CHRONIQUE : chapitres CXI à fin
Œuvre numérisée par Marc Szwajcer
DE
Chapitre CXI.[319] Or Théodore, qui était commandant en chef en Egypte, après avoir été informé par les messagers de Théodose, préfet d'Arcadie, de la mort de Jean, général des milices,[320] ramena toutes les troupes d'Egypte et les troupes auxiliaires, et se rendit à Lôqyôn, qui est une île. Car il craignait qu'à la suite du soulèvement des habitants de ce canton, les musulmans ne vinssent s'emparer du littoral de Lôkyôn[321] et chasser la communauté de serviteurs de Dieu qui étaient (des fidèles) sujets de l'empire romain. Ses plaintes étaient plus tristes que l'élégie de David sur la mort de Saül, qui disait : « Comment les héros sont-ils tombés ? Comment les armes de guerre ont-elles été détruites ! » Car Jean, général des milices, n'était pas le seul qui eût été tué. Jean, de la ville de Mârôs, le général, avait également trouvé la mort dans le combat, ainsi que cinquante soldats qui l'accompagnaient à cheval. Mais je vais vous faire connaître brièvement ce qui arriva d'abord aux habitants du Faiyoûm.
Jean[322] et ses compagnons, les guerriers que nous venons de mentionner, auxquels les Romains avaient confié la garde du canton, avaient placé d'autres gardiens près de la pierre de la ville de Lâhoûn, pour y rester constamment en observation et pour avertir le commandant des milices des mouvements des ennemis ; ils avaient ensuite pris quelques chevaux et une troupe de soldats et de tireurs d'arc, et avaient marché contre les musulmans, se proposant de les arrêter. Les musulmans s'étant dirigés vers le désert, enlevèrent un grand nombre de moutons et de chèvres de la montagne, sans que les Égyptiens en eussent connaissance. Puis, lorsqu'ils parurent devant Behnesâ, toutes les troupes qui se trouvaient avec Jean au bord du fleuve accoururent, et ils furent empêchés, pour cette fois, de pénétrer dans le Faiyoûm.
Le général Théodose, en apprenant l'arrivée des Ismaélites, se transportait d'un lieu à l'autre, afin d'observer les mouvements de ces ennemis. Les Ismaélites vinrent, massacrèrent le chef de l'armée et tous ses compagnons et se rendirent maîtres de la ville.[323] Quiconque se rendait auprès d'eux, fut massacré ; ils n'épargnèrent personne, ni vieillards, ni femmes, ni enfants. Ils se tournèrent ensuite contre le général Jean. Celui-ci et ses compagnons prirent leurs chevaux et se cachèrent dans les clos et les plantations, pour se dérober aux ennemis ; puis ils marchèrent, pendant la nuit, vers le grand fleuve d'Egypte, vers Abôït,[324] où ils espéraient être en sûreté. Or tout cela venait de Dieu. Le chef de partisans qui était avec Jérémie, renseigna l'armée musulmane sur les Romains qui étaient cachés ; les musulmans les atteignirent et les massacrèrent. Lorsque cette nouvelle parvint au général Théodose, et à Anastase, qui alors se trouvaient à une distance de 12 milles de la ville de Nikious, ils se rendirent immédiatement à la citadelle de Babylone et y demeurèrent, envoyant à Abôït le général Léonce. Celui-ci était un homme obèse, sans vigueur, ignorant la pratique de la guerre. Voyant que l'armée égyptienne et Théodore combattaient les musulmans et qu'ils sortaient fréquemment de la ville de Faiyoûm, pour prendre la ville,[325] il retourna avec la moitié des troupes à Babylone, pour rendre compte de la situation aux gouverneurs,[326] tandis que l'autre moitié resta avec Théodore.
Théodore ayant, après de longues recherches, retrouvé le corps de Jean qui avait été jeté dans le fleuve, l'en fit retirer au moyen d'un filet, en manifestant une grande douleur, le fit placer dans une bière, et le fit conduire auprès des gouverneurs, qui l'envoyèrent à Heraclius,
Ceux (d'entre les Romains) qui se trouvaient en Egypte cherchaient un refuge dans la citadelle de Babylone. Ils attendaient Théodore le général, afin d'attaquer les Ismaélites avec leurs forces réunies, avant la crue du fleuve et la période des semailles, alors que l'on ne pourrait pas faire la guerre, de crainte que les semailles ne fussent détruites, et les habitants exposés à mourir de faim avec leurs enfants et leur bétail.[327]
Chapitre CXII. Or il régnait, à cause du mécontentement manifesté par l'empereur, une grande hostilité entre Théodore le général en chef et les gouverneurs. Théodose et Anastase, à cheval, se rendirent ensemble à Aoun avec un grand nombre de fantassins, pour livrer bataille à 'Amr, fils d'Al-'Âs. Les musulmans ne connaissaient pas auparavant la ville de Misr.[328] Laissant de côté les villes fortifiées, ils s'étaient dirigés vers une localité nommée Tendoûnyas[329] et s'étaient embarqués sur le fleuve. 'Amr faisait preuve, dans la prise de Misr, d'une grande énergie et d'une perspicacité extraordinaire. Il était inquiet d'être séparé (d'une partie) de l'armée musulmane qui, divisée en deux corps, se dirigeait, sur la rive orientale du fleuve, vers une ville, située sur une hauteur, appelée Aïn-Schams ou Aoun. Amr, fils d'Al-Âs, écrivit à Omar, fils d'Ai-Khattâb, qui était en Palestine, une lettre dans laquelle il lui disait : « Si tu n'envoies pas des renforts musulmans, je ne pourrai pas me rendre maître de Misr. » Omar lui envoya quatre mille guerriers musulmans, commandés par un général nommé Walwâryâ,[330] qui était de race barbare.[331] Alors (Amr) divisa ces troupes en trois corps : il plaça l'un d'eux près de Tendoûnyas, un autre au nord de Babylone d'Egypte, et il prit position lui-même, avec le troisième corps, près de la ville d'Aoun. Il donna aux deux autres corps l'ordre suivant : « Faites attention, lorsque l'armée romaine sortira pour nous attaquer, tombez sur elle par derrière, tandis que nous serons devant elle ; nous l'entourerons et l'exterminerons. » Lorsque l'armée romaine, ignorant (ce stratagème) sortit de la forteresse[332] pour attaquer les musulmans, ceux-ci tombèrent sur ses derrières, comme ils l'avaient concerté, et une bataille terrible s'engagea. Ecrasées par les musulmans, les troupes romaines s'enfuirent sur des bateaux. L'armée musulmane occupa la ville de Tendoûnyâs, dont la garnison avait péri et dont il n'était resté que trois cents hommes qui s'étaient retirés dans la forteresse et avaient fermé les portes ; puis, terrifiés par le grand massacre qui venait d'avoir lieu, ils s'enfuirent, et, pleins de découragement et de tristesse, ils se rendirent, par bateaux, à Nikious.[333]
En apprenant ces événements, Domentianus, (gouverneur) de la ville de Faiyoûm, partit pendant la nuit, sans avertir les gens d'Abôït qu'il allait abandonner la ville aux musulmans, et se rendit (avec ses troupes) par bateau, à Nikious. Les musulmans, informés de la fuite de Domentianus, accoururent allègrement, s'emparèrent du canton de Faiyoûm et d'Abôït et y firent un grand massacre.[334]
Chapitre CXIII. Après la prise de Faiyoûm et de son territoire par les musulmans, Amr fit demander à Ahâkiri[335] de la ville de Delâs[336] d'amener les bateaux du Rif, afin de transporter sur la rive orientale les Ismaélites qui se trouvaient à l'occident du fleuve. Il réunissait auprès de lui toutes ses troupes, pour exécuter de nombreuses expéditions. Il envoya à Georges le préfet, l'ordre de lui construire un pont sur le canal de la ville de Qalyoûb, pour qu'il pût faire la conquête de toutes les villes de la province de Misr, ainsi que des villes d'Athrib et de Kuerdîs.[337] C'est alors que l'on commença à prêter aide aux musulmans. Ceux-ci s'emparèrent d'Athrib et de Menouf[338] et de leurs territoires. (Amr) fit également établir un grand pont près de Babylone d'Egypte, pour empêcher le passage des bateaux se rendant à Nikious, à Alexandrie et dans la haute Egypte, et pour que les chevaux pussent venir, sans difficulté, de la rive occidentale du fleuve sur la rive orientale. Et ils soumirent ainsi toute la province de Misr, Mais 'Amr ne se contenta pas de cela : il fit arrêter les magistrats romains et leur fit attacher les mains et les pieds avec des chaînes et des ais de bois ; il extorqua beaucoup d'argent, doubla l'impôt des paysans et les forçait de porter le fourrage des chevaux ; et il exerça d'innombrables actes de violence.
Ceux des gouverneurs[339] qui se trouvaient à Nikious y laissèrent Domentianus avec un petit nombre de troupes pour garder la ville, et se retirèrent à Alexandrie, en envoyant à Dâres, commandant supérieur de la ville de Semnoud, l'ordre de garder les deux fleuves.[340] Alors il y eut une panique dans toutes les villes d'Egypte ; les habitants prenaient la fuite et venaient à Alexandrie, en abandonnant leurs propriétés, leurs biens et leur bétail.
Chapitre CXIV. Lorsque les musulmans, accompagnés des Egyptiens, qui avaient renié le christianisme et avaient embrassé la religion de cette créature exécrable, arrivaient (dans les villes), ils s'emparaient des biens de tous ceux d'entre les chrétiens qui s'étaient enfuis, et ils appelaient les serviteurs du Christ « ennemis de Dieu. »
Amr, laissant un nombreux détachement de son armée dans la citadelle de Babylone d'Egypte,[341] se mit en marche, en suivant la rive orientale, vers les deux fleuves, pour attaquer le général Théodore. (Celui-ci) fit partir Yekbarî et Satfârî, pour occuper la ville de Semnoud, afin de s'opposer aux musulmans. Lorsqu'ils rejoignirent le corps des milices, celles-ci refusèrent toutes de combattre les musulmans. Ils engagèrent la bataille et tuèrent un grand nombre de musulmans et de ceux qui étaient avec eux.[342] Les musulmans, ne pouvant inquiéter les villes situées sur le territoire des deux fleuves, parce que l'eau qui les entourait et qui leur servait de rempart empêchait les chevaux d'en approcher, les abandonnèrent, se dirigèrent vers le Rif et arrivèrent à Bousir. Ils fortifièrent la ville, ainsi que les lieux qu'ils avaient pris précédemment.
