur ce monument les descriptions qu’en ont données les derniers voyageurs, et notamment MM. de Saulcy et Renan, dans les relations de leurs voyages en Palestine.

[174] Le mot arménien dourk signifie « don ».

[175] Lorsque j’ai publié le 1er volume de la Collection des historiens d’Arménie, je n’avais pas eu de l’apparition d’un ouvrage posthume du révérend Cureton (Ancient syriac documents,... éd. W. Wright; Londres, 1864, in 4°.), dans lequel le texte syriaque de Léroubna a été donné d’après un ancien manuscrit provenant du monastère de Sancta Maria Delpara de Nitrie (Tue doctrine of Addaeus the Apostle, p. 6 et suiv. de la vers. anglaise; p. 6 et suiv. du texte syriaque). Depuis j’ai eu cet ouvrage entre les mains, et je profite de cette occasion pour rectifier ici le nom de Léroubna que Moïse de Khorène a donné sous une forme altérée, et qui doit se lire Labouhna fils de Ebed-Schaddaï. A la lin de ce volume, je publierai, en addition au 1er volume de notre Collection, la traduction française de la doctrine d’Addée par Laboubna, d’après le texte syriaque original, et j’expliquerai les motifs qui m’ont engagé à donner une version française de ce texte qui servira de contrôle à la traduction arménienne et à l’abrégé qu’en a donné Moïse de Khorène.

[176] Ce prince, qui était monté sur le trône l’an 36 et mourut en 58 de notre ère, est appelé Izate par Josèphe (Ant. jud., XX, 2, 3, 4).

[177] Erouant monta sur le trône d’une partie de l’Arménie l’an 58 et régna jusqu’en 78.

[178] Cf. Moise de Khorène, Hist. d’Arm., liv. II, ch. 3, 7.

[179] Canton de la Persarménie (Indjidji, Arm. anc., page 155).

[180] La Syspiritis de Strabon (Géogr., liv. XI, ch. 14 § 12), et de Constantin Porphyrogénète, appelée Sispira, par Cicéron, était située dans la Haute Arménie.

[181] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 26.

[182] Cf. Indjidji, op. cit., p. 26, note 3.

[183] Ce récit des événements relatifs au règne d’Erouant est différent de ceux que nous ont transmis Josèphe et Tacite. Ces historiens racontent qu’un prince du nom de Tiridate, roi de l’Arménie supérieure, après qu’il est été couronné par Néron, combattit contre les Alains qui avaient envahi la Médie et les pays voisins, et mourut vers l’an 62 après notre ère. Erouant, qui était déjà maître den provinces de l’Arménie inférieure, obtint des Romains la possession des États de Tiridate I, et leur céda Edesse et toute la Mésopotamie. — Cf. Josèphe, Antiq. jud., v. XVIII, 48. — Tacite, Annal., II, 3; XIII, 34 et suiv.; XIV, 26; XV, 1 et suiv.

[184] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 391.

[185] Cf. sur ce fleuve, que les Turcs nomment l’Arpahtschaï, Indjidji, Antiq. de l’Arm., t. I, p. 149. — Saint-Martin, Mém., t. I, p. 39.

[186] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 894.

[187] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 392 et suiv.

[188] Ardaschès III fut rétabli sur le trône de son père Sanadroug par Vologèse Ier, et régna sur toute l’Arménie. C’est cet Ardaschès que les Grecs nomment Exédarès ou Axidarès. Il fut plusieurs fois rétabli et chassé par les Romains, et eut pour compétiteur le Parthe Parthamasiris que Trajan renversa de son trône. Ardaschès III régna de l’an 78 à l’an 120 de notre ère.

[189] La province d’Oudi est appelée Otène par les Grecs et les Latins. (Pline, Hist. nat., VI, 16, 2; xii, 28, 2. — Et. de Byzance, de Urb. verb., ‘Wthnh.) C’est par erreur que les anciennes éditions de Ptolémée (l. V, c. 13. § 9) donnent ce nom sous une forme altérée Μυτηνή ou Τωτηνή; mais les meilleurs mss. portent tous la véritable leçon, qui est Ὠτηνή. — Cf. sur la province d’Oudi, Indjidji, Arm. anc., p. 334.

[190] Cf. Moïse de Khorène, Hist. d’Arm., l. II, ch. 7. 51.

[191] Lazare de Pharbe (Hist. d’Arm.) nous apprend que les trompettes sonnaient également pour annoncer la présence du générai en chef des armées.

[192] Pharsmane I régna, selon l’Hist. de Géorgie de Wakhtang, de l’an 72 à l’an 87 de notre ère. Selon cette histoire, il était contemporain d’Iarwand (Erouant), roi d’Arménie, qui lui enleva plusieurs villes et des territoires de son royaume, et tyrannisa les Ibères qui étalent alors sous la dépendance des Arméniens (Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 65.)

[193] Le mot khan, qui est seulement usité avec cette acception dans Moïse de Khorène, est un mot persan qui signifie caravansérail, et par extension poste aux chevaux.

[194] Le nom d’Erouantavan est composé de l’appellation « Erouant » et du verbe canel, qui a la signification de battre, mettre en fuite.

[195] Amad est un mot persan qui veut dire « il vient ».

[196] Mahartzan, mot composé de mah « mort » et artzan « colonne, tour, pyramide » et par extension « tombeau, monument funéraire, mausolée ».

[197] Indjidji a donné la description des vêtements et des insignes du grand officier qui occupait le second rang à la cour d’Arménie (Antiq. de l’Arm., t. II, p. 28). Procope parle également du costume que portaient les satrapes à l’époque de Justinien, qui reconstitua l’administration du pays en plaçant à la tête du gouvernement de la liante Arménie un maître de la milice, otrathgoV, et, comme chefs des autres contrées comprises entre l’Euphrate et Amid, cinq satrapes, satrapai, qui jouissaient de l’hérédité et recevaient de l’empereur l’investiture. Ce costume se composait d’un manteau de laine, non de brebis, mais provenant d’un coquillage de mer, appelé vulgairement pinna qui la produit (Cf. Pline, Hist. nat., IX, 14, 15), et d’un vêtement de pourpre avec des broderies d’or. Le manteau était agrafé avec un ornement d’or portant une pierre précieuse enchâssée et à laquelle étaient suspendues des chaînettes d’or avec trois saphirs (Pline, XXXVII, 9, 41); une tunique de soie ornée de galons d’or, nommes vulgairement ploummia; enfin des brodequins de pourpre montant jusqu’au genou, privilège spécial des empereurs romains et des rois de Perse.

