Ermold le Noir

GALBERT, SYNDIC DE BRUGES.

 

VIE DE CHARLES-LE-BON COMTE DE FLANDRE : INTRODUCTION

CHAPITRES I-IV

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

COLLECTION

DES MÉMOIRES

RELATIFS

A L'HISTOIRE DE FRANCE,

depuis la fondation de la monarchie française jusqu'au 13e siècle

AVEC UNE INTRODUCTION DES SUPPLÉMENS, DES NOTICES ET DES NOTES;

Par M. GUIZOT,

PROFESSEUR D'HISTOIRE MODERNE A L’ACADÉMIE DE PARIS.

 

 

A PARIS,

CHEZ J.-L.-J. BRIÈRE, LIBRAIRE,

RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS, N°. 68.

 

1824.


 

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VIE

DE CHARLES-LE-BON

COMTE DE FLANDRE,[1]

Par GALBERT,

SYNDIC DE BRUGES.

 

NOTICE SUR GALBERT (éd. Guizot)

 

Nul événement peut-être ne fit, dans le cours du xiie siècle, une impression aussi générale et aussi profonde que l'assassinat du comte de Flandre, Charles le Bon, dans l'église de Saint-Donatien, à Bruges, par le prévôt du chapitre et sa famille. Charles était un prince doux, pieux, soigneux d'établir partout l'ordre et la paix, mérite qui, dans ces temps de violence et d'anarchie, était la plus utile et la plus populaire vertu des rois. Les malheurs de son enfance, les exploits de sa jeunesse lui avaient concilié de bonne heure la bienveillance des Flamands. Après s'être illustré dans la Terre-Sainte où il avait accompagné Robert, dit le Hiérosolymitain, son oncle, il avait refusé, pour ne pas quitter la Flandre, la couronne impériale et celle de Jérusalem. Il fut assassiné au milieu de ses prières et de ses aumônes, par des hommes d'origine servile, que des intérêts privés poussaient seuls à ce crime. La vengeance fut prompte et terrible; les chevaliers, les bourgeois Flamands, le roi de France Louis le Gros, vinrent assiéger les coupables d'abord dans le château de Bruges, puis dans l'église même ou s'était commis le meurtre, puis dans le clocher de l'église, dernier asile qui leur restât, et qu'ils défendirent avec l'opiniâtreté du désespoir. Toutes ces circonstances, la longueur et les tragiques incidents du siège, le nombre et l'ardeur de ceux qui y prenaient part, firent de cet événement le sujet des entretiens populaires, et valurent au comte le titre de saint martyr. Aussi nous en est-il resté plusieurs histoires, toutes contemporaines, toutes écrites avec ces minutieux détails et cet intérêt pressant où se révèle l'émotion non seulement de l'auteur, mais de la population tout entière. Suger s'afflige, comme on l'a vu, dans sa Vie de Louis le Gros, de ne pouvoir en parler plus longuement. Plusieurs chroniqueurs du temps perdent, en s'en occupant, leur sécheresse accoutumée; Gautier, chanoine de Thérouanne, à la demande de Jean son évêque et de tout le chapitre, et peu de mois après la catastrophe, en écrivit une relation circonstanciée où il consigna tout ce qu'il avait recueilli de témoins oculaires, tout ce qui s'en racontait dans le pays. Un poète, dont le nom est resté inconnu, en fit, en mauvais vers latins, une assez touchante élégie. Enfin Galbert, notaire, c'est-à-dire syndic de Bruges, qui était dans la ville au moment du crime et durant le siège, nota jour par jour sur ses tablettes, en présence de l'événement, ce qui se passait, ce qu'il voyait, ce qu'il faisait lui-même de concert avec ses concitoyens, et en composa, environ trois ans après (en 1130), la dramatique histoire dont nous publions aujourd'hui la traduction.

Nous l'avons choisie entre toutes les autres, parce qu'elle est sans contredit la plus instructive comme la plus attachante. Malgré la barbarie de son style et l'absence de tout renseignement sur sa personne, Galbert était à coup sûr un bourgeois considérable, d'une imagination vive et vraie, bien instruit des affaires de sa ville, de tout le comté, et qui mérite autant de confiance que son récit inspire d'intérêt. Aucun document de cette époque n'est aussi animé, aussi poétique, quoique dégagé de toute fiction; aucun ne nous transporte aussi complètement au milieu de ces vieux temps, sur la place publique d'une grande commune, dans l'intérieur des maisons, et au sein des mœurs de ces bourgeois déjà si libres, de ces chevaliers encore si féroces. Quand l'importance de l'événement et la place qu'il a occupée dans le règne de Louis le Gros ne nous auraient pas prescrit d'insérer dans notre Collection cette histoire, son mérite dramatique et l'abondance des détails curieux qu'elle renferme auraient suffi pour nous y décider. Duchesne et les Bénédictins n'en ont publié que des fragments, quelquefois assez mal choisis. C'est dans le recueil des Bollandistes qu'elle se trouve tout entière et que nous l'avons puisée.[2]

La seconde partie qui commence au 1er mai 1127, et contient le récit des guerres de Guillaume Cliton et de Thierri d'Alsace pour la possession du comté de Flandre, est moins intéressante que la première; cependant elle offre encore beaucoup de détails importants. Une vieille traduction française, dont le manuscrit existait dans la bibliothèque de Gabriel Bonart, syndic de Bruges, au xviie siècle, a fait croire à quelques savants que Galbert lui-même avait écrit son ouvrage en français; mais l'erreur est évidente, la langue de cette traduction est de beaucoup postérieure au xiie siècle, et tous les anciens manuscrits de la Vie de Charles-le-Bon sont en latin.

 

F. G.


 

PREFACE (éd. H. Pirenne)

I

Peu d'événements ont fait autant de bruit en leur temps que l'assassinat à Bruges du comte de Flandre Charles le Bon, le 2 mars 1127. Des annales en très grand nombre le mentionnent, et il est l'objet de plusieurs poèmes contemporains. Suger,[3] Herman de Tournais,[4] l'auteur de la translation de saint Jonatus,[5] et ceux des miracles de sainte Rictrude[6] lui ont chacun consacré de longs développements. Enfin, nous en possédons trois relations détaillées. La première est due au Brugeois Galbert, la seconde a été écrite par Walter ou Gauthier, archidiacre de Thérouanne,[7] la troisième est l'œuvre d'un anonyme qui vivait sans doute au xiiie siècle.[8]

Parmi tous ces auteurs, Galbert l'emporte de loin pour l'importance et pour l'intérêt.

Ce que l'on peut savoir de sa biographie se réduit malheureusement à presque rien. Il était certainement Brugeois, comme le prouvent les nombreux passages où il appelle Bruges sa ville (urbs nostra) et les Brugeois ses concitoyens (cives, burgenses nostri).[9] Une phrase du § 114 nous apprend qu'il était prêtre.[10] Peut-être faut-il l'identifier avec un diacre Walbertus mentionné par une charte de 1101[11] ; peut-être aussi est-ce son nom qui, sous la forme Gualbertus, figure avec ceux d'autres ecclésiastiques brugeois aux souscriptions de deux actes, l'un de l’évêque de Noyon, en 1105,[12] l'autre de l'évêque d'Utrecht, en 1116.[13] Quoi qu'il en soit, la connaissance très exacte que Galbert possède des moindres particularités de la collégiale de Saint-Donatien permet de croire qu'il faisait partie du clergé de cette église. Toutefois, il n'a pas dû appartenir au chapitre. Dans aucun des nombreux passages où il parle des chanoines de Saint-Donatien, on ne surprend, en effet, un seul mot autorisant à penser qu'il ait été leur collègue.

Galbert a connu personnellement Charles le Bon.[14] L'enthousiasme qu'il manifeste d'ailleurs pour ce prince et la sincérité de son désespoir après sa mort, prouvent qu'il devait exister entre eux des rapports très étroits. Galbert a été aussi dévoué à son maître Charles que l'excellent Gislebert de Mons devait l'être un peu plus tard à son maître Baudouin V de Hainaut. Et cela s'explique facilement quand on sait que, comme Gislebert, Galbert a été notaire, c'est-à-dire employé dans la chancellerie comtale.

Ce nom de notaire, en effet, ne doit pas nous faire tomber ici dans l'erreur commise par les Bollandistes.[15] Les notaires de Flandre, au xiie siècle, étaient fort loin de ressembler aux notaires de la fin du moyen-âge et de l'époque moderne. C'étaient des fonctionnaires du comte chargés de jouer le rôle de greffiers auprès des tribunaux, de tenir note des revenus du domaine et sans doute aussi de servir de scribes dans la chancellerie. Des chartes assez nombreuses nous font connaître l'existence de ces notaires à Bruges, à Gand, à Furnes, à Aire, etc. On voit par un passage de notre auteur que certains d'entre eux jouissaient d'un grand crédit auprès du comte et vivaient dans sa familiarité.[16] Peut-être Galbert a-t-il été du nombre de ces privilégiés. En tout cas, ses fonctions devaient l'appeler souvent auprès de Charles le Bon, et l'on comprend ainsi qu'il ait été à même de le bien connaître.

