Appien

APPIEN

HISTOIRE DES GUERRES CIVILES DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE.

Traduction française : COMBES-DOUNOUS.

LIVRE I - CHAPITRE VI

LIVRE I chapitre V - Livre I : chapitre VII

 

 

 

 

 

 

 

HISTOIRE

DES GUERRES CIVILES

DE LA

RÉPUBLIQUE ROMAINE.

TOME PREMIER.


Cet Ouvrage se vend à Paris,

A la Librairie stéréotype, chez H. NICOLLE, rue des Petits - Augnstins, n° 151

Et chez LE NORMANT, Imprimeur - Libraire, rue des Prêtres -Saint- Germain -l'Auxerrois, n° 17.


On trouve aux mêmes adresses les Dissertations de Maxime-de-Tyr, philosophe platonicien, traduites par le même auteur.


HISTOIRE

 

 

DES GUERRES CIVILES

 

DE LA

 

RÉPUBLIQUE ROMAINE,

TRADUITE

DU TEXTE GREC D'APPIEN D'ALEXANDRIE

PAR J. J. COMBES-DOUNOUS,

Ex-législateur, et membre de quelques sociétés littéraires.


Haec et apud seras gentes, populosque nepotum,
Sive sud tantum venient in saecula fama,
Sive aliquid magnis nostri quoque cura laboris
Nominibus prodesse potest : cum bella legentur,
Spesque, metusque simul, perituraque vota, movebunt.

LUCAN. Lib. VII, v. 207 et seq.


TOME PREMIER.

PARIS,

DE L'IMPRIMERIE DES FRÈRES MAME,

rue du Pot-de-Fer, n° 14.

Εἰ γὰρ ἡ τῶν ἐν ᾅδου μυθολογία τὴν ὑπόθεσιν πεπλασμένην ἔχουσα πολλὰ συμβάλλεται τοῖς ἀνθρώποις πρὸς εὐσέβειαν καὶ δικαιοσύνην, πόσῳ μᾶλλον ὑποληπτέον τὴν προφῆτιν τῆς ἀληθείας ἱστορίαν, τῆς ὅλης φιλοσοφίας οἱονεὶ μητρόπολιν οὖσαν, ἐπισκευάσαι δύνασθαι τὰ ἤθη μᾶλλον πρὸς καλοκἀγαθίαν;

Diodor.. Sicul. lib. I, pag. 2, B.


Si enim Fabula de inferis, argumenta ficto constant, multum ad pietatem et justitiam hominibus confert; quanta magis Historiam veritatis antistitam et vatem, atque totius quasi philosophiœ metropolim, mores ad honestatem informare passe judicemus.


«Car si ce que la Mythologie raconte des enfers, quoique ce ne soient que des fictions, a une grande efficace pour inspirer aux hommes l'amour de la piété et de la justice; à combien plus forte raison devons-nous regarder l'Histoire, cet oracle de la vérité, cette métropole, si l'on peut s'exprimer ainsi, de toute la philosophie, comme plus capable encore de leur faire aimer la sagesse et la vertu. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VI