[198] Trois mss. écrivent ce nom Timaghisian, qui devrait se traduire par Balafré.

[199] Selon plusieurs mss., « près des autels ». On sait que Pakaran veut dire « lien des autels ».

[200] Mot composé de mok, « mage » et de baschdonia, « serviteur ».

[201] Cet historien, auquel Moïse s’est souvent ré pour écrire son livre, ne nous est pas connu autrement que par cette mention. Olympius était grand prêtre d’Aramazd à Ani. (Moise de Khorène, Hist. d’Arm., liv. II, ch. 12, 14, 53.)

[202] Cf. plus haut, liv. I. ch. 30.

[203] C’est une allusion à l’invasion de Corbulon en Arménie, et à l’incendie d’Ardaschad. — Voyez plus bas, ch. 54.

[204] Ardaschad ou Artaxata, comme la nommaient les Grecs et les Latins, était la capitale de l’Arménie. Cette place, fondée par Annibal, alors qu’il était réfugié à la cour du roi Artaxias, et dont il donna le nom à la ville élevée sur ses plans et par ses soins, fut restaurée par Tigrane après l’incendie, et prit dès lors le nom de Neronia. Le désaccord qui existe entre le récit de Moïse, relativement à la fondation d’Ardaschad, et ceux d’écrivains antérieurs à Ardaschès II, comme Strabon et Pline, ou contemporains, comme Tacite, Florus, Plutarque et Juvénal, fait supposer que 1° Ardaschad fut fondée par Ardaschès I ou Artaxias, et restaurée par Ardaschès II qui lui rendit son nom d’Ardaschad, d’autant plus que celui de Neronia était tombé en oubli; 2°la position d’Ardaschad, selon Moïse, étant différente de celle que lui assigne Strabon, il peut se faire que l’Ardaschad de Moïse n’est pas la même que celle de Strabon et que ce nom aura été appliqué par les étrangers à la ville de Vagharschabad, appelée anciennement Ardimet ou Ardimetaschad, et dont les ruines se voient non loin de la résidence patriarcale d’Edchmiadzin. — et Indjidji, Arm. anc., p. 485-497. — Storia di Mose Corenese, p. 187-188, note 3.

[205] Les Alains, nation scythique, habitaient les steppes au nord du Caucase. (Pline, Hist. nat., liv. IV. 15.) Les Alains, qui étaient fort turbulents et sans cesse préoccupés d’envahir l’Asie pour y commettre des ravages, furent en butte aux représailles des Romains. Arrien (adv. Alanos; ad calc. Tactitae) nous a conservé le récit d’une campagne contre les Alains, qui fut faite à l’époque d’Adrien. Les Alains, au dire de Josèphe (Bell. jud., liv. VII, ch. 7, § 4), avaient fait de fréquentes irruptions dans l’Asie méridionale, et leurs incursions causèrent souvent de grands troubles dans les régions de la Transcaucasie, même durant le moyen âge. Nous verrons plus loin (liv. II, ch. 85), que Moïse de Khorène, en parlant de la guerre que Tiridate soutint contre les peuplades scythiques campées de l’autre côté du Caucase au nord, nomme la nation avec laquelle combattit le roi d’Arménie les Pasils. Cette tribu est en effet une de celles qui figure dans la nomenclature donnée par Moïse dans sa Géographie (Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 354-355), et qu’il nomme la tribu des Parsagh. On doit supposer, d’après les divers témoignages que l’histoire nous a laissés, que les Pasils devaient former un groupe de la grande nation des Alains nom génétique sous lequel on avait coutume de désigner, à l’époque dont nous nous occupons, et même plus tard encore, certaines tribus scythiques et sarmates répandues dans les steppes qui s’étendent au nord de la chaîne caucasique.

[206] Deux mss. donnent la variante « O toi, brave guerrier, valeureux Ardaschès. »

[207] Ce passage est assez obscur; le mot à mot est: le brave Ardaschès pourra-t-il me donner mille fois mille et dix mille fois dix mille ...

[208] Le mot laïkha ou lakha n’est employé que cette seule fois par Moïse de Khorène, et le sens en est assez obscur.

[209] Cette coutume est encore usitée en Orient, au nom des chrétiens et des musulmans de distinction. Les parents des époux jettent au menu peuple et aux serviteurs des piécettes d’or et d’argent, pendant les cérémonies du mariage. — En Perse, le schah distribue également une grande quantité de numéraire, frappé spécialement pour la circonstance, aux seigneurs de la cour, lors du renouvellement de l’année, et pendent les fêtes du mariage des membres de la tiraille souveraine. Tout dernièrement, aux noces du prince héritier de Perse, qui ont été célébrées à Tauris, avec une pompe immense, les officiers qui accompagnaient la princesse, de Téhéran à Tauris, répandaient à profusion sur toute la route des piécettes d’argent fort minces, et frappées seulement d’un seul côté. (Extr. d’une lettre particulière.)

[210] Cf. plus bas, ch. 53, 55, 64, 66.

[211] Ce passage est assez obscur, et peut avoir été corrompu par les copistes.

[212] Le mot tragoudikon qui est grec et qui signifie « dragon » a le sens de « paille ou défaut ». On dit vulgairement en français: « Il a un dragon dans l’œil », en parlant de quelqu’un qui a une tache ou un défaut dans l’œil.

[213] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 201.

[214] Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 319. — Faustus de Byzance, liv. V, ch. 14.

[215] Indjidji, Arm. anc., p. 214.

[216] Dans la province de Gordjaïk ou des Kurdes (Saint-Martin, Mém., t. I, p. 176) était compris le canton de Gortik, la Cortœa de Ptolémée, où s’élevait la forteresse de Dmoris (Indjidji, Arm. anc., p. 146). — Cf. Faustus de Byzance, liv. V, ch. 10.

[217] Ville de la province de Meg, sur laquelle nous n’avons pas d’autres renseignements que cette simple mention de Moïse de Khorène.