A cette époque, le général Théodore se rendit auprès de Kalâdjî, et lui dit en le priant avec instance : « Reviens vers nous ; reviens dans les rangs des Romains. » Kalâdjî, qui craignait que l’on ne fît mourir sa mère et sa femme qui vivaient cachées à Alexandrie, donna à Théodore une grande somme d'argent. Le général Théodore le rassura. Alors Kalâdjî, partit, la nuit, pendant que les musulmans dormaient, et vint à pied, avec ses hommes, au camp du général Théodore ; puis il alla rejoindre, dans la ville de Nikious, Domentianus, pour combattre contre les musulmans.
Il arriva ensuite que Sabendîs eut la bonne idée de s'enfuir d'entre les mains des musulmans, pendant la nuit ; il se rendit à Damiette, auprès du général Jean, qui l'envoya à Alexandrie avec une lettre. Il se présenta en confessant sa faute devant les gouverneurs, en versant d'abondantes larmes et en disant : « J'ai agi ainsi, parce que j'avais été humilié par Jean qui, sans égard pour mon âge, m'avait souffleté ; c'est alors que moi, qui auparavant avais servi les Romains avec dévouement, je me suis joint aux musulmans ».
Chapitre CXV. Amr, le chef des musulmans, lutta pendant douze ans[343] contre les chrétiens du nord de l'Egypte, sans réussir à conquérir leur province. Dans la quinzième année du cycle,[344] pendant l'été, il marcha sur Sakhâ et sur Toukhô-Damsîs, impatient de réduire les Égyptiens avant la crue du fleuve. Mais il lui fut impossible de rien entreprendre contre eux. Il fut également repoussé à Damiette, où il voulait brûler les fruits des champs. Alors il alla rejoindre ses troupes établies dans la citadelle de Babylone d'Egypte et leur remit tout le butin qu'il avait fait à Alexandrie.[345] Il fit détruire les maisons des habitants d'Alexandrie qui avaient pris la fuite, et avec le bois et le fer qui en provenaient, il fit construire un passage reliant la citadelle de Babylone à la ville des deux fleuves,[346] et donna l'ordre de la brûler. Les habitants, avertis du danger, sauvèrent leurs biens et abandonnèrent leur ville, et les musulmans y mirent le feu. Mais les habitants allèrent, pendant la nuit, éteindre l'incendie. Les musulmans se tournèrent (ensuite) contre d'autres villes, dépouillèrent les Égyptiens de leurs biens et exercèrent sur eux des actes de violence. Le général Théodore et Domentianus ne pouvaient pas molester les habitants de la ville (?), à cause des musulmans qui se trouvaient au milieu d'eux.[347]
Amr, en quittant la basse Egypte et allant porter la guerre au Rif, avait envoyé un petit corps de troupes à Antinoë. Voyant la faiblesse des Romains et l'hostilité des habitants envers l'empereur Heraclius, à cause de la persécution qu'il avait exercée dans toute l'Egypte, contre la religion orthodoxe, à l'instigation de Cyrus, patriarche chalcédonien, les musulmans devinrent plus hardis et plus forts dans la lutte. Les habitants de la ville (d'Antinoë) délibérèrent avec Jean, leur préfet, et voulurent résister aux musulmans.
Mais Jean s'y refusa, quitta la ville en toute hâte, avec ses troupes, emportant tout l'impôt de la ville qu'il avait recueilli, et se rendit à Alexandrie ; car il savait qu'il ne serait pas en état de lutter contre les musulmans, et il craignait qu'il ne lui arrivât ce qui était arrivé à la garnison de Faiyoûm. En effet, tous les habitants de cette province s'étaient soumis aux musulmans, et leur avaient payé tribut, et ils tuaient tous les soldats romains qu'ils rencontraient. Des soldats roumains se trouvaient dans une forteresse ; les musulmans les assiégèrent, s'emparèrent de leurs machines, détruisirent les murs et les forcèrent de quitter la forteresse. Ils fortifièrent la citadelle de Babylone, prirent la ville de Nikious et s'y établirent.
Chapitre CXVI. Heraclius était très affligé de la mort de Jean, chef des milices, et de Jean le général, tués par les musulmans, ainsi que de la défaite des Romains en Egypte. Puis, suivant le décret de Dieu, qui enlève les chefs et les généraux et les hommes de guerre, aussi bien que les rois, Heraclius tomba malade d'une inflammation et mourut dans la trente et unième année de son règne, au mois de yakâtît[348] des Egyptiens, qui correspond au mois de février des Romains ; dans la quatorzième année du cycle, l'an 367 de Dioclétien.[349] On disait alors qu'il était mort, parce qu'il avait fait frapper une monnaie d'or portant les figures des trois empereurs, c'est-à-dire la sienne et celles de ses deux fils, l’une à sa droite, l'autre à sa gauche, de sorte qu'on ne trouvait point déplace pour inscrire le nom de l'empire romain. Après sa mort, on détruisit ces trois figures.[350]
Après la mort d'Heraclius l'aîné, Pyrrhus,[351] patriarche de Constantinople, écartant Martine, la fille de la sœur de l'empereur, et ses enfants, proclama Constantin, fils de l'impératrice Eudocie, empereur et successeur de son père. Les deux Césars furent traités avec respect et honneur. Alors David et Marin arrêtèrent Pyrrhus, le patriarche romain chalcédonien, et le firent transporter dans une île de l'Afrique occidentale, sans que personne comprît que ce fût l'accomplissement d'une prophétie ; car aucune parole des saints ne se perd. Il arriva ce que le grand Sévère, patriarche d'Antioche, avait écrit à Caesaria la patricienne, à savoir : « Aucun fils d'un empereur romain n'occupera le trône de son père, aussi longtemps que la secte des Chalcédoniens régnera dans le monde.[352] »
Constantin, fils d'Heraclius, après son avènement, fit réunir un grand nombre de vaisseaux, qu'il confia à Ktrioûs et à Salâkrioûs,[353] et les envoya auprès du patriarche Cyrus pour le lui amener, afin qu'il pût conférer avec lui. [Il recommanda au général ?] de payer tribut aux musulmans et de lutter s'il le pouvait, sinon, de revenir à la capitale, à la fête de la Sainte-Résurrection, et qu'alors tous les habitants de Constantinople devaient concourir à cette entreprise. Il manda aussi à Anastase de revenir, en laissant Théodore pour garder la ville d'Alexandrie et les villes de la côte, et il fît espérer à Théodore qu'il lui enverrait, en été, beaucoup de troupes, afin de combattre les musulmans.[354] Puis, lorsque, suivant l'ordre de l'empereur, on eut préparé les vaisseaux pour partir, Constantin tomba gravement malade ; il vomit du sang, et, quand il eut perdu tout son sang, il mourut. Il avait été malade pendant cent jours, c'est-à-dire pendant tout le temps de son règne, depuis la mort de son père Heraclius. On se moquait de l'empereur Heraclius et de son fils Constantin.
Les gens de la secte de Gaïnas, s'étant réunis dans leur église, située dans la ville de Defàschir,[355] près du pont de Saint-Pierre l’Apôtre, voulaient attenter à la personne du patriarche Cyrus, qui, du temps de la persécution, avait enlevé des églises beaucoup de richesses, sans l'autorisation des magistrats. Aussitôt qu'Eudocianus, frère du préfet Domentianus, fut informé de ce rassemblement, il y envoya des troupes en leur donnant l'ordre de tirer sur les émeutiers avec des flèches et de les empêcher d'exécuter leur dessein. Quelques-uns de ces gens furent si cruellement frappés qu'ils moururent sous les coups ; deux autres eurent les mains coupées, sans jugement. Et l'on proclama dans la ville, par la voix du héraut : « Que chacun d'entre vous se rende à son église et que personne ne commette aucun acte de violence envers un autre ! » Mais Dieu, gardien de la justice, n'abandonna pas le monde, et vengea les opprimés ; il ne fit pas grâce à ceux qui l'avaient provoqué, et les livra aux Ismaélites : les musulmans se mirent en campagne et firent la conquête de toute l'Egypte. Après la mort d'Heraclius, lorsque le patriarche Cyrus revint, loin de renoncer à sévir contre le troupeau de Dieu et à le persécuter, il multipliait ses actes de violence.[356]
Chapitre CXVII. Amr, chef de l'armée musulmane, ayant établi son camp devant la citadelle de Babylone, assiégeait les troupes qui y étaient enfermées. Celles-ci, ayant obtenu de lui la promesse d'avoir la vie sauve, et s'étant engagées, de leur côté, à lui abandonner tout le matériel de guerre, qui était considérable, il leur ordonna de sortir de la citadelle. Elles emportèrent une petite quantité d'or et partirent. C'est de cette manière que la citadelle de Babylone d'Egypte fut prise, le lendemain de la fête de la Résurrection.[357] Dieu châtia ainsi ces hommes qui n'avaient pas respecté la Passion rédemptrice de Notre-Seigneur et sauveur Jésus-Christ, qui donne la vie à ceux qui croient en lui, et il les fit fuir devant leurs ennemis. Le jour même de la fête de la Sainte-Résurrection, en rendant la liberté aux prisonniers orthodoxes, ces ennemis du Christ ne les avaient pas laissés partir sans les maltraiter : ils les avaient flagellés et leur avaient coupé les mains ; et en ce jour, ces malheureux gémissaient, les larmes inondaient leurs visages, et ils furent repoussés avec mépris. En effet il est écrit, au sujet de ces misérables : ils ont profané l'Eglise par une croyance corrompue ; ils ont commis tous les crimes et les violences de la secte des Ariens, tels que n'en avaient pas commis les païens ni les barbares ; ils ont méprisé le Christ et ses serviteurs ; et nous n'avions pas trouvé de pareils malfaiteurs parmi les adorateurs des fausses divinités. Et Dieu, dans sa longanimité, tolérait les apostats et les hérétiques qui, par soumission envers les puissants empereurs, avaient été baptisés une seconde fois. Mais ce même Dieu rétribue chacun selon ses œuvres et fait réparation à ceux qui ont subi l'injustice. Alors n'est-il pas préférable de supporter avec patience les épreuves et les tourments qu'ils nous infligent ! Ils croyaient, par cette manière d'agir, honorer le Christ Notre-Seigneur, mais ils se trouvaient être des mécréants. Ils ne se croyaient pas hérétiques et persécutaient, au contraire, ceux qui n'étaient pas d'accord avec eux dans la foi. Que Dieu nous préserve d'un tel accord ! Car ils n'étaient pas des serviteurs du Christ ; ils s'imaginaient seulement qu'ils l'étaient.
