Jean de Nikiou

JEAN, ÉVÊQUE DE NIKIOU

 

CHRONIQUE : Chapitres LI à LXXX

 

Chapitres I à L - chapitres LXXXI à LXXXIX

Œuvre numérisée par Marc Szwajcer

 


 

CHRONIQUE

 

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JEAN, ÉVÊQUE DE NIKIOU

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Chapitre LI. Cyrus le Perse, après avoir vaincu Astyages, devint roi…. qui est Cambyse. Or Crésus était un homme dur et orgueilleux. Tous les Etats, situés de près ou de loin, étaient dans sa dépendance. Ceux (des rois) qui acceptaient sa domination lui payaient tribut et demeuraient en paix ; quant à ceux qui lui résistaient, il les emmenait captifs, leur enlevait leurs richesses et s'emparait de leurs territoires ; car il était puissant et fort redoutable et maître de la victoire. Or Cyrus fut dans une grande inquiétude. Il avait une femme nommée Tertânâ, qui avait été l'épouse de Darius, successeur de Balthazar. Celle-ci lui parla ainsi : Il y a parmi nous un prophète d'entre les Hébreux, nommé Daniel, en qui est la sagesse de Dieu ; il est du nombre des captifs des enfants d'Israël. Darius n'entreprenait rien sans son conseil, et tout ce que ce prophète lui annonçait s'accomplissait. Ayant entendu ces paroles, Cyrus envoya auprès du prophète Daniel, le fit amener avec honneur et lui adressa cette question : Remporterai-je ou ne remporterai-je pas la victoire sur Crésus ? Le prophète Daniel, après avoir gardé le silence pendant une heure,[47] répondit : Qui peut connaître la sagesse de Dieu ? Puis il se mit à prier et demanda au Seigneur son Dieu de lui révéler si Cyrus serait à même de résister à ce conquérant rapace, à l'orgueilleux Crésus. Dieu lui répondit : S'il donne la liberté de partir aux captifs des enfants d'Israël, il vaincra Crésus et fera la conquête de son empire. Daniel, ayant entendu ces paroles de Dieu, annonça à Cyrus qu'il triompherait de Crésus, s'il voulait laisser partir les enfants d'Israël. A ces paroles, Cyrus tomba aux pieds de Daniel et jura en disant : « Vive le Seigneur ton Dieu ! Je renverrai les Israélites à Jérusalem, leur ville, afin qu'ils servent le Seigneur leur Dieu ! » Et Cyrus, selon son devoir envers Dieu, combla de bienfaits les Israélites et leur permit de partir.

Or Crésus se mit en campagne avec une immense armée, pour envahir les Etats de Cyrus. Ayant traversé le fleuve de Cappadoce, pour combattre Cyrus et pour le réduire à un état misérable, il fut lui-même vaincu par Cyrus. Il lui fut impossible de se dérober par la fuite, parce que le fleuve se trouvait devant lui. En effet, en arrivant à ce fleuve, un grand nombre de ses soldats y furent précipités et noyés et quant à lui-même, il fut empêché de le traverser, parce que Dieu avait décidé de le faire tomber, en cette occasion, entre les mains de Cyrus. Les soldats de Cyrus l'ayant poursuivi l'atteignirent, le prirent vivant et lui mirent des chaînes, et ils tuèrent quarante mille hommes de son armée. Cyrus fit pendre son ennemi Crésus à un arbre et fit subir au reste de ses troupes l'humiliation et l'outrage. Quant aux Juifs et à leur roi, il leur permit de retourner dans leur pays, ainsi qu'il avait promis au prophète Daniel.

Lorsqu'il fut de retour en Perse, Cyrus distribua toutes ses possessions et donna l'empire de Perse et de Babylone a son fils Cambyse. Celui-ci était un homme méchant ; il abandonna la sagesse de son père et le culte de Dieu, le Seigneur. A cette époque régnait, en Egypte, le roi Apriès, dans la ville de Thèbes, à Memphis et dans deux autres villes, à savoir Moûhîb et Soûfîroû. Ce fut alors qu'à la suite des intrigues des peuples voisins (des Juifs), Cambyse envoya à Jérusalem l'ordre de les empêcher de reconstruire le sanctuaire de Dieu. Ensuite il se mit en campagne avec une armée innombrable, avec des cavaliers et fantassins de la Médie, pour attaquer l'Egypte. Les habitants de la Syrie et ceux de la Palestine cherchèrent (en vain) à s'opposer à sa marche, et il dévasta, non quelques-unes, mais un grand nombre des villes des Juifs ; car il était le conquérant du monde entier. Dans son orgueil, il changea son nom et s'appela Nabuchodonosor. Ses dispositions étaient celles d'un barbare et, inclinant vers le mal, il haïssait les hommes.

Son père Cyrus avait été grand et honoré devant le Dieu vivant ; il avait ordonné la construction du temple de Dieu à Jérusalem, avec zèle et piété, alors qu'il renvoya le grand prêtre Josué, fils de Josédec, et Zérubabel, qui est Esdras, et tous les captifs juifs, et leur permit de se rendre dans le pays des Hébreux et en Palestine. Au contraire, Cambyse[48] qui est Nabuchodonosor le second, et Balthazar, brûlèrent la ville sainte de Jérusalem et le temple, ainsi que l'avaient prédit les saints prophètes Jérémie et Daniel. Après qu'ils eurent brûlé la ville, Cambyse vint à Gaza, rassembla des troupes et tout le matériel de guerre et descendit vers l'Egypte pour y porter la guerre. Ayant envahi le pays, il remporta la victoire et s'empara des villes égyptiennes de Farmâ, Schanhoûr, San et Bastâh. Il prit vivant Apriès, le pharaon, dans la ville de Thèbes, et le tua de sa propre main.

Or il y avait, en Egypte, un guerrier nommé Phoûsîd, qui pratiquait la vertu et haïssait le mal. Lors d'une guerre entre les Perses et les Égyptiens, il avait envahi la Syrie et l'Assyrie, et avait fait prisonniers quatre fils de Cambyse, ainsi que ses femmes, au nombre de quarante personnes, avait brûlé leurs demeures, pillé leurs richesses, et les avait emmenées dans la ville de Memphis, où il les fit enfermer dans le palais du roi. Lorsqu'il y eut la nouvelle guerre entre les Égyptiens et les Assyriens, ceux-ci reprirent l'avantage, triomphèrent des Egyptiens et conquirent le royaume de Thèbes. (Lors d'un engagement,) comme les soldats assyriens lançaient des traits, Phoûsîd fut frappé par une flèche, au côté droit. Les soldats égyptiens l'emportèrent, avant qu'il expirât, hors des atteintes des Assyriens ; mais il ne survécut qu'une heure et laissa, en mourant, une mémoire illustre à la postérité. Alors les Egyptiens, n'ayant plus de capitaine comme Phoûsîd, étaient découragés, et ils se retirèrent dans la ville de Sais, dont les fortifications et les remparts étaient plus solides que ceux des autres villes. Cambyse, de nouveau, attaqua cette ville, s'en rendit maître et la détruisit. Il conquit toutes les villes de la basse Egypte, dans le nord, jusqu'au bord de la mer ; il enleva aux habitants toutes leurs richesses, détruisit leurs villes et leurs villages, livra aux flammes leurs maisons et n'y laissa pas un être vivant, ni hommes ni bêtes ; il fit couper les arbres, détruire les plantations, et fit de l'Egypte un désert. Puis, se dirigeant vers le Rif, il attaqua la ville de Memphis et vainquit le roi qui s'y trouvait. Il saccagea et détruisit aussi la ville de Bousir, qui est située en deçà de Memphis, en enleva toutes les richesses, la livra aux flammes et la rendit complètement déserte. Les fils des rois qui avaient survécu se réfugièrent dans une autre ville rapprochée, se retirèrent dans la citadelle et en fermèrent les portes. Les Assyriens assiégèrent cette citadelle, la prirent d'assaut pendant la nuit et détruisirent la ville de Memphis la grande. L'un des rois d'Egypte, nommé Moûdjab, avait fait prévenir en secret son fils nommé Elkâd, afin qu'il lui amenât ses richesses, et celles de tous ses officiers et les quarante femmes de Cambyse ou Nabuchodonosor, qui avaient été amenées par Phoûsîd le capitaine. En conséquence on avait, pendant la nuit, ouvert les portes de la citadelle, fait sortir ces personnes, et on les avait conduites par une route qui n'était pas la route ordinaire, et que les gens ne connaissaient pas, dans le désert. Quant aux quatre fils de Cambyse, les habitants de la ville de Memphis les amenèrent, les firent monter au haut du mur et les égorgèrent, les coupèrent en morceaux et jetèrent les membres en bas, là où se trouvait Cambyse. Lorsque l'armée de Cambyse vit cette abominable action des habitants de Memphis, les soldats, transportés de fureur, donnèrent l'assaut et traitèrent la ville sans miséricorde. Ils établirent des machines de guerre, détruisirent les palais des rois et mirent à mort les fils des rois Moûdjab et Soûfir, ainsi que tous les chefs de l'armée qui se trouvaient dans la ville, sans faire grâce à aucun.

En apprenant la mort de son père, Elkâd s'enfuit et se rendit en Nubie. Alors Cambyse saccagea la ville d'Aoun (Héliopolis) et la haute Egypte, jusqu'à la ville d'Eschmoûn. Les habitants de cette ville, prévenus (de son approche) et cédant à la crainte, se réfugièrent dans la ville d'Eschmoûnaïn ; puis ils envoyèrent à Elkâd, fds de Moûdjab, en Nubie, un message et l'invitèrent à se rendre auprès d'eux, parce qu'ils voulaient le reconnaître comme roi, à la place de son père ; car il avait, autrefois, fait la guerre dans les provinces de l'Assyrie. Elkâd rassembla aussitôt une nombreuse armée d'Ethiopiens et de Nubiens et marcha contre l'armée de Cambyse, en suivant la rive orientale du fleuve Gehon. Les Ethiopiens n'étaient pas à même de traverser le fleuve. Alors les Perses, pleins de ruse, s'éloignèrent d'eux et se mirent en mouvement, comme s'ils voulaient s'enfuir ; puis, à l'entrée de la nuit, ils traversèrent le fleuve avec précaution, s'emparèrent de la ville d'Eschmoûnaïn et la saccagèrent, sans que l'armée d'Elkâd s'en aperçût. Après en avoir fini avec la ville d'Eschmoûnaïn, ils s'avancèrent dans l'Egypte supérieure, détruisirent la ville d'Asouân, traversèrent le fleuve en face de la ville d'Ahîf et saccagèrent Philé, comme ils avaient fait des autres villes. Ils se tournèrent ensuite contre les villes et les bourgs qui restaient encore, les pillèrent et les brûlèrent, de telle sorte que toute l'Egypte devint un désert et que l’on n'y trouva plus un être vivant, ni un homme, ni même un oiseau du ciel. Alors Elkâd, le roi d'Egypte, prit un autre parti, lui et les hommes qui n'avaient pas été anéantis par les Perses. Ils allèrent au-devant de Cambyse, portant des présents, au son des lyres, des timbales et des tambourins et, s'arrêtant à distance, se prosternèrent devant lui et lui demandèrent grâce. Cambyse accorda la grâce à ces Egyptiens survivants qui venaient lui offrir leur soumission ; il les traita avec bienveillance, les emmena en Médie et à Babylone, et leur donna un gouverneur choisi dans leurs rangs. Quant à Elkâd, il ne lui ôta pas la couronne royale ; au contraire, il le rétablit sur le trône, et il ne l'emmena pas avec lui. Le nombre des Egyptiens que Cambyse emmena avec lui fut de cinquante mille, sans les femmes et les enfants. Ils demeurèrent dans la captivité, en Perse, pendant quarante ans, et l'Egypte restait déserte. Cambyse, après avoir dévasté l'Egypte, mourut dans la ville de Damas. Artaxerxès, le grand sage, régna ensuite pendant vingt ans, ne cessant jamais d'aimer Dieu et d'aimer les hommes. Il ordonna à Néhémie, l’échanson, de construire les murs de Jérusalem, et il traitait avec bonté le peuple juif, parce que Cyrus et Darius avaient honoré le Dieu du ciel et l'avaient servi ; c'est pourquoi il favorisait toutes les entreprises des Juifs. Quant aux : Egyptiens, il les traitait (également) avec bienveillance et bonté ; il choisissait parmi eux des fonctionnaires, pour délibérer avec ses propres officiers. Enfin il les renvoya dans leur pays, dans la quarante et unième année de leur captivité depuis la catastrophe de leur patrie. Après leur retour, les Égyptiens se mirent à construire, dans leurs différentes villes, des maisons, non de grandes maisons, comme autrefois, mais de petites maisons d'habitation, et ils plantèrent une grande quantité d'arbres et de vignes. Ils se donnèrent un roi, nommé Phîwâtoûrôs, sur l'ordre d'Artaxerxès, le philanthrope.

Il y avait un Egyptien, un consolateur dévoué, sage et vertueux, nommé Schenoûfî, nom qui signifie «bonne nouvelle, » lequel s'appliqua avec ardeur à reconstruire les villes et les bourgs, et à rétablir la culture de la terre, de telle sorte qu'en peu de temps il avait reconstruit tous les bourgs de l'Egypte ; et il reconstitua ce pays tel qu'il avait été auparavant. L'Egypte jouissait, de son temps, d'une grande prospérité, le nombre des habitants augmenta de beaucoup, et leur bétail se multiplia également. Schenoûfî régna pendant quarante-huit ans, dans le contentement et la paix, heureux du retour des captifs égyptiens, et il mourut entouré de vénération. Il avait, avant de mourir, fait recenser les Egyptiens, dont le nombre se trouva être de cinq cent mille hommes. Après la mort de Schenoûfî, les Egyptiens demeurèrent pendant longtemps sans roi ; mais ils payaient l'impôt aux Perses et aux Assyriens ensemble. Ils furent en paix, jusqu'à ce qu'ils se donnassent un autre pharaon comme roi, auquel ils payèrent l'impôt.