[218] Il est question de cette guerre que les Ibères firent aux Arméniens, dans l’Hist. de la Géorgie (Ed. Brosset, t. I, p. 69-70, et notes); seulement le nom du roi Khartzam que donne Moïse de Khorène ne peut pas s’appliquer à celui de Kartham, premier roi d’Armax, qui était mort depuis longtemps. La guerre dont il est question ici eut lieu sous les règnes d’Azorc et d’Armazel, et il est fort difficile d’admettre une ressemblance quelconque entre les noms d’Armazel et de Khartzam. Toutefois le récit de Wakhtang (Hist. de Georg., t. 1, p. 70) ne permet pas de douter que les événements dont il parle ne soient bien les mêmes que ceux dont il est question dans l’Histoire de Moïse. Quelques années après, l’Ibérie ayant réparé les désastres causés par les Arméniens, les Ibères s’unirent aux Osses pour marcher contre l’Arménie. Les troupes arméniennes et les deux fils du roi, avec Soumbat (Sempad), combattaient alors contre les Perses. Les Ibères ayant multiplié leurs attaques, le roi Artachan (Ardaschès) confia à son fils Zarèn (Zareh) une année pour combattre les Ibères. On en vint aux mains dans le Djawakheth, et Zarèn fut vaincu et fait prisonnier. On l’enferma dans le fort de Darial; mais il fut rendu en échange d’une portion de territoire qui leur avait été enlevée. L’historien géorgien parle ensuite d’une campagne qui eut lieu trois ans après celle-ci et qui fut suivie d’une paix entre les deux pays. (Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 70-71.)

[219] Il y a dans tout ce récit de Moïse une grands confusion, et il n’est pas admissible qu’il soit ici question de l’empereur Domitien que l’historien arménien a confondu avec Cneius Domitius Corbulon, qui, à ce que raconte Tacite (Annal., XIII, 41), incendia Ardaschad et remporta de grands triomphes en Arménie, sous le règne de Néron.

[220] Ardaschir, fondateur de la dynastie sassanide, régna de l’an 223 à l’an 238 de notre ère.

[221] Pour mettre d’accord ce récit avec celui qui est contenu dans le ch. 77, où il est dit qu’Ardaschir fit remplacer les bornes dressées par Ardaschès en Arménie et qui portaient son nom, il faut admettre qu’Ardaschir avait fait renouveler le bornage dans les deux états, espérant que cette invention lui serait attribuée et que les bornes qu’il avait fait placer feraient oublier celles dressées en premier lieu par Ardaschès.

[222] On croit généralement que Hamadan fut élevée sur les ruines de l’ancienne Ecbatane, en Médie. — Cf. la description très détaillée de cette ville célèbre dans le Dictionnaire géographique de la Perse, extrait du Modjem el-Bouldem de Yakout, traduit et publié par M. Barbier de Meynard, p. 597 et suiv.

[223] L’interpolation qui est entre [ ] n’existe que dans certains mss.

[224] Nous avons donné une courte notice sur Ariston de Pela, dans les extraits de Moïse de Khorène, publiés à la fin de ce volume, et le texte grec d’un fragment de l’Hist. ecclésiastique d’Eusèbe qui a trait à la révolte de Barcocébas.

[225] Biththera, biqqhra. — Cf. Eusèbe, Hist. eccl., IV, 6.

[226] Le nom d’Hadrien était Aelius, Αἴλιος, que Moïse a confondu avec Ἥλιοςl. — et Eusèbe, Hist. eccl, IV, 6, et les notes de Valois.

[227] Le mot Zioukosdad, qui ne se rencontre que dans Moïse de Khorène, n’a pas de signification hem précise.

[228] Ariston de Pella était secrétaire de Marc, évêque de Jérusalem.

[229] Cf. Agathange.

[230] Ardavazt IV monta sur le trône en l’année 120 après notre ère; il était fils d’Ardaschès III (Exaradès ou Axidarès des Grecs), fils de Sanadroug.

[231] Tchamitch (Hist. d’Armé ais, en arm., t. I, p. 352-353, et t. III, p. 406) donne à Ardavazt deux ans de règne, ce qui prouverait que le mot jours, avourtz, ne doit être pris ici qu’au figuré, et qu’il veut dire dans ce passage, un temps indéterminé.

[232] Petite rivière de la province d’Ararat, appelée aussi Medzamor par l’historien Vartan (Hist. univ. p. 35, éd. de Venise). — Cf. Indjidji, Géogr. ancienne, p. 467. Le mot Kadch, qui a en arménien le sens de brave et de vaillant, s’applique ici à une classe d’esprits supérieurs qui jouaient un rôle important dans la mythologie arménienne.

[233] Selon M. Emin, les Kadch étalent des esprits bienfaisants, en opposition avec les Dev, ou esprits matins. (Recherches sur le paganisme arménien, p. 39-40 de la tr. fr.)

[234] Le dimanche.

[235] La légende d’Ardavazt passa en Géorgie, où elle subsiste encore dans la tradition populaire, et elle a été rapportée par M. Emin dans sa Dissertation sur les chants populaires (en arm., p. 41-42). Seulement, en passant dans ce pays, elle a pris une couleur chrétienne, sans cependant perdre le sens de la légende primitive. M. Hissarian (dans le journal arménien de Constantinople, le Panaser, mai 1851, p. 239-244) a publié sous le titre de « Chant du Koghtèn » le récit de la légende d’Ardavazt; mais l’authenticité de cette pièce est très douteuse. (Cf. L’Europe, de Vienne, journal arménien des Mékhitaristes, 1851, n° 34).

[236] Diran I régna de l’an 121 à l’an 142 de notre ère.

[237] Le Kaïlad, diminutif de kaïl (loup), était situé dans la province d’Ararat. — Cf. la Géographie attribuée à Moïse de Khorène, dans les Mémoires sur l’Arménie de Saint-Martin, t. II, p. 366-367.

