Cogitosus

YVES DE CHARTRES.

 

LETTRES LI - LXXV

lettres XXVI - L - lettres LXXVI -  LXXX

Œuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

LETTRES

DE

SAINT IVES

EVEQUE DE CHARTRES

TRADUITES ET ANNOTÉES

PAR LUCIEN MERLET

Membre correspondant de l'Institut.

CHARTRES

IMPRIMERIE GARNIER

15, rue du Grand-Cerf, 15

M DCCC LXXXV


 

 

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EPISTOLA LI. IVO, Dei gratia Carnotensium episcopus, dilecto fratri et compresbytero SANCTIONI, recta sapere in Domino.

Noverit fraternitas tua litteras mihi esse directas a clericis Aurelianensibus, qui majores in clero illo esse videntur, constanter te accusantibus super gravibus capitulis, Simoniaca videlicet haeresi, et invasione Aurelianensis ecclesiae, aliisque criminalibus culpis quae si verae sunt, canonica severitate sunt plectendae. Quin etiam talionis vinculo in eisdem litteris se astringunt, nisi legitimo numero testium vera haec esse probaverint, vel in praesentia nostra, vel eorum ad quorum sententiam tuum referendum est judicium. Unde charitate, qua in Christi corpore unum sumus, fraternitatem tuam commoneo, ut si in his reprehensibilem conscientia tua te judicat, ab incoepta pravitate pedem retrahas, ne tua inaniter disperdas et te cum tuis miserabiliter perdas. Attende quia aetatem tuam jam usque in senium divina misericordia pertraxit, et excessus tuos moderatis flagellis feriens, poenitentiae tempora tibi indulsit. Noli ergo sub ipsum funus illam celsitudinem ambire, quam imbecillitas tua vel assequi non valeat, vel aliquando cadentem gravius elidat; quam etiam assequi non valuisti quando eras aetate viridior, ingenio acutior, viribus corporis longe robustior. Nonne tibi, charissime, satius erat in loco humili salvari quam in sublimi periclitari? Si in convivio Domini tui novissimum locum elegisses, et ab invitatore tuo tibi dictum esset: Amice, ascende superius, tunc esset tibi laus et gloria coram simul discumbentibus (Luc. XIV). Nunc vero sicut dicitur, contra ecclesiasticas sanctiones, data vel promissa pecunia immensa, adjuncta etiam saeculari potentia, ad fastigium curae pastoralis aspiras, quantum videtur cum rubore novissimum possessurus locum, cum bona tua distraxeris, et ecclesiam quam invadis thesauris suis et ornamentis spoliaveris. Credo enim quia nemo condioecesanorum tibi manum audebit imponere, nisi aut papa praeceperit, aut te immunem ab his criminibus legitima discussio demonstraverit. Nunc tibi usque ad undecimam horam otianti et oscitanti, in vinea Dei laborandum erat, ut saltem in vespera laborares, et denarium diurnum cum his qui portaverunt pondus diei et aestus reciperes (Matth. XX). Non haec ex aliqua amaritudine dico, sed ex summa dilectione. Vale.

 

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LI. (51, A et C. — 119, B.) Ives, par la grâce de Dieu, évêque de Chartres, à son frère affectionné en sacerdoce, Sanction,[1] sagesse dans le Seigneur.

Sache ta fraternité que j'ai reçu de clercs d'Orléans, qui me paraissent les plus élevés dans le clergé, des lettres dans lesquelles ils formulent contre toi les plus graves reproches. Ils t'accusent de simonie et d'intrusion dans le siège episcopal d'Orléans ; ils citent encore d'autres actes criminels. Si ces fautes sont véritables, elles doivent être punies avec toute la sévérité canonique. Ils se soumettent d'ailleurs à l'avance dans ces mêmes lettres à la peine du talion s'ils ne peuvent prouver par un nombre légitime de témoins la vérité de ce qu'ils avancent, ou en notre présence, ou en présence de ceux auxquels tu seras déféré en jugement. Aussi, par la charité qui nous unit dans le corps du Christ, je conjure ta fraternité, si ta conscience te reproche quelque chose, de reculer dans la voie mauvaise où tu t'es engagé, de peur de compromettre pour rien ta réputation et de te perdre misérablement toi et les tiens. Réfléchis que la divine miséricorde t'a amené jusqu'à la vieillesse, et, punissant tes fautes avec douceur, t'a accordé le temps de la pénitence. Sur le bord de la tombe, ne va pas ambitionner ce poste élevé que ta faiblesse ne peut atteindre et d'où tu seras précipité, meurtri et blessé. Pense que tu n'as pu y arriver, lorsque ton âge était plus vert, ton esprit plus prompt, les forces de ton corps plus vigoureuses[2] ? Ne vaut-il pas mieux pour toi, mon très cher frère, être sauvé dans l'humilité que courir des périls dans l'élévation ? Si, au festin du Seigneur, ayant choisi une place modeste, tu recevais de celui qui t'a appelé cette invitation : Mon ami, monte plus haut, alors il y aurait pour toi honneur et gloire aux yeux de ceux qui sont assis avec toi. Mais aujourd'hui, d'après ce que l'on dit, contre toutes les ordonnances ecclésiastiques, tu as donné et promis d'immenses sommes d'argent, tu as fait intervenir la puissance séculière pour monter au faîte de la charge pastorale. Ne sera-ce pas avec la rougeur de la honte que tu prendras possession de ta nouvelle charge, lorsque tu auras dissipé tes biens et que tu auras dépouillé de ses trésors et de ses ornements cette église où tu entres par violence ? Je crois d'ailleurs que personne de tes codiocésains n'osera t'imposer les mains, à moins que le Pape ne l'ordonne ou que tu ne parviennes à te purger de ces accusations par une légitime discussion. Après être demeuré jusqu'à la onzième heure du jour dans l'oisiveté et la paresse, il te fallait travailler à la vigne du Seigneur, afin que le soir du moins t'y trouvât occupé et que tu pusses recevoir le salaire de la journée avec ceux qui ont porté le poids du jour et de la chaleur. Ce que je te dis là, ce n'est par aucune amertume envers toi, mais par la grande affection que je te porte. Adieu.

 

EPISTOLA LII. IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, GAUFRIDO Cenomanensis Ecclesiae decano, salutem.

Multis et magnis negotiis occupatus, fraternitati tuae sufficienter ad praesens scribere non potui. De Ebrardo tamen hoc tibi respondeo, quia cum morum acerbitate, et tam actuum suorum quam verborum importabili praesumptione confratres suos frequenter offenderet, hoc modo licentiam ab eis promeruit, et hoc tantum ut monachus Majoris Monasterii maneret, obtinuit. Qui ergo contempto clericatu ad monasterium confugit, et e converso contempto monasterio, iterum ad clericatum aspirare contendit, non mihi facile suscipiendus videtur ab his quibus vita et doctrina et moribus nondum fuit manifestus. Si ergo ejusmodi personae intrusione te senseris praegravari, libera est tibi facultas refutandi, quia secundum decretum papae Coelestini (in c. 12, Nullus, dist. 61) : « Tunc primum alter de altera eligendus est Ecclesia, si de civitatis ipsius clero, cui episcopus est ordinandus, nullus dignus (quod evenire non credimus) potuerit reperiri. » Et quia per te sapis, superfluum mihi videtur te instruere, quibus auctoritatibus debeas ignotos, et ex transverso venientes refutare. Hoc tamen consulo tibi, ut abbatem Majoris Monasterii, cujus adhuc monachus est, commonefaciatis, quatenus praedictum Ebrardum a tali ambitione compescat, ac regulari severitate, si sit necesse, coerceat. Licet enim abbatem eum fieri consenserit, non tamen eum a jugo monasticae disciplinae liberavit. Vale.

 

LII. (52, A et C. — 120, B.) Ives, humble ministre de l'église de Chartres, à Geoffroy, doyen de l'église du Mans,[3] salut.

Retenu par de nombreuses et graves occupations, je n'ai pu jusqu'à ce jour répondre suffisamment à ta fraternité. Quant à Evrard,[4] voici ce que j'ai à te dire. Comme par la rudesse de ses mœurs, par l'insupportable arrogance de ses actes et de ses paroles, il offensait sans cesse ses confrères, il obtint congé d'eux, mais à la condition seulement qu'il prendrait l'habit monastique dans l'abbaye de Marmoutier et qu'il y demeurerait. Méprisant donc l'office de clerc, il se retira dans le monastère ; mais aujourd'hui il ne veut plus être moine et il prétend rentrer dans l'ordre des clercs ; or je ne crois pas qu'il doive être facilement accueilli par ceux qui ne connaissent pas encore à fond sa vie, sa doctrine, ses mœurs. Si donc tu crains quelque ennui de l'intrusion d'une semblable personne, tu as pleine liberté de le repousser, car, suivant le décret du pape Célestin : On ne doit élire un clerc appartenant à une autre église que si le clergé de la ville pour laquelle on va ordonner un évêque ne possède aucun membre (chose impossible à notre sens) qui mérite d'être choisi. Tu as assez de science pour qu'il me semble superflu de t'indiquer les autorités sur lesquelles tu dois t'appuyer pour repousser des inconnus ou des gens qui viennent du dehors. Cependant je te conseille d'informer d'abord de tout cela l'abbé de Marmoutier, dont cet Evrard est encore un des moines, afin qu'il réprime l'ambition de cet homme, et, s'il est nécessaire, qu'il le punisse avec toute la sévérité canonique. Car bien qu'il ait consenti à ce qu'il devînt abbé, il ne l'a pas délivré du joug de la discipline monastique. Adieu.

 

EPISTOLA LIII. IVO, Dei gratia humilis Carnotensium episcopus, SANCTIONI Aurelianensium episcopo, viriliter agere et confortari in Domino.

Audivi de fraternitate vestra, quod mihi vehementer displicet et omnibus bonis, quia si quid perversum admittit (quia vobis manus imposui) mihi imputatur, et aemulus vester, non tantum adversum vos, sed etiam adversum me de vestris excessibus gloriatur. Insinuatum est enim mihi per litteras quod clericum illum, quem in die vestri introitus secundum morem vestrae civitatis nostra exhortatione de carcere liberastis, iterum carcerali custodiae crudeliter mancipastis. Ea namque die qua vobis in missa servierat, qua vobis in mensa communicaverat, verberatum, spoliatum, per manus servorum trahi fecistis ad carcerem, et curiae traditum nulla consolatione refovistis, neque de ejus liberatione curare voluistis. Nonne satius erat rapinam bonorum vestrorum perpeti, vel etiam personam vestram, sicut promiseratis, carceri mancipari, quam clericus vester non judicatus, non damnatus a vobis curiae traderetur ? ubi more furis, contumeliis et injuriis quotidianis cruciaretur. Non est hoc officium pastoris, sed mercenarii. Non facit tales fructus arbor quam plantavit Dominus; non promittunt bonos exitus mala principia. Unde si vultis amplius nos amicos habere et adjutores, aut diaconum curiae traditum liberate, aut pro ejus liberatione, quod exigit cura pastoralis sine dilatione perficite. Quod si non feceritis, patens erit procul dubio quia consilio vestro vel vestrorum captus fuit, nec eum fides sed fraus in introitu vestro liberavit. Paraveram quippe litteras mittendas Lugdunensi archiepiscopo de ordinatione vestra, quas retineo donec audiam quomodo vos habueritis in hoc negotio. Valete.

 

LIII. (53, A et C. — 122, B.) Ives, par la grâce de Dieu, évêque de Chartres, à Sanction, évêque d'Orléans, courage dans l'action et force dans le Seigneur.

J'ai appris sur votre fraternité un fait qui me cause un vif déplaisir, à moi et à tous les gens de bien ; car si vous faites quelque mauvaise action, elle m'est imputée parce que c'est moi qui vous ai imposé les mains,[5] et votre compétiteur se glorifie de vos excès, non seulement contre vous, mais contre moi. On m'a écrit en effet que ce clerc que, suivant la coutume de votre ville,[6] vous avez, à notre demande, délivré de la prison, le jour de votre entrée, vous l'avez de nouveau cruellement fait réintégrer dans son cachot. Dans ce jour même où il vous avait servi la messe, où il avait mangé à votre table, frappé, dépouillé par les mains de vos serviteurs, il a été par votre ordre traîné de nouveau en prison. Livré à la Cour laïque, il n'a reçu de vous aucune consolation, et il ne vous a pas vu prendre souci de sa libération. N'eût-il pas été préférable de souffrir la spoliation de vos biens, ou même l'incarcération de votre personne, comme vous l'aviez promis, plutôt que de permettre qu'un de vos clercs, sans jugement, sans condamnation, fût livré à la Cour laïque, où, comme un voleur, il est chaque jour exposé à tous les outrages et à toutes les injures ? Ce n'est pas là l'office d'un pasteur, mais d'un mercenaire. L'arbre qu'a planté le Seigneur ne produit pas de tels fruits ; un mauvais commencement ne promet pas une bonne fin. Si vous voulez continuer à nous avoir pour ami et pour patron, ou bien délivrez vous-même le diacre que vous avez abandonné aux laïcs, ou bien tentez pour sa délivrance tout ce qu'exige l'office pastoral. Si vous ne le faites pas, il sera évident pour tous qu'il a été fait prisonnier par votre conseil ou par celui des vôtres, et que, lors de votre entrée, ce ne fut pas de bonne foi, mais par hypocrisie que vous l'aviez délivré. J'avais préparé une lettre à l'archevêque de Lyon au sujet de votre ordination ; je la garde par-devers moi jusqu'à ce que je sache votre conduite en cette affaire. Adieu.

 

EPISTOLA LIV. HUGONI, Dei gratia Lugdunensi archiepiscopo, sedis apostolicae vicario, episcopi IVO Carnotensis, VUILLELMUS Parisiensis, WALTERIUS Meldensis, obsequium devotum cum debita obedientia.

Quoniam quae geruntur in Ecclesiis, ad auditum sedis apostolicae vel legatorum ejus referenda sunt per litteras vel nuntios eorum per quos gesta sunt, ne vel aemulorum obtrectatione, vel famae mutatione secus acta credantur quam facta sunt, ad notitiam vestram referri curavimus quid de Aurelianensis Ecclesiae ordinatione nuper egerimus. Defuncto enim Joanne Aurelianensi episcopo, Turonensis archiepiscopus qui in praedicta Ecclesia adhuc sibi usurpabat praeposituram et archidiaconatum, et quidam ejusdem Ecclesiae subdecanus cognomine pejor lupo, cum quibusdam jam defuncti episcopi et suis familiaribus clandestinis machinationibus conari coeperunt ut Joannem quemdam archidiaconum cum consensu regis haberent in episcopum ms. c. ], cujus vita nec annorum plenitudine, nec litterarum scientia, nec morum maturitate videbatur esse probabilis. Imo pro inhonesta familiaritate quam cum defuncto episcopo, et quibusdam eorum qui cum expetere voluerunt habuisse dicebatur, modis omnibus reprobabilis. Hoc ergo audiens reliquus clerus qui erat numero longe amplior, litteris eruditior, vitare volens oppressiones quas perpessus erat a praedictis personis tempore defuncti episcopi, saniore consilio pro temporis opportunitate et loci, elegit sibi cum consensu regis in episcopum Sanctionem ejusdem ecclesiae decanum, virum, ut scitis, aetate gravem et moribus maturum. Quem cum a nobis ex admonitione Senonensis archiepiscopi consecrari postulasset apud castrum Nantonense, quod est juxta parochiam Senonensem, omnino recusavimus, propter primatum Lugdunensis Ecclesiae, quem irrationaliter refutat illa sedes, et interdictum sedis apostolicae (vid. epist. 50). Interim itaque aemuli praedicti electi, missis litteris rogaverunt nos ut ei manum non imponeremus, quoniam Simoniacus esset et invasor, simul addentes se hoc probaturos in loco competenti et tempore extra manus regiae potestatis. Cum ergo adjunctis precibus regis instanter postularet Ecclesia electum suum sibi consecrari, praetendens irreparabiles Ecclesiae ruinas futuras, si id non fieret, missis litteris statuimus praedictis calumniatoribus tempus et diem ante consecrationem, locum Carnotum videlicet, ubi potestas regia eis obesse non poterat. Ipsi vero neque venerunt, neque personam aliquam pro se miserunt. Subtrahentibus itaque se praedictis calumniatoribus, nescimus qua calliditate, legitimae discussioni, victi precibus pene totius Ecclesiae, habito inter nos consilio accepimus tam ab eo quam ab illis qui cum illo erant meliores districta sacramenta usque ad septem, quae eum (quantum in conspectu hominum purgari poterat) purgaverunt de invasione et simonia. Remotis itaque impedimentis quae ei specialiter opponebantur, eum promissa vobis obedientia consecravimus, et Ecclesiae quae eum expetierat destinavimus. A qua susceptus est cum omni devotione sine ulla contradictione. Haec ita esse vera, si opus inerit comprobabimus, utpote qui ista tractavimus quam majori diligentia potuimus. Unde rogamus paternitatem vestram ut non facile aurem his accommodetis, quos exclusa veritate quae sua sunt quaerere cognoscetis. Huic vero epistolae interserere curavi ego Ivo Carnotensis episcopus sacramentum quod secundum praeceptum papae fecerunt Parisienses pro electo suo decanus, cantor, archidiaconus, reliquis consentientibus: « Non elegimus nobis in episcopum Willelmum confer ep. 26 et 50] propter munus acceptum vel promissum ab aliquo, vel gratia contubernii quod habebat soror ejus cum rege, vel propter minas nobis illatas a rege, vel praedicta ejus sorore. Sic nos Deus adjuvet, et haec sacra Evangelia. » Sic purgatus secundum quod apud montem Pessulanum rege postulante papa praeceperat, ante festum sancti Remigii, a suo metropolitano est consecratus (dicta ep. 50). Valete.

 

LIV. (54, A et C. — 122, B.) A Hugues, par la grâce de Dieu, archevêque de Lyon, vicaire du siège apostolique, les évêques Ives de Chartres, Guillaume de Paris et Gautier de Meaux,[7] hommage de dévouement et de juste obéissance.

Ce qui se passe dans les églises doit être porté à la connaissance du siège apostolique ou de ses légats, par lettres ou par envoyés, afin que les faits ne soient pas altérés par la haine des envieux ou par les faux rapports des malveillants. Nous voulons donc vous notifier ce que nous avons fait naguère au sujet de l'ordination de l'église d'Orléans. A la mort de Jean, évêque d'Orléans, l'archevêque de Tours qui usurpait à son profit la prévôté et l’archidiaconat de cette église, et le sous-doyen de cette même église, surnommé Pisseleu,[8] s'entendirent avec quelques familiers de l'évêque défunt, et se livrèrent à toutes sortes de manœuvres clandestines pour faire nommer évêque, avec le consentement du Roi, un archidiacre appelé Jean, qui n'avait ni l'âge nécessaire, ni la science suffisante, ni les mœurs convenables pour mériter cet honneur. Bien plus, la familiarité déshonnête dans laquelle il vivait, disait-on, avec l'évêque défunt et d'autres qui voulaient le rechercher, le rend de toutes manières indigne de l'épiscopat. A cette nouvelle, le reste du clergé, bien supérieur par le nombre et par la science, voulant éviter l'oppression que l'église d'Orléans avait soufferte de la part de ces personnes, du temps de l'évêque défunt, consultant l'opportunité du temps et du lieu, se choisit pour évêque, avec le consentement du Roi, Sanction, doyen de cette église, homme, comme vous le savez, d'âge mûr et de mœurs graves. D'après l'avis de l'archevêque de Sens, il nous demanda[9] de venir le consacrer en la ville de Château-Landon, qui est près du diocèse de Sens ; mais nous le refusâmes absolument, à cause de la primatie de l'église de Lyon que conteste sans raison l'église de Sens, et aussi à cause de l'interdit prononcé par le siège apostolique. Cependant les adversaires de l'évêque élu nous écrivirent pour nous prier de ne pas lui imposer les mains parce qu'il était simoniaque et intrus, s'offrant à prouver leur accusation en lieu et en temps compétents, hors de la pression royale. Mais le Roi insistait, et l'église d'Orléans demandait instamment que son élu fût consacré, prétendant qu'elle était menacée de maux irréparables si le sacre n'avait pas lieu. Nous écrivîmes alors aux accusateurs de Sanction pour les inviter à venir fournir leurs preuves, la veille du sacre, à Chartres, lieu où la puissance royale ne pouvait leur faire obstacle. Mais ils ne comparurent point et n'envoyèrent personne pour répondre en leur place. Les calomniateurs s'étant ainsi soustraits, par je ne sais quel subterfuge, à une discussion légitime, vaincus par les prières de presque toute l'église, après nous être consultés, nous avons reçu, tant de l'évêque que de ses partisans les plus honorables, le serment jusqu'à sept fois répété qu'il n'était ni simoniaque ni intrus, et il s'est purgé ainsi de cette accusation autant qu'on peut s'en purger aux yeux des hommes. Les obstacles qu'on mettait à son sacre étant ainsi tombés, après lui avoir fait jurer obéissance envers vous, nous l'avons consacré et l'avons renvoyé à l'église qui l'avait demandé,[10] où il a été reçu avec tout respect, sans aucune contradiction. Nous prouverons, s'il en est besoin, la vérité de ce que nous vous mandons, car nous avons traité cette affaire avec tout le soin possible. Nous prions donc votre paternité de ne pas trop facilement prêter l'oreille à ceux qui, aux dépens de la vérité, recherchent leurs intérêts.

Moi, Ives, évêque de Chartres, je transcris dans cette lettre le serment que, suivant l'ordre du Pape, le doyen, le chantre et l'archidiacre de Paris, mandataires du reste de leur chapitre, ont prêté, au sujet de l'élection de leur évêque[11] : Si nous avons élu pour évêque Guillaume, ce n'est ni pour avoir reçu aucun présent ni pour en avoir obtenu la promesse. Ce n'est pas non plus à cause de la société que le Roi a avec sa sœur, ou parce que le Roi ou la sœur dudit évêque nous ont fait quelques menaces. Que Dieu nous soit en aide et les saints Évangiles. Ainsi justifié, suivant ce que le Pape avait ordonné à Montpellier, sur la demande du Roi, il a été sacré par son métropolitain avant la fête de saint Rémi. Adieu.

 

EPISTOLA LV. HUGONI, Dei gratia Lugdunensi archiepiscopo apostolicae sedis legato, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, cum debita obedientia fidele servitium.

Causam Belvacensis electi nuper apud Nemausum coram domno papa familiariter ventilari vestra paternitas audivit, et aliquando ut Belvacensi Ecclesiae secundum vota sua, facta electio confirmaretur apud domnum papam cum aliis intercessoribus intercessit. Sed quia domnus papa quibus de causis voluit praedictam electionem confirmare distulit, Ecclesia ab intentione sua non desistens, per diversa pericula, per laboriosa itinera post eum legationem misit, electum suum quem utilem sibi in recolligendis bonis suis quae male dispersa erant, fore praeviderat et jam experta erat, summa devotione quaesivit, multa precum ingeminatione promeruit, sic tamen ut super hoc vestra quaeratur benevolentia, et desiderium supplicantis Ecclesiae vestra discretione impleatur sententia. Quoniam ergo exitus hujus negotii ex vestro pendet arbitrio, vigilantiam vestram multa precum instantia flagitamus, ut si aliquis venialis excessus, prout est humana conditio, in praedicti electi persona notatus est, quominus plena in eo videatur regularis integritas, provida hunc compensatione libretis, et utili dispensatione supportetis, praesertim cum Ecclesia praesens aeque sibi utilem non inveniat, quem cum pace regni et Ecclesiae consensu in episcopum eligat. Neque enim, ut nobis videtur, damnose aliquando rigor canonum remittitur, ubi multorum utilitati providetur (idem, epist. 171). Sic enim papa Pelagius quemdam Syracusanae urbis electum uxorem habentem et filios, cum ista occasione ordinationem ejus multo tempore distulisset, postea interveniente Cetego Patricio, quia Ecclesia in voluntatis suae proposito irrevocabiliter perstitit, accepta ab eo cautione quae competebat, ordinari permisit. In hunc quoque modum si velimus praeteriti et praesentis temporis exempla colligere, inveniemus principes Ecclesiarum quaedam pro rigore canonum districtius judicasse, multa pro temporum necessitate tolerasse, multa pro personarum utilitate dissimulasse. Quae quia sollicitudini vestrae ignota esse non credimus, ea vobis enumerare superfluum duximus. Tantum provideat vestra vigilantia ne ulterius suspendendo ordinationem electi, laboret et periclitetur Ecclesia. Quod si in hoc non bene consultum famae vestrae creditis, utile est et conducibile, ut metropolitani sui et comprovincialium discretioni et providentiae cum vestra benevolentia committatis. Valete.