Il est vrai que Kopke, le dernier éditeur de Galbert, a cru qu'il n'y avait aucune raison de lui donner le titre de notaire.[17] Mais les deux manuscrits d'après lesquels a été faite la présente édition ne peuvent laisser subsister aucun doute sur la question. Non seulement Galbert y est, au titre, appelé notaire de Bruges (notarius Brudgensis), mais lui-même, au § 35, s'y donne formellement cette qualité. D'ailleurs, quand bien même on ne saurait pas quelles fonctions Galbert a exercées, on pourrait assez aisément les deviner. Le luxe de notations chronologiques qu'il étale complaisamment, le soin qu'il a d'intercaler dans son récit des actes officiels, la connaissance approfondie du droit et des institutions judiciaires de son temps dont il fait preuve, trahissent une personne versée dans les usages de la chancellerie et de l'administration.[18] On peut voir, en outre, dans une phrase du § 2, une allusion aux occupations de l'auteur auprès des tribunaux.[19] Enfin, quelques mots du § 6 permettent de croire que Galbert, en sa qualité de notaire, avait fait partie d'ambassades envoyées par les comtes de Flandre aux princes voisins.[20]

Galbert devait avoir un âge assez avancé déjà quand il entreprit, en 1127, la rédaction de son histoire du meurtre de Charles le Bon. Il parle en effet des anciens chanoines de Saint-Donatien et du prévôt Letbert expulsé par Bertulf vers 1091, comme quelqu'un qui les a connus et fréquentés. Ailleurs, il nous apprend qu'il a vécu sous les règnes de plusieurs rois et empereurs. Enfin, on pourrait encore alléguer, pour prouver son grand âge, qu'il compte les années à partir de Noël et non à partir de Pâques. Ce dernier usage étant devenu presque général en Flandre au cours du xiie siècle,[21] le fait qu'on ne le trouve pas chez Galbert permet de croire que notre auteur a dû naître assez avant dans le xie siècle. Galbert est mort probablement très peu de temps après avoir écrit le dernier chapitre de son récit. Cet ouvrage contient, en effet, des contradictions et des incorrections si visibles, qu'il est difficile d'admettre que l'écrivain ne se fût pas cru obligé de les faire disparaître si le temps lui en avait été laissé.

Le récit de Galbert présente un caractère bien rare dans l'historiographie du moyen-âge : c'est un journal. Il a été écrit d'après des notes prises jour par jour, au fur et à mesure que se déroulaient les événements. Comme il nous l'apprend, Galbert consignait brièvement sur ses tablettes, « au milieu des périls et des combats, » tout ce qui arrivait à sa connaissance. Puis, quand il en trouvait le loisir, il rédigeait quelques pages d'après les notes informes qu'il avait, à la hâte, jetées sur la cire. C'est cette rédaction faite ainsi, à intervalles irréguliers, que nous possédons. Dans son état actuel, le texte est quelque chose d'intermédiaire entre des notes prises au jour le jour et une rédaction définitive. On peut remarquer aisément, en effet, que plusieurs chapitres, dans la forme où nous les possédons, ont été composés un peu postérieurement aux dates auxquelles ils se rapportent. Il en est ainsi, par exemple, du § 35 consacré au 17 mars et écrit après le 19; du § 61 relatif au 13 avril et écrit après le 4 mai. La même observation s'applique aux §§ 21, 28, 29, 35, 46, 64, 85, etc.[22] Toutefois, sauf quelques exceptions dont je vais parler, l'époque de la rédaction n'est jamais postérieure que de quelques jours à la date des événements qui en sont l'objet. Galbert n'a jamais attendu bien longtemps avant de reporter sur le parchemin ce qu'il avait noté sur la cire. Le § 30 (10 mars) a été écrit avant le 17 mars ; le § 80 (1er mai), avant le 7 mai[23] ; le § 117 (11 juillet), avant le 25 juillet.[24] Il serait inutile de multiplier ces exemples. Le ton du récit prouve surabondamment qu'il est contemporain et que l'auteur a écrit sous l'impression immédiate des événements.[25]

Il n'est pas probable que Galbert ait eu en vue un but bien précis quand il commença à prendre des notes. Témoin des événements tragiques dont Bruges fut le théâtre après le meurtre de Charles le Bon, il en entreprit le récit sans savoir naturellement jusqu'où il serait entraîné. Après le châtiment des meurtriers et le rétablissement de la paix en Flandre (§ 8s le Bon. Il y a joint l'exposé des événements qui provoquèrent l'assassinat. Toute cette partie du récit trahit visiblement la date relativement tardive de sa rédaction. Dès le début, l'auteur rappelle les conditions déplorables dans lesquelles il s'est trouvé pour écrire et demande l'indulgence du lecteur. Ce qui est plus clair encore, c'est qu'en terminant le § 14, il fait allusion au châtiment des assassins qui est raconté, dit-il, à la fin de l'ouvrage. A l'époque où il rédigea cette préface, Galbert intercala dans son texte certains chapitres contenant des détails sur Robert le Frison (§ 68 à 70) et sur les ancêtres des meurtriers (§ 71). Il ne peut exister nul doute là-dessus, puisqu'à la fin des §§ 70 et 71 l'auteur suppose déjà connu le supplice des meurtriers qui n'est relaté qu'au § 81. Les §§ 86 à 92, consacrés à quelques événements des mois de septembre, d'octobre et de décembre 1127, constituent une sorte d'épilogue au récit. Galbert y a recueilli des renseignements relatifs à plusieurs des principaux acteurs du drame qu'il venait de raconter. Ces §§ ne forment pas la suite, mais bien le supplément d'un livre que son auteur, ainsi qu'il le dit dans sa préface, considère comme terminé.

Heureusement, Galbert ne devait pas tarder à reprendre la plume. Le repos momentané qui avait suivi l'avènement de Guillaume de Normandie ne dura pas. La conduite maladroite du nouveau comte, les intrigues du roi d'Angleterre qui soutint contre Guillaume les prétentions de Thierry d'Alsace, rallumèrent la guerre civile. Bruges fut de nouveau le théâtre d'événements des plus importants. Aussi, depuis le mois de février 1128, Galbert recommença-t-il, comme il l'avait fait l'année précédente, à tenir jour par jour note des événements. Il ne cessa plus d'écrire jusqu'au triomphe de Thierry d'Alsace sur son rival.

Dans son état actuel, le texte de Galbert se compose donc de trois parties écrites à des époques différentes :

1° §§ 15 à 67; 72 à 85, écrits pendant les mois de mars, avril et mai 1127;

2° §§ 1 à 14; 68 à 71 ; 86 à 92, écrits après le 22 mai 1127 et avant le mois de février 1128;

3° §§ 93[26] à 122, écrits pendant les mois de février à juillet 1128.[27]

Galbert n'a pas eu le courage ou, plus probablement, n'a pas eu le temps de mettre la dernière main à son travail. Tel que nous l'avons conservé, son récit n'était certainement pas destiné à paraître devant le public. Cela est visible dès la préface. Celle-ci, en effet, ne s'applique pas à tout le récit, mais seulement à sa première partie. Elle n'a aucun rapport avec les chapitres postérieurs au § 92, puisque le lecteur y est prévenu que le livre se termine au châtiment des meurtriers du comte. D'ailleurs, d'un bout à l'autre de l'œuvre du notaire de Bruges, il est visible que l'on n'a pas devant soi une rédaction définitive. Plusieurs événements sont racontés deux fois;[28] d'autres, arrivés tardivement à la connaissance de l'auteur, sont placés longtemps après leur date et interrompent l'ordre chronologique du récit.[29] En beaucoup d'endroits on remarque des contradictions frappantes.[30] Ailleurs, un notandum introduit brusquement, au cours de la narration, des détails complémentaires. Enfin, après avoir annoncé au § 57 qu'il ne racontera pas la généalogie de Bertulf, Galbert l'expose tout au long au § 71.

S'il avait eu le temps de se relire, l'écrivain n'eût certainement pas laissé subsister dans son œuvre des imperfections aussi choquantes. Mais surtout, après la victoire de Thierry d'Alsace, il se serait sans doute cru obligé d'en faire disparaître certains passages compromettants. Car c'est un des caractères les plus frappants de l'histoire du meurtre de Charles le Bon, que la versatilité politique, en quelque sorte inconsciente, qui s'y manifeste naïvement. Après le couronnement de Guillaume de Normandie, le nouveau comte est pour Galbert, sans conteste, le seul prince légitime.[31] Toutefois, il ne laisse pas de considérer pour cela les prétentions de Baudouin de Hainaut à la succession de Flandre comme parfaitement justes.[32] C'est même pour les expliquer qu'il a intercalé dans sa narration les §§ 68 à 71. Plus tard, quand la maladresse de Guillaume l’a rendu impopulaire, quand Thierry d'Alsace accouru à Gand voit augmenter de jour en jour le nombre de ses partisans, le pauvre notaire est visiblement en proie à un malaise qu'il ne cherche pas à cacher. Thierry, qui n'est d'abord pour lui que l’adoptivus comes Gendensium,[33] devient bientôt heres naturalis Flandriae et comes justus et pius, tandis que Guillaume n'est plus qu'un comes inhonestus et civium terrae persecutor.[34] Et cependant toute indécision n'a pas disparu, car Galbert reproche leur perfidie à ceux qui ont abandonné Guillaume et considère la Flandre comme lui appartenant encore. Mais, après la mort du malheureux comte sous les murs d'Alost, il accepte le fait accompli et pour mettre en paix sa conscience et laver ses compatriotes du reproche de trahison, il cherche à se prouver, par des subtilités, que Guillaume n'est pas mort par leur faute et que le droit héréditaire était du côté de Thierry d'Alsace.[35] Ce n'est pas d'ailleurs seulement au sujet des deux prétendants que les opinions de Galbert se sont modifiées au cours de son travail. Sur Didier, frère d'Isaac sur Bertulf,[36] sur Baudouin d'Alost,[37] sur Guy de Steenvoorde[38] et Walter de Vlaadsloo, ses jugements ont varié d'une manière non moins frappante.