[238] Ouchgabarig est le nain d’une divinité inconnue du paganisme arménien, que les traducteurs ont appliqué sans raison soit aux Sirènes, soit aux Hippocentaures. (Cf. Emin, Recherches sir le paganisme arménien, p. 36) Ainsi, dans la traduction grecque de la Chronique d’Eusèbe, les Sirènes dont parle Apollodore sont appelées Ouchgabarig (t. I, p. 12. 13 de l’éd. Aucher), et Moïse de Khorène, en rappelant ici le combat des Lapithes et des Centaures, d’après Bardesane, se sert également de la même expression. Grégoire Magistros dans sa lettre à Thomas Mamigonien, désigne également les Sirènes sous le nom d’Ouchgabarig. (Chronique d’Eusèbe, éd. Aucher, p. 13, note 1.)

[239] Les Bagratides qui descendaient du juif Schampa Pakarad, conservèrent longtemps leur religion, après que le chef de la famille fut entré au service de Valarsace fondateur de la dynastie arsacide d’Arménie. Ils furent même pressés à plusieurs reprises d’abandonner leur foi religieuse pour embrasser le culte des idoles. (Moïse de Khorène, II, 8, 14.) S’étant convertis au christianisme, les Bagratides continuèrent à jouer un grand rôle politique en Arménie, et à la chute des Arsacides cette famille avait conquis le premier rang parmi les satrapes du palais (Indjidji, Archéol. de l’Arm., t. II, p. 90-108). Les Bagratides fondèrent même une dynastie au neuvième siècle, dont le siège fut la ville d’Ani.

[240] Tigrane ou Dikran III régna de 142 à 178 de notre ère.

[241] Le texte arménien dit une longue vie.

[242] Script. hist. August.; Cf. Jules Capitolin (Vie d’Antonin, c. 8) qui parle de cette campagne de Bérose.

[243] Lucius Aurélius Vérus Commodus Antonius, dont il est question dans l’Histoire de Jules Capitolin (Vie d’Antonin, passim; de Verus, et 6 et 7).

[244] L’Arménie Kurde, la Gordyène ou Cordouène des anciens (Ptolémée, liv. V, ch. 13. —Strabon, liv. XI, ch. 14. —Plutarque, Vies de Lucullus et de Pompée. — Dion, liv. XXXVII. — Ammien Marcellin, XXIV. 8; XXV, 7. —Pline, VI, 15). —Cf. Saint-Martin, Mémoires sur l’Arm., t. I, p. 176 et suiv., et plus haut p. 24. col. 1, note I.

[245] Ce prince s’appelait aussi Vologèse; il régna de 178 à 198 de notre ère.

[246] La Phasiane de Constantin Porphyrogénète (de adm. imp., ch. 45). — Cf. plus haut, p. 45, col. 2, note 1.

[247] Le Musis de Pline, Hist. nat., liv. VI, ch. 10.

[248] Indjidji, Géogr. anc., p. 671.

[249] Indjidji, Géogr. anc., p. 345.

[250] Cette rivière, qui vient du mont Arakadz, coule du nord au sud et arrosait les villes de Valarsabad ou Vagharschabad et de Garpi, dont elle prit les noms. Le nom de rivière de Garpi lui est resté (Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, 11, p. 39 et 40). — Cf. Indjidji, Arm. anc., p. 472, et Arm. mod., p. 255.

[251] Vartkès, littéralement à la chevelure rose.

[252] Ardimet et Vartkès étaient les noms primitifs de la ville de Vagharschabad (Indjidji, Arm. anc., p. 472).

[253] M. Emin, dans sa Dissertation sur les chants historiques de l’ancienne Arménie, a coupé les vers qu’on vient de lire d’une autre manière que les Mékhitaristes dont nous avons adopté ici le système (Cf. Storia di Mose Corenese, versione italiana: Venise, 1850, p. 216). Voici comment le savant orientaliste russe a divisé les vers du fragment poétique en question (Dissertation... p. 93-94)

Vartkès, encore enfant, — étant parti
Du canton de Douh, — » près du fleuve Kasakh,
Va se fixer — près de la colline de Chérech,
Près de la ville d’Ardimet, — près du fleuve Kasakh,
Pour tailler et sculpter la porte — d’Érouant, roi.

[254] Cf. Moïse de Khorène, Hist. d’Arm., liv. 11. ch. 14.

[255] Ce peuple habitait la Sarmatie; il est mentionné dans la Géographie attribuée à Moïse de Khorène. — Il est souvent question des Khazirs ou Khazars dans l’histoire du Bas-Empire. Au septième siècle, ils occupèrent la Chersonèse antique et on suppose que les Tartares de la Crimée sont leurs descendants. — Cf. Saint-Martin, Mém. sur l‘Arm., t. II, p. 334-335.

[256] La Porte de Djor, appelée Zour, par Procope (De Bell. Goth., IV, 3) et aussi nommée Porte des Alains ou des Aghouank, est un défilé connu de nos jours sous le nom de Porte de Derbend et qui se trouve à l’endroit où le Caucase vient aboutir à la mer Caspienne. Ce défilé est souvent mentionné dans les historiens arméniens, arabes et persans. Alexandre y avait, dit-on, dressé une porte de fer dont il est fait mention dans la Chronique syro-arménienne de Michel le patriarche.

[257] Il est probable que ces deux noms n’appartiennent pas au même personnage et que le texte arménien a été légèrement altéré dans cet endroit; je propose de lire: « sous la conduite de leurs rois, Venaseb et Sourhab. — Cf. Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. I, p. 301.

[258] Ce qui est entre crochets [ ] manque dans presque tous les manuscrits; nous avons vu, quelques lignes plus haut, qu’il est dit que Vagharsch mourut après vingt ans de règne.

[259] Chosroès le Grand régna de 198 et 232 de notre ère, et fut assassiné par un seigneur arsacide appelé Anag, qui était le père de saint Grégoire l’Illuminateur.

[260] Voir ce que nous avons dit touchant l’époque où florissait Bardesane, dans l’introduction placée en tête des Fragments que nous avons rassemblés, t. I de notre Collection des historiens arméniens.

[261] C’est ce que disent en effet saint Jérôme (Ep. de script. eccles, t. IV, p. III), saint Nicéphore (Hist. eccl., liv. IV, ch. II) et saint Augustin (Œuvres, t. VI, p. 2).