 

LV. (55, A et C. — 60, B.) A Hugues, par la grâce de Dieu, archevêque de Lyon, légat du siège apostolique, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, service fidèle avec l'obéissance qui lui est due.

Votre paternité a récemment entendu plaider familièrement à Nîmes,[12] près du seigneur pape, la cause de l'élu de Beauvais,[13] et vous avez bien voulu vous unir alors à ceux qui intercédaient près du saint Père pour que, cédant aux vœux de l'église de Beauvais, il confirmât l'élection qu'elle avait faite. Le seigneur pape, par des motifs quelconques, différa la confirmation de cette élection ; mais l'église de Beauvais, persistant dans son choix, à travers divers périls, au prix de laborieux voyages, envoya vers lui une ambassade lui demander, avec les plus respectueuses instances, de reconnaître son élu, qu'elle croyait, comme elle l'avait déjà éprouvé, devoir lui être utile pour recouvrer ses biens qui ont été fâcheusement dispersés. Par la persistance de ses nombreuses prières, elle a obtenu d'être satisfaite, de telle sorte cependant qu'en cette affaire on eût recours à votre bienveillance et que le vœu de l'église demanderesse fût satisfait par une décision de votre discrétion. Donc, puisque l'issue de cette affaire dépend de votre décision, nous adressons à votre vigilance d'instantes prières, vous demandant, si quelque faute vénielle, comme en comporte la condition humaine, a été observée sur la personne dudit élu et qu'il ne vous paraisse pas remplir totalement toutes les conditions requises, de peser cette faute avec une prudente justice et de l'accepter avec une utile condescendance, compte tenu essentiellement qu’en ce moment l’Eglise ne trouve personne qui puisse lui être aussi utile et qu’elle puisse élire comme évêque avec l’agrément du roi, et l’approbation du clergé. Car il n'est pas dangereux, nous semble-t-il, que la rigueur des canons se relâche de temps à autre, lorsqu'on satisfait les besoins du plus grand nombre. C'est ainsi que le pape Pelage refusa longtemps d'ordonner un évêque élu de Syracuse, parce qu’il avait femme et enfants, mais qu’enfin sollicité par le patrice Cegetus, comme l’Eglise s’obstinait dans son choix, il accepta de l’élu une caution convenable et permit qu’on l'ordonnât. Si nous voulions, de façon analogue, rassembler les exemples du passé et du présent, nous verrions que les princes des églises ont jugé rigoureusement certaines choses, avec tolérance bien d'autres eu égard aux besoins du moment et en ont beaucoup dissimulé pour des considérations de personnes. Comme nous ne croyons pas que votre sollicitude ignore ces exemples, nous pensons qu’il est superflu de vous les énumérer. Que votre vigilance fasse simplement attention à ne pas, en différant plus longtemps l’ordination de l’élu, mettre l’Eglise dans la peine et en péril. Que si vous craignez qu’en cela on n’ait pas bien pourvu à votre réputation, il est utile et bénéfique que vous reportiez cette affaire, en toute bienveillance, à la discrétion et prudence de son métropolitain et des évêques comprovinciaux. Adieu.

 

EPISTOLA LVI. PHILIPPO, Dei gratia serenissimo regi Francorum, IVO, humilis presbyter suus, salutem, et sicut domino et regi suo fidele servitium.

De eo quod parvitati meae mandavit vestra sublimitas, post duo concilia hoc anno a domno papa celebrata, nunc legatum ejus Lugdunensem archiepiscopum infra eumdem annum, tertium generale convocare, et ad hoc regni vestri episcopos invitare, serenitati vestrae respondeo, quia cum nuper litteras ejus habuerim nihil tale ibi legi, vel a misso ejus audivi. Quod tamen si faceret, non esset haec apostolica institutio, vel ecclesiastica consuetudo. Si autem aliquis pro culpis suis indulto sibi congruo spatio a legatis apostolicis vocatus fuerit, non potest subterfugere quin ad diem sibi praescriptum occurrat, nisi eum legitima causa detineat. Quod si quis eos ultra terminos a patribus constitutos angariare voluerit, vos habito cum eis communi consilio injustis oppressionibus pro persona vestra resistite, sic ut quae Dei sunt, Deo reddant, et quae Caesaris sunt, Caesari reddere non omittant (Marc. XII). Valeat multo tempore sublimitas vestra.

 

LVI. A Philippe, par la grâce de Dieu, sérénissime roi de France, Ives, son humble prêtre et fidèle serviteur qui le salue comme son seigneur et roi.

Votre sublimité a mandé à mon humble personne qu’après deux conciles célébrés cette année par le seigneur pape, l’archevêque de Lyon, son légat, en convoque maintenant pour cette même année un troisième général, auquel il invite les évêques de votre royaume. Je réponds à votre sérénité que j’ai récemment reçu une lettre de lui, où je n’ai rien lu de semblable ni rien entendu de tel de son envoyé. Si cependant il agissait ainsi, ce ne serait pas selon l’institution apostolique ou la coutume ecclésiastique. Si toutefois pour répondre de ses fautes, quelqu’un est cité par le légat apostolique avec un délai suffisant, il ne peut se dérober et négliger de se rendre au jour déterminé, à moins d’en être empêché par une raison légitime. Que si l’on voulait exiger d’eux plus que ne le comportent les bornes fixées par les Pères, après avoir pris conseil d’eux, résistez, comme votre personne peut le faire, aux oppressions injustes, de façon qu’ils rendent à Dieu ce qui est à Dieu et qu’ils n'omettent pas de rendre à César ce qui est à César.[14] Longues années à votre sublimité.

 

EPISTOLA LVII. IVO, Dei gratia humilis Carnotensis episcopus, GAUFRIDO Vindocinensis monasterii abbati, mundum spernere cum suo flore.

De fratre illo qui ter a vobis fugiens, secundum constitutionem monasticae regulae, ter susceptus fuerat (conf. ep. 160), et nunc quarta vice aversus fugerat, et item conversus et reversus sepulturam cum fratribus per misericordiam obtinuerat, mihi satis placet, quia superexaltat misericordia judicium (Jac. II), et Dominus principi apostolorum consuluit, converso peccatori non tantum dimittendum septies, sed usque septuagies septies (Matth. XVIII). Sed quia sacrilegium quod commisit abscondit, nec condigna satisfactione monasterio rem sublatam restituit, monendo consulimus, et consulendo monemus, ut sepulturam quam cum fratribus misericorditer acceperat, amittat, quatenus caeteri timorem habeant, et a simili sacrilegio manus contineant, quia non potest sequi plena remissio ubi non fuit vera conversio. Vale.

 

LVII. (57, A et C. 61, B.) Ives, par la grâce de Dieu, humble évêque de Chartres, à Geoffroy, abbé du monastère de Vendôme, mépris du monde et de ses attraits.

Selon les règles monastiques, vous avez reçu à trois reprises différentes un frère qui trois fois s'était enfui de votre monastère, et, lorsqu'après s'être encore enfui une quatrième fois, il fut revenu et retourné vers vous, votre miséricorde lui a accordé la sépulture au milieu de ses frères. Je ne puis qu'approuver votre conduite, car la miséricorde l'emporte sur la justice, et Dieu conseilla au prince des Apôtres de pardonner au pécheur repentant, non pas seulement sept fois, mais septante sept fois. Mais comme ce frère a dissimulé le sacrilège par lui commis, comme il a refusé de faire au monastère une satisfaction convenable de ce qu'il lui avait dérobé, je vous avertis et vous conseille, je vous conseille et vous avertis de le priver de la sépulture que vous lui avez miséricordieusement accordée au milieu de ses frères, afin que les autres soient saisis de crainte et s'abstiennent d'un semblable sacrilège : car il est impossible qu'un plein pardon soit accordé là où il n'y a pas une véritable conversion. Adieu.

 

EPISTOLA CCLXXVII. IVO, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, ALDEBERTO Cenomanensis Ecclesiae electo, sincerae dilectionis munus.

Quoniam, secundum verba Sapientiae, meliora sunt vulnera diligentis, quam fraudulenta oscula blandientis (Prov. XXVII), moneo fraternitatem tuam, ut verba mea non graviter accipias, licet aliquantulum caustica et mordacia, quoniam intendunt correptioni non criminationi, purgationi, non invectioni. Placet equidem mihi temporalis tua provectio, si non sit ab aeternitate dejectio, si non illud Psalmistae in te impleatur: Dejecisti eos, dum allevarentur (Psal. LXXII). Audivi enim de te, quae mihi sunt dolori et horrori. Quae si vera sunt, non poteris populo praebere regimen, sed augere discrimen. Dicunt enim quidam de majoribus Cenomannensis Ecclesiae, qui anteactam vitam tuam se nosse testantur, quod ultra modum laxaveris frena pudicitiae, in tantum ut post acceptum archidiaconatum accubante lateribus tuis plebe muliercularum, multam genueris plebem puerorum et puellarum. Tu autem nosti, quod probatae debeat esse castitatis, qui sublimatur ad fastigium curae pastoralis. Alioquin post sacrum ordinem lapsus non solum non debet ad majorem gradum conscendore, sed nec in eo in quo lapsus est ordine ministrare. Unde beatus Gregorius scribit Januario episcopo Caralitano (c. Pervenit dist. 50) : « Qui post acceptum sacrum ordinem in peccato carnis lapsus fuerit, sacro ordine ita careat ut ad ministerium altaris ulterius non accedat. » Nosti etiam quod qui in officium pastoris assumitur. pro peccatis populorum Dei supplicaturus, Dei et hominum mediator efficitur. Dicit autem beatus Gregorius in Moralibus: « In gravibus peccatis quis positus, dum suis premitur, aliena non diluit. » Idem in Pastorali: « Cunctis liquet quia, cum is qui displicet, ad intercedendum mittitur, procul dubio irati animus ad deteriora provocatur. » Addunt quoque huic calumniae praetaxatae personae, quod nec earum consilio fueris electus, nec consensu. Quae omnia si ita sunt, periculosa tibi sunt, dilectissime frater, et infinitum laborem, quantum aestimo, paritura. Unde consule tibi secundum testimonium conscientiae tuae, ut vel honeste et caute coepta perficias, vel saluti tuae consulens sponte ipse deficias. Jucundus enim debet esse defectus, in quo salutis speratur effectus. Vale, et de me quantum de amico per omnia justa et honesta confide.

 

LVIII.[15] (280, A. — 279, B. — 277, C.) Ives, humble ministre de l'église de Chartres, à Hildebert,[16] élu de l'église du Mans, hommage de sincère affection.

Suivant les paroles de la Sagesse, les blessures faites par un ami valent mieux que les baisers hypocrites d'un ennemi. Je prie donc ta fraternité de ne pas s'offenser de mes paroles, quoiqu'elles puissent lui paraître caustiques et mordantes, car ce que je veux, c'est une explication non une accusation, une justification non un blâme. Je me réjouis de ton élévation dans le temps, si elle n'est pas une chute pour l'éternité, si le mot du Psalmiste ne se vérifie pas en toi : Tu les a rejetés de ta face tandis qu'on les exaltait. On m'a rapporté de toi des faits qui m'ont rempli de douleur et d'horreur : s'ils étaient vrais, tu ne pourrais utilement gouverner le peuple, mais tu l'entraînerais à la ruine. Quelques-uns des principaux dignitaires du Mans, qui attestent connaître ta vie passée, affirment que tu n'as imposé aucun frein à ton impudeur ; ils disent que depuis ta promotion à l'archidiaconat, tu as entretenu à tes côtés un troupeau de viles créatures d'où serait sorti tout un peuple de fils et de filles. Or tu sais quelle doit être la chasteté de celui qui est élevé au faîte de la charge pastorale : celui qui, après avoir reçu les ordres sacrés, est tombé, non seulement ne doit pas monter à un grade plus élevé, mais ne peut même exercer les fonctions dans l'exercice desquelles il a failli. Aussi saint Grégoire écrit-il à Janvier, évêque de Cagliari : Celui qui, investi des ordres sacrés, est tombé dans le péché de la chair, doit être privé de sa dignité, tellement qu'il lui est interdit d'exercer le saint ministère de l'autel. Tu sais aussi que celui qui est choisi pour l'office de pasteur doit prier pour le péché des peuples et devient comme le médiateur entre Dieu et les hommes : ce qui fait dire à saint Grégoire dans ses Œuvres morales : Celui qui vit dans h péché, accablé par sa faute, ne peut délier les fautes d'autrui. Et dans le Pastoral : Il est évident pour tous que si l'on emploie pour intercesseur quelqu'un qui est déplaisant, l'irritation loin de cesser ne fait que s'accroître. Tes accusateurs ajoutent à leur calomnie que tu as été élu sans leur avis et sans leur consentement. S'il en est ainsi, très cher frère, ta situation est périlleuse et te présage, à mon sens, des épreuves infinies. Consulte donc le témoignage de ta conscience, afin de persévérer dans ta voie en tout honneur et discrétion, ou au contraire de te désister spontanément dans l'intérêt de ton salut : car la retraite doit être agréable quand elle est faite en vue du salut. Adieu, et aie confiance dans mon amitié en tout ce qui sera juste et honnête.

 

EPISTOLA LVIII. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, congregationi Senonensi Beati Stephani, salutem et suae necessitatis debitum adminiculum.

Petitorio vestro mandavit nobis vestra fraternitas, ut electum vestrum in Purificatione beatae Mariae, pro officio nostro ordinemus in presbyterum, sequenti autem Dominica consecremus in episcopum; sed apostolica institutio et paterni canones habent ut non fiat levitica vel sacerdotalis ordinatio, nisi jejunio quarti mensis, septimi et decimi, aut initio Quadragesimae, vel Sabbato medianae Quadragesimae. Et quia periculum est ordinatoris et ordinati citra ordinem a Patribus traditum, sacrum ordinem tradere vel accipere, et verba sunt Sapientiae: Haereditas ad quam festinatur in principio, in novissimo benedictione carebit (Prov. XX) : exspectet interim vestra fraternitas legitima tempora, donec cum confratribus nostris, et cum ipso electo colloquium habeamus, et quidquid fieri vel non fieri possit, diligenti inter nos examinatione pertractemus. Obstare enim quaedam videntur, de quibus nobis cum ipso electo agendum est, antequam ipsius electionem confirmemus, quod ad praesens Deo annuente fieri poterit (apud Senones, v. c. ) cum ad colloquium regis pariter convenerimus. Valete.

 

LIX. (58, A et C.-63, B.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à la congrégation de Saint-Étienne de Sens, salut et fidèle secours dans le besoin.

Votre fraternité m'a demandé de conférer, suivant les pouvoirs de notre charge, l'ordre de prêtrise à votre élu le jour de la Purification de la bienheureuse Marie, puis, le dimanche suivant, la consécration épiscopale. Mais les décrets apostoliques et les canons de nos Pères ont prescrit de ne faire aucune ordination lévitique ou sacerdotale que lors du jeûne des quatrième, huitième et dixième mois, ou au commencement du carême, ou le samedi de la mi-carême. Le consécrateur et l'ordinand seraient coupables de donner ou de recevoir les ordres sacrés hors des temps fixés par les Pères, et le livre de la Sagesse s'exprime ainsi : Un héritage recueilli au début avec trop de précipitation entraîne la malédiction finale. Que votre fraternité attende donc les temps légitimes. Cependant, nous nous entendrons avec nos confrères et avec votre élu pour examiner attentivement ce qu'il y a lieu de faire ou de ne pas faire ; car il se rencontre certains obstacles dont il nous faut nous entretenir avec votre élu, avant que son élection puisse être confirmée. Avec la grâce de Dieu, nous pourrons avoir prochainement cette entrevue lorsque nous aurons été ensemble nous présenter devant le Roi. Adieu.

 

EPISTOLA LIX. HUGONI, Dei gratia Lugdunensi archiepiscopo apostolicae sedis legato, IVO, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, cum debita obedientia devoti famulatus obsequia

Si dilectioni vestrae aliquando fuit de parvitate mea bona spes, non oportuit gravitatem vestram tam cito desperare, nec malevolorum, non quae Dei sunt sed sua quaerentium, obtrectationibus tam facile aurem inclinare: ut eorum lacerationibus, qui non possunt aliter sibi famam probitatis acquirere, nisi famae insidientur alienae, suspicemini me aut in via Dei non ambulasse, aut ab ea propter humanum favorem deviasse. Testis enim est mihi scrutator renum et conscius secretorum, quia in consecratione Aurelianensis episcopi in qua mansuetudinem vestram exasperasse nunc videor, immunis est manus mea ab omni munere, munda est mens mea ab omni temporalis commodi exspectatione. Ea etiam mala quae de praedicto episcopo sollicitudini vestrae suggesta sunt, vel inaudita mihi fuerunt vel incognita, vel si aliqua ad aures meas pervenerunt quae purgatione digna viderentur, licet nulla exstaret legitima accusatio sic tamen sunt secundum canonicam institutionem publica sacramentorum examinatione purgata, ut si qua posset remanere pro humana infirmitate suspicio, jam non humano, sed divino mihi videretur reservanda judicio. Unde sine ulla disceptatione testimonium mihi reddit conscientia mea, me nihil in hoc negotio commisisse quod adversetur rectae fidei sanaeque doctrinae, qui generales Patrum sanctiones de ordinatione episcoporum me nescio transcendisse. Nam quod opposuistis castitatem ejus non fuisse probatam, nec a me in litteris meis fuisse commendatam, superfluum mihi visum fuit, post domnum papam de castitate ejus disceptare, cujus praecepto videram eum Romae in presbyterum ordinari (cujus eadem lex est continentiae, quae et episcopi ) cujus etiam sacerdotium post litteras papae commendatitias legi litteris vestris commendatum, et episcopum suum, qui ejus sacerdotium aspernabatur, a vobis vehementer reprehensum. Quod vero mihi scripsistis, propter officium legationis vobis injunctae prius hoc ad notitiam vestram fuisse referendum, ut tunc cum demum consecraremus, cum quod vobis bene placeret, agnosceremus, quoniam sic praecepit Leo papa Anastasio Thessalonicensi episcopo legato suo ; personale hoc fuisse intelligimus privilegium, non generale decretum, maxime cum secundum eumdem Leonem, « legationis officium pars sit apostolicae sollicitudinis, non plenitudo potestatis. » Quae etiam pars modo plus, modo minus recipit pro arbitrio committentis. Sed quia modo per vos demum cognovi, quod nec dicto nec scripto alicujus ante didiceram, non est meum studium contra privilegium legationis vestrae, vel quantamcunque sublimitatem divina dispensatio vobis dare voluerit, contentiose agere, qui semper fui paratus pro viribus obedire, et honestati vestrae contra omnes obtrectatores vestros, eos etiam qui me nunc apud vos lacerant, quantum praevalui propugnare. De caetero itaque consulo sollicitudinem vestram, ut mihi rescribatis quid nobis agendum sit de Daimberto Senonensis Ecclesiae electo, quem, licet nobis inconsultis electum, Senonenses clerici offerunt in initio Quadragesimae ordinandum, ac denuo in episcopum consecrandum. Commendant enim eum satis accurate electores ejus, et generis nobilitate, et morum honestate, et publicarum actionum strenuitate. Cujus electio si juxta vobis videbitur, petimus ut nullas moras innectatis; si injusta qua lege differenda sit, vel cassanda, me et consuffraganeos meos sic litteris vestris instruatis, ut nec uni, nec alteri, sed omnibus hoc onus imponatis. Bene valete, et a versutia Turonenensis archiepiscopi diligenter vobis cavete, ne plus noceat amicus quam nocere noterit inimicus.

 

LX. (59, A et C. — 64, B.) A Hugues, par la grâce de Dieu, archevêque de Lyon, légat du siège apostolique, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, hommage de dévouement avec l'obéissance qui lui est due.

Si votre affection eut jadis bonne espérance de mon humilité, il ne convient pas à votre gravité de désespérer sitôt de moi et de prêter si facilement l'oreille aux calomnies d'hommes malveillants qui cherchent leurs intérêts et non ceux de Dieu. Ils ne peuvent autrement s'acquérir une renommée de probité qu'en attaquant la réputation d'autrui ; aussi veulent-ils par leurs accusations vous faire croire que je ne marche pas dans la voie de Dieu et que je l !ai abandonnée pour la faveur humaine. J'en prends en témoignage le Dieu qui scrute les reins et qui voit dans le secret de nos cœurs : dans l'affaire du sacre de l'évêque d'Orléans, qui me paraît exaspérer contre moi votre mansuétude,[17] ma main est restée pure de tout présent, mes intentions sont demeurées étrangères à toute vue d'intérêt temporel. Les torts dudit évêque qui ont été signalés à votre mansuétude m'étaient restés complètement inconnus, ou s'il était parvenu à mes oreilles quelques faits dont il eût à se laver, bien qu'ils ne fussent appuyés sur aucune accusation légitime, il s'en est cependant, selon l'institution canonique, purgé par des serments publics. C'est pourquoi si, à cause de l'infirmité humaine, il reste encore quelque chose de suspect dans sa conduite, je crois que le jugement en appartient non aux hommes, mais à Dieu. Je puis le dire sans hésiter : ma conscience me rend ce témoignage que, dans cette affaire, je n'ai rien commis de contraire à la plus droite foi, à la plus stricte discipline ; je ne pense pas avoir transgressé les prescriptions générales des Pères sur l'ordination des évêques. Vous me reprochez de n'avoir pas fait d'enquête sur la pureté de ses mœurs et de ne vous avoir pas écrit à ce sujet ; mais il m'a paru superflu de faire cette enquête après le seigneur pape. Ne l'avais-je pas vu, par le commandement du seigneur pape, ordonné prêtre a Rome,[18] et les prêtres n'ont-ils pas la même loi de continence que les évêques ? N'ai-je pas lu les lettres par lesquelles, sur la recommandation du pape, vous approuviez son sacerdoce, et par lesquelles vous blâmiez sévèrement son évêque qui ne voulait pas reconnaître son ordination ?

Quant à ce que vous m'écrivez que, à cause de votre qualité de légat, nous eussions dû vous en référer d'abord et ne le sacrer qu'après avoir connu votre bon plaisir, parce qu'ainsi le pape Léon conféra ce privilège à son légat Anastase, évêque de Thessalonique, nous vous répondrons que ce privilège nous paraît exclusivement personnel et non général, d'autant que le même Léon s'exprime ainsi : L'office de légat est une participation à la sollicitude apostolique, et non la plénitude de la puissance. Or cette participation admet le plus ou le moins, selon la volonté de celui qui la confère. Mais puisque j'apprends aujourd'hui par vous ce que je n'avais jamais connu ni de vive voix ni par écrit, je n'ai pas l'intention de contester le privilège de votre légation ni la sublimité, si grande qu'elle soit, que vous a confiée la dispensation divine, moi qui toujours fus prêt à vous obéir tant que je le pus et à défendre de toutes mes forces votre réputation contre tous vos détracteurs, les mêmes qui maintenant me déchirent près de vous.

Je veux d'ailleurs vous consulter sur la règle de conduite à tenir vis-à-vis de Daimbert, élu de l'église de Sens.[19] Bien qu'il ait été élu sans qu'on m'ait consulté, les clercs de Sens me le présentent pour que je l'ordonne au commencement du Carême et que je lui donne ensuite la consécration épiscopale. Ses électeurs le recommandent vivement, et pour la noblesse de sa race, et pour l'honnêteté de ses mœurs, et pour le courage de sa vie publique. Si son élection vous paraît légitime, nous vous demandons de n'apporter aucun retard ; si elle vous semble illégitime, faites savoir, par lettre, à moi et aux autres suffragants de l'archevêché de Sens, pour quelle raison elle doit être différée ou cassée, afin que cette charge n'incombe pas à tel ou tel, mais à tous. Portez-vous bien et gardez-vous avec soin des intrigues de l'archevêque de Tours, de peur que son amitié ne vous soit plus nuisible que ne le furent jamais ses précédentes inimitiés.