Mais les Perses ne voulaient pas admettre que les Égyptiens payassent l'impôt à leur propre roi. Les Perses également étaient restés sans roi après la mort du grand Artaxerxès, qui s'était montré clément envers les Egyptiens. Celui qui régnait après Artaxerxès fit d'abord la guerre aux Juifs, qui se soumirent. Il attaqua ensuite les Égyptiens, les vainquit et leur enleva leurs richesses ; car le pays d'Egypte, grâce à Dieu, est extrêmement fertile.

Lorsque Nectanébo, le dernier des pharaons, eut appris des grands thaumaturges, par une déclaration positive des démons, qu'il ne régnerait pas sur les Égyptiens (car il était lui-même magicien, et il avait interrogé les démons impurs, pour savoir s'il régnerait ou s'il ne régnerait pas sur les Égyptiens), il se rasa la tête, rendit sa figure méconnaissable et prit la fuite, li se rendit d'abord à Farma, puis en Macédoine, où il demeura. Les Égyptiens restèrent soumis à Ioulianos jusqu'à l'arrivée d'Alexandre, c'est-à-dire le conquérant du monde, qui tua Hestâtès, le roi des Perses. Après un court espace de temps (depuis la mort d'Artaxerxès), régna sur les Perses Ochus, pendant douze ans ; après lui, Artaxerxès, pendant vingt-trois ans ; puis Darius, surnommé Akreyous (?),[49] pendant six ans. C'est alors qu'Alexandre attaqua celui-ci, le tua et lui enleva l'empire de Babylone ; car Alexandre, fils de Philippe, le Macédonien, fut le conquérant du monde.[50]

Chapitre LII. Il fut un homme, nommé Énée, qui épousa la fille de Latinus, nommée Lavinia. Il fonda une grande ville qu'il appela du nom de Lavinia et y établit son pouvoir.

Chapitre LIII. Il fut, en Italie, un homme nommé Pallas, qui y vivait avec son fils. C'était un homme éminent et belliqueux. Il s'empara, par la force, de plusieurs villes soumises à Enée. Ayant attaqué…, il lui enleva sa ville et y construisit une grande maison, qu'il embellit d'ornements, de sorte qu'il n’y en eut de pareille dans aucune autre ville. Il construisit aussi un château qu'il appela, d'après son nom Pallas, Pallantium, c'est-à-dire « palais. »

Chapitre LIV. Creusés, étant monté sur le trône, fonda une ville appelée Alba ; puis, ayant quitté Elbânyâ (Lavinium), il vint à Elwânyâ (Albanie), qui est Abba et dont le nom signifie « éclat.[51] »

Chapitre LV. Il fut une femme cananéenne, nommée Didon, mariée à un homme nommé Sichœus. Elle était originaire d'une petite ville appelée Chartimas, située au bord de la mer, entre Tyr et Sidon. Elle était très riche. Elle avait un frère nommé Pygmalion, qui, désirant s'emparer de ses biens et de ses trésors, s'éleva contre son mari et le tua. Alors elle réunit en toute hâte tous ses biens et les trésors de sa maison, s'embarqua et prit la fuite ; et elle alla de Canaan en Libye, contrée d'Afrique ; elle fonda, dans cette contrée, une grande ville, qu'elle appela Cartilage, nom qui, dans la langue des Barbares, signifie « Ville neuve.[52] » Elle y régna, avec sagesse, jusqu'à sa mort.[53]

Chapitre LVI. Il y avait, du temps d'Ezéchias[54] roi de Juda, deux frères, nommés Romulus et Romanus, qui fondèrent une grande ville près de la petite ville de Valentia, située en Italie, pays de Latinus, où auparavant était le palais royal nommé Pallantium, qu'ils restaurèrent. Ils construisirent aussi à leur dieu Zeus un temple qu'ils appelèrent, dans leur langue, Capitule, ainsi qu'un palais royal, admirable à voir. Ils appelèrent le Capitole, dans la langue latine, tête de la ville. Ils prirent alors le nom de Romains et appelèrent leur ville Rome ; et les deux frères y régnèrent en commun. Puis l'inimitié s'étant déclarée entre eux, Romulus tua son frère Romanus et garda seul le pouvoir ; aussitôt la ville fut ébranlée par des secousses.[55] Tout le peuple fut épouvanté de la grande commotion que l'on éprouvait. Romulus, lui aussi, était effrayé et découragé, et, dans sa grande frayeur, ayant consulté les devins et les démons impurs, il lui fut répondu que son règne ne serait pas assuré à Rome, sans son frère Romanus. Alors il chercha en vain des moyens pour ressusciter son frère ; une (nouvelle) commotion violente se fit sentir, pendant laquelle il vit l'image absolument ressemblante de son frère, depuis la tête jusqu'à la poitrine. En conséquence, il fit, conformément à l'apparition de l'image de son frère qu'il venait d'avoir, une statue d'or représentant son frère depuis la tête jusqu'à la poitrine, la plaça près de son trône et la couvrit de toutes sortes d'ornements. Et, dans ses missives, il écrivait ainsi : Lettres, émanant de moi et de mon frère ; nous disons, nous ordonnons, nous exécutons, etc. Et cette coutume venant des Romains s'est maintenue jusqu'à présent : leurs rois et leurs magistrats ont conservé cette formule dans leurs tribunaux que l'on appelle prétoires, c'est-à-dire cours de justice.

Romulus fut aussi le premier qui introduisit à Rome la coutume de monter à cheval, de lutter de vitesse dans la course et de chercher à vaincre un autre. Il inventa ces pratiques diaboliques, sources de tout vice et de tout péché, afin que les cavaliers du monde entier fussent plus forts. Il établit aussi une place de combat pour les femmes appelées,[56] afin que les soldats s'y rendissent pour demeurer avec elles ; car auparavant ils avaient violé toutes les femmes, mariées, vierges ou veuves. C'est pourquoi, mécontent (de cet état des choses) et craignant (des désordres), Romulus organisa cette course de chevaux pour les femmes ; il les réunit seules, sans les hommes, en un seul endroit, les divisant en deux groupes, les jeunes filles d'un côté, et les femmes mariées de l'autre. Il convoqua donc de toutes les villes, voisines et éloignées, une foule innombrable de femmes écuyères. Quant aux femmes étrangères, celles qui n'étaient pas de Rome, elles étaient là, afin que (les soldats) pussent assouvir leur passion sur elles, et il mettait la main sur toutes celles qu'il put trouver. Il convia aussi les jeunes filles de la ville des Sabins, ville voisine de Rome, qui étaient fort belles, et les réunit auprès de lui. Après avoir ainsi rassemblé ces femmes, il les donna aux soldats qui n'en avaient pas ; et il appela ces soldats στρατιωτάς, c'est-à-dire guerriers. Puis il ordonna que chacun cherchât à enlever l'une des autres. Plus tard, à la suite de cette ordonnance, (les Romains) prenaient des femmes, chacun selon sa disposition, mais sans enlèvement. Il établit ensuite des prêtres des idoles et les appela prêtres d'Apollon.[57] Puis il construisit et termina les murs de la ville de Rome. Il construisit ensuite un temple dans la ville d’Arès, au mois de mars, qui est le magâbît. Mars signifie le premier des mois. Au commencement du mois on célèbre toujours une fête appelée Primus. Après cette fête, Romulus commanda aux soldats de combattre. Et l'on appela ce mois Mars, selon la coutume des païens qui pratiquaient les oracles et selon ce que les anciens, dans leur ignorance, avaient prescrit. Et les Romains ont conservé cette coutume. C'est pourquoi nos saints Pères, les moines égyptiens, les théophores, offrent, au commencement de chaque mois, un sacrifice non sanglant à la Sainte Trinité consubstantielle et communient des saints mystères vivifiants, en chantant les paroles du psaume lxxx : « Sonnez du cor au jour de la nouvelle lune, au jour solennel de notre fête.[58] »

Chapitre LVII. Romulus eut pour successeur Numa. C'était un homme sage et fort avisé, qui dirigeait la ville de Rome dans une bonne voie au moyen d'excellents règlements. Cet homme éminent fut le premier qui fit des monnaies de cuivre pour servir à la vente et à l’achat et à l'échange de l'argent. C'est pourquoi on appelle le cuivre monnayé feloûs jusqu'à ce jour. Il établit aussi deux endroits, l'un pour les patriciens (?), l'autre pour les magistrats, qui devaient donner des ordres aux officiers et à toute l'armée……[59]

Chapitre LVIII. Au temps où, à Jérusalem, le grand prêtre était un homme nommé Judas, régna en Macédoine, Philippe. Après son avènement au trône, il attaqua la Thessalie et remporta la victoire. L'ayant soumise, il fonda, en Macédoine, une ville qu'il nomma Thessalonique.

Chapitre LIX. Alexandre, fils de Philippe le Macédonien, étant monté sur le trône, fonda en Egypte la grande ville d'Alexandrie, qu'il nomma ainsi d'après son propre nom et qui, auparavant, dans la langue des Égyptiens, était appelée Racotis. Il porta ensuite la guerre en Perse. Arrivé à la limite de l'Europe, il y construisit un lieu où se réunirent ses soldats et toute son armée ; il y distribua une grande quantité d'or à ses généraux, à tous les officiers et à sa nombreuse armée, et appela ce lieu Chrysopolis ; et c'est ainsi que l'appellent les habitants de Byzance. En envahissant la Perse, Alexandre tua un grand nombre de soldats de Darius et finit par anéantir toute son armée. Il se rendit maître de tout l'empire de Darius et le soumit à son pouvoir. Il fit captive la fille de Darius, une vierge nommée Roxane ; il n'en abusa point et en fit sa femme.

La reine d'Abyssinie, nommée Candace, fut également respectée par Alexandre, en considération de sa haute intelligence. Cette reine avait appris les hauts faits d'Alexandre et savait qu'il avait l'habitude, lorsqu'il voulait attaquer l'un des rois du monde, de se joindre aux explorateurs. L'ayant reconnu lors de son arrivée avec les explorateurs, la reine Candace le fit arrêter et lui dit : « Tu es le roi Alexandre ; tu as pris le monde entier, et maintenant tu es pris toi-même par une femme. » Il lui répondit : « C'est par ton esprit, ton intelligence subtile et ta sagesse, que tu m'as pris. Dorénavant, je te garantis contre toute injure, toi et tes enfants, et je te prends pour épouse. » A ces paroles, Candace se jeta à ses pieds, fit alliance avec lui, et il l'épousa. Après cela, les Abyssins se soumirent à lui.

Alexandre, en mourant, partagea son empire entre ses quatre compagnons qui l'avaient assisté dans la guerre. Philippe, son frère aîné, prit la Macédoine et y régna, ainsi que sur toute l'Europe. Alexandre donna la royauté d'Egypte au Ptolémée nommé Lagus.[60]

Chapitre LX. Sous le règne du Ptolémée Philadelphe, dont le nom signifie « aimant les frères, » qui était un homme bien doué et sage, fils de Lagus, (ce roi) traduisit les saintes Ecritures de Dieu, de la langue hébraïque en langue grecque, avec l'assistance des vieillards, dans l'espace de soixante-douze jours ; car il y avait soixante-douze interprètes ; mais deux moururent avant d'avoir interprété.[61]

Chapitre LXI. Antigonus régna en Asie, en Cilicie et sur (la région traversée par) le fleuve appelé le Dragon, qui coule dans la province d'Oronte.[62] En Syrie, en Babylonie et en Palestine régnait un homme nommé Seleucus Nicanor. Celui-ci ayant attaqué Antigonus, roi d'Asie, le tua, parce qu'il avait fondé, près du fleuve du Dragon, une ville qu'il avait appelée Antigonia. Il enleva tous les biens de la région d'Iopolis et d'une forteresse située au pied du mont Silpion ; cette ville était auparavant appelée Bottia ; il y fonda la grande ville d'Antioche, qu'il nomma ainsi du nom de son fils Antiochus.[63] Il fonda ensuite une autre ville en l'honneur de sa fille, et il la nomma Laodicée, du nom de sa fille Laodicée. Le nom [primitif] de la ville était Mazabdan. Puis il fonda une ville, qu'il nomma Apamée, laquelle était auparavant appelée Pharnacé.[64]

Chapitre LXII. Seleucus, qui est Pausanias, fut le premier qui écrivit des chroniques et des annales et qui les nomma….

Chapitre LXIII. Antiochus, surnommé Epiphane, fit torturer les Macchabées.