[262] Le Livre de la loi des contrées, que l’on a généralement confondu avec le fameux Traité de Fato, n’est pas de Bardesane, mais d’un de ses disciples. Nous avons donné la traduction de cet ouvrage, d’après le texte syriaque. , retrouvé depuis peu parmi les manuscrits provenant du couvent de Santa Maria Deipara, et qui a été publié par M. Cureton, dans son Spicilegium syriacum.

[263] Il s’agit ici de la fête instituée en l’honneur du dieu de la nouvelle année, Amanor (am, l’an, nor, nouveau), qui, au dire d’Agathange, était protecteur des fruits et s’appelait aussi Vanadourtik, dieu donnant asile ou abri. Son temple était à Pakavan, canton de Pakrévant, dans la province d’Ararat. Sa fête durait six jours et commençait au nouvel an arménien, le premier jour de navassart (11 août), dont le nom lui-même signifie en parsi « nouvel an » (nev, nouveau, sart, an). — Cf. Emin. Recherches sur le paganisme arménien, p. 23-24.

[264] Genes., XXV, 4

[265] Deux mss. donnent la variante Arschag …. puis Ardaschès.

[266] Cf. plus haut, ch. 27 et 33 du liv. II.

[267] Deux mss. donnent le nombre trente-trois ans.

[268] Sdahr est le nom de l’ancienne capitale de la Perse, que les Grecs et les Latins nomment Persépolis.

[269] Paléphate d’Abydos, Παλαίφατος Ἀβυδηνός, historien grec cité par Suidas, avait composé entre autres ouvrages un livre intitulé Troïca, dont il ne reste que des fragments fort courts qui se lisent dans Etienne de Byzance, saint Clément d’Alexandrie et dans Strabon. — Cf. Ch. Muller, Fragm. hist. graec., t. II, p. 338-339.

[270] Porphyre de Tyr, historien et philosophe, que tains critiques croient être le même que Dionysius Cassius Longinus, avait composé plusieurs ouvrages, dont il ne reste que des fragments que nous ont transmis Eusèbe et le Syncelle. Aboulfaradj (Hist. dyn., p. 84) et que Porphyre avait composé une Histoire des philosophes dont une partie avait été traduite en syriaque. — Cf. Ch. Müller, Frag. hist. graec., t. III, p. 688 et suiv.

[271] On ne sait rien de cet écrivain qui est peut être le même qu’un certain Philémon, officier de Ptolémée II, dont Pline a parlé à plusieurs reprises (Hist. Nat., IV, 27; XXXVII, 11, 32). — Cf. Ch. Müller, Frag. hist. graec., t. III, p. 474.

[272] Moïse de Khorène a transcrit ici le mot grec ὁ παραβάτης sous la forme paravados.

[273] Ce nom est orthographié de plusieurs manières différentes dans les mss. Rosdsohoun, Rasdohoun et Rasdahoun.

[274] Cf. Malcolm, Hist. de Perse (trad. fr.), t. I, ch. 6, p. 128 et suiv.

[275] Deux mss. donnent la variante et les autres villes qui étaient des résidences royales.

[276] Ceci est une allusion à ce que Moïse a dit plus haut touchant les légendes des Perses, ch. 70.

[277] On ignore quel est le vieillard auquel Moïse fait allusion dans ce passage. Quelques critiques supposent qu’il est question de Sahag le Parthe, descendant de saint Grégoire l’illuminateur, et qui fut, avec Mesrob, le maître de notre auteur.

[278] Cf. Agathange où ce dernier retrace brièvement les faits relatifs à l’arrivée d’Anag en Arménie, à l’assassinat de Chosroès et à la description de toute la famille du meurtrier, dont un seul membre, saint Grégoire l’Illuminateur, fut sauvé du massacre. Les faits relatifs à l’émigration d’Anag et à l’assassinat de Chosroès ont été également racontés par Wakhtang dans les Annales de la Géorgie (éd. Brosset, t. I, p. 80 et suiv.), avec des détails plus circonstanciés. Nous y renvoyons le lecteur.

[279] Eusèbe, saint Basile et Zénob de Glag parlent de cet écrivain célèbre qui avait composé en effet plusieurs ouvrages, dont il ne reste plus qu’une lettre à saint Cyprien et les fragments que nous a transmis Moïse.

[280] Ce prélat eut la tête tranchée par le glaive. (Eusèbe, Hist. eccl., liv. VII, ch. 32, liv. VIII, ch. 13, liv. IX, ch. 6.)

[281] Cf. Dion Cassius, Excerpt., apud Xiphil., lib. LXXIX. — Eutrope, Epitom., liv. VIII, ch. 20. — Spartien, Caracalla, VI. — Sextus Rufus, Breviarium, XXI.

[282] Cf. Zosime, Hist. rom., liv. I. — Trébellius Pollion, Valérien. — Eutrope, IX, 7.

[283] Quintille était frère de Claude et non pas de Tacite et de Florien. (Eutrope, IX, 12.)

[284] Cf. Zosime, op. cit., liv. I. — Trébellius Pollion, Claude. — Fl. Vopscus, Aurélien, Tacite, Florien. — Eutrope, IX, II-16.

[285] Deux mss. disent: « avec une grande armée ».

[286] Djandk est une localité du Pont oriental, mentionnée par Procope (Bell. Pers., I, 15, 11, 29. — Bell. Goth., IV, 1) et d’autres auteurs qui écrivent ce nom Τζάνοι, Τζαννικὴ, Σάννοι et Σαῦνοι (Strabon, Géogr., liv. XII, ch. 3, § 18). — Cf. Mar Apas Catina, note 197.

[287] Zosime, liv. I. — Vopiscus, Probus. — Eutrope IX, 17.

[288] Cf. Zosime, liv. I. — Vopiscus, Tacite, Florien. — Eutrope, IX, 10.

[289] Cf. plus haut, liv. II, ch. 8, 12, 49.

[290] Cf. plus haut, liv. II, ch. 56.

[291] Deux mss. ajoutent: « à la porte de l’empereur. »

[292] Cf. plus haut, liv. II, ch. 8.

[293] Ce Dadjad, qui était devenu violemment le beau-frère d’Ardavazt Mantagouni, fut créé, par Tiridate le Grand, prince du canton d’Achotz. Dadjad avertit plus tard son beau-frère, qui prévint le roi que son serviteur Grégoire, celui qui plus tard fut surnommé l’illuminateur, était fils d’Anag, assassin de son père. — Cf. plus bas, liv. II, ch. 82.