 

EPISTOLA LX. HUGONI Lugdunensi archiepiscopo sedis apostolicae legato, IVO humilis Ecclesiae Carnotensis minister, salutem et servitium.

Factum est ut imperastis, et manus a consecratione Senonensis electi continuimus, et litteras vestras per comprovinciales episcopos pro apostolicae auctoritatis obedientia direximus. Petendo itaque consulimus, et consulendo petimus discretionem vestram, ut parcius de caetero nos apostolicae obedientiae vinculis astringatis, ne humeris nostris importabilia imponendo, in inobedientiam labi, prohibente aliqua impossibilitate, vel imperante aliqua necessitate faciatis, quia facile est vobis comminante arcu de longinquo pugnare, nobis autem nimis periculosum adversantem gladio de praesenti ferire. Nos tamen interdicta seu mandata pro fidei defensione, pro fidelium correctione, pro sceleratorum emendatione, pro imminentium vel futurorum malorum interdictione, promulgata a sede apostolica sic volumus observare ut parati simus, Deo cooperante, quaelibet adversa pro eorum defensione tolerare. Cum vero ea quae indifferenter se habent et in quibus non observatis, minime salus periclitatur, vel observatis minime juvatur, tam obnixe servanda sancitis, vel cum ea quae antiquitas sanxit, consuetudo servavit, et venerabilium auctoritas Patrum sacrata firmavit, prout vultis, minuitis, aut mutatis, attendere debet prudentia vestra, quid saluti eorum quibus per omnia prodesse debetis, conferatis, vel quorum institutio sit potius tenenda, vel quibus obedientia potius sit exhibenda, an illis sanctis Patribus qui adhuc nobis in scriptis suis loquuntur, an vobis quibus nihil est aliud propositum, nisi priorum sequi et honorare vestigia. Neque haec dico, quod contra novos excessus non liceat nova promulgare mandata, sed hoc dico, quod dicit papa Zozimus Narbonensibus (can. Contra, caus. 25, q. 1) : « Contra statuta Patrum concedere aliquid vel immutare, nec hujus quidem sedis potest auctoritas, apud nos enim inconvulsis radicibus vivit antiquitas, cui decreta Patrum sanxere reverentiam. » In libro quoque pontificum, qui dicitur Diurnus, ita continetur de professione Romani pontificis: « Nihil de traditione quam a probatissimis praedecessoribus meis traditam et servatam reperi, diminuere, vel mutare, aut aliquam novitatem admittere, sed ferventer ut eorum discipulus et sesquipeda totis mentis meae conatibus, quae tradita canonice comperio, observare ac venerari profiteor. » Beatus quoque Gregorius Maurentio magistro pro causa Theodori: « Grave nimis est contra veterem usum sacerdotes sibi quidquam arripere. » Item idem: « Omnia quae usus antiquitatis statuit, intemerata serventur. » Inde Leo quartus scribit judici Sardiniae: « Nec mos, nec noviter introducta consuetudo nostrae Ecclesiae nostris praedecessoribus fuit, contra canonum statuta, nova vel inusitata praesumere. » Item Gregorius universis episcopis Numidiae (ep. 75, l. I, et in caus. Nos, dist. 12) : « Consuetudinem, quae contra fidem nihil usurpare dignoscitur immotam permanere concedimus, sive de primatibus constituendis, sive de caeteris capitulis. » Item Leo quartus Lothario: « Quod justa ac sedula consuetudo sedula, ms. c. ] nos imitari non praecepit, ita ab hoc veluti a magno praecipitio nos custodire oportet. » Nicolaus quoque inter caetera sic scribit Hincmaro Remensi archiepiscopo: « Ridiculum est et satis abominabile dedecus, ut traditiones quas antiquitus a Patribus suscepimus, infringi patiamur. » Gelasius quoque universis episcopis per Dardaniam de hac eadem re ita scribit (can. Quia per, dist. 64) : « Quia per ambitiones illicitas non pudet quosdam Ecclesiarum jura turbare, et privilegia quae metropolitanis vel comprovincialibus episcopis decrevit antiquitas, avida praesumptione pervadere, non respicientes quoniam aeterno judici rationem tam de catholicae sinceritatis injuria, quam de traditionum praejudiciis paternarum non sine perpetuae damnationis interitu sint reddituri; si in hac obstinatione permanserint, charitatem vestram duximus instruendam, ut vos omnes in commune fratres per Dardaniam, sive per contiguam quamque provinciam constituti, qui vos sub metropolitanis vestris esse meministis, et ab eisdem substitui decedentes, sicut vetus consuetudo deposcit, unanimiter studeatis antistites, et vicissim si metropolitanus humanae conditionis sorte recesserit, a comprovincialibus episcopis, sicut vetus forma transmisit, sacrari modis omnibus censeatis. » Cum ergo tam ista quam alia generalia instituta tam absolute consecrationem metropolitani contineant, miramur cur privatis legibus et novis traditionibus veteres traditiones et consuetudines removere contenditis, praecipiendo ut Senonensis electus ante consecrationem suam vobis praesentetur, et jure primatus vestri subjectionem et obedientiam profiteatur. Quod hactenus nec in Senonensi provincia, nec in aliis provinciis antiquitas instituit, nec consuetudo servavit. Unde papa Nicolaus inter caetera sic scribit Radulpho archiepiscopo Bituricensi aliqua ultra jus primatis sibi usurpanti (infra epist. 83) : « Primates vel patriarchas nihil privilegii habere prae caeteris episcopis, nisi quantum sacri canones concedunt, et prisca illis consuetudo contulit, diffinimus, ita ut secundum regulas Nicaenas sua privilegia serventur Ecclesiis (c. 6 Nic. conc. et c. Mos antiquus, dist. 6). » Quod si privilegio vestrae legationis eum vobis contenditis praesentari, qui nec apud nos, nec apud vos ab aliquo est accusatus, non ita papa Leo Anastasio instituit Thessalonicensi episcopo vicario suo, sed ut tantum de nomine electi ad notitiam ejus provinciales referant sacerdotes (c. De persona, dist. 65), ipse autem nullis difficultatibus, nullis dilationibus justas fatigaret electiones. Quantum enim audivimus, persona nobiliter nata, competenter erudita, boni testimonii inter notos, cum in ecclesia sua diaconatus fungeretur officio, sine ulla dissonantia gratuitam habuit electionem. Sed si his exactionibus modo cederet, diceretur munere linguae vel officii suam comparasse consecrationem. Quod autem scripsisti praedictum electum investituram episcopatus de manu regis accepisse, nec relatum nobis ab aliquo qui viderit, nec cognitum. Quod tamen si factum esset, cum hoc nullam vim sacramenti gerat in constituendo episcopo vel admissum vel omissum, quid fidei, quid sacrae religioni officiat, ignoramus, cum post canonicam electionem reges ipsos apostolica auctoritate a concessione episcopatuum prohibitos minime videamus (ep. 104, et c. Cum longe, dist. 63). Legimus enim sanctae recordationis summos pontifices aliquando apud reges pro electis ecclesiarum, ut eis ab ipsis regibus concederentur episcopatus ad quos electi erant, intercessisse (c. Reatina 16, dist. 63) aliquorum, quia concessiones regum nondum consecuti fuerant, consecrationes distulisse (c. Agatho et seqq., dist. 63). Quorum exempla supposuissemus, nisi prolixitatem epistolae vitassemus. Domnus quoque papa Urbanus reges tantum a corporali investitura excludit (inf. ep. 233 ), quantum intelleximus, non ab electione, in quantum sunt caput populi, vel concessione; quamvis octava synodus solum prohibeat eos interesse electioni, non concessioni. Quae concessio sive fiat manu, sive nutu, sive lingua, sive virga, quid refert? cum reges nihil spirituale se dare intendant, sed tantum aut votis petentium annuere, aut villas ecclesiasticas et alia bona exteriora, quae de munificentia regum obtinent Ecclesiae, ipsis electis concedere. Unde Augustinus super Joannem prima parte, tractatu sexto (c. Quo jure, dist. 8) : « Quo jure defendis villas Ecclesiae, divino an humano? divinum jus in Scripturis habemus, humanum in legibus regum. Unde quisque possidet quod possidet, nonne jure humano? Nam jure divino: Domini est terra et plenitudo ejus (Psal. XXIII). Jure humano dicitur: Haec villa mea est, haec domus mea est, hic servus meus est. Tolle jura imperatorum, quis audet dicere: Haec villa mea est, meus est iste servus, mea est ista domus? » Item: « Noli dicere: Quid mihi et regi? Quid tibi ergo et possessioni? Per jura regum possidentur possessiones. Dixisti: Quid mihi et regi? Noli dicere possessiones tuas, quia ad ipsa jura renuntiasti humana, quibus possessiones possidentur. » Quod si haec aeterna lege sancita essent, non esset in manu praesidentium, ut ea in quibusdam districte judicarent in quibusdam misericorditer relaxarent, ipsis in honore accepto permanentibus contra quos ista loquuntur. Nunc vero quia ea illicita maxime facit praesidentium prohibitio, licita quoque eorumdem pro sua aestimatione remissio, videmus nullos aut pene nullos pro hujusmodi transgressione damnatos, plurimos autem vexatos, plurimas ecclesias spoliatas, plurima scandala exorta, divisum regnum et sacerdotium, sine quorum concordia res humanae nec incolumnes esse possunt nec tutae. Videmus quoque miseros episcopos et abbates, nec ruinis morum nec murorum reficiendis velle vel posse vacare, solum ad hoc intentos, ut possint sibi aliquam linguam magniloquam amicam facere, cujus nundinis se possint utcunque defensare. Multi quoque electi qui gratuitam et canonicam habent eletionem, quia hujusmodi dilationibus vel fatigationibus impediuntur; comparatis sibi pecunia mediatoribus et prolocutoribus, ne turpem patiantur repulsam, in Simoniacam offendunt aliquando consecrationem. Cum ergo omnis institutio ecclesiasticarum legum ad salutem referenda sit animarum, istarum institutionum transgressiones aut districtius essent corrigendae, ut saluti prodessent, aut interim silentio premandae, ne spiritualia vel corporalia commoda supradictis modis impedirent. Nec ista dico tanquam velim adversus sedem apostolicam caput erigere, vel ejus salutaribus dispositionibus obviare, vel meliorum sententiis praejudicium facere, si vivis nitantur rationibus, et evidentioribus veterum Patrum auctoritatibus. Sed hoc vellem cum multis mecum pie sentientibus, ut Romanae Ecclesiae ministri tanquam probati medici majoribus morbis sanandis intenderent, et non ab irrisoribus suis audirent: Culicem excolantes et camelum glutientes, mentem, rutam, ciminum, et anetum decimatis, graviora autem legis praecepta praetermittitis (Matth. XI), cum per totum pene mundum flagitia et facinora videamus publice perpetrari, nec ea a vobis aliqua justitiae falce resecari. Quorum exempla quia vel a vobis non sunt remota, vel vobis non ignota, non est meum eos speciali sermone taxare. Vos videritis quid de his et similibus agere debeatis. Nunc vero specialiter ad hoc intendit stylus meus, ut electum (Daimbertum ut supra ) Senonensis Ecclesiae, si nihil in eo quod sacris canonibus obviet, repertum fuerit, secundum morem antiquum consecrari permittatis, quia de tantillo jure, cedere quod habent Ecclesiae nostrae, nec volumus nec debemus cedere : cum beatus dicat (ep. 6, l. I, ad Magnum) : « Quam periculosum sit in divinis rebus, ut quis cedat jure suo et potestate, Scriptura sacra declarat, cum Esau primatus suos inde perdiderit, nec recipere id postmodum potuerit quod semel cessit. » Quod si huic petitioni nostrae acquieveritis, consecrato omni studio persuadebimus, ut primatum Lugdunensis Ecclesiae recognoscat, vobis sicut primati suo deferat et omnem debitam reverentiam secundum traditiones Patrum exhibeat. Qui si acquiescere noluerit nostris persuasionibus, nos tamen ab his quae praeceperit apostolica sedes, non recedemus. Si autem petitionibus nostris non acquieveritis, et aliquod schisma inde fuerit exortum contra votum nostrum, secure dicam, neque iniquitas mea, neque peccatum meum (Psal. LVIII), neque vos poteritis dicere vobis non fuisse praedictum. De caetero praedam a Puteacensibus in me et in Carnotensem ecclesiam factam (epist. 75, 111, 112 et 204) jure possem a vobis repetere, si reverentiam vestram in jus vocare possem, qui ad suggestionem aemulorum meorum, praedictos sacrilegos a me et a coepiscopis meis communione privatos, me nesciente, communioni reddidistis ac per hoc scelerum suorum impunitate ad perpetranda majora sacrilegia relaxastis. Quorum utrum faciendum fuerit, vel post factum cognita veritate corrigendum, judicet justitia vestra, cum justa vincula non solvat nisi vera poenitentia. Si ad haec omnia respondere non licet, vel non placet, ad haec saltem duo ultima respondeat sanctitas vestrae. Bene vale.

 

LXI. (60, A et C. — 65, B.) A Hugues, archevêque de Lyon, légat du siège apostolique, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, salut et obéissance.

Il a été fait comme vous l'avez commandé ; nous nous sommes abstenu de consacrer l'élu de Sens,[20] et par obéissance pour l'autorité apostolique nous avons communiqué votre lettre aux évêques de notre province. Mais nous demandons et conseillons, nous conseillons et demandons à votre discrétion de ne pas faire peser si lourdement sur nous à l'avenir les chaînes de l'obéissance apostolique, de peur qu'en chargeant nos épaules d'un fardeau intolérable, vous ne nous forciez, par quelque impossibilité ou quelque nécessité, à tomber dans la désobéissance. Il vous est facile de tendre de loin votre arc pour le combat, mais il nous est périlleux de frapper de près-notre adversaire avec le glaive. Cependant nous voulons observer les interdits ou les mandements promulgués par le siège apostolique pour la défense de la foi, la correction des fidèles, l'amendement des coupables, la répression des maux présents ou futurs, et nous sommes prêt, avec l'aide de Dieu, à supporter toutes les adversités pour leur défense. Mais lorsque vous prescrivez si sévèrement des mesures en elles-mêmes indifférentes qui, si on les néglige, ne nuisent en rien au salut, ou qui, si on les observe, ne le servent en rien ; lorsque vous affaiblissez ou que vous modifiez à votre gré les règles que l'antiquité a sanctionnées, que l'usage constant a maintenues, que l'autorité vénérable des Saints Pères a consacrées, votre prudence doit considérer en quoi vous travaillez au salut de ceux que vous devez en tout servir. A quels enseignements devrons-nous nous conformer, à quels maîtres devrons-nous obéir, aux Saints Pères qui par leurs écrits parlent encore à nos oreilles, ou à vous qui ne devez vous proposer que de suivre et d'honorer les traces de vos prédécesseurs ? Je ne veux pas dire qu'on ne peut porter de nouvelles ordonnances contre de nouveaux abus ; mais je dis avec le pape Zozime s'adressant aux habitants de Narbonne : Faire des concessions ou des changements contraires aux décrets des Pères, l'autorité du Saint-Siège elle-même, ne le peut pas, car auprès de nous l'antiquité vit avec des racines qu'on ne peut arracher, et les décrets des Pères ont ordonné de la respecter. Dans le livre pontifical qu'on appelle Diurnus, lors du serment que prête le souverain pontife, on lit : Je jure de ne rien diminuer, ni changer ni innover à la tradition que j'ai reçue de mes augustes prédécesseurs, mais d'observer et de vénérer, de tous les efforts de mon esprit, comme leur disciple et leur successeur, tout ce que j'ai trouvé canoniquement établi. Saint Grégoire dit dans une lettre au maître Maurant, en la cause de Théodore : Il est très dangereux pour les prêtres d'altérer en quoi que ce soit les anciennes coutumes. Et encore : Tout ce qui est établi par un ancien usage doit être observé religieusement. Léon IV écrit au juge de Sardaigne : Jamais ni autrefois ni récemment il n'est entré dans les coutumes de nos prédécesseurs de rien tenter de nouveau ou d'inusité contre les règles canoniques. Grégoire dit de même à tous les évêques de Numidie : Nous voulons voir rester immuable toute coutume qui n'est pas contraire à la foi, soif pour V institution des primats, soit pour tout autre motif. Léon IV écrivant à Lothaire : Ce qu'une juste et constante tradition, dit-il, ne nous commande pas d'imiter, mus devons nous en garer comme d'un profond précipice. Entre autres choses, Nicolas écrit à Hincmar, archevêque de Reims : C'est un ridicule et abominable abus de permettre qu'on viole les antiques traditions que nous avons reçues de nos pères. Gélase, s'adressant sur le même sujet à tous les évêques de Dardanie, leur dit : Mus par une ambition illicite, certains hommes n'ont pas honte d'attaquer les droits des églises.et d'usurper insolemment les privilèges que l'antiquité a consacrés aux métropolitains et aux évêques comprovinciaux, ne songeant pas que, au risque de leur damnation éternelle, ils devront rendre compte au juge éternel de l'injure qu'ils font à la foi catholique et de la violation des traditions des Saints Pères. S'ils persistent dans leur obstination, vous tous, nos frères de Dardanie ou des provinces voisines, qui vivez dans l'obédience due à vos métropolitains, instruits par les enseignements que nous adressons à votre affection, lorsqu'un de vos prélats viendra à mourir, laissez à vos métropolitains le soin de nommer son successeur, comme le veut l'ancienne coutume ; mais s'il arrive qu'à son tour le métropolitain vienne à quitter la vie, que son successeur soit nommé par les évêques comprovinciaux, comme l'a prescrit l'ancien rit de l'Eglise. Puis donc que ces textes et d'autres décrets généraux déterminent d'une manière si précise la forme de consécration des métropolitains, nous sommes étonné de vous voir remplacer les anciennes traditions et les anciennes coutumes par des règlements particuliers et par des usages nouveaux. Ne prétendez-vous pas en effet que l'élu de Sens, avant sa consécration, se présente devant vous et jure obéissance et soumission à votre juridiction primatiale ; ce que jusqu'à ce jour aucune antique institution, aucun usage n'a établi ni dans la province de Sens ni ailleurs. Le pape Nicolas, entre autres choses, écrit ce qui suit à Raoul, archevêque de Bourges, qui avait dépassé les bornes de sa juridiction primatiale : Nous voulons que les primats ou les patriarches n'aient au-dessus des autres évêques aucun autre privilège que ceux qui leur sont accordés par les saints canons ou par les coutumes anciennes, en sorte que, suivant les règles du concile de Nicée, les églises particulières conservent leurs privilèges propres. Si vous prétendez qu'en vertu du privilège de votre légation il doit vous être présenté, bien que personne ne l'accuse ni près de nous ni près de vous, ce ne sont pas là les instructions que le pape Léon donnait à son vicaire Anastase, évêque de Thessalonique. Il voulait seulement que les prêtres provinciaux fissent connaître au légat le nom de leur élu, mais il n'entendait pas que celui-ci, par des difficultés ou des délais quelconques, retardât de légitimes élections. Selon ce que nous avons appris, l'élu de Sens est de noble race, de science compétente, de bonne réputation parmi ceux qui le connaissent ; il s'acquittait dans son église de l'office de diacre lorsque, sans discussion, sans simonie, il a été élu archevêque.

S'il cédait aujourd'hui à vos prétentions, il semblerait avoir acheté sa consécration au prix de quelque complaisance dans ses paroles ou dans son office.

Quant à ce que vous écrivez qu'il a reçu de la main du Roi l'investiture épiscopale, aucun témoin oculaire ne vous l'a dit ni ne nous l'a fait connaître. En admettant même que cela soit, comme cette investiture, qu'elle soit donnée ou non, n'apporte aucune force de sacrement à l'élection d'un évêque, nous ne voyons pas en quoi elle peut porter atteinte à la foi ou à la sainte religion. L'autorité apostolique n'a jamais défendu aux rois, après l'élection canonique, de mettre les prélats en possession des évêchés. Nous lisons au contraire que des souverains pontifes de sainte mémoire ont parfois intercédé près des rois pour des évêques élus, afin que les souverains les missent en possession de leurs évêchés ; quelquefois même ils ont différé la consécration des prélats, parce que ceux-ci n'avaient pas encore obtenu le consentement des rois. Nous vous aurions cité ces exemples, si nous ne voulions éviter dans notre lettre la prolixité. Le seigneur pape Urbain lui-même, si nous avons bien compris, n'interdit aux rois que l'investiture corporelle ; il ne les exclut ni de l'élection, en tant qu'ils sont la tête du peuple, ni de la mise en possession : le huitième synode leur interdit, il est vrai, d'assister à l'élection, mais il ne parle pas de la mise en possession. Que celle-ci se fasse par la main, ou par le signe, ou par la parole, ou par le bâton, qu'importe ? puisque les rois ne prétendent point donner aucun pouvoir spirituel, mais seulement obéir aux vœux des électeurs, et concéder aux élus les domaines ecclésiastiques ou les autres biens extérieurs, que les églises possèdent de la munificence royale. Aussi saint Augustin, dans son commentaire sur saint Jean, 1re partie du 6e traité, s'exprime ainsi : De quel droit défends-tu la propriété des églises, du droit divin ou du droit humain ? Le droit divin réside pour nous dans les Écritures, le droit humain dans les lois des rois. Aussi est-ce de droit humain que chacun possède ce qu'il possède. Car, de droit divin, au Seigneur appartient la terre et tout ce qu'elle renferme. Mais c'est de droit humain qu'on dit : Ceci est mon domaine, ceci ma maison, ceci mon serviteur. Enlevés les droits des seigneurs, et qui osera dire : Ceci est mon domaine, ceci mon serviteur, ceci ma maison ? Et ailleurs : Ne dis pas : Qu'y a-t-il de commun entre moi et le roi ? Qu'y a-t-il donc de commun entre toi et tes biens ? C'est en vertu du droit royal que les biens sont possédés. Tu as dit : Qu'y a-t-il de commun entre moi et le roi ? Ne parle donc plus de tes biens, car tu as renoncé à tous les droits humains qui seuls permettent de posséder des biens. Que si les investitures étaient défendues par la loi éternelle, les souverains pontifes ne pourraient à leur gré, tantôt les interdire rigoureusement, tantôt les tolérer miséricordieusement, en permettant à ceux qui les reçoivent de conserver leurs honneurs. Mais comme ce qui rend les investitures illicites, c'est surtout la défense des souverains pontifes, tandis que ce qui les rend licites, c'est la permission de ceux-ci, nous voyons que jamais ou presque jamais on n'a été condamné pour avoir enfreint en cela les ordres apostoliques : mais que de vexations à ce sujet, que d'églises spoliées, que de scandales, quelles divisions entre la royauté et le sacerdoce, dont la concorde peut seule assurer la sécurité aux choses humaines ! Nous voyons aussi de malheureux évêques et abbés qui ne peuvent vaquer à réparer les ruines morales ou matérielles qui sont autour d'eux, occupés qu'ils sont à s'assurer l'amitié de quelque langue haut placée, dont la faconde pourrait les défendre dans un cas donné. Beaucoup d'élus dont l'élection a été exempte de vénalité et conforme aux canons, empêchés par des délais ou des obstacles semblables à ceux que vous alléguez, s'achètent par de l'argent des protecteurs et des avocats, et, de peur de subir un refus honteux de consécration, ils tombent parfois dans la simonie. Puisque donc le but de toute loi ecclésiastique est de tendre au salut des âmes, il faudrait ou punir rigoureusement toutes les infractions à ces lois pour servir au salut, ou parfois les passer sous silence de peur de nuire aux intérêts spirituels et temporels. Je ne dis pas cela pour lever la tête contre le siège apostolique ou pour faire opposition à ses sages décrets, ou pour critiquer les avis de meilleurs que moi si ces avis s'appuient sur de vives raisons et sur l'autorité évidente des anciens Pères ; mais je voudrais, avec bien d'autres qui pensent pieusement comme moi sur ce sujet, que les ministres de l'Église Romaine, semblables à d'habiles médecins, s'appliquassent à guérir les graves maladies, et ne prêtassent pas à rire à leurs détracteurs qui leur disent : Vous reculez devant un moucheron et vous avalez un chameau. Vous levez la dîme sur la menthe, la rue, le cumin et le fenouil, et vous oubliez les préceptes les plus graves de la loi. Ne voyons-nous pas, par tout le monde, les désordres et les crimes s'étaler au grand jour, et vous ne prenez pas la faux de la justice pour les réprimer. Ces exemples ne sont pas loin de vous ou vous ne les ignorez pas ; aussi n'ai-je pas besoin de vous les indiquer davantage. Voyez quelle doit être votre conduite en ces circonstances.