Chapitre CXVIII. La prise de la citadelle de Babylone et de la ville de Nikious par les musulmans[358] affligea beaucoup les Romains.
'Amr, après avoir terminé la lutte, fit son entrée dans la citadelle de Babylone, réunit un grand nombre de bateaux, grands et petits, et les fît attacher près du fort qu'il occupait.[359]
Menas, chef des Verts, et Cosmas, fils de Samuel,[360] capitaine des Bleus, avaient bloqué la ville de Misr et avaient harcelé les Romains, du temps des musulmans ; des guerriers, pleins d'audace, venaient en bateaux, de la rive occidentale du fleuve, et le parcouraient pendant la nuit.
Amr et l'armée musulmane, allant par terre, à cheval, arrivèrent à la ville de Kebryâs d'Abâdyâ.[361] A cette occasion, ils attaquèrent le général Domentianus. Celui-ci, en apprenant l'arrivée de l'armée musulmane, monta sur un bateau et prit la fuite, abandonnant l'armée et la flotte. Il voulait entrer dans le petit canal qu'Heraclius avait fait creuser pendant son règne ; mais, le trouvant fermé, il se rendit à Alexandrie. Les soldats, voyant que leur général avait pris la fuite, jetèrent leurs armes, et se précipitèrent dans le fleuve, en présence de l'ennemi. Les musulmans les massacrèrent au milieu du fleuve, et il n'en échappa qu'un seul homme, nommé Zacharie, qui était un vaillant guerrier. Les bateliers, après la fuite de l'armée, s'enfuirent également et retournèrent dans leur province. Les musulmans vinrent ensuite à Nikious et s'emparèrent de la ville, n'y trouvant pas un soldat pour leur résister. Ils massacraient tous ceux qu'ils rencontraient, dans la rue et dans les églises, hommes, femmes et enfants, sans épargner personne. Puis ils allèrent dans d'autres localités, les saccagèrent et tuèrent tous ceux qu'ils trouvaient. Dans la ville de Sa, ils rencontrèrent Esqoûtâçs et ses gens, qui étaient de la famille de Théodore le général, dans un clos de vignes, et ils les massacrèrent. Mais taisons-nous maintenant ; car il est impossible de raconter les horreurs commises par les musulmans, lorsqu'ils occupèrent l'île de Nikious, le dimanche, dix-huitième jour du mois de guenbôt, dans la quinzième année du cycle, ainsi que les scènes terribles qui se passèrent à Césarée en Palestine.[362]
Théodore, commandant de la ville de Kîloûnâs,[363] avait quitté cette ville, en y laissant, pour la garder et pour repousser les musulmans, une garnison sous le commandement d'Etienne, et s'était rendu en Egypte. Il y avait avec les musulmans un juif qui se rendit en Egypte. Lorsque, après de longs efforts, les musulmans eurent fait tomber les murs de la ville, ils s'en emparèrent sur-le-champ, tuèrent des milliers d'habitants et de soldats, firent un énorme butin, emmenèrent en esclavage les femmes et les enfants, qu'ils se partagèrent, et laissèrent la ville complètement vide. Peu de temps après, ils allèrent en Chypre et tuèrent Etienne et ses gens.
Chapitre CXIX. L'Egypte, de son côté, était en proie à Satan. Une grande discorde régnait parmi les habitants de la basse Egypte qui étaient divisés en deux partis, dont l'un était avec Théodore, tandis que l'autre voulait se joindre aux musulmans. Alors les partisans de l’un de ces partis se jetèrent sur ceux de l'autre, pillèrent leurs biens : et brûlèrent leur ville. Les musulmans redoutaient ces gens.
Amr dirigea sur Alexandrie un grand nombre de musulmans, qui s'emparèrent du faubourg de Kérioun, dont la garnison, commandée par Théodore, se retira à Alexandrie. Les musulmans se mirent à attaquer les habitants de la ville, mais ils ne purent en approcher, parce qu'on lançait sur eux des pierres ; du haut des murs, et on les repoussa loin de la ville.[364]
Les habitants de (la province de) Misr étaient en guerre avec ceux de la basse Egypte, et il y eut entre eux de nombreux actes d'hostilité. Peu de temps après, ils firent la paix. Cette discorde ayant cessé, Satan souleva-une autre discorde, dans la ville d’Alexandrie. Domentianus le préfet et Menas le général étaient ennemis par ambition du commandement et pour d'autres motifs. Le général Théodore prenait parti pour Menas ; il était mécontent de Domentianus, parce que celui-ci s'était enfui de Nikious et avait abandonné l'armée. Menas était aussi très irrité contre Eudocianus, frère aîné de Domentianus, qui avait exercé des violences sur des chrétiens, pour la foi, pendant le temps de la sainte Passion,[365] au grand mécontentement de Menas. Domentianus ayant rassemblé une nombreuse troupe de partisans de la faction bleue, Menas enrôla beaucoup de gens de la faction-verte et de soldats qui se trouvaient dans la ville, et ils demeurèrent ainsi en hostilité. Ce fut alors que Philiadès, préfet d'Arcadie, arriva (à Alexandrie), Or, Domentianus était l'adversaire du patriarche ; Cyrus, auquel il ne témoignait aucune sorte d-égards et qu'il délestait sans motif, quoiqu'il fût son beau-frère et qu'auparavant il eût été lié d'amitié avec lui. Menas, de son côté, protégeait Philiadès, voulant faire acte de charité, et, plein de respect pour la dignité sacerdotale, comme Philiadès était frère du patriarche Georges,[366] il l'invitait souvent ; car Menas était charitable et pieux et avait pitié des opprimés. Mais Philiadès ne fut pas fidèle à l'amitié ; il était d'une nature perverse, nourrissant, en secret, de mauvais desseins. Lorsque, au temps du commandement du général Théodore, on discutait la question d'un bourg nommé Mâmoûnâ, de la solde des troupes et des terres sur lesquelles elle était assignée, ce méchant homme prit la parole et dit : « Au lieu de douze hommes, il vaudrait mieux en avoir un, qui recevrait la solde de douze, et les dépenses en vivres et en solde seraient moindres. » Menas trouva dans cet incident un prétexte contre Domentianus. Il était aimé des soldats, qui avaient confiance en lui ; car il cherchait à être estimé de tout le monde, non par le désir d'une vaine gloire, mais par sagesse et modestie. Or, pendant qu'il se trouvait dans la grande église du Césarion, avec l'assemblée des fidèles, les habitants de la ville s'ameutèrent contre Philiadès, et voulurent le tuer. Philiadès prit la fuite et se cacha dans une maison. Alors les émeutiers se dirigèrent vers sa demeure, y mirent le feu et pillèrent tous ses biens, tout en épargnant les personnes qu'ils y rencontraient. A cette nouvelle, Domentianus envoya contre eux les partisans de la faction bleue. Une lutte acharnée s'engagea entre les deux partis, six hommes furent tués, et il y eut un grand nombre de blessés. C'est par de grands efforts que Théodore réussit à rétablir la paix entre eux. Il destitua le général Domentianus et nomma Artânâ décurion, c'est-à-dire chef de dix ordres. On rendit à Philiadès tout ce qui avait été enlevé dans sa maison. On dit (aussi) que cette émeute sanglante avait eu pour cause des dissensions religieuses.
Après la mort de Constantin, fils d'Heraclius, on fit monter sur le trône Heraclius, son frère d'un autre lit, qui était encore enfant et qui, comme Constantin, ne parvint pas à exercer le pouvoir. Le patriarche Pyrrhus, voyant qu'Heraclius, qui était encore enfant, avait obtenu la couronne à l'instigation de sa mère Martine, pendant que lui-même était en exil[367]… Après son avènement, sur l'avis du sénat, il rappela Pyrrhus de l'exil et abolit le décret écrit par son frère Constantin et par les empereurs ses prédécesseurs. On l'abolit à cause de l'injuste accusation de Philagrius le trésorier. C'est par son fait que les églises furent dans le dénuement ; il suspendit les libéralités que les empereurs avaient coutume de faire, et il augmenta les charges.[368]
Ensuite l'empereur rétablit Cyrus et le renvoya à Alexandrie, ainsi que les prêtres qui l'accompagnaient, et lui donna plein pouvoir de conclure la paix avec les musulmans, de ne pas leur résister et de constituer une administration convenable pour l'Egypte.[369] Le général de l'armée, Constantin, qui était maître de la milice, partit avec lui.[370]
L'empereur fit venir l'armée de Thrace à Constantinople et exila Philagrius le trésorier en Afrique, là où avait été exilé précédemment Pyrrhus. Alors il y eut un grand mécontentement et une émeute, dans la ville, contre Martine et ses enfants, à cause de l'exil de Philagrius le trésorier, qui était très aimé.
Chapitre CXX. Cyrus, le patriarche chalcédonien, n'était pas seul à désirer la paix : les habitants, les gouverneurs et Domentianus, qui était en faveur auprès de l'impératrice Martine, se réunirent et délibérèrent avec le patriarche Cyrus, pour conclure la paix avec les musulmans.