En voilà assez pour prouver que le récit de Galbert n'a pas été revu par son auteur. C'est dire qu'il est d'une naïveté complète, d'une absolue bonne foi. Le narrateur y parle à cœur ouvert. Nulle part il ne s'efforce de dénaturer les événements. Tels que ceux-ci lui sont rapportés, il les accueille. Il se fait l'écho des bruits qui courent dans la foule.[39] Il partage les sympathies et les antipathies populaires. Il interroge les marchands revenant de Londres, les étudiants qui arrivent de Laon,[40] les écuyers de l'abbesse d'Origny,[41] tous les porteurs de nouvelles qui passent par Bruges.[42] Lui-même n'est pas sorti de cette ville pendant les années 1127 et 1128. Aussi est-il assez mal informé de ce qui s'est passé dans le reste de la Flandre. Walter et Herman de Tournai sont, sous ce rapport, de meilleures sources que lui. Il ne sait presque rien de l'importante entrevue d'Arras entre Louis VI et les nobles flamands; il se trompe complètement sur l'accueil fait à Guillaume de Normandie par les bourgeois de Saint-Omer; il connaît mal les détails du siège d'Ypres, de la mort de Borsiard,[43] de celle d'Isaac, etc.

Etant donné le caractère de l'œuvre de Galbert, il est presque inutile de faire observer qu'il ne faut s'attendre à y trouver aucune trace d'érudition. Les seuls documents écrits que l'auteur ait eus à sa disposition sont les lettres envoyées à Bruges par Louis VI et Thierry d'Alsace, et par les Brugeois au roi de France, lettres dont il a reproduit plus ou moins exactement la teneur.[44] La supposition de M. Schmiele, qu'un poème perdu sur la bataille de Cassel aurait été utilisé aux §§ 68-70 est tout à fait sans fondement.[45]

Personne ne s'étonnera de trouver, dans une œuvre inachevée, bien des négligences de style. Les tournures obscures et incorrectes abondent dans Galbert et les répétitions y sont fréquentes. La préface seule semble avoir été rédigée avec plus de soin. Galbert, en effet, l'écrivit lentement pendant une période de calme. Il l'a ornée des élégances à la mode de son temps. On y trouve des allitérations, des citations des livres saints et un vers et demi des Métamorphoses d'Ovide. L'auteur y fait en outre preuve de ses connaissances grammaticales et philosophiques. Il est heureux pour nous que le temps lui ait manqué pour récrire dans le même goût le reste de son livre. Nous y aurions gagné quelques citations, quelques allitérations, quelques digressions pédantes. Mais nous y aurions perdu ce qui fait le charme du récit : la vie, la couleur, le pittoresque et maints détails pleins de saveur qui n'auraient sans doute pas trouvé grâce devant l'auteur quand il se serait relu. Comparées à celles de Walter, les phrases de Galbert sont certainement moins correctes, moins conformes au goût de l'époque, mais en revanche combien plus vivantes ! Le château de Bruges, l'église de Saint-Donatien, les machines de guerre construites par les Gantois, les moyens de défense mis en œuvre par les assiégés sont décrits avec une vérité frappante. Les personnages principaux, Bertulf, Robert l'Enfant, Borsiard, Isaac, Fromold, Gervais de Praet, ont chacun leur physionomie caractéristique. Les épisodes dramatiques abondent. La description du meurtre du comte, le supplice de Bertulf, la lutte dans l'église de Saint-Donatien, produisent sur le lecteur une impression tragique. M. Henning a fort bien montré, dans un travail récent,[46] qu'il y a dans Galbert un élément poétique incontestable, qu'on retrouve chez lui quelques-uns des procédés et parfois même le style des Niebelungen. Il a même été plus loin et voulu prouver que Galbert est une sorte de poète épique, un trouvère en prose, un Spielman dont le moindre souci a été de nous faire connaître les événements dans leur réalité. Dans la phrase où Galbert affirme avoir pris des notes au jour le jour, il ne voit que ce procédé bien connu des poètes du moyen-âge, qui cherchent à se donner l'apparence de l'exactitude pour augmenter l'intérêt de leurs fictions.

On comprendra facilement, par ce qui précède, qu'il soit impossible d'admettre cette opinion. D'ailleurs les raisons invoquées par M. Henning contre la véracité de Galbert ne résistent pas à l'examen. Pour rejeter son récit, il l'oppose en effet à celui du biographe anonyme de Charles le Bon. Mais on sait que ce biographe est bien postérieur au xiie siècle et manifestement inexact.[47] Prétendre d'ailleurs que Galbert n'a pas écrit au fur et à mesure des événements, considérer son récit comme une œuvre d'art où l'intérêt est savamment gradué, c'est fermer les yeux sur les contradictions, les redites, les additions que ce récit contient en si grand nombre. S'il est beaucoup plus vivant, plus pittoresque, plus poétique, que ceux des autres contemporains, c'est qu'il a été rédigé sous l'impression immédiate et poignante des faits qu'il rapporte. Mais il serait impossible de démontrer que, sur aucun point essentiel, ses données s'écartent de celles de Walter ou d’Herman de Tournai. Tous les personnages qui y figurent sont bien réels. Ce que nous savons d'eux, par ailleurs, concorde parfaitement avec ce qu'en dit Galbert. M. Henning veut voir dans plusieurs de ces personnages des créations poétiques. Pour lui, par exemple, Robert l'Enfant, qui a dans Galbert un rôle si sympathique, ne serait, comme le Giselher des Niebelungen, que le type du jeune homme loyal que le destin condamne à périr avec toute sa famille. Ce rapprochement est ingénieux. Mais il suffit, pour prouver que Robert est un personnage bien réel, de faire observer que Walter, qui n'est certes pas un poète épique, nous le dépeint absolument sous les mêmes couleurs que Galbert.[48] Le duel de Hermannus ferreus et de Guy de Steenvoorde serait également, d'après M. Henning, un épisode poétique. Pourtant, ce combat est aussi décrit par Walter.[49] Qu'après cela on puisse comparer le récit de la conjuration des meurtriers de Charles le Bon avec celle des meurtriers de Siegfried, la mort de Walter avec celle de Dankwart et celle de Giselher, on n'en pourra rien conclure qu'en faveur du talent littéraire de Galbert. M. Henning est tombé d'ailleurs dans d'étranges méprises. Comme il trouve entre la belle description du château des Bourguignons, dans la Saga, et celle du bourg de Bruges, dans l'histoire de Charles le Bon, certaines ressemblances, il croit pouvoir affirmer que cette dernière est un pur produit de l'imagination de son auteur. Or, s'il est précisément une partie du récit où nous puissions apprécier l'exactitude scrupuleuse de Galbert, c'est cette description. Elle est absolument d'accord avec les données des chartes et avec les plans anciens de la ville de Bruges que l'on possède encore. Elle est même tellement fidèle qu'elle pourrait s'appliquer, sans grands changements, au château des comtes de Flandre, à Gand, qui existe encore aujourd'hui et qui date du xiie siècle.

Le récit de Galbert est resté profondément inconnu durant le Moyen Age, Le seul auteur qui l'ait peut-être utilisé est l'écrivain anonyme de la relation du meurtre de Charles le Bon.[50] La narration de Walter répondait beaucoup mieux que celle de Galbert au goût de l'époque et c'est à elle que se sont adressés les chroniqueurs à partir du xiie siècle. Encore l'influence de cette source s'affaiblit-elle après le xive siècle. La tradition populaire qui attribue le meurtre de Charles à la famille de Straeten domine dès lors dans l'historiographie flamande.[51] Elle est encore adoptée au xvie siècle par Meyer, le meilleur historien belge de son temps. Et pourtant Meyer a lu Galbert et le cite avec éloge.[52] C'est là, sans doute, une preuve caractéristique de la force de la légende et qui fait suffisamment comprendre l'oubli dans lequel est restée plongée pendant si longtemps l'œuvre du notaire de Bruges.