Τοῦ δ' αὐτοῦ χρόνου κατὰ τὸ ἄστυ οἱ χρῆσται πρὸς ἀλλήλους ἐστασίασαν, οἱ μὲν πράττοντες τὰ χρέα σὺν τόκοις, νόμου τινὸς παλαιοῦ διαγορεύοντος μὴ δανείζειν ἐπὶ τόκοις ἢ ζημίαν τὸν οὕτω δανείσαντα προσοφλεῖν. Ἀποστραφῆναι γάρ μοι δοκοῦσιν οἱ πάλαι Ῥωμαῖοι, καθάπερ Ἕλληνες, τὸ δανείζειν ὡς καπηλικὸν καὶ βαρὺ τοῖς πένησι καὶ δύσερι καὶ ἐχθροποιόν, ᾧ λόγῳ καὶ Πέρσαι τὸ κίχρασθαι ὡς ἀπατηλόν τε καὶ φιλοψευδές. Ἔθους δὲ χρονίου τοὺς τόκους βεβαιοῦντος, οἱ μὲν κατὰ τὸ ἔθος ᾖτουν, οἱ δὲ οἷον ἐκ πολέμων τε καὶ στάσεων ἀνεβάλλοντο τὰς ἀποδόσεις· εἰσὶ δ' οἳ καὶ τὴν ζημίαν τοὺς δανείσαντας ἐκτίσειν ἐπηπείλουν.  Ὅ τε στρατηγὸς Ἀσελλίων, ᾧ ταῦτα προσέκειτο, ἐπεὶ διαλύων αὐτοὺς οὐκ ἔπειθεν, ἐδίδου κατ' ἀλλήλων αὐτοῖς δικαστήρια, τὴν ἐκ τοῦ νόμου καὶ ἔθους ἀπορίαν ἐς τοὺς δικαστὰς περιφέρων. Οἱ δανεισταὶ δὲ χαλεπήναντες, ὅτι τὸν νόμον παλαιὸν ὄντα ἀνεκαίνιζε, κτείνουσιν αὐτὸν ὧδε· ὁ μὲν ἔθυε τοῖς Διοσκούροις ἐν ἀγορᾷ, τοῦ πλήθους ὡς ἐπὶ θυσίᾳ περιστάντος· ἑνὸς δὲ λίθου τὸ πρῶτον ἐπ' αὐτὸν ἀφεθέντος, ἔρριψε τὴν φιάλην καὶ ἐς τὸ τῆς Ἑστίας ἱερὸν ἵετο δρόμῳ. Οἱ δὲ αὐτὸν προλαβόντες τε ἀπέκλεισαν ἀπὸ τοῦ ἱεροῦ καὶ καταφυγόντα ἔς τι πανδοχεῖον ἔσφαξαν. Πολλοί τε τῶν διωκόντων ἐς τὰς παρθένους αὐτὸν ἡγούμενοι καταφυγεῖν ἐσέδραμον, ἔνθα μὴ θέμις ἦν ἀνδράσιν. Οὕτω μὲν καὶ Ἀσελλίων στρατηγῶν τε καὶ σπένδων καὶ ἱερὰν καὶ ἐπίχρυσον ἐσθῆτα ὡς ἐν θυσίᾳ περικείμενος ἀμφὶ δευτέραν ὥραν ἐσφάζετο ἐν ἀγορᾷ μέσῃ παρὰ ἱεροῖς. Καὶ ἡ σύγκλητος ἐκήρυσσεν, εἴ τίς τι περὶ τὸν Ἀσελλίωνος φόνον ἐλέγξειεν, ἐλευθέρῳ μὲν ἀργύριον, δούλῳ δὲ ἐλευθερίαν, συνεγνωκότι δὲ ἄδειαν· οὐ μὴν ἐμήνυσεν οὐδείς, τῶν δανειστῶν περικαλυψάντων.
 

HISTOIRE

DES GUERRES CIVILES

DE LA

RÉPUBLIQUE ROMAINE.

LIVRE PREMIER.

 

106 CHAPITRE VI.

Nouvelle sédition au sujet de l'usure, entre ceux qui étaient créanciers et ceux qui étaient débiteurs. Le préteur Asellius est assassiné, à cette occasion, en plein Forum, pendant qu'il fait un sacrifice.