Tout le clergé se prononçait contre le gouvernement d'Heraclius le jeune, disant qu'il était injuste que le trône fût occupé par un empereur issu d'une union réprouvée,[371] et que l'empire devait revenir aux fils de Constantin, qui était né d’Eudocie. Et on rejeta le testament d'Heraclius l'ancien. Valentin, voyant que tout le monde était hostile à Martine et à ses enfants, prit de grandes sommes d'argent provenant du trésor impérial de Philagrius et les distribua à l'armée et l'excita contre Martine et ses enfants. Alors les troupes cessèrent de combattre les musulmans et se tournèrent contre leurs concitoyens. Puis on envoya, en secret, un messager à l'île de Rhodes pour engager les troupes qui étaient parties avec le patriarche Cyrus, à revenir dans la capitale, et l'on fil dire à Théodore, préfet d'Alexandrie : « N'écoutez pas Martine et n'obéissez pas aux ordres de ses fils. » Des messages pareils furent envoyés en Afrique et dans toutes les provinces soumises à l'empire romain. Le général Théodore, très satisfait de ces nouvelles, les tint secrètes et partit pendant la nuit, en se cachant de tout le monde, pour se rendre de l'île de Rhodes à la Pentapolis. Mais le capitaine de vaisseau, le seul à qui il communiqua son dessein (refusa de le conduire), prétendant que le vent leur était contraire. Il arriva donc à Alexandrie, dans la nuit du dix-septième jour du mois de maskaram, fête de la Sainte-Croix.[372] Tous les habitants de la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux, accoururent auprès du patriarche Cyrus, et manifestèrent leur joie de son retour. Théodore se rendit, en secret, avec le patriarche, à l'église des Tabionnésiotes, dont il fit fermer la porte, envoya chercher Menas, le nomma général, et chassa Domentianus de la ville. Tous les, habitants criaient : « Hors de la ville ! »
Avant l'arrivée du patriarche Cyrus, Georges, qui avait été nommé par Heraclius le jeune, avait été traité avec déférence par le gouverneur Anastase ; lorsqu'il fut vieux, son autorité s'étendit «sur toutes les affaires. Le patriarche lui-même lui laissait son autorité.[373]
Lorsque le patriarche Cyrus se rendit à la grande église du Césarion, on couvrit tout le chemin de tapis, on chanta des hymnes en son honneur, et (la foule fut si grande) que l'on s'écrasait ; c'est avec grand-peine qu'on put le faire arriver à l'église. Il fit ouvrir (?) la citerne dans laquelle se trouvait la Sainte-Croix qu'il avait reçue, avant son exil, du général Jean. Il avait aussi pris la vénérable croix du couvent des Tabionnésiotes. Lorsque, le jour de la Sainte-Résurrection,[374] on commença ; à célébrer la messe, au lieu de chanter le psaume du jour : « Voici le jour que Dieu a fait, réjouissons-nous et soyons pleins d'allégresse ! » le diacre, pour célébrer le patriarche : et pour le féliciter de son retour ; choisit un autre chant qui n'était pas prescrit. Le peuple, en l’entendant, disait : « Ce chant, en dehors des règles, n'est pas de bon augure pour le patriarche Cyrus ; il ne verra pas une autre fois la fête de la Résurrection à Alexandrie ; Toute l'assistance des fidèles et les moines répétaient, publiquement cette prédiction, (disant) qu'il avait agi contrairement aux prescriptions canoniques, et ceux qui les entendaient ne voulaient pas les croire.
Le patriarche Cyrus se rendit ensuite à Babylone, auprès des musulmans, pour leur demander la paix, en offrant de leur payer tribut, afin qu'ils fissent cesser la guerre en Egypte. Amr l'accueillit avec bienveillance et lui dit : « Tu as bien fait de venir vers nous. » Cyrus lui répondit : « Dieu vous a donné ce pays. » Que dorénavant il n'y ait plus d'hostilité entre vous et les Romains. Autrefois nous n'avons jamais eu d'hostilités prolongées avec vous. » On stipula, en fixant le tribut qu'il paierait, que les Ismaélites n'interviendraient en aucune façon et qu'ils demeureraient isolés pendant onze mois ; que les soldats romains à Alexandrie s'embarqueraient en emportant leurs biens et leurs objets précieux ; qu'aucune autre armée romaine n'y reviendrait ; que ceux qui voudraient partir par la voie de terre paieraient un tribut mensuel, que les musulmans prendraient comme otages cent cinquante militaires et cinquante habitants, et qu'ils feraient la paix ; que les Romains cesseraient de combattre les musulmans, et ceux-ci ne prendraient plus les églises et ne se mêleraient point des affaires des chrétiens ; enfin qu'ils laisseraient les juifs demeurer à Alexandrie.[375]
Après avoir terminé cette négociation, le patriarche retourna à Alexandrie et en fit part à Théodore et au général Constantin, en les invitant à communiquer ces conditions à l'empereur Heraclius et à les appuyer auprès de lui. Ensuite (les chefs de) l'armée et des citoyens d'Alexandrie, ainsi que Théodore l'Augustal, se rendirent chez le patriarche Cyrus et lui présentèrent leurs hommages. Il leur exposa l'arrangement qu'il avait conclu, avec les musulmans et les engagea tous à l'accepter. Sur ces entrefaites, les musulmans arrivèrent pour recevoir le tribut, tandis que les habitants d'Alexandrie ignoraient encore (le traité). Voyant paraître l'ennemi, les habitants se préparèrent à la résistance. Mais l'armée et les généraux, persistant dans la résolution prise, déclaraient qu'il leur était impossible de lutter contre les musulmans et qu'il fallait suivre l'avis du patriarche Cyrus. Alors la population se souleva contre le patriarche et voulut le lapider. Cyrus parla aux émeutiers et leur dit : « J'ai fait cet arrangement afin de vous sauver, vous et vos enfants. » Et il les implora, en versant des larmes, et en manifestant une grande douleur. Les gens d'Alexandrie eurent honte et lui offrirent beaucoup d'or, pour le remettre aux Ismaélites avec le tribut qui leur avait été imposé.[376]
Les Egyptiens qui, par crainte des musulmans, étaient venus se réfugier à Alexandrie, demandèrent au patriarche d'obtenir des musulmans qu'ils pussent, en se soumettant à leur domination, retourner dans leur province. Cyrus négocia pour eux, selon leur demande. Et les musulmans prirent possession de toute l'Egypte, du midi et du nord, et triplèrent l'impôt.
Un homme, nommé Menas, qui avait été nommé par l'empereur Heraclius préfet de la basse Egypte, homme présomptueux tout en étant illettré, qui détestait profondément les Égyptiens, fut, après la prise de possession du pays par les musulmans, maintenu par eux à son poste. Ils en choisirent un autre, nommé Sînôdâ, comme préfet de la province du Rif, et un nommé Philoxenos, comme préfet d'Arcadie ou Faiyoûm. Ces trois hommes aimaient les païens et détestaient les chrétiens ; ils forçaient ceux-ci de porter (aux musulmans) du fourrage pour les bêtes, et exigeaient d'eux de fournir du lait, du miel, des fruits, du poireau et beaucoup d'autres objets, en dehors des rations ordinaires. Les Égyptiens exécutaient ces ordres, étant sous le coup d'une terreur incessante. (Les musulmans) les forcèrent de creuser le canal de Trajan qui était détruit depuis longtemps, afin de conduire l’eau depuis Babylone d'Egypte jusqu'à la mer Rouge. Le joug qu'ils faisaient peser sur les Égyptiens était plus lourd que celui qui avait été imposé à Israël par Pharaon, que Dieu punit d'un juste châtiment en le précipitant dans les flots de la mer Rouge, lui et son armée, après avoir infligé aux Égyptiens beaucoup de plaies, tant aux hommes qu'au bétail. Que le châtiment de Dieu frappe ces Ismaélites et qu’il leur fasse comme il a fait à l'ancien Pharaon ! C'est à cause de nos péchés qu'il permet qu'ils nous traitent ainsi. Mais dans sa longanimité, Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ nous regardera et nous sauvera ; et, de plus, nous espérons qu'il anéantira les ennemis de la Croix, comme il est écrit dans le livre véridique.
Amr, après avoir réduit l'Egypte, envoya les troupes de ce pays[377] contre les habitants de la Pentapolis, et, après avoir vaincu ces derniers, il ne les y laissa pas demeurer ; il enleva seulement de ce pays un immense butin et un grand nombre de captifs, Aboûlyânôs, gouverneur de la Pentapolis, ses troupes et les principaux de la province s'étaient retirés dans la ville de Teucheira, qui était solidement fortifiée et s'y étaient enfermés. Les musulmans s'en retournèrent dans leur pays avec le butin et les captifs.[378]
Le patriarche Cyrus était profondément affligé des calamités de l'Egypte» En effet, Amr traitait les Égyptiens sans pitié et n'exécutait pas les conventions qui avaient été stipulées avec lui ; car il était de race barbare. Le jour, de ; la fête des Palmiers, Cyrus, accablé par le chagrin, tomba malade d'une dysenterie, et mourut le jeudi de Pâques, le vingt-cinquième jour du mois de magâbît. Ainsi que les chrétiens l'avaient prédit, il ne vit plus la fête de la Sainte-Résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cet événement eut lieu sous le règne de Constantin, fils d'Heraclius.[379]
Après sa mort, les Romains avaient la guerre civile, à cause des fils de l'impératrice Martine qu'ils déclaraient exclus du trône, pour y faire monter les fils de Constantin. (Les rebelles) étaient soutenus par Valentin, qui avait fait cause commune avec Philagrius, et qui attira à lui toute l'armée et se transporta à Chalcédoine ; car il pensait et disait : « La force de Martine est (seulement) dans la troupe de guerriers de ses fils. » Il obtint le consentement de toutes les troupes pour le rappel de Philagrius de l'exil. Alors Heraclius le jeune, accompagné d'un grand nombre de prêtres, de moines et de vénérables évêques, monta sur les vaisseaux impériaux et traversa (le détroit), se rendant à Chalcédoine. Il harangua les troupes en les suppliant et leur dit : « N'abandonnez pas la probité chrétienne, en vous déclarant contre moi. Faites la paix avec Dieu et soumettez-vous au testament de mon père Heraclius, qui a tant souffert pour ce pays. » Il leur faisait croire qu'il adopterait le fils de son frère, qu'il l'associerait à l’empire, et qu'il n'y aurait entre eux ni guerre ni sang. Il reçut l'assentiment de tous les patrices et leur dit qu'il ferait revenir Philagrius de son exil. Valentin, voyant que tout le peuple le reconnaissait et lui prêtait tranquillement obéissance, alla avec Domentianus et les autres, patrices, et ils couronnèrent Constantin le jeune, l'un des fils de Constantin, fils d'Heraclius l'aîné, qu'Héracléonas avait levé des fonts baptismaux. Puis tout le monde se sépara en paix. Mais (les rebelles) ne laissèrent pas durer cette paix. Peu de temps après avoir élevé Constantin sur le trône, ils manifestèrent une hostilité plus grande contre les deux empereurs, c'est-à-dire contre Heraclius II et le jeune Constantin ; Satan jeta la discorde entre Heraclius II et l'armée, et bientôt les troupes de la province de Cappadoce se mirent à commettre des excès et produisirent une lettre que l'on disait avoir été adressée par Martine et Pyrrhus, patriarche de Constantinople, à David le logothète (?)