Chapitre LXIV. Histoire des consuls des anciens Romains.[65] Jules César le dictateur occupa le pouvoir suprême chez les Romains, antérieurement à l'incarnation de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. La naissance de Jules ne fut pas comme celle de tous les humains que les femmes mettent au monde au neuvième mois. En effet, sa mère étant morte pendant sa grossesse, l'enfant remua dans son sein. Les médecins, voyant que l'enfant remuait, ouvrirent le ventre de la mère, retirèrent l'enfant vivant, eurent soin de lui et lui donnèrent le nom de César, nom qui signifie «arraché, tranché, séparé. » Lorsqu'il fut grand, on l'appelait aussi Triumvir, et, d'après une décision du Sénat de Rome, il fut élevé au pouvoir et devint roi. Lorsque son autorité fut solidement établie, les Perses et les barbares étaient dans la terreur. Ce même César fit du mois dans lequel il avait été élevé à la royauté, le premier mois de l’année, et il édicta des instructions, selon leurs fonctions, pour les commandants et préfets qui exerçaient le pouvoir dans chaque province de son empire. Il quitta ensuite l'Orient et vint à Alexandrie, la grande ville d'Egypte. Il rencontra la reine Cléopâtre, fille du Ptolémée, nommé Dionysos, roi d'Egypte. C'était une jeune fille fort belle. César l’aima et l'épousa et lui donna le royaume d'Egypte. Il eut d'elle un fils qu'il nomma Jules César ; on l'appelait aussi Césarion. Il construisit un superbe palais et un beau et magnifique édifice qu'il nomma de son nom et du nom de son fils [Césarion]. Lorsque le grand Constantin, l'empereur des chrétiens, monta sur le trône de l'empire romain, il convertit cet édifice en une église sous le vocable de saint Michel, laquelle, encore aujourd'hui, est appelée église de Césarion, parce qu'elle avait été construite par Jules César le jeune et par César l'ancien l.

Chapitre LXV. On raconte, au sujet d'Archélaüs, gouverneur de Cappadoce, et d'Hérode, le scélérat, le meurtrier de son père (le premier qui mangeait la viande crue et saignante et qui n'était pas du nombre des fidèles de la religion), lequel Hérode régnait en Judée, qu'ils se soumirent au premier César et qu'ils le reconnurent comme souverain de leurs territoires, pendant toute leur vie. Archélaüs fonda, en Cappadoce, une ville qu'il nomma Césarée de Cappadoce, pour perpétuer la mémoire de César. Cette ville était auparavant appelée Mazaca.[66]

Chapitre LXVI. Hérode, lui aussi, fonda en Palestine une ville qu'il appela Césarée, en l'honneur de l'empereur ; cette ville, qui était fort belle, portait primitivement le nom de Tour de Straton. Il construisit aussi une route conduisant à la ville d'Antioche, qu'il agrandit, et la couvrit de larges pierres blanches, à ses propres frais ; il fit de cette route, auparavant complètement impraticable, une voie pour le passage des rois.[67] Il envoya ensuite une armée de juifs en Egypte et força toutes les villes de ce pays à se soumettre à l'empereur. Il rendit également tributaires à César les habitants de l'Orient.

Chapitre LXVII. La reine Cléopâtre descendit de la Palestine en Egypte, pour y établir sa résidence. Arrivée à Farmâ, elle livra bataille aux Égyptiens et les vainquit. Elle vint ensuite à Alexandrie et y régna. C'était une femme éminente par ses qualités personnelles et par ses actes empreints de virilité et de force ; aucun des rois ses prédécesseurs n'avait accompli d'aussi grandes choses qu'elle. Elle construisit à Alexandrie un grand et magnifique palais,[68] qui fut un sujet d'admiration pour tous ceux qui le voyaient ; car il n'y en avait pas de pareil dans le monde entier. Elle construisit ce palais dans une île située au nord, à l'ouest de la ville d'Alexandrie, en dehors de la ville, à une distance de quatre milles ; au moyen de pierres et de sable elle éleva une digue contre l'eau de la mer et créa une terre ferme, où l'on allait à pied, là où auparavant passaient des navires. Dans les immenses et étonnants travaux qu'elle exécutait ainsi, elle était aidée par le génie d'un savant homme, nommé Dexiphanès, qui, refoulant l'eau, construisit dans la mer une terre ferme pour le passage à pied. Ensuite Cléopâtre creusa un canal jusqu'à la mer et amena l'eau du Gehon dans la ville, de sorte que les bateaux pussent arriver dans la ville, et il y eut alors grande abondance. Auparavant, la ville s'était trouvée sans eau. Cléopâtre y amena de l'eau à profusion, des vaisseaux pouvaient la traverser, et la ville fut ainsi largement approvisionnée de poissons.[69] Elle exécutait tout cela par générosité, pour le bien de la ville, et jusqu'à sa mort elle accomplissait de belles actions en grand nombre et créait des institutions importantes. Cette femme, la plus illustre et la plus sage d'entre les femmes, mourut dans la quatorzième année du règne du César Auguste. Ensuite les habitants d'Alexandrie et de l'Egypte, ainsi que ceux de la haute Egypte, furent soumis aux empereurs romains, qui les firent gouverner par des préfets et des généraux. Auguste régna pendant cinquante-six ans et six mois. Dans la quarante-deuxième année de son règne, naquit, en chair, à Bethléem de Juda, Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, vrai Dieu, dans le ciel ainsi que sur la terre ; qu'il soit loué ! Il naquit à l'époque où fut publié l'édit qui ordonnait que tout le monde fût inscrit et toute personne dénombrée, pour la levée de l'impôt, mesure dont les auteurs étaient Euménès et Attale, qui occupaient une position éminente à Rome.[70]

Auguste avait trouvé le nom du mois de février inscrit au milieu de l'année. A partir de Primus, c'est-à-dire mars, le premier des mois de l'année romaine, ce mois de février occupait le sixième rang. Auguste ordonnait alors d'en faire le dernier mois de l’année. Il avait blâmé le consul, nommé Manlius de Cappadoce (Capitolinus), qui alors exerçait le pouvoir et avait établi l’ordre des mois et qui était très honoré et respecté chez les Romains. On remplaça le mois de février, qu'il mit à la fin comme étant le plus court de tous, par le mois plein, appelé comme lui-même, Auguste, et qui devint ainsi le sixième. Le mois qui précède ce sixième mois, le cinquième, reçut de lui le nom de Julius, ainsi qu'était appelé l’empereur, l'oncle paternel d'Auguste i Les Romains ont adopté et conservé cet arrangement jusqu'à présent : le sixième mois et le cinquième sont précédés par mars.[71]

Chapitre LXVIII. Or les chrétiens orthodoxes n'acceptent d'autre règle que celle qu'ils ont reçue et qui émane d'Esdras le prophète, le flambeau de l'intelligence, pour connaître la concordance des mois, par exemple sur quel jour tombe le 6 du mois de Toûbâ ou Ter, qui est le premier mois des Francs (Occidentaux), et sur lequel des sept jours de la semaine, le dimanche, le lundi, le mardi, etc., tombe le commencement de ce mois, (Mais les Romains) se servent aussi du commencement du mois pour savoir si les jours (du mois) seront heureux ou malheureux. C'est Socrate le sage, le philosophe et astronome, qui a introduit ce procédé chez les Romains. Socrate, le législateur, avait altéré, chez les païens, les écrits d'Esdras le prophète, le saint ; il avait trompé, par son invention détestable, ceux qui lisaient son livre.[72]

Chapitre LXIX. Après la mort de l'empereur Auguste régna son fils Tibère, qui soumit aux lois de Rome la province de Cappadoce, après la mort d'Archélaüs, gouverneur en chef de la Cappadoce. Il fonda aussi, dans la province de Thrace, une ville qu'il nomma Tiberia. C'est sous le règne de l'empereur Tibère que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été crucifié à Jérusalem.[73]

Chapitre LXX. Après la mort de Claude régna, à Rome, l'abominable Néron, qui était païen et idolâtre. Il comblait la série de ses crimes par le vice de la sodomie, et il se donna en mariage comme une femme. Les Romains, en apprenant cette odieuse action, ne voulurent plus supporter son gouvernement ; notamment les prêtres des idoles prononcèrent contre lui des malédictions et les Anciens du peuple résolurent de le tuer. Lorsqu'il connut le projet des Anciens, cet homme criminel quitta sa résidence et se cacha ; mais il ne put échapper à la main de Dieu tout-puissant. En effet, comme son esprit était en proie à la mélancolie, car, à la suite des débauches auxquelles il s'était livré, à la manière d'une femme, son ventre était enflé, comme celui d'une femme enceinte, on le déposa, et dans sa triste maladie, il souffrait de terribles douleurs. Alors il manda aux médecins de venir le visiter dans le lieu où il se trouvait et de lui porter secours. Les médecins se rendirent auprès de lui, et, croyant qu'il portait un enfant, ils lui ouvrirent le ventre pour le retirer. C'est de cette triste manière qu'il mourut.

Chapitre LXXI. Après la mort de Titus régna son frère Domitien, qui était un grand philosophe chez les païens. Il souleva une persécution contre les chrétiens et leur infligea des tourments nombreux par la main de Dèce, à la suggestion de ses tribuns. Il fit amener à Rome Jean le (disciple) bien-aimé, l'évangéliste, et l'exila avec tous ceux qui étaient fidèles à Dieu dans la vraie et indubitable foi. Puis, frappé de son immense sagesse, il le rendit à la liberté, en secret, à l'insu de son armée[74] et des prêtres des idoles, et le fit ramener au lieu de sa résidence. Mais, cédant aux suggestions des ministres des démons,[75] il exila Jean le Théologien une seconde fois, dans une île appelée « Soleil. » Ensuite Domitien fonda, dans la province d'Isaurie, une ville qu'il nomma, d'après son nom, Domitianos.[76] Lorsque la fin[77] de ses crimes fut proche, ayant exilé les saints martyrs, il se rendit au temple de Titus, afin d'offrir un sacrifice aux dieux ; car il appelait sauveur un objet inanimé. Alors ses soldats résolurent de le tuer ; car, dans son opiniâtreté et son grand orgueil, il les avait toujours humiliés, et, tout en étant philosophe, il ne s'était pas appliqué à faire ce qui est juste. C'est pourquoi ils se révoltèrent contre lui et le tuèrent secrètement ; mais le peuple ne connut pas sa mort. Ils prirent ensuite ses vêtements de soie et les suspendirent aux chaînes des lampes du temple, afin de tromper le peuple, en disant que l'empereur avait été enlevé de la terre et élevé en l'air, par la main des prêtres des dieux, parce qu'il était philosophe. Ils tenaient ainsi les gens dans l'erreur pendant quelque temps ; puis on connut la mort de ce misérable, et il y eut une émeute, parce qu'ils l'avaient tué dans le temple, qu'ils avaient profané dans leur furie, tout en disant qu'ils étaient innocents et que leur temple était resté pur.[78] L'émeute s'étant apaisée, on convint d'élever au trône Nerva, qui était le chef de l'armée, un vieillard, homme de hautes vertus, ami de l'humanité et sage. Celui-ci fit immédiatement ramener saint Jean, la parole suave, du lieu de son exil et conduire à Ephèse, où il mourut en paix. L'endroit où son saint corps est enterré n'est connu que de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'il soit loué ! Cet empereur (Nerva) était un bon souverain, et il établit d'excellentes institutions. Il abolit aussi la coutume qui existait parmi le peuple de rendre soufflet pour soufflet et coup pour coup.[79] C'est en accomplissant ces réformes que l'empereur mourut, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, après avoir gouverné un an.

Chapitre LXXII. Nerva, l'excellent empereur, eut pour successeur Trajan, qui était très attaché au culte des idoles. Il est le troisième de ceux qui persécutèrent les chrétiens. Il y eut partout de nombreux martyrs, auxquels on fit subir de grands tourments. Il fit conduire à Rome, chargé de chaînes, le saint de Dieu, Ignace, patriarche d'Antioche, successeur de Pierre, le prince des apôtres, et le fit livrer à un lion. Il fit aussi arrêter cinq femmes chrétiennes d'Antioche et les, interrogea en ces termes : « Qui adorez-vous et en qui espérez-vous, pour vous précipiter dans la mort ? » Elles répondirent : « Nous mourons pour le Christ, qui nous donnera la vie éternelle, en nous délivrant de ce corps périssable. » Alors il entra dans une grande colère ; car, étant païen, il ne voulait pas voir proclamer la doctrine de la résurrection, et il ordonna de jeter dans le feu les corps de ces saintes femmes. Puis il fit recueillir la terre sur laquelle étaient tombés les corps des saintes femmes et la fit introduire dans l'airain de la chaudière du bain public qu'il avait construit en l'honneur de son nom. Il arriva ensuite que, lorsque quelqu'un venait se baigner dans ce bain, il en sortait de la vapeur, l'homme saisi par cette vapeur tombait et on était obligé de l'emporter en toute hâte. Tous ceux qui voyaient cela étaient étonnés. Alors les chrétiens se moquaient des païens ; ils se glorifiaient en Jésus-Christ et le louaient avec ses saints. Lorsque Trajan connut ce phénomène, il fit changer les chaudières du bain, enlever les tuyaux d'airain dans lequel étaient mêlées les cendres des saintes femmes et déposer leurs cendres dans cinq monuments d'airain qu'il fit ériger dans ce même bain. Et il ne cessait de parler avec mépris des martyres et disait : «Elles ne sont ni à moi ni à leur Dieu ; elles sont mortes sans raison. » C'est à cette époque que subirent le martyre[80] sa fille Drosis, ainsi que Junie, fille de Phîlâsanroûn le patrice ; et beaucoup d'autres vierges subirent le martyre par le feu, sur l’ordre de cet impie. Lors du séjour de Trajan à Antioche, la terre, qui avait été polluée déjà trois fois,[81] éprouva la colère de Dieu et fut ébranlée par un tremblement pendant la nuit ; non seulement la ville d'Antioche, mais aussi l'île de Rhodes subit des secousses après le chant du coq.[82] Les Juifs qui habitaient la ville d'Alexandrie se rassemblèrent, ainsi que ceux de la province de Cyrène, et choisirent un chef, nommé Loukouas[83] pour être leur roi. Trajan, informé de cet événement, envoya contre eux un officier, nommé Marcius Turbo[84] avec une forte armée, un grand nombre de cavaliers et fantassins, ainsi que beaucoup de troupes dans des vaisseaux. Il se rendit lui-même en Egypte et y construisit une forteresse avec une puissante et imprenable citadelle, y amena de l'eau en abondance, et il la nomma Babylone d'Egypte. Les fondements de cette forteresse avaient été construits antérieurement par Nabuchodonosor, roi des Mages et des Perses, qui l'avait appelée Forteresse de Babylone. Ce fut à l'époque où il était devenu roi en Egypte, d'après la volonté de Dieu, alors qu'après la destruction de Jérusalem il eut exilé les Juifs, et que ceux-ci avaient lapidé, à Thèbes en Egypte, le prophète de Dieu et avaient commis péché sur péché. Nabuchodonosor était donc venu en Egypte avec une nombreuse armée, avait fait la conquête du pays, parce que les Juifs s'étaient révoltés contre lui, et avait appelé la forteresse du nom de sa propre ville, Babylone. Quant à Trajan, il exhaussa l'enceinte et augmenta les autres constructions de la forteresse. Il fît aussi creuser un canal de petite largeur, pour amener jusqu'à la ville de Glysma l'eau du Gehon, qu'il mit en communication avec la mer Rouge, et il appela ce canal de son nom, (canal de) Trajan. Puis il construisit une citadelle à Menouf. Après tous ces travaux, il tomba malade et mourut dans la vingtième année de son règne.