II

Les manuscrits d'un ouvrage aussi peu répandu que l'a été l'histoire du meurtre de Charles le Bon n'ont jamais dû être bien nombreux. Au xvie siècle Meyer en avait un dans sa bibliothèque. Plus tard, les Bollandistes parvinrent à s'en procurer quatre. L'un d'eux était contemporain de Galbert ou peu postérieur à son époque; nous ne savons rien de l'âge des trois autres. Deux d'entre eux provenaient de Bruges. Le quatrième avait été utilisé déjà par André Duchesne qui en avait publié quelques fragments en 1631 dans son Histoire généalogique des maisons de Guines, d'Ardres, de Gandet de Coucy.[53]

Tous ces manuscrits sont perdus. On ne connaît plus aujourd'hui du texte de Galbert que deux manuscrits, tous deux du xvie siècle, conservés l'un à Arras, l'autre à Paris.[54]

A. Arras, bibliothèque de la ville, 115 (papier). Galbertus notarius Brudgensis, de multro traditione et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum. Ce manuscrit provient du monastère de S. Vaast. Il est tout entier écrit de la même main. Dans son état actuel il comprend 70 feuillets, mais toute la partie du texte qui va du commencement § 53 au milieu du § 70 a été arrachée.

P. Paris, Bibliothèque nationale, ms. Baluze 43 (fol. 200 à 318, papier). Galbertus notarius Brudgensis, de multro, traditione et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum. Ce manuscrit, comme l'apprend une note de la première page, a été copié sur un manuscrit d'Anvers. La copie semble avoir été faite avec assez de négligence par deux scribes. Une troisième personne a collationné le texte sur l'original et corrigé plusieurs fautes commises par les deux premières.

Ces deux manuscrits sont étroitement apparentés. Dans tous deux on rencontre les mêmes variantes caractéristiques et parfois les mêmes mots exponctués aux mêmes passages. Au § 106 on lit dans chacun d'eux une note mentionnant dans les mêmes termes une variante du manuscrit de Meyer. On serait tenté de croire que l'un de ces manuscrits n'est qu'une copie de l'autre, si A ne contenait pas certains mots qui manquent dans P, et réciproquement. Il faut admettre, en tous cas, que A et P dérivent d'un même original. Celui-ci, comme le prouve l'existence de la note du § 106, avait été collationné sur le manuscrit de Meyer.[55]

Il existe à la bibliothèque royale de Hanovre un manuscrit du xvie siècle d'une traduction française de Galbert (n° XXV, 1499). La langue semble indiquer que cette traduction a été faite au xve siècle. Elle est malheureusement incomplète et s'arrête au milieu de la première phrase du § 37. Le texte latin qui a servi à son auteur diffère quelque peu de celui que nous ont conservé les éditions et les manuscrits A et P. Les divergences ne sont pas toutefois assez importantes pour qu'il ait paru utile d'en tenir compte.[56]

Les éditions de l'ouvrage de Galbert sont les suivantes :

André Duchesne, Histoire généalogique des maisons de Guines, d'Arares, de Gandet de Coucy. (Paris, 1631, in-fol.) Des extraits de « l'Histoire de la mort de Charles, comte de Flandre, escrite par Gualbert, notaire de Bruges », sont insérés aux preuves de cet ouvrage, pp. 69, 70, 196, 197, 205, 206, 207, 208, 234, 235.[57]

G. Henschen et D. Papebroch, mss. Cette édition est précédée d'un excellent commentaire et pourvue de notes.

Dom Brial, Recueil des historiens des Gaules et de la France, XIII, pp. 347 et suiv., a réimprimé plusieurs fragments de Galbert d'après l'édition des Bollandistes.

J. Langebek, Scriptores rerum Danicarum medii aevi, IV (Copenhague 1776, in-fol.), pp. 110 à 192, s'est également borné à reproduire le texte des Bollandistes sous le titre : « Historia vitae et passionis S. Caroli comitis Flandriae, auctore Galberto notario. » Cette réimpression est malheureusement peu correcte. Langebek l'a enrichie de quelques notes originales et de tableaux généalogiques assez exacts.

R. Köpke, Monumenta Germaniae historica. Scriptores, XII, pp. 561 à 619. « Passio Karoli comitis auctore Galberto. » Bien que signalant les manuscrits A et P, Köpke ne s'en est pas servi. Il a pris comme base de son édition le texte des Bollandistes, se contentant d'en régulariser l'orthographe et de proposer quelques corrections. Malheureusement, par une

négligence inexplicable chez un érudit de sa valeur, il n'a pas eu recours au texte original des Acta sanctorum, et s'est servi de la réimpression de Langebek. Les nombreuses fautes typographiques de cette dernière ont ainsi passé dans l'édition de Köpke. Cette édition ne présente donc pas un texte meilleur que celui des précédentes. En revanche, elle est pourvue de notes dont plusieurs sont excellentes. La division du texte en paragraphes est plus rationnelle que celle qu'ont adoptée les éditeurs antérieurs.

On a publié de Galbert deux traductions françaises. La première se trouve au t. VIII de la Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, de Guizot. La seconde est l'œuvre de Delepierre et Pernel, qui l'ont insérée dans leur Histoire de Charles le Bon (Bruxelles, 1850). Cette traduction qui fourmille de contre-sens trahit une connaissance tout à fait insuffisante de la langue latine du moyen âge. Un fait qui montre bien l'intérêt que présente le récit de Galbert, c'est que la plus grande partie de la traduction Guizot a été réimprimée en 1853 dans la Bibliothèque des chemins de fer sous ce titre : La légende du bienheureux Charles le Bon, comte de Flandre, récit du XIIe siècle par Galbert de Bruges.

Comme on a pu le voir par la liste qui précède,  il n'existe, en réalité, jusqu'ici qu'une seule édition originale de Galbert : celle des Bollandistes.

Toutes les autres, sauf les fragments publiés par Duchesne, n'en sont que des reproductions. Grâce aux manuscrits d’Arras et de Paris, j'ai pu rétablir, dans la présente édition, plus d'un passage corrompu. On trouvera en outre aux §§ 113, 114, 115 et 118, des passages inédits qui ne sont pas sans intérêt.[58] J'ai indiqué les variantes des manuscrits par rapport à l'édition des Bollandistes. Toutefois, l'orthographe adoptée est celle du texte de Köpke, qui est moins arbitraire et plus conforme à l'usage du xiie siècle. La mention ms. indique une variante donnée à la fois par le manuscrit d'Arras et par celui de Paris. Les lettres A et P désignent respectivement les variantes que l'on ne rencontre que dans l'un d'eux. Il était inutile de marquer les variantes purement orthographiques. Je ne l'ai fait que lorsqu'elles produisent un changement de sens. Pour les noms propres cependant, j'ai cru devoir toujours indiquer les leçons des manuscrits quand elles diffèrent du texte des Bollandistes.

Les notes explicatives sont assez nombreuses. Je ne leur ai donné un aussi grand développement que dans le but d'épargner au lecteur des recherches longues et pénibles sur la géographie, l'histoire et les institutions de la Flandre, sans la connaissance desquelles le texte de Galbert ne peut être pleinement intelligible. J'y ai joint deux tableaux généalogiques t un plan de Bruges au xiie siècle. Dans ce dernier, les noms de lieu placés entre parenthèses sont ceux qui ne se trouvent pas dans le texte de Galbert, mais qui sont fournis par des chartes contemporaines ou peu postérieures.

On trouvera à la fin du volume cinq petits poèmes contemporains sur la mort de Charles le Bon. Il en a existé au xiie siècle un bien plus grand nombre. Il a semblé intéressant de réunir ceux d'entre eux qui se sont conservés jusqu'à nous.

Gand, mars 1891.

 

 

Le texte de la présente édition était déjà complètement imprimé, lorsque M. le comte T. de Limburg-Stirum a retrouvé dans sa bibliothèque et a eu l'obligeance de me communiquer une copie moderne d'un manuscrit de Galbert. Cette copie a appartenu à feu M. le chanoine Carton de Bruges. Il y manque la partie du texte qui va de la ligne 33 du § 19, à la ligne 22 du § 27. Le copiste a malheureusement fait preuve d'une incurie extraordinaire : les fautes qu'il a commises sont si nombreuses et si grossières qu'il est permis de croire qu'il ne savait pas le latin. Il a transcrit quelques annotations marginales contenues dans le manuscrit qu'il a eu sous les yeux. Parmi celles-ci figure la note du § 106 que les manuscrits A et P attribuent à un manuscrit de J. Meyer. Il est donc fort probable que la copie en question a été faite d'après ce manuscrit ou d'après une copie de ce manuscrit. Je n'y ai rencontré d'ailleurs aucune variante méritant d'être signalée. Le texte qu'elle fournit est identique à celui des manuscrits A et P et contient notamment les passages inédits que l'on trouve dans ces derniers. La copie semble remonter tout au plus à une cinquantaine d'années. Il est peu probable que le manuscrit qu'elle reproduit ait été détruit. Toutefois, mes démarches pour le retrouver n'ont donné aucun résultat.

 

 


 

SOMMAIRE

 

1. Charles le Bon, fils de Canut, roi de Danemark, et d'Adèle de Flandre, succède à son cousin le comte Baudouin VII (1119). Dès son avènement, il promulgue des lois de paix. Les guerres privées sont remplacées par des procès réguliers en justice.