[380] pour l'engager à faire une guerre vigoureuse (aux rebelles), à prendre Martine pour femme, et à déposséder les fils de Constantin c'est-à-dire Constantin (le jeune), qui gouvernait avec Heraclius, et son frère. Lorsque les habitants de Byzance apprirent cette nouvelle, ils disaient que l'auteur de ce projet était Koubratos, chef des Huns, neveu d'Organâ. Cet homme avait été baptisé dans son enfance et reçu dans le sein du christianisme, à Constantinople, et avait grandi dans le palais impérial. Il avait été lié d'une étroite amitié avec Heraclius Ier, et, après la mort de celui-ci, qui l'avait comblé de bienfaits, il était resté attaché par reconnaissance à ses enfants et à sa femme Martine. Par la vertu du saint baptême vivifiant qu'il avait reçu, il avait vaincu tous les barbares et les païens.[381] On disait donc que c'était lui qui favorisait les intérêts des enfants d'Heraclius et était hostile à ceux de Constantin. A la suite de ce bruit calomnieux, les troupes de Byzance et le peuple se soulevèrent, ayant à leur tête Ioûtâlios (?), appelé Théodore, fils de Constantin,[382] qui était un vaillant guerrier, comme son père. Comme on se préparait à attaquer David le logothète, celui-ci prit la fuite et s'enferma dans le château d'Arménie.[383] Ioûtâlios le suivît et, sans que personne pût venir à son secours, lui fit trancher la tête, qu'il fit promener dans tout l'Orient. Il se rendit ensuite à Byzance avec une armée considérable, s'empara du palais, en arracha Martine et ses trois fils, Heraclius, David et Marin, les dépouilla du diadème impérial et leur coupa le nez, puis il les fit transporter à Rhodes. Le patriarche Pyrrhus fut déposé, sans le concours d'un synode, enlevé de l'église et transporté à Tripolis ; on l'exila au lieu où se trouvait Philagrius, que l'on fit revenir. Quant au plus jeune fils de Martine, comme on exprimait la crainte que, lorsqu'il serait grand, il ne devînt empereur, on le châtra ; mais cet enfant mourut bientôt de sa terrible blessure. On ne fît aucun mai à un autre de ses fils qui, étant sourd-muet, n'était pas apte au trône. On déclara aboli le testament d'Heraclius l'ancien, et l'on proclama empereur Constant, fils de Constantin. Puis on remplaça le patriarche Pyrrhus par Paul, de Constantinople.[384]
Tous ces événements, ainsi que la séparation de l'Egypte et d'Alexandrie, sous le gouvernement d'Heraclius, l'empereur des Chalcédoniens, sont mentionnés dans la lettre adressée par le grand Sévère, patriarche d'Antioche, à la Patricienne, du temps de l'empereur Anastase, où il prédit les malheurs de l'empire romain en ces termes : «Aucun fils n'occupera le trône de son père, aussi longtemps que subsistera la croyance des Chalcédoniens, qui disent que le Christ est de deux natures, après avoir été un, croyance que nous ne pouvons pas professer. Leur doctrine, qui consiste à dire que la nature humaine et la nature divine étaient séparées, après avoir été unies, nous autres croyants nous ne pouvons pas l'enseigner. Nous ne devons pas parler comme les hérétiques. Voici comment s'exprime Grégoire : Nous comprenons Dieu, le Verbe, comme une unité sortie d'une dualité ; car Dieu s'est uni à la chair et est devenu une seule substance ; la nature divine ne se transporte pas vers la nature humaine, ni la nature humaine vers l'autre nature ; mais le Verbe devenu chair n'a plus changé, et ne peut subir aucun changement ; le Verbe devenu chair est d'une seule nature divine. 0 admirable union ! Celui qui est invisible est devenu visible ; le Créateur a été engendré et nous l'avons vu ; il nous a guéris par ses blessures ! Du reste, nous pouvons nous dispenser de citer les paroles des illustres Pères de l'Eglise, qui étaient des docteurs d'une profonde science ; car les Romains ne croient maintenant qu'à la Passion. Quant à moi, voici ce que je déclare, en résumé, à ceux qui aiment à entendre la vérité :
Comme ils ont rejeté la vraie foi, qui est la nôtre, ainsi ils seront rejetés de leur empire. Le malheur atteindra tous les chrétiens du monde, et la clémence et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous feront défaut ! »
En ces temps, il y eut aussi de grands troubles provoqués par Valentin, qui avait pris la pourpre et voulait usurper le trône. A cette nouvelle, les habitants de Constantinople se tournèrent contre lui, et il quitta la pourpre. Il fut immédiatement saisi et conduit devant l'empereur Constant. Alors il affirma par un terrible serment qu'il n'avait pas agi avec un mauvais dessein, mais pour combattre les musulmans. Sur cette déclaration, on le mit en liberté et on le plaça à la tête de l'armée. On conclut avec lui un arrangement, suivant lequel il devait donner à l'empereur en mariage sa fille, que l'on fit alors proclamer Auguste, par la voix du héraut.[385]
Valentin le malfaiteur accusa Arcadius, archevêque de l'île de Chypre, dont la pieuse et sainte vie était universellement connue, d'être l'allié de Martine et du patriarche Pyrrhus et d'être hostile à Constant, le nouvel empereur. (L'empereur,) mal avisé, envoya de Constantinople plusieurs soldats, pour amener ignominieusement l'archevêque Arcadius. Mais celui-ci, par la volonté de Dieu, ayant atteint le terme de sa vie, mourut comme tous les mortels.[386]
Cyrus, le patriarche chalcédonien d'Alexandrie, fut profondément affligé en apprenant ces événements : l'exil de Martine et de ses enfants, qui l'avaient ramené lui-même de l'exil ; la déposition de Pyrrhus, patriarche de Constantinople et le retour de Philagrius, qui était son ennemi ; la mort de l'évêque Arcadius et le triomphe et la puissance de Valentin. Il pleurait sans cesse ; car il craignait qu'il ne lui arrivât ce qui lui était déjà arrivé précédemment, et, dans cette affliction, il mourut selon la loi naturelle. Mais son plus grand chagrin avait été de voir les musulmans ne point accueillir ses demandes en faveur des Égyptiens. Avant sa mort, il faisait œuvre d'hérétique et persécutait les chrétiens ; et Dieu, le juste juge, le punit pour le mal qu'il avait fait.[387]
Le général Valentin et ses troupes ne pouvaient porter aucun secours aux Égyptiens. Ceux-ci, au contraire, notamment la ville d'Alexandrie, continuaient à être en butte aux sévices des musulmans, et ils succombaient sous la charge des contributions qu'ils exigeaient. Les riches de la ville se cachèrent pendant dix mois dans les îles.
Ensuite, Théodore l’Augustal, et Constantin, général de l'armée, et les soldats qui restaient, ainsi que ceux qui avaient été entre les mains des musulmans comme otages, s'embarquèrent et vinrent à Alexandrie.[388] Après la fête de la Croix, le 20 du mois de hamlê, fête de saint Théodore, martyr,[389] ils nommèrent le diacre Pierre, patriarche, et l'installèrent sur le siège pontifical. Le 20 du mois de maskaram,[390] Théodore quitta la ville d'Alexandrie, avec toutes les troupes et les officiers, et se rendit à l'île de Chypre. Amr, le chef des musulmans, entra dans la ville d'Alexandrie sans coup férir. Les habitants, dans leur malheur et dans leur affliction, l'accueillirent avec respect.[391]
Chapitre CXXI. Abbâ Benjamin, patriarche des Egyptiens, revint à Alexandrie, treize ans après qu'il eut pris la fuite pour échapper aux Romains, et il visita toutes ses églises.[392] Tout le monde disait que l'expulsion (des Romains) et la victoire des musulmans avaient été amenées par la tyrannie de l'empereur Heraclius et par les vexations qu'il avait fait subir aux orthodoxes et dont l'instrument avait été le patriarche Cyrus ; voilà, disait-on, les causes de la ruine des Romains et voilà pourquoi les musulmans devinrent les maîtres de l'Egypte.
La situation d'Amr devenait de jour en jour plus forte. Il levait l'impôt qui avait été stipulé ; mais il ne prenait rien des biens des églises et ne commettait aucun acte de spoliation ni de pillage, et les protégea pendant toute la durée de son gouvernement.[393] Après avoir pris possession d'Alexandrie, il fit dessécher le canal de la ville, suivant l'exemple donné par Théodore l'hérétique. Il porta le tribut à la somme de vingt-deux batr[394] d'or, de sorte que les habitants, pliant sous la charge et hors d'état de payer, se cachèrent. Dans la deuxième année du cycle,[395] arriva Jean, de Damiette, qui, au moment où 'Amr fit son entrée dans la ville, avait été nommé préfet d'Alexandrie par Théodore l'Augustal, et prêta son concours aux musulmans, afin qu'ils ne détruisissent pas la ville. Jean, plein de pitié pour les pauvres, leur donnait largement de son propre bien, et voyant la triste situation des habitants, il les consolait et plaignait leur sort.
'Amr destitua Menas et le remplaça par Jean.[396] En effet, Menas avait augmenté la contribution de la ville, fixée par 'Amr à la somme de vingt-deux mille pièces d'or ; au lieu de cette somme, Menas l'hérétique avait réuni et remis aux Ismaélites trente-deux mille cinquante-sept pièces d'or. Il est impossible de raconter le deuil et les gémissements qui remplissaient la ville ; les habitants arrivèrent à offrir leurs enfants en échange des sommes énormes qu'ils avaient à payer chaque mois. Personne n'était là pour les secourir, Dieu les abandonna et livra les chrétiens entre les mains de leurs ennemis. Toutefois la bonté puissante de Dieu confondra ceux qui nous font souffrir, fera triompher son amour pour les hommes sur nos péchés et mettra à néant les mauvais desseins de nos oppresseurs, qui n'ont pas voulu accepter le règne du Roi des Rois, du Seigneur des Seigneurs, Jésus-Christ, notre Dieu véritable. Et ces vils esclaves, il les fera périr d'une façon terrible, ainsi qu'il est dit dans le saint Évangile : « Mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu accepter mon règne, amenez-les devant moi. »
Or beaucoup d'Egyptiens, qui étaient de faux chrétiens, renièrent la sainte religion orthodoxe et le baptême qui donne la vie, embrassèrent la religion des musulmans, les ennemis de Dieu, et acceptèrent la détestable doctrine de ce monstre, c'est-à-dire de Mahomet ; ils partagèrent l'égarement de ces idolâtres et prirent les armes contre les chrétiens. L'un d'eux, nommé Jean, un Chalcédonien du couvent de Sinaï, ayant quitté son habit monacal et embrassé l'islamisme, et s'étant armé d'un sabre, persécutait les chrétiens demeurés fidèles à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Chapitre CXXII. Maintenant glorifions Notre-Seigneur Jésus-Christ, et célébrons son saint nom en tout temps ; car il nous a préservés, nous autres chrétiens, jusqu'à cette heure, de l'égarement des païens imposteurs et de la chute des hérétiques perfides. Qu'il nous donne aussi la force et qu'il nous aide, par l'espérance en sa divine promesse, à supporter ces calamités. Qu'il nous rende dignes de recevoir, exempts de confusion, l'héritage de son royaume céleste, éternel et impérissable. Louons aussi son Père, éminemment bon, et son Saint-Esprit qui donne la vie éternellement, amen !