Chapitre LXXIII. Après sa mort, régna, à Rome, le cousin de Trajan premier,[85] Hadrien. Celui-ci fonda, dans la haute Egypte, une ville splendide, qu'il nomma Antinoë, qui est Ensînâ. Ensuite des hommes égarés relevèrent au rang des dieux, car il était très riche. Il mourut d'une mort violente.

Chapitre LXXIV. Il eut pour successeur Aelius Antoninus Pius.[86] Celui-ci était bienveillant, humain et vertueux ; les Romains l'appelaient d'abord César, le serviteur de Dieu, et il se montra, pendant son règne, un homme de bien. Les historiens rapportent qu'il fut le premier qui accomplissait ce qui était juste et qu'il abolit les coutumes injustes qui, avant son règne, existaient chez les Romains. Auparavant on commettait l'injustice de confisquer au profit de l'Etat la moitié de la fortune des gens riches, lorsqu'ils venaient à mourir, en profitant de la stipulation que les pères faisaient avec leurs enfants.[87] Les prédécesseurs d'Antonin n'avaient pu détruire cette coutume. C'est lui qui la fit abolir, et il décida que chacun eût la libre disposition de sa fortune et la donnât à qui il voudrait. Il prit encore beaucoup d'autres mesures équitables et établit des lois conformes à la justice. Ensuite il descendit en Egypte et vint à Alexandrie, où il châtia ceux qui avaient fait le mal et se montra gracieux envers ceux qui avaient bien agi ; car l'indulgence, la bienveillance et la longanimité étaient enracinées en lui. Il construisit à Alexandrie deux portes, à l'orient et à l'occident de la ville, et nomma la porte orientale Ηλιακή, et la porte occidentale, Σεληνιακή. Dans la ville d'Antioche, il construisit avec des plaques de pierre blanche, qu'il fit apporter de la haute Egypte, un théâtre qu'il nomma…[88]. Il construisit des bains et des académies dans toutes les villes de son empire. Etant retourné avec une nombreuse armée à Rome, et après y être demeuré quelque temps, il mourut à l'âge de soixante-dix-sept ans, dans la vingt-troisième année de son règne, laissant sa fortune à son fils Marc. Celui-ci ressemblait à son père par sa bienveillance et ses vertus ; il accomplissait tout ce qui était équitable et juste, et il mourut dans la religion de son père.[89]

Chapitre LXXV. Il eut pour successeur Dèce l'impie, l'ennemi de Dieu, qui organisa une terrible persécution contre les chrétiens et mit en exécution la loi des païens impurs, afin de rechercher les chrétiens. En conséquence, il versa le sang d'un grand nombre de saints, recherchant partout ceux qui adoraient le vrai Dieu. Cet homme abominable, Dèce, fit venir d'Afrique beaucoup de bêtes féroces, mâles et femelles, et du désert beaucoup de serpents et autres reptiles venimeux, mâles et femelles, et les envoya vers l'Orient, … depuis l'Arabie et la Palestine jusqu'à la forteresse de Circésium, pour se jeter sur les barbares et les rebelles.

Chapitre LXXVI. Dèce eut pour successeur un homme nommé Aurélien. Celui-ci, après son avènement au trône, restaura l'enceinte de Rome qui était tombée en ruines, et la termina en peu de temps, faisant travailler à l'achèvement de cette construction tous les habitants de Rome et assistant lui-même au travail avec zèle et sans orgueil. Il établit alors une loi ordonnant que tous les ouvriers fussent inscrits, afin de leur conférer des dignités, et il les éleva au premier rang dans l'empire pour honorer les empereurs. Et cela fut ordonné ainsi à cause de la peine qu'il avait eue à achever la construction de l'enceinte de la ville. Et il est devenu de coutume chez les Romains que tous les paysans et artisans, et les matelots qui naviguent sur mer fussent inscrits. L'empereur Aurélien nomma les ouvriers de son propre nom, Auréliens, et les fît inscrire dans un registre. Cette institution existe encore à présent.

Chapitre LXXVII. Lorsque Dioclétien l'Égyptien eut pris le gouvernement, l'armée se déclara en sa faveur, disposée à prêter son concours à cet impie, le persécuteur des croyants, le plus terrible tyran qui eût existé. Mais la ville d'Alexandrie et l'Egypte ayant refusé de le reconnaître et de se soumettre à son autorité, Dioclétien se mit en mesure de les attaquer avec une nombreuse armée et avec le concours de ses trois collègues dans le gouvernement de l'empire, à savoir Maximien, qui était de race maudite, Constance et Maximien (Galère). Il descendit en Egypte et soumit le pays ; et quant à la ville d'Alexandrie, il la détruisit. Il ne réussit à s'en rendre maître qu'après avoir construit une citadelle[90] à l'orient de la ville et y être demeuré longtemps. Enfin les gens de la ville vinrent lui montrer un endroit favorable pour y pénétrer. C'est avec grande peine et à l'aide d'une armée innombrable qu'il vainquit la résistance de la ville, où étaient réunis, à cause de la guerre civile, plusieurs milliers de soldats. Dioclétien la livra aux flammes entièrement et y rétablit son autorité.[91] Il était adonné au culte des idoles, sacrifiait aux démons impurs, persécutait les chrétiens et ressemblait à une bête féroce. Il haïssait toutes les vertus et provoquait Dieu ; car il était le maître de tout l'empire romain. Il tua tous les pasteurs, prêtres et moines, des hommes, des femmes et des petits enfants, et par la main de ses agents anthropophages qu'il avait établis partout, il versa le sang d'un nombre infini de saints, sans miséricorde, n'épargnant personne. Il détruisit les églises et brûla les Ecritures inspirées par Dieu. Ce fut une persécution générale des chrétiens, qui avait commencé au moment où Dioclétien s'était rendu maître de l'Egypte, et qui dura pendant dix-neuf ans. En ces temps, il envoya à Alexandrie l'ordre de trancher la tête au saint Père le patriarche Pierre, le sceau des martyrs.[92] Il fit mettre à mort tous les évêques d'Egypte qu'il voyait attachés à la foi orthodoxe et menant une sainte vie, de telle sorte que tout le monde finit par croire qu'il était l'antéchrist venu pour détruire le monde entier ; car il était une demeure du mal et un réceptacle de crimes. Et ses collègues agissaient de la même manière et avaient le même esprit. Ainsi Maximien commettait beaucoup de crimes, car il tenait son gouvernement de Dioclétien, et Maximien le second, dont le gouvernement était en Orient, ressemblait à une bête féroce et perfide ; il était ennemi de Dieu et se livrait à des pratiques abominables. Constance, qui était son collègue dans le gouvernement, en Asie, ne commettait aucune action répréhensible ; au contraire, il aimait les hommes et les traitait avec bonté. Il fit annoncer aux chrétiens dans toutes les parties de sa province, par la voix du héraut, qu'ils devaient suivre les ordres du Seigneur, le vrai et unique Dieu. Il défendit de leur faire subir aucune violence, de les persécuter, de leur enlever leurs biens, ni de les inquiéter en aucune manière. Il défendit également de les empêcher de célébrer leur culte dans les saintes églises, afin qu'ils pussent prier pour lui et pour son gouvernement. Sur ces entrefaites, trois ans après la fin de la persécution qu'il avait organisée contre.les chrétiens, Dioclétien le tyran tomba gravement malade et il perdit la raison. En conséquence, on le déposa, et, à la suite d'une résolution du sénat romain, on l'exila dans une île couverte de forêts, appelée Wârôs, située en Occident, où il demeura dans la solitude. Dans cette île se trouvaient quelques croyants, qui avaient échappé (à la persécution), lesquels lui donnaient sa nourriture journalière, avec laquelle il pouvait sustenter son corps. Vivant dans ces conditions et dans la solitude, il recouvra la raison et, ambitieux du pouvoir, il demanda à l’armée et au Sénat de le faire sortir du château où il demeurait, de le recevoir et de le reconnaître comme empereur, comme auparavant. Mais les officiers, l'armée et le Sénat repoussèrent sa demande, en disant : Cet homme qui a perdu la raison et qui est tombé en démence et que nous avons déposé, nous ne voulons pas le reprendre. En conséquence, sa mélancolie augmenta, et cet ennemi de Dieu et de ses saints martyrs ne put réaliser son désir, il versait des torrents de larmes, lorsque les malheurs l'entouraient de tous côtés ; sa raison s'obscurcit de plus en plus, il devint aveugle, sa vie se consuma et il mourut.

Maximien, endurci dans les crimes, opérait de nombreux enchantements sur Dioclétien ; il était adonné à des pratiques abominables et aux invocations des démons[93] ; il ouvrait le ventre aux femmes enceintes et sacrifiait aux démons impurs des hommes et des animaux. Au milieu de ces actes, deux ans après la mort de son père, il s'étrangla et mourut de mort violente, non de la main d'un autre, mais de sa propre main. Le tyran Maximien (Galère), de son côté, ne laissait pas de commettre les mêmes crimes que Dioclétien, en Orient, en Afrique, dans la grande ville d'Alexandrie, en Egypte et dans la Pentapolis ; il était sans miséricorde pour les saints martyrs, faisant noyer les uns, exposant d'autres aux bêtes féroces, ou les faisant mourir par le glaive ou les livrant aux flammes. Il détruisait les églises, brûlait les saintes Écritures et relevait les temples des dieux qui étaient en ruines. Il n'épargnait pas même les femmes enceintes, auxquelles il ouvrait le ventre et en arrachait les enfants qu'il sacrifiait aux démons impurs. Enfin il forçait beaucoup de gens à adorer les idoles. Mais lui-même non plus n'échappa pas au châtiment de Dieu. Par la volonté de Dieu, une toux opiniâtre se déclara dans sa poitrine, il dépérissait, ses intestins se tuméfièrent, des vers dangereux s'y produisirent et son haleine devint fétide, de sorte que l’on ne pouvait s'approcher de lui. Dans cette grave situation et dans ses tourments, il désespérait de la vie et ne trouvait aucun soulagement à ses maux. Alors il reconnut que la maladie qui l'avait frappé venait du Christ, le vrai Dieu, parce qu'il avait fait souffrir les chrétiens. Après avoir pris une ferme résolution, il ordonna à ses tribuns de faire cesser la persécution des chrétiens. Après cet acte d'humanité, la maladie que Dieu lui avait infligée le quitta et il recouvra la santé. Mais, six mois après sa repentance, il songea de nouveau à organiser une persécution des chrétiens, et il oublia celui qui l'avait guéri d'une grave maladie, c'est-à-dire Jésus-Christ Notre-Seigneur et Sauveur ; il recommença à faire mourir les chrétiens, éleva de nouvelles idoles dans la grande ville d'Antioche et s'adonna aux pratiques des démons et aux augures qu'il cultivait. Mais sur-le-champ le châtiment le frappa : une guerre, du côté de l'Arménie, et une terrible famine dans tout son empire ; les champs ne donnaient pas de fruits et l'on ne trouvait rien dans les greniers ; les habitants manquant de nourriture mouraient d'inanition, et les riches devinrent pauvres, parce que les gens…[94] les eurent bientôt dépouillés. Tous les hommes se lamentaient et gémissaient ; ils ne pouvaient plus vivre, et l'on ne trouvait pas assez de personnes pour enterrer les morts. Les païens de l'Occident étaient dans l'affliction et dans le deuil, car ils regrettaient Dioclétien et son fils Maximien. Alors (Maximien) leur envoya son fils Maxence qui s'y créa une bonne réputation. En effet, le fils du tyran, hypocrite dès l'origine, s'appliquant à tromper les gens, cherchait à plaire à tous les Romains ; il honorait notre religion, il ordonna de suspendre la persécution des chrétiens et paraissait être l'un des serviteurs du Christ. Il commença par manifester un plus grand amour pour les hommes que tous ses semblables qui l'avaient précédé. Mais, après peu de temps, sa perfidie se révéla et il devint, ainsi que ses ancêtres, comme un loup dans son repaire ; il surpassa même la perfidie de ses ancêtres et montra les vices de sa nature ; il devint féroce et ne laissait de commettre aucune sorte de licence et de débauche. Il épuisa tous les genres de volupté, abusa des hommes, et quant aux femmes, il prenait ouvertement celles qui étaient légitimement mariées ; il avait commerce avec elles, non en secret, mais en public, et les renvoyait ensuite à leurs maris. Il ne voulait pas, non plus, faire cesser l'oppression que les habitants subissaient d'après ses ordres. Il extorquait, sous beaucoup de prétextes, la fortune des riches, et quant à ceux qui n'avaient rien à donner, il prenait ce qu'il trouvait chez eux. Il fit mettre à mort plusieurs milliers de personnes pour (s'emparer de) leur fortune. On ne finirait pas de raconter les actes commis par ce tyran. Les habitants de la ville de Rome étaient réduits à l'impuissance ; car il les traitait d'une manière qui n'était pas conforme aux coutumes de leur ville.