2. La Flandre est désolée par la famine (1124-1125).

3. Charles prend des mesures pour combattre le fléau. Il fait distribuer ses biens aux pauvres.

4. A la mort de l'empereur Henri V, les princes de l'empire offrent la couronne à Charles. Il refuse (1125).

5. Il repousse également l'offre de la couronne de Jérusalem (1123).

6. Eloge des vertus de Charles.

7. On découvre, à l'occasion d'un duel judiciaire, que la famille du prévôt de Bruges, Bertulf, est d'origine servile. Charles revendique ses droits sur cette famille (1126).

8. Bertulf et ses neveux vouent à Charles une haine mortelle.

9. Pendant l'absence du comte, Borsiard, neveu de Bertulf, ravage les terres de son ennemi Thancmar de Straeten (1127).

10. Les paysans de Thancmar viennent se plaindre au comte à Ypres. Celui-ci, conformément aux lois de paix, ait abattre la maison de Borsiard. De retour à Bruges, il est averti que Bertulf et ses neveux s'apprêtent à le trahir. Il refuse cependant de restituer à Borsiard le terrain sur lequel s'élevait la maison détruite (28 février 1127).

11. Isaac, Borsiard, Guillaume de Wervicq, Enguerrand complotent, pendant la soirée, la mort du comte. Ils font entrer par ruse Robert l'Enfant dans le complot malgré ses répugnances (28 février).

12. Assassinat de Charles le Bon par Borsiard et ses complices, dans l'église de Saint-Donatien à Bruges (2 mars). — Lamentations de l'auteur sur la mort du comte. — La nouvelle du meurtre se répand immédiatement en France et en Angleterre.

13. Détails rétrospectifs sur le prévôt Bertulf. Sous la direction de ce prélat orgueilleux et simoniaque, la discipline et les bonnes mœurs ont disparu du chapitre de Saint-Donatien. Bertulf n'a en vue que les intérêts de sa famille.

14. Détails sur des présages qui ont annoncé la mort de Charles le Bon. — Galbert prévient le lecteur que son récit s'arrête au châtiment des meurtriers du comte.

15. Nouveaux détails sur l'assassinat de Charles le Bon (2 mars).

16. Après avoir tué le comte, les conjurés massacrent Thémard, châtelain de Bourbourg, et ses deux fils. — Fuite de Walter de Woumen, de Gervais de Praet et de Jean, serviteur de Charles. — En apprenant la mort de Charles, les marchands venus à la foire d'Ypres se dispersent (2 mars.)

17. Nouveaux détails sur le meurtre de Thémard. — Assassinat de Walter de Locres (2 mars).

18. Le chapelain Baudouin, le chambrier Arnold, Godebert, Odger et Fromold le jeune, réfugiés dans le sanctuaire de l'église, sont découverts par les conjurés (2 mars).

19. Fromold le jeune, sur le point d'être mis à mort, est sauvé par l'intercession de son oncle, le chanoine Fromold le vieux, qui va se jeter aux pieds de Bertulf (2 mars).

20. Bertulf essaie de se disculper devant les chanoines d'avoir participé à la trahison du comte. — Ses neveux dévastent les terres de Thanemar. — Guillaume d'Ypres, qui espère succéder à Charles, se fait jurer fidélité par les marchands réunis à Ypres. — Bertulf se fait livrer par Fromold le jeune les clefs du trésor comtal (2 mars).

21. Les chanoines ensevelissent le corps de Charles. — Bertulf mande à l'abbé de Saint-Pierre de Gand de venir à Bruges et d'emporter le cadavre. Il fait fortifier la tour de l'église afin de s'y réfugier en cas d'attaque (2 mars). Il écrit à Simon, évêque de Noyon-Tournai pour se disculper (6 mars), et à Walter de Vlaadsloo pour lui demander son alliance (2 et 3 mars). — L'évêque de Noyon excommunie les assassins.

22. Arrivée à Bruges de l'abbé de Saint-Pierre. Les bourgeois et les chanoines l'empêchent d'emporter le corps du comte. Miracle arrivé sous le cercueil. Bertulf renonce à ses projets. Les chanoines font rapidement construire un tombeau (3 mars).

23. Service funèbre célébré pour Charles. Le corps est mis au tombeau (4 mars).

24. Fromold le jeune, mis en liberté, préfère l'exil à une réconciliation avec les assassins de Charles (5 mars). — Thancmar repousse une attaque des neveux de Bertulf.

25. Godescalc Thaihals arrive à Bruges de la part de Guillaume d'Ypres. Celui-ci est reconnu comme comte de Flandre par Bertulf et ses partisans. Il se fait prêter serment de fidélité par les marchands réunis à Ypres. —Bertulf écrit aux évêques de Noyon et de Thérouanne ainsi qu'à plusieurs seigneurs flamands pour leur demander assistance (6 mars). — Sur l'ordre du châtelain Hacket les Brugeois fortifient la ville.

26. Gervais de Praet, jadis chambrier de Charles, entreprend de venger son maître. Il attaque à l'improviste Raverschoot, château appartenant aux traîtres, et s'en empare. La garnison s'enfuit à Bruges pendant la nuit et y répand la nouvelle. Robert l'Enfant tente une sortie contre Gervais. Il est forcé de reculer devant la supériorité numérique des forces de ce dernier (7 mars).

27. Gervais de Praet incendie Raverschoot et la maison de Wulfric Knop, frère de Bertulf. Les bourgeois de Bruges, qui jusque-là n'ont rien osé entreprendre contre les traîtres, se réjouissent de ses succès. Ils lui promettent secrètement de l'introduire dans la ville (8 mars).

28. Gervais de Praet livre aux flammes les propriétés des traîtres situées autour de la ville. Ceux-ci sortent en armes contre lui. Trop faibles pour lui résister, ils s'enfuient dans la ville. Gervais s'y introduit par la porte du Sablon que lui livrent les bourgeois. Combats dans les rues. Les traîtres sont refoulés dans le bourg où ils se renferment (9 mars).

29. Isaac, l'un des chefs des meurtriers, se réfugie dans son steen. Les traîtres Georges, Robert, Fromold sont massacrés. Commencement de l'attaque du bourg. —Anticipant sur la suite du récit, Galbert donne quelques détails sur l'attitude respective des assiégés et des assiégeants pendant le siège (9 mars).

30. Le châtelain de Gand, Baudouin et Iwan d'Alost, viennent renforcer les troupes des assiégeants. — Fuite d'Isaac pendant la nuit. Son steen avec ses dépendances est livré aux flammes (10 mars).

31. Arrivée dans le camp des assiégeants de Daniel de Termonde, de Riquard de Woumen, de Thierry, châtelain de Dixmude et du boutillier Walter de Vlaadsloo. Les chefs des assiégeants jurent aux bourgeois de respecter leurs propriétés (11 mars).

32. Les assiégeants tentent vainement de s'emparer du bourg par assaut (12 mars).

33. Suspension des hostilités le dimanche (13 mars). — Les Gantois, mandés par leur châtelain, arrivent à Bruges. Ils ne sont reçus dans la ville qu'après avoir renvoyé un grand nombre de pillards qui se sont joints à eux et avoir juré de respecter les propriétés des bourgeois. — Arrivée du boutillier Raes de Gavre (14 et 15 mars).

34. Arrivée de Gertrude, comtesse de Hollande, et de son fils Thierry. Gertrude essaie de faire proclamer son fils comte de Flandre par les assiégeants. — Guillaume d'Ypres fait répandre la nouvelle que le roi de France lui a donné le comté. Indignation des assiégeants qui jurent de ne pas reconnaître Guillaume, soupçonné d'avoir participé au meurtre de Charles (16 mars).

35. Les chanoines, avec l'autorisation des assiégés, enlèvent du bourg les reliques de l'église de Saint-Donatien et les archives comtales. — Galbert donne des détails sur la manière dont il a rédigé son récit. — Description des échelles de siège construites par les Gantois (17 mars).

36. Galbert fait observer que tous les assiégés ne sont pas coupables du meurtre de Charles. — Détails sur Benkin Coterellus et Weriot. — Les assiégés bouchent les portes du bourg avec de la terre, du fumier et des pierres.

37. Autres mesures de défense prises par les assiégés. — Les chefs des assiégeants permettent à ceux des défenseurs qui ne sont pas coupables de la mort de Charles de sortir du bourg.

38. Discours du châtelain Hacket aux assiégeants. Il leur propose, s'ils veulent lever le siège, de prouver en justice son innocence et celle de ses compagnons. Walter, répondant au nom des assiégeants, rejette toute proposition d'entente.

39. Isaac (qui s'est enfui le 10 mars) est découvert dans un monastère de Thérouanne où il s'est réfugié. Il fait d'importantes révélations sur ses complices.

40. Nouvel assaut du bourg au moyen des machines de guerre construites par les Gantois (18 mars).

41. Des Brugeois s'emparent du bourg par surprise de bon matin. Les assiégés se réfugient dans l'église de Saint-Donatien qu'ils ont fortifiée (19 mars).

42. Bertulf s'enfuit avec la complicité du boutillier Walter (17 mars). — Détails sur l'attaque et la défense de l'église.

43. Un jeune Gantois s'étant introduit dans l'église ne revient pas. Ses concitoyens veulent aller à son secours. Les Brugeois, craignant qu'ils ne s'emparent du corps de Charles, les en empêchent. Le tumulte calmé, les assiégeants, par une attaque énergique, parviennent à s'emparer de l'église. Les assiégés se réfugient dans le solarium et dans la tour. Combat dans l'église.