[294] Cf. plus haut, liv. II, ch. 8.

[295] Eusèbe, Chron. grec., p. 42; 333 : Κλεόστρατος Ῥόδιος, ὃς τραχηλίζων ἀπελάμβανεν. — Chron. (éd. Aucher) t. I p 301, Ol. 147

[296] Eusèbe, Chron. gr., p.62; 330: Κερᾶς Ἀργεῖος ὃς κηλὰς ἀπέσπα βοός — Chron. (éd. Aucher), t. I, p. 298; Ol. 120.

[297] Vopiscus, Carus. — Eutrope, IX, 18 et suiv.

[298] Cf. Vopiscus, dont le récit est très différent. Le lexique de Moïse de Khorène est là fort défectueux, car, quelques lignes plus bas, il est question d’un personnage appelé Gornag sur lequel nous allons revenir dans la note suivante.

[299] Samuel d’Ani raconte, dans sa Chronographie, que « Gornag, général de l’armée du grand Chosroès, père de Tiridate, passe pour avoir vécu cent soixante ans et avoir conservé jusqu’à sa dernière heure les yeux, les oreilles, les cheveux, les dents et la force corporelle de la jeunesse. » Il tua l’empereur Carus arec ses fils Carin, dans un combat livré aux Perses qu’il commandait. Ce récit est de pure invention. Ce qui a donné lieu à la légende de Gornag est une mauvaise interprétation que les Arméniens ont faite du mot gornag qui n’est autre chose que la transcription du grec Κορνακής ou Καρνάνος, mot estropié par les copistes pour κεραυνός, « la foudre ». L’histoire nous apprend en effet que Carus fut tué par la foudre, lorsqu’il asseyait ses camps sur le Tigre, et que Carin mourut dans un combat. Tel est du moins le récit des historiens romains (Vopiscus, Carra, Caria. — Eutrope. IX, 18-19). La confusion qu’on remarque dans la narration de Firmilien, rapportée par Moïse de Khorène, s’explique maintenant sans difficulté.

[300] Vopiscus, Numérien, Caria. — Eutrope, IX, 19 et suiv.

[301] Cf. Agathange.

[302] Cf. Agathange, t. I, § 154, qui le nomme Arditès. Le texte grec le nomme Ἄρτιος. — Cf. le P. Karékin, Hist. de la litt. arm., p. 81; en arm.

[303] Ce jeune homme s’appelait Rhesdaguès, nom que les Occidentaux ont transcrit sous la forme Aristacès.

[304] Le fils aîné de Grégoire et de Marie s’appelait Verthanès.

[305] Deux mss. donnent la variante: de son grand sacerdoce.

[306] Le nom et la description du pays des Djèn, donnés par Moïse dans ce passage et dans ma Géographie (Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 376-377), donnent à penser qu’il s’agit de la Chine.

[307] Nom composé de l’ethnique Djèn et de pagour qui est une altération du mot faghfour que l’on trouve dans les historiens arabes, persans et turcs. D’Herbelot dit que c’était le titre et le surnom des rois de la Chine. Le titre faghfour est la traduction en langue tourano-arienne du terme thiên-tsé, « fils du ciel », qualification qui, dès la haute antiquité, a été donnée aux souverains chinois, mais qu’ils ne prenaient pas eux-mêmes (Maçoudi, Prairies d’or, t. I, p. 806; éd. de MM. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille). — Cf. aussi la note 1 du ch. 138 du Livre de Marco Polo, éd. de M. Pauthier, où ce savant a éclairci complètement la signification du mot faghfour. (Le livre de Marco Polo, 1re partie, p. 452-453.)

[308] Cf. la Géographie de Moïse de Khorène, dans Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 376-377.

[309] Samuel d’Ani (éd. Maï et Zohrab, p. 40, ad de Eusebii Chron.) dit que quelques auteurs prétendent que Tiridate monta sur le trône la première armée de l’avènement de Dioclétien, et que d’autres au contraire font remonter son élévation à la puissance souveraine à l’an neuvième.

[310] En arménien taïegorti « fils de la nourrice ». — Cependant Moïse de Khorène (Hist. d’Arm., liv. III. ch. 6) dit qu’Ardavazt était « le gouverneur » taleag, de Tiridate.

[311] II Reg. XXIII, 24. — I Paralip., XI, 12. Éléhanan ou Éléazar défendit avec sa lance trois cents blessés: « Ipse levavit hastam suam super trecentos vulneratos una vice. »

[312] Constance avait épousé Théodora, fille d’Eutropia et d’un premier mari qu’elle avait eu avant Maximien.

[313] L’opinion des anciens auteurs et de quelques Pères de l’Eglise qui considèrent Hélène, mère de Constantin le Grand, comme la concubine de Constance Chlore, n’est nullement fondée. On peut lire dans Lebeau (Hist. du Bas-Emp., t. I, p. 25 et suiv., éd. Saint-Martin) un chapitre fort curieux (IV) où le savant historien a démontré avec beaucoup d’habileté qu’Hélène avait bien été une épouse légitime et non une concubine, d’autant plus qu’elle fut répudiée par Constance, lors du second mariage qu’il contracta avec Théodora, formalité qui eût été inutile si Hélène n’eût pis été une femme légitime.

[314] Le texte arménien emploie le mot latin signum qui est transcrit sous la forme siknon, et ne se trouve employé que cette seule lois per Moïse, qui ignorait sans doute l’existence du mot labarum.

[315] Le mot arioghagan me paraît altéré; peut-être faut-il lire ariaghan, adjectif dérivé de ari, au pluriel arik, qui veut dire « les Perses », ou bien supposer que ce mot est tout simplement une transcription du latin hariolus ou ariolus « devin ».

[316] Il n’y a aucune incertitude sur la valeur du mot marisghian qui correspond à l’adjectif marsicus dérivé de Marsi, Marsoi. Les Marses habitaient le Latium sur le lac Fucin et étaient connus comme magiciens et habiles dans l’art de fasciner les serpents. Il est souvent question de ce peuple dans les écrivains latins et notamment dans Pline (VII, 2, 2.); César (Bell. civ., I, 15); Flores, (III, 18), etc.