Constance, au contraire, était un serviteur de Dieu, de bonne renommée, dont la conduite était sage et prudente, qui était aimé et vertueux ; tous les hommes priaient et faisaient des vœux pour lui, les magistrats, le peuple et l'armée. C'est lui qui fonda la ville de Byzance, et il suivait honnêtement la bonne direction ; puis il mourut et alla vers Dieu, en laissant son illustre fils, c'est-à-dire Constantin, aimé de Dieu, glorieux et resplendissant de vertu, le nommant empereur et son successeur comme souverain. Ce glorieux et bienheureux serviteur de la Trinité, accomplissait la volonté de Dieu en tout temps ; il aimait tous les sujets de son empire, traitait chacun avec bonté, gouvernait pendant tout son règne avec dignité, fermeté et piété, et devint grand devant le Dieu éternel. L'armée et le peuple l'honoraient, car il était animé d'un zèle louable pour Dieu. De son temps se révélèrent, dans leur puissance et leur vérité, la lumière et la sagesse chrétiennes, la charité et la tolérance. Il repoussait d'une manière absolue toute dénonciation ; mais il amena sans employer aucune violence, tous ses sujets à servir Dieu. Il ne laissait pas non plus d'ordonner que l'on reconstruisît les églises qui avaient été détruites, et il ne permettait point de faire obstacle à la sainte religion chrétienne de Dieu, par laquelle il avait été consacré, afin d'être un vertueux et digne souverain. Il prit pour collègue dans le gouvernement de Rome le mari de sa sœur Constantia, Licinius, auquel il ne manquait aucune des qualités de Constantin, l'empereur intègre ; car celui-ci, par un solennel et terrible serinent, lui avait fait prendre l'engagement de faire le bien et de ne pas se montrer hostile à Notre-Seigneur Jésus-Christ ni à ses serviteurs. C'est alors que Maximin[95] le tyran, dominé par Satan, l'ennemi de Dieu, vint de l'Orient, dont ii avait usurpé le gouvernement pour lui seul, avec l'intention de tuer Constantin, l'empereur intègre, et refusait d'exécuter l'édit émanant de Constantin et portant son sceau. En effet, il portait la guerre dans toutes les villes et les provinces du gouvernement de Licinius, jusqu'à la ville de Constantinople, sans réussir à s'en rendre maître. Le pieux Constantin et Licinius, mari de sa sœur, se préparèrent l'un et l'autre à combattre les oppresseurs : Constantin se mit en marche contre Maxence, qui résidait dans la ville de Rome, et Licinius contre Maximin, le tyran de l'Orient. En apprenant la marche de Constantin, le serviteur de Dieu, Maxence vint par bateaux dans le fleuve d'Italie qui coule près de la ville de Rome, et établit un pont solide pour le passage des combattants, de ses adhérents et des augures qui lui annonçaient les oracles diaboliques ; car ii ignorait que l'assistance du Christ était avec le pieux Constantin. Lorsque Maxence le tyran et tous les siens, ainsi que ses cavaliers, eurent traversé le fleuve d'Italie par le pont, ils marchèrent, avant l'arrivée du pieux Constantin, à sa rencontre. Celui-ci, en s'approchant, s'arrêta à distance, sans engager la bataille ; il attendait afin de voir se manifester le secours de Dieu, tandis que les ennemis se prévalaient de leur grande force. Etant dans cette situation, Constantin s'endormit plein d'appréhension et de tristesse. Alors il vit en songe, au ciel, l'image de la sainte croix portant cette inscription : « C'est par ce signe de la croix que tu le vaincras. » Il se leva aussitôt et engagea la bataille ; il triompha de ses adversaires, qu'il extermina tous jusqu'au dernier. Ceux qui se trouvaient avec Maxence, le chef de l'armée, voulaient s'enfuir et gagner la ville de Rome ; mais, par la volonté de Dieu, le pont qu'ils traversaient s'étant rompu, ils furent tous précipités dans l'abîme, et l’on se réjouissait à Rome de la disparition des oppresseurs. Le sénat de Maxence, ses officiers, ses soldats, tout le peuple et les paysans avec leurs enfants, vêtus de leurs plus beaux habits et portant des cierges allumés, allèrent, accompagnés de musiciens, au-devant du serviteur de Dieu, l'empereur Constantin. Et non seulement la ville de Rome se réjouissait, mais toutes les villes et provinces se réjouissaient également, ainsi que la ville de Constantinople. Cependant Constantin ne s'enorgueillissait, ni ne se vantait de sa grandeur et de son triomphe, comme font les autres rois. Au contraire, il était humble et modeste ; il remerciait Dieu et glorifiait son Seigneur, le maître de l'Univers, Jésus-Christ, Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Lors de son entrée triomphale à Rome, tous les habitants l'acclamèrent et les hommes qui avaient échappé à la mort dans la bataille se soumirent à lui. Constantin se rendit ensuite au palais portant la couronne de la victoire, et fit connaître à tous les habitants le miracle dont il avait été favorisé et la victoire qu'il avait remportée par le signe qu'il avait vu au ciel sous la forme de la sainte croix. En entendant ce récit tous s'écrièrent t « Grand est le Dieu des chrétiens qui nous a délivrés, nous et notre ville, de la main des oppresseurs ! » Constantin ordonna sur-le-champ de fermer les temples des idoles et fit ouvrir les portes des églises, non seulement à Rome, mais dans toutes les villes. Saint Sylvestre, le patriarche de Rome, lui prodiguait de sages enseignements et l'instruisait dans la vraie religion. Constantin alla ensuite attaquer les provinces de la Perse et, après avoir vaincu les Perses, il leur accorda la paix et les combla de présents, parmi lesquels était un cor dont on fait usage pour sonner devant le roi. Il traita avec bonté les chrétiens qui s'y trouvaient, remplaça les magistrats de la province et tous les agents par des fonctionnaires chrétiens, et construisit de belles églises dans toutes les villes et villages. Il envoya ensuite sa mère, l'impératrice Hélène, qui aimait Dieu, chercher, dans la sainte ville de Jérusalem, le bois de la glorieuse croix à laquelle avait été attaché Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ (qu'il soit loué !). Ce fut du temps du bienheureux Abbâ, évêque de Jérusalem. Hélène éleva alors le magnifique édifice de la sainte Résurrection et reconstruisit la ville de Jérusalem plus belle qu'elle n'avait été auparavant, et elle est demeurée ainsi jus qu'à ce jour. L'empereur Constantin, de son côté, construisit dans la ville de Byzance une magnifique église d'une beauté admirable, une église, non de proportions modestes, mais très grande. Après avoir terminé la reconstruction de la ville de Constantinople, il l'appela de son nom, tandis qu'auparavant elle avait porté le nom de Byzance. Il aimait à y résider et il en fit une demeure du Christ. Il rassembla aussi les saintes Ecritures et les déposa clans les églises. Ensuite il assembla les trois cent dix-huit saints dans la ville de Nicée et fixa la foi orthodoxe. Il est impossible d'énumérer toutes les belles actions accomplies par lui. Un fonctionnaire d'entre les plus distingués, nommé. , qui était chrétien, s'appliquait avec zèle à faire reparaître la glorieuse croix à laquelle avait été attaché Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ (qu'il soit loué !). Les trois cent dix-huit réunis à Nicée honorèrent l'empereur Constantin, le serviteur de Dieu, et sa mère, la pieuse impératrice Hélène, leur consacrèrent un monument digne de leur mérite et écrivirent leur gloire du commencement à la fin.

Licinius, qui avait en partage le gouvernement de l'Orient, s'étant mis en marche contre Maximin le tyran, cet homme pervers et criminel, se voyant sur le point d'être attaqué, et connaissant l'issue malheureuse de la guerre de Maxence et sa défaite par l'empereur Constantin, le serviteur de Dieu, demanda la paix à Licinius. Celui-ci manda à Constantin que Maximin demandait la paix, qu'il acceptait la glorieuse et sainte religion des chrétiens, en abandonnant sa propre erreur, et qu'il avait conclu une convention avec lui. Constantin, dans un message, répondit que l’on devait accepter ses propositions. Alors Maximin, dissimulant sa perversité et sa perfidie, adressa une lettre à tous les agents sous ses ordres, leur défendant d'inquiéter les chrétiens. Cependant ses agents, en recevant cette lettre, reconnurent qu'il n'avait pas agi spontanément, mais en se conformant à la religion de ceux qui étaient ses maîtres. En conséquence, personne n'avait plus aucune considération pour lui, parce qu'auparavant il avait sévi contre les saints.

L'empereur Constantin, non seulement n'empêchait jamais les vénérables chrétiens de tenir des assemblées et de construire des églises, mais il observait fidèlement la religion chrétienne et fuyait l'idolâtrie ; c'est pourquoi il recommandait à tous que l'Église fût laissée en paix et qu'il combattait pour la vraie religion.

Il y avait un homme nommé Gelasinus, de la ville de Mériammé, située près de Damas, à la distance d'un mille. Il se trouvait au milieu d'une foule de gens adonnés au culte des idoles, habitants de la ville d'Héliopolis du Liban. Or ils s'étaient réunis au théâtre et y avaient amené des acteurs. Ceux-ci versèrent de l'eau froide dans un grand bassin d'airain et se mirent à mimer ceux qui allaient au saint baptême des chrétiens. L'un de ces acteurs s'était plongé dans l'eau et avait été baptisé ; et, lorsqu'il en sortit, on le revêtit d'un vêtement blanc ; car il avait été jusqu'alors acteur ; mais, après être sorti de l'eau, il refusa de jouer et de mimer de nouveau. Il déclara qu'il voulait mourir dans son état de chrétien, pour le Christ, et ajouta que, pendant que l'on tournait en dérision le saint baptême, il avait vu un grand miracle. Puis, comme il s'était un peu éloigné de cette eau, tous les assistants, mécontents et remplis de colère, car ils étaient païens, descendirent du théâtre, saisirent ce saint homme et le lapidèrent ; il reçut ainsi la couronne impérissable du martyre et il est compté parmi les saints martyrs. Ses parents et un grand nombre de chrétiens vinrent prendre son corps, l'enterrèrent dans la ville et construisirent une église sur l'endroit où son corps avait été déposé. Cet homme se nommait Gelasinus. Que Dieu ait pitié de nous par sa prière !