44. Gervais de Praet et Didier, frère d'Isaac, plantent leurs bannières sur la maison du comte, dans le bourg. Robert l'Enfant accuse Didier d'avoir pris part au complot contre Charles.

45. Thancmar et ses neveux plantent leur bannière sur la maison du prévôt et la mettent au pillage. Ils sont attaqués par les bourgeois qu'excitent du haut de la tour le châtelain Hacket et Robert l'Enfant. — Mesures de précaution prises pour la nuit par les assiégeants.

46. Détails sur la fuite de Bertulf.

47. Le roi de France Louis VI mande à Arras les seigneurs flamands pour s'entendre avec eux sur l'élection d'un nouveau comte. — Le même jour arrive une lettre de Thierry d'Alsace qui revendique ses droits à la succession de Charles. — Attaque de la tour (20 mars). — Départ des seigneurs flamands pour Arras (23 mars).

48. Supplice d'Isaac. —Fuite et arrestation de Lambert Archei (23 mars).

49. Guillaume d'Ypres fait annoncer mensongèrement à Bruges, par Woltra Cruual, qu'il est soutenu par le roi d'Angleterre (24 mars).

51. Les bourgeois de Bruges et les habitants du Franc-de-Bruges s'engagent par serment à être solidaires les uns des autres pour l'élection du futur comte (27 mars).

52. Les seigneurs flamands reviennent d'Arras. Walter le boutillier annonce aux bourgeois qu'ils ont élu comte Guillaume de Normandie. Ceux-ci, avant de prendre une décision, convoquent les habitants du Franc-de-Bruges (30 mars).

53. Les Brugeois et les Gantois envoient des députés a la rencontre de Louis VI qui se dirige vers Bruges (30 mars).

54. Fuite du châtelain Hacket (1er avril). — Retour des députés envoyés au roi. Ratification par les bourgeois de l'élection de Guillaume de Normandie. — Gervais de Praet est fait châtelain de Bruges (2 avril). —Le jour de Pâques, un prêtre inconnu porte la communion aux assiégés (3 avril).

55. Arrivée à Bruges de Louis VI et de Guillaume de Normandie (5 avril). Lecture des chartes octroyées par le nouveau comte au chapitre de Saint-Donatien et aux bourgeois. Lettre des assiégeants d'Ardenbourg exposant certaines demandes que le comte promet d'exécuter. — Les vassaux de Charles le Bon prêtent serment à Guillaume (6 avril).

56. Cérémonie de la prestation du serment de fidélité a Guillaume de Normandie. — Mort d'Eustache de Stenvoorde à Saint-Omer (7 avril). — Continuation de la prestation du serment (8 avril). — Guillaume d'Ypres ne vient pas à une entrevue avec le roi de France à Winendael (9 avril). —Guillaume de Normandie part pour Saint-Omer, mais rentre à Bruges dès le soir (10 avril).

57. Bertulf est arrêté et remis à Guillaume d'Ypres qui le fait exécuter pour se laver du soupçon d'avoir participé au meurtre de Charles (11 avril).

58. Duel judiciaire, en présence de Guillaume d'Ypres, entre Hermannus Ferreus, et Guy, l'un des assassins de Charles. Victoire d'Hermannus Ferreus.

59. Détails sur le siège de la tour de Saint-Donatien.— Un homme de Gervais de Praet ayant arrêté un bourgeois, une émeute éclate dans la ville.

60. Continuation du siège. — Les bourgeois implorent le roi en faveur de Robert l'Enfant (12 avril).

61. Continuation du siège. — Le doyen Helias remet au roi les clefs du trésor comtal. — Simplicité du prêtre Eggard (13 avril).

62. Construction d'un bélier pour abattre la tour (14 avril).

63. Prise du solarium après un combat acharné.

64. Honneurs rendus au tombeau de Charles par Fromold le jeune et par le roi. — Les assiégés se réfugient au sommet de la tour.

65. Les bourgeois, le châtelain de Gand et Arnold de Grimberghen implorent de nouveau le roi en faveur de Robert l'Enfant (15 et 16 avril).

66. Joyeuse entrée de Guillaume de Normandie à Saint-Omer (17 avril).

67. Siège d'Aire où s'est retiré Guillaume d'Ypres, par Hugues de Saint-Pol et Walter de Vlaadsloo. — Siège d'Audenarde, dont s'est emparé Baudouin de Mons, par Baudouin d'Alost, Raes de Gavre et les Gantois.

68-70. Digression : généalogie et histoire des comtes de Flandre, de Baudouin de Lille à Charles le Bon.

71. Digression : généalogie de Bertulf.

72. Baudouin de Mous force les Gantois à lever le siège d'Audenarde. Il s'empare de Ninove.

73. Nouvelles supplications des Brugeois au roi de France en faveur de Robert l'Enfant. — Souffrances des assiégés. Le roi donne l'ordre de saper la tour (18 avril).

74. Les assiégés se rendent et sont emprisonnés dans les cachots de la maison du comte, sauf Robert l'Enfant que le roi laisse à la garde des bourgeois (19 avril).

75. Détails sur la misère des assiégés pendant les derniers jours du siège. — Fuite de Benkin le Cotereau. — Gervais de Praet s'empare des vivres laissés dans la tour par les assiégés.

76. Le roi va assister au siège d'Ardenbourg. — Purification de l'église de Saint-Donatien (20 avril). — Préparation d'une peau de cerf et fabrication d'un cercueil en vue de la translation des restes de Charles le Bon (21 avril).

77. Le corps de Charles est transporté du tombeau provisoire construit à Saint-Donatien, dans l'église de Saint-Christophe. L'évêque de Noyon y célèbre un service solennel. — Arrestation et supplice de Benkin le Cotereau (22 avril).

78. Organisation d'une expédition contre Ypres (23 avril). — Consécration de l'église de Saint-Sauveur à Bruges (24 avril). — Le corps de Charles, ramené de l'église de Saint-Christophe dans celle de Saint-Donatien, est déposé dans un nouveau tombeau. — Roger est nommé prévôt de Bruges. — Départ du roi et des Brugeois pour Ypres (25 avril).

79. Les Yprois livrent leur ville au roi. Guillaume d'Ypres, l'ait prisonnier, est envoyé en prison à Lille. Détails sur ses partisans (26 avril).

80. Arrestation et supplice de Borsiard à Lille. — Le roi se dirige vers Gand. — Guillaume de Normandie brûle le faubourg d'Audenarde où est toujours enfermé Baudouin de Mons (1er mai).

81. Retour du roi à Bruges (4 mai). Retour de Guillaume de Normandie. Le roi, le comte et les seigneurs flamands décident la mort des défenseurs de la tour emprisonnés depuis le 19 avril. Ils les font précipiter l'un après l'autre du haut de la tour de la maison du comte (5 mai).

82. Départ du roi. Il emmène avec lui Robert l'Enfant (6 mai).

83. Le doyen Helias restitue à Guillaume de Normandie une partie du trésor comtal qui lui avait été confiée par Bertulf (7 mai).

84. Nouveaux détails sur la mort de Borsiard et sur celle d'Isaac. — Présages qui avaient annoncé la fin de Bertulf. — Robert l'Enfant est décapité à Cassel sur l'ordre du roi.

85. Oldger, chambrier de Bertulf, accuse mensongèrement plusieurs personnes d'avoir reçu des sommes enlevées au trésor du comte (21 mai). — Détails rétrospectifs sur le chanoine Robert qui a fait sortir de Bruges des sommes considérables. — Les seigneurs flamands jurent de maintenir la paix dans le comté (22 mai).

86. Guillaume d'Ypres, et son frère Thibaut Sorel sont incarcérés à Bruges (10 septembre).

87. Guillaume de Normandie fait procéder à une enquête sur les meurtriers de Charles (16 septembre).

88. Il s'aliène les sympathies des Brugeois en exigeant le tonlieu et en ne faisant pas juger les coupables par les échevins, contrairement au serment qu'il a prêté lors de son avènement (17 septembre).

89. Mort de Walter de Vlaadsloo. Détails sur ce personnage.

90. Guillaume d'Ypres est confié à la garde du châtelain de Lille (18 octobre). — Détails rétrospectifs sur des sortilèges pratiqués par les meurtriers de Charles pendant le siège de la tour.

91. Mort de Baudouin d'Alost (24 octobre).

92. Mort de Didier, frère d'Isaac (17 décembre).

93. Emeute à Lille contre Guillaume de Normandie (1er août).

94. Soulèvement des bourgeois de Saint-Omer qui introduisent dans la ville le prétendant Arnold (1128, 3 février). Craignant un assaut de la part de Guillaume de Normandie, ils se soumettent et lui payent une amende de 600 mares.

95. Révolte des Gantois contre leur châtelain. — Daniel de Termonde et Iwan d'Alost accusent le comte d'avoir violé ses serments. Ils proposent de réunir à Ypres une assemblée qui jugera sa conduite. Guillaume offre le duel à Iwan : celui-ci le refuse. Au jour fixé pour l'assemblée, le comte arrive en armes à Ypres. Iwan, Daniel et les Gantois déclarent ne plus le reconnaître comme leur seigneur. Ils mandent à toutes les villes de Flandre de se révolter (16 février).