Je reviens au but spécial de ma lettre. Si, dans l'élection de l'église de Sens, vous ne voyez rien de contraire aux saints canons, permettez-nous de consacrer l'élu suivant l'ancienne coutume. Nous ne voulons ni ne devons rien céder du faible droit qu'ont nos églises. Saint Cyprien dit en effet : La sainte Ecriture enseigne combien il est dangereux dans les choses divines de céder quelque chose de son droit et de son pouvoir ; car c'est ainsi qu’Esaü perdit son droit d'aînesse, et il lui fut impossible plus tard de recouvrer ce qu'il avait cédé. Si vous acquiescez à notre demande, nous persuaderons de tout notre pouvoir au nouvel évêque que nous aurons consacré de reconnaître la juridiction primatiale de l'église de Lyon, de se soumettre à vous comme à son primat, et de vous témoigner, suivant les traditions des Saints Pères, tout le respect qui vous est dû. S'il ne se rend pas à nos raisons, nous ne nous écarterons pas néanmoins de ce que nous prescrira le siège apostolique. Que si au contraire vous ne souscrivez pas à nos demandes et que, contre tous nos souhaits, quelque schisme soit la conséquence de ce refus, je dirai, en toute assurance : la faute n'est pas mienne ; le péché n'est pas mien, et vous ne pourrez pas dire que je ne vous l'avais pas prédit.

En dernier lieu, s'il m'était permis de citer en droit votre révérence, je pourrais justement réclamer de vous les dommages que les seigneurs du Puiset ont causés à moi et à l'église de Chartres. Car, à la suggestion de mes ennemis, sans m'en informer, vous avez rétabli dans la communion ecclésiastique ces sacrilèges que moi et mes coévêques nous avions excommuniés, et par l'impunité de leurs crimes vous les avez excités à en commettre de plus grands. Que votre justice décide elle-même si elle devait agir ainsi et s'il ne convient pas, maintenant que vous savez la vérité, de réparer ce que vous avez fait, car il n'y a que le vrai repentir qui puisse délier les chaînes qui ont été justement imposées. Si vous n'avez pas le temps ou qu'il ne vous plaise pas de répondre à tous les points de ma lettre, que votre sainteté veuille bien du moins nous répondre sur les deux derniers. Adieu.

 

EPISTOLA LXI. HUGONI primae sedis episcopo Romanae Ecclesiae legato, IVO, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, salutem et obsequium.

Secundum mandatum vestrum gratanter et devote vobis quacunque occasione, ubicunque opportune fieri posset, occurreremus, sed de terra nostra exire vel in eamdem redire sine magno periculo non possumus, propter quosdam sceleratos viarum nostrarum observatores quos pro pace violata et caeteris enormitatibus suis Satanae tradidimus. Praeter hoc secundum consuetudinem Ecclesiae nostrae, synodum VII Kal. Novemb. celebrare debemus, in qua de negotiis ecclesiasticis et pace totius patriae multa nobis tractanda sunt, quae sine praesentia nostra vel non tractarentur, vel tractata non terminarentur. Verum de eo quod consecrationem Nivernensis electi ad nostram dioecesim pertinetem, Augustuduni facere disposuistis, simpliciter dico paternitati vestrae, quia nec dispositionem vestram reprehendimus, quoniam reverentiae vestrae deferimus, nec tamen approbamus, quia nec ex auctoritate, nec ex consuetudine ordinem hujus consecrationis habemus, nec in consuetudinem ducere sine multa deliberatione audemus, timentes rei fieri sponsionis quam metropolitanae sedi fecimus. Cujus praesides si non recte incedunt, videtur nobis secundum Dominicum praeceptum enormitas eorum devitanda, pervicacia arguenda, non autem potestas cathedrae, quae non sacris locis propter personas hujus temporis, sed propter sacra loca personis conceditur, est evertenda. Cum ergo metropolitana sedes ad praesens ab hoc officio suspensa sit, possemus nos pro sede metropolitana confratribus nostris, secundum consuetudines nostras, intra diocesim hoc sacramentum consecrationis implere, confirmata per ministerium vestrae legationis praetexatae personae electione, quam aliter facientes quam cum ea vel pro ea, vel non confirmantes, videremur praelatam nobis cathedram quodammodo subvertere. Quod si aliquando contigit, penuria catholicorum episcoporum vel aliqua alia necessitate cogente aliquem episcopum, a comprovincialibus non fuisse consecratum ; non debent haec exempla praejudicium facere legi communi vel generali consuetudini. Licet enim prudentia vestra velit et debeat ministerium suum honorare, reminisci tamen debet, quia cum Petrus Paulo esset; praelatus, dederunt tamen sibi invicem dexteras societatis (infra epist. 234), ut alter in gentibus, alter in circumcisione praedicaret Evangelium (Gal. II). Attendat ergo discretio vestra, utrum hoc ita fieri liceat, et si liceat, utrum expediat, ne forte odisse et detrectare incipiant jugum vestrum, quos vultis habere subjectos dum hoc exemplo suo se intellexerint jure esse privandos. Quanta autem firmitate singulis Ecclesiis sua sint jura servanda demonstrat Stephanus quintus papa ita scribens Walberto patriarchae : « Miramur prudentiam vestram Cumensi Ecclesiae denegare consecrare pastorem, cum te etiam ad hoc provocatum noveris apostolica exhortatione. Nunc vero iterato tibi scribimus, nolentes alicujus Ecclesiae privilegium infringere, licet apostolica praerogativa possimus de qualibet Ecclesia clericum ordinare. » Cum ergo praecipua virtus sit viri illustris Parcere subjectis et debellare superbos, (VIRGIL., VI Aeneid.) cavendum est vestrae solertiae ne glorientur adversus nos, recalcitrantes adversus vos, tanquam plus profuerit eis sua repugnantia quam nobis obedientibus nostra obedientia. Sed non est opus ut nos multum in dicendo laboremus, quia nihil ultra terminos Patrum vestram moderationem usurpare arbitramur. Valete.

 

LXIII. (62, A — 66, B. — 61, C.) A Hugues, primat, légat de l'Église Romaine, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, salut et hommage.

Suivant ce que vous nous mandez, nous nous rendrions avec plaisir et dévouement près de vous, en toute circonstance, partout où nous pourrions le faire commodément, mais nous ne pouvons sans un grand péril sortir de notre diocèse et y revenir, à cause de la scélératesse de certains détrousseurs de grands chemins que nous avons livrés à Satan à cause de la violation de la paix et d'autres énormités. En outre, suivant la coutume de notre église, nous devons célébrer, le 26 novembre, un synode dans lequel nous avons à traiter beaucoup de questions relatives aux affaires ecclésiastiques et au bien de la paix générale, et si nous n'étions pas la ces questions ne seraient pas traitées, ou traitées ne seraient pas résolues. Vous vous proposez de célébrer à Autun le sacre de l'élu de Nevers qui appartient à notre diocèse, je dirai simplement à ce sujet à votre paternité que nous ne blâmons point votre décision, parce que nous nous soumettons à votre révérence, mais que nous ne l'approuvons pas cependant, parce que nous ne trouvons l'ordre de ce sacre conforme ni à l'autorité ni à la coutume, et que nous n'oserions, sans une sérieuse délibération, faire passer cet ordre en coutume, de peur de paraître coupable vis-à-vis du siège métropolitain auquel nous devons fidélité. Que si ceux qui y président dévient de la droite route, nous devons, suivant le précepte divin, éviter leur erreur, signaler leur faute, mais non pas ébranler le pouvoir de la chaire ; car ce pouvoir qui recommande et fait honorer les personnes ne dépend pas de la sainteté des personnes. Puis donc qu'aujourd'hui cet office est interdit au siège métropolitain nous pourrions, au lieu et place de la métropole, conférer le sacrement de consécration à nos confrères dans l'intérieur de notre diocèse, suivant nos coutumes, une fois que, par le ministère de votre légation, leur élection aurait été confirmée. En agissant autrement, en n'assistant pas dans le sacre notre métropolitain ou en ne le célébrant pas à sa place, nous semblerions en quelque sorte renverser les droits de la métropole à laquelle nous appartenons. Si parfois, par manque d'évêque catholique ou par quelque autre nécessité, il est arrivé qu'un évêque n'ait pas été sacré par ses comprovinciaux, ces exemples ne peuvent causer préjudice à la loi commune et à la coutume générale. Que votre prudence veuille et doive veiller à l'honneur de son ministère, c'est de toute justice, mais elle ne doit pas oublier cependant que Pierre était le supérieur de Paul, et que néanmoins ils convinrent ensemble d'aller prêcher l'Evangile, l'un chez les Gentils, l'autre chez les Juifs. Que votre discrétion examine donc si elle peut agir comme elle se le propose, et au cas où elle le pourrait, qu'elle considère si cela est expédient : prenez garde de faire haïr et repousser votre joug par ceux que vous voulez vous voir soumis, lorsqu'ils connaîtront par cet exemple qu'ils sont menacés d'être privés de leurs droits. Les droits de chaque église doivent être conservés avec le plus grand soin ; c'est ce qu'enseigne le pape Etienne V écrivant au patriarche Gualbert : Nous sommes surpris que ta prudence refuse de consacrer le pasteur de l'église de Cumes, surtout lorsque tu y es invité par le siège apostolique. Nous t'écrivons de nouveau à ce sujet, car nous ne voulons enfreindre le privilège d'aucune église, bien que par la prérogative apostolique nous puissions ordonner un clerc de n'importe quel diocèse. Comme la première vertu de l'homme élevé en dignité est de pardonner aux humbles et d'abaisser les superbes, que votre sagesse prenne garde que ceux qui vous font opposition ne se glorifient contre nous de notre obéissance. Mais il n'est pas besoin de nous fatiguer à vous écrire longuement, car nous sommes certain que votre modération ne voudra en rien transgresser les bornes posées par les Pères. Adieu.

 

EPISTOLA LXII. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, SANCTIONI confratri et coepiscopo, salutem et servitium.

Pacem quam feci cum Adelecia Puteacensis castri domina, super quam admiramini, non ita feci ut aliquid vestri juris usurparem. Sed omne quod ad vestrum jus pertinet, patenter exciperem. Meam enim tantum injuriam remisi non vestram, et hoc postulavi a fraternitate vestra, ut pro praeteritis injuriis meis supra praedictam feminam nullam exerceretis vindictam. Ad quam rem magna ex parte me compulit timor vester. Significastis enim mihi litteris vestris multa incommoda imminere vobis et Ecclesiae vestrae, si differrem pacem cum ea facere. Unde inventa occasione volui tam vestris quam meis commodis providere. Si ergo restant aliquae injuriae ad propriam parochiam pertinentes, ne videar vobis esse importunus, prout vobis placuerit et ratio permiserit eas expostulate. De clericis autem vel monachis Puteacensibus, qui contra interdictum vestrum missas celebraverunt, mortuos sepelierunt, chrisma aliunde acceperunt, hoc vobis respondeo et consulo, ut si gratiam Lugdunensis archiepiscopi pleniter habetis, cujus consensu interdictum vestrum praedicti Puteacenses cassatum fuisse dicunt, plenam secundum rigorem canonicum super ejusmodi transgressores vindictam exerceatis, ut et istos et alios ab hujus inobedientia compescatis, secundum illud Apostoli: In promptu habentes ulcisci omnem inobedientiam (II Cor. X). Alioquin, levius erit ea supportare, quae non licet ad plenum vindicare. De Gervasio (epist. 261 et 266) quoque non debet vestra fraternitas mirari vel indignari, quod eum ad communionem in paschali curia suscepi. Pro regia enim honorificentia hoc feci, fretus auctoritate legis, in qua legitur: « Si quos culpatorum regia potestas aut in gratiam benignitatis receperit, aut mensae suae participes effecerit, hos etiam sacerdotum et populorum conventus suscipere in ecclesiastica communione debebit, ut quod principalis pietas recipit, nec a sacerdotibus Dei alienum habeatur. » Vale.

 

LXII. (61, A. — 123, B. — 62, C.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à Sanction, son confrère et son coévêque, salut et dévouement.

La paix que j'ai conclue avec Adélaïde, dame du Puiset,[21] et dont vous vous étonnez, n'a pas été faite pour enlever quelque chose de votre droit ; mais au contraire j'ai pris soin de formellement excepter tout ce qui est de votre ressort. Je n'ai pardonné que le mal qui m'avait été fait, non celui que vous aviez éprouvé, et ce que j'ai demandé à votre fraternité, c'est de n'exercer aucune vengeance contre cette femme pour les injures passées que j'ai eu à souffrir d'elle. Si j'ai agi ainsi, c'est en grande partie pour calmer vos craintes ; car vous m'avez fait connaître par vos lettres que de grands dommages menaçaient vous et votre église si je différais de faire ma paix avec la dame du Puiset. Aussi, trouvant une occasion favorable, j'ai voulu travailler à vos intérêts et aux miens. S'il reste encore à venger quelques injures qui vous soient personnelles, je ne veux pas vous empêcher de les poursuivre selon qu'il vous plaira et que la raison le permettra. Quant aux clercs et aux moines du Puiset qui, malgré votre interdit, ont célébré la messe, enseveli les morts, fait venir d'ailleurs les saintes huiles, voici ma réponse et mon conseil. Si vous êtes complètement dans les bonnes grâces de l'archevêque de Lyon, dont le consentement a levé votre interdit, suivant les dires des Puisotiers, poursuivez, d'après la rigueur canonique, une pleine vengeance de cette transgression, afin de les arrêter eux et les autres dans cette désobéissance, selon la parole de l'Apôtre : Soyez prêts à punir toute désobéissance. Autrement, il sera préférable de supporter ce que vous ne pouvez absolument empêcher.

Pour ce qui concerne Gervais,[22] votre fraternité ne doit pas non plus s'étonner et s'indigner que je l'aie admis à la communion pascale. Je l'ai fait par égard pour la majesté royale, m'appuyant sur l'autorité de la loi, qui dit : Si la puissance royale a reçu en grâce quelques coupables ou les a admis à sa table, l'assemblée des prêtres et du peuple doit aussi les recevoir à la communion ecclésiastique, afin que ceux que la bonté du prince a accueillis, les prêtres de Dieu ne les rejettent pas. Adieu.

 

EPISTOLA LXIII. IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, LEUDONI fratri et compresbytero, salutem.

Post multam oblivionem recordatus sum tuae petitionis et meae sponsionis, quia spoponderam me scripturum aliqua contra quorumdam nescio simplicium an duplicium ineptias, qui secundum Apostolum nesciunt neque quae loquuntur, neque de quibus affirmant (I Tim. I), dicentes quascunque personas etiam sacrum ordinem non habentes, verba Dominica proferentes, sacramenta altaris et caetera ecclesiastica sacramenta posse conficere, et salubriter accipientibus ministrare. Quorum fatuitas multipliciter improbari potest, partim ratione, partim divinorum operum attestatione, postremo sanctorum Patrum irrefragabili auctoritate. Primo namque si a quibuscunque personis divina sacramenta confici et tractari possent, ex abundanti constitutus esset in Ecclesia ordo sacerdotalis et leviticus; quod impium est aliquem arbitrari, cum hunc utrumque ordinem et vetus lex, primo, Domino jubente, sub figura constituerit, et evangelica vel apostolica doctrina postmodum in veritate consecraverit. Unde in Exodo Dominus ita loquitur ad Moysem: Porro filiis Aaron tunicas lineas parabis, et balteos ac tiaras in gloriam et ad decorem, vestiesque his omnibus Aaron fratrem tuum, et filios ejus cum eo, et cunctorum consecrabis manus, consecrabisque eos ut sacerdotio fungantur mihi (Exod. XXVIII). Et in consequentibus: Hoc oleum unctionis sanctum erit mihi, et juxta compositionem ejus non facietis aliud (Exod. XXX). Et item: Sanctum sanctorum erit in thymiama, tamen compositionem non facietis. Quicunque homo fecerit simile, peribit de populis suis (ibid.). Unde legitur in Levitico quod Nadab et Abiu, filii Aaron, cum acceptis thuribulis posuissent ignem, et incensum desuper offerentes coram Domino ignem alienum, quod eis non erat praeceptum, egressus est ignis a Domino et devoravit eos (Lev. X). Quid est autem ignem alienum sacrificio opponere, nisi sacerdotii opus sine legitima ordinatione ex sui spiritus praesumptione usurpare? Habemus quoque in Levitico, quia completis a sacerdote summo Aaron hostiis pro peccato et holocaustis et pacificis, egressus ignis a Domino devoravit holocaustum et adipes quae erant super altare (Lev. IX). Unde e contrario in libro Numeri legitur quod cum Datan, Core et Abiron, sacerdotium sibi usurpare volentes, imposito igne thuribulis, thymiama superposuissent, non thymiama divinus ignis adolevit, sed absorptis principibus a terra complicem multitudinem similiter thurificantem materialis ignis assumpsit (Num. XVI). Sicut ergo divinus ignis holocausta umbratilia a legitimis tamen sacerdotibus oblata visibiliter absumebat et in se convertebat, usurpatorum autem victimas non tantum respuebat, verum etiam usurpantes terribiliter condemnabat; sic divina virtus sacramenta hujus temporis a legitimis sacerdotibus ministrata invisibiliter consecrat et in veritatem Christi corporis et sanguinis transformat. Aliter vero praesumentium hostias non tantum habet irritas, verumetiam ipsos praesumptores interim caecitate interiore condemnat, in futuro quoque eis irremediabiles poenas parat. Neque enim illa sacrificia quae erant umbra futurorum, solis verbis Dominus perfici voluit, sed omnia circumstantia mysteria et ministeria ad completionem eorum adhiberi praecepit, altaria videlicet et vasa ad hoc opus sacrata, sacerdotes quoque et ministros ad haec offerenda vel ministranda ordinatos non sine ornamentis mysticis ad hoc officium sanctificatis, de quorum omnium sanctificatione sic habemus in Levitico: Tulit Moyses unctionis oleum quo linivit tabernaculum cum omni supellectili sua. Cumque sanctificans aspersisset altare septem vicibus, unxit illud et omnia vasa ejus, labrumque cum basi sua, quod fundens super caput Aaron unxit eum et consecravit, filiosque ejus oblatos vestivit lineis tunicis, et cinxit balteos (al. balteo), imposuitque mitras, ut jusserat Dominus (Lev. VIII). Et post pauca: Assumensque unguentum et sanguinem qui erat super altare, aspersit super Aaron et super vestimenta ejus, et super filios ejus ac vestes eorum, et sanctificavit in vestitu suo. Completa autem sanctificatione dixit Moyses ad Aaron: Accede ad altare, et immola pro peccato tuo. Offer holocaustum et deprecare pro te et pro populo. Statimque Aaron immolavit vitulum pro peccato suo, cujus sanguinem obtulerunt ei filii ejus (Lev. IX). In quibus attendendum est quia primum sacratur tabernaculum, altare et vasa, sacerdotes et indumenta sacerdotalia, dehinc jubetur ut accedant ad altare sacrificaturi, et pro suis populique peccatis Dominum deprecaturi, ut intelligat populus Christianus, quia si, in his sacrificiis quae tantum fiebant ad emundationem carnis, cum tanta reverentia, iste ritus ministrorum et ministeriorum erat observandus, quanto magis in consecratione Dominici corporis et sanguinis, in quibus consistit emundatio carnis et spiritus, non statim ad mysticas benedictiones et obsecrationes, quibus illa consecratio perficitur, quilibet est admittendus, nisi primum fuerit in ordine sacerdotali consecratus, et omnium congruentium supellectilium, et omnium circumstantium ministeriorum plenitudine subornatus. Quod vero alius quam sacerdos ad consecrandum accedere non debeat, legitur in libro Numeri dicente Domino ad Aaron: Tu et filii tui, custodite sacerdotium vestrum; et omnia quae ad cultum altaris pertinent, et intra velum sunt, per sacerdotes administrabuntur. Si quis externus accesserit, occidetur (Num. XVIII). Quid Aaron nisi summos sacerdotes, quid filii ejus nisi minores significant sacerdotes? qui accipientes a summis sacerdotibus manus impositionem, tanquam per paternam successionem, promoventur ad sacerdotalem beneditionem; qui ea quae intra velum sunt administrant, dum corpus et sanguinem Domini, quae intus aliud sunt, aliud foris apparent, mystica benedictione consecrant, et fidelibus populis salubriter administrant. Quid est autem externus nisi in presbyterali officio non consecratus? qui autem sacramenta Dominica simulare praesumit, juste occiditur, quia a corpore justorum sua praesumptione praeciditur. Quod vero non sine sacris vestibus ministrare debeant, legitur in Exodo: Cum enim Dominus ad Moysem loquens vestes sacerdotales enumerasset, addidit: Facies et feminalia linea, ut operiant carnem turpitudinis suae a renibus usque ad femoralia (feminalia, ms. c.) et utentur eis Aaron et filii ejus, quando appropinquant ad altare, ut ministrent in sanctuario, ne iniquitatis rei moriantur (Exod. XXVIII). De caetero si ad paginas veniamus evangelicas, legimus Salvatorem non laicis personis, sed solis discipulis suis sacramenta sui corporis et sanguinis commisisse celebranda. Qui etiam cum sacerdotium vetus transferre vellet in novum, praecepit eisdem discipulis ut sibi Pascha pararent in coenaculo, ubi ipse manifeste novo functus sacerdotio eos hujus sacerdotii constituit successores, post ministratam Eucharistiam ita illis praecipiens: Hoc facite in meam commemorationem (Marc. XIV; Luc. XXII). Quid est quod Salvator primum in coenaculo voluit hoc sacramentum celebrari, nisi quia coenaculum celsior est habitatio domus, sicut sacerdotium celsior est in Ecclesia gradus? Cum ergo facta Domini, et facta sint in aperto, et aliud loquantur in occulto, quid voluit Dominus hac loci positione signari, nisi ut nemo attrectare praesumat hoc mysterium, nisi prius pervenerit ad sacerdotium? Hinc et Apostolus ad Hebraeos: Nec quisquam sumit sibi honorem, sed qui vocatur a Deo tanquam Aaron (Hebr. V). Hoc officium ab apostolis, caeteris presbyteris per successionem esse relictum testatur Hieronymus in epistola ad Heliodorum monachum: « Absit ut de eis sinistrum quidquam loquar, qui apostolico gradui succedentes, corpus Christi sacro ore conficiunt, per quos nos etiam Christiani sumus, qui habent claves regni coelorum. » Quod autem non solum solemnibus verbis divina contenta sint sacramenta, testatur idem Hieronymus in explanatione super Sophoniam his verbis (c. 3 in Sophon., et in can. Sacerdotes, c. 1, q. 1) : « Sacerdotes qui Eucharistiae serviunt, et sanguinem Domini populis ejus dividunt, impie agunt in legem Christi, putantes eucharistiam imprecantis facere verba non vitam, et necessariam esse tantum solemnem orationem, et non sacerdotum merita, de quibus dicitur: Et sacerdos in quacunque fuerit macula, non accedet offerre oblationes Domino (Lev. XXI). » Huic sententiae consonat Pater Augustinus, quod benedicere non possit quis, nisi fuerit ordinatus, ita dicens in quaestionibus Veteris Testamenti (c. Dictum 95, caus. 1, q. 1) : « Dictum est a Domino in Numeris ad Aaron: Vos ponite nomen meum super filios Israel. Ego Dominus benedicam eos (Num. VI), ut gratiam traditio per ministerium ordinati transfundat hominibus. Quanta autem dignitas sit sacerdotalis ordinis, hinc advertamus. Dictum est autem de nequissimo Caipha interfectore Salvatoris, inter caetera: Hoc autem a semetipso non dixit, sed cum esset princeps sacerdotum anni illius prophetavit (Joan. XI). Per quod ostenditur Spiritum sanctum gratiarum non personam sequi digni ut indigni, sed ordinem traditionis, aut quamvis aliquis boni meriti sit, non tamen possit benedicere nisi fuerit ordinatus, ut officium ministerii exhibeat. Dei autem est effectum tribuere benedictionis. » Ex his igitur claret, quia divinorum plenitudo sacramentorum non in solis constat mysticis orationibus et solemnibus verbis, sed etiam his quae supra taxata sunt indiget supplementis. Qui enim dedit praeceptum, ut ordinate fierent, negavit effectum veritatis quae in sacramentis intelligitur his qui traditum ordinem praetermitterent. Unde apostoli qui potestatem acceperant super omnia daemonia, cum quemdam lunaticum solo verbo sanare voluissent, et non valuissent, cum admiratione ad Dominum revertentes didicerunt se praetermisisse quaedam necessaria, sine quibus perfici non poterat illius lunatici cura. Ait enim: Hoc genus daemoniorum non ejicitur nisi in oratione et jejunio (Matth. XVII; Marc. IX). Si ergo hi qui potestatem acceperant, in quod intendebant praetermisso ordine implere non potuerunt, quid mysticum, quid divinum facere poterunt, qui nullam potestatem tractandorum divinorum mysteriorum acceperunt? Sufficiant tibi interim ista, charissime, quia cum his quae a nobis dicta sunt multa legendo reperiet tua diligentia, quibus facile propulsabitur talium vaniloquorum nulla ratione vel auctoritate fulta insipientia. Avertat autem Deus hunc errorem ab Ecclesia sua, qui eam mundavit sibi lavacro aquae in verbo, ut eam haberet sponsam sine macula et ruga (Ephes. V). Vale.