Maximin, le criminel, n'abandonna pas ses abominables erreurs ; il ne fut pas embrasé par l'esprit de piété qu'avaient obtenu de Dieu les pieux empereurs qui vivaient saintement, éclairés par la science et l'intelligence. Or ce tyran, qui était possédé par un démon qui l'égarait, méditait d'attaquer les empereurs, amis du Christ ; car il ne jouissait plus, comme autrefois, d'une autorité sans limite, et il n'était pas libre de choisir ce qui lui convenait et ce qui lui plaisait. Orgueilleux et opiniâtre, il commença à violer le traité qu'il avait conclu avec Licinius et s'efforça d'amener sa perte par la terreur…,[96] il changea d'idée, il excita les habitants et souleva les provinces et les agents[97] de son empire. Il réunit des milliers d'hommes pour combattre les pieux empereurs, en se fiant aux démons par lesquels il était dirigé. Mais, dès qu'il eut commencé la guerre, le secours de Dieu lui faisant défaut, Licinius le vainquit, tua tous les guerriers sur lesquels il avait compté et les officiers ; les troupes qui restaient se rendirent à Licinius et se jetèrent à ses pieds. Voyant cela, Maximin, plein de terreur, car il était lâche, prit la fuite ; il quitta honteusement le champ de bataille et retourna dans sa province. Plein de colère et de fureur contre les prêtres des idoles, contre les devins et les augures, qui l'avaient persuadé par des sentences favorables, il les Gt mettre à mort ; c'étaient ceux-là dont il s'était glorifié et dont il avait fait des divinités ; car alors il vit clairement que c'étaient des imposteurs qui ne pouvaient être d'aucun secours dans la guerre ; il renia les démons dont les sentences le dirigeaient, et il tua les magiciens qui accomplissaient des choses abominables. Cependant il ne s'occupait point du salut de son âme ; il était trop faible pour glorifier le Dieu des chrétiens et il repoussait sa loi et ses bienfaits. Licinius donna des ordres afin que l’on combattît les adversaires qui demeuraient ; et cela eut lieu dans la dixième année après la persécution des chrétiens dirigée par le père de Maximin, Dioclétien, l'ennemi de Dieu. Pendant tout ce temps, Maximin n'avait pas manifesté un repentir sincère, ni désiré obtenir son salut. Après sa fuite du champ de bataille, il fut en proie à une profonde affliction ; il fut frappé par Dieu d'une grave maladie, son corps était dévoré par le feu de cette maladie, qui brûlait dans son ventre, il devint méconnaissable, ses membres dépérirent, ses intestins se consumèrent, ses os furent mis à découvert, enfin ses yeux se détachèrent ; et, au milieu de ces tourments, son âme quitta son corps. C'est ainsi que les trois ennemis de Dieu, c'est-à-dire Dioclétien et ses deux fils avaient disparu. Mais, avant de mourir, le tyran Maximin reconnut que tout ce qui lui arrivait était la conséquence de sa rébellion contre le Christ et des violences qu'il avait exercées contre ses saints, les chrétiens. Licinius prit alors possession de l'Orient et y exerça le pouvoir, ainsi que dans les provinces adjacentes, et l'Eglise demeura tranquille et en paix. Il rétablit les édifices du culte, et l'Église brilla de la lumière du Christ. Ensuite Satan, le malfaiteur, qui cherche constamment à séduire les fidèles, comme un lion dévorant qui procède avec ruse, égara aussi Licinius et lui fit oublier ses actions louables d'auparavant ; il inclina à commettre les actions de ceux qui s'étaient aveuglés, il était jaloux de suivre leur mauvaise voie et n'avait pas le cœur satisfait comme antérieurement. Cependant, auparavant il n'était pas hostile à. l'empereur Constantin ; mais ensuite, oubliant le traité et le pacte juré qu'ils avaient conclus, il conçut le dessein criminel de tuer Constantin, le grand empereur. Mais le Christ, le Dieu véritable, mit à néant le dessein de Licinius qui, autrefois, avait célébré et honoré Jésus-Christ ; puis, lorsqu'il le renia, Jésus-Christ le livra à une mort cruelle, sans lui faire grâce, parce qu'il avait commis des crimes. Licinius se mit à persécuter les chrétiens et à attaquer le pieux Constantin, ainsi qu'avaient fait les tyrans, ses prédécesseurs, dont Dieu avait anéanti la mémoire. Il commença aussi à démolir et à fermer les églises, et à faire mourir les saints croyants. Il dégrada ceux d'entre ses soldats qui étaient des fidèles chrétiens et il sévit contre les riches. Il établit, dans toutes les villes et dans les villages, des agents qui devaient empêcher les habitants de pratiquer le saint culte de Dieu, celui des chrétiens, afin que l'on ne priât point pour Constantin, l'empereur fidèle. Il les força à abandonner le culte de Dieu pour celui des fausses divinités et commit de nombreux actes criminels. Mais Constantin ne cessa pas de glorifier et d'adorer le Seigneur, le Dieu véritable. Il rassembla une nombreuse armée sous les ordres de Crispe César, qu'il avait proclamé, qui était brave, bienveillant envers les hommes et un pieux serviteur de Dieu. Ils se mirent en marche contre les ennemis de Dieu, guidés par Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ et ses légions inébranlables. Bien que Licinius fut son beau-frère, Constantin, prêt à défendre la sainte religion que ce tyran avait abandonnée, afin de servir les fausses divinités, accourut pour le châtier, le jeta à terre et détruisit toute son armée par un carnage terrible. Tous ces malheurs venaient de frapper Licinius, parce qu'il avait renié le Christ et qu'il avait violé la foi jurée et le pacte qu'il avait conclu avec Constantin, Celui-ci s'empara de son empire et le réunit à son propre empire ; il prit possession de l'Orient et de l'Occident et de toutes les provinces, à droite et a gauche. Tous reconnurent son autorité et il rétablit la paix partout ; il vivait en paix avec tout le monde et était béni de chacun ; il défendait, comme il convenait, les frontières de son empire, de sorte que ses ennemis se soumirent et le reconnurent, par la puissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le fils de Dieu, le Dieu véritable. Il éleva au rang d'empereurs ses deux fils, Constance et Constant, avec honneur et majesté, puis il mourut sans regret ni trouble ; car Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu, protégeait son empire jusqu'à la troisième génération. Le bienheureux Constant ressemblait à son père : il suivait la bonne voie et, jusqu'à la fin de ses jours, pratiquait la vertu.

Après sa mort, les habitants du Yémen apprirent à connaître Dieu et furent illuminés par l'éclat de la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ (qu'il soit loué !), par le fait d'une sainte femme nommée Théognoste. C'était une vierge, une religieuse, qui avait été enlevée de son couvent situé sur le territoire romain, emmenée comme captive et donnée au roi du Yémen. Cette femme chrétienne était douée à un haut degré de la grâce du Seigneur et elle accomplissait de nombreuses guérisons, et quant au roi de l'Inde, elle le convertit à la vraie foi : il devint chrétien par son influence, ainsi que tous les habitants de l'Inde. Puis le roi de l'Inde et ses sujets demandèrent au pieux empereur Honorius de leur donner un évêque. En apprenant qu'ils avaient embrassé la vraie religion et qu'ils s'étaient convertis à Dieu, l'empereur éprouva une grande joie et leur donna un saint évêque, nommé Théonios, qui les exhortait, les instruisait et les fortifiait dans la foi du Christ notre Dieu, jusqu'à ce qu'ils fussent dignes de recevoir le baptême qui est la seconde naissance : tout cela par l'effet de la prière de la sainte vierge Théognoste. Gloire à Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui seul accomplit des miracles et confère des bienfaits à ceux qui espèrent en lui ! Il en fut également ainsi dans l’Inde qui est la grande Inde. En effet, les habitants de ce pays avaient autrefois accueilli un homme de noble naissance nommé Afroûdît, originaire de l'Inde, et l'avaient choisi pour évêque ; il fut institué et ordonné par Athanase l'apostolique, patriarche d'Alexandrie, à qui il avait raconté comment ses gens avaient acquis la grâce du Saint-Esprit et comment ils avaient obtenu le salut de leur âme par le mérite du saint baptême et étaient devenus dignes de ce bienfait.[98]

Quant à l'empereur Constantin, l'ami du Christ, il avait toujours auprès de lui un ange lumineux du Seigneur, qui le dirigeait et lui faisait connaître la volonté de Dieu, qui ne le quittait jamais jusqu'au jour de sa mort de perpétuelle mémoire, et qui aussi le réveillait chaque jour et le faisait lever pour prier. (Dieu) ne s'est manifesté ainsi à aucun autre empereur. C'est en voyant les merveilles du ciel que Constantin mourut pieusement, une oblation au Seigneur, et entra dans le repos, au ciel.

Chapitre LXXVIII. Les fils du grand empereur Constantin s'appelaient Constance, Constant et Constantin. Ils divisèrent l'empire de leur père en trois parts qu'ils se partagèrent par le sort. A Constance échut l'Asie et il en prit le gouvernement. Constantin eut pour sa part Constantinople et il s'établit dans la résidence de son père. Constant régna à Rome, la capitale de l'empire romain. Mais l'hostilité éclata entre Constant et Constantin à cause (du partage) de l'empire et de leurs sujets. Quand ils en vinrent aux armes, Constantin trouva la mort dans la bataille. Alors Constant, qui était le plus jeune des deux, n'eut pour résidence que Rome, tandis que Constance régnait à Byzance qui est Constantinople. Sous son règne apparut Arius ; il s'attacha à sa doctrine et devint Arien. Alors (à la suite de son hérésie), Sapor-Arsakios, roi de Perse, attaqua l'empire romain, et la guerre dura longtemps entre eux. Enfin ils conclurent la paix, et il y eut paix et amitié entre l'empire romain et la Perse. En retournant à Byzance, Constance construisit un pont, prodigieux ouvrage, sur le fleuve nommé Pyrame en Cilicie.[99] Il arriva aussi, sous son règne, que la ville de Nicée, l'illustre ville des trois cent dix-huit Pères, éprouva un terrible tremblement de terre ; par la volonté de Dieu, afin que les Ariens ne pussent pas s'y réunir et corrompre la sainte foi orthodoxe établie par nos saints Pères, les trois cent dix-huit évêques, qui y étaient assemblés autrefois, du temps de Constantin de bienheureuse mémoire. C'est la colère de Dieu qui les en empêcha.

Ensuite il parut au ciel un signe, c'est-à-dire la sainte croix, qui se montra au milieu du jour, au-dessus du saint lieu où avait été crucifié Notre Sauveur Jésus-Christ, avant l'arrivée (?) de Cyrille, évêque de Jérusalem, et des autres évêques qui l'accompagnaient. Alors Cyrille et les évêques qui étaient avec lui adressèrent à l'empereur Constance une lettre au sujet de ce phénomène extraordinaire et du grand miracle qui venait de se manifester.

L'empereur Constant était plein de zèle pour la foi de son père et sincèrement attaché à la religion de Dieu. Il ressemblait à celui de ses frères qui était mort dans la guerre, et il blâmait et détestait son frère qui régnait en Asie, parce qu'il n'avait pas gardé la foi du pieux Constantin, son père, et parce qu'il avait promulgué plusieurs décrets contre Athanase l'apostolique, patriarche d'Alexandrie, et l'avait chassé de son siège, pour plaire aux hérétiques, c'est-à-dire aux Ariens. La haine et l'hostilité qui divisaient les deux frères, les empereurs Constance et Constant, étaient des plus violentes ; elles avaient pour motif, non seulement la mort de leur frère, mais aussi la personne de saint Athanase, patriarche d'Alexandrie, et la conduite de Constance, qui ne suivait pas la voie de son père et qui mécontentait Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voilà pourquoi Constant nourrissait contre son frère une grande haine. Sur ces entrefaites, Constant, ayant vécu selon le cœur de Dieu, mourut en maudissant son frère Constance à cause de ses actions coupables. Après sa mort, l'empereur Constance envoya un officier avec l'ordre de tuer Athanase, l'illustre Père, le prince de l'Église. Celui-ci, jusqu'alors, avait été protégé par Constant contre les mauvais desseins de son frère qui, craignant son frère, avait dissimulé ses intentions criminelles ; après la mort de Constant, il dévoila ses pensées intimes et voulut le tuer. Mais la droite du Seigneur Très-Haut protégea Athanase, qui prit la fuite et se cacha et demeura sauf. L'officier envoyé pour saisir Athanase l'apostolique sévit contre les chrétiens ; car il était de la secte de Mani. A cette époque, les Ariens n'étaient pas les seuls à troubler l'Église ; les Manichéens, de leur côté, s'étaient mis à persécuter les chrétiens, et se livraient contre eux à toutes sortes d'excès et à des massacres.

Ensuite il s'éleva contre la ville de Rome un puissant général, nommé Magnence, qui s'empara du gouvernement au moment du coucher du soleil, sans autorisation de Constance. Il alla en Europe et livra bataille à Constance, et il y eut un grand nombre de morts des deux cotés ; enfin, Magnence l'usurpateur tomba lui-même, Constance fut vainqueur et s'empara de toutes ses possessions. Mais, après avoir remporté la victoire, il ne rendait pas grâces à Dieu, ainsi qu'avaient fait les empereurs chrétiens, qui l'avaient précédé ; au contraire, il s'attachait entièrement aux Ariens. Il réunit ensuite un concile d'évêques hérétiques à Milan c'est-à-dire en Italie, sur l'instigation de ces hérétiques, qui avaient rejeté la foi orthodoxe et renié la religion de la Sainte-Trinité, et il les força d'écrire une sentence d'excommunication contre Athanase l'apostolique, patriarche d'Alexandrie, et les évêques, ses adhérents. Voici les noms de ceux qui furent exilés avec Athanase l'apostolique : Libère, patriarche de Rome, successeur de Jules ; Paulin, métropolitain des Gaules ; Denys, métropolitain d'Italie ; Lucifer, métropolitain de l'île de Sardaigne. On nomma Auxentius l'Arien évêque de la province d'Italie. Constance exila aussi le vénérable vieillard et confesseur[100]…, évêque d'Occident, et il chassa également de leurs sièges et exila les saints (Pères) qui avaient assisté au concile de Nicée. Ensuite, lorsque l'empereur Constance se trouvait à Rome, les femmes nobles étant venues le prier de rappeler Libère de l'exil, il le fit revenir à Rome. Mais, après le retour du patriarche Libère, Félix, son auxiliaire, qui avait communiqué avec les Ariens et que l'on avait proclamé patriarche, après l'expulsion de son maître, mécontent de sa réinstallation, le traita avec hauteur et devint son ennemi. Alors on le chassa lui-même de Rome et on l'exila en Occident.