96. Arrivée de Thierry d'Alsace à Gand (11 mars). — Baudouin de Mons et Arnold continuent de leur côté à revendiquer le comté.

97. Les Brugeois, décidément hostiles à Guillaume de Normandie, lui ferment les portes de la ville (16 mars). — Sur l'ordre du comte, Gervais de Praet les convoque à Thourout pour marcher contre Iwan d'Alost et Daniel de Termonde (17 mars). — Seconde introduction d'Arnold à Saint-Omer (21 mars). Il en est chassé par le comte.

98. Iwan d'Alost et Daniel de Termonde invitent les Brugeois à se déclarer formellement pour eux ou pour le comte (23 mars). — Les Brugeois ferment de nouveau au comte les portes de la ville (24 mars). —Ils somment Gervais de Praet de choisir entre leur parti et celui de Guillaume. — Plusieurs seigneurs flamands abandonnent ce dernier.

99. Lettre de Thierry d'Alsace aux Brugeois. — Gervais de Praet se rend auprès de Guillaume à Maldeghem et lui conseille de se retirer à Ypres (25 mars). — Le roi d'Angleterre donne des secours au prétendant Arnold.

100. Gervais de Praet se déclare pour Guillaume et abandonne les Brugeois. — Thierry d'Alsace est introduit à Bruges par Iwan d'Alost et Daniel de Termonde (26 mars).

101. Incendie des propriétés de Thancmar et de ses neveux à Straeten (27 mars). — Iwan et Daniel agissent d'accord avec le roi d'Angleterre et le duc de Brabant sans l'assentiment desquels ils ont promis de ne pas reconnaître comme comte Thierry d'Alsace. — Guillaume d'Ypres se rallie à Guillaume de Normandie. Les chevaliers d'Oostkerke abandonnent ce dernier (29 mars).

102. Election de Thierry d'Alsace comme comte de Flandre par les Brugeois, les Gantois et plusieurs seigneurs flamands. — Le nouveau comte accorde des privilèges aux bourgeois (30 mars).

103. Serments réciproques de Thierry d'Alsace d'une part, et des Gantois et Brugeois d'autre part (31 mars). — Inauguration du nouveau comte. Les Brugeois interviennent auprès de lui pour faire rappeler Gervais de Praet à Bruges (1er avril).

104. Gervais de Praet vient à Bruges rendre hommage à Thierry d'Alsace (2 avril).

105. Lambert de Reddenbourg prouve qu'il est innocent du meurtre de Charles (6 avril). — Les Yprois font secrètement appel à Thierry d'Alsace (9 avril).

106. Le roi de France convoque les Flamands à une nouvelle assemblée à Arras. Réponse négative et longuement motivée des Brugeois (10 avril).

107. Combat entre les Brugeois et les neveux de Thancmar (11 avril). — Thierry d'Alsace s'empare de Lille. — Lambert de Wynghene et les neveux de Thancmar ravagent les environs de Bruges (23 avril). — Guillaume de Normandie se rend à Compiègne auprès du roi de France. — L'évêque de Noyon excommunie les partisans de Thierry d'Alsace.

108. Lambert de Reddenbourg est tué en attaquant ses ennemis à Ostbourg (30 avril). — Galbert blâme ceux qui ont abandonné Guillaume de Normandie.

109. Les partisans de Guillaume de Normandie, renfermés dans le château du comte à Gand, sont attaqués par les bourgeois de la ville. — Une expédition de Gervais de Praet contre Wynghene est repoussée par les partisans de Guillaume (2 mai).

110. Partisans de Thierry d'Alsace tués au combat d'Ostbourg. — Le roi de France réunit une assemblée à Arras pour décider entre Guillaume et Thierry (6 mai). — Situation déplorable de la Flandre. — Supplice d'une sorcière qui a jeté un sort au comte Thierry. — Les Brugeois creusent de nouveaux fossés autour de leur ville.

111. Nouvelle attaque infructueuse des Brugeois contre Wynghene (14 mai). — Guillaume de Normandie ravage le territoire d'Ostcamp malgré les efforts des Brugeois (15 mai).

112. Le roi de France, après avoir vainement tenté de s'emparer de Lille où s'est réfugié Thierry d'Alsace, lève le siège (21 mai). — Guillaume de Normandie attaque Bruges sans résultat (29 mai). — II fait plusieurs prisonniers à Ostcamp (30 mai). — Arrestation du moine Basile dépêché par lui à l'un de ses notaires (31 mai). — Guillaume fortifie Aardenbourg.

113. Arrivée de Thierry d'Alsace à Bruges (10 juin). — II fait échouer un coup de main de quelques partisans de Guillaume sur un château des environs de Bruges (11 juin). Escarmouches sous les murs de la ville. — Daniel de Termonde et Iwan d'Alost font prisonniers 50 chevaliers du duc de Brabant (12 juin). — Le clergé de Bruges ne tient pas compte de l'excommunication lancée par l'évêque de Noyon. — Les Yprois proposent secrètement une entrevu aux Brugeois.

114. Thierry d'Alsace lève des troupes autour d Gand (18 et 19 juin). — II assiège le château de Thielt. Les Brugeois lui amènent des renforts (20 juin). — Thierry est vaincu par Guillaume à Axpoel (21 juin). — Nouveau: détails sur l'attitude du clergé de Bruges.

115. Présage observé à Bruges (24 juin).

116. Guillaume de Normandie attaque la maison praeco d'Ostcamp pendant six jours (4 juillet). — Il se retire après avoir dévasté les environs (9 juillet). — Détail sur l'état d'esprit des Brugeois.

117. Arrivée d'otages à Bruges (11 juillet).

118. Guillaume de Normandie va rejoindre le duc de Brabant au siège d'Alost (12 juillet). — Réflexions de Galbert sur la conduite du clergé et des Brugeois. — Les otages quittent Bruges (25 juillet).

119. Guillaume de Normandie est tué sous les murs d'Alost (27 juillet).

120. Thierry d'Alsace s'empare d'Ypres (29 juillet). — Les Brugeois s'emparent de Ruddervoorde. — Les partisans de Guillaume se réfugient dans les châteaux de Winenda et de Voormezeele. — Galbert essaie de prouver que les Flamands ne sont pas responsables de la mort du comte Guillaume.

121. Examen des droits respectifs de Thierry d'Aïs et de Guillaume de Normandie au comté de Flandre.

122. Thierry d'Alsace est reçu dans les différentes villes de Flandre et reconnu comme comte par les rois France et d'Angleterre.

[1] Le texte français est la traduction de Guizot. Les notes, par contre, sont, en majorité, celles liées au texte latin de la Patrologie latine corrigée par Henri Pirenne (1891)

[2] Tome I, des Actes des Saint du mois de Mars, p. 179-219.

[3] Vie de Louis VI, éd. Molinier, p. 110 et suiv.

[4] Historia restaurationis S. Martini Tornacensis, éd. Waitz, Mon. Germ. Hist. Script., XIV, p. 284, sqq.

[5] Ed. Sackur, Neues Archiv der Gesellschaft fiir altere deutsche Geschichtskunde, XV, p. 448 et suiv.

[6] Acta Sanctorum Boll. Mai, III, p. 88 et suiv., et 117 et suiv.

[7] Vita Karoli, comitis Flandriae, éd. Köpke, Mon. Germ. Hist., Script., XII, p. 537 et suiv. Cette vie a été écrite sur l'ordre de l'évêque Jean de Térouanne, probablement dès l'année 1127. Le Catalogus van de provinciale bibliotheek van Zeeland (nieuwe uitgaf), Middelburg, 1863, en mentionne (p. 156) un manuscrit du xme siècle qui a échappé à Kôpke. — La chronique dite de Baudouin d'Avesnes (Mon. Germ. hist. Script., XXV, pp. 441-443) contient, à la suite d'une traduction française de la Vita Karoli, le texte d'une enquête sur les meurtriers de Charles, également traduite en français. On peut croire avec Heller son éditeur, que cette enquête formait originairement la fin du récit de Walter. Quoi qu'il en soit, le texte en est fort précieux : il est cité fréquemment dans les notes de la présente édition.

[8] Passio Karoli comitis auctore anonymo, éd. Köpke, Mon. Germ. Hist., Script., XII, p. 619 et suiv. Ce texte fourmille d'inexactitudes. Il est impossible de déterminer exactement et la nationalité de l'auteur et l'époque à laquelle il a écrit. Il commet des erreurs si grossières en parlant des comtes de Flandre qu'il est difficile d'admettre qu'il ait été Flamand. Il était probablement Danois. C'est à Copenhague qu'a été donnée la première édition de ce texte en 1602. Le seul manuscrit connu au siècle dernier se trouvait dans la même ville : il a péri depuis dans un incendie.

[9] Voy. surtout § 120, nos Brudgenses.

[10] ...Nos quidem, contra preceptum metropolitani nostri et episcopi nostri, divinum officium peragebamus mortuosque in bello tumulabamus in sanctis atriis et Willelmum et fautores ejus ex nomine anathemate percussimus.