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Est terminé cet ouvrage béni, qui a été composé par Jean le recteur, évêque de la ville de Nikious, pour le profit de l'âme, et qui renferme (l'exposé de plusieurs) mystères divins et (le récit) des phénomènes célestes qui ont frappé les hérétiques. Tantôt la terre, à cause de son impiété, fut ébranlée et la grande ville de Nicée détruite. Tantôt une pluie de feu tomba du ciel. Tantôt le soleil disparut depuis le matin jusqu'au soir. En un certain temps, les fleuves débordèrent et engloutirent plusieurs villes ; et, à une autre époque, des maisons s'écroulèrent et un grand nombre d'hommes périrent et descendirent au fond de la terre. Tout cela est arrivé parce que l'on avait divisé le Christ en deux natures, tandis que certains en avaient fait une créature. Les empereurs romains perdirent la couronne, et les Ismaélites et les Chuzéens[397] devinrent leurs maîtres, parce qu'ils n'avaient pas suivi la vraie religion de Notre-Seigneur Jésus-Christ et qu'ils avaient divisé Celui qui est indivisible.
La transcription[398] de cet ouvrage a été commencée le vingt-huitième jour (du mois) de hamlê et terminée le vingt-deuxième jour du teqemt, le lundi, à la sixième heure du jour, le soleil étant dans le signe du Scorpion, et la lune dans le signe du Verseau ; le soleil étant dans le 195e degré de sa course, et son zénith de quatre-vingt-sept degrés, trente minutes ; la durée du jour étant de onze heures et celle de la nuit de treize heures ; le jour augmentant et la nuit diminuant de vingt minutes ; sous la mansion Alghafr en l'an du monde 7594, l’an 1947 d'Alexandre, 1594 de l'incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; 1318 des Martyrs, en l'an d'Hagar 980, selon le comput solaire, et 1010, selon le comput lunaire ; quatre ans, sept mois et huit jours depuis l'avènement de Malak-Sagad II, fils de Malak-Sagad Ier, qui, au baptême, avait reçu le nom de Ya'qôb ; huit ans, trois mois et cinq jours depuis le règne de la reine Malak-Môgasâ, qui aime Dieu et qui, au baptême, avait été nommée Mâryâm-Senâ. Nous avons traduit cet ouvrage, avec grand soin, de l'arabe en gheez, moi le pauvre, le plus vil parmi les hommes et le plus humble du peuple, et le diacre Gabriel l'Égyptien, moine de l'ordre de Saint-Jean Colobos,[399] sur l'ordre d'Athanase, général de l'armée d'Ethiopie, et de la reine Mâryâm-Senâ. Fasse Dieu qu'il serve au salut de l'âme et à la conservation du corps ! Loué soit Celui qui nous a donné la force de le commencer et de le terminer, en toute éternité, amen, amen ! ainsi soit-il !
[319] Il n'est pas probable que la lacune considérable que l'on constate en cet endroit du récit ait existé dans le texte original, et que l'auteur, s'il avait négligé la plus grande partie des événements du règne d'Heraclius et les premières conquêtes des musulmans, se fût dispensé d'expliquer cette omission. Cependant on ne peut attribuer exclusivement au procédé du traducteur l'état fragmentaire et la rédaction confuse des derniers chapitres de l'ouvrage. Mais, telle qu'elle est, cette relation de la conquête de l'Egypte, par les dates et les renseignements authentiques qu'elle nous fournit, conserve toute son importance. Elle est encore digne d'attention à un point de vue plus général ; elle nous montre que les anciennes traditions et légendes recueillies par les premiers chronographes musulmans ne doivent être acceptées qu'avec la plus grande réserve.
[320] Il s'agit de Jean, duc de Barca. Au témoignage de Nicéphore, patriarche de Constantinople (Brev. Hist., éd. de Paris, p. 17), Jean de Barca aurait été envoyé contre les musulmans qui avaient envahi l'Egypte, alors que l'empereur Heraclius était encore en Orient, Bien que nous ne connaissions pas la date exacte du retour d'Heraclius dans sa capitale, après la conquête de la Syrie par les Arabes, nous savons qu'il se trouvait à Constantinople en 638, alors qu'il fit proclamer empereur son fils Héracléonas. Les mots dont se sert Nicéphore, paraissent exclure l'hypothèse suivant laquelle Jean de Barca serait venu en Egypte avant l'arrivée des Arabes. Théophane fixe l'invasion de l'Egypte à l'an 634 (636). Les écrivains musulmans, généralement, font coïncider l'expédition d’Amr Ibn-al-'Âs avec le voyage du calife 'Omar en Syrie, en l'an 18 de l'hégire (639 de J.-C). Mais il y a de grandes divergences dans leur chronologie. (Voyez Ibn al-Athir, éd. de Tornberg, t. II, p. 440 ; — Makrizi, Khitat, éd. de Boûlâq, t. I, p. 288.)
[321] Une île de ce nom m'est inconnue. Les deux formes sont sans doute des transcriptions d'un seul et même nom.
[322] C'est-à-dire Jean de Mârôs.
[323] De Behnesâ ?
[324] Abôït était située dans le canton de Lycopolis ou Osyoût, à l'Orient du Nil.
[325] Pour reprendre la ville de Behnesâ ?
[326] C'est-à-dire Théodose et Anastase, le duc d'Egypte et le préfet augustal. (Dans un passage du Breviarium du diacre Liberatus [cap. xx] ces deux fonctionnaires sont appelés Judices), et il faut supposer que la charge de duc d Egypte, supprimée par un édit de Justinien (C. J. C. Edici. XIII, Lex de Alexandrinis et Aegyptiacis provinciis, cap. i), avait été rétablie plus lard. Le général Théodore paraît avoir été envoyé en Egypte, après les premières défaites des Romains, pour prendre le commandement en chef.
[327] D'après Ibn 'Abd-el-Hakam (mss. arabes de la Bibliothèque nationale, ancien fonds, n° 785, fol. 35 v° et 38 v° et ancien fonds, n° 655, p. 79 et 85), 'Amr se trouvait à 'Arîsch, près de la frontière d'Egypte, le jour du Sacrifice (le 10 dsoûl-hiddja de l'an 18 de l'hégire), c'est-à-dire au mois de décembre 639. L'inondation d'Egypte commence au mois d'août ! Par conséquent ce serait vers le mois de juin ou de juillet que les généraux romains auraient livré bataille à 'Amr, six ou sept mois après son entrée en Egypte. Suivant un auteur chrétien, Sévère, évêque d'Aschmoûnaïn, en son histoire des patriarches d'Alexandrie, les Arabes seraient entrés en Egypte, le 12 du mois de payni de l'an 357 des martyrs. (Ms. arabe de la Bibliothèque nationale, ancien fonds n° 139, page 91.) Le 12 du mois de payni correspond au 18 juin.
[328] Ici et plusieurs fois dans la suite, désigne la ville de Misr ou Babylone.
[329] Cette localité était située, d'après notre texte, au bord du fleuve, au sud de la citadelle de Babylone.
[330] Nom évidemment corrompu.
[331] Le souvenir de ce fait a été également conservé par les traditions musulmanes, dont la plupart s'accordent même avec notre texte quant au nombre des renforts envoyés par 'Omar (Ibn 'Abd al-Hakam, ms. arabe de la Bibliothèque nationale, ancien fonds, n° 785, fol. 40 v° ; ancien fonds, n° 655, p. 89) ; mais toutes affirment que c'est de Médine que le calife avait expédié ce corps de troupes. Si la version de notre texte se trouvait être exacte, comme nous savons qu’Omar était de retour à Médine de son voyage en Syrie, au mois de dsoû’l-hiddja de l'an 18 de l'hégire et qu'il présidait au pèlerinage de cette année, la date de l'entrée des musulmans en Egypte devrait être fixée antérieurement au mois de dsoû’l-hiddja. Au témoignage de Tabari, 'Omar serait resté en Syrie trois ou quatre mois (chaban, ramadhan, chewâl et dsoû’l-ka’dah).
[332] C'est-à-dire de la forteresse de Babylone. Les Romains quittaient l'enceinte de Babylone, se dirigeant vers Héliopolis, comme il est dit au commencement du chapitre.
[333] On lit dans la rubrique de ce chapitre (il faut se rappeler que les rubriques ont été ajoutées par le traducteur arabe) que la bataille d'Héliopolis était la première rencontre entre 'Amr et les Romains, ce qui est une erreur ; car non seulement les chroniques arabes parlent de quelques combats pendant la marche de l'armée musulmane sur Babylone, mais il ressort aussi de notre texte que les troupes romaines avaient déjà subi plus d'une défaite. En ce qui concerne la bataille d'Héliopolis, telle qu'elle est présentée ci-dessus, il semble que la distance entre Héliopolis et Babylone est trop grande pour que le champ de bataille ait pu embrasser toute la surface du triangle formé par les positions des musulmans. Le plan du général arabe était une manœuvre de marche qui lui avait été rendue possible par l'occupation d'une partie du Rif. La ville d'Héliopolis, déchue de son ancienne grandeur, ne paraît avoir eu, à cette époque, aucune importance stratégique, quoiqu'elle fût située sur une hauteur. Dans le récit qui précède, il est question, après la bataille d'Héliopolis, non de la prise de Babylone, mais de l'occupation de Tendoûnyâs. Comme, dans les chapitres suivants, nous voyons les musulmans maîtres de Babylone, il faut supposer que le nom de Tendoûnyâs, si ce n'est pas un autre nom de la ville de Babylone elle-même, désigne le quartier méridional de la ville qui était indépendant de la citadelle. Dans notre texte, aussi bien que dans d'autres ouvrages, la ville et la citadelle de Babylone ont été souvent confondues. D'ailleurs, on lit dans la rubrique du chapitre cxv : « Comment les musulmans s'emparèrent de Misr dans la quatorzième année du cycle et prirent la citadelle de Babylone, dans la quinzième année, n Ce que le traducteur a rendu, n'est pas le cycle lunaire, ni le cycle de 19 ans, qui n'étaient pas employés dans la vie civile pour le comput des années, mais l’Indiction. Babylone aurait donc été occupée par les musulmans de J.-C, Indiction XIV.