En ce temps, Constance envoya Gallus, le fils de son frère, de l'Orient, pendant la nuit.[101] Gallus, qui était un parfait chrétien, avait auparavant lutté contre Magnence, l'avait tué et était ensuite retourné à Constantinople, Constance l'ayant nommé empereur de Rome, l'envoya pour y résider. Après son arrivée à Rome, son frère Julien, de triste renommée, quitta la province de Bithynie et se rendit à Constantinople, auprès de l'empereur Constance. Celui-ci avait fait mettre à mort plusieurs de ses parents, et Julien craignait d'être calomnié auprès de l'empereur. Or Julien était un vaillant guerrier. Auparavant il avait demeuré, en qualité de lecteur, dans l'église de Nicomédie ; mais il était agité par le doute au sujet de la religion chrétienne. Gallus régnant à Rome, par la volonté de l'empereur Constance, qui était son beau-frère et qui l'aimait, n'y resta que peu de temps et mourut. Alors Julien cessa de lire les saintes Écritures, se rendit au milieu des troupes et des officiers romains, laissa pousser ses cheveux et devint un grand capitaine. Ensuite il fut proclamé empereur en Europe, selon la coutume chrétienne, par la volonté de l'empereur Constance. Mais il n'attendit pas qu'on eût placé sur sa tête la couronne impériale, selon la coutume ; égaré par les devins et les augures, il devint un serviteur des fausses divinités, aspira au rang suprême et ouvrit les hostilités contre l'empereur Constance. Celui-ci, informé de ces faits, rassembla une nombreuse armée dans les villes de Syrie, et vint en Cilicie, pour livrer bataille à Julien ; car il comptait le faire périr. Etant dans ces dispositions, Constance tomba malade et mourut, avant d'avoir achevé sa carrière ; car Dieu l'accabla de malheurs, afin qu'il retournât à la terre dont il était sorti. Lorsque Julien eut connaissance de la mort de Constance, il prit possession de son empire ; il se montra plein de fermeté et de vigueur et rendit à leurs sièges les évêques qui avaient été exilés : il ramena de l'exil Athanase l'apostolique et le renvoya à Alexandrie, sa ville épiscopale ; il renvoya Mélèce à Antioche, Cyrille, l'auteur des homélies, à Jérusalem ; Eusèbe, Lucifer et Hilaire, en Occident, et de même les autres chacun dans son église. Mais peu de temps après, il dévoila son incrédulité et son apostasie, à l'instigation des philosophes, dont l'un s'appelait Libanais, de la ville d'Antioche, l'autre Maxime, augure ; soutenu et encouragé par eux, il ferma les églises et ouvrit les temples, enleva les précieux vases de la maison du Seigneur et les donna ouvertement aux imposteurs. Ensuite il se déclara l'ennemi des serviteurs de Jésus-Christ et se proclama le restaurateur des temples ; il offrait des sacrifices abominables aux idoles, allumait le feu devant l'autel des faux dieux, souillait la terre du sang du sacrifice impur, et corrompait l'air de la fumée de la graisse. A l'instigation des païens, il envoya des gens pour tuer le grand Athanase l'apostolique. Mais Athanase quitta son siège, s'enfuit et se cacha, et Julien ne put l'atteindre. Semblable à Satan, son père, cet empereur tyrannique détruisait les édifices sacrés fondés par l'empereur Constantin, l'ami de Dieu, et transformait les édifices sacrés en demeures de démons et en temples d'idoles. (Les païens) opprimaient les pauvres chrétiens et se mirent à les accabler de railleries, à les dépouiller de biens, à les tuer, et à leur faire subir toutes sortes de mauvais traitements, non pendant un court espace de temps, mais pendant très longtemps ; ils poussaient contre les chrétiens des rugissements comme des animaux féroces, et les terrifiaient.

A cette époque, des malfaiteurs et des idolâtres allumèrent un bûcher, afin de brûler le corps de saint Jean-Baptiste. Mais l’intervention de Notre-Seigneur Jésus-Christ mit à néant leur dessein : effrayés par une terrible apparition, ces gens pervers prirent la fuite. Quelques habitants d'Alexandrie, qui avaient assisté à cette scène, prirent le corps de saint Jean, le transportèrent à Alexandrie et le remirent secrètement à saint Alhanase le patriarche, avant sa fuite. Celui-ci le déposa dans la maison d'un magistrat, l'un des principaux habitants de la ville, auquel il le confia. Ce secret n'était connu que de quelques prêtres et de Théophile, troisième patriarche (après Athanase), qui, au moment où l’on apportait ainsi à Alexandrie le corps de saint Jean, était lecteur et psalmiste. En effet, Athanase eut pour successeur le patriarche Pierre, auquel succéda son frère Timothée Acte mon, c'est-à-dire le Pauvre, et à celui-ci Théophile, qui détruisit le temple appelé…[102] et le convertit en une église. C'est cette église, grand et superbe édifice, d'une magnificence extraordinaire, que Théophile consacra avec pompe pour être la demeure du corps de saint Jean-Baptiste.[103] On rapporte encore qu'après un long espace de temps, Théophile fit déposer le corps de saint Jean, avec le chef, dans le tombeau qui avait été construit au milieu de l'église. Et à cette occasion il organisa de grandes réjouissances et une fête solennelle, et les habitants de la ville, glorieux de leur patriarche, le comblèrent d'éloges.

Chapitre LXXIX. On rapporte au sujet de saint Théophile, patriarche d'Alexandrie, qu'il était né de parents chrétiens, à Memphis, la ville du Pharaon, autrefois appelée Arcadia. Étant resté orphelin dans sa tendre enfance, avec une petite sœur, il avait une esclave éthiopienne, qui avait appartenu à ses parents. Or, une nuit, à la pointe du jour, cette esclave prit les deux enfants par la main et les conduisit au temple des abominables divinités, le temple d'Artémis et Apollon, afin d'y prier, selon l'erreur des païens. Lorsque ces enfants entrèrent dans le temple, les idoles tombèrent à terre et se brisèrent. Alors l'esclave, redoutant la vengeance des prêtres des détestables idoles prit la fuite et emmena les enfants à Nikious. Puis, craignant que les gens de Nikious ne la livrassent aux prêtres des idoles, elle emmena les enfants et vint à Alexandrie. Poussée par une inspiration divine, la grâce du Seigneur s'étant fixée sur elle, elle prit les enfants et les conduisit à l'église, afin de connaître exactement les saintes pratiques des chrétiens. Dieu révéla immédiatement au saint Père Athanase, patriarche d'Alexandrie, la situation de ces enfants, lors de leur entrée dans l'église, et l'endroit où ils étaient placés, près de la chaire. Athanase donna l'ordre de garder ces trois assistants jusqu'à ce que l'on eût terminé la messe. On lui amena ensuite les enfants et l'esclave, et il interrogea cette dernière en ces termes : « Pourquoi as-tu agi ainsi, et pourquoi les dieux privés de raison ne t'ont-ils pas assistée, et au contraire, voyant des enfants de l'Eglise, sont-ils tombés à terre et se sont-ils brisés ? Or, à partir d'à présent, c'est à moi que ces enfants appartiennent. » L'esclave, étonnée des paroles du saint, voyant qu'il connaissait le secret de ce qui s'était passé dans le temple, sentit alors l'impossibilité de nier ce qu'elle avait fait ; elle se jeta à ses pieds et lui demanda le baptême de la religion chrétienne. Athanase les baptisa et en fit des chrétiens ; ils furent illuminés de la grâce et devinrent des hommes nouveaux. Quant à la petite fille, il l'envoya dans un couvent de vierges, pour qu'elle y demeurât jusqu'au moment de son mariage ; puis elle fut mariée à un habitant de Mahallê, ville du nord de l'Egypte, autrefois appelée Dîdoûseyâ. C'est là que naquit saint Cyrille, l'astre sublime qui brillait en tout lieu par son enseignement, celui qui, revêtu du Saint-Esprit, fut patriarche après saint Théophile, son oncle maternel. Quant à saint Théophile, après l'avoir baptisé, on rasa à l'enfant la tête, on l'adjoignit au nombre des lecteurs et on le fit anagnostès. Il fut élevé avec soin, ainsi qu'on élève les saints ; il grandit et devint un adolescent selon le cœur de Dieu ; il apprenait toutes les Ecritures de l'Eglise inspirées par Dieu et observait leurs prescriptions. Ensuite il fut élevé au rang de diacre, et il était plein d'ardeur pour la religion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en pureté et en sainteté. Enfin il revêtit la dignité sacerdotale ; il devint le premier et s'assit sur la chaire de Saint Marc l'évangéliste dans la ville d'Alexandrie. Et, lorsqu'il fut patriarche, il illuminait toute la ville du flambeau de sa sainte foi ; il parvint à soustraire toutes les villes d'Egypte au culte des idoles et ne laissa subsister aucun adorateur des ouvrages de sculpture, ainsi que l'avait prédit de lui saint Athanase l'apostolique.

Chapitre LXXX. Or le misérable Julien se mit à construire le temple des Juifs à Jérusalem qui avait été détruit par les Romains, et y offrait des sacrifices ; car il aimait à répandre le sang. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ (qu'il soit loué !) fit échouer tout ce qu'il entreprenait et ce qu'il ordonnait. Sapor Arsacès, le roi des Perses, qui était pacifique et qui avait payé tribut à l'empereur Constantin, l'ami de Dieu, se mit en campagne pour attaquer les Romains. C'est à cette époque que le saint martyr Domèce termina sa sainte vie. Lorsque, après avoir offert des sacrifices aux dieux, dans une ville appelée Casius, située sur le territoire d'Antioche, à une distance de six milles, où se trouvait l'idole d'Apollon, l'empereur Julien, l'ennemi de Dieu, accompagné des aruspices et des augures imposteurs, se fût mis en marche avec l'armée romaine contre les Perses, il vint à passer près d'un endroit isolé, où il voyait réunis beaucoup de gens, hommes, femmes et enfants ; car beaucoup de malades trouvaient leur guérison par la prière de saint Domèce, le serviteur de Dieu. Il demanda quelle était cette foule. On lui répondit : « Un moine fait des miracles et guérit des malades ; la foule que tu vois, ce sont des chrétiens qui reçoivent sa bénédiction et qui sont guéris par lui. » Alors Julien, plein de colère, envoyant vers saint Domèce un soldat, lui dit insidieusement d'un ton menaçant : « Si tu demeures dans cette caverne pour plaire à ton Dieu, pour quelle raison cherches-tu à plaire aux hommes, et pourquoi ne te dérobes-tu pas ? » Saint Domèce répondit : « J'ai fait abandon de mon âme et de mon corps entre les mains du Dieu du ciel, le Dieu véritable, Jésus-Christ, Voilà bien des années que je me suis enfermé dans cette caverne. Quant à cette foule qui vient me trouver avec foi, je ne puis la chasser, En entendant ces paroles, l'empereur donna à ses soldats l’ordre de fermer sur lui l’entrée de la caverne, de sorte que le saint vieillard mourut.[104] C'est ainsi qu'il acheva sa sainte vie, le vingt troisième jour du mois de hamlê,[105] et qu'il reçut la couronne du martyre qui est impérissable.

Mais ce tyran, Julien, ne tarda pas à être atteint par le châtiment de Dieu. Il marcha vers les idolâtres, ses pareils, c'est-à-dire les Perses ; il se précipita en avant et ne revit plus jamais l'empire romain, contrairement à ce que lui avaient annoncé les imposteurs, en disant : « Nous sommes réunis, nous, les dieux, au moment de ton entrée dans le fleuve, pour t'assister. » Ce malheureux fut trompé par leur langage ; il ne put ouvrir la bouche au milieu du flux de leurs paroles. On avait nommé ce fleuve, fleuve de feu, à cause des bêtes féroces qui s'y trouvaient, et ce nom lui est resté.[106] Or Julien était obstinément attaché à Terreur, et il s'appelait lui-même contempteur de la parole de Dieu ; car il avait placé son espoir dans les fausses divinités et consultait les démons (les oracles) qui, impuissants pour le sauver, l’égaraient par leurs vaines manifestations ; ils troublaient son esprit, et il devint l'ennemi de Dieu, le créateur plein de gloire, et de notre sauveur Jésus-Christ, qui a répandu son sang pour une multitude d'hommes et est devenu le fondement de vérité pour les croyants, lui qui venge ses serviteurs chrétiens (de leurs ennemis). Julien versa le sang d'un grand nombre de chrétiens ; beaucoup de fidèles furent tués, sous son règne, et il avait organisé une violente persécution contre tous ceux qui invoquaient le nom du Christ. Pendant que cet impie se disposait à attaquer les Perses, le châtiment envoyé par Notre-Seigneur Jésus-Christ vint l'atteindre, et il fut tué par la main de son serviteur Mercurius, le martyr. Dans la nuit où cet abominable tyran fut tué, saint Basile, le Théophore, évêque de Césarée de Cappadoce, eut un songe. Il voyait les cieux ouverts et Notre-Seigneur Jésus-Christ, assis sur son trône de gloire, disant à haute voix : Mercurius, va tuer Julien, l'ennemi de mes oints ! Saint Mercurius, qui se tenait devant lui, revêtu d'une cuirasse brillante et ornée de fleurs, en entendant l’ordre de Notre-Seigneur Jésus-Christ, disparaît un instant, puis il reparaît un instant, et, après avoir disparu de nouveau, il reparaît pour la troisième fois et dit à haute voix : J'ai tué l'empereur Julien, comme tu l'as ordonné, ô Seigneur, et il est mort ! L'évêque se réveilla plein de terreur. Or Julien tenait en grand honneur saint Basile, car ils étaient liés d'amitié dès leur enfance, ayant étudié ensemble, et Basile lui avait souvent adressé des lettres, pour l'engager à abandonner son erreur ; mais Julien n'avait pas accueilli ses conseils. S'étant levé, l'évêque Basile appela les vénérables prêtres et les fidèles pour la prière de nuit, dans l'église. Après l'office, il leur raconta le rêve qu'il venait d'avoir, en ajoutant : Julien serait-il vraiment mort ? Le clergé et le peuple, effrayés de ces paroles, le prièrent de garder le silence, jusqu'à ce que l'événement fût certain. Mais l'homme de Dieu ne voulait pas se taire ; au contraire, il en parlait ouvertement et sans crainte ; car il avait confiance en Dieu et en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et bientôt la vision de saint Basile fut une réalité : dans toutes les provinces on annonça la mort de Julien, le tyran, que Dieu avait fait exterminer par la main de son saint martyr Mercurius. Or ce tyran conduisait l'armée à sa perte et l'exposait à toutes sortes de maux. Il fit couper le nez à deux hommes de Perse, qui, lui servant de guides, l'avaient conduit dans des montagnes désertes sans issue, où il n'y avait point d'eau, alors qu'il voulait marcher contre les Perses : les soldats romains périrent, en cet endroit, de faim, de soif et de fatigue ; car ces hommes de Perse avaient usé de ruse contre les Romains et les avaient conduits à leur perte ; mais Julien, le tyran, ne reconnut pas dans cet événement l'évident châtiment de Dieu.[107] Ses crimes avaient rempli toute sa vie, qui était de quatre-vingt-quatre ans.[108]