LIV. A. cette époque (1), une nouvelle sédition éclata à Rome entre ceux qui étaient créanciers et ceux qui étaient débiteurs (2). Ceux-là ne prêtaient leur argent qu'avec intérêt, tandis qu'une ancienne loi prohibait l'usure sous peine d'une amende (3). Il paraît, en effet, que les anciens Romains, de même que les Grecs avaient proscrit (4) l'usure; qu'ils l'avaient regardée comme un profit illicite, comme une chose onéreuse aux pauvres, et féconde en querelles et en inimitiés. C'était ainsi que les Perses avaient proscit le prêt, comme une source de fraude et de mensonge. Cependant l'usage de l'usure reposait sur une possession immémoriale. Les créanciers demandaient donc ce qui leur était dû, sur le fondement, de cette possession. De leur côté, les débiteurs différaient de payer, sous prétexte des calamités de la guerre et des séditions. Quelques uns même menaçaient leurs créanciers de les faire condamner à l'amende. Le préteur Asellius, à qui toutes ces contestations étaient dévolues, renvoya les parties, faute de pouvoir les concilier, à se pourvoir respectivement par-devant les tribunaux; et il laissa aux juges à 107 prononcer entre la loi et l'usage. Les créanciers, furieux de ce qu'il avait ressuscité une loi tombée en désuétude, conjurèrent sa mort; et voici comment ils exécutèrent leur complot. Asellius faisait un sacrifice public en l'honneur de Castor et Pollux. Il était environné, comme on l'est d'ordinaire en pareil cas, de beaucoup de monde. On n'eut pas plutôt commencé par lui lancer une pierre, qu'il jeta sa fiole, prit la fuite à toutes jambes, pour se sauver dans le temple de Vesta. On le poursuivit ; on le devança ; on l'empêcha d'entrer dans le temple, et l'on l'égorgea dans une hôtellerie où il s'était réfugié. Plusieurs de ceux qui s'étaient mis à ses trousses, pensant qu'il avait gagné en fuyant l'enceinte même des Vestales, pénétrèrent jusqu'on il n'était point permis aux hommes de pénétrer. Ce fut au milieu du tumulte élevé à cette occasion qu'Asellius, pendant sa préture, au milieu d'un acte religieux, revêtu de sa robe d'or et du costume sacerdotal, comme l'exigeait la cérémonie, fut égorgé en public, vers la deuxième heure, au pied des autels. Le sénat fit, à ce sujet, une proclamation portant que ceux qui feraient connaître les auteurs du meurtre seraient récompensés, savoir, les hommes libres avec de l'argent, les esclaves par le don de la liberté, et les complices par l'impunité. Mais il fut impossible de rien découvrir, à cause des efforts que firent les coupables pour que ce crime demeurât enveloppé de ténèbres (5).

108 NOTES.

(1)   L'an de Rome 665.

(2) Ni Florus ni Paterculus ne parlent de cet événement. Mais l'Épitomé de Tite-Live en fait mention en ces termes, liv. LXXIV : Cum aere aliena oppressa esset civitas, A. Sempronius Asellio, prœtor, quoniam secundum debitores jus dicebat, ab iis qui fœnerabantur in Foro occisus est. Rollin paraît avoir emprunté d'Appien ce qu'il en raconte ; si cela est, il n'a pas fidèlement suivi la narration de son auteur.

(3) Desmares s'est grandement écarté ici de la lettre du texte. A cause que quelques uns exigeaient les intérêts avec plus de rigueur qu'il n'était permis par les lois anciennes. Qu'on en juge par la version latine. Dum quidam acerbuis usuras exigunt, contra quam cautum esset antiquis legibus, quïbus vetitum erat pecuniam in fœnore ponere, additd pœna si quis stipulata sibi usura pecuniam mutuo daret.

(4)  Desmares a dit abhorraient. Ce mot ne dit pas assez et ne dit pas juste.

(5)  Ce fut à celte époque, et peut-être pour prévenir de si horribles attentats, que le tribun du peuple, M. Plautius Sylvanus, présenta et fit voter la loi qui porta son nom, de vi publica. Mais que pouvaient produire ces faibles et vains palliatifs, dans l'état de gangrène morale où était alors la république ? Il me semble voir le propriétaire d'un grand et magnifique édifice, qui s'occupe à tendre des pièges et des souricières, tandis que le feu est déjà aux quatre coins de sa maison et commence à la dévorer. Au reste, ce fut le même tribun qui fit passer une loi qui, abrogeant celle de Caïus Gracchus, en vertu de laquelle les fonctions judiciaires, étaient exclusivement appropriées à l'ordre des chevaliers, appela à ces fonctions toutes les classes de citoyens indistinctement, patriciens, plébéiens et chevaliers ; ordre de choses qui exista jusqu'à la dictature de Sylla.