[334] Il ressort de la relation qui précède que les Arabes, avant la bataille d'Héliopolis et la prise de Babylone, avaient fait des incursions dans le Rif et dans le Faiyoûm et ont occupé ce dernier canton immédiatement après la bataille d'Héliopolis. D'après les auteurs musulmans, au contraire, ils n'auraient eu connaissance de cette contrée qu'un an après la conquête du reste de l'Egypte et l'auraient alors occupé pacifiquement (Ibn 'Abd al Hakam, ms. 655, p. 23o ; — Makrizi, t. I, p. 249).
[335] Il n'est pas certain que ce mot soit un nom propre.
[336] Cette ville était située dans la province de Behnes A, à sept lieues au sud de Memphis.
[337] Le nom exact de cette ville m'est inconnu.
[338] On peut se demander s'il n'y a pas, dans cette phrase, quelque erreur et si le traducteur n'a pas confondu le nom de la ville située près d'Athrib, avec Menouf supérieure, située dans le Delta. Le canal de Qalyoûb est le canal d'Abou-Mouneddja. Le nom de Qalyoûb paraît-être une corruption du nom d'Héliopolis, quoique le bourg, de Qalyoûb soit à une assez grande distance des ruines de cette dernière ville.
[339] D'après cette phrase, le mot ne désignerait pas exclusivement les deux chefs supérieurs d'Egypte, mais, en général, les officiers exerçant un commandement. Cependant il est possible que le traducteur ait mal interprété le passage.
[340] C'est-à-dire le Delta, dont la partie supérieure seule paraît, à ce moment, avoir été envahie par les musulmans, si réellement ils avaient occupé Menouf.
[341] Au lieu de a la citadelle de Babylone d'Egypte, » il faut lire Babylone d'Égypte.
[342] Ce sont les transfuges égyptiens.
[343] Il faut probablement lire « pendant deux ans. »
[344] L'an 642 de J. C., indiction XV.
[345] Encore ici, il faut lire « Babylone » au lieu de « la citadelle de Babylone. » Le butin fait à Alexandrie » et « les habitants d'Alexandrie » sont deux autres erreurs de la traduction. On vient de lire dans les phrases précédentes que les musulmans ne pouvaient rien entreprendre contre les villes de la basse Egypte. Je crois que, dans le texte original, il était question du pillage et de la destruction des maisons des habitants qui s'étaient réfugiés à Alexandrie.
[346] Il serait étrange que l'auteur eût désigné ainsi l'île de Raudhâ qui, d'après les auteurs musulmans, jouait un si grand rôle lors du siège de la forteresse de Babylone. (Voyez le résumé du récit d'Ibn 'Abd al-Hakam, par Ewald, dans la Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, t. III, p. 329 et suiv. ; comparez Makrizi, Khitat, t. I, p. 290 et suiv.)
[347] Il s'agit peut-être des habitants de Babylone qui s'étaient soumis aux Arabes.
[348] Yakâtît est le nom éthiopien du mois égyptien mekhir.
[349] Comme cette date, que nous sommes à même de contrôler (Heraclius est mort le 11 février 641, Indiction XIV, 367 des martyrs), se trouve être exacte, on incline à accepter avec plus de confiance les autres données chronologiques de cette relation.
[350] Il existe des médailles sur lesquelles figurent Heraclius et ses deux fils, sans légende sur l'avers, frappées entre les années 638 et 641 (c'est en 638 qu'Héracléonas avait été proclamé empereur). Mais il y avait eu antérieurement des monnaies d'Heraclius avec trois figures et sans légende sur l'avers. (Voy. Sabatier, Description générale des monnaies byzantines, t. I, p. 285.)
[351] Transcription fautive du nom de Pyrrhus, que le traducteur ou les copistes ont presque toujours confondu avec le nom de Cyrus, patriarche d'Alexandrie.
[352] Heraclius, par son testament, avait décidé que Constantin, son fils aîné, devait régner conjointement avec Héracléonas, fils de Martine. Le patriarche Pyrrhus favorisait les intérêts de l'impératrice et de ses enfants. (Voy. Théophane, Chronogr. ad ami. 613a et 6i33. — Nicéphore de Constantinople, Breviar. histor., p. 18 et suiv.) Je crois qu'une partie au moins des erreurs que renferme notre texte doivent être attribuées au traducteur arabe, notamment le passage concernant David et Marin, les deux jeunes fils de Martine, qui avaient la dignité des césars. Quant à la dernière partie du paragraphe, l'auteur veut dire, je suppose, que Pyrrhus fut puni parce qu'il avait tenté d'agir contrairement à la prophétie de Sévère.
[353] Ces noms sont, sans doute, fort altérés. Il ne serait pas impossible que ce fussent des corruptions du seul nom de Marianus le cubiculaire.
[354] Nicéphore de Constantinople (loc. cit., p. 17-18) raconte qu'après la mort de Jean de Barca et la défaite de Marinus, commandant des troupes de Thrace, Heraclius envoya en Egypte le cubiculaire Marianus… Car Cyrus avait annoncé à l'empereur que l’on pourrait obtenir la paix en payant tribut à 'Amr… (C'est évidemment d’Amr que l'auteur veut parler, et non d’Omar, quoique le terme de φύλαρχος paraisse désigner ce dernier.) Puis, quelque temps avant la mort de Sergius, patriarche de Constantinople (Sergius mourut au commencement de l’an 630, Indiction XII), Cyrus fut appelé à Constantinople et vivement blâmé par l'empereur, parce qu'il avait livré aux Sarrasins les trésors de l'Egypte (.). Plus tard, il fut renvoyé à Alexandrie par Héracléonas, après la mort de Constantin. Théophane (ad. ann. 6126) rapporte que Cyrus, patriarche d'Alexandrie, ayant été accusé auprès de l'empereur Heraclius d'avoir promis aux Sarrazins les trésors de l'Egypte, l'empereur fut très irrité contre le patriarche, le fit venir à Constantinople, et envoya comme Augustal, un Arménien nommé Manuel. Quelque temps après, les Arabes s'étant présentés pour recevoir l'argent promis, Manuel refusa d'exécuter l'engagement de Cyrus. Il fut attaqué et vaincu et se retira avec quelques hommes à Alexandrie. Alors Heraclius se décida à renvoyer Cyrus à Alexandrie, pour déterminer les Sarrasins à quitter l'Egypte, en exécutant les conditions stipulées. (Le nom de Manuel est également mentionné par les auteurs arabes. En l'an 26 de l'hégire, après la complète soumission de l'Egypte, les Grecs, sous le commandement de Manuel, auraient repris Alexandrie et repoussé les musulmans jusqu'à Nikious, où eut lieu une sanglante bataille dans laquelle les Grecs furent vaincus : Ibn 'Abd al-Hakam, ms. ar. de la Biblioth. nationale, ancien fonds, n° 785 fol. 110, et ancien fonds n° 655, p. 237. — Comparez Balâdsori, p. 221 ; — Ibn al-Athir, t. III, p. 62 ; — Makrizi, t. I, p. 167). De ces témoignages on peut retenir au moins comme certain que Cyrus avait été appelé à Constantinople par l'empereur Heraclius et qu'il y était resté quelque temps en exil. Mais, comme on verra plus loin, il n'est pas aussi certain que le patriarche ait été renvoyé à Alexandrie par Heraclius lui-même, et il est tout à fait invraisemblable que Constantin ait voulu le faire venir de nouveau à Constantinople.
[355] L'ancien Taposiris.
[356] Cet épisode paraît avoir été intercalé ici par erreur.
[357] On verra, ci-après, que cet événement eut lieu, en l’an 642 de J-C, Indiction XV. En cette année, la fête de Pâques était le 24 mars. La citadelle de Babylone aurait donc résisté aux musulmans plus de deux ans. Mais, pendant ce temps, 'Amr avait continué la conquête des villes situées en dehors du Delta. Toutes ces données contredisent d'une manière absolue les traditions musulmanes.
[358] On voit que la rédaction confuse de ces chapitres peut être, dans une certaine mesure, attribuée à l'auteur lui-même. La prise de Nikious, mentionnée déjà à la fin du chapitre xv, sera racontée quelques lignes plus loin.
[359] Ou « près du palais ? » — On sait, par Strabon, que la citadelle s'étendait jusqu'au fleuve. (Comparez Makrizi, t. I, p. 290)
[360] Il est peu probable que ce personnage soit le même que celui qui, portant le même nom, avait joué un rôle si important, trente ans auparavant, comme adversaire d'Heraclius.
[361] Le nom de cette ville, située près de Nikious, n'est pas mentionné ailleurs.
[362] Le 18 du mois de guenbôt de l'Indiction XV correspond au 25 mai de l'an 642 de J.-C. (22 de l'hégire). Mais la férié n'est pas exacte. On voit que la prise de Nikious eut lieu deux mois après l'occupation de la citadelle de Babylone et qu'elle coïncidait avec la prise de Césarée en Palestine. On lit dans Théophane (ad ann. 6133) que, sous le règne d'Héracléonas (entre les mois de mai et d'août 641), Moawîa s'empara de Césarée, après sept ans de siège et y tua sept mille Romains. D'après Denys de Telmahar (ms. syr. de la Bibl. nat., n° 285, fol. 5) Césarée fut prise en 953 des Séleucides ; d'après Ibn 'Abd al-Hakam (ms. ar. n° 655, p. 111), dans l'année où mourut Heraclius (en l'an 19 ou 20 de l'hégire), et d'après Balâdsorî (éd. de Goeje, p. 141 et suiv.), au mois de Schawwâl de l'an 19 (ou 20) de l'hégire.
[363] Ce nom paraît être corrompu, et ce paragraphe renferme, sans doute, d'autres erreurs. IL semble que, dans le texte original, il était question des circonstances de la prise de Césarée et de la trahison d'un juif (comp. Balâdsorî, p. 141)
[364] C'est à cette attaque, que se réduit, d'après notre texte, le siège d'Alexandrie, que quelques auteurs arabes font durer quatorze mois Cependant on peut croire que les musulmans ont 'bloqué la ville.
[365] Il faut supposer qu'Eudocianus avait été l'un des commandants de la citadelle de Babylone ; car ce passage se rapporte, sans doute aux faits mentionnés ci-dessus qui se passèrent lors de la reddition de la citadelle pendant un certain temps
[366] Le patriarche Georges avait été le prédécesseur de Cyrus.