Après la mort de Julien, les troupes romaines s'assemblèrent pour proclamer un empereur et, avec le secours de Dieu, ils tombèrent tous d'accord, pendant qu'ils étaient en Perse, à choisir Jovien, car celui-ci était chrétien orthodoxe, et un pieux serviteur de Dieu. Il ne désirait pas être empereur ; il le devint malgré lui ; c'est parce qu'il avait été auparavant le général en chef, qu'il obtint la couronne de l'empire. Après avoir été proclamé, il monta sur un endroit élevé et, d'une voix forte, adressa au peuple et à l'armée ces paroles : Si vous voulez que je sois votre empereur, soyez chrétiens comme moi, croyez en Jésus-Christ et soyez ennemis des faux dieux ! Le peuple et l'armée s'écrièrent immédiatement, d'une voix unanime : Nous sommes chrétiens ! Dorénavant notre souverain sera le Christ et sa vénérable croix ! En conséquence, ils acclamèrent l'empereur et le comblèrent d'éloges.[109]

Lorsque les Perses eurent appris la mort de Julien, ils envoyèrent des ambassadeurs au pieux empereur Jovien, pour traiter de la suspension des hostilités et de la paix. L'empereur Jovien les accueillit avec joie, et il y eut désormais paix et amitié entre les Romains et les Perses. Ceux-ci consentirent à lui payer tribut, et Jovien leur fit remise du tribut d'une année, parce que Julien, le tyran, avait détruit et complètement rasé la ville de….[110] Mais il leur ordonna de construire, en dehors des frontières de leur empire, une ville qui leur appartiendrait. Il nomma cette ville Amide, l'entoura de murs solides et de fortifications, la peupla d'une population nombreuse et la fit semblable à l'ancienne ville, à celle qu'avait détruite Julien, le tyran. Le gouverneur de la ville insista beaucoup auprès de l'empereur Jovien, pour qu'il lui donnât le nom de Rome ; mais Jovien refusa de le faire, à cause de la paix et de l'amitié qui existaient entre les Romains et les Perses.[111]

suivant


[47] C'est-à-dire « un certain temps ».

[48] Je crois que la leçon des mss. qui, d'après l'ensemble du récit, désigne évidemment Cambyse, n'est qu'une erreur de copiste. Cependant il est possible que le texte original mentionnât en cet endroit, Bagosès, général d'Artaxerxès II, d'après Josèphe, Antiq. lib. XI, cap. vii, 1.

[49] La forme correcte de ce nom m'est inconnue.

[50] Au sujet du récit légendaire contenu dans ce chapitre, qui résume, en confondant les personnages et les époques, l'histoire des invasions des Assyriens et des Perses et celle des insurrections des Égyptiens contre la domination persane, voyez mon mémoire inséré dans le Journal asiatique septième série, t. X (1877), p. 512.

[51] Dans le texte de Jean Malalas, les noms de Lavinium, Alba et Albania, sont également confondus. Mais l'explication d'Alba ne se trouve pas dans Jean Malalas.

[52] Littéralement : « et dans la langue des Barbares elle est appelée Ville neuve. »

[53] Comparez Joann. Mal. citron., col. 265 BC. — Georg. Cedren. comp., col. 281. — L'explication du nom de Carthage se trouve dans Cedrenus ; elle manque dans Malalas.

[54] La Chronique Pascale (col. 289) indique le roi Achaz comme contemporain de la fondation de Rome.

[55] Le traducteur arabe a pris ces commotions pour un tremblement de terre.

[56] La place du combat, est la traduction de « course de chevaux ». Le traducteur s'est figuré que c'étaient les femmes qui, dans cette occasion, remplissaient le rôle d'écuyères.

[57] Comparez Joann. Mal. Chron., col. 284. — Chron. Pasch., col. 296 et 297. — Après ce passage si complètement défiguré de la narration, il a paru inutile de reproduire le non sens que renferment les deux phrases suivantes, dont la première résume le récit du texte original sur l'institution des Brumalia (comparez Joann. Mal., chron., col. 285 et 288 ; — Chron, Pasch., col. 3oo A ; Georg. Hamart. chron., col. 65) ; la seconde paraît être un fragment de la narration touchant l'origine des quatre factions et représente probablement la phrase qu'on lit dans la Chronique Pascale : combinée avec une explication de l'origine des gardes prétoriennes, appelés Prœsentes. (Comparez Joann. Mal. chron., col. 281.)

[58] Le texte de ce verset est conforme au texte vulgaire de la version éthiopienne des Psaumes.

[59] Ces phrases sont inintelligibles. Il ne serait pas impossible que le traducteur eût reproduit et défiguré ainsi le récit qu'on lit dans la Chronique Pascale (col. 304 et 305 ; — cf. Joann. Antioch. fragm., l. c. fragm. 33, § 1) relatif à l'introduction de l'usage des toges bordées de pourpre.

[60] Cf. Joann. Mal. chron., col. 308 B. —Le nom de Ptolémée a été considéré par le traducteur comme un titre analogue à Pharaon.

[61] Ce résumé de l'histoire des soixante-dix interprètes de la Bible ne s'accorde entièrement avec aucune des autres versions.

[62] Dans cette phrase, qui renferme encore d'autres erreurs, ce nom est présenté comme celui d'une ville ou d'une province.

[63] Le commencement de cette phrase renferme un malentendu ; car il était dit, sans doute, dans le texte original, que Seleucus enleva les biens d'Antigonus. Le reste n'est qu'un résumé tronqué du récit légendaire de la fondation d'Antioche qu'on lit dans la chronographie de Jean Malalas (col. 312 et suiv.).

[64] Ce n’est pas le nom d’une ville, mais nom de la (belle-) fille de Seleucus.

[65] Le traducteur, dans cette première phrase du chapitre, a altéré le sens de l'original.

[66] Comparez Joann, Mal. chron., col. 348. — On voit que le traducteur a commis plusieurs erreurs. Le passage concernant Hérode ne se trouve pas dans Jean Malalas.

[67] Comparez Joann. Mal. chron., col. 348 AB. Il n'est pas question dans Jean Malalas de l'agrandissement de la ville d'Antioche.

[68] On ne voit pas pour quelle raison le traducteur a changé le Phare en un palais ou une citadelle.

[69] Cette information, relative au canal d'Alexandrie, ne vient pas d'une source byzantine.

[70] Comparez Joann. Mal. chron., col. 352 A.

[71] Comparez Joann. Mal. chron., col. 297. — Georg. Cedren. comp. col. 273, 329, 341. — Au lieu de la phrase : «Il avait blâmé le consul, » etc., il y avait probablement dans l'original : Il blâmait le consul Manlius Capitolinus, qui, alors qu'il exerçait le pouvoir, etc. La dernière phrase renferme également une erreur de traduction.

[72] Nous ne savons pas exactement à quelle époque on a commencé à attribuer à Esdras les βροντολόγια ou καλανδολόγια dont il est question dans ce chapitre. Deux rédactions de ce livre, portant le nom d'Esdras, se trouvent à la Bibliothèque nationale (mss. grecs de l'ancien fonds n° 22, fol. 277, et n° 2286, fol. 110-111). Celle qui est contenue dans le manuscrit 2286 est très analogue au texte publié par Ducange (Gloss. s. v. καλανδολόγια, t. I, col 548). Ce texte a été publié par Boissonade (Not. et Extr., t. XI, 2e partie, p. 186 et suiv.). Le texte du ms. 22 est entièrement différent. (Voyez, sur une autre rédaction, Lambecii Comment. de Augustiss. Biblioth. Cœsarea Vindob., éd. Kollar, t. VI, p. 270.— Comparez Fabricius, Cod. pseudepigr. Vet. Testant., p. 1162 ; —Cod. apocr. Novi Testam., t. II, p. 952.) — Du reste, ce chapitre paraît être une interpolation du traducteur arabe.

[73] Comparez Joann. Mal. chron., col. 361 et suiv.

[74] Quoique le texte grec portât, sans doute, le sénat, il est certain que le traducteur éthiopien, ici et plus loin, dans le même chapitre, a voulu exprimer l'idée d'armée.

[75] C'est-à-dire, des oracles.

[76] Domitianopolis.

[77] C'est-à-dire, le châtiment.

[78] Comparez Joann. Mal. chron, col. 405 et suiv. — Chron. Pasch., col. 604 et suiv.

[79] C'est l'abolition des combats des gladiateurs qui est ainsi travestie par notre texte.

[80] Sur les différentes versions du martyre de Drosis, fille de Trajan, et de ses compagnes, voyez Acta Sanct., sept. t. VI, p. 300 et suiv. Le Synaxaire jacobite rapporte cette légende au 18e jour du mois de hatour. (Ms. arabe de la Bibliothèque nationale, supplém. n° 90, fol. 55 v°. — Wüstenfeld, Synaxarion, p. 121. — Ms. éthiopien de la Bibliothèque nationale, n° 126, fol. 78.) Le texte éthiopien du Synaxaire présente la transcription exacte de ces mots, sauf celui de Trajan.

[81] C'est-à-dire, qui avait vu trois persécutions des chrétiens ; car la persécution de Trajan était considérée comme la troisième.

[82] Comparez Joann. Mal. chron., col. 416.

[83] Eusèbe, Hist. Eccles., IV, ii.

[84] Comparez Eusèbe, l. c.

[85] Le traducteur ayant confondu les noms de Trajan et d'Hadrien, a ajouté le mot le premier pour distinguer les deux règnes.

[86] Il est possible que l'auteur ou le traducteur ait confondu le nom de Verus avec Pius.

[87] Le traducteur éthiopien s'est figuré l'acte testamentaire comme un pacte contractuel.

[88] Jean Malalas (col. 424) raconte qu'Antonin, outre les deux portes, construisit à Alexandrie un hippodrome, et fit paver la ville d'Antioche, notamment la place entre les deux portiques construits par Tibère.

[89] Dans le texte original probablement, il était question de la consécration d'Antonin et de l'empereur son prédécesseur.

[90] Au sujet de cette citadelle, voyez Victor Tununensis ep., Chron. ad ann. 555 (Patrol. lat., t. LXVI1I, col. 960). — Gisb Cuperi Nolœ in Ub. (Lactantii) Demortibus

[91] Ce récit de la prise d'Alexandrie diffère, ainsi que le reste de l'histoire de Dioclétien et de ses collègues, de la narration de Jean Malalas.

[92] Sur cette expression, voyez Combefis, SS. Eustathii Petri… acta grœca, p. 211 ; — Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, t. V, p. 465.

[93] C'est-à-dire qu'il consultait les oracles et les augures.

[94] Mot provenant d’un malentendu.

[95] Le traducteur a confondu Maximin avec Maximien.

[96] Il manque évidemment ici dans le texte quelques mots et, de plus, le sens original a été mal rendu par les traducteurs.

[97] Ou les sujets ?

[98] La première partie de cette Histoire est un résumé du récit de Rufin (Hist. eccles., lib. I, cap. x), reproduit par Socrate (Hist. eccles., lib. I, cap. xx), par Sozomène (Hist. eccles., lib. II, cap. vii) et par d'autres, relatif à la conversion des Ibères du Pont-Euxin. C'est par erreur que l'auteur ou le traducteur a introduit dans cette narration les noms de l'Inde et du Yémen. Mais notre texte n'a pas été emprunté directement à ces auteurs, qui ne mentionnent pas le nom de sainte Théognoste. Il vient de la même source que l'histoire de sainte Théognoste insérée dans le Synaxaire jacobite, au dix-septième jour du mois de septembre.

[99] Comparez Joann. Mal. chron, col. 488.

[100] Il s’agit probablement d'Osius le confesseur.

[101] Ce récit a été entièrement défiguré par le traducteur.

[102] Fausse transcription de Sérapis ?

[103] Comparez Rufin, Hist. eccles., lib. II, ch. xxviii.

[104] Comparez Joann. Mal. chron., col. 489. — Chron. Pasch., col. 745.

[105] Dans les martyrologes grecs, la mémoire du martyre de saint Domèce figure au 23 mars. Le nom du mois éthiopien donné par notre texte est une erreur de la traduction.

[106] Ces phrases si mal traduites correspondent à un passage de l'Histoire ecclésiastique de Théodoret, dans lequel cet auteur rapporte un oracle donné à Julien et l'explication des mois de cet oracle παρὰ Θηρὶ ποταμῷ, appliqué au Tigris. (Voy. Théod., lib. III, cap. xvi, — Comparez Georg. Hamart. chron., l. c., col. 669.)

[107] Comparez Joann. Mal. chron., col. 493.

[108] Ce chiffre corrompu ne s'explique pas par une erreur des copistes. Il vient peut-être d'une confusion avec la date de 364 de J.-C, année de la mort de Julien, d'après le calcul d'Eusèbe.

[109] Comparez Chron. Pasch., col. 749.

[110] paraît être la corruption du nom du patrice Arinthée, chargé de négocier la paix avec les Perses.

[111] C'est l'épisode de Nisibe qui est ainsi travesti