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LAUSUS ET MEZENCE
V.
Le compagnon des batailles
Simul
hoc dicens, attollit in aegrum
se femur, et quamquam
vis alto vulnere tardat,
haud deiectus, equum
duci iubet : hoc decus
illi,
hoc solamen erat, bellis
hoc victor abibat
omnibus. Alloquitur
maerentem et talibus infit :
"Rhaebe, diu, res
si qua diu mortalibus ulla est,
viximus : aut hodie victor spolia illa cruenta
et caput Aeneae referes Lausique dolorum
ultor eris mecum, aut,
aperit si nullam viam vis,
occumbes pariter, neque
enim, fortissime, credo,
iussa aliena pati et
dominos dignabere Teucros."VIRGILE,
Enéide, 10, 856-866 |
femur,oris
: le fémur, la jambe
tardare,o,avi,atum :
ralentir
haud deiectus : sans se
laisser abattre
hoc : désigne le cheval
de Mézence (attraction du S. au cas de l'attribut.
solamen,inis : la
consolation
adloqui,or,locutus sum : adresser
la parole à
infit : verbe défectif :
il commence
Rhaebus,i : Rhébus (nom
du cheval de Mézence)
ultor,oris : le vengeur
occumbere,o,cubui,cubitum
: périr, mourir
iussum,i : l'ordre
dignari,or,atus sum :
trouver digne, daigner
Teucri,crorum : Les
Troyens |
Et disant cela, il se soulève
sur sa jambe malade,
et, malgré sa force qui défaille à cause de la profondeur de sa blessure,
sans se laisser abattre, il ordonne d'amener son cheval. Ce cheval
c'était sa fierté, sa consolation; avec lui, il était revenu victorieux
de toutes les guerres. Il s'adresse à l'animal affligé :
"Rhèbe, si les hommes connaissent une chose qui soit de longue durée,
nous avons vécu longtemps. Aujourd'hui, tu rapporteras en vainqueur
les dépouilles et la tête sanglante d'Énée, et tu vengeras avec moi
les souffrances de Lausus, ou, si aucun coup de force ne nous ouvre la route,
tu mourras comme moi; je ne crois pas en effet, ô vaillantissime,
que tu accepteras de subir des ordres étrangers et des maîtres troyens."
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Commentaire :
Aussitôt, Mézence se lève; Virgile
précise qu'il se redresse en s'appuyant sur sa cuisse blessée, ce qui est surprenant,
car dans une telle situation, on prend appui sur le membre valide. Ne peut-on y voir la
volonté de Mézence de vaincre la douleur et se prouver à lui-même que la blessure ne
lui cause qu'une gêne supportable? Ou ne s'impose-t-il pas une douleur physique comme
substitut à la douleur morale ? Ou encore ne serait-ce pas une forme d'auto-punition ?
Mézence s'adresse alors à son cheval : son entrée en matière est une
affirmation de la futilité de la vie humaine.
Mézence envisage alors une alternative : revenir vainqueur d'Enée après
avoir vengé Lausus ou mourir. Il va de soi, étant donné ce qui précède et ce qui va
suivre, que le premier membre de l'alternative est sans consistance.
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