[367] Le complément de la phrase est omis, soit par la faute du traducteur, soit par celle des copistes.
[368] J'ai relevé, ci-dessus, l'erreur qui consiste à représenter le patriarche Pyrrhus comme l'adversaire de l'impératrice Martine et de ses enfants. Tout ce qui concerne l'exil de Pyrrhus est également erroné. Le reste du paragraphe est la reproduction entièrement altérée des faits rapportés par S. Nicéphore, de Constantinople, touchant les recommandations adressées par Constantin aux troupes en faveur de ses fils, le testament d'Heraclius, les trésors que Constantin réclama à Pyrrhus, à la suite de la dénonciation de Philagrius, etc. (Voy. Nicéphore, Brev. hist., p. 19 et suiv.)
[369] J'ai rapporté plus haut les témoignages de Théophane et de Nicéphore relatifs à l'exil de Cyrus et à son renvoi à Alexandrie. Quoique l'un des deux auteurs grecs affirme expressément que Cyrus fut renvoyé à Alexandrie par Heraclius, il semble que les circonstances relatées dans notre texte, confirmées par celles que nous trouvons dans la suite du récit, portent tous les caractères de l'authenticité et ne permettent guère de douter de la date qui est assignée, ici et dans Nicéphore, au retour du patriarche.
[370] On verra plus loin que le général Théodore qui, paraît-il, avait été lui aussi appelé à Constantinople et investi des pouvoirs du préfet augustal, partit également avec lui.
[371] L'union réprouvée était celle d'Heraclius et de Martine, sa nièce.
[372] Cette date (le 17 septembre) se trouve corroborée par les autres circonstances mentionnées dans le récit. En effet, Heradius étant mort le 11 février 641, et Constantin n'ayant régné que trois mois, Heraclius II fut seul empereur à partir du mois de juin ; et, comme toute la durée du règne de ce dernier ne fut que de six mois, les troubles de Constantinople qui y mirent fin, se produisirent au mois d'août, au moment même où Cyrus et les généraux étaient en mer, se rendant à Alexandrie.
[373] On peut croire que ce personnage était un vicaire qui administrait l'Église d'Alexandrie pendant l'absence de Cyrus. Au lieu des mots « Heraclius le jeune, » il faut peut-être lire « Heraclius l'ancien. »
[374] La scène précédente se place immédiatement après le retour de Cyrus, c'est-à-dire au mois de septembre 641. On peut s'étonner de voir célébrer de nouveau ce retour, après un intervalle de sept mois. Il faut supposer que l’on rendait ces actions de grâces à cause de la solennité particulière de la fête de Pâques, la première à laquelle le patriarche assistait, à Alexandrie, après son exil.
[375] On verra plus loin que les Grecs quittèrent l'Egypte au mois de septembre de l'an 643, conformément aux stipulations de ce traité qui par conséquent, a dû être conclu au mois d'octobre 642; On doit convenir que les termes du traité portent.les caractères de l'authenticité à un plus haut degré que ceux de la charte qui nous a ; été transmise par Ibn al-Kathîr. (Voy. le mémoire de M. de Sacy, dans les Mémoires de l'Institut, t. V, p. 35.)
[376] Si l'on considère que l'auteur du récit qui précède est un adversaire du patriarche Cyrus, on trouvera que la conduite de ce dernier dans les négociations avec les musulmans paraît avoir été assez correcte. Les accusations dirigées contre lui par les auteurs byzantins, accusations qui paraissent confirmées, dans une certaine mesure, par son exil à Constantinople, se rapporteraient, par conséquent, à des négociations antérieures, soit qu'il eût traité avec les Arabes de sa propre initiative, soit qu'il eût dépassé les instructions de l'empereur. D'un autre côté, la grande analogie que l’on remarque entre les faits rapportés par Théophane et Nicéphore et ceux qu'on lit dans notre texte, ainsi que le silence de notre auteur sur ces menées coupables (ce qu'on lit, ci-dessus, dans la rubrique du chapitre cxx, n'est que l'une des nombreuses erreurs du traducteur arabe), font naître un certain doute au sujet du rôle attribué à Cyrus par les chroniques grecques. A cette époque de continuelles défaites, les suspicions de trahison n'étaient pas rares à Constantinople, et l'on sait que la même accusation fut dirigée plus tard contre le pape Martin. On remarquera aussi que les principales circonstances de l'action de Cyrus, c'est-à-dire les relations empreintes de bienveillance réciproque entre le patriarche et les musulmans, et la conclusion du traité de paix, se retrouvent dans les traditions arabes relatives à un soi-disant chef de la nation copte appelé Moqauqes. La légende, comme il arrive souvent, a concentré sur ce nom les faits et gestes de plusieurs personnages. Cependant il est un fait, dans ces traditions, qui me paraît reposer sur une donnée historique. Ibn 'Abd al-Hakam (ms. n° 785, fol. 47 v° et n° 655, p. 104 et suiv.) rapporte que le traité de paix qui avait été conclu, soumis à la ratification de l'empereur, n'avait pas été approuvé par lui. En ce qui concerne particulièrement Alexandrie, il ne ressort pas clairement de notre texte que les musulmans, en se présentant pour recevoir le tribut stipulé, aient occupé la ville. Cependant il est dit plus loin, en termes précis, qu’Amr lui-même ne fit son entrée dans Alexandrie qu'après le départ de l'armée grecque.
[377] C'est-à-dire les Arabes qui étaient en Egypte. Il n'est pas probable que l'auteur ait voulu parler des Egyptiens.
[378] Les auteurs arabes placent en l’an 21 ou 22 de l'hégire la première expédition musulmane dans les provinces situées à l'ouest de l'Egypte. (Voyez sur les différentes traditions relatives à la conquête des provinces d'Afrique, Journal Asiatique, nov. 1844, p. 335 et suiv.)
[379] Le 25e jour du mois de magâbit correspond au 2 avril. Cyrus était revenu à Alexandrie au mois de septembre de l'année où mourut Heraclius, c'est-à-dire de l'an 641. Il y avait célébré les Pâques en 642, et il mourut en 643. En l'an 643, Pâques tombait au 13 avril, et le jeudi de Pâques.
[380] Il semble qu'ici le mot ne peut exprimer qu'une charge militaire.
[381] Comparez Nicéphore de Constantinople, loc. cit., p. 16.
[382] Ioûtâliôs paraît être un nom de dignité.
[383] Une forteresse d'Arménie ?
[384] Comparez Nicéphore, loc.cit., p. 20 et suiv. Mais notre texte ne vient pas de la même source que la relation du patriarche de Constantinople.
[385] Cette nouvelle révolte de Valentin eut lieu en 644 (cf. Théophane, ad ann. 6136). Denys de Telmahar (l. c., fol. 5) parle d'une défaite infligée par les musulmans au « patrice Valentin, » en l'an 955 des Séleucides.
[386] Il y a deux archevêques de Chypre du nom d'Arcadius. Il s'agit du premier.
[387] On voit que l'auteur, en transcrivant des documents divers, a négligé de les coordonner. Ce nouveau récit de la mort de Cyrus vient évidemment d'une autre source que celui qu'on a lu plus haut, probablement d'une source grecque, la même dont est tiré le récit sur la révolution de Constantinople.
[388] Si les généraux, à cette époque où les musulmans étaient déjà maîtres de toute l'Egypte, se trouvaient à l'intérieur de la province, il faut supposer que ce fut en vertu de la trêve conclue par Cyrus, à moins d'admettre avec les auteurs musulmans un retour offensif des Romains qui, cependant, serait antérieur à l’an 25 de l'hégire.
[389] Le 20 du mois de hamlè correspond au 26 juillet. La fête de la Croix, dont l'auteur parle en cet endroit, est, je sup pose, celle de l'apparition de la Croix sur le Golgotha, fête que l'on célèbre dans l'Église jacobite le 19 mai.
[390] Le 29 septembre (643 de J.-C.)
[391] On a vu plus haut que les Arabes s'étaient présentés une première fois devant Alexandrie, et, après avoir pris le faubourg de Kérioun, avaient été obligés de se retirer. Ils y étaient revenus ensuite en 642, pour recevoir le tribut stipulé par le traité conclu à Babylone. Il est possible que, plus lard, ils aient pris prétexte de la tentative de résistance qui se produisit alors (peut-être aussi l'empereur Constant avait-il refusé de ratifier le traité de Cyrus), pour imposer aux vaincus des charges nouvelles. Mais il n'est pas question, après la capitulation, d'un retour offensif des Romains.
[392] D'après Sévère d'Aschmoûnaïn, Benjamin se serait éloigné aussitôt après l'élection de Cyrus, c'est-à-dire en 63o, et il serait revenu à Alexandrie, rappelé par 'Amr, après treize ans d'exil (voyez Renaudot, Hist. patriarch. Jacobit. Alex. p. 161). Dans la rubrique de notre texte, il est dit qu'il était resté en exil pendant dix ans, sous la domination romaine, et quatre ans sous la domination arabe.
[393] Sévère d'Aschmoûnaïn, au contraire, rapporte qu'après la prise d'Alexandrie, en 360 des martyrs, les musulmans démolirent les murs et brûlèrent la plupart des églises, entre autres celle de Saint Marc l'Evangéliste. (Ms. arabe de la Bibliothèque nationale, ancien fonds, n° 139, p. 92 ; comparez Balâdsori, loc. cit., p. 222.)
[394] Le mot m'est inconnu. On voit qu'il désigne une valeur égaie à une somme de mille pièces d'or. Cette somme, paraît-il, représentait une contribution mensuelle.
[395] L'an 644 de J.-C., Indiction II.
[396] Il est difficile d'admettre qu’Amr ait confié à Jean les fondions de préfet, même avec des pouvoirs très limités, sur augustal. Peut-être ce paragraphe n'est-il qu'une autre version des faits rapportés dans le paragraphe précédent, la désignation de l'ancien préfet.
[397] C'est-à-dire les Turcs. Le traducteur les Turcs, dès l'origine de l'islamisme, ne éthiopien, auteur de cette note, s'est figuré que, comme de son temps, les Arabes et les Turcs, dès l'origine de l'islamisme, ne formaient qu'une seule nation.
[398] Cette note est celle de l'exemplaire original de la traduction.
[399] S. Jean le Petit. Le traducteur éthiopien a pris le mot Kolobôs pour le nom d'une ville.