[317] Lebeau (Hist. du Bas-Empire, t. I, p. 381, éd. Saint-Martin) nie que Constantin ait jamais été attaqué de la lèpre, et en effet saint Cyrille (lib. VII, contr. Julian.), en réfutant Julien qui avait dit, en parlant de Constantin, que le baptême ne guérissait pas de la lèpre, ne dit pas un mot de la prétendue maladie de l’empereur.

[318] Cf. Agathange, § 163.

[319] Sans entrer ici dans le détail des raisons qui ont fait révoquer en doute le voyage de Tiridate à Rome, nous nous bornerons à faire observer que cet événement est complètement passé sous silence par les historiens occidentaux, et que c’est seulement dans les écrits des Arméniens, et notamment dans les hagiographes, qu’il est question de ce voyage, dont les résultats auraient été immenses, si l’on s’en rapporte au dire d’Agathange, de Zénob de Glag et de Moïse de Khorène. Un critique d’un grand talent, le marquis de Serpos, auteur du Compendio storico coucernente la nazione armena, a longuement discuté cette question, et il a cherché à établir l’authenticité du voyage de Tiridate et de saint Grégoire à Rome (t. I, p. 200-217). Mais les preuves alléguées par le savant écrivain italien sont très peu concluantes et n’atténuent en rien les doutes émis par les frères Whiston sur cet événement capital, qui n’eut certainement point échappé aux historiens de l’Occident, si, comme le prétendent les écrivains arméniens, Tiridate fût venu en personne à Borne avec saint Grégoire, pour conclure une alliance religieuse avec l’empereur et le pape.

[320] Cette forteresse est souvent citée dans l’Histoire de Daron de Zénob de Glag et de Jean Mamigonien. Elle était située dans la province de Douroupéran (Indjidji, Arm. anc., p. 107). Le plus souvent, le nom d’Oghagan est écrit Oghgan.

[321] Canton de la Quatrième Arménie (Indjidji, Arm. anc., p. 47) qui était appelée Sophène ou Sophanène par les Grecs.

[322] Trois mss. ajoutent : qu’il lui avait promis.

[323] Il s’agit ici de ces peuples du nord du Caucase dont Moïse de Khorène a donne le dénombrement dans sa Géographie (Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 354-357) et qui étaient désignés sous le nom générique de Scythes et de Sarmates par les écrivains grecs et latins.

[324] Josèphe (Bell. Jud., l. VII. ch. 7, § 4) mentionne le même fait qui eut lieu dans la guerre que Tiridate soutint contre les Alains. — Cf. aussi Zénob de Glag, Hist. de Daron.

[325] Zénob de Glag dit que cette bataille rut livrée, non pas dans la plaine des Karkaratzi, mais dans le canton de Daron. Selon le père Indjidji, il y aurait eu deux grandes batailles, la première, celle dont parle Zénob, livrée dans la province d’Oudi et qui fut perdue par les ennemis, et la seconde racontée par Moïse et qui eut lieu dans la province de Daron.

[326] Mihran, appelé Mirian, roi de Géorgie, fils de Sapor Ier, roi sassanide de Perse, régna, selon Wakhtang, de l’an 265 à l’an 342 (Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 53). Ce prince lutta longtemps contre Tiridate, au dire de l’historien géorgien, mais il n’est point question de cette rivalité dans les annales arméniennes. Quoi qu’il en soit de cette assertion, Mihran, après avoir embrassé le christianisme, fut sinon le vassal, du moins l’allié de Tiridate, dont il partageait les croyances religieuses.

[327] Les annales de la Géorgie contiennent un récit très circonstancié des causes qui amenèrent la conversion du roi Mihran et des Ibères au christianisme. C’est dans les monuments littéraires et religieux de la Géorgie que cet événement est raconté dans tous ses détails (Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 90 et soir.). Les écrivains ecclésiastiques occidentaux ne parlent qu’en termes très brefs du changement opéré dans les croyances religieuses des Géorgiens; ils ne nomment même pas sainte Nino (Rufin, liv. 10, ch. 10. — Socrate, liv. I, ch. 20. — Sozomène, liv. II, ch. 7. — Théodoret, liv. I, ch. 24).

[328] Le nom de Nouné, en géorgien Mao, parait être la transcription du mot latin nonna religieuse. — Cf. Pl. Iosélian, Abrégé de l’Hist. ecclés. de la Géorgie (en russe), 2 éd., Saint-Pétersb., 1843; p. 8, n° 13. — Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 90, note 1.

[329] Cf. Agathange, Hist. du règne de Tiridate, § 88.

[330] Cette ville nommée Mestlela, Μεστλῆτα, par Ptolémée (Géogr., liv. V, c. 11, § 3) et Mechistha, Μεχισθά, par Agathias (liv. II. p. 60), est située à peu de distance de Tiflis, au nord. Elle fut la capitale de la Géorgie jusqu’en 469, et continua d’être la résidence des patriarches d’Ibérie. La cathédrale, qui renferme les tombeaux des rois, a été décrite par M. Brosset dans ses Rapports sur un voyage en Géorgie et en Arménie, Rapp. 1 et 2.

[331] Brosset, Histoire de la Géorgie, t. I, p. 110.

[332] La chronique géorgienne dit que c’était la montagne de Thkhoth (Vakhoucht, Géogr. de la Géorgie (éd. Brosset, p. 217). — Cf. Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 113 et suiv.

[333] Job, XXXVIII, 31.

[334] Amos, V, 8.

[335] Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 114, 115.

[336] Le Gour ou Cyrus.

[337] L’Araxe.

[338] Brosset, Hist. de la Géorgie, t. I, p. 122 et suiv.

[339] Le Kladjéthi des Géorgiens, qui est un des cantons de la province de Koukarkh. — Cf. Vakhoucht, Géogr. de la Géorgie, p.3.

[340] Il n’est nullement lait mention de sainte Nino dans l’Histoire d’Agathange, mais quelques critiques supposent que Moïse veut sans doute faire allusion à la Lettre d’alliance signée entre Constantin et Sylvestre, Tiridate et Grégoire, qui est jointe par quelques éditeurs à l’Histoire d’Agathange (Voy. éd. de Constantinople, 1814, p. 33). Cependant il est plus naturel de croire que Moïse de Khorène s’en réfère ici à un passage d’Agathange où il est dit que saint Grégoire, soit par lui-même, soit par ses disciples, répandit la culture évangélique depuis Satala jusqu’au pays des Chaldik, et depuis Gaghardch, près des confins des Massagètes jusqu’au pays des Caspiens ... — Cf. Agathange, § 153.