 

LXIV. (63, A et C. — 124 B.) Ives, humble ministre de l'église de Chartres, à Leudon, son frère en sacerdoce, salut.

Après les avoir longtemps oubliées, je me suis rappelé ta demande et ma promesse. Je t'avais promis en effet d'écrire contre les inepties de quelques hommes, que je ne sais trop si l'on doit accuser de simplicité ou de duplicité, mais qui, suivant les paroles de l'Apôtre, ne savent ni ce qu'ils disent ni ce qu'ils affirment, lorsqu'ils prétendent qu'une personne quelconque, n'ayant pas reçu les ordres sacrés, mais prononçant les paroles sacramentelles, peut faire le sacrement de l'autel et les autres sacrements ecclésiastiques et les administrer à ceux qui les reçoivent saintement. La vanité de leur raisonnement peut se prouver de bien des manières, par la raison d'abord, puis par le témoignage des œuvres divines, enfin par l'autorité irréfragable des Saints Pères. D'abord si la confection et l'administration des sacrements divins pouvaient se faire par des personnes quelconques, il eût été superflu d'instituer dans l'Église l'ordre sacerdotal et lévitique ; ce qu'il est impie de supposer, car ces deux ordres, et dans l'ancienne loi ont été d'abord établis en figure par le commandement de Dieu, et dans la doctrine évangélique et apostolique ont été depuis consacrés en vérité. C'est ainsi que dans l'Exode le Seigneur dit à Moïse : Tu prépareras des tuniques de lin pour les fils d'Aaron, des ceintures et des tiares pour la gloire et pour l'ornement de leur ministère. Tu revêtiras Aaron, ton frère, et ses fils avec lui de tous ces vêtements. Tu leur sacreras les mains à tous et tu les sanctifieras, afin qu'ils exercent les fonctions de mon sacerdoce. Et plus loin : Cette huile qui doit servir aux onctions me sera consacrée par vous, et vous n'en ferez point d'autre de même composition. Et encore : Ce parfum vous deviendra saint et sacré ; vous n'en composerez point de semblable. Quiconque en fera de semblable périra du milieu de son peuple. Aussi lit-on dans le Lévitique que comme Nadab et Abiu, fils d'Aaron, ayant mis dans leurs encensoirs le feu et l'encens, offraient devant Dieu un feu étranger qui n'était pas celui qui leur était prescrit, le Seigneur fit sortir un feu qui les dévora. Or apporter un feu étranger au sacrifice, qu'est-ce autre chose qu'usurper sans aucun droit et par une vaine présomption la charge du sacerdoce ? Nous voyons encore dans le Lévitique que lorsque le grand prêtre Aaron eut offert les hosties de propitiation, les holocaustes et les hosties pacifiques, un feu envoyé de Dieu dévora l'holocauste et les graisses qui étaient sur l'autel. Et au contraire on lit dans le livre des Nombres que comme Datan, Coré et Abiron, voulant usurper le sacerdoce, avaient placé des parfums sur le feu de l'encensoir, le feu divin ne consuma pas l'encens, mais ils furent eux-mêmes engloutis dans la terre, et une flamme matérielle dévora la multitude complice de leur crime et qui offrait de l'encens avec eux. De même donc que le feu divin dévorait visiblement et absorbait les semblants d'holocaustes offerts toutefois par des prêtres légitimes, et non seulement dédaignait les victimes des usurpateurs, mais encore condamnait terriblement ceux-ci, de même la vertu divine consacre invisiblement les sacrements administrés aujourd'hui par les prêtres légitimes et les transforme véritablement au corps et au sang de Jésus-Christ. Quant à ceux qui, sans en avoir le droit, osent présenter à Dieu des hosties, non seulement il ne tient pas compte de leurs offrandes, mais encore il les frappe d'aveuglement intérieur et leur prépare pour l'avenir des supplices sans remède. Pour ces sacrifices qui étaient l'image des sacrifices futurs, non seulement Dieu assigna des paroles spéciales, mais encore il régla tous les mystères et les instruments qui devaient servir à leur accomplissement, je veux dire les autels et les vases consacrés. Il voulut aussi que les prêtres et les ministres préposés pour les offrir ou les administrer fussent revêtus d'ornements mystiques sanctifiés pour cet office, comme le témoignent ces paroles du Lévitique : Moïse prit l'huile d'onction qu'il répandit sur le tabernacle et sur toutes les choses qui servaient à son usage. Et ayant sept fois fait les aspersions sur l'autel pour le sanctifier, il y versa l'huile ainsi que sur tous les vases et sur le grand bassin avec la base qui le soutenait. Il répandit aussi sur la tête d'Aaron l'huile dont il l'oignit et consacra. Et les fils d'Aaron lui ayant été présentai il les revêtit de tuniques de lin, les ceignit de ceintures et leur mit des mitres sur la tête comme le Seigneur l'avait ordonné. Et peu après : Prenant l'huile d'onction et le sang qui était sur l'autel, il fit l'aspersion sur Aaron et sur ses vêtements, sur les fils d'Aaron et sur leurs vêtements et les sanctifia dans leurs vêtements. Lorsque la sanctification fut acheva, Moïse dit à Aaron : « Approche de l'autel et immole pour ton péché. Offre l'holocauste et prie pour toi et pour le peuple. » Et aussitôt Aaron immola un veau pour son péché et ses fils lui en présentèrent le sang. Considérons ici que Moïse sanctifie d'abord le tabernacle, l'autel et les vases, les prêtres et les vêtements sacerdotaux, puis il leur ordonne d'approcher de l'autel afin d'y sacrifier et d'implorer le Seigneur pour leurs péchés et pour ceux du peuple. Que les fidèles chrétiens comprennent donc que, si, dans ces sacrifices qui se faisaient seulement par l'ablution de la chair, Dieu exigeait une si grande révérence dans les rites des prêtres et des choses sacrées, à bien plus forte raison, dans la consécration du corps et du sang de Notre-Seigneur, qui a la vertu de purifier la chair et l'esprit, le premier venu n'est pas apte aux bénédictions mystiques et aux prières qui parfont cette consécration ; mais il faut que d'abord le consécrateur soit revêtu de l'ordre sacerdotal et qu'il soit entouré de tout l'ensemble des instruments nécessaires et de tout ce qui doit accompagner le divin sacrifice. Aucun autre que le prêtre ne peut s'approcher de l'autel pour faire la consécration, c'est ce que commande le Seigneur dans les Nombres en s'adressant à Aaron : Toi et tes fils, dit-il, conservez votre sacerdoce, et que tout a qui appartient au culte de l'autel et qui est au dedans du voile se fasse par le ministère des prêtres. Si quelque étranger s'en approche, il sera frappé de mort. Que représente Aaron, sinon les prélats les plus élevés ? Que représentent ses fils, sinon les prêtres d'ordre inférieur ? Ceux-ci reçoivent des prélats l'imposition des mains, et, comme légitimes héritiers de leur père, ils sont promus à la bénédiction sacerdotale. Alors ils consacrent par une bénédiction mystique et ils administrent aux peuples fidèles le gage du salut, le corps et le sang du Seigneur, cachés sous des apparences qui les dérobent à leur vue. Que faut-il entendre par cet étranger, sinon ceux qui ne sont pas revêtus du caractère de prêtre ? S'ils osent simuler les sacrements divins, ils seront justement frappés de mort, car par leur présomption, ils se sont séparés du corps des justes. On ne doit pas remplir le saint ministère sans les vêtements sacrés ; c'est ce que nous apprenons dans l'Exode. Le Seigneur en effet parlant à Moïse avait énuméré tous les vêtements sacerdotaux, puis il dit : Tu feras aussi des caleçons de lin pour couvrir ce qui est déshonnête dans le corps depuis les reins jusqu'au bas des cuisses. Aaron et ses enfants s'en serviront quand ils approcheront de l'autel pour servir dans le sanctuaire, de peur que, coupables d'iniquité, ils ne meurent.

Si maintenant nous passons aux pages évangéliques, nous lisons que le Sauveur n'a pas confié à des laïcs, mais à ses seuls disciples le soin de célébrer les sacrements de son corps et de son sang. Comme il voulait changer l'ancien sacerdoce en le nouveau, il commanda à ses disciples de lui préparer la Pâque dans le Cénacle, et là, lui-même, manifestement revêtu du nouveau sacerdoce, les institua ses successeurs dans ce sacerdoce, leur disant, après leur avoir donné l'Eucharistie : Faites cela en mémoire de moi. Pourquoi le Sauveur voulut-il que ce sacrement fût d'abord célébré dans le Cénacle, sinon parce que le cénacle est la partie la plus élevée de la maison, comme le sacerdoce est le degré le plus élevé dans l'Église ? Puis donc que nous savons que tous les actes du Seigneur ont un sens caché et sont des figures, qu'a-t-il voulu signifier par cette position du Cénacle, sinon que personne n'osât toucher à ce mystère sans être d'abord parvenu au sacerdoce ? De là cette parole de l'Apôtre aux Hébreux : Personne ne s'élève de soi-même à l'honneur du sacerdoce ; il faut y avoir été appelé de Dieu comme Aaron. Ce ministère fut laissé par les Apôtres en héritage aux autres prêtres, comme le témoigne Jérôme dans une lettre au moine Héliodore : Loin de moi de rien dire de fâcheux contre ces hommes qui, successeurs des Apôtres, de leur bouche sacrée font descendre le corps du Christ sur l'autel, contre ces hommes qui nous font tous chrétiens, qui possèdent les clefs du royaume des deux. Les sacrements divins ne se font pas seulement par les paroles consacrées ; c'est ce que témoigne le même Jérôme, dans son commentaire sur Sophonie : Les prêtres qui distribuent la sainte Eucharistie et qui partagent aux peuples le sang du Seigneur commettent une impiété contre la loi du Christ s'ils pensent que l'eucharistie est faite par les paroles, et non par la pureté[23] du célébrant. Non seulement les prières sacramentelles sont nécessaires, mais aussi la sainteté des prêtres, car il est dit : « Le prêtre, si « légère faute qu'il ait commise, ne doit pas approcher pour offrir « des sacrifices au Seigneur. » Notre père saint Augustin confirme aussi cette vérité que personne ne peut bénir s'il n'a été ordonné, car il parle ainsi dans ses questions sur l'Ancien Testament : Dans les Nombres, le Seigneur a dit à Aaron : « Vous placerez mon nom sur les fils d'Israël, et moi, le Seigneur, je les bénirai, » afin que la grâce ne parvienne aux hommes que par le ministère de celui qui aura été ordonné. Voyons par là la dignité de l'ordre sacerdotal. Entre autres choses, il a été dit ceci de Caïphe, l'infâme meurtrier du Sauveur : « Ce n'est pas de lui-même qu'il a dit cela, mais comme en cette année il » était prince des prêtres, il a prophétisé. » D'où l'on voit que l'Esprit-Saint ne répand pas ses grâces suivant qu'on est digne ou indigne, mais qu'il suit l'ordre de la tradition. Aussi, quels que soient ses mérites, un homme ne peut bénir s'il n'a été ordonné pour remplir l'office du saint ministère. A Dieu appartient d'accorder l'effet de la bénédiction. De tout cela il résulte clairement que la plénitude des sacrements divins ne consiste pas seulement dans les prières mystiques et dans les paroles sacramentelles, mais dans l'accomplissement parfait de tout ce que nous venons d'indiquer. Car celui qui a prescrit l'ordre qui doit être observé a refusé à ceux qui négligeraient cet ordre le pouvoir d'atteindre la vérité qui est nécessaire pour les sacrements. Aussi les Apôtres qui avaient reçu la puissance sur tous les démons, voulant un jour guérir par leur seule parole un lunatique, et n'ayant pu y réussir, à leur grand étonnement, se retournèrent vers le Seigneur et apprirent de lui qu'ils avaient omis certaines pratiques nécessaires sans lesquelles ils ne pouvaient opérer la cure de ce lunatique.

Dieu leur dit en effet : Ce genre de démon n'est chassé que par la prière et par le jeûne. Si donc ceux qui avaient reçu la puissance ne purent accomplir ce qu'ils se proposaient sans suivre l'ordre nécessaire, que pourront faire de mystique ou de divin ceux qui n'ont reçu nul pouvoir d'accomplir les mystères divins ? Que cela te suffise en ce moment, mon très cher frère ; à ce que nous venons de te dire ta diligence ajoutera bien d'autres renseignements tirés de tes lectures, à l'aide desquels tu confondras facilement la sottise de ces vains parleurs qui ne s'appuient sur aucune raison et sur aucune autorité. Que Dieu détourne cette erreur de son église, qu'il a purifiée dans le bain de sa parole afin de l'avoir pour épouse sans tache et sans ride. Adieu.

 

EPISTOLA LXIV. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, JOANNI Aurelianensium electo, salutem.

De duobus illis clericis, Roberto videlicet et Vulgrino, super quibus nos consuluistis, quorum alter alterius archidiaconum dicitur invasisse, duabus de causis certam non possumus dare vobis sententiam. Primo quia magnum nobis arietem opponitis, Lugdunensis videlicet archiepiscopi institutum, cui obviando nec volumus, nec debemus alicui dare consilium. Postremo quia justus mediator non est, qui altero litigante et altero absente super re indiscussa certam vult determinare sententiam. Si autem aliquando in audientia nostra et aliorum ad quos id pertinet, haec controversia ventilata fuerit auditis utrorumque rationibus, quod ratio persuaserit et lex dictaverit, libenter proferemus. Vale.

 

LXVIII. (67, A. — 125, B. — 64, C.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à Jean, élu d'Orléans, salut.

Vous nous avez consulté au sujet de deux clercs, Robert et Vulgrin, dont l'un, dit-on, a usurpé l'archidiaconé de l'autre. Deux causes nous empêchent de vous donner à cet égard un avis certain. La première est que vous nous opposez ce puissant bouclier, le décret de l'archevêque de Lyon, contre lequel nous ne voulons ni ne pouvons nous élever pour donner un conseil à quelqu'un. En second lieu, on ne peut être un juste médiateur quand il s'agit de rendre une sentence définitive dans une cause qui n'a pas été discutée, lorsqu'une des parties défend ses intérêts et que l'autre est absente. Si un jour, devant nous et devant ceux que cela intéresse, ce différend est discuté, après avoir entendu les raisons des deux parties, nous porterons volontiers un jugement selon que la raison nous le conseillera et que la loi nous le dictera. Adieu.

 

EPISTOLA LXV. Domno et Patri suo URBANO summo pontifici, IVO filius, salutem et obsequium.

Postquam discessi a facie vestrae beatitudinis, multis hinc inde concurrentibus causis non fuit mihi facultas ad vos redeundi, nec per nuntium meum vestram celsitudinem salutandi. Cum enim Parisiensis episcopus ad vos proficisceretur, jam ferme compleverat iter octo dierum, quando nondum audieram eum ad vos esse venturum. Quo tamen audito, per quemdam servientem suum, misi post eum litteras istas, quibus commendo eum paternitati vestrae, utpote apud nos enutritum et eruditum, et quantum videbatur in annis adolescentiae suae innocenter et sine querela conversatum. Pro eo itaque quia ex indulgentia vestra pastoralem suscepit sollicitudinem, supplicamus paternitati vestrae ut eum materna pietate colligatis, paterna gravitate corrigatis, quatenus ex disciplina vestra correctior, ex gravitate vestra nobis reddatur gravior, videlicet ut studium venandi, et alia juvenilia desideria in se comprimat, studiosius solito orationi et lectioni incumbat. Praeterea summopere rogamus excellentiam vestram, ut eum munitum apostolicis litteris remittatis contra Latiniacensem abbatem et monachos ejus, qui nescio qua nova libertate suos excessus tuentur, et subjectionem Parisiensi Ecclesiae debitam et hactenus exhibitam, contra canonicam institutionem de cervice sua excutere moliuntur. Hae autem personae hujusmodi sunt, quibus magis necessaria est subjectio quam libertas, qui libertate in occasionem carnis abutuntur, quibus si decem millia paedagogorum in Christo ad custodiam deputarentur, vix tamen sic regularis continentiae legibus ligarentur. Sicut ergo decet discretionem moderationis apostolicae, ita rem inter utrumque temperate, ut nec Parisiensis Ecclesia suo jure minuatur, nec Latiniacense monasterium aliquod gravamen a Parisiensi Ecclesia indebite patiatur. De Senonensi electo, cujus consecratio a legato vestro Lugdunensi archiepiscopo ob hoc impeditur, quia ei jure primatus sui, ante consecrationem suam, obedientiam non profitetur, quid nobis agendum sit, rescribat vestra paternitas. Cum enim nulla aliquo accusante alia causa praetenderetur, propter quam ejus consecratio differretur, eo tamen jubente propter reverentiam vestram manus ab ejus consecratione continuimus ( vide epist. 60), cum de professione a metropolitanis primatibus facienda, nihil legamus consuetudine firmatum, vel legibus institutum, ultra quas metas nihil concessum esse primatibus testatur papa Nicolaus ita scribens, inter alia, Radulfo Bituricensi archiepiscopo: « Primates vel patriarchas nihil privilegii habere prae caeteris episcopis, nisi quantum sacri canones concedunt, et prisca consuetudo illis antiquitus contulit, definimus. » De pace sanctae Romanae Ecclesiae et vestra prosperitate, det nobis Dominus audire quod optamus. Valete.

 

LXV. (64, A. — 58, B. — 65, C.) A son seigneur et père Urbain, souverain pontife, Ives, son fils, salut et hommage.

Depuis que j'ai pris congé de votre béatitude, mille incidents divers m'ont empêché de retourner vers vous et d'envoyer saluer votre altesse. L'évêque de Paris partait vers vous,[24] et déjà il avait fait presque huit jours de chemin avant que j'apprisse son voyage. Dès que je l'eus connu, j'envoyai sur ses traces un de ses serviteurs pour lui remettre cette lettre, dans laquelle je recommande à votre paternité ce prélat, nourri et élevé près de nous et dont l'adolescence nous a toujours paru innocente et sans reproche. Comme déjà par votre indulgence il a reçu la dignité épiscopale, nous supplions votre paternité de l'accueillir avec une piété maternelle, de le reprendre avec une sévérité paternelle, afin qu'il nous soit rendu plus sage d'après vos avis, plus sérieux d'après votre gravité ; qu'il réprime en lui l'ardeur de la chasse et d'autres passions juvéniles ; qu'il se livre avec plus de zèle à la prière et à la lecture. Nous supplions vivement votre excellence de le renvoyer avec des lettres apostoliques contre l'abbé et les moines de Lagny. Ceux-ci en effet invoquent je ne sais quelles nouvelles libertés pour défendre leurs excès, et contre les décrets canoniques s'efforcent de secouer l'obéissance qu'ils doivent à l'église de Paris et qu'ils lui ont montrée jusqu'ici. Mais ils sont de ces gens à qui la soumission est plus nécessaire que la liberté, car ils abusent de la liberté pour se livrer aux plaisirs de la chair, et leur donnât-on pour les garder dix mille maîtres en Jésus-Christ, on pourrait à peine les contenir dans les lois de la continence régulière. Comme il convient à la discrétion de la modération apostolique, tranchez ce différend, de manière que l'église de Paris ne perde rien de son droit et que le monastère de Lagny n'ait à supporter aucune injustice de l'église de Paris.[25]

Quant à l'élu de Sens, dont votre légat, l'archevêque de Lyon, interdit le sacre, sous prétexte qu'avant sa consécration il ne veut pas faire serment d'obéissance à sa juridiction primatiale, que votre paternité nous mande ce que nous devons faire. Bien qu'on ne produisît contre lui aucune accusation qui pût faire différer son sacre, cependant, sur l'ordre de votre légat, par révérence pour vous, je me suis abstenu de le sacrer. Nulle part d'ailleurs nous ne trouvons ni coutume ni loi qui oblige les métropolitains à un tel acte d'obédience envers les primats. Les bornes des privilèges de ceux-ci sont indiquées dans une lettre du pape Nicolas à Raoul, archevêque de Bourges, où il est dit, entre autres choses : Nous voulons que les primats et les patriarches n'aient aucuns privilèges sur les autres évêques que ceux qui leur sont octroyés par les saints canons et par les antiques usages. Que le Seigneur nous accorde la grâce d'apprendre, comme nous le désirons, d'heureuses nouvelles de la paix de l'Église Romaine et de votre prospérité. Adieu.

 

EPISTOLA LXVI. HUGONI, Lugdunensis Ecclesiae primae sedis episcopo, Romanae Ecclesiae legato, IVO humilis Carnotensis Ecclesiae minister, salutem et servitium.