[11] Miraeus-Foppens, Opera diplomatica, II, p. 114.

[12] Miraeus-Foppens, Opera diplomatica, I, p. 272.

[13] Ibid., II, p. 961. La forme Gualbertus doit s'être trouvée aussi dans des manuscrits. Duchesne, qui a le premier publié des fragments de l'Histoire du meurtre de Charles le Bon, d'après un manuscrit perdu, dit qu'ils sont extraits de « Gualbert, notaire de Bruges ».

[14] ...Sicut in comitatu sedens saepe retulit, § 12.

[15] Les Bollandistes disent que Galbert a été urbis suae publicus notarius. Tous les auteurs postérieurs ont commis la même erreur. Dans la traduction française de l'histoire du meurtre de Charles le Bon imprimée au t. VIII de la Collection des mémoires sur l'histoire de France de Guizot, Galbert est appelé syndic de Bruges. M. Wauters (article Gualbert, dans la Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique) ne veut pas que Galbert ait été notaire, parce qu'il n'existait pas encore de notaires (publics) en Flandre au xiie siècle.

[16] §§ 18, 112.

[17] Mon. Germ. hist., Script., XII, p. 533.

[18] Aussi l'Histoire littéraire de la France, XI, p. 141, fait-elle de Galbert un « homme d'état ». M. Wauters (article cité,) pense qu'il faut voir en lui « un clerc attaché à l'échevinage ».

[19] Unde qui statum pacis et placitorum injurias nolabant. futurae famis et mortis periculum minabantur universis.

[20] Cum multos vidimus imperatores, reges, duces ac consulares viras. Cette supposition est d'autant plus légitime que nous savons que Gislebert de Mons, notaire de Baudouin V de Hainaut, fut fréquemment envoyé en ambassade par son maître.

[21] Wauters, Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l'histoire de la Belgique, I, p. LXII.

[22] Le lecteur s'apercevra facilement, par les allusions que ces §§ font à des événements postérieurs, que la rédaction n'en est pas strictement contemporaine.

[23] Au § 80, Galbert ne connaît pas encore sur la mort de Borsiard (Bouchard) certains détails qu'il donne au § 84. Voir aussi dans ce même § les détails supplémentaires sur la mort d'Isaac rapportée antérieurement.

[24] Cf. dans les §§ 117 et 118 les détails relatifs à Walterus Pennatum-Mendacium. — II est aisé de voir que la rédaction des §§ 19, 57, 76, 96, 109, 114, etc., a eu lieu sinon immédiatement, au moins très peu de temps après les événements. En général, la rédaction de la dernière partie du récit suit les événements de plus près que celle de la première.

[25] Galbert a si bien pris ses notes au jour le jour qu'il lui arrive d'indiquer le temps qu'il fait au moment où il écrit. V. §§, 76, 94.

[26] Le § 93, bien que relatif au 1er août 1127, appartient certainement à la troisième période de la rédaction. Les mots Kal. augusti retro par lesquels il commence, prouvent que Galbert l'a écrit en 1128. Il l'aura fait entrer dans son texte après avoir rédigé le § 94 (3 février 1128). Ce dernier, racontant l'insurrection des bourgeois de Saint-Omer contre Guillaume de Normandie, a tout naturellement amené dans le récit les détails que le § 93 donne sur une émeute antérieure, à Lille, contre le même prince.

[27] Le § 122 doit avoir été écrit toutefois postérieurement au mois de juillet, car il a dû se passer quelque temps avant que Thierry d'Alsace ait été reconnu comme comte de Flandre par les rois de France et d'Angleterre.

[28] Par exemple : l'histoire du chevalier libre qui a épousé la nièce de Bertulf, §§ 7 et 25 ; le meurtre du châtelain de Bourbourg, §§ 16 et 17 ; l'arrestation des marchands par Guillaume d'Ypres, §§ 20 et 25 ; l'envoi de la lettre de Bertulf à l'évêque de Noyon, §§ 21 et 25 ; la mort d'Isaac, §§ 48 et 85 ; la mise en liberté de Guillaume d'Ypres, §§ 101 et 102. A la fin du § 61, Galbert répète ce qu'il a déjà raconté au commencement. Ces faits prouvent suffisamment qu'il est impossible d'admettre qu'il ait revu son ouvrage.

[29] Le § 84, qui suit immédiatement le récit de faits qui se sont passés le 7 mai, contient des détails sur la mort d'Isaac, arrivée le 23 mars. Le même § contient des renseignements supplémentaires sur la mort de Borsiard (Bouchard) racontée au § 80. Toute la partie du récit des §§ 34 et 35 (à peu de chose près), a été intercalée maladroitement au milieu de la description des échelles de siège construites par les Gantois. Il en est de même du § 90 qui coupe en deux le récit des §§ 89 et 91. Le § 93, relatif au 1er août, n'est pas à la place qu'il doit occuper suivant l'ordre chronologique de la narration.

[30] Voir ce que Galbert dit de Didier, frère d'Isaac, aux §§ 29 et 92 ; de Baudouin d'Alost, §§ 30 et 91 ; de Walter de Vlaadsloo, §§ 21 et 89 ; de Thancmar, § 89 et 113 ; du doyen Helias, §§ 61 et 83,

[31] § 56 : Verum novumque comitem.

[32] §§ 67, 69.

[33] § 99; v. aussi § 101.

[34] §§ 108, 111.

[35] §§120, 121.

[36] Voy. §§ 13 et 45.

[37] §§ 30, 91.

[38] Voy. §§ 64 et 94.

[39] Voy. §113.

[40] Voy. § 12.

[41] Voy. § 39.

[42] Voy. § 58.

[43] Bouchard chez Guizot.

[44] §§ 47, 52, 99, 106.

[45] Schmiele, Robert der Friese, Sondershausen, 1872, p. 9. Cf, Wattenbach, Deutschlands Geschichtsquellen, 4e éd., II, p. 133, n

[46] Henning, Niebelungenstudien, Strasbourg, 1883, p. 27 et suiv.

[47] Köpke pense que cet auteur doit avoir écrit à la fin du xiiie siècle ou au commencement du xive.

[48] Walter, § 50.

[49] Ibid., § 39.

[50] Köpke, Mon. Germ. hist., Script., XII, p. 535.

[51] Sur cette version légendaire voir l'excellent commentaire des Bollandistes, loc. cit., p. 154 et suiv.

[52] Meyer, Annales Flandriae, Anvers, 1461, f° 40 v°.

[53] Voir la préface des Bollandistes à leur édition de Galbert, Acta sanctorum, mars, I, p. 153.

[54] Ces manuscrits ont été signalés par Bethmann dans Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, VIII, pp. 88 et 324, et plus récemment par Heller, Neues archiv, etc., II, p. 317.

[55] Le texte des mss. A et P se rapproche beaucoup de celui du ms. de Duchesne. La plupart des variantes qu'il apporte à l'édition des Boll. se retrouvent, en effet, dans les fragments publiés par cet érudit.

[56] Je mentionne ici la seule particularité de quelque importance que présente cette traduction. Au § 12, la phrase et scienduminhumani (p. 21) est remplacée par le passage suivant : « Come dist le philosophe, opposita juxta se posito, magis elucescunt, c'est-à-dire : deulx choses contraires situéez l'ung auprès de l'aultre sont plus apparrentes. Pareillement, ouy la noblesse, bonté et prudence du bon conte Charles et au contraire la faulseté, malice et orgueil des meschants traistres, entenderés facilement la indignité du cas advenu et que non pas sans cause le monde en estoit troublé, quant tel noble homme tant excellent et paternel gennereux, ses serfs meschants et inhumains, ennemis à Dieu et aux hommes, tant vilainement ont trahy. » — La traduction française de Galbert, dont P. Scriverius a imprimé quelques lignes dans ses Principes Hollandiae, p. 42, est la même que celle du manuscrit de Hanovre.

[57] La partie du texte de Galbert publiée par Duchesne comprend des fragments des §§ suivants que je cite dans l'ordre des pages de son édition : 30, 52, 56, 67, 72, 91, 95, 96, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 113, 118, 119, 31, 114, 30, 65, 95.

O. Vredius, Genealogia comitum Flandriae (Tarugеs, 1641), Preuves, p. 151, a reproduit le fragment de Galbert, publié par Duchesne, p. 207. Vredius a donné, p. 149. les §§ 1 et 2 de Walter qu'il appelle à tort Gualterus notarius Brugensis. Les Boll., p. 153, ont cru que ce fragment provenait de Galbert et disent que Vredius s'est servi du manuscrit de cet auteur qui avait été utilisé par Duchesne.

[58] Ces passages renfermant des attaques très violentes contre le clergé, il est probable que les Bollandistes se seront fait scrupule de les insérer dans leur édition. Il est, en effet, difficile d'admettre qu'ils aient manqué dans tous les manuscrits que ces savants ont eu à leur disposition. Ils devaient tout au moins figurer dans le manuscrit de Duchesne dont ils se sont servis, puisque, comme je l'ai dit (p. xx, n. 1), ce manuscrit est étroitement apparenté à ceux d'Arras et de Paris.