[341] Cf. plus haut, ch. 70 et 72 du livre II.

[342] Vezerg ou Vezroug (comme l’écrit Elisée) est un mot persan, vezurg ou büzürc, qui veut dire « grand ».

[343] Nom composé des mots persans kam ou kem « brisé » et sar « tête. »

[344] Eusèbe, Vie de Constantin, l. III, c. 25 et suiv. — Théodoret, I, 17, 18. — Sozomène, II, 1. — Paulin, Epist., 31. — Saint Jérôme, Epist., 8. — Cf. aussi Léroubna, Hist. d’Abgar et de la prédication de Thaddée, où la découverte de la croix est attribuée à Patrocinia.

[345] Jérémie, XIII, 23.

[346] Eusèbe, Vie de Constantin, l. II, c. 1.

[347] La fête des Vicennales de Constantin tomba le 25 juillet 325, pendant les séances du concile de Nicée. — Eusèbe, Vie de Const., I, 1; III, 15, 16. — Théodoret, I, 11. — Sozomène, I, 24.

[348] Chron. pasc., p. 265. — Malalas, I, p. 385.

[349] Cf. Gyllius, de Constantinopot. topogr. (Leyde, Elzévir, 1632), p. 119, lib. II, c. 7. — Du Cange, Const. Christ., l. 1, ch. 27.

[350] Socrate, l. I. c. 16. — Hist. miscell., l. II, apud Muratori, t. I, p. 73. — Zonaras, l. XIII, t. II, p. 6. — Chron. pasc., p. 285. — Baronius, ad ann. 330. — Du Cange, Const. Christ., l. I, ch. 3, 4.

[351] Eusèbe, Vie de Const., l. III, c. 54. — Sozom., l. II, c. 5. — Chron. pasc., p. 265, 284. — Malalas, I, p. 384; II, p. 6.

[352] Cf. sur Arius et l’arianisme, Athan., Apol. 2 contra Arian., t. I, p. 133 et suiv. —Socrate, I, 5, 6. —Théodoret, I, 2, 3, 4. —Sozomène, I, 14.

[353] Le concile s’ouvrit en 325 et était composé de trois cent dix-huit évêques, dont dix-sept accusés d’arianisme. — Cf. plus bas, ch. 90.

[354] Rhesdaguès, appelé Aristacès par les Occidentaux, était fils de saint Grégoire et assista en effet au concile de Nicée; son nom est inscrit parmi les signataires des actes du concile.

[355] Léonce, évêque de Césarée en Cappadoce. —Cf. Agathange et Zénob de Glag.

[356] Saint Jacques de Nisibe, fils de la tante paternelle de saint Grégoire et par conséquent cousin de l’Illuminateur.

[357] Les écrits d’Arius et notamment sa Thalie furent condamnés à être brûlés et la peine de mort fut prononcée contre ceux qui en seraient trouvés détenteurs. Arius fut relégué à Nicée en Illyrie avec Secundus et Théonas qui avaient encouru l’anathème. — Fleury, Hist. ecclés., l. II, C. 13.

[358] Les Arméniens ont, dans leur office, tout le symbole du concile de Nicée, avec les additions de saint Grégoire. En ce qui concerne les canons ajoutés à ceux du concile, on ne sait rien de précis à cet égard. On croit généralement qu’ils furent établis par saint Sahag, et ce sont ceux-là qui se trouvent dans la Collection des canons.

[359] Localité dont la position est inconnue, bien que son nom soit cité par plusieurs historiens (Indjidji, Arm. anc., p. 518). Le catholicos Jean VI était né dans cet endroit.

[360] Cf. sur l’union du nom d’Arscharouni avec celui de Gamsaragan, Faustus de Byzance, ch. XI.

[361] La vallée de l’Arme, appelée Eraskhadzor.

[362] Cf. plus haut, l. I, ch. 2, 3; II, 28, 68, 73, 74, 80.

[363] Karni, fondée, dit la tradition, par Kégham (Moïse de Khorène, Hist. d’Arm, l. I, c. 12), est aujourd’hui un petit village situé auprès d’Erivan. Chardin découvrit sur les ruines d’une tour démantelée d’anciennes inscriptions. Les gens du pays donnent à ce monument le nom de Takhd Dertad, ce qui veut dire en turc « trône de Tiridate ». — Cf. Indjidji, Arm. mod., page 254, 256.

[364] Cf. plus bas, ch. 91.

[365] Cette montagne, dont le nom ancien n’est pas connu, était désignée au douzième siècle sous le nom de mont Sebouh, « noble ». Vartan, dans sa Géographie (Saint-Martin, Mém. sur l’Arm., t. II, p. 431-433) raconte que Tiridate, étant venu visiter saint Grégoire dans sa solitude, lui demanda quand devait arriver la chute des Arsacides. Le saint prit son épée, la bénit comme une crois, et la lançant en l’air, il lui dit que, quand ce signe paraîtra, les Francs viendront, et tout le monde l’adoptera. Vartan dit aussi que le mont Sebouh renferme l’épée offerte à Tiridate par Constantin. Cette montagne était appelée encore au moyen âge Kohanam « je rends grâce ».

[366] Hebr., IV, 12.

[367] Cf. Vies des saints arm.; s. nom. Rhesdaguès.

[368] Selon les légendes arméniennes, la découverte des reliques de saint Grégoire eut lieu cinquante ans après la mort de l’Illuminateur.

[369] Cf. Agathange, le récit de la mort violente et des funérailles de Tiridate, d’après le IVe livre, aujourd’hui perdu, de l’Hist. d’Arm. de Moïse de Khorène.

[370] L’antre de Mané sur le mont Sébouh.

[371] Ce passage fait allusion à l’indifférence que les Arméniens témoignèrent pour la science que Moïse et ses compagnons étaient allés chercher en Syrie, en Égypte et en Grèce, à leur retour dans leur patrie.