Quia decorem domus Dei vos hactenus dilexisse intelleximus, post domnum papam super omnes ecclesiasticas personas speciali amore vos dileximus, et famam vestram ab aliquo lacerari aequo animo ferre non potuimus. Eumdem itaque zelum in vobis nec frigere nec tepere aestimantes, miseriam Aurelianensis Ecclesiae ante oculos vestros ponimus (epist. 67), quam filii alieni sua quaerentes strangulant et devorant. De qua cum manu vestra avulsa esset arbor infructuosa, nunc inseritur pestifera. Turonensis enim archiepiscopus praedictae Ecclesiae paedagogus et incubus, in Natale Domini, regi contra interdictum vestrum coronam imponens (epist. 67, in fine), hac arte a rege obtinuit, ut Joannes qui per Joannem defunctum episcopum multis submurmurantibus et male sentientibus factus est archidiaconus, eidem Ecclesiae praeficeretur episcopus. De hoc enim rex Francorum non secreto, sed publice mihi testatus est, quod praedicti Joannis succubus fuerit. Et hoc ita fama per Aurelianensem episcopatum et vicinas urbes publicavit, ut a concanonicis suis famosae cujusdam concubinae Flora agnomen acceperit. Hoc quod dico clerus approbaret, hoc populus acclamaret, nisi metu regis comprimerentur, vel insidiis Turonensis archiepiscopi terrerentur, qui clericos sibi adversantes clandestinis delationibus curiae tradi facit (sic epist. 5), aut in exsilium pellendos, aut bonis suis spoliandos. Hic enim cum duos episcopatus habere non possit, Aurelianensem Ecclesiam, quam non potest retinere per propriam, per submissam vult possidere personam, ut in ea possit quos voluerit humiliare, quos voluerit sublimare. Cui non sufficit, quod in Ecclesia, in qua irrepsit contra canonicas et apostolicas sanctiones, toleratur, nisi ei liceat Ecclesiam Dei quibus libuerit procis prostituere, oculos videntium etiam medicorum vaniloquiorum suorum fumo, promissionum suarum nebulis intenebrare, ut quae audiunt de eo non audiant, quae vident non videant, et quae certa sunt tanquam ignota sustineant. Sic enim de seipso dicere solet « se non indigere bonis clericis vel canonibus, cum haec omnia praesto sint ei in marsupio suo. » Nec mirum, cui quod libet licet, et quod licet impune facit, ut multi inde scandalizati altius gemant, dicentes magis impetrare desideria sua apud judices ecclesiasticos, zelantes iniquitatem quam sequentes bonitatem. Veritas mihi testis est me non ista dicere tanquam adversus istos homines aliqua sit mihi privata controversia. Sed tabescere me facit zelus meus, cum videam in messe Dei vepres et spinas bonum semen suffocare, nullamque aut pene nullam eradicantem manum. Et si aliquando sunt qui perficiant malae arboris ruinam, non pervigilant usque ad fructuosae arboris insertionem; quod in hoc negotio manifestum est. Non enim Turonensis archiepiscopus ideo laboravit, ut Sanctio deponeretur, quatenus eo melior eidem Ecclesiae praeficeretur, sed hujusmodi qui ei per omnia famularetur. Iste etenim juvenis qui rege jubente, et Turonensi archiepiscopo impingente praedictae Ecclesiae est intrusus, ita est sub Turonensi archiepiscopo, sicut puer sub paedagogo, ut nec stans sedere, nec sedens audeat surgere, nisi eo jubente, aut innuente, utpote qui se ei ad turpes usus dicitur subdidisse. Ad ultimum, cum multa nefaria et turpissima dici verissime possent, quae deficientibus testibus veritatis pro humana infirmitate probari forsitan non possent, hoc ad repulsionem praedicti adolescentis sufficit, quod persona ignominiosa est, et per vicinas Ecclesias turpiter diffamata. Hic itaque per litteras regis et capituli mihi est oblatus suo tempore ordinandus in presbyterum, postmodum consecrandus in episcopum. Ejus autem electio nec adhuc a me est improbata, vel approbata, sed nec aliquando approbanda, nisi domni papae vel vestra me ad hoc pertrahat obedientia. Scio enim Ecclesiae Dei non tantum hoc esse ignominiosum, sed etiam perniciosum. Rogo itaque paternitatem vestram, ut in hac causa vigilantissime honestati et auctoritati vestrae consulatis, et Ecclesiae Dei provideatis, ne in manibus ejus committatur salus aliena, qui nunquam adhuc deliberavit de salute sua. Per portitorem itaque praesentium mihi rescribite quid me velitis super hoc negotio facere, ut quod responsurus sum respondeam Aurelianensibus ex vestra auctoritate. Ipsi tamen quidquid respondeam, de vestra benevolentia plus justo praesumentes vanizando dicunt, quod juxta petitionem Turonensis archiepiscopi eum consecrabitis, vel consecrari facietis. Quidquid autem vos faciatis, ego liberavi animam meam. Multi enim Aurelianenses ad haec quae dixi mihi darent testimonium, nisi timerent carcerem vel exsilium. Et ne me ista aliqua occasione confinxisse credatis, unam cantilenam de multis metrice et musice de eo compositam ex persona concuborum suorum vobis misi, quam per urbes nostras in compitis et plateis similes illi adolescentes cantitant, quam et ipse cum eisdem concubis suis saepe cantitavit, et ab illis cantitari audivit. Praeterea sciat vestra sollicitudo, quia cum abbas Burguliensis ore patulo, manibus apertis cum multa securitate ad curiam in Natale venisset ad accipiendum episcopatum, sicut ei illa praedicta regina promiserat; quia animadversi sunt plures et pleniores sacculi nummorum latere in apothecis amicorum istius quam apud abbatem, ille est admissus, iste est exclusus. Et cum abbas quereretur apud regem, quare sic eum delusisset, respondit: « Sustinete interim donec de isto faciam proficuum meum, postea quaerite ut iste deponatur, et tunc faciam voluntatem vestram. » Summa itaque haec est verborum meorum. Rogo, moneo, ut huic electioni nunquam assensum praebeatis, ne domum Dei publicum prostibulum et speluncam latronum faciatis. Postremo rogo, quia semel ab Aurelianensibus deceptus sum, si quid mihi de eo scribere volueritis, per talem nuntium cui credere possim, transmittatis. Et quia turpitudo non potest nisi verbis suis exponi, irreligiosis verbis pro religione tamen assumptis veniam, postulo. Valete.

 

LXVI. (65, A. — 67, B. — 66, C.) A Hugues, évêque de l'église primatiale de Lyon, légal de l'Église Romaine, Ives, humble ministre de Chartres, salut et dévouement.

Comme nous savons que vous avez jusqu'à ce jour chéri l'honneur de la maison de Dieu, après le seigneur pape, au-dessus de toutes les personnes ecclésiastiques, nous vous avons chéri d'un amour spécial et nous n'avons pu supporter patiemment que votre réputation fût déchirée. Persuadé que ce zèle n'est pas refroidi ni éteint en vous, nous mettons devant vos yeux la misère de l'église d'Orléans, que des fils étrangers, soucieux seulement de leurs intérêts, étranglent et dévorent. Votre main a arraché de cette église un arbre stérile, et voilà que l'on y plante un arbre empesté. L'archevêque de Tours, maître et parasite de cette église, en mettant la couronne, malgré votre interdit, sur la tête du Roi, lors des fêtes de Noël, a obtenu du prince, par cette complaisance, la nomination à l’évêché d'Orléans de Jean qui, aux murmures et au scandale de tous, avait été fait archidiacre par le défunt évêque Jean. Le roi de France le connaît bien cependant, car ce n'est pas en secret, c'est en public qu'il a dit à moi-même que ce Jean avait eu des complaisances infâmes pour l'évêque décédé, et cette inconduite est tellement publique, par tout l'évêché d'Orléans et par les villes voisines, que ses conchanoines ne l'appellent que Flora, nom d'une fameuse concubine. Ce que je vous dis là, le clergé entier le confirmerait, le peuple le proclamerait si l'on n'était retenu par la crainte du roi ou par les intrigues de l'archevêque de Tours ; car celui-ci, par des délations clandestines, fait livrer à la cour laïque ou exiler ou priver de leurs biens tous les clercs qui lui font opposition. Comme il ne peut à la fois posséder deux évêchés, il veut tenir en sa main l'église d'Orléans par une personne soumise, puisqu'il ne peut la posséder en propre, afin de pouvoir y abaisser ceux qu'il lui plaira, y élever ceux qu'il lui conviendra. Il ne lui suffit pas d'être toléré dans l'église où il s'est introduit contre les ordonnances canoniques et apostoliques,[26] il veut encore prostituer l'Eglise de Dieu aux courtisans de son choix. Il veut obscurcir de la fumée de ses vaines paroles les yeux des médecins clairvoyants, afin qu'ils n'entendent pas ce qui frappe leurs oreilles, qu'ils ne voient pas ce qui éclate à leur vue, qu'ils tiennent pour ignoré ce dont ils sont certains. Il a coutume de dire sans cesse de lui-même qu'il n'a pas besoin de bons clercs ou de canons, il tient tout cela dans sa bourse. Quand on voit un tel homme se permettre tout ce qui lui plaît et faire impunément ce qu'il se permet, comment s'étonner que les peuples scandalisés gémissent hautement et disent qu'il obtient tout ce qu'il désire des juges ecclésiastiques, plus portés à protéger l'iniquité qu'à défendre le bon droit. La vérité m'est témoin qu'en parlant ainsi je n'ai aucune haine personnelle contre cet homme ; mais je sèche de douleur quand je vois que, dans la moisson de Dieu, les mauvaises herbes et les épines étouffent le bon grain, et que pas une main pour ainsi dire ne se rencontre pour les détruire. Si parfois il en est qui arrachent le mauvais arbre, leur vigilance ne va pas jusqu'à planter un arbre fertile. C'est ce qui est manifeste en cette rencontre. L'archevêque en effet, en travaillant à faire déposer Sanction, ne tendait pas à donner un meilleur chef à l'église d'Orléans, mais seulement à y établir un prélat qui fût en tout son serviteur. Or ce jeune homme qui, sur l'ordre du Roi, à la suggestion de l'archevêque de Tours, a été poussé de force sur le siège d'Orléans, est tellement soumis à l'archevêque de Tours, comme un enfant à son maître, qu'il n'ose s'asseoir, qu'il n'ose se lever sans son ordre ou sans sa permission, tellement qu'on l'accuse de honteux rapports avec lui. Enfin on pourrait accumuler avec vérité contre ce nouvel élu de nombreux et honteux griefs, mais peut-être serait-il difficile de les prouver, car les témoins manqueraient par suite de la faiblesse humaine : qu'il suffise de dire, pour prouver son indignité, que sa personne est couverte d'ignominie et honteusement diffamée dans toutes les églises voisines. En leur temps, des lettres du Roi et du Chapitre me l'ont adressé pour que je l'ordonnasse comme prêtre, puis que je le consacrasse comme évêque ; mais je ne me suis pas encore prononcé sur son élection, qu'assurément je n'approuverai jamais, à moins d'y être entraîné par l'obéissance que je dois au seigneur pape et à vous. Car je sais que cela serait non seulement ignominieux, mais encore pernicieux pour l'Église de Dieu. Je prie donc votre paternité, en veillant soigneusement en cette affaire à la garde de votre honneur et de votre autorité, de veiller également aux intérêts de l'Eglise de Dieu. Que le salut d'autrui ne soit pas remis aux mains d'un homme qui n'a jamais songé à son propre salut. Mandez-moi par le porteur des présentes ce que vous voulez que je fasse en cette occurrence, afin que je réponde aux Orléanais ce que votre autorité jugera que je doive répondre. Ceux-ci d'ailleurs, quelle que soit ma réponse, présumant plus qu'ils ne doivent de votre bienveillance, ne se cachent pas de dire en se moquant que vous ferez la consécration, ou que vous la ferez faire comme le demande l'archevêque de Tours. Quoi que vous décidiez au reste, j'ai dégagé ma responsabilité. Beaucoup d'Orléanais porteraient témoignage de la vérité de ce que je dis s'ils ne craignaient la prison ou l'exil. Pour que vous ne croyiez pas que j'aie rien inventé, je vous ai envoyé, entre beaucoup d'autres, une chanson[27] dont les vers mis en musique racontent ses relations coupables avec ses favoris. Les jeunes débauchés semblables à lui la chantent à travers nos villes, dans les places et les carrefours, et lui-même l'a chantée souvent avec ses favoris ou l'a entendu chanter par eux.

Que votre sollicitude sache encore la mésaventure de l'abbé de Bourgueil.[28] La bouche enfarinée, les mains ouvertes, il se rendait en toute assurance à la Cour, lors des fêtes de Noël, pour recevoir l'épiscopat, comme la prétendue Reine le lui avait promis ; mais il se trouva que les amis de l'autre avaient plus de sacs d'argent et que ceux-ci étaient plus pleins que ceux de l'abbé : aussi celui-là fut-il reçu et celui-ci refusé. Et comme l'abbé se plaignait au Roi d'avoir été ainsi joué, le Roi lui répondit : Attendez que j'aie tiré mon profit de celui-ci, puis faites en sorte qu'il soit déposé, et alors je vous accorderai ce que vous désirez.

Voici en résumé ce que je vous demande. Je vous prie, je vous avertis de ne jamais donner votre assentiment à cette élection de peur de faire de la maison de Dieu un lieu public de débauche et une caverne de voleurs. Enfin je vous demande, comme les Orléanais m'ont déjà trompé une fois, si vous voulez m'écrire à ce sujet, de me faire parvenir votre réponse par un messager auquel je puisse accorder toute confiance. Et comme les choses honteuses ne peuvent s'exprimer que par leurs noms, veuillez m'excuser d'avoir employé des expressions qui semblent irréligieuses et dont je me suis servi par zèle pour la religion. Adieu.

 

EPISTOLA LXVII. URBANO summo pontifici, IVO, minimus sanctitatis suae filius, misericordiam et judicium.

Audivi dulcedinem vestram in me amaricatam, serenitatem vestram adversum me turbatam; audivi, et conturbatus est venter meus, et ossa mea conturbata sunt (Psal. VI). Et diligenter consului memoriam meam quid dixerim, quid fecerim, unde mansuetudinem vestram exasperaverim. Nec occurrit mihi, nisi quod dixerunt quidam mihi quasdam litteras me composuisse adversus Romanam disceptantes Ecclesiam, quas miseram legato vestro Lugdunensi archiepiscopo, pro causa Senonensis electi. Sed cum has apud me reperiens diligenter perlegissem, multa ibi pro Romana Ecclesia, nihil contra Romanam Ecclesiam in his scriptum intellexi, nisi quis forte ad voluntatem scriptoris non accedens, et unam faciem castorum eloquiorum non attendens (sic in tit. epist. 222), dicat, quod absit! authentica scripta sibi invicem adversari, et auctoritatem auctoritate impugnari; cum multa dissona ibi legantur, nisi suo modo intelligantur, et ad sententiam scriptoris accommodentur. In his enim litteris, sicut mihi testis est conscientia mea, et ipsarum tenor litterarum, nihil aliud intendi, nisi quod propter crebras invectiones ac murmurationes adversus Romanam Ecclesiam, quibus quotidie tinniunt aures meae, per domnum archiepiscopum Lugdunensem, cui consilia vestra committitis sollicitudinem vestram volui esse praemunitam, quatenus cum vicariis vestris sic vestra decreta libraretis, ut Ecclesia non gravaretur, et eorumdem transgressor sua sententia multatus, aliis se corrigendi exemplum praeberetur, et fama vestra illibata servaretur. Hic simplex (Ita ep. 189) oculus totum defendit corpus illarum litterarum. Sed quia domno Lugdunensi archiepiscopo quaedam ibi verba adversa, secus quam vellet sonuerunt, maxime de primatu Lugdunensi, postposita contemplatione scriptoris leg. postposita intentione scriptoris; ita ms. c. ] secundum quod tunc affectus fuit, participem vos suae amaritudinis fieri voluit. Liceat cuique dicere quod sentit. Ego de me sentio, quod non est aliqua persona transmontana, quae pro fidelitate vestra, pro assertione praeceptorum vestrorum tot contumelias pertulerit, tot injurias acceperit. Sed quia illa verba quacunque occasione animum vestrum exacerbaverint, non est meum adversum vos intrare in judicium. Malo enim episcopatui renuntiare quam iram vestram juste vel injuste sustinere. Haec satisfactio si placuerit vestrae paternitati, placet et meae parvitati. Hanc si placet, accipite; si plus placet, plus addite. Si desisto vester esse servus, non desistam vester esse filius, et sicut expertus sum ante episcopatum, plus potero prodesse in Ecclesia Dei exemplo privatus quam verbo praelatus. Gratissimum enim mihi est nudum nudam Christi crucem portare, ut in illo uberrimo et amplissimo praedio contendam, in quo amor paupertatis copiosos, amor divitiarum facit aerumnosos. Ecce jam hoc transacto septennio, vineam mihi commissam pro posse meo excolui, stercora etiam circumposui; fructum autem quem quaerebam, non inveni. Detur ergo mihi libertas octavo anno ut hoc principium verae octavae aggrediar, ut possim mihi sabbatizare, dulces fructus contemplationis carpere, et octavae illius gaudia praelibare. Quod si vestra permissione id modo non facio, necessitate tamen me oportebit id facere propter renovatas in me veteri de causa regis inimicitias (epist. 67 et 141), et propter parochianos meos contemptores verbi Dei, qui proni sunt solis terrenis inhiare, nunquam autem parati sursum cor levare; qui neque propter timorem Dei, neque propter ruborem temporalis excommunicationis, sacrilegia quae perpetrant in Ecclesiis, volunt dimittere, nec justitiam Dei recognoscere. Per portitorem ergo praesentium quod vobis placet mihi rescribite, et si petitioni meae acquiescitis, in vestra manu me retinete, ne possint me pseudoepiscopi pro libitu suo fatigare. De caetero quidquid de me fiat, obsecro vos per charitatem Christi, ut si Turonensis archiepiscopus vel aliquis Aurelianensis clericus pro electione pueri sui ad vos venerit, non ei aurem praebeatis. Cujus dotes ut vobis breviter amplectar, persona est ignominiosa, et de inhonesta familiaritate Turonensis archiepiscopi, et fratris ejus defuncti, multorumque aliorum inhoneste viventium, per urbes Franciae turpissime diffamata. Quidam enim concubii sui appellantes eum Floram, multas rythmicas cantilenas de eo composuerunt, quae a foedis adolescentibus, sicut nostis miseriam terrae illius, per urbes Franciae in plateis et compitis cantitantur, quas et ipse cantitare, et coram se cantitari non erubuit. Harum unam domno Lugdunensi in testimonium misi, quam cuidam eam cantitanti violenter abstuli. Providendo itaque vestrae honestati et Ecclesiae utilitati, nunquam eum consecrari permittatis, ne Ecclesiam Dei prostibulum publicum et speluncam latronum faciatis. Sciatis etiam quia Turonensis archiepiscopus contra interdictum (epist. 66) legati vestri in Natale Domini regi coronam imposuit, et ut iste episcopus fieret, hac mercede promeruit. Et ut sciatis puerilem fuisse electionem, quidam etiam de eligentibus in Natale Innocentium in eligendo ita jocatus est: Eligimus puerum, puerorum festa colentes, Non nostrum morem, sed regis jussa sequentes.

 

LXVII. (66, A. — 58, B. — 67, C.) A Urbain, souverain pontife, Ives, le plus petit des fils de sa sainteté, miséricorde et justice.

J'ai appris que votre douceur était aigrie et que votre sérénité était troublée contre moi, et j'en ai été aussitôt troublé dans mon cœur et jusqu'à la moelle de mes os. J'ai cherché avec soin dans ma mémoire ce que je pouvais avoir dit ou fait pour exaspérer votre mansuétude. Je n'ai rien trouvé, car je ne puis croire ce que quelques personnes m'ont rapporté, que votre irritation venait de ce que j'avais écrit des lettres dans lesquelles je contestais l'autorité de l'Église Romaine, lettres que j'avais envoyées à votre légat, l'archevêque de Lyon, dans la cause de l'élu de Sens. Je les ai reprises et relues attentivement, et j'y ai vu de nombreux passages en faveur de l'Église Romaine, aucun contre son autorité, à moins toutefois, que, sans prendre garde à la volonté de l'écrivain, sans examiner sous leur vraie face des paroles innocentes, on ne vienne dire, ce qu'à Dieu ne plaise, que les textes authentiques se contredisent l'un l'autre et que leur autorité se détruit réciproquement. On peut en effet y rencontrer bien des contradictions si on ne les comprend pas comme il faut et qu'on leur fasse signifier autre chose que ce que l'auteur avait en vue. Mais dans mes lettres, ma conscience m'en est témoin et la teneur même de ces missives, je n'ai rien voulu autre chose que faire parvenir à votre sollicitude, par l'entremise du seigneur archevêque de Lyon à qui vous remettez le soin de vos décisions, les fréquentes plaintes et les murmures contre l'Eglise Romaine qui chaque jour tintent à mes oreilles. Je voulais vous prier de si bien peser vos décrets avec vos vicaires que l'Eglise n'eût point à en souffrir, et que ceux qui oseraient les transgresser fussent frappés par leur propre sentence et fournissent eux-mêmes aux autres un exemple de punition, de manière que votre renommée n'en éprouvât aucun dommage. La pureté d'intention de mes lettres est une défense suffisante de leur corps tout entier. Mais quelques paroles contraires, surtout à propos de la primatie de l'archevêché de Lyon, ont sonné aux oreilles du seigneur archevêque de Lyon autrement qu'il ne l'eût voulu, et sans considération pour celui qui les avait écrites, il vous a communiqué l'amertume qu'il ressentait alors. Il doit cependant être permis à chacun de dire ce qu'il pense. Moi, je pense de moi que personne en deçà des monts, pour vous rester fidèle, pour observer vos commandements, n'a supporté autant d'injures, n'a éprouvé autant de persécutions. Mais puisque mes paroles, pour une raison quelconque, ont irrité votre esprit, je n'entends pas entrer en jugement avec vous. J'aime mieux renoncer à mon évêché qu'encourir à tort ou à raison votre disgrâce. Si cette satisfaction plaît à votre paternité, elle plaît aussi à mon humilité. Si elle vous plaît, acceptez-la ; s'il vous faut davantage, commandez. En cessant d'être votre serviteur, je ne cesserai pas d'être votre fils. Comme je l'ai éprouvé avant d'être évêque, je serai, dans l'Église de Dieu, plus utile par mon exemple, simple clerc, que, prélat, je ne le suis par ma parole. Nu il me sera très agréable de porter nue la croix du Christ, afin de lutter dans ce champ vaste et fertile où l'amour de la pauvreté est une source de richesses et l'amour des richesses une occasion de ruines. Sept ans déjà passés, je cultive de tout mon pouvoir la vigne qui m'a été confiée, je lui prodigue l'engrais, mais je n'ai pu en tirer la récolte que j'espérais. Qu'on me rende donc la liberté dans cette huitième année, afin que je puisse commencer cette véritable octave, dans laquelle il me sera permis de me reposer, de goûter les doux fruits de la contemplation et de jouir des joies de cette année sabbatique. Si je ne puis le faire actuellement avec votre permission, je serai forcé néanmoins de le faire devant les inimitiés royales qui se réveillent contre moi pour la cause déjà ancienne de l'adultère. Ne vois-je pas d'ailleurs mes paroissiens mépriser la parole de Dieu ? Penchés vers les biens de la terre, ils ne soupirent qu'après ceux-ci, et jamais n'élèvent leur cœur en haut. Ni la crainte de Dieu, ni la honte de l'excommunication temporelle ne les poussent à renoncer aux sacrilèges qu'ils commettent dans les églises, ou à se soumettre à la justice divine. Par le porteur de cette lettre, faites-moi connaître votre bon plaisir : si vous accueillez favorablement ma requête, retenez-moi pour l'avenir sous votre juridiction immédiate, afin que les faux-évêques ne puissent me persécuter à leur gré.

Au reste, quoi qu'il arrive de moi, je vous en supplie, par l'amour du Christ, si l'archevêque de Tours ou quelque clerc d'Orléans va vous trouver au sujet de l'élection de leur enfant, fermez l'oreille à leurs paroles. Pour vous dire en peu de mots les qualités de leur élu, c'est un être ignominieux, dont la déshonnête familiarité avec l'archevêque de Tours et son frère défunt et beaucoup d'autres débauchés est publiquement honnie dans toutes les villes de France. Quelques-uns de ses complices l'ont surnommé Flora, et ils ont composé sur son compte des couplets ignobles, qui sont chantés à travers la France, dans les places et les carrefours, par les jeunes libertins, si nombreux malheureusement en notre pays, comme vous le savez. Il n'a pas honte de les chanter lui-même et de les faire chanter devant lui. J'ai envoyé comme preuve à l'archevêque de Lyon une de ces chansons que j'ai arrachée violemment des mains de celui qui la répétait. Consultez donc votre honneur et l'utilité de l'Église, et ne permettez pas que ce jeune homme soit consacré, de peur que l'Eglise de Dieu ne devienne un lieu de scandale et une caverne de voleurs. Sachez aussi que, malgré l'autorité de votre légat, l'archevêque de Tours a posé, en cette dernière fête de Noël, la couronne sur la tête du Roi,[29] achetant par cette complaisance l'évêché pour son favori. Afin de vous montrer combien cette élection est puérile, voici deux vers par lesquels un de ceux qui l'élisaient, le jour des Innocents, exprima son suffrage :

Nous nommons un enfant, aux fêtes de l'enfance, Obéissant au Roi plus qu'à la conscience.

 

EPISTOLA CCLXXXI. ANSELO, Dei gratia Belvacensi episcopo, IVO, humilis Carnotensium episcopus, salutem.

Audivimus quia canonici S. Petri Belvacensis inferunt calumniam canonicis B. Quintini, qui illam terram absque omni contradictione possederunt tempore domni Widonis episcopi praedecessoris vestri, et subsequentium episcoporum usque ad tempora vestra. Sciatis quod, si certum et conveniens tempus prescriptum fuerit, in quo vobis in capitulo vestro possim me praesentare, paratus sum alicui vice mea facto, probare quod ego interfui capitulo canonicorum vestrorum, et vidi et audivi quia ipsi concesserunt canonicis supradictae Ecclesiae terram, de qua locutus sum, perpetuo jure quiete possidendam, nullo contradicente. Videte ergo ne temporibus vestris Ecclesia paupercula possessionibus suis minuatur, non faciente justitiam ad quem ecclesiasticarum rerum gubernatio pervenit Dei providentia, ne nos et alii ejusdem Ecclesiae amatores cogamur illas sibi injurias ad majorem audientiam deferre. Valete.

 

LXIX. (281, C.) A Anseau, par la grâce de Dieu, évêque de Beauvais, Ives, humble évêque de Chartres, salut.

Nous avons appris que les chanoines de Saint-Pierre de Beauvais disputent une terre[30] aux chanoines de Saint-Quentin. Or ceux-ci ont possédé sans conteste cette terre, depuis le temps de l'évêque Gui,[31] l'un de vos prédécesseurs, sous l'épiscopat de ceux qui lui ont succédé jusqu'à vos jours. Sachez donc que, si vous voulez m'assigner un terme certain et convenable où je puisse me présenter dans votre Chapitre, je suis prêt à attester que j'étais présent dans le Chapitre de vos chanoines, où je les ai vus et entendus concéder aux chanoines de Saint-Quentin, en toute propriété et à toujours, la terre qu'ils leur contestent aujourd'hui. Prenez donc garde que, sous votre administration, une pauvre église ne soit dépouillée d'une partie de ses biens, par le déni de justice de celui à qui la providence divine a remis le gouvernement des choses ecclésiastiques ; car nous et les autres protecteurs de cette église serions forcés de déférer à une plus haute autorité les torts qui lui seraient faits. Adieu.

 

EPISTOLA LXVIII. HUGONI, primae sedis Lugdunensis Ecclesiae episcopo, sedis apostolicae vicario, IVO, Dei gratia Carnotensis episcopus, salutem.

Litteras vestrae paternitatis nuper accepi invitantes me, vel quoslibet qui vellent impugnare electionem Joannis Aurelianensis archidiaconi, ut in Kal. Martii praesentiae vestrae se exhiberent probaturi capitula quae ei objicere voluerint, sive de Simonia, sive de aliis quae valeant ad ejus repulsionem, quoniam non potestis simul accusator esse ac judex. Sed hoc de occultis dictum esse novit prudentia vestra. Manifesta autem accusatione non egere testatur beatus Ambrosius (c. 5 et c. 17, can. 2, q. 1) super Epistolam ad Corinthios, ita dicens de eo qui noverca sua manifeste abutebatur: « Judicis, inquam, non est sine accusatore damnare. Cognito autem opere istius, pellendum eum de fraternitatis coetu censuit. Omnes enim crimen ejus sciebant, in qua re neque testibus opus erat neque tergiversatione aliqua poterat tegi crimen. » Simile quid scribit papa Nicolaus Carolo regi : « Quae Lotharius rex vester nepos operatur, accusatione non indigent. » Manifesta quippe in eo sunt opera carnis, quae sunt fornicatio et immunditia (Gal. V). Cum ergo quae in prioribus litteris scripsi, non tantum in unius civitatis, sed multarum civitatum notitia conspicua sint, mirantur multi, quare quaerantur occulta, cum ad repulsionem ejus qui nondum positus est, sola sufficiant manifesta. Cum enim multa ei desint quae in examinatione consecrandi episcopi Paulus dicit necessaria, unum deesse ei, nobiscum bene scitis, quod caeteris enumeratis per se prae caeteris necessarium idem Apostolus commendat dicens: Oportet episcopum bonum habere testimonium ab his qui foris sunt, ne in opprobrium incidat et laqueum diaboli (I Tim. II). Iste autem famam suam hactenus neglexit, quam qui negligit, secundum beatum Augustinum (ser. 52; vide epist. 240) crudelis est. Occidit enim proximum quantum in se est. Potestas autem episcopalis in aedificationem debet esse non in destructionem. Et cum secundum Apostolum quorumdam peccata manifesta sunt praecedentia ad judicium quorumdam et subsequantur, Symoniaca istius intrusio, quae licet vera sit, nondum tamen praecedit ad judicium, quoniam ista exsecrabilis negotiatio per cubicularios et pedisequos (quid. cod., pedisequas; sequipedam ep. 60, ms. c.) facta est, manifesta relatione ad aures vestras perveniet, nisi plantationem quam non plantavit Dominus stabilire praeproperetis, et electionem regiis precibus, quae idem valent secundum vulgare proverbium quod minae, extortam, vestra auctoritate confirmetis. Habentur enim apud nos quidam negotiatores creditores illius dictae reginae, qui secundum quod nobis dixerunt, exspectant partem pecuniarum a parentibus Joannis promissarum. Sed referente eadem dicta regina quodam cautelae studio ad persolvendum differuntur, donec securius post ejus consecrationem persolvantur. Quarum tamen repetundarum actio cito ventilabitur, si consecratio aliquandiu differatur. Quid vero super electione a principibus facta dicat septima synodus, quid octava, quid caetera sanctorum Patrum, quid etiam vestra instituta clament, non est meum vestram docere prudentiam. Praeterea si intra provinciam secundum quod instituta majorum continent, fieret prima discussio, sicut necesse foret, in loco ubi non timeretur temeraria multitudo, non deessent accusatores, non deessent testes, qui pro hujusmodi negotiis non audent ad remota loca prodire, nec se nec sua pro incerto exitu incertum periculum praecipitare. Testis est mihi verax veritas, et amborum charitas, quia et vera dixi, et pro veritate et charitate dixi, providens, quantum in me est, et Ecclesiae utilitati et vestrae honestati, ne si, quod absit! aliter feceritis quam desiderant qui vos sincere diligunt, lamentabiliter postea illud Jeremiae dicant: Obscuratum est aurum, mutatus est color optimus (Thren. IV). Sciatis autem me ea quae vobis mandavi, domno quoque papae mandasse (epist. 67), et me super his responsionem ejus exspectare.

 

LXX. (68, A et C. — 126, B.) A Hugues, évêque primat de l'église de Lyon, vicaire du siège apostolique, Ives, par la grâce de Dieu, évêque de Chartres, salut.

J'ai reçu récemment la lettre où votre paternité invite moi et tous ceux qui voudraient attaquer l'élection de Jean, archidiacre d'Orléans, a se rendre au Ier mars en votre présence, afin de prouver la vérité de leurs accusations, soit sur le crime de simonie, soit sur tous autres qui pourraient entraîner son expulsion de l'épiscopat, car vous ne pouvez être à la fois l'accusateur et le juge. Mais votre prudence sait bien qu'il ne peut être là question que des crimes qui ne sont pas publics ; quant à ceux qui sont évidents, pas n'est besoin d'accusation : c'est ce que témoigne saint Ambroise dans une lettre aux Corinthiens, où il parle d'un individu qui avait des relations criminelles avec sa belle-mère. Le juge, dit-il, ne doit pas condamner sans qu'il y ait un accusateur. Cependant on connaissait si bien la conduite de cet homme qu'il fut jugé indigne de demeurer dans l'assemblée de ses frères : tous en effet savaient son crime ; il n'y avait donc pas besoin de témoins, et aucune hésitation ne pouvait exister sur sa culpabilité. Le pape Nicolas écrit de même au roi Charles : Les crimes du roi Lothaire, votre neveu, n'ont pas besoin d'accusateur, car il est manifeste qu'il se livre aux œuvres de la chair, la fornication et l'impureté. Puisque donc les faits mentionnés par moi dans ma lettre précédente sont connus non pas seulement d'une ville, mais de beaucoup de cités, on s'étonne généralement de voir faire une enquête sur des crimes cachés, lorsque ceux qui sont évidents suffisent pour motiver l'expulsion de cet homme qui n'est pas encore admis. Il lui manque bien des vertus que saint Paul dit être nécessaires à l'évêque que l'on veut consacrer, mais il en est une surtout dont vous, comme moi, le savez entièrement dépourvu, c'est celle que l'Apôtre déclare surtout nécessaire avant toutes celles qu'il a énumérées : Il faut que l'évêque jouisse d'une réputation sans loch près de ceux du dehors, de peur qu'il ne tombe dans l'opprobre et dans les filets du diable. Or cet homme a toujours jusqu'à présent négligé le soin de sa réputation, et celui qui est ainsi négligent, suivant saint Augustin, est cruel ; car il tue son prochain autant qu'il est en lui. La puissance épiscopale doit exister pour élever et non pour détruire. Suivant l'Apôtre, les péchés des uns sont évidents avant le jugement, tandis que ceux des autres ne le sont qu'après : c'est ainsi que la simonie de son élection, bien qu'elle soit incontestable, n'apparaît pas encore évidente avant le jugement, parce que cette exécrable négociation s'est faite par ses familiers et ses serviteurs ; mais des récits certains l'apporteront à vos oreilles, à moins que vous ne vous hâtiez d'étayer l'arbre que n'a point planté le Seigneur, et que vous ne confirmiez de votre autorité cette élection arrachée par les prières du Roi qui, suivant un proverbe vulgaire, valent autant que des menaces. Il y a parmi nous des négociants, créanciers de la prétendue Reine, qui, comme ils nous l'ont dit, comptent sur une partie des sommes promises par les parents de Jean. Trompés par les propos habiles de la Reine, ils attendent patiemment leur paiement, afin de l'avoir d'une manière plus sûre après la consécration de cet homme : mais si celle-ci était quelque temps différée, bientôt ils poursuivraient le paiement de ce qui leur est dû. Ce qui au sujet des élections faites par les princes a été dit dans le septième, dans le huitième synode, ce que proclament les autres institutions des Saints Pères, les vôtres elles-mêmes, ce n'est pas à moi qu'il appartient de l'enseigner à votre prudence. D'ailleurs si, comme le demandent les coutumes de nos ancêtres et comme il serait convenable, c'était dans l'intériuer de la province qu'eût lieu la première discussion, dans un lieu où l'on n'aurait pas à craindre la témérité de la multitude, on ne manquerait pas d'accusateurs, on ne manquerait pas de témoins, tandis qu'ils n'osent, en une semblable affaire, se rendre dans des lieux éloignés, de peur de s'exposer eux et leurs biens à un péril certain pour un résultat incertain. La vraie vérité m'est témoin, et l'affection qui m'unit aux deux parties, que je n'ai dit que la vérité, dans le seul intérêt du vrai et du juste, travaillant autant qu'il est en moi à l'utilité de l'Église et au soin de votre honneur. Car si, ce qu'à Dieu ne plaise, vous agissiez autrement que ne le souhaitent ceux qui vous chérissent sincèrement, on pourrait vous appliquer ce passage des Lamentations de Jérémie : L'or s'est obscurci ; il a perdu sa riche couleur. Sachez aussi que ce que je vous écris, je l'ai transmis au seigneur Pape et que j'attends sa réponse à ce sujet.

 

EPISTOLA LXIX. IVO humilis Ecclesiae Carnotensis minister, GALTERIO Stirpensis Ecclesiae praeposito, et pusillo gregi sibi commisso, salutem et orationum suffragia.

Quantum intellexi ex litteris ex vestra parte mihi nuper oblatis, graviter fert vestra fraternitas quod Lemovicensis episcopus in synodo agens, interdixit omnibus regularibus clericis et regimen parochiarum et confessionem poenitentium (epist. 213). Qui rectius quidem fecisset, si omnes sacerdotes ad regularem vitam invitasset, quam regulariter viventes a Dominicarum ovium custodia penitus removisset; quibus tanto plus displicet aliena malitia, quanto longius discesserunt a sua. Haec tamen prohibitio licet aliquo forsitan livore canonici ordinis facta esse videatur, quanto salubrior, tanto fraternitati vestrae debet esse acceptior. Vos enim eo per viam Dei expeditius inceditis, si alienorum criminum deprimentes fasciculos cum quotidianis vestrorum excessuum lapsibus non portetis. Hoc vero interim ad inquisita respondeo, quia clerici regulares ab hoc officio nec penitus sunt removendi, nec indiscrete admovendi. Nam si penitus removentur, canonico ordini indigna fit injuria, cui tanto securius est credenda correctio vitae alienae, quanto majorem diligentiam adhibuit vitae suae corrigendae. Si vero indiscrete regularibus clericis hoc onus imponitur, in quibusdam ecclesiastica disciplina frangitur, et ipsi fratres qui in claustris tanquam in castris contra tentationes fortiter stabant et vincebant, cum soli ad pugnam prodeunt, in tentationibus facile superantur. Unde ait beatus Hieronymus: « Remotio viri castitatis arma collocat, construit in melioribus castra pudoris. » Si qui ergo sunt in collegio vestro viri prudentes et maturi, et igne tentationum examinati, quibus hoc onus imponi velitis, eos deducite ante praesentiam episcopi, ut ab eo curas animarum suscipiant, sine cujus arbitrio, si meministis, secundum canonicas sanctiones, nec criminales poenitentias quilibet presbyter potest injungere, nec, peracta poenitentia, poenitentes sacris altaribus reconciliare. Sic enim facientes, et episcopali reverentiae quod suum est deferetis, et canonicae institutionis nulla dispendia facietis. Qui ideo canonici appellati estis, quod canonicas regulas vos velle observare caeteris arctius devovistis. Quod vero voluistis, ut Lemovicensi episcopo aliqua super hoc negotio scriberem, interim ea de causa distuli, quia ille domnus ignotus est mihi, et opportunum tempus exspecto, ut de his et similibus quod ratio et auctoritas dictaverit, inter nos viva voce disseramus. Vale.

 

LXXI. (69, A et C. — 93, B.) Ives, humble ministre de l'église de Chartres, à Gautier, prévôt de l'église de l’Esterpt et au petit troupeau qui lui est confié, salut et secours de prières.

Autant que je l'ai compris par la lettre qui m'a été récemment apportée de votre part, votre fraternité voit avec peine que l'évêque de Limoges,[32] dans un synode, ait interdit à tous les clercs réguliers le gouvernement des paroisses et la confession des pénitents. Il eût peut-être mieux fait d'inviter tous les prêtres à la vie régulière que d'éloigner complètement de la garde des brebis du Seigneur ceux qui vivent régulièrement : car plus ceux-ci ont renoncé à leurs propres fautes, plus ils détestent celles d'autrui. Cette défense, qui peut-être a été dictée par une certaine jalousie contre l'ordre canonique, doit être acceptée par votre fraternité avec d'autant plus d'empressement qu'elle est plus favorable à votre salut. Car vous vous avancerez plus rapidement dans la voie de Dieu lorsque, avec le risque de vos chutes journalières, vous ne porterez plus le faix accablant des crimes d'autrui. Cependant je dois répondre à votre demande : les clercs réguliers ne doivent pas être absolument éloignés de l'office paroissial, mais ne doivent pas non plus y être admis indiscrètement. Les éloigner absolument, c'est faire à l'ordre canonique une injure qu'il ne mérite pas, car ceux-là surtout offrent de sérieuses garanties pour la correction de la vie d'autrui qui ont mis plus de soin à châtier leur propre conduite. Imposer au contraire sans discrétion ce fardeau aux clercs réguliers, c'est rompre en quelques points la discipline ecclésiastique, et ces mêmes frères, qui, dans leur cloître comme dans un camp retranché, résistaient fortement à la tentation et demeuraient vainqueurs, sont facilement vaincus lorsqu'ils s'avancent seuls au combat, Aussi saint Jérôme dit : La solitude donne à l'homme les armes de la chasteté, et dresse dans le lieu le plus sûr le camp de la pudeur. S'il y a donc dans votre collège des hommes prudents et mûrs, éprouvés par le feu des tentations, et auxquels vous vouliez que ce fardeau soit imposé, conduisez-les à l'évêque pour qu'ils reçoivent de lui le soin des âmes ; car, sans la permission de l'évêque, si vous vous le rappelez, aucun prêtre, d'après les décrets canoniques, ne peut imposer de pénitences pour les fautes, ni ne peut, après la réparation, réconcilier les pénitents avec les autels sacrés. En vous conduisant ainsi, vous rendrez le respect que vous devez à l'autorité épiscopale et vous n'apporterez aucun dommage aux privilèges des chanoines, vous qui avez été appelés chanoines parce que vous avez fait vœu d'observer plus étroitement que tous les règles canoniques. Vous m'aviez demandé d'écrire sur cette affaire à l'évêque de Limoges ; j'ai différé jusqu'ici de le faire, parce que ce seigneur m'est inconnu, et j'attends une occasion favorable de traiter avec lui de vive voix cette question et d'autres que la raison et l'autorité me suggéreront. Adieu.

 

EPISTOLA LXX. IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis servus, GALTERIO Meldensi episcopo, sancta sapere et sancta facere.

Quoniam zelus domus Dei tepere non debet in cordibus nostris, ejusdem domus decorem diligere, et pro eadem domo murum nos oportet opponere, ut impetus, quos super eam facit antiquus hostis, aut praecavendo propulsemus, aut si jam in eam per aliquam partem irrupit, cooperante Dei gratia, collectis in unum animi viribus, excludamus. Et quamvis difficilior sit labor ruinosa reficere quam integra in suo statu custodire, nos tamen per angusta et ardua, inter cruentationes etiam spinarum, inter incerta itinera nebularum, debemus perdita quaerere, dispersa colligere, quantum in nobis est sordidata mundare, moniti et instructi exemplo summi patrisfamilias, qui relictis nonaginta novem ovibus in montibus, centensimam quae perierat, ipse quaesivit (Luc. XV; Matth. XVIII), suo sanguine redemit, et ad ovile a quo aberraverat reportavit. Ne ergo nobis tanquam pastoribus sua quaerentibus a summo Pastore cum nostra confusione exprobretur: Quod perierat non quaesistis, quod confractum erat, non consolidastis (Ezech. XXXIV) ; nullus nos privatus amor, nullius quamlibet excellentis personae favor, nulla spes commodorum, nullus timor incommodorum ab officii nostri intentione dimoveat, quominus errantes ad viam revocemus, et animas propria fragilitate vel diabolica illusione deceptas, de fauce lupi invisibilis eripere studeamus. Quod ideo suggero dilectioni vestrae, quia tam ex verbis Turonensium monachorum, quam ex litteris dominae Adeleidis venerabilis comitissae audivi turpissimam famam de monasterio Sanctae Farae, quod jam non locus sanctimonialium, sed mulierum daemonialium prostibulum dicendum est, corpora sua ad turpes usus omni generi hominum prostituentium. Quae quidem si corrigi nollent, et sibi tantum mortem facerent, tolerari forsitan possent. Sed quia multarum factae sunt laqueus animarum, suggero et consulo vigilantiae vestrae, ut aut praedictas mulieres in loco suo et in suo ordine corrigatis, aut si id fieri non potest, religiosis monachis locum illum cum suis possessionibus committere studeatis; accepta tamen ab eis cautione ut praedictas mulieres sub arcta disciplina coerceant, et eisdem necessaria de rebus monasterii, quandiu vixerint, provideant. Hoc enim modo multiplicem fructum de bono principio facietis, quia et incontinentes illas mulieres ad propositum continentiae reducetis, et possessiones monasterii necessitatibus sanctorum a fidelibus deputatas, in suum statum reformabitis, et detestabilem famam religiosa monasteria malo odore contristantem compescetis et incestuosorum animas ex earum contubernio pereuntes, ab aeterno interitu liberabitis. Quae vobis scribo, ex visceribus profero charitatis, idem mihi a vobis fieri desiderans, si me desidem in simili periculo audieritis; in via Dei namque ambulantes mutuas exhortationum manus nobis invicem porrigere debemus, ut in perventione pariter de manipulis (Psal. CXXV) aeternorum fructuum gaudeamus. Valete.

 

LXXII. (70, A et C. — 127, B.) Ives, humble serviteur de l'église de Chartres, à Gautier, évêque de Meaux, sainteté dans les pensées et dans les actions.

Comme le zèle de la maison de Dieu ne doit pas tiédir dans nos cœurs, nous devons chérir la beauté de cette demeure et opposer une muraille aux efforts de ceux qui l'assiègent : ainsi nous préviendrons par nos précautions les attaques que dirige contre elle l'ancien ennemi, ou si déjà il a réussi à y pénétrer, avec l'aide de la grâce de Dieu, nous l'expulserons par nos forces réunies. Bien qu'il soit plus difficile de réparer ce qui est en ruines que de conserver dans son intégrité ce qui est intact, cependant nous devons, sans craindre les piqûres des épines, sans nous laisser égarer par les nuages de la route, rechercher ce qui est perdu, rassembler ce qui est épars, purifier autant qu'il est en nous ce qui est souillé, instruits et formés par l'exemple du souverain chef qui, abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis dans les montagnes, se mit lui-même à la recherche de la centième qui était perdue, la racheta de son sang et la rapporta à la bergerie d'où elle s'était égarée. Prenons garde que, pasteurs égoïstes, nous ne recevions un jour à notre confusion ces reproches du souverain pasteur : Vous n'avez pas recherché ce qui était perdu, vous n'avez pas soutenu ce qui était ébranlé. Qu'aucune affection privée, qu'aucune considération de personnes même les plus haut-placées, qu'aucun vain espoir d'avantages particuliers, qu'aucune crainte de désagrément ne nous détourne de la voie de notre devoir, ne nous empêche de rappeler dans le droit chemin ceux qui s'en sont écartés, et ne nous retienne d'arracher à la gueule d'un loup invisible les âmes trompées par leur propre fragilité ou par les illusions du démon. Je transmets ces pensées à votre discrétion parce que, far des rapports des moines de Tours[33] et par des lettres de la vénérable comtesse Adélaïde,[34] j'ai appris les plus honteuses nouvelles du monastère de Sainte-Fare.[35] Ce n'est plus un couvent de saintes religieuses, mais plutôt un lieu de débauche de démoniaques qui se prostituent sans pudeur. Si, persistant dans leurs crimes, elles ne portaient la mort qu'à elles-mêmes, peut-être pourrait-on fermer les yeux ; mais elles sont devenues comme le filet où viennent se prendre un grand nombre d'autres âmes : aussi je prie et je sollicite votre vigilance de réformer ces religieuses dans leur couvent et dans leur ordre, ou, si cela ne se peut, de donner ce monastère avec toutes ses possessions à des moines de sainte conduite, en leur prescrivant toutefois de tenir ces femmes sous une rigoureuse discipline et de leur fournir, tant qu'elles vivront, sur les biens du monastère tout ce qui leur sera nécessaire. Ainsi d'un bon principe vous tirerez des fruits abondants, rappelant à leur vœu de chasteté ces femmes débauchées et rendant à leur première destination les possessions de cette abbaye données par les fidèles pour les besoins de saints religieux. Vous détruirez la réputation détestable de ce couvent qui, par sa mauvaise odeur, contriste les autres monastères et vous arracherez à la perte éternelle les âmes des libertins qui périssent par la société de ces femmes. Ce que je vous écris je le tire des entrailles de ma charité, souhaitant que vous fassiez de même à mon égard si vous me voyiez-négligent dans un pareil danger. Car, marchant dans la voie de Dieu, nous devons nous tendre réciproquement les mains de nos exhortations, afin qu'au bout de notre course, nous nous réjouissions ensemble de l'abondance des fruits éternels. Adieu.

 

EPISTOLA LXXI. GUILLELMO, glorioso regi Anglorum, IVO humilis Ecclesiae minister, salutem et servitium.

In litteris a sublimitate vestra mihi directis nuper, mansueti, et prudentis hominis ingenium notavi, cum placeret dignitati vestrae prius a mea parvitate rationem quaerere quam de me aliquid inconsulte judicare, secundum illud viri sapientis: Ne judices antequam congnoscas (Eccl. I). Quaesivit enim ab humilitate mea vestra excellentia, qua ratione exsolverim Nivardum de Septolio a fiduciis et sacramentis quibus se vestrae magnitudini obligaverat, cum Christiani erga Christianos fiducias sacramenta quae sibi invicem praebent, observare debeant. Quod quidem ita concedimus, si legitima vel non illicita fuerint sacramenta. Praedictus autem Nivardus testatus est mihi fiducias et sacramenta quae sublimitati vestrae fecerat, prioribus sacramentis fuisse contraria quae fecerat naturalibus et legitimis dominis suis, de quorum manibus ita ms. c. ] susceperat haereditaria sua beneficia, nec posteriora se posse observare, nisi priora, vellet violare. Cui ratione fultus et auctoritate consilium dedi, ut accepta de posterioribus poenitentia, justa injustis, legitima non legitimis, priora posterioribus sacramenta praeponeret. Quod cum multis rationibus et auctoritatibus confirmari possit de multis pauca subnectere curavi. Habemus enim in Toletano concilio IX, capitulo 4 (can. Duo mala, et seq. dist. 13): « Duo mala licet omnino cautissime sint praecavenda, tamen si necessitas ex his unum temperare compulerit, hoc debemus resolvere quod minori nexu noscitur obligari. » Unde Augustinus De bono conjugali (c. 4 et 20, caus. 22, q. 4) : « Si ad peccatum admittendum adhibetur fides mirum est si fides appellatur. Verumtamen qualiscunque sit, si contra ipsam sit pejus sit, nisi cum propterea deseritur, ut ad fidem veram legitimamque redeatur. » Idem Tharasius patriarcha (cap. 18, caus. 22, q. 4) : « Herodes observavit illicitum sacramentum, et periit. Petrus vero negavit cum juramento, et conversus flevit, et salvatus est. » Item Hieronymus super Jeremiam lib. I (Comment., c. 4 et c. 2, caus. 22, q. 2) : « Animadvertendum quod jusjurandum hos habeat comites, veritatem, judicium atque justitiam. Si ista defuerint, nequaquam erit juramentum, sed perjurium. » Hinc Honorius papa quosdam transpadanos episcopos vehementer redarguit, qui suadebant Petro, viro glorioso, ut sacramenta quae praebuerat Aconio regi patri regis Adulubaldi frangeret, et Ariobaldo consentiret. Ipsum vero gloriosum Petrum accurate commendat, quia pravis sacerdotum persuasionibus non acquievit, sed sacramenta quae Aconio fecerat firmiter observavit. His et aliis hujusmodi cognosci potest sacramenta legitima vel licita firmiter observanda; illicita vero aut esse vitanda, aut si facta sunt, cum poenitentia dissolvenda. Aliud consilium si parochiano meo mihi commisso dedissem, ovem errantem non revocassem, ovi morbidae curam quam debueram non impendissem. Valete.

 

LXXIII. (71, A et C. — 92, B.) A Guillaume, glorieux roi d'Angleterre,[36] Ives, humble ministre de l'église de Chartres, salut et obéissance.

Dans la lettre que votre sublimité m'a adressée récemment, j'ai reconnu le fait d'un homme bienveillant et sage, car votre dignité a bien voulu demander raison à mon humilité avant de la juger sans l'entendre, selon cette parole du sage : Ne juge pas avant d'avoir entendu l'accusé. Votre excellence a demandé à mon humilité la raison qui m'a fait délier Nivard de Septeuil[37] de la foi des serments par lesquels il s'était engagé envers votre grandeur, tandis que le chrétien doit observer envers tout autre chrétien la foi et le serment qu'il lui a prêtés. Je reconnais cette obligation, mais dans le cas où le serment a été légitime et non illicite. Or ledit Nivard m'a attesté que la foi et le serment prêtés par lui à votre sublimité étaient contraires à des serments antérieurs faits à ses naturels et légitimes seigneurs dont il tenait ses bénéfices héréditaires, et qu'il ne pouvait observer ses derniers serments s'il ne voulait violer les premiers. Me fondant sur la raison et sur l'autorité, je lui ai conseillé de faire amende honorable à ceux envers qui il s'était engagé en dernier lieu et de préférer la justice à l'injustice, le droit à la félonie, les premiers serments aux derniers. Je pourrais appuyer cette décision sur une foule de textes et d'autorités. Je veux seulement en rapporter ici quelques-uns. Nous lisons dans le neuvième concile de Tolède, chap. 4 : Bien qu'on doive éviter avec le plus grand soin deux maux, cependant si la nécessité force d'en accepter un, nous devons repousser celui qui nous lie le moins étroitement. Augustin, dans le livre du Bien conjugal : Si dans l'accomplissement du péché, dit-il, on invoque la foi, nous admirons l'audace de ceux qui osent invoquer ce nom ; mais, quoi qu'il en soit, si l'on agit contre la foi, le péché est encore plus grave si l'on n'y renonce aussitôt pour revenir à la foi vraie et légitime. De même le patriarche Tharasius : Hérode observa un serment injuste et périt. Pierre au contraire nia avec serment, puis, converti, pleura sa faute et fut sauvé. Jérôme dit dans ses commentaires sur Jérémie, liv. Ier : Il faut faire en sorte que le serment ait pour l'accompagner la vérité, le droit et la justice : si ces conditions lui manquent, ce n'est pas un serment, mais un parjure. C'est ainsi que le pape Honorius reprend vivement des évêques d'outre-Pô qui conseillaient à Pierre, homme de grande puissance, de violer les serments prêtés par lui au roi Aconius, père du roi Adulubalde, et de se rallier à Ariobalde[38] : il loue au contraire grandement le seigneur Pierre de n'avoir pas cédé aux mauvais conseils des prêtres et d'avoir fidèlement observé les serments qu'il avait faits à Aconius. Par tous ces faits et par d'autres semblables on voit clairement que les serments légitimes et licites doivent être fermement observés, tandis qu'il faut éviter les serments injustes, ou, si l'on en a prêté, il faut s'en dégager en faisant amende honorable. Si j'avais donné un autre conseil au paroissien dont le salut m'est confié, je n'aurais point rappelé dans la droite voie une brebis errante, je n'aurais pas donné à une brebis malade les soins que je lui devais. Adieu.

 

EPISTOLA LXXII. IVO humilis Carnotensis Ecclesiae minister, G. abbati monasterii Sancti Guandregesili, salutem in Domino.

Consuluit parvitatem meam dilectio vestra utrum tabulae altarium aliquando consecratae, cum translatae fuerint, et super novam struem lapidum positae, denuo sint consecrandae. Quod nobis ex auctoritate et ratione faciendum videtur, cum canon dicat: « Altare si motum fuerit, ecclesia denuo consecretur. » Quod si ecclesia propter motionem denuo est consecranda, quanto magis ipsum altare quod motum est? Praeterea cum signa similitudinem habeant earum rerum quarum signa sunt, sicut fides, quae caput et fundamentum est sacrae religionis, immobilis debet manere in credente, sic visibile altare, quod figuram gerit fidei debet manere immobile. Et sicut a fundamento fidei, si quis motus fuerit per manus impositionem corpori Christi, quod est Ecclesia, reconciliandus est, sic mensa altaris fidei typum gerens, si mota fuerit, iterum sacris mysteriis imbuenda est. Nec satis similis ratio est quam quidam fratres vobis objiciunt, quod altaria portatilia licet de loco ad locum moveantur, non tamen denuo consecrantur. Haec enim altaria non aliter consecramus, nisi vel in talibus ligneis, vel aliquo competenti substratorio compacta et firmiter sint affixa. Unde licet de loco ad locum portentur, non tamen de loco in quo consecrata sunt moventur. A quo si evulsa fuerint, sicut caetera altaria denuo sunt consecranda. Haec de proposita quaestione breviter vobis rescripsi, eadem rationibus et auctoritatibus prolixius ostensurus, si opportunum esset. Sed haec prudentiae vestrae sufficere sum arbitratus. Vale.

 

LXXIV. (72, A et C. — 128, B.) Ives, humble ministre de l'église de Chartres, à Gérard, abbé du monastère de Saint-Wandrille, salut dans le Seigneur.

Votre dilection a consulté mon humilité pour savoir si les tables d'autel déjà consacrées, lorsqu'on les transporte ailleurs et qu'on les pose sur un nouveau piédestal, doivent recevoir une nouvelle consécration. L'autorité et la raison me semblent conseiller de le faire, car un canon s'exprime ainsi : Si l'autel vient à être changé de place, que l'église soit de nouveau consacrée. Si l'église, par suite du changement de place de l'autel, doit être de nouveau consacrée, combien plus l'autel lui-même qui est changé de place. En outre, les signes extérieurs étant la figure des choses qu'ils représentent, de même que la foi, qui est la tête et le fondement de la sainte religion, doit demeurer immobile dans le cœur des croyants, de même l'autel visible, qui est la figure de la foi, doit rester immobile. Et de même que si quelqu'un laisse ébranler en lui les règles fondamentales de la foi, il doit être réconcilié par l'imposition des mains au corps du Christ qui est l'Église, de même si la table de l'autel, image de la foi, est changée de sa place habituelle, il faut de nouveau la consacrer par les sacres mystères. On ne doit pas s'arrêter à cette analogie objectée parfois, que les autels portatifs, mis d'une place à une autre, ne sont cependant pas l'objet d'une nouvelle consécration. Car nous ne consacrons ces autels que s'ils sont unis et fermement fixés à des tables de lois ou à quelque autre piédestal convenable. Si donc ils sont portés d'une place à une autre, ils ne sont cependant pas changés du lieu où ils ont été consacrés. Si on les en arrachait, ils devraient, comme les autres autels, recevoir une seconde consécration. J'ai répondu en quelques mots à la question que vous m'aviez posée : si cela était utile, je pourrais vous citer bien d'autres raisons et d'autres autorités à l'appui de mon opinion ; mais j'ai pensé que ces courtes observations suffiraient à votre prudence. Adieu.[39]

 

EPISTOLA LXXIII. IVO, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, BERNARDO, Majoris Monasterii abbati, promereri euge servi boni.

Verbum quod erat in ore multorum auditui meo non intulit gaudium, quo animadverti generale dispendium monasticae religionis, et speciale incommodum vestrae perturbationis. Relatum enim est mihi quosdam e fratribus adversus fraternitatem vestram insurrexisse, qui dicerent curam vobis commissam non legitimum habuisse principium, his de causis, quod ab eo qui dicebatur excommunicatus esse, benedictionem acceperitis, et subjectionem debitam metropolitanae sedi ante benedictionem promiseritis. Habent fortasse fratres isti zelum Dei, sed non secundum scientiam (Rom. X), putantes quod promotionem abbatis faciat episcopalis benedictio, et non potius fratrum communis electio, cum tamen ipsam benedictionem conferat Dominus non secundum meritum dantis, sed secundum fidem et puritatem, benedictionem accipientis. Unde beatus Augustinus in libro Quaestionum Veteris Testamenti: « Dictum est a Domino in Numeris ad Aaron: Vos ponite nomen meum super filios Israel, ego Deus benedicam eos (Num. VI), ut gratiam traditio per ministerium ordinati transfundat hominibus, nec voluntas sacerdotis obesse possit aut prodesse, sed meritum benedictionem poscentis. » Unde idem Augustinus in libro tertio De unico baptismo: « Aliud est non habere aliquid, aliud non jure habere vel illicite usurpare. Non ideo itaque non sunt sacramenta Christi et Ecclesiae, quia eis illicite utuntur non soli haeretici, sed etiam omnes iniqui et impii; sed illi corrigendi sunt aut puniendi, illa vero agnoscenda et veneranda sunt. » Item idem in libro contra Parmeniani epistolam: « Sicut redeunti non redditur, quod et foris habebat, sic venienti non repetendum est quod foris acceperat. » Unde consequenter intelligitur perversitatem hominum esse corrigendam; sanctitatem autem sacramentorum in nullo perverso esse violandam. Constat enim eam in perversis hominibus et sceleratis, sive in eis qui intus sunt, sive in eis qui foris, impollutam et inviolabilem permanere, sed in bonis ad praemium, in malis vero ad judicium. Unde etiam Anastasius papa, sacramenta quae Acatius condemnatus celebraverat, rata esse confirmat, ita scribens Anastasio imperatori: « Secundum Ecclesiae catholicae consuetudinem sincerissimum serenitatis tuae pectus agnoscat, quod nullum de his vel quos Acatius baptizavit, vel quos sacerdotes vel levitas secundum canones ordinavit, ulla ex nomine Acatii portio laesionis attingat, quo forsitan per iniquum tradita sacramenta, minus firma esse videantur. » Et infra: « Ideo ergo et hic, cujus nomen dicimus esse reticendum, male bona ministrando sibi tantum nocuit. Nam inviolabile sacramentum quod per eum datum est aliis, virtutem suae perfectionis obtinuit. » Item Augustinus contra scripta Petiliani: « Ut sit quisque verus sacerdos, oportet ut non solum sacramento, sed justitia quoque induatur, sicut scriptum est: Sacerdotes tui induantur justitiam (Psal. CXXXI). Qui autem solo sacramento sacerdos est, sicut fuit pontifex Caiphas, persecutor unius et verissimi sacerdotis, quamvis ipse non sit verax, quod dat tamen verum est, si non det suum, sed Dei. » Sacerdotii autem ordinem, sicut dicit idem Augustinus in libro De bono conjugali, qui semel acceperint, non privantur, licet aliqui pro aliquibus culpis ab officio removeantur. Ad ultimum, divina sacramenta talia sunt unicuique, quali corde accesserit, sicut dicit Augustinus in Dialogo contra Petilianum. Et haec quidem dicta sunt de sacramentis ecclesiasticis, sine quibus Christiana conversatio non dicitur, nec a Domino praemium aeternae salutis acquiritur. Quid ergo est disceptandum de benedictione abbatis, a quocunque episcopo eam fuerit consecutus, in qua nec fit manus impositio, nec consecratio (idem sup. epist. 88) sed simplex oratio, in qua accepta vel non accepta salus subditorum, nec minuitur nec augetur. Novit enim fraternitas vestra quam multi servi Dei in Aegypto et Palaestina, caeterisque provinciis monasteriorum patres exstiterunt, qui nec tamen hujusmodi benedictionem ab humano ore acceperunt, quibus subditi nihilominus omnem obedientiam exhibuerunt, nec de salute sua propter hoc timuerunt. De caetero, quod calumniantur non recte vos fecisse, quod ante benedictionem promisistis obedientiam sedi metropolitanae, vana vel nulla calumnia est. Quomodo enim connexa sibi adinvicem poterunt esse membra corporis Christi, nisi dispensatores canonicarum vel monasticarum congregationum eam obedientiam exhibeant praelatis suis, quam ( quamvis ms. c. alii qualem) sibi exbiberi volunt a subditis suis? Praeterea quae culpa est, si exigitur quod debetur et quod debetur exhibetur? Unde Angust. ad Simplicianum libro primo: « Quis non videat iniquitatis neminem argui posse, qui quod sibi debetur exegerit, nec eum certe qui quod ei debetur donare noluerit? Hoc autem non esse in eorum qui debitores sunt, sed in ejus cui debetur arbitrio. » Debitores autem esse qui ad dignitates promoventur ecclesiasticas, promittendae obedientiae testatur concilium Toletanum undecimum, capitulo 2: « Unusquisque qui ad gradus ecclesiasticos accessurus est, non ante honoris consecrationem accipiat, quam placiti sui innodatione promittat, ut fidem catholicam sinceri cordis devotione custodiens, juste et pie vivere debeat, et in nullis operibus suis canonicis regulis contradicat, atque ut debitum per omnia honorem atque obsequii reverentiam praeminenti sibi unicuique dependat. » Ipse enim summus pontifex, antequam consecrationis gratiam consequatur, consuetudines Romanae Ecclesiae et decreta praedecessorum suorum se inviolabiliter servaturum profitetur. Sic reliqui pontifices ante consecrationem examinantur, omnem veterum morum honestatem et debitam obedientiam se exhibituros suis ordinatoribus pollicentur. Cum enim humilitas sola, quae comes est obedientiae, digna sit exaltari, sicut superbia dejici, non peccat abbas si profitetur ore, quod semper debet in corde habere, et, cum opportunum fuerit, exhibere in opere. Non ergo hujusmodi perturbatores et perturbati otiose et curiose agentes, non intelligentes, quae loquuntur, neque de quibus affirmant (I Tim. I), inutilibus scrutiniis suis, et vanis susurriis ( sic vett. codd. ) fraternitatem vestram a Sabbato cordis expellant, vel a suscepta obedientia vos quantalibet tempestate removeant, et cadat super vos illa hostilis irrisio: Hic homo coepit aedificare, et non potuit consummare (Luc. XIV). Novit enim vestra diligentia quia ad hoc potissimum antiquus hostis invigilat, ut quietem servorum Dei interrumpat, et cum interruperit, vasa sibi ablata restituat, et restituta antiquis et novis sordibus vehementius inficiat. Multiformes igitur ejus insidias calliditate serpentis advertite, et murmuratorum molestias columbina simplicitate supportate, et tamen, quantum in vobis est, justam eis murmurandi causam auferte, ne, sicut aiunt, res monasterii vestra incuria dilabantur, et solita fratrum subsidia minuantur. Quod si forte per aliquam corporis imbecillitatem vel supernae contemplationis studium ad hoc minus sufficitis, sunt vobiscum viri prudentes, vobiscum uno spiritu gradientes, quibus potestis partem vestri oneris imponere; vos autem liberius et ideo uberius dulcedinem supernae contemplationis gustare, et in tempore verbi annonam conservis ministrare Non homini ignoranti scribo, sed admonitam volo esse charitatem vestram, ne tempestas apud vos orta offendiculum fiat infirmis aut scandalum, qui occasionem quaerentes incurrunt illud problema Salomonis: qui timet ventum, nunquam seminat: et qui considerat nubes, nunquam metit (Eccles. XI). Auferte igitur omnibus infirmis vel invidis occasionem sanctum propositum blasphemandi, vel arctam vitae viam non aggrediendi, ne increpando dicatur vobis per prophetam a Domino: Quod perierat non quaesistis, quod infirmum fuerat non consolidastis, quod confractum non colligastis (Ezech. XXXIV). Quod avertat a sanctitate vestra, qui animam suam pro nobis posuit, et ut pro fratribus animas nostras poneremus verbo monuit, et exemplo declaravit. Vale.

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LXXV. (73, A et C. — 57, B.) Ives, humble ministre de l'église de Chartres, à Bernard, abbé de Marmoutier, récompense du bon serviteur.

Une nouvelle qui court de bouche en bouche a affecté désagréablement mes oreilles, car j'ai vu le dommage qui en résulterait pour l'ordre monastique en général, et spécialement l'ennui qui en découlerait pour votre propre personne. On m'a rapporté que quelques-uns de vos frères s'étaient révoltés contre votre fraternité, sous prétexte que le gouvernement qui vous est confié n'a pas eu un principe légitime ; car, suivant eux, vous auriez reçu la bénédiction d'un évêque excommunié et avant d'être bénit vous auriez promis au siège métropolitain la soumission qui lui est due. Ces frères ont peut-être le zèle de Dieu, mais ils n'ont pas la science, puisqu'ils s'imaginent que ce qui fait la promotion d'un abbé c'est la bénédiction épiscopale et non l'élection faite en commun par les frères. Le Seigneur confère cette bénédiction, non selon le mérite de celui qui la donne, mais selon la foi et la pureté de celui qui la reçoit. Saint Augustin dit à ce sujet dans le livre des Questions de l'Ancien Testament : Dans les Nombres, il est dit par le Seigneur à Aaron : « Placez mon nom sur les fils d'Israël, et moi votre Dieu je les bénirai », c'est-à-dire par le ministère de celui qui sera ordonné la grâce passera dans le cœur des hommes, et la volonté du prêtre ne pourra nuire ou servir à cet effet, mais seulement le mérite de celui qui demande la bénédiction. Le même Augustin, dans le 3e livre sur le Baptême unique : Autre chose dit-il, est de ne pas posséder, autre chose de posséder sans droit et d'usurper par violence. On ne doit donc pas dire que les sacrements ne sont pas les sacrements du Christ et de l'Eglise parce qu'on voit non seulement les hérétiques, mais encore les méchants et les impies en abuser : ceux-ci doivent être corrigés et punis tandis que les sacrements doivent être reconnus et respectés. Et dans le livre contre Parménien : On ne doit pas donner de nouveau à celui qui rentre dans l'unité ce qu'il a déjà reçu du dehors, de même on ne doit pas renouveler à celui qui se convertit ce qu'il a déjà reçu auparavant. D'où l'on peut conclure que la perversité des hommes doit être corrigée, mais que la sainteté des sacrements ne peut être violée même chez ces pervers. Car il est certain que chez les hommes pervers et scélérats, qu'ils le soient dans leur cœur ou dans leurs actions, cette sainteté demeure sans tache et sans atteinte ; mais aux bons elle est un gage de récompense, aux mauvais un gage de punition. Aussi le pape Anastase déclare valables les sacrements qu'avait célébrés Achate après sa condamnation et il écrit à l'empereur Anastase : Que ta sérénité avide de la vérité sache bien que, selon la coutume de l'Eglise, aucun de ceux qu'Achate a baptisés ou que, selon les canons, il a ordonnés prêtres ou lévites, n'est en quoi que ce soit atteint par l'indignité d'Achate, en sorte que les sacrements donnés par un homme dans l'iniquité ne doivent pas paraître moins valables. Et plus bas : C'est pourquoi celui-ci, que nous ne voulons pas nommer, en administrant mal ce qui était bon a fait tort à lui seul. Le sacrement inviolable qu'il a donné aux autres a obtenu la vertu de son accomplissement. De même Augustin, dans le livre contre les écrits de Pétilien : Pour être un vrai prêtre, dit-il, il faut non seulement être décoré du sacrement, mais aussi de la justice ; car il est écrit : « Que tes prêtres soient décorés de.la justice. » Celui qui n'est prêtre que par le sacrement comme fut le grand-prêtre Caïphe, persécuteur du seul et vrai prêtre, celui-là, bien qu'il ne soit pas vraiment prêtre, donne cependant quelque chose de valable ; car il ne donne pas ce qui est de lui, mais ce qui est de Dieu : Comme le dit encore, le même Augustin dans son livre du Bien conjugal, celui qui une fois a reçu l'ordre du sacerdoce ne peut le perdre, à moins que pour quelques fautes il ne soit rejeté de son office. En un mot, les sacrements de Dieu ont pour chacun une vertu conforme aux dispositions qu'il y apporte, comme le dit Augustin dans son dialogue contre Pétilien. Tout cela a trait aux sacrements ecclésiastiques, sans lesquels on ne peut ; être chrétien et acquérir du Seigneur la récompense du salut éternel. Comment donc alors contester la bénédiction d'un abbé, quel que soit l'évêque de qui elle a été reçue, puisque dans cette bénédiction il n'y a ni imposition des mains ni consécration, mais une simple prière par laquelle la grâce de bien diriger ceux qui sont soumis à son administration, qu'elle ait été reçue ou non reçue, n'est ni augmentée ni diminuée. Votre fraternité sait combien, en Egypte, en Palestine et dans les autres provinces, il a existé de serviteurs de Dieu, pères de monastères, qui jamais ne reçurent d'aucun homme une bénédiction de cette sorte, et cependant ceux qui leur étaient soumis ne manquèrent jamais à l'obéissance envers eux, et jamais de là ne conçurent de craintes pour leur salut. D'un autre côté, quand on vous accuse d'avoir mal agi en promettant avant votre bénédiction obéissance au siège métropolitain, c'est là un reproche sans fondement, ou plutôt ce n'est pas un reproche. Comment, en effet, les membres du corps du Christ pourront-ils être unis ensemble, si les chefs des congrégations canoniques ou monastiques ne montrent pas envers leurs prélats cette obéissance qu'ils veulent obtenir de leurs inférieurs ? Quelle faute y a-t-il à demander ce qui est dû ; quelle faute y a-t-il à rendre ce qui est dû ? Augustin, dans le Ier livre à Simplicien, s'exprime ainsi : Qui ne convient qu'on ne peut accuser ni celui qui exige ce qui lui est dû, ni celui qui refuse d'abandonner ce qui lui est dû. Et le paiement m peut être à la discrétion des débiteurs, mais à celle des créanciers. Or, ceux qui sont élevés aux dignités ecclésiastiques sont débiteurs de promesses d'obéissance ; c'est ce que témoigne le onzième concile de Tolède, chap. 11 : Quiconque est sur le point de gravir les degrés ecclésiastiques ne doit pas recevoir la consécration de sa charge avant de s'être engagé par une libre promesse à garder dans toute la sincérité de son cœur la foi catholique, à vivre justement et pieusement, à ne contrevenir dans aucune de ses actions aux règles canoniques et à rendre en toutes choses l'honneur et la révérence qui sont dus à ceux placés au-dessus de lui. Le souverain pontife lui-même, avant de recevoir la grâce de la consécration, jure d'observer inviolablement les coutumes de l'Eglise Romaine et les décrets de ses prédécesseurs. De même les autres prélats, avant leur consécration, promettent de conserver toute l'honnêteté des mœurs anciennes, et de prêter l'obéissance qui est due à ceux qui les ordonnent. Comme l'humilité, qui est la compagne de l'obéissance, mérite seule d'être élevée, tandis que l'orgueil doit être abaissé, un abbé ne pèche pas assurément s'il professe de vive voix ce qu'il doit toujours avoir au fond du cœur et ce