CHRONIQUE : chapitres XC à CX
Œuvre numérisée par Marc Szwajcer
chapitres LXXXI à LXXXIX - chapitres CXI à fin
DE
Chapitre XC. Après la mort du bienheureux Anastase, l'ami de Dieu, l'empereur orthodoxe, régna Justin le terrible, qui était l'époux de l'impératrice Euphémie ; il fut couronné de la couronne impériale d'après la décision des conseillers intimes de l'empereur. Certains disent qu'il avait été le chef de la septième assemblée (?) de Byzance.[216] Il n'avait pas été accepté par tous les officiers (de la cour) 3 ; car il était illettré ; il n'était qu'un homme de guerre et un vaillant capitaine. C'était un homme, nommé Amantius, que les officiers (de la cour) voulaient pour régner sur eux, après l'empereur Anastase, et les conseillers avaient remis de grandes sommes d'argent à Justin, pour les distribuer au peuple et à l'armée, qui devaient acclamer le nom d'Amantius et proclamer qu'il était choisi par Dieu. Mais ceux-ci ne consentirent pas à faire ainsi. Alors les conseillers se virent forcés de nommer Justin empereur.[217]
Après être monté sur le trône, Justin fit mettre à mort sans qu'ils fussent coupables d'aucun crime, tous les eunuques (chambellans), parce qu'ils n'avaient pas approuvé son élévation au trône ; car il pensait qu'ils conspireraient contre lui.
Au commencement du règne de Justin, un capitaine qui inspirait la terreur et l'épouvante se souleva en Orient. C'est pourquoi l'empereur Justin rappela Vitalien, qui avait été l'ennemi de l'empereur Anastase, et le nomma générai en chef. Il changea la foi orthodoxe de l'empereur Anastase : on rejeta l'Hénotique de l'empereur Zénon, on communiquait avec les Chalcédoniens et on accepta la lettre de Léon, qui fut insérée dans les écrits de l'Eglise d'Orient. Dans la première année de son règne s'éleva le grand Sévère, patriarche de la grande ville d'Antioche. Voyant le changement de la foi, le retour de Vitalien et sa rentrée en grâce auprès de l'empereur Justin, il éprouva de la crainte et se réfugia en Egypte, en abandonnant son siège. En effet, Vitalien le haïssait et avait l'intention de lui couper la langue, parce qu'il avait écrit (et prononcé) dans les églises des homélies, longues et brèves, pleines de science, contre l'empereur Léon,[218] au sujet de sa doctrine perverse. Paul, qui fut nommé patriarche à Antioche, à la place de Sévère, se rallia aux Chalcédoniens, et il y eut alors un schisme : seuls les magistrats de l'empereur communiquaient avec lui ; le peuple se détournait de lui, parce qu'il était nestorien, et ne voulait recevoir la bénédiction et le baptême que des prêtres institués en secret par le grand Sévère. Celui qui avait voulu couper la langue au grand Sévère, mourut bientôt de mort violente. La cause de la mort de Vitalien fut, lorsque l'empereur Justin l'eut investi de sa charge, qu'il songea à se révolter contre lui, ainsi qu'il avait fait contre l'empereur son prédécesseur ; alors Justin lui fit trancher la tête ; car Dieu ne tarda pas à le frapper, conformément à la parole de Sévère qui avait prédit de lui qu'il mourrait d'une mort violente. Le patriarche Sévère composa un savant et pieux traité qu'il adressa à Caesaria la patricienne, sainte femme, instrument choisi, de la famille impériale de Rome, qui était fermement attachée à la foi orthodoxe dans laquelle elle avait été instruite par le saint patriarche Sévère. Et cet enseignement se trouve encore à présent entre les mains des moines égyptiens. Ensuite Paul le chalcédonien, (patriarche) d'Antioche, qui avait succédé à Sévère, mourut ; on nomma à sa place un autre, nommé Euphrasius, de Jérusalem. Cet homme haïssait les chrétiens attachés à la doctrine de Sévère, et beaucoup d'orthodoxes moururent pour sa doctrine.[219] (Justin) amena la guerre civile dans tout l'empire romain, et l'on versa beaucoup de sang ; à Antioche, il y eut de grands troubles pendant cinq ans,[220] et personne n'osa se plaindre, car on craignait l'empereur. Plusieurs habitants notables commencèrent à élever la voix à Constantinople, en accusant Justinien le patrice, le fils de son frère, qui aidait la faction Bleue à commettre des meurtres et des vols parmi le peuple. L'empereur fit choix d'un préfet nommé Théodote de l'Orient,[221] qui devait sévir contre les malfaiteurs ; et il le fit jurer de ne point les épargner. Lorsque celui-ci commença à agir à Constantinople, et qu'il punit un grand nombre de malfaiteurs, alors il fit arrêter et mettre à mort Théodose, qui était un homme fort riche ; il fit aussi arrêter Justinien le patrice et voulut le mettre à mort ; mais, comme il était tombé malade, il le relâcha.[222] L'empereur, en apprenant ces faits, fut très irrité contre le préfet ; il le destitua, le chassa de Constantinople et l'exila en Orient. Théodote, craignant d'y être tué, se rendit aux lieux saints de Jérusalem et y vécut dans la retraite.[223]
Ensuite, l'armée et le peuple[224] de Byzance s'assemblèrent et renoncèrent à l'obéissance de l'empereur. Ils adressèrent à Dieu cette prière : « Donne-nous donc un bon empereur, comme fut Anastase, sinon enlève cet empereur Justin que tu nous as donné ! » Alors l'un d'entre eux, nommé Qâmôs, se leva aux regards de tous et leur parla ainsi : Voici la parole de Dieu : Voyez, je vous aime ; pourquoi m'implorez-vous ? Voici celui que je vous ai donné et je ne vous donnerai point un autre ; car, s'il agissait selon ce qui est écrit, ce serait au tour des ennemis de l'empereur de m'implorer. C'est à cause des péchés de cette ville que j'ai choisi cet empereur, ennemi du Lien. Ainsi parle Dieu : Je vous donne des chefs selon votre cœur. L'empereur, en entendant ces paroles, fut très affligé ; cependant il cherchait à gagner la sympathie des hommes, craignant que les hauts dignitaires[225] ne l'exhortassent à observer les lois de ce monde.[226] Il choisit donc, de son propre mouvement, et nomma, à la place de Théodote et de Théodore, préfets dans sa capitale, Théodore et Éphrem d'Amid.[227] Ceux-ci, par de grands efforts et une grande rigueur, firent cesser la guerre civile entre les citoyens, mirent fin aux hostilités et firent régner la paix.[228]
Mais cela ne suffisait pas encore pour que la colère de Dieu, qui avait pour cause la défaillance de l'empereur, fût détournée de la terre. Dieu envoya un cataclysme, le feu tomba du ciel sur la ville d'Antioche et s'étendait de l'église de Saint-Etienne jusqu'à la maison du maître de la milice, en long et en large, jusqu'au bain appelé…[229] et jusqu'au bain de la nation des Syriens. Et en même temps les flammes surgissaient dans les contrées d'Orient et sur toutes les routes pendant six mois, et personne ne pouvait passer d'un côté à l'autre. Le feu exerçait ses ravages dans la ville (d'Antioche), et beaucoup de personnes périrent ; il prenait toujours au faîte d'une maison et la détruisait de haut en bas jusqu'aux fondements.[230] Puis, sous le règne de ce même empereur, la grande ville d'Antioche de Syrie subit une (nouvelle) calamité et fut ébranlée à six reprises. Les hommes qui restaient se consumaient dans les maisons et devinrent comme des corps sans âme. Des charbons ardents tombaient de l'air, pareils à la foudre, et embrasaient tout ce qu'ils rencontraient, et la ville d'Antioche fut détruite jusqu'à ses fondements ; le feu suivait ceux qui voulaient fuir, et ceux qui étaient dans les maisons furent consumés ; personne ne put échapper au feu, et la splendeur de la ville d'Antioche fut anéantie. Les maisons qui se trouvaient sur les hauteurs n'échappèrent pas non plus à cette catastrophe. Beaucoup d'oratoires de martyrs furent renversés, quelques-uns se séparèrent en deux, de haut en bas ; la grande église qui avait été construite sous le règne de l'empereur Constantin s'écroula. La désolation et le deuil remplissaient la ville ; le nombre d'hommes, de femmes, d'adolescents et de petits enfants, qui trouvèrent la mort, fut de deux cent cinquante mille âmes. Le jour de la fête de l'ascension de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, une grande foule s'assembla dans l'église appelée…,[231] pour célébrer une messe, à l'occasion de ce terrible événement. Beaucoup de gens qui avaient échappé à la catastrophe sortirent (de leurs refuges) pour enterrer leurs morts, et certaines femmes firent paraître leurs enfants qui étaient restés saufs. Le malheureux Euphrasius qui n'était pas digne du siège pontifical, avait péri, lui aussi, dans les flammes ; on mit à sa place, par la voie du sort, un homme, nommé Ephrem d'Amid, ville située en Mésopotamie. Lui aussi était un chalcédonien qui, comme ses prédécesseurs, persécutait les orthodoxes. La ville de Séleucie et Daphné, et toutes les villes des alentours, jusqu'à une distance de vingt milles, furent renversées. Quiconque fut témoin de ces événements disait : Tous ces malheurs sont arrivés parce que l'on a abandonné la foi orthodoxe, et à cause de l'injuste expulsion du patriarche Sévère, à cause des actions tyranniques de l'empereur Justin et à cause de sa renonciation à la foi orthodoxe des pieux empereurs ses prédécesseurs ; voilà les causes de cette catastrophe et de cette calamité. En apprenant ces événements, l'empereur Justin déposa la couronne ainsi que la robe impériale ; il versa des larmes et gémit, et il cessa de se rendre au théâtre. Le jeudi de Pâques il alla en grand deuil, du palais impérial à l'église, marchant sur le sol, les pieds nus. Le peuple et le Sénat se lamentaient et gémissaient en versant d'abondantes larmes. L'empereur donna beaucoup d'or, pour reconstruire les églises et les villes qui avaient été détruites ; aucun empereur, avant lui, n'en avait donné autant que lui.
Il arriva encore sous son règne que les Lazes, qui étaient sous la domination des Perses et qui avaient embrassé la religion de leurs idoles, vinrent trouver Justin et devinrent chrétiens. C'est à la mort du roi de Perse[232] qu'ils reçurent la grâce du ciel, la croyance dans le fils de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Alors ils s'étaient rendus à Constantinople, auprès de l'empereur Justin, et lui avaient dit : Nous désirons que tu nous fasses chrétiens, comme tu l'es toi-même, et nous deviendrons les sujets de l'empire romain. Justin les accueillit avec joie et les fit baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Trinité consubstantielle. Il distingua particulièrement leur chef, le revêtit, après qu'il eut été baptisé, d'une robe d'honneur, lui rendit des honneurs royaux et lui donna pour épouse la fille d'un grand dignitaire, nommé Ionios ; puis il le renvoya dans son pays avec de grands égards. Lorsque Cabadès, roi de Perse, connut ces circonstances, il en éprouva un grand chagrin, députa à l'empereur Justin des ambassadeurs et lui fit dire : « Il y avait entre nous paix et amitié ; voilà que maintenant tu viens de faire acte d'hostilité en détournant le roi des Lazes qui, de tout temps, a été sous notre domination, et non sous la domination romaine. » L'empereur Justin, ayant pris connaissance de ce message, lui écrivit une réponse en ces termes : « Nous n'avons détourné personne de ta domination. Mais, comme un homme, nommé Tzathius, est venu humblement nous prier de le délivrer de l'erreur qu'il suivait, c'est-à-dire Terreur des démons, de la religion des païens et des sacrifices impurs, et qu'il a demandé de devenir chrétien, pouvais-je, moi, repousser quelqu'un qui veut venir au vrai Dieu, le créateur de l'univers ? Lorsqu'il fut devenu chrétien et digne de recevoir les saints mystères, nous l'avons laissé partir pour son pays.[233] »
A la suite de cet événement, il y eut des hostilités entre les Romains et les Perses. L'empereur Justin demanda à [Ziligdès], roi des Huns, d'être son allié dans la guerre ; il lui fit des dons nombreux et lui fit promettre par un serment solennel de l'assister fidèlement ; mais ce roi, infidèle à son serment, alla rejoindre Gabadès, le roi de Perse, avec vingt mille guerriers, conclut une alliance avec lui et se joignit à lui. Cependant les chrétiens avaient l'assistance divine, qui les défend toujours contre leurs ennemis. Lorsque les Perses se préparaient à livrer bataille, l'empereur Justin envoya au roi des Perses le message suivant : « Certes il conviendrait que nous fussions frères amicalement et que nos ennemis ne pussent pas se railler de nous. Or nous voulons t'avertir que Ziligdès, le Hun, a reçu de nous de grandes sommes pour nous prêter aide pendant la bataille ; et voici maintenant qu'il s'est joint à toi, ayant l'intention de te trahir ; pendant la bataille il passera de notre côté et tournera ses armes contre les Perses. A présent, qu'il en soit comme tu dis : qu'entre nous, il n'y ait plus d'hostilités, mais la paix. Cabadès, le roi des Perses, ayant reçu ce message, interrogea Ziligdès et lui dit : Est-il vrai que tu aies reçu de l'argent des Romains pour les aider contre les Perses ? Ziligdès l'avoua. Alors Cabadès, fort irrité, ordonna sur-le-champ de lui trancher la tête ; car il croyait qu'il avait agi ainsi dans une intention de trahison. Puis il envoya des soldats contre les vingt mille hommes qui étaient venus avec lui ; ces hommes furent massacrés et il n'en échappa qu'un petit nombre, qui retournèrent honteusement dans leur pays. A partir de ce jour, l'accord régna entre Cabadès, roi de Perse, et Justin, empereur de Rome.[234]
Mais le règne de Justin ne dura pas longtemps après la conclusion de cet accord. Dans la neuvième année de son règne, il tomba gravement malade : une blessure à la tête,[235] produite par une flèche, qu'il avait reçue dans la guerre, se rouvrit et il en demeura pendant longtemps malade sans pouvoir être guéri. Pendant sa maladie, il nomma empereur le fils de son frère, le couronna de la couronne impériale et le chargea de toutes les affaires de l'Etat ; puis il mourut.[236]
Justinien, après avoir pris le gouvernement, résida à Constantinople avec sa femme Théodora. Il prit d'excellentes mesures, et les gens turbulents se cachèrent devant lui. Il éleva partout des églises, des hospices pour les voyageurs, des maisons pour l'entretien des vieillards, des hôpitaux pour les malades, des maisons pour les orphelins, et beaucoup d'autres établissements du même genre ; il restaura plusieurs villes qui avaient été détruites, et distribua de grandes sommes d'argent, toutes choses qu'aucun des empereurs, ses prédécesseurs, n'avait faites comme lui.[237]
Càbadès, le roi de Perse, se disposait à attaquer le roi des Lazes, parce que celui-ci avait prêté son concours aux Romains et qu'il avait embrassé leur religion et était devenu chrétien. (Le roi des Lazes) écrivit à l'empereur Justinien et lui demanda aide, en faisant valoir sa croyance en Jésus-Christ. Justinien lui expédia immédiatement de nombreuses troupes commandées par trois généraux, à savoir : Bélisaire, Cérycus et Irénée, qui devaient lui prêter aide. Lorsqu'on livra bataille, beaucoup de Romains furent tués ; car (les généraux) étaient en désaccord entre eux. L'empereur, à cette nouvelle, fut très irrité, et fit partir le général Pierre avec un grand nombre d'archers. Pierre, placé à la tête des généraux romains, se joignit aux Lazes. Ils livrèrent bataille aux Perses et en tuèrent alors un grand nombre.[238]
L'empereur Justinien aimait Dieu de tout son cœur et de toute son âme. Il y avait un magicien nommé Masédès, qui demeurait dans la ville de Byzance, entouré d'une bande de démons qui étaient ses ministres. Tous les fidèles le fuyaient et évitaient tout contact avec lui. Ce magicien ordonna aux démons d'infliger aux hommes des fléaux. Ceux qui vivaient sans remède de l'âme et qui ne s'occupaient que de théâtre et de courses, et surtout certains notables de la ville, à savoir Addaeus et Aetherius,[239] les patrices, tenaient cet ennemi de Dieu en grande estime. Ces mêmes patrices parlaient de ce magicien à l'empereur en lui disant : Cet homme, après avoir amené la ruine des Perses, donnera la victoire aux Romains ; il sera utile, par ses pratiques, à l'empire romain, maintiendra le peuple et fera rentrer facilement l'impôt ; il enverra chez les Perses des démons, ôtera la force à leurs hommes de guerre, par des fléaux de toutes sortes, et fera triompher les Romains sans combat. L'empereur, demeurant inébranlable, se moquait de ces serviteurs de démons ; cependant il désirait connaître leurs manœuvres, et Masédès exécutait les maléfices, ainsi que lui avaient dit ces patrices. Lorsque l'empereur les connut, il les railla et leur parla ainsi : Je ne veux pas de la magie et des sortilèges que tu pratiques et par lesquels tu crois être utile à l'État. Moi, Justinien, empereur chrétienne triompherais avec l'aide des démons ! Non, mon secours vient de Dieu et de mon Seigneur Jésus-Christ, créateur des cieux et de la terre ! En conséquence, il chassa ce magicien et ses amis ; car sa confiance était toujours en Dieu. Quelque temps après, l'empereur obtint de Dieu la victoire : alors il ordonna de brûler ce magicien.
Les Perses, renouvelant les hostilités contre les Romains, demandèrent aux Huns d'envoyer contre eux vingt mille guerriers. Il y avait, dans le pays des Huns extérieurs,[240] une femme vaillante, nommée, dans la langue des barbares, Boarex. Cette femme, qui était veuve, était douée d'une grande sagesse ; elle avait deux jeunes fils, et des milliers de guerriers Huns lui obéissaient ; elle exerçait le pouvoir depuis la mort de son mari, nommé Balach. Elle vint trouver Justinien, l'empereur chrétien, et lui offrit une grande quantité d'or, de l'argent et des pierres précieuses. L'empereur lui ordonna de s'opposer à deux chefs, qui avaient l'intention de s'allier aux Perses, pour attaquer les Romains. Ces chefs s'appelaient Styrax et Glonès. Cette femme les ayant rencontrés, alors qu'ils allaient rejoindre les Perses, les attaqua, les vainquit, et tua Glonès sur le champ de bataille, ainsi que ses gens. Quant à Styrax, elle le prit vivant, le fit enchaîner et l'envoya à Constantinople, où il fut attaché au gibet et crucifié.
Ensuite un homme du pays des Huns, nommé Gordas, vint trouver l'empereur Justinien, reçut le baptême et devint chrétien. L'empereur Justinien fut son parrain, le combla d'honneurs et le renvoya dans son pays ; cet homme devint vassal de l'empire romain. De retour dans son pays, il parla à son frère des dons qu'il avait reçus de l'empereur, et alors son frère devint également chrétien. Puis Gordas prit toutes les idoles que les Huns adoraient, les Brisa en morceaux en enleva l'argent dont elles étaient recouvertes, et les brûla. Les habitants du pays des Huns, qui étaient des barbares, très mécontents, se soulevèrent contre lui et le tuèrent. En recevant cette nouvelle, l'empereur Justinien se mit en route pour leur porter la guerre. Il envoya un grand nombre de vaisseaux par la mer du Pont avec beaucoup de guerriers scythes et goths, donnant le commandement de ces vaisseaux à un vaillant général nommé Godilas ; quant aux cavaliers, il les fit partir par la voie de terre, ainsi qu'une nombreuse armée, sous le commandement de Baduarius. Les habitants du pays des Huns, en apprenant cette expédition, s'enfuirent et se cachèrent. L'empereur occupa leur pays et renouvela la paix avec eux.
En ces temps régna, dans le pays des Huns, un homme nommé Graetis,[241] qui vint trouver l'empereur Justinien et devint chrétien, lui et tous ses parents et ses officiers. L'empereur le combla de présents et le renvoya dans son pays avec honneur, comme vassal de l'empire romain.
Sous le règne de l'empereur Justinien, il y eut une guerre entre les Indiens et les Ethiopiens. Le roi des Indiens se nommait Endâs ; il adorait l'étoile appelée Saturne. Le pays des Ethiopiens n'était pas éloigné de l'Egypte ; il comprenait trois Etats d'Indiens et quatre Etats d'Abyssins, situés au bord de l'Océan, vers l'Orient. Les marchands chrétiens qui traversaient le pays des adorateurs des astres et (le pays) des Juifs[242] que nous avons précédemment mentionnés, avaient à subir de grandes vexations. Damnus, le roi des Juifs, quand les marchands chrétiens pénétraient chez lui, les tuait et s'emparait de leurs biens, disant : Puisque les Romains oppriment et tuent les Juifs, je tuerai, moi aussi, tous les chrétiens qui me tomberont entre les mains. En conséquence, tout commerce cessa et disparut de l'Inde intérieure. Le roi des Nubiens,[243] ayant eu connaissance de ces faits, envoya au roi des Juifs le message suivant : « Tu as mal agi en tuant les marchands chrétiens, et tu as porté préjudice à mon État et aux Etats d'autres (rois), soit voisins, soit éloignés de moi. » Ayant reçu ce message (le roi des Juifs) se mit en campagne contre lui. Lorsque les deux adversaires furent en présence, le roi des Nubiens s'écria : « Si Dieu me donne la victoire sur ce Juif Damnus, je deviendrai chrétien ! » Puis, en livrant bataille au Juif, il le vainquit et le tua, et il s'empara de son État et de ses villes. Alors il envoya des messagers à Alexandrie, auprès des Juifs et des païens,[244] faisant demander, en même temps, aux gouverneurs romains de lui envoyer, de l'empire romain, un évêque qui donnerait le baptême et enseignerait les saints mystères chrétiens à tous les Nubiens et à ceux d'entre les Juifs qui avaient survécu. L'empereur Justinien, informé de cette demande, ordonna de lui accorder tout ce qu'il demandait et de lui envoyer des prêtres et un évêque d'entre les clercs du saint patriarche Jean. C'était un homme chaste et pieux. Telle fut l'origine de la conversion des Ethiopiens, sous le règne de l'empereur Justinien.[245]
Il arriva encore sous son règne que le roi du Hedjaz, nommé Al-mondar se mit en campagne, envahit la Perse et la Syrie, y commit de grandes déprédations, s'avança jusqu'à la ville d'Antioche, tua beaucoup d'habitants et brûla la ville nommée Chalcis et d'autres villes du canton de Sinnium et du canton de Cynegia. L'armée d'Orient marcha immédiatement contre les envahisseurs, qui ne tinrent pas devant elle ; ils rentrèrent dans leur pays, en emportant un nombreux butin.[246]
Sous le règne de l'empereur Justinien, il y eut aussi un grand tremblement de terre en Egypte. Beaucoup de villes et de villages furent engloutis dans l'abîme. Ceux qui habitaient le désert[247] priaient et imploraient Dieu, dans les larmes et dans le deuil, à cause de ce grand désastre. Après un an, le fléau cessa et les secousses, qui s'étaient fait sentir partout, s'arrêtèrent. Les Égyptiens célèbrent la mémoire de ce jour chaque année, le dix-septième jour de teqemt. Le souvenir de cette calamité nous a été conservé par nos pères, les moines égyptiens, les théophores ; car ce cataclysme avait pour cause le changement de la foi orthodoxe par l'empereur Justinien, qui était encore plus tyrannique que le frère de son père, son prédécesseur.[248]
Justinien ordonna aux Orientaux d'inscrire les noms (des évêques) du concile de Chalcédoine, alors qu'on avait exilé le patriarche Sévère, dans les diptyques de l'Église : usage qui n'existait pas et dont il n'est question ni dans les canons des apôtres ni dans les conciles des Pères subséquents ; on ne devait mentionner aucun concile dans la messe. Justinien seul établit cette coutume dans tout son empire, et il fit inscrire les noms des évêques du concile de Chalcédoine.[249] Anthime, patriarche de Constantinople, Acacius, qui fut patriarche au temps de l'empereur Zénon, et Pierre, patriarche d'Alexandrie, furent excommuniés, et il fit effacer leurs noms des diptyques ; il abolit l'Hénotique de l'empereur Zénon, proscrivit le nom du patriarche Abbâ-Sévère dans toute la province d'Antioche et dans toutes les provinces adjacentes, défendant de le mentionner dans les diptyques de l'Eglise et ordonnant de le maudire, et empêcha les habitants d'Alexandrie de se désaltérer à la source de la doctrine de Dioscure. A Dioscure avait succédé le patriarche Timothée. L'empereur Justinien avait donné le siège pontifical aux Chalcédoniens ; mais l'impératrice Théodora, sa femme, l'ayant sollicité en faveur de Timothée, patriarche d'Alexandrie, il le laissa à cause d'elle sur son siège. Elle l'appelait « Père spirituel. »
Du temps de ce saint père, l'empereur Justinien envoya à Alexandrie des troupes nombreuses, qui bloquèrent la ville et voulurent y faire un grand massacre. Le patriarche Timothée députa plusieurs anachorètes et ascètes, afin d'intercéder auprès de l'empereur en faveur de l'Eglise, et afin de le prier pour qu'il n'y eût pas de massacre dans la ville, que l'on ne répandît pas le sang innocent et que les habitants pussent demeurer dans la foi de leurs pères. L'empereur, en recevant ce message, accorda la requête sur l'intercession de l'impératrice Théodora, qui lui était chère, et il envoya à l'armée l'ordre de retourner dans la province d'Afrique. Le patriarche Timothée continuait à demeurer dans son palais, fidèle à sa foi orthodoxe. L'empereur envoya ensuite à Alexandrie, un cubiculaire nommé Calotychius. En cette année l'empire romain avait mille deux cent quatre-vingt-sept ans d'existence. La ville fut tranquille pendant quelque temps. Puis le vénérable père Timothée mourut entouré de vénération.[250]
Chapitre XCI. Il était encore arrivé, du temps de ce patriarche Timothée, dans la ville d'Alexandrie, un fait important, entouré de prodiges et tout à fait extraordinaire. Il y avait, dans la partie orientale de la ville, dans l'endroit appelé Aroûtîyoû, à droite de l'église de Saint-Athanase, une maison habitée par un juif appelé Aubaroûnes[251] qui avait chez lui un coffre qu'il avait reçu de ses parents juifs, contenant le Mandilion[252] et le linge dont Notre-Seigneur Jésus-Christ s'était ceint, lorsqu'il lava les pieds de ses disciples. Cet homme avait tenté plusieurs fois en vain de l'ouvrir ; quand il le touchait, une flamme descendait menaçant de consumer celui qui voudrait l'ouvrir, et il entendait la voix des anges chantant les louanges de Celui qui a été cloué sur la croix, Dieu, le roi glorieux ! Le juif, très effrayé, alla avec sa mère, sa femme et ses enfants, trouver le patriarche Timothée, et ils lui firent part de ces circonstances. Aussitôt le patriarche, accompagné de personnes portant des croix, des évangiles, des encensoirs et des cierges allumés, se rendit à l'endroit où se trouvait le coffre, et le couvercle de la caisse s'ouvrit immédiatement ; le patriarche prit respectueusement le mandilion et le linge sacrés et les porta dans son palais épiscopal, puis il les déposa dans l'église des Tabenniosites, dans un lieu saint. Un ange descendit du ciel et ferma le couvercle de la caisse de bronze qui contenait le mandilion et le linge, et elle est restée fermée jusqu'à ce jour. Les habitants d'Alexandrie en furent mécontents et allèrent trouver les Perses (?),[253] leur demandant d'ouvrir cette caisse, mais ils n'y réussirent pas. Quant au juif, ainsi qu'il convenait, il embrassait alors le christianisme, avec tous, les gens de sa maison.
Chapitre XCII. Après la mort du vénérable père Timothée, on nomma à sa place le diacre Théodose, qui était secrétaire[254] (de Timothée). Lorsqu'il allait pour occuper son siège pontifical, un Ethiopien voulut le tuer ; il prit la fuite et se rendit dans la ville de…[255] et y vécut dans la retraite. Alors la populace prit Gaïnas et le proclama patriarche à la place de Théodose, contrairement aux saints canons. La ville était divisée ; les uns se déclaraient partisans de Théodose, les autres, partisans de Gaïnas ; et cette division s'est perpétuée jusqu'à ce jour. Il y avait alors, dans la ville, un préfet nommé Dioscore, tandis qu'Aristomaque était commandant de l'armée. En apprenant ces événements, l'empereur Justinien ordonna au gouverneur militaire de se rendre à Alexandrie et de ramener le saint père Théodose de son exil. Ce général rétablit donc Théodose sur son siège et chassa Gaïnas… Lorsqu'il prit possession de l'église, il la donna à Paul le chalcédonien, qui était un moine d'entre les Tabenniosites, et le proclama patriarche. Celui-ci déclara par écrit qu'il était rallié à la foi des Chalcédoniens, et il envoya (cette déclaration) à toutes les églises. Il y eut aussitôt des troubles parmi les habitants d'Alexandrie, qui luttaient les uns contre les autres à main armée ; car il n'y avait personne qui voulût communiquer avec Paul, qui était un apostat et un nestorien. Et cela fut ainsi non seulement à Alexandrie ; aucune ville ne voulait le reconnaître, parce qu'il exerçait des persécutions et qu'il aimait à répandre du sang. Ce même Paul, lorsqu'on l'eut trouvé dans un bain commettant avec un diacre le crime infâme de sodomie, fut déposé par l'empereur Justinien, qui nomma à sa place un moine nommé Zoïle[256] de la ville de[257] …. Les habitants de la ville refusaient également de l'accepter, et Zoïle, voyant que les habitants lui étaient hostiles, adressa une lettre à l'empereur Justinien, se démettant de sa dignité pontificale. Alors l'empereur choisit un lecteur du couvent de Salâmâ, d'Alexandrie, nommé Apollinaire, qui était un homme doux et pieux du parti des Théodosiens. On le décida par la persuasion à être patriarche à la place de Zoïle, et on lui promit de grandes faveurs, pour qu'il cherchât à rétablir la foi de l'Eglise. Gaïnas mourut en exil avant Théodose.
L'empereur Justinien assembla un grand nombre d'évêques de tous les pays avec Vigile, patriarche de Rome. A la suite de laborieux efforts, beaucoup de gens avaient accepté la foi orthodoxe, tandis que d'autres suivaient la doctrine perverse nestorienne et chalcédonienne.[258]
…. Or Justinien tenait pour vraie la doctrine des Chalcédoniens et acceptait la lettre de Léon qui déclarait que le Christ avait deux natures absolument distinctes, ainsi que l'avaient enseigné les deux évêques, Théodoret, évêque de Cyr, et Théodore, évêque de Mopsueste, les nestoriens.
Justinien, après la calamité que Dieu avait fait descendre sur le pays, conclut la paix avec les Perses et vainquit les Vandales. Ces grandes victoires ont été exactement racontées par Agathias, l'un des scholastiques renommés de Constantinople, ainsi que par un savant nommé Procope, le patrice, qui était un homme d'une haute intelligence, grand dignitaire, dont l'œuvre est célèbre. C'est lui (Justinien) qui prit tous les édits des empereurs ses prédécesseurs, les mit dans un ordre convenable, les remit en vigueur, et les déposa dans les prétoires dont l'origine remonte aux anciens Romains qui ont laissé (cette institution) comme un monument pour la postérité.[259]
Chapitre XCIII. Il fut un homme nommé Romulus, qui avait fondé la grande ville de Rome ; puis un autre, son successeur, nommé Numantius, qui prodigua à la ville de Rome des institutions et des lois et qui ensuite établit les trois ordres du royaume ; ainsi faisaient encore César f ancien et Auguste, son successeur. C'est par ces institutions que s'est manifestée la supériorité des Romains, et ces institutions se sont maintenues parmi eux jusqu'à ce jour.[260] A son tour l'impératrice Théodora, épouse de l'empereur Justinien, fit cesser la prostitution, et elle ordonna d'expulser les femmes prostituées de tout lieu.
Un chef de brigands samaritain réunit autour de lui tous les Samaritains et souleva une grande guerre ; il se fit couronner dans la ville de Néapolis, et se proclama roi. Il égara un grand nombre de gens de sa nation, en affirmant mensongèrement qu'il était envoyé de Dieu pour rétablir le royaume des Samaritains, ainsi qu'avait fait Roboam, fils de Nabot, qui régnait après Salomon le sage, fils de David, et qui avait séduit le peuple d'Israël, et l'avait conduit à l'idolâtrie. Pendant qu'il était à Néapolis, trois écuyers,[261] un chrétien, un juif et un samaritain, luttaient dans les courses. Le chrétien, ayant vaincu, descendit aussitôt de son cheval et inclina la tête pour recevoir le prix. (L'usurpateur) demanda qui était celui qui avait vaincu dans la course. On lui répondit que c'était le chrétien. Sur-le-champ on lui trancha la tête. C'est pourquoi on appela les soldats (des Samaritains), soldats de Philistéens.[262] Les troupes de Phénicie, de Canaan, d'Arabie et beaucoup d'autres chrétiens accoururent, attaquèrent ce misérable Samaritain et le tuèrent, ainsi que ses compagnons et ses officiers. On ui trancha la tête, que l'on envoya à Constantinople, à l'empereur Justinien (pour servir d'exemple), afin de fortifier son gouvernement. L'empereur distribua alors des aumônes aux pauvres et aux malheureux.
Chapitre XCIV. Il y avait de l'incertitude au sujet du corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et l’on discutait beaucoup à Constantinople sur la question de savoir s'il était corruptible ou incorruptible. Il y eut beaucoup de mouvement, à Alexandrie, à cause de la discussion qui existait à ce sujet entre les partisans de Théodose et ceux de Gaïnas. L'empereur Justinien fit demander sur cette matière l'avis d'Eutychius, qui était alors patriarche de Constantinople, et qui partageait, quant à la doctrine, les sentiments de Sévère et de Théodose. Eutychius lui répondit ainsi : «.Le corps de Notre-Seigneur qui s'est soumis à la souffrance pour notre salut, est vivant, impérissable, incorruptible, inaltérable ; nous croyons qu'il a souffert par sa propre volonté et qu'après la résurrection il a été incorruptible et inaltérable, sous tous les rapports et d'une manière absolue. » L'empereur ne fut pas satisfait de cette déclaration. La vraie solution de cette difficulté se trouve dans la lettre adressée par saint Cyrille à Succensus. L'empereur inclinait vers l'opinion de Julien, évêque des partisans de Gaïnas qui avaient la même doctrine et qui disaient : Jésus-Christ a été homme comme nous ; les saintes Ecritures affirment qu'il a souffert pour nous en son corps. L'empereur Justinien fut donc très irrité contre le patriarche Eutychius, parce qu'il ne lui avait pas répondu comme il l'avait désiré, qu'au contraire il s'était prononcé comme Sévère et Anthime. Ceux-ci, disait-il, avaient trompé les habitants de Constantinople, et (Eutychius) les trompe également. Justinien adressa ensuite une lettre à Agathon,[263] préfet d'Alexandrie, et ordonna qu'Apollinaire, comes du couvent de Bântôn (?), fût établi patriarche des Chalcédoniens dans Alexandrie et dans les autres villes d'Egypte. Mais les habitants de cette province étaient fortement attachés à la doctrine de l'incorruptibilité ; ils suivaient l'enseignement de nos pères, consigné dans les livres, d'après lequel le saint corps de Notre-Seigneur a été incorruptible avant la résurrection ; il a souffert la passion par sa propre volonté jusqu'à la mort, et, après la résurrection, il est devenu immortel et impassible ; telle est la formule de Grégoire le théologien. C'est pourquoi nous devons, dans la question de l'incorruptibilité, écarter la passion salutaire qu'il a subie en son corps, par sa propre volonté et par sa libre détermination, et qu'il a préparée pour notre rédemption. Or l'empereur Justinien, ayant déposé et exilé Eutychius, patriarche de Constantinople, nomma à sa place Jean, de la ville de…[264] , qui lui promit de déclarer par écrit qu'il était d'accord avec lui dans la foi, et d'écrire une lettre synodale. Mais, après avoir pris possession de son siège, Jean ne tint pas compte de la volonté de l'empereur et refusa d'écrire comme il lui avait dit. En effet il avait été d'abord laïque ; il ne connaissait pas les Ecritures et n'avait pas étudié à fond la sainte religion ; mais, lorsqu'il fut prêtre, il s'appliqua à étudier les saintes Ecritures, et il sut les peines et les afflictions que nos saints Pères ont supportées à cause du Christ ; il apprit ainsi la doctrine orthodoxe et abandonna la doctrine corrompue de l'empereur. Ce même patriarche Jean composa (le livre intitulé) Mystagogia,[265] traitant de la nature unique du Christ, le Verbe de Dieu devenu chair, dont il affirma, d'accord avec le témoignage d'Athanase l'apostolique, l'essence unique, divine et humaine.
Un homme nommé Menas, qui avait été auparavant patriarche de Constantinople, adressa à Vigile, patriarche de Rome, un écrit dans lequel il s'exprimait ainsi : « Il n'y a qu'un seul arbitre et une seule volonté dans Notre-Seigneur et sauveur Jésus-Christ ; nous croyons en Dieu dans la crainte parfaite du cœur et en nous pénétrant de l'enseignement de nos pères ». Tout ce discours était conforme aux idées de Jean, patriarche de Constantinople. Or l'empereur voulait déposer Jean ; mais, pendant qu'il y songeait, craignant qu'il n'y eût des troubles, parce qu'il avait déjà exilé Eutychius, sans jugement légal, Justinien mourut, dans une vieillesse avancée, dans la trente-neuvième année de son règne. Sa femme, l'impératrice Théodora, était morte avant lui.
Les Romains déposaient tous les évêques. Puis ils abandonnèrent leurs anciennes institutions, à cause des païens qui demeuraient parmi eux ; ces païens, s'étant concertés, tuèrent les Romains, au milieu du jour, s'emparèrent des villes et firent beaucoup de captifs.[266]
Les Samaritains habitant la Palestine s'étant révoltés et ayant pris les armes, l'empereur Justinien, avant de mourir,[267] avait envoyé contre eux un moine de condition illustre, nommé Photion,[268] avec une nombreuse armée. Celui-ci les attaqua et les vainquit ; il infligea un châtiment sévère à un grand nombre d'entre eux, en exila plusieurs autres, et leur inspira (ainsi) une grande terreur.[269]
A cette époque, il régna dans toutes les contrées une peste et une grande famine. L'empereur (Justin), voyant que le peuple s'agitait, lorsqu'il eut fait promulguer son édit sur la religion dans toute la province d'Alexandrie, et qu'il eut inauguré une grande persécution dans toute l'Egypte, tomba dans une profonde mélancolie, son esprit se troubla et, dans sa folie, il se promenait dans les appartements du palais. Il désirait la mort, mais il ne la trouva point, parce que Dieu était irrité contre lui. Enfin, comme il montrait sa démence devant le peuple, on lui ôta la couronne impériale, que l'on mit sur la tête de Tibère, qui fut proclamé empereur à sa place, et à qui Notre-Seigneur Jésus-Christ donna la force et le pouvoir. Tibère était un jeune homme très beau, aimant le bien, généreux, d'un cœur ferme. Lorsqu'il eut pris le gouvernement, il fit cesser la persécution, et il honorait les prêtres et les moines. On l'accusait d'être nestorien ; mais cette accusation était fausse. Au contraire, il était d'une grande bonté et ne cessait de favoriser les orthodoxes et ceux qui croyaient en une seule nature du Christ qui est vraiment Dieu et vraiment homme, d'essence unique, Verbe devenu chair. Adorons-le et célébrons Celui qui donne aide et force aux rois I Cet empereur, pendant son règne, ne permettait à personne de persécuter (les croyants). Il faisait des dons nombreux à tous ses sujets, fondait beaucoup d'oratoires en l'honneur des martyrs, des laures pour les moines, des cloîtres et des couvents pour les vierges, et distribuait libéralement des aumônes aux pauvres et aux malheureux. En récompense de ses belles actions, Dieu faisait régner la paix pendant son gouvernement, et préservait, par une grâce spéciale, sa capitale (de troubles). Jean, patriarche de Constantinople, qui avait été comblé de faveurs, mourut sous son règne, et, après sa mort, l'empereur ramena de l'exil Eutychius et le rétablit sur son siège, à la place de Jean. Apollinaire, évêque des Chalcédoniens, étant mort à Alexandrie, on le remplaça par un homme nommé Jean, ancien chef militaire. C'était un homme de belle figure, qui ne forçait personne à abandonner sa croyance. Il se contentait de glorifier Dieu dans son église, au milieu de son peuple, et ils célébraient les belles actions de l'empereur.
Le Christ était avec l'empereur, qui vainquit les Perses et les barbares par la force de ses armes, et accorda la paix à tous les peuples, sujets de son empire. Il mourut en paix, clans la troisième année de son règne. C'est à cause des péchés des hommes que son règne fut si court ; car ils n'étaient pas dignes d'un tel empereur si pieux, et ils furent privés de cet homme bon et honnête. Avant de mourir, il recommanda que l'on mît sur le trône son gendre, nommé Germain, qui avait été patrice. Mais celui-ci, par modestie, refusa le pouvoir.
Alors on éleva sur le trône Maurice, qui était originaire de la province de Cappadoce.
Chapitre XCV. Maurice, successeur de Tibère, qui aimait Dieu, aimait beaucoup l'argent. Il avait auparavant commandé en Orient, puis il avait épousé la fille de Domentiole, nommée Constantine. Il fit immédiatement, à Constantinople, l'appel de tous les cavaliers et les fit partir, avec Domentiole, vers l'Orient.[270] Il envoya aussi un message à Aristomaque, d'Egypte, qui était un citoyen de Nikious et fils du gouverneur Théodose. C'était un homme orgueilleux et puissant. Son père, avant de mourir, l'avait exhorté en lui disant : « Demeuré dans ta condition et n'ambitionne pas une autre carrière ; contente-toi de ton rang, afin que ton âme soit en repos ; car tu as une grande fortune qui pourra te suffire. «Mais, lorsqu'il fut sorti de l'enfance, Aristomaque, oubliant les recommandations de son père, chercha à jouer un rôle dans ce monde, et il se créa une nombreuse suite de gens armés ; il se procura aussi des bateaux pour parcourir joyeusement toutes les villes d'Egypte. Il devint ainsi extrêmement orgueilleux et fit respecter par tous les chefs l'autorité de l'empereur[271] ; car, sous le règne de l'empereur Tibère, il avait obtenu le commandement. En raison de ce commandement, il devint de plus en plus présomptueux ; il tenait toutes les troupes sous ses ordres, ne craignant personne ; il plaça des cavaliers dans la ville de Nikious, sans autorisation de l'empereur. Tous les militaires qu'il commandait étaient dans le dénuement, et il prenait les maisons de ceux qui étaient plus riches que lui, en les traitant avec une entière indifférence ; et, quand des personnes, haut placées ou d'un rang inférieur, venaient le trouver de la part de l'empereur, il ne leur donnait accès auprès de lui qu'après les avoir fait longtemps attendre à la porte.
Lorsque l'empereur Tibère, avant sa mort, fut informé des menées d'Aristomaque, il envoya à Alexandrie un officier, nommé André[272] pour l'arrêter, en procédant avec prudence et en évitant de verser du sang, pour qu'il lui fût amené vivant. L'empereur Tibère adressa aussi un message à tous les guerriers d'Egypte pour les engager à lui prêter leur concours contre les barbares. Aristomaque, en recevant le message de l'empereur, se rendit à Alexandrie, accompagné seulement d'un petit nombre de serviteurs ; car il ignorait le guet-apens qu'on lui avait préparé. Le patriarche et André, heureux de le voir arriver, firent tenir prêt un vaisseau léger, dans la mer, près de l'église de saint Marc l'évangéliste. Alors on célébra la messe, le 30 du mois de Mîyâzyâ, fête de saint Marc l'évangéliste. La messe terminée, André sortit de l'église et, accompagné d'Aristomaque, dirigea ses pas vers le rivage. Puis il fit signe aux hommes de sa suite et aux soldats de saisir Aristomaque et de le jeter dans le vaisseau. Aussitôt ils le saisirent, le portèrent sur leurs épaules, le jetèrent dans le vaisseau, sans qu'il comprît (ce qui lui arrivait), et l'on fit voile vers la résidence de l'empereur. Le gracieux empereur, en le voyant, dit : « Cette figure n'est pas celle d'un criminel ; ne le maltraitons point. » Et il donna l'ordre de le garder à Byzance, jusqu'à ce qu'il eût examiné son affaire. Peu de temps après, n'ayant trouvé aucune charge contre lui, il lui rendit le commandement et l'envoya à Alexandrie, où il se fît aimer de tous. Il vainquit les barbares de la province de Nubie et de l'Afrique appelés Mauritaniens et d'autres barbares appelés Mârîhôs[273] ; il les tailla en pièces, dévasta leur pays, leur enleva leurs biens et les ramena tous enchaînés en Egypte par le Gehon ; car la rencontre avait eu lieu au bord du fleuve. Les chroniqueurs ont parlé de sa victoire. Pensant que quelque ennemi jaloux pourrait aller trouver l'empereur et porter une accusation contre lui, il voulait le prévenir en envoyant immédiatement un message à l'empereur, lui demandant s'il pouvait avoir une entrevue avec lui. L'empereur Maurice ayant répondu affirmativement, Aristomaque se mit aussitôt en route, et se rendit auprès de l'empereur, en lui offrant de nombreux présents. L'empereur accepta tous ses dons et le nomma sur-le-champ préfet de la ville impériale. L'impératrice Constantine le fit intendant de toute sa maison et le combla d'honneurs, de sorte qu'il obtint le premier rang après l'empereur, et il devint un très grand personnage dans la ville de Byzance. Il fit construire des aqueducs dans toute la ville, car les habitants se plaignaient beaucoup du manque d'eau ; puis il leur fit construire, par un savant ingénieur, un réservoir en bronze, comme on n'en avait jamais fait avant lui, dans lequel l'eau coulait et se renouvelait ; la ville fut ainsi abondamment pourvue d'eau, et, quand il y avait un incendie, on allait à ce réservoir d'eau et l'on éteignait le feu. Aristomaque était aimé et honoré de toute la population ; car il aimait les constructions et se distinguait par ses belles actions. Alors il lui surgit des envieux, des gens sots qui songeaient à le faire périr par quelque machination. Tandis qu'ils étaient dans ces dispositions, il arriva qu'un magistrat qui connaissait l'astrologie, et un autre, nommé Léon le logothète, ayant observé une étoile qui avait paru au ciel, affirmaient que cette étoile indiquait l'assassinat de l'empereur. Ils allèrent trouver l'impératrice Constantine, lui firent part de leur observation et lui dirent : « Sache ce que tu dois faire, et cherche à te sauver, toi et tes enfants ; car cette étoile qui vient de paraître est le présage d'une révolte contre l'empereur. » Ils se répandirent en accusations contre Aristomaque, tout en la conjurant de n'en rien dire à l'empereur. Mais elle vint immédiatement en donner communication à l'empereur, qui fut persuadé qu'Aristomaque allait le tuer et prendre sa femme. Alors il conçut de la haine contre lui, le destitua définitivement, lui fit subir de nombreuses humiliations, et l'exila-dans une île de la Gaule jusqu'à sa mort.[274]
Or l'empereur Maurice accueillait beaucoup de faux accusateurs, auteurs de discorde, à cause de son amour de l'argent. Il vendait et convertissait en or tout le grain d'Egypte, de même que le grain (destiné à la ville) de Byzance. Tout le monde le détestait et l'on disait : « Comment la ville de Constantinople peut-elle supporter un si mauvais empereur ? Et est-il possible qu'il soit père de cinq fils et de deux filles, celui qui exerce une telle tyrannie jusqu'à la fin de son règne ? »
Hormisdas, appelé Kesrî, le roi de Perse à cette époque, était fils du grand Cabadès. On raconte que son père avait été chrétien, qu'il croyait au Christ, notre vrai Dieu, mais que, craignant le mécontentement des Perses, il cachait sa croyance. Vers la fin de son règne, il entra dans un bain, accompagné de sa suite de personnes dévouées, et, après avoir été exhorté et instruit par un évêque chrétien dans la religion qu'il professait en secret, il renia Satan qu'il adorait, et l'évêque le baptisa, dans une piscine du bain, au nom de la sainte Trinité. Il donna ensuite l’ordre de détruire la piscine dans laquelle il avait été baptisé. Puis il prit son fils Hormisdas et l'établit roi à sa place. Ce malheureux était adonné au culte des fausses divinités et forçait les chrétiens d'adorer le feu et le soleil. Il adorait aussi les chevaux qui mangent de l'herbe.[275]
Chapitre XCVI. Une femme noble, nommée, dans la langue de la Perse, Golendouh, qui était nestorienne, faisant un voyage par mer, fut capturée par les Perses, mise en prison, et, selon la coutume des Assyriens, on lui mit au cou une chaîne ; quand (une prisonnière) venait à mourir, on montrait au roi cette chaîne encore fermée et attachée à son cou. Golendouh étant dans cette situation, un ange lui apparut, lui parla et lui ôta la chaîne qui enfermait son cou, sans qu'elle fût ouverte, en la remettant aux gardiens, afin que ceux-ci ne fussent pas punis par leurs chefs. Elle entendit une voix céleste qui lui dit : « C'est pour la foi orthodoxe de Notre-Seigneur Jésus-Christ que tu viens d'être délivrée. » Elle s'enfuit, gagna le territoire romain et s'arrêta dans la ville d'Hiérapolis, sur l'Euphrate ; elle alla raconter au métropolitain Domitien tout ce qui lui était arrivé. Celui-ci, fils de l'oncle paternel de l'empereur Maurice, se rendit auprès de l'empereur et lui fît part de l'aventure de la femme dont nous venons de parler. L'empereur la fît amener en sa présence et la détermina à abandonner la croyance des Nestoriens et à embrasser la croyance orthodoxe de l'Eglise. Elle écouta ses paroles et devint croyante.
Cependant Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est patient et qui aime à répandre des grâces, ne demeurait pas indifférent et impassible à la persécution que faisait subir à ses saints Hormisdas, roi de Perse. Dieu fui irrité contre lui, et la maison du nouveau Chosroès fut bouleversée de fond en comble ; son fils se révolta contre lui et le tua, et, à l'occasion de la mort du roi, il y eut de graves dissensions parmi les grands, et il se forma deux partis. Voyant cet état des choses, Chosroès l'aîné prit la fuite et gagna le territoire romain. En se présentant aux officiers romains, il envoya des ambassadeurs à l'empereur Maurice, et lui fit demander l'autorisation de demeurer sous la domination romaine, en s'engageant à faire la guerre aux Perses, à conquérir leur pays et à le livrer aux Romains. L'empereur Maurice se rendit auprès de Jean, patriarche de Constantinople, pour délibérer avec lui. Ce Jean était un ascète ; il ne mangeait d'aucun aliment préparé, et il ne buvait pas de vin ; il se nourrissait avec sobriété de fruits des champs et de légumes verts. Les magistrats et les officiers se réunirent chez lui, pour délibérer avec lui au sujet de Chosroès, le roi de Perse, qui venait d'arriver dans leur pays. Jean leur parla avec force, en disant : « Cet homme, qui a tué son père, ne peut être utile à l'empire. C'est le Christ, notre vrai Dieu, qui combattra pour nous en tout temps contre tous les peuples qui nous attaqueront. Et celui-ci qui n'a pas été fidèle à son père, sera-t-il fidèle à l'empire romain ? » Mais l'empereur Maurice n'agréa pas l'avis émis par le patriarche, ainsi que par les officiers ; il écrivit sur-le-champ à Domitien, évêque de Mélitène, qui était le fils du frère de son père, et à Narsès, commandant.de l'armée d'Orient, auquel il ordonna de se mettre en marche avec toutes les troupes romaines, d'établir Chosroès comme roi, en Perse, et de faire périr ses adversaires. Il donna à Chosroès les insignes royaux et de magnifiques vêtements dignes de son rang. Chosroès allait souvent trouver Golendouh, pour l'interroger s'il régnerait ou ne régnerait pas en Perse. Elle lui dit : « Certes toi, tu triompheras et tu régneras définitivement sur les Perses et les Mages ; l'empire romain (seul) a été donné à l'empereur Maurice. »
Narsès exécuta les ordres de l'empereur ; il ramena Chosroès, le maudit, chez les Perses, les attaqua et les vainquit, et remit le royaume des Mages à ce misérable. Après être monté sur le trône, il se montra ingrat envers les Romains qui l'avaient comblé de bienfaits, et complota leur perte. Pendant la nuit, les Mages se réunirent chez lui pour préparer un poison qu'ils voulaient mêler à la nourriture des soldats romains et à la nourriture de leurs chevaux, afin de les faire périr tous avec Narsès, leur général. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ inspira de la pitié aux gens du palais, qui vinrent en avertir Narsès, le général de l'armée romaine. Celui-ci, en apprenant ce dessein, recommanda aux soldats de ne point manger la nourriture qu'on leur présenterait, mais de la donner aux chiens, et, quant au fourrage, de le donner aux autres animaux. Lorsque les chiens en eurent mangé, ils crevèrent et les autres bêtes moururent. Alors Narsès, très irrité contre Chosroès, se mit immédiatement en route et ramena lès soldats romains à leurs chefs.
Tous les Romains détestaient l'empereur Maurice, à cause des calamités qui arrivaient sous son règne.
Chapitre XCVII. Il y avait, dans une ville du nord de l'Egypte, appelée Aykelâh,[276] qui est (appelée aujourd'hui) Zâwiya, trois frères : Abaskîrôn, Menas et Jacques. Abaskîrôn, l'aîné, qui était scribe, avait un fils nommé Isaac. Jean, préfet d'Alexandrie, leur avait donné le commandement de plusieurs villes d'Egypte. Leur propre ville d'Aykelâh était proche d'Alexandrie. Ces quatre hommes, ne sachant supporter leur grande fortune, se mirent à attaquer les gens de la faction bleue, et ils saccagèrent les deux villes de Bana et de Bousir, sans y avoir été autorisés par le préfet du canton, qui était un homme excellent et d'une conduite irréprochable. Les quatre hommes que nous venons de nommer y firent un grand massacre, mirent le feu à la ville de Bousir et brûlèrent le bain public. Le préfet de la ville de Bousir, que les gens d'Aykelâh voulaient tuer, s'enfuit pendant la nuit, et, ayant réussi à se sauver d'entre leurs mains, il se rendit à Byzance, et se présenta devant l'empereur Maurice en versant des larmes, et lui fit connaître l'attentat dont il venait d'être l'objet de la part de ces quatre hommes. Un message lui ayant été adressé aussi par le préfet d'Alexandrie, pour annoncer ces événements, l'empereur Maurice fut très irrité et ordonna à Jean, préfet d'Alexandrie, de destituer ces hommes. Alors ceux-ci réunirent un grand nombre d'aventuriers, avec des chevaux, des sabres et toutes sortes d'armes, et ils saisirent quantité de bateaux dans lesquels on portait des grains à Alexandrie, de sorte qu'il y eut une grande famine dans la ville, et les habitants, en proie aux souffrances de la faim, voulaient tuer le préfet Jean. Mais celui-ci, ayant toujours bien gouverné, fut défendu par les fidèles aimant le Christ.
Les habitants écrivirent une lettre qu'ils envoyèrent à l'empereur, et lui firent connaître la triste situation de la ville. L'empereur destitua le préfet Jean et nomma à sa place Paul, de la ville d'Alexandrie. Jean, qui, en partant, reçut des habitants des témoignages de haute estime, se rendit auprès de l'empereur et lui raconta les actes de violence commis par les gens d'Aykelâh, et il resta quelque temps avec l'empereur. Puis celui-ci le rétablit dans ses fonctions et lui donna plein pouvoir sur la ville d'Aykelâh. Les habitants de cette ville, en apprenant ce résultat et le (prochain) retour de Jean à Alexandrie, répandirent l'agitation et la révolte dans toute la province d'Egypte, soit en se servant de bateaux, soit par la voie de terre. Ils envoyèrent l'un d'entre eux, Isaac le corsaire, avec les brigands, qui descendirent en mer, saisirent un grand nombre de vaisseaux naviguant en mer et les brisèrent. Ils se transportèrent en Chypre et y commirent de grandes déprédations.
Plusieurs personnes, à savoir…,[277] les Bleus et les Verts et l'ennemi de Dieu de Bousir,[278] se réunirent dans la ville d'Aykelâh, et y délibérèrent avec Euloge, patriarche chalcédonien d'Alexandrie ; Allas, diacre ; Menas, coadjuteur, et Ptolémée, commandant des barbares, à l'insu des habitants de la ville ; ils voulaient nommer un préfet à la place de Jean ; mais ils disaient : « Ce Jean ne craint personne, il est ennemi de l'arbitraire et nous traite comme nous voulons être traités. »
Cependant les gens d'Aykelâh commettaient toujours de nouveaux méfaits. Ils saisissaient des bateaux chargés de grains, s'emparaient de l'impôt impérial et forçaient le préfet du canton de leur remettre les livraisons de l'impôt.
Jean, ayant quitté l'empereur en recevant des témoignages d'honneur, et s'étant rendu à Alexandrie (le chef de brigands d'Aykelâh ayant appris son arrivée), il réunit les troupes d'Alexandrie, d'Egypte et de Nubie, qui devaient marcher contre les gens d'Aykelâh. Aussitôt un général qui avait été avec Aristomaque, Théodore, fils du général Zacharie, se mit en campagne. Il adressa, en secret, une lettre à Jean, l'engageant à lui expédier des troupes exercées, sachant tirer de l'arc, et à rendre la liberté à deux hommes qui étaient en prison, à savoir Cosmas, fils de Samuel, et Bânôn, fils d'Ammôn. Il recommanda à Cosmas de prendre la route de terre, et à Bânôn d'aller par bateau. Ce Zacharie[279] était lieutenant de Jean à Bousir, et avait un rang illustre. Jean se trouva en présence de beaucoup de dévastations à Alexandrie. Il fit arrêter un grand nombre de perturbateurs et les punit ; il saisit beaucoup de vaisseaux et inspira aux rebelles, dès son arrivée à Alexandrie, une grande terreur. Plus tard, il fit exécuter beaucoup de grands travaux dans la mer. Il demeura à Alexandrie jusqu'à sa mort et ne retourna jamais à Byzance.
Lorsque le général Théodore et ses soldats se furent mis en marche, ils brûlèrent le camp des rebelles, et s'avancèrent jusqu'à Alexandrie, hommes et jeunes gens, des archers et un certain nombre de frondeurs. Théodore emmena avec lui les cinq hommes qu'il avait délivrés de la prison, Cosmas, fils de Samuel, Bânôn, fils d'Ammon, et leurs compagnons, afin de montrer (aux insurgés) les Egyptiens qu'il avait mis en liberté. Arrivés au bord du fleuve, ils placèrent les soldats dans des bateaux et les cavaliers sur terre. Le général se transporta avec les soldats sur la rive orientale du fleuve ; Cosmas et Banon demeurèrent, avec une nombreuse troupe, sur la rive occidentale, et ils crièrent aux conjurés qui étaient à l'Orient du fleuve : « Allons, vous autres, qui êtes dans les rangs de ces rebelles, ne combattez pas contre le général ! L'empire romain n'est encore ni vaincu ni affaibli I C'est par pitié pour vous que nous vous avons épargnés jusqu'à présent ! » Aussitôt les gens qui étaient dans les rangs des rebelles s'en séparèrent, traversèrent le fleuve et se joignirent à l'armée romaine. On attaqua les hommes d'Aykelâh, qui furent vaincus ; ils s'enfuirent pendant la nuit et gagnèrent un petit bourg nommé Aboûsân ; puis, ne pouvant y demeurer, ils se transportèrent dans la grande ville (d'Alexandrie) ; poursuivis par les troupes romaines, les quatre hommes : Abaskîrôn, Menas, Jacques et Isaac, furent pris, placés sur un chameau et promenés par toute la ville d'Alexandrie, aux regards de toute la population. On les mit ensuite en prison, les mains et les pieds chargés de chaînes. Lorsque, longtemps après, le patrice Constantin, nommé préfet d'Alexandrie par l'empereur, examina l'affaire de ces prisonniers, et qu'il connut les charges qui pesaient sur eux, il fit trancher la tête aux trois frères ; quant à Isaac, il le maintint en captivité et le fit transporter dans l'île d'Atrôkoû (?) pour le reste de ses jours. En ce qui concerne leurs complices, les uns furent condamnés à des peines corporelles, les autres eurent leurs biens confisqués. Les villes d'Aykelâh et d'Aboûsân furent livrées aux flammes. Toute la province d'Egypte fut dans la terreur, et les habitants demeuraient tranquilles et en paix.
Vers ce même temps surgit, dans le canton d'Akhmîm, un chef de partisans nommé Azarias, qui, ayant réuni autour de lui un grand nombre d'esclaves éthiopiens et de brigands, leva l'impôt public, à l'insu des préposés du canton. Les habitants, terrifiés par les actes de violence de ces esclaves et de ces barbares, en informèrent l'empereur par un message. L'empereur envoya contre Azarias un officier d'un rang élevé avec un nombreux corps de soldats égyptiens et nubiens. Azarias prit la fuite sans attendre d'être attaqué, et se réfugia sur une montagne aride (et escarpée),[280] pareille à une citadelle. Les troupes assiégèrent cette montagne pendant longtemps, jusqu'à ce que le rebelle et ses compagnons, n'ayant plus d'eau ni de vivres, moururent de faim et de soif, après avoir abandonné leurs chevaux.
Sous le règne de ce même empereur, alors qu'à Alexandrie il y avait un préfet et chef militaire nommé Menas, fils de Ma'în, il apparut [deux] créatures à figure humaine, dont l'une ressemblait à un homme, l'autre à une femme. Tous ceux qui naviguaient dans le fleuve, en s'arrêtant près du bord, les voyaient distinctement et avec un grand étonnement. Menas, lui aussi, entouré de tous les magistrats et des principaux de la ville, était témoin de ce spectacle ; et tous ceux qui les voyaient, leur adressèrent la parole, disant : « Nous vous adjurons au nom du Dieu qui vous a créés, apparaissez une seconde fois à nos yeux. » En entendant cette adjuration, ils montraient leur face, leurs mains et leur poitrine. Quiconque les voyait, disait : « C'est une production des démons qui habitent les eaux. » D'autres disaient : « Le fleuve a deux sexes ; car il vient de se montrer des êtres comme on n'en avait jamais vu auparavant.[281] » D'autres : « C'est un événement malheureux pour notre pays ; » d'autres : « C'est un signe de bon augure que l'apparition de ces êtres. » Tous émettaient des opinions fausses, et leurs propos n'avaient pas de fondement.[282]
Chapitre XCVIII. Il arriva encore sous le règne de l'empereur Maurice qu'un homme de Byzance, nommé Paulin, adorait les fausses divinités, prétendant que l'empereur Maurice tolérait ces pratiques ; mais Dieu punit ce magicien qui tomba en démence. Il avait chez lui un vase dans lequel il-mettait le sang du sacrifice impur des fausses divinités ; il porta ce vase à un orfèvre et le lui vendit. L'abbé d'un couvent, l'ayant vu chez l'orfèvre qui l'avait acheté, et le trouvant très beau, l'acheta et l'emporta à son couvent. Il le plaça à côté de l'autel, à part, en le remplissant d'eau, et ordonna aux frères chaque fois qu'ils prendraient les saints mystères, de puiser de cette eau, pour refroidir l'eucharistie destinée à être le corps et le sang du Christ, notre Dieu. Mais le grand roi glorieux, Notre-Seigneur Jésus-Christ, ne voulait pas qu'un objet du culte des fausses divinités fût mêlé aux vases non sanglants, ainsi qu'il est dit dans les Epîtres, du saint autel de notre Dieu. Et aussitôt cette eau fut changée en sang. Lorsque les frères, ayant pris la sainte eucharistie, sortirent du sanctuaire, afin de prendre de cette eau pour la refroidir selon la coutume, et qu'ils virent le miracle survenu dans le vase d'argent, ils furent saisis de terreur, eux et leur supérieur, et se mirent à pleurer. Ils scrutèrent leur conscience, mais ne. se trouvèrent coupables d'aucune faute. Ils portèrent immédiatement le vase d'argent rempli de sang à Jean, patriarche de Constantinople, et lui firent part de ce qui était arrivé. Jean fit chercher l'homme qui l'avait vendu et lui demanda d'où il tenait ce vase, de qui il l'avait acheté. Cet homme répondit qu'il l'avait acheté de Paulin. Alors le patriarche, le clergé et les fidèles de l'Eglise reconnurent que cet événement venait de Dieu. Le patriarche, désirant dévoiler l'apostasie de Paulin le magicien et son infamie, tous, saisis par le zèle de Dieu, coururent aussitôt et amenèrent Paulin au palais de l'empereur Maurice. Le principal officier (le maître des offices) l'ayant interrogé sur cette affaire, en présence de tous les magistrats et des sénateurs, il avoua devant tout le monde en disant : « J'avais l'habitude de mettre dans ce vase le sang du sacrifice que j'offrais aux divinités. » Les assistants, d'une voix unanime, le condamnèrent à être brûlé vif. On fit proclamer sa condamnation par la voix du héraut, à trois reprises ; d'abord en ces termes : « Pourquoi Paulin, l'ennemi de Dieu, serait-il sauvé, lui qui adressait des prières à Apollon, pour sa perte ? » Ensuite en ces termes : « Tu t'es adonné avec volupté à un péché étrange ; il s'est donné beaucoup de mal pour ce qui ne profite pas à son âme. » La troisième annonce fut : « Paulin a cherché volontairement sa propre perte, il est devenu l'ennemi de la sainte Trinité, et il n'est pas demeuré dans la vraie religion orthodoxe ! » Mais ceux qui le suivaient dans toutes ses détestables pratiques cherchaient à le sauver. Le patriarche Jean l'ayant appris, se rendit au palais et ôta la robe sacerdotale qu'il portait ; et, tandis que tout le peuple criait : « Que la religion orthodoxe soit prospère et florissante ! le patriarche dit : « Si l'on ne brûle pas immédiatement Paulin le magicien, j'abandonne mon siège et fais fermer toutes les églises, et je ne laisserai personne participer aux saints mystères, et le Christ ne manquera pas de punir ceux qui ont blasphémé son nom ! » Alors l'empereur craignait qu'il n'y eût une émeute à cette occasion ; et le patriarche ne rentra pas chez lui avant qu'il n'eût fait brûler Paulin. Or l'empereur était, dans toute sa conduite, comme un païen. En apprenant qu'on le blâmait, il fut très affligé.[283]
Chapitre XCIX. Au commencement de son règne, il avait ordonné par une loi d'inscrire en tête de tous les actes la formule : « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et notre Sauveur. » Il voulait ainsi manifester sa foi en Jésus-Christ, le sauveur du monde entier. Ensuite Domitien, le fils du frère de son père, ordonna que l'on forçât, par contrainte, les Juifs et les Samaritains à recevoir le baptême et à devenir chrétiens. Mais ce furent de faux chrétiens. Il força aussi les hérétiques de les admettre aux fonctions ecclésiastiques, car il était un ardent chalcédonien.
Chapitre C. Il arriva aussi, sous le règne de Maurice, qu'à l'orient de la ville d'Esna, qui est la principale ville du Rif, les eaux débordèrent pendant la nuit, alors que les habitants étaient plongés dans le sommeil, et renversèrent beaucoup de maisons avec leurs habitants ; les flots les entraînèrent et les submergèrent dans le fleuve ; il y eut de nombreuses ruines dans la ville et beaucoup de gens périrent. Et de même dans la ville de Tarse en Cilicie ; le fleuve appelé Euphrate, qui la traversait, déborda au milieu de la nuit, couvrit une partie de la ville, appelée Antinosea, et détruisit beaucoup de maisons. On trouva dans le fleuve une table de pierre portant l'inscription suivante : « Ce fleuve détruira beaucoup de maisons de cette ville.[284] »
Chapitre CI. Sous le règne du même Maurice, la ville d'Antioche fut désolée par un grand tremblement de terre et ruinée pour la septième fois. Beaucoup de lieux en Orient furent bouleversés, ainsi que les îles,[285] et un nombre immense d'hommes trouvèrent la mort. En même temps, le soleil s'obscurcit, à la cinquième heure du jour, et l'on vit briller les étoiles. Il y eut une vive agitation parmi les habitants, qui croyaient que la fin de la terre était proche. Tous pleuraient et imploraient le Christ, notre Dieu, d'avoir pitié d'eux et de leur faire grâce. Alors la lumière reparut et le soleil sortit des ténèbres. Ceux qui étaient réunis disaient : « L'événement qui vient de se passer a lieu à la fin du cycle de 532 ans. » Ils se mirent à calculer et trouvèrent, en effet, que c'était la fin du douzième cycle. Mais les personnes saintes et pieuses disaient que ce châtiment avait frappé la terre à cause de l'hérésie de l'empereur Maurice.[286]
Chapitre CII. Il arriva qu'un certain magistrat nommé Eutocius (?), qui devait partir pour un pays habité par des peuplades barbares, s'étant fait apporter par son intendant une étoffe de soie, sous forme de tunique, qu'il possédait, trouva que ce vêtement avait été mangé et abîmé par les rats. Très irrité contre l'intendant, il le jeta dans une cave remplie de rats dont il ferma la porte, et l'y laissa longtemps ; cet homme y mourut, dévoré par les rats. Lorsque, longtemps après, il vint le chercher, il le trouva mort et pourri. Alors, se repentant d'avoir causé la mort d'un homme pour un vêtement, et plein de tristesse, il pratiqua de bonnes œuvres ; il distribuait beaucoup d'argent aux pauvres et implorait en même temps Notre-Dame la sainte Vierge Marie. Il visita aussi les lieux saints et alla voir les saints qui y demeuraient, leur confessant son péché, afin d'entendre des paroles de consolation. Mais ceux-ci lui parlaient avec rigueur, de façon à le faire renoncer à sauver son âme. Alors il alla au couvent du mont Sinaï. (Les moines) lui dirent : « Il n'y a pas de grâce pour toi ; » et ils lui ôtèrent tout espoir. Ils se trompaient sur le sens de la parole ; « Il n'y a pas de grâce après le baptême. » Ils oubliaient ce qui est écrit au sujet de David. Lorsqu'il eut tué Urie, (Dieu) agréa son repentir et le rendit à son premier état. La réhabilitation de Manassé était (également) due au repentir ; après qu'il eut sacrifié aux idoles, tué le prophète Isaïe et commis mille iniquités, lorsqu'il se repentit, Dieu le reçut en grâce. Ce malheureux, ayant perdu tout espoir, monta sur une terrasse élevée, se précipita en bas et mourut d'une mort violente.
Peu de temps après, les gens de la Thrace se révoltèrent contre l'empereur Maurice, et quatre généraux s'élevèrent contre lui. En recevant cette nouvelle, Maurice se mit à distribuer de l'argent au peuple de Constantinople, qui l'appelait païen et magicien et le déclarait indigne de régner. Lorsque les troupes apprirent ces faits, elles se concertèrent pour élever contre lui des griefs au sujet de leur solde et de leurs vivres, c'est-à-dire la solde des officiers et des chefs.[287] Puis, ayant changé d'avis, elles jetèrent le sort, et le sort tomba sur Phocas, pour être empereur. Phocas était l'un des quatre commandants de la province de Thrace. Les habitants de Constantinople criaient d une voix unanime : « Il nous faut un empereur chrétien dans cette ville ! » Maurice, ayant appris qu'ils voulaient attenter à sa personne, rentra au palais, fit porter ses trésors dans un vaisseau, prit la fuite avec ses enfants et avec sa femme, et ils se rendirent en Bithynie.
Chapitre CIII. Maurice avait accompli, pendant son règne, un acte louable et fait cesser certaines injustices des empereurs qui l'avaient précédé. Un capitaine de vaisseau, qui avait quitté Alexandrie avec un chargement considérable de grains du fisc, avait fait naufrage, et son chargement de grains s'était perdu dans la mer. Le préfet de la province avait fait arrêter ce capitaine et l'avait fait soumettre à une bastonnade prolongée, mais on n'avait point trouvé d'argent sur lui.[288] L'empereur Maurice donna l'ordre de relâcher ce capitaine de vaisseau, et c'est alors qu'il promulgua un décret qui défendait de punir et de poursuivre en restitution un capitaine qui aurait fait naufrage, et ordonnait que la perte fût mise au compte du lise.
Après la fuite de l'empereur Maurice, toute la population s'assembla auprès du patriarche, et du consentement de tous les habitants on couronna Phocas dans l'église de Saint-Jean-Baptiste. Phocas se rendit au palais, choisit des généraux, des officiers et des chars, et les envoya à la poursuite de Maurice. Celui-ci, le vaisseau qui le conduisait ayant été renversé par une tempête, se rendit seul avec ses fils, dans une petite île située à proximité de Chalcédoine. Les soldats ayant appris où il se trouvait, l'y poursuivirent conformément à l’ordre de Phocas, et le tuèrent avec ses cinq fils, après qu'il eut régné vingt-deux ans. Quant à l'impératrice Constantine et ses deux filles et la femme de son fils Théodose, ils les dépouillèrent de leurs vêtements royaux, les revêtirent d'habits de servantes et les reléguèrent dans un couvent de religieuses.
Lorsque Phocas fut définitivement établi dans le gouvernement, il envoya des ambassadeurs auprès de Chosroès, roi de Perse. Mais celui-ci refusa de les recevoir, et se montra, au contraire, très irrité du meurtre de Maurice.
Certaines personnes accusèrent Alexandre,[289] l'un des patrices, homme sage et aimé de tous les habitants de Constantinople, auprès de Phocas, et affirmèrent qu'il avait l'intention de le tuer pour régner a sa place. Car ce même Alexandre avait épousé une fille de Maurice. Aussitôt Phocas le fit charger de chaînes, lui, ainsi que Goudoïs et d'autres eunuques (chambellans) et les fit conduire à Alexandrie, pour y être détenus en prison. Quelque temps après, il envoya à Justinas, gouverneur d'Alexandrie, l'ordre de trancher la tête à Alexandre et à ses compagnons.
Chapitre CIV. A cause des nombreux meurtres que commettait Phocas, il régnait une grande terreur parmi tout le clergé de la province d'Orient.[290] A cette époque, il n'était permis aux habitants d'aucune province d'élire un patriarche ou un autre dignitaire ecclésiastique sans son autorisation. Les (ecclésiastiques) orientaux s'assemblèrent dans la grande ville d'Antioche. En apprenant ce fait, les soldats, furieux, sortirent avec leurs chevaux, s'armèrent pour le combat, et tuèrent un grand nombre des gens des factions dans l'église, de façon à remplir de sang tous les édifices. Cet affreux massacre s'étendait jusqu'en Palestine et en Egypte.
Chapitre. CV. Il y avait un homme, nommé Théophile, de la ville de Meradâ,[291] en Egypte, qui était commandant de cinq villes, sous le règne de Phocas. Les clercs de la province s'insurgèrent contre lui, et, avec un grand nombre de partisans, l'attaquèrent et le tuèrent, ainsi que ses gens, et s'emparèrent des cinq villes, c'est-à-dire de Khar-betâ, San, Bastâ, Balqâ et Sanhoûr. Phocas, informé de cet événement par David et Aboûnâkî, qui avaient été envoyés par le patriarche, manifesta une grande colère, et fît partir un général extrêmement cruel, nommé Bonose, de la province d'Orient,[292] qui était comme une hyène féroce. Il lui donna plein pouvoir sur les clercs, lui ordonnant d'agir avec eux, comme ils avaient agi eux-mêmes. Arrivé en Cilicie, ce général rassembla un grand nombre d'hommes, marcha contre les clercs de la ville d'Antioche et les soumit ; car il leur inspira une telle terreur, qu'ils étaient devant lui comme des femmes. Il sévit contre eux d'une façon impitoyable. Il fit étrangler les uns, brûler ou noyer les autres ; d'autres encore furent livrés aux bêtes féroces ; il fît passer au fil de l'épée les gens des factions ; enfin ceux envers lesquels il voulait montrer de la clémence furent exilés pour la durée de leur vie. Il fit (aussi) subir de mauvais traitements aux moines et aux religieuses.
Chapitre CVI. Voici quelle était la manière d'agir du féroce Phocas. Il envoya chercher, dans la province de Cappadoce, la femme d'Heraclius l'aîné, qui était la mère de Théodore, le général, et la femme d'Heraclius le jeune avec sa fille Fabia, qui était vierge, et les fit demeurer dans la maison de Théodore, en les traitant avec égards. Théodore était de la famille de l'empereur Justinien. C'était sur le conseil de Crispe et d'Elpidius (?)… [293] Phocas chercha à déshonorer Fabia. Celle-ci, usant d'une ruse de femme, lui dit qu'elle était dans sa période mensuelle, et elle lui montra un linge taché de sang, et Phocas l'abandonna. Lorsque [plus tard] Heraclius l’aîné apprit ces circonstances, il remercia Crispe et ne fit aucun mal à Théodore, ni aux siens.
Chapitre CVII.[294] ……….Et ils se rendirent à Constantinople et informèrent Phocas de tout ce qui se passait. En ce temps, Heraclius leva l'étendard de la révolte ; il distribua beaucoup d'argent aux barbares de la Tripolitaine et de la Pentapolis et les détermina à l'aider dans la guerre. Puis il appela auprès de lui son lieutenant nommé Bônâkîs,[295] avec trois mille hommes et un grand nombre de barbares, et les fit partir pour la Pentapolis, où ils devaient l'attendre. Il envoya aussi Nicétas, fils de Grégoire, avec des subsides considérables vers Léonce, préfet de Phocas à Maréotis, en lui recommandant de rendre hommage à Phocas et de l'appeler, en lui écrivant : « Monseigneur. » En effet, Tenkerâ (?)[296] et Théodore, fils de Menas, qui avait été préfet d'Alexandrie, sous le règne de Maurice, s'étaient secrètement conjurés avec Heraclius, et lui avaient promis de tuer Phocas, de lui remettre le gouvernement de Constantinople, et de le faire reconnaître par les légions de Constantinople. Théodore, le patriarche des Chalcédoniens d'Alexandrie qui avait été nommé par Phocas, ignorait ce complot ; mais Jean, le gouverneur de la province, qui était préfet du palais (préfet augustal) et commandant militaire à Alexandrie, le connaissait, ainsi que Théodore, qui était préposé (à la perception) des grains (intendant des finances). Ces trois personnages adressèrent à Phocas une lettre et l'informèrent de tous ces faits. Or Phocas traitait Heraclius avec dédain. Alors il envoya, par l'entremise du préfet de Constantinople, qu'il fit partir pour l'Egypte avec une nombreuse armée, après l'avoir fait solennellement jurer qu'il défendrait fidèlement son gouvernement et qu'il combattrait Heraclius en Egypte, des subsides. considérables à l’Apellôn[297] de Menouf, et aussi à Ptolémée, l’Apellôn d'Athrib, qui était préfet de cette ville. Ensuite, adressant un message à Cotton, il lui ordonna de quitter Antioche et de se rendre à Alexandrie. Il avait auparavant expédié Bonose, par mer, avec des lions, des léopards et d'autres bêtes féroces, que l'on devait conduire à Alexandrie. Tandis que les empereurs avaient autrefois fait détruire les bêtes féroces, il rétablit l'ancienne coutume. Il y envoya aussi des instruments de torture de différentes sortes, des chaînes et des carcans, et (d'autre part), de grandes sommes d'argent et des vêtements d'honneur.
Bônâkîs, général d'Heraclius l'aîné, attendait Nicétas dans la Pentapolis, suivant l'ordre donné par Heraclius. Ayant reçu des renforts du général Léonce, préfet de Maréotis, qui était d'accord avec eux, (Nicétas) s'était dirigé vers la Nubie d'Afrique. En se présentant devant la garnison de la ville de Kabsên,[298] (les insurgés) n'inquiétèrent pas la garnison, mais ils mirent en liberté tous les prisonniers, pour qu'ils marchassent avec eux. Avant d'y arriver, ils avaient fait inviter les habitants de la ville à se porter en avant et à propager la révolte dans le (territoire du) canal appelé Pidrâkôn, c'est-à-dire le Dragon, qui se trouve près de la grande ville d'Alexandrie, à l'Ouest. Ils y rencontrèrent l’Apellôn d'Alexandrie, avec un grand nombre d'Egyptiens bien armés. Ils lui dirent : « Ecoute-nous, ne résiste pas et éloigne-toi de nous ; garde ton rang et reste neutre, jusqu'à ce que tu voies qui sera vainqueur ; il ne te doit arriver aucun mal, et tu seras ensuite gouverneur d'Egypte ; car le règne de Phocas est fini ! » Mais il repoussa leur proposition et répondit : « Nous combattrons pour l'empereur jusqu'à la mort. » Le combat s'étant engagé, cet insensé fut tué ; on lui coupa la tête, qui fut attachée à une pique et portée à la ville. Personne ne fut en état de leur résister ; et, au contraire, un grand nombre de gens embrassèrent leur parti. Le préfet du palais et Théodore, l'intendant des grains, se retirèrent dans l'église de Saint-Théodore, située dans la partie orientale de la ville, et Théodore, le patriarche chalcédonien, dans l'église de Saint-Athanase, qui se trouvait au bord de la mer. Car ils craignaient non seulement l'ennemi, mais aussi les habitants de la ville, parce qu'ils gardaient le coadjuteur Menas, fils de Théodore le vicaire, c'est-à-dire l’ethidjn,[299] pour le livrer à Bonose, lorsqu'il viendrait. Lorsque le clergé et le peuple de la ville se réunirent, ils se trouvaient entièrement d'accord dans un même sentiment de haine contre Bonose, qui déjà avait envoyé les bêtes féroces et les instruments de torture ; ils enlevèrent le produit de l'impôt du fisc d'entre les mains des intendants et ils se trouvaient en révolte ouverte contre Phocas ; ils accueillirent avec grand honneur Heraclius, prirent possession du palais du gouvernement et s'y établirent ; ils attachèrent à la porte de la ville, afin de l'exposer aux regards de ceux qui entraient et de ceux qui sortaient, la tête de l’Apellôn, et s'emparèrent de toutes les richesses en or, en argent et en vêtements d'honneur que Phocas avait expédiées à ce dernier. Puis (Bônâkîs) se fit amener les guerriers et les soldats qui avaient été avec lui ; il fit aussi arrêter, à Pharos, les soldats qui se trouvaient dans les vaisseaux et les fit étroitement garder.
C'est à Césarée, en Palestine, que Bonose apprit que (les insurgés) avaient tué l’Apellôn, qu'ils avaient pris Alexandrie, et que les habitants de cette ville lui étaient hostiles et sympathisaient avec Héraclius. Jusqu'à ce que Bonose arrivât en Egypte, Bônâkîs ne cessa de faire des progrès et parvint à soumettre tous les préfets d'Egypte à son autorité. Les gens de la faction bleue confisquèrent les biens d'Aristomaque, l'ami de l'empereur, et les biens des principaux habitants de Menouf, et les mirent ainsi dans l'impossibilité de payer impôt.
Tout le monde se réjouissait de la révolte contre Phocas. Les habitants de Nikious, ainsi que l'évêque Théodore, et toutes les villes d'Egypte, firent cause commune avec les insurgés, à l'exception de Paul, préfet de la ville de Semnoud, qui avait été investi par Phocas et qui était aimé de tous les habitants de la ville, tandis qu'on avait nommé le commandant militaire Liwnâkis (?), parce qu'il était méchant et brutal et « une tête de chien. » Cosmas, fils de Samuel, ami de Paul, l'un de ceux qui avaient été délivrés de la prison, était également avec ceux-ci ; il était impotent et toujours porté par deux hommes ; mais, plein d'ardeur,[300] il entraînait tous les généraux et se faisait obéir d'eux. Paul fut le premier qui résistait, refusant de se joindre au parti d'Heraclius, et qui restait hésitant. Car toute la province d'Egypte était divisée à cause du meurtre d’Aysâyllôn. Marcien, préfet d'Athrib, qui avait été lié d'amitié avec lui, refusa également de faire cause commune avec les insurgés.
Bonose quitta la maison de Ptolémée[301] et envoya ses vaisseaux à Athrib. Christodora, sœur d'Aysâllôn, observait et espionnait ceux qui rejetaient le gouvernement de Phocas, et elle repoussa la demande qu'Heraclius lui avait adressée. Les troupes d'Egypte et d'Orient[302] attendaient les secours venant par terre et par bateaux. Ces secours arrivaient en bateaux, par les deux branches du fleuve, pour débarquer, comme nous l'avons dit, tandis que ceux qui venaient à cheval, de l'Orient, étaient observés par Platon et Théodore, lesquels se trouvaient près d'Athrib et qui craignaient leur arrivée. Paul et Cosmas, fils de Samuel, les avaient précédés. L'évêque Théodore et Menas, chancelier de la ville de Nikious, avaient envoyé un message au préfet Marcien et à la dame Christodora, sœur d'Aysâllôn, pour les engager à abattre les statues de Phocas et à reconnaître Heraclius. Mais Marcien et Christodora s'y étaient refusés ; car ils avaient appris que Bonose était arrivé à Pikoûrân.[303] Lorsque les gens de Platon reçurent cette nouvelle, ils adressèrent à Bônâkîs, à Alexandrie, une lettre dans laquelle ils lui disaient : « Arrive vite avec tes troupes, car Bonose est arrivé à Ferma. » Au moment où Bônâkîs entrait dans Nikious, Bonose avait gagné Athrib, où il trouva les soldats de Marcien prêts à combattre ; Christodora, sœur d'Aysâllôn, et les gens de Cosmas, fils de Samuel, y étaient également, à terre. Il se rendit dans la petite branche, qui se détache de la grande branche du fleuve, et y rencontra Paul, le général, avec ses troupes. Alors Bônâkis vint pour attaquer Bonose, et l'engagement eut lieu à l'est de la ville de Menouf. Les gens de Cosmas, fils de Samuel, eurent le dessus et jetèrent ceux de Bônâkîs dans le fleuve ; Bônâkîs lui-même fut pris et massacré. Ils tuèrent aussi le général Léonce et Koûdîs (Goudoïs) et prirent vivants un grand nombre de soldats, qu'ils enchaînèrent. Platon et Théodore, voyant que Bônâkîs et ses compagnons avaient été tués, s'enfuirent et se cachèrent dans un couvent.
Théodore, l'évêque de Nikious, et Menas, le chancelier, portant des évangiles, allèrent au-devant de Bonose, espérant qu'il leur ferait grâce. Bonose, en les apercevant, emmena l'évêque Théodore avec lui, à Nikious, et fit mettre Menas en prison. Christodora et Marcien, préfet d'Athrib, lui ayant dit que c'était cet évêque qui avait fait abattre les statues de Phocas, aux portes de la ville, et ayant vu lui-même ces statues par terre, il ordonna de trancher la tête à l'évêque. Quant à Menas, il le fit soumettre à une bastonnade prolongée et lui imposa une amende de trois mille pièces d'or, puis il le mit en liberté. Mais, à la suite du châtiment rigoureux qu'il avait subi, Menas tomba malade d'une dysenterie et mourut peu de temps après. Ce fut à l'instigation de Cosmas, fils de Samuel (qu'il avait été traité ainsi).
Les trois Anciens de Menouf, à savoir Isidore, Jean et Julien, et ceux qui s'étaient cachés au couvent d'Atrîs, c'est-à-dire Platon, l'ami de l'empereur, et Théodore le vicaire, furent amenés par les moines auprès de Bonose, qui les fit conduire, chargés de chaînés, à Nikious, et, après les avoir fait battre, leur fit trancher la tête sur la même place où l'on avait mis à mort l'évêque. Il fit ensuite une enquête au sujet des soldats qui avaient combattu dans les rangs de Bônâkîs : il exila ceux qui avaient été soldats de Maurice, et mit en jugement et condamna à mort ceux qui avaient servi sous les drapeaux de Phocas. Les combattants qui restaient, voyant ces choses, se réfugièrent dans la ville d'Alexandrie. Les principaux habitants d'Egypte se réunirent auprès de Nicétas, le général d'Heraclius, et lui prêtèrent aide et assistance, car ils détestaient Bonose, et ils dirent à Nicétas tout ce qu'il avait fait. Nicétas rassembla une nombreuse armée, composée de soldats réguliers, de barbares, de citoyens d'Alexandrie, de la faction des Verts,[304] de matelots et d'archers, et un puissant matériel de guerre, et l'on se prépara à résister à Bonose, dans l'enceinte de la ville. Bonose cherchait par quels moyens il pourrait s'emparer de la ville et faire subir à Nicétas le sort qu'il avait infligé à Bônâkîs. Il ordonna à Paul de Semnoud d'entrer dans le canal d'Alexandrie avec les vaisseaux qui devaient coopérer avec lui. Mais Paul ne réussit pas à approcher de l'enceinte de la ville, parce qu'on lançait des pierres contre lui, et les vaisseaux se retirèrent. Bonose, de son côté, vint avec ses troupes et établit son camp à Mîphâmônîs, qui est la nouvelle Schobrâ. Ensuite il alla, avec toute son armée, à Demqâroûnî, se proposant de donner l'assaut le dimanche. Ces événements eurent lieu dans la septième année du règne de Phocas.
Chapitre CVIII. Il y avait un saint vieillard, nommé Théophile le Confesseur, qui demeurait au haut d'une colonne, au bord du fleuve ; c'était un homme doué de l'esprit de prophétie. Ce vieillard demeura sur la colonne pendant quarante ans. Nicétas le visitait souvent ; car Théodore, le général, Menas, le coadjuteur, et Théodose, qui étaient ses partisans, lui avaient parlé des vertus de ce saint. Nicétas se rendit auprès de lui et lux demanda à qui serait la victoire ; car il craignait qu'il ne lui arrivât ce qui était arrivé à Bônâkîs. Le saint lui répondit : « C'est toi qui triompheras de Bonose, tu renverseras le gouvernement de Phocas, et Heraclius sera empereur cette année. » Nicétas, se fiant à la prophétie du vieillard, l'homme de Dieu, dit aux habitants d'Alexandrie : « A présent, ne vous contentez plus de combattre du haut des murs, mais ouvrez la porte d'eAoun et allez attaquer Bonose. » Se conformant à son avis, les habitants mirent les troupes en ligne et placèrent des machines et des catapultes près de la porte. Lorsque le général de Bonose s'avança pour s'en approcher, un homme lança contre lui une grande pierre, qui lui brisa la mâchoire ; il tomba de cheval et mourut sur-le-champ. Un autre fut également frappé à mort ; et leurs troupes, vigoureusement attaquées, se mirent à fuir. Nicétas fit ouvrir la deuxième porte, qui se trouvait près de l'église de Saint Marc l’Évangéliste, et sortit avec l'armée et ses auxiliaires barbares ; ils poursuivirent les fuyards, en en tuant un certain nombre, tandis que les gens d'Alexandrie les repoussaient et les criblaient de blessures, en lançant sur eux des pierres et des flèches ; d'autres, ayant cherché un abri dans le canal, tombèrent dans l'eau et périrent. Au nord de la ville se trouvaient des qasabfâres, c'est-à-dire des roseaux plantés[305] et une haie d'épines dont on avait entouré les plantations, qui arrêtaient les fuyards, tandis qu'au sud de la ville, ils furent arrêtés par le canal. Enfin, ceux que l'on poursuivait tournèrent leurs armes les uns contre les autres, sans reconnaître, dans le terrible danger, leurs camarades. Bonose échappa avec un petit nombre de gens et se réfugia dans la ville de Kérioun. Marcien, commandant d'Athrib, le général Léonce, Valens[306] et beaucoup de personnages de marque furent tués dans le combat, Nicétas, après avoir constaté qu'il avait obtenu cette victoire par la prière des saints, l'armée de Bonose ayant été entièrement défaite et réduite à un petit nombre, fit partir Ptolémée, Eusèbe et d'autres chefs du parti d'Heraclius, par le fleuve, afin de recueillir pour lui toutes les ressources qu'ils pourraient trouver et de lui amener de nombreux combattants de toutes les villes d'Egypte. Les gens de la faction bleue, grands et petits, ainsi que les officiers défendaient et assistaient Nicétas à Alexandrie.[307] Lorsque Paul et ses compagnons connurent ces faits, ils se tenaient cachés dans leurs bateaux et ils songèrent à abandonner Bonose et à aller rejoindre Nicétas. La situation de Bonose fut de plus en plus précaire, tandis que celle de Nicétas devint chaque jour plus forte.
Chapitre CIX. Bonose, après sa fuite, resta quelques jours à Nikious avec les soldats qui lui étaient restés ; il leur donna des bateaux, et ils détruisirent un grand nombre de ceux des gens d'Alexandrie ; ils se tournèrent ensuite vers Maréotis et entrèrent dans le canal du Dragon, à l'ouest de la ville, se proposant d'inquiéter les habitants d'Alexandrie. Ce malheureux ne savait pas que c'est Dieu qui est le plus fort dans la guerre. Ayant appris son projet, Nicétas fit rompre le pont de la ville de Defâschir, qui se trouvait près de l'église de Saint-Ménas de la ville de Maréotis. En recevant cette nouvelle, Bonose fut très contrarié, et il songea à faire assassiner Nicétas traîtreusement, pensant que, lorsque Nicétas serait mort, son armée se disperserait. Il fit venir un soldat qu'il persuada de pénétrer, en affrontant la mort, auprès de la personne de Nicétas. « Prends, lui dit-il, un petit glaive que tu cacheras sous ton vêtement, et va le trouver en déclarant que tu es envoyé par moi, pour intercéder en ma faveur ; en l'approchant, frappe-le avec le glaive au cœur de façon qu'il meure du coup. Si tu réussis à t'échapper, tant mieux ; sinon, si tu meurs pour le salut de la nation, je prendrai tes enfants, les mènerai au palais impérial et leur donnerai une somme d'argent suffisante pour toute leur vie. » Un homme de la suite de Bonose, nommé Jean, ayant eu connaissance de cet abominable projet, en fit avertir Nicétas. Puis le soldat prit un glaive impérial, le cacha sous son vêtement et se rendit auprès de Nicétas. Celui-ci, en le voyant, le fit entourer par ses soldats, et, lorsqu'on le dépouilla de ses vêtements, on trouva sur lui le glaive caché. Sur-le-champ on lui trancha la tête avec le glaive.
Bonose se rendit dans la ville de Defâschir et y fit mourir beaucoup de gens. Nicétas, en recevant cette nouvelle, le suivit en toute hâte. Lorsqu'il arriva, Bonose traversa le fleuve et gagna la ville de Nikious. Nicétas, renonçant à le poursuivre sur l'autre rive, se rendit à Maréotis et y laissa des forces considérables pour garder la route, puis il marcha sur Menouf la Haute. Lorsqu'il arriva près de la ville, les gens de Bonose qui s'y trouvaient prirent la fuite, et il occupa la ville ; Abraïs et ses gens furent pris, et leurs maisons livrées aux flammes ; on brûla aussi la porte[308] de la ville.[309] Nicétas ayant attaqué la ville de Menouf vigoureusement, et s'en étant rendu maître, toutes les villes d'Egypte firent leur soumission. Il traversa ensuite le fleuve pour attaquer Bonose dans la ville de Nikious. Bonose ayant été averti, partit pendant la nuit, quitta l'Egypte et se rendit en Palestine ; puis, chassé de cette province par les habitants, contre lesquels il avait exercé précédemment tant de cruautés, il alla retrouver, à Byzance, Phocas, son complice.
Toute l'Egypte, depuis la grande ville d'Alexandrie jusqu'au bourg de Théophile le Stylite, qui avait prédit l'avènement d'Heraclius, se trouvait au pouvoir de Nicétas. Ayant fait arrêter Paul de Semnoud et Cosmas, fils de Samuel, il leur fit grâce, ne leur fit subir aucun mauvais traitement, et les fit conduire à Alexandrie pour y être détenus jusqu'à la mort de Bonose. La lutte entre Bonose et Nicétas avait fourni un prétexte aux partisans de la faction verte d'Egypte pour maltraiter ceux de la faction bleue, et ils se livraient ouvertement au pillage et au meurtre. Nicétas informé de ces faits, les fit arrêter, les admonesta et leur défendit de commettre désormais envers personne des actes d'hostilité. Il rétablit ainsi la paix entre les partis. Il nomma des préfets dans toutes les villes, réprima le vol et les violences, et fit la remise de l'impôt pour trois ans. Les Egyptiens lui furent fort attachés.
On rapporte, au sujet de l'empire romain, que les rois de ce temps, avec des barbares, des peuples étrangers et des Illyriens, ravageaient les villes des chrétiens et emmenaient les habitants captifs. Seule la ville de Thessalonique fut épargnée, car ses murs étaient solides et, grâce à la protection de Dieu, les peuples étrangers ne réussirent pas à s'en emparer ; mais toute la province fut dépeuplée. Ensuite des armées d'Occident se tournèrent contre Rome et firent prisonniers les Égyptiens qui s'y trouvaient et qui avaient quitté l'Egypte, à cause de Bonose, à savoir Serge l'Apostat et Cosmas qui avait livré sa ville ; ces hommes avaient renié la religion chrétienne, abandonné le saint baptême et avaient suivi la voie des païens et des idolâtres.[310] Les Perses se rendirent maîtres du fleuve Euphrate et de toutes les villes de la province d'Antioche et les ravagèrent ; ils ne laissèrent subsister, à cette époque, aucun soldat (romain). Les habitants de la Tripolitaine d'Afrique qui sympathisaient avec Heraclius firent venir (dans le pays) des barbares sanguinaires ; car ils haïssaient Phocas et ils attaquèrent le général Mardios, et ils voulaient le tuer, ainsi que deux autres généraux, nommés Ecclesiarius et Isidore. Lorsque ces barbares vinrent, ils tournèrent leurs armes contre la province d'Afrique, puis ils s'enrôlèrent sous les drapeaux d'Heraclius l'aîné. Le gouverneur de la Tripolitaine, nommé Kîsil, alla rejoindre Nicétas avec des renforts considérables pour combattre avec lui contre Bonose.
Heraclius l'aîné fit partir Heraclius le jeune, son fils, pour Byzance, avec des vaisseaux et un grand nombre de barbares, afin d'attaquer Phocas. Aux îles et aux différentes stations du bord de la mer, beaucoup de gens, notamment de la faction verte, s'embarquaient avec lui. Théodore l'Illustre,[311] accompagné d'un grand nombre de sénateurs éminents, quitta Phocas, et reconnut Heraclius, et les personnes de l'ordre civil et de l'armée qui étaient avec lui imitèrent son exemple et se soumirent à Heraclius le Cappadocien. Tout le peuple accablait Phocas de furieuses invectives, et personne ne s'y opposait. Telle fut la situation à Constantinople. Lorsque Phocas en fut informé et qu'il sut que tout le monde acclamait Heraclius, il envoya les chars impériaux à Bonose, qui (avec ses troupes) devait marcher contre lui. Les autres officiers impériaux armèrent les vaisseaux des gens d'Alexandrie par lesquels on avait amené les grains d'Egypte à Constantinople et que Phocas avait fait saisir, à cause de la révolte des habitants d'Alexandrie.
Chapitre CX. Lorsque, à la suggestion de Nicétas[312] le Patrice, les habitants accueillirent Heraclius pour être leur empereur, les gens d'Afrique proclamaient ses mérites en disant : « Cet empereur Heraclius sera comme Auguste ! » Et les gens d'Alexandrie, au château,[313] disaient comme eux. Ensuite un combat s'engagea au bord de la mer, et les gens des chars tuèrent Bonose. On proclamait les mérites d'Heraclius le jeune, fils d'Heraclius l'aîné, on l'acclamait d'une voix unanime, en langue grecque, et l'on chargeait d'imprécations Phocas et Bonose. En entendant ces cris, les partisans de la faction verte et les gens de Constantinople qui se trouvaient en mer assemblèrent leurs bateaux et donnèrent la chasse aux partisans de la faction bleue qui, fort inquiets à cause des charges qui pesaient sur eux,[314] se réfugièrent dans l'église de Hagia-Sophia. Les magistrats et les sénateurs se tenaient près du château et attendaient Phocas.
Phocas et le chambellan Léonce,[315] sachant qu'on voulait les massacrer, comme on avait massacré le scélérat Bonose, prirent toutes les richesses du trésor impérial, celles qui avaient été amassées par Maurice, et celles que Phocas lui-même avait accumulées en confisquant les biens des principaux d'entre les Romains qu'il faisait mettre à mort, ainsi que les richesses de Bonose, et les jetèrent dans les flots de la mer, et ils appauvrirent ainsi l'empire romain. Les sénateurs, les officiers et les soldats accoururent aussitôt, saisirent Phocas, lui ôtèrent la couronne de la tête, le conduisirent avec le chambellan Léonce, tous les deux enchaînés, à l'église de Saint-Thomas l’Apôtre, auprès d'Heraclius, et les tuèrent devant lui. On coupa à Phocas les parties sexuelles et on lui arracha la peau jusqu'aux jambes, parce qu'il avait déshonoré la femme de Photius, qui était consacrée à Dieu ; il l'avait prise de force et violée, bien qu'elle fût de naissance illustre.
On porta ensuite les corps de Phocas, de Léonce et de Bonose, à Constantinople, on les brûla et on jeta leurs cendres au vent ; car tout le monde les haïssait.[316] C'est ainsi que se réalisa la révélation qu'avait reçue de Dieu Benjamin de la ville d'Antinoë, et les habitants de Byzance n'en négligèrent aucun point ; oh conduisit Heraclius, malgré lui, à l'église de Saint-Thomas l'Apôtre, et on lui mit la couronne impériale sur la tête. Après avoir accompli sa prière, il vint au palais, où tous les dignitaires lui rendirent hommage.
Heraclius, après son avènement, écrivit une lettre à Heraclius, son père, lui rendant compte de tout ce qui était arrivé et comment il avait été proclamé empereur. Heraclius le père, qui avait pris possession[317] de Carthage, la capitale de l'Afrique, et qui était inquiet au sujet de son fils, après son départ pour Byzance, fut très heureux en recevant ces nouvelles. Il régnait, dans les églises, une grande incertitude, à cause de la longue durée de cette guerre ; tout le monde était plein d'appréhensions, à la suite de la défaite de Bônâkîs[318] et à cause de l'inquiétude qu'Heraclius éprouvait pour son fils. Ensuite Heraclius tomba malade et quitta ce monde. Il mourut au siège même de son gouvernement. Dieu seul sait qui il élève. Gloire à Dieu éternellement !
[216] On ne voit pas par quel genre d'erreur le traducteur a été amené à rendre ainsi les mots du texte original qui ont dû exprimer que Justin était maître de la garde.
[217] Comparez Joann. Mal., col. 605 et 608. — Chron. Pasch., col. 857 et suiv.
[218] C'est une erreur. Il faut lire « le pape Léon.»
[219] Comparez Joann. Mal., col. 616.
[220] Cf. Théophane, ad ann. 6012.
[221] Théodote avait été comte d'Orient.
[222] Comparez Procope, Hist. arc., cap. ix.
[223] Cf. Joann. Mal., col. 616 et suiv.
[224] Ou « les factions. »
[225] Le même mot, dans la même acception, se rencontre plus loin, au chap. cx.
[226] Le traducteur a négligé d'ajouter que cet épisode est le récit d'une scène du Cirque.
[227] La forme de ces deux noms montre qu'ils ont passé par une transcription copte. Le renseignement, d'ailleurs, n'est pas exact.
[228] Comparez Joann. Mal., col. 617.
[229] Je ne connais pas l'équivalent grec de ce nom corrompu. On pourrait penser à δαφνικός, qui était le nom d'un bain, ou, en supposant qu'il y a une erreur dans la traduction, à ξενοδόχιον. Cette dernière conjecture s'accorderait mieux avec les données topographiques; car le Xénodochion se trouvait près de la grande église.
[230] Comparez Joann. Mal., col. 617.
[231] La forme correcte de ce nom m'est inconnue.
[232] C'est après la mort, non du roi des Perses, mais du roi des Huns, son prédécesseur, que Tzathius vint à Constantinople.
[233] Comparez Joann. Mal. chron., col. 609 et suiv. — Chron. Pasch., col. 860 et suiv. — Théophane, ad ann. 6015.
[234] Cf. Joann. Mal chron., col. 613 et suiv. — Chron. Pasch., col. 864 et suiv. — Théophane, ad ann. 6013.
[235] Les autres chroniques parlent d'une blessure au pied.
[236] Cf. Joann. Mal chron., col. 625. — Chron. Pascal., col. 865.
[237] Cf. Chron. Pascal., col. 865. et 868.
[238] Cf. Joann. Mal. chron., col. 629. — Citron. Pasch. col. 868 et suiv. —Théophane, ad ann. 6020.
[239] Ce sont ces patrices qui, soupçonnés de pratiquer les arts magiques furent accusés, plus tard, d'un complot contre la vie de Justin et condamnés à mort. (Voy. Evagrius, Hist. eccl, lib. V, cap. iii. — Théophane, chron. ad ann. 6059.)
[240] Littéralement : dans le pays de Toûnes extérieure.
[241] Gratis était roi des Hérules. (Voyez Jean Malalas, col. 629. — Théophane, ad ann. 6020.)
[242] Les juifs (les tribus). Cependant, il est possible que le traducteur éthiopien, ait été trompé par une transcription incorrecte du nom des Homérites.
[243] Il est probable que c'est le traducteur éthiopien qui a changé Axumites en Nubiens, parce qu'il considérait ce récit incompatible avec l'ancienne tradition relative à la conversion de l'Abyssinie par Frumentius.
[244] C'est une erreur de la traduction. L'évêque que les envoyés du roi d'Axum choisirent était le paramonaire de l'église de S. Jean d'Alexandrie.
[245] Comparez Jean d'Éphèse, dans Assemani, Bibl. orient., t. I, p. 359 et suiv. — Joann. Mal. chron., col. 640 et suiv. — Théophane, ad ann. 6035. — Hist. miscella, col. 990. — Cedrenus, col. 716.
[246] Cf. Joann. Mal. chron, col. 641, 653 et suiv. — Théophane, ad ann. 6021. — Hist. miscella, col. 981.
[247] C'est-à-dire les moines du désert.
[248] Un tel événement n'est pas mentionné à cette date dans les calendriers égyptiens, et aucun autre historien ne parle d'un tremblement de terre qui aurait eu lieu vers cette époque. Mais, comme, le 17e jour de teqemt ou paophi, on célèbre, dans l'Eglise monophysite, la mémoire de la mort du patriarche Dioscore II, il est possible que le traducteur ait mal compris le texte original qui, sans doute, parlait des troubles qui avaient eu lieu, en Egypte, pendant le pontificat de ce patriarche. (Voyez, pour une erreur analogue, ci-dessus p. 278 et 279.)
[249] Voy. Session II du 5e synode de Constantinople (de l'an 553), dans Labbe, Sacro-Sancta Concilia, t. V, col. 432. — Cf. Cod. Just. Lib. I, De summa Trinitate, tit. 1, 7, § 5.
[250] Cf. Liberatus, Breviarium, l. c., col. 1033. — Eulychii Annales, t. II, p. 153. — Al-Makin, ms. arabe de la Bibliothèque nationale, supplément n° 751, fol. 242 v°.
[251] J'ignore les formes exactes de ces deux noms.
[252] C'est-à-dire l'image de Jésus-Christ (image d’Edesse).
[253] Il est probable que cette phrase renferme quelque erreur.
[254] Λογογράφος, voyez Léonce le Scolastique, De sectis, Actio V (Patrol. gr., t. LXXXVI, pars prior, col. 1232 A).
[255] Je ne connais pas le nom exact de cette ville. Il est possible que Théodose se soit retiré d'abord au couvent de Canope.
[256] Les traducteurs ont omis ici une ou plusieurs phrases. Au reste, on voit combien toute cette relation diffère des renseignements donnés par les autres historiens.
[257] Nom corrompu, dont je ne connais pas la véritable forme.
[258] Le texte de ce passage est trop corrompu pour qu'il soit possible de le traduire. C'est un résumé, au point de vue des monophysites, des actes du cinquième concile de Constantinople.
[259] Le traducteur a réuni mal à propos en un seul paragraphe ce qui était dit, dans l'original, de Procope et de la rédaction du Code par Tribonien.
[260] Il est possible que ces phrases, dans le texte original, aient été rattachées au chapitre précédent.
[261] Au lieu de : trois cochers.
[262] C'est de cette façon si étrange que le traducteur a rendu le sens du passage mentionnant la mise en campagne des troupes de la Palestine.
[263] Nous ne connaissons pas de gouverneur d'Egypte du nom d'Agathon. Il y a probablement confusion avec Agathon, frère d'Apollinaire, et sa mission à Alexandrie, dons la 2e année du règne de Justin. (Voyez Théophane, ad ann. 6059.)
[264] Jean était originaire de Sirmium, ville de la province d'Antioche. (Voy. Jean d'Éphèse, liv. I, chap. xiii, édition de Cureton, p. 59. — Evagrius, Hist. eccles., lib. IV, cap. xxxviii.) La forme est sans doute corrompue ou provient de quelque erreur.
[265] Voy. Journal asiatique, l. c., p. 344.
[266] Je ne saurais dire à quels faits se rapportent ces renseignements confus. Peut-être faut-il lire les Ariens.
[267] Les mots avant de mourir ont été ajoutés par le traducteur, qui a confondu le nom de Justinien avec celui de Justin, son successeur.
[268] Il s'agit de Photin, beau-fils de Bélisaire.
[269] Comparez Jean d'Ephèse, lib. I, cap. xxxii, éd, de Cureton, p. 47 et suiv.
[270] Constantine, fille de Tibère, appelée fille de Domentiole ; Commentiole confondu avec Domentiole, etc.
[271] Il s'agit, paraît-il, des troupes et des officiers de la milice.
[272] C'est ce même officier, commandant de la garde impériale, qui fut chargé d'une mission analogue, en 589, lors de la révolte des troupes d'Orient. (Voy. Evagr., Hist. eccles., lib. VI, cap. x.) — Théophane (Chronogr., ad ann. 6079) nomme, à sa place, le curopalate Aristobule
[273] Les Μαυρῖκοι ? Il faut peut-être lire, les Macorites ?
[274] Voyez, au sujet de ce récit, Journal asiatique, l. c., p. 352 et suiv.
[275] Cf. Evagrius, Hist, eccles., lib. IV, cap. xxviii.
[276] J'ignore le nom exact de cette ville orthographié de différentes manières
[277] Ce sont les factions bleue et verte. Il ne s'agit probablement que de leurs représentants ou de leurs chefs.
[278] L'« ennemi de Dieu de Bousir » est probablement l'évêque chalcédonien de cette ville.
[279] C'est-à-dire le père de Théodore dont il est question.
[280] Paraît être la traduction du nom arabe de la montagne de Quesquam ou Kosgam, qui se trouve à peu de distance d'Ikhmîm.
[281] C'est-à-dire : les deux sexes ont engendré ces animaux,
[282] Comparez Théophane, Chronogr. ad ann. 6092. — Historia miscella, col. 1015, —Nicéphore Calliste, col. 397.
[283] Comparez Théophylacte Simocatta, lib. I, cap. xi (édit. de Paris, p. 21 et suiv.) —-Nicéph. Calliste, l. c., col. 392 et suiv.
[284] Voy. Journ. asiat., 1879, t. I, p. 318.
[285] Le texte, original, je suppose, mentionnait la destruction des bains et autres édifices d'Antioche.
[286] Comparez Evagrius, Hist. eccles., lib. VI, cap. tin. — Nicéphore Calliste, Ecoles, hist., lib. XVIII, cap. xiii. — En ce qui concerne la donnée chronologique, voyez Journ. asiat., l. c., p. 318.
[287] Ces derniers mots renferment sans doute quelque erreur. Aucune autre source ne mentionne cette circonstance à l'occasion de la révolte des troupes de Thrace. La diminution de la solde et des rations fut l'une des causes de la révolte des troupes d'Orient, en 588 de J.-C. (Voyez Evagrius, Hist. eccles., lib. VI, cap. iv. — Théophylacte Simocatta, Histor., lib. III, cap. i. — Théophane, ad ann. 6079. — Nicéph. Calliste, Eccles. hist., lib. XVIII, cap. xi.)
[288] Souvent les capitaines faisaient échouer leurs bateaux et vendaient le chargement à leur profit.
[289] L'auteur ou le traducteur a confondu Alexandre avec Germain, dont Théodose, fils aîné de Maurice, avait épousé la fille. (Voyez Chron. Pasch., col. 976. — Théophane, ad ann. 6099.)
[290] Corruption du grec ἀνατολῆς. — Le mot , ici et plusieurs fois dans les chapitres suivants, désigne les ecclésiastiques, les clercs. Les renseignements de notre chronique sont en désaccord avec le témoignage de Théophane (ad annum 6101), de Cedrenus (l. c. col. 780), et de Nicéphore Calliste (lib. XVIII, cap. xliv), d'après lequel les Juifs seuls s'étaient révoltés à Antioche, avaient commis toutes sortes d'excès contre les chrétiens, et avaient brûlé les maisons de plusieurs citoyens notables (κτητόρων). C'est seulement pour châtier les Juifs que Phocas aurait envoyé Bonose et Cotton à Antioche. Mais les données de notre texte confirment et complètent celles de la Chronique pascale (l. c. col. 977 et 980), car les révoltes de cette époque étaient plus générales, et il y avait de grands troubles dans l'Église.
[291] Je ne connais pas le nom authentique de cette ville.
[292] Au lieu de : « il le nomma comte d'Orient. »
[293] Je pense qu’on a ici des transcriptions altérées des noms de Crispe et d'Elpidius, chefs de la conspiration contre Phocas à Constantinople, dont faisait partie, également, Théodore le Cappadocien. Phocas avait fait placer la mère et la fiancée d'Heraclius au couvent des Pénitentes fondé par Théodora, femme de Justinien. Les traducteurs ont confondu les noms de Théodora et de Théodore et complètement méconnu le sens du passage.
[294] Suite d'un récit dont le traducteur a omis le commencement. Cependant il est possible que cette phrase se rattache au premier paragraphe du chapitre précédent, dont le récit est interrompu par les deux épisodes qu'on vient de lire.
[295] Ce nom est probablement corrompu. Il se trouve transcrit de différentes manières.
[296] Il est possible que ce nom soit la corruption du nom de Crispe.
[297] J'ignore la forme authentique de ce mot, écrit plus loin d’une autre façon, qui désigne le commandant militaire d'une province.
[298] Ce bourg, d'après l'ensemble du récit, était situé à l'ouest d'Alexandrie.
[300] Peut-être faut-il lire hautain.
[301] Ce n'est pas de Ptolémée, l’Apellôn d'Athrib, qu'il peut être question ici, à moins qu'il n'y ait quelque erreur dans le texte. Il est possible que le traducteur ait transcrit ainsi le nom de la ville de Ptolémaïs de Syrie
[302] Corruption du grec ἀνατολῆς. Il s’agit des troupes impériales.
[303] Le nom de cette ville m'est inconnu (Rhinocorura ?).
[304] Désigne la faction verte, (et non les ouvriers ou les paysans).
[305] Ces roseaux plantés autour des champs servent de clôtures.
[306] Une transcription analogue du nom de Valens se rencontre ci-dessus au chapitre lxxxii.
[307] Ailleurs, notamment à Constantinople, la faction bleue soutenait le gouvernement de Phocas.
[308] Ou le portique ?
[309] Il y a évidemment confusion dans le texte ; il s'agit peut-être de Menouf-la-Basse ?
[310] J'ignore à quels faits et à quels personnages se rapporte ce récit.
[311] Comparez Théophane, ad ann. 6102.
[312] Au lieu de Nicétas, il faut probablement lire Crispe.
[313] C'est-à-dire au Château des sept tours où étaient enfermés, je suppose, les hommes de la flotte d'Alexandrie qui avaient été arrêtés par Phocas.
[314] La faction bleue était inféodée à Phocas.
[315] Léonce le Syrien, trésorier de Phocas.
[316] Comparez Chron. Pasch., col. 980-981. — Nicéphore de Constantinople, Breviarium Histor. de rebus post Mauricium gestis, éd. de Paris, p. 4.
[317] Ou qui occupait.
[318] Une des nombreuses transcriptions fautives du nom du général d'Heraclius, tué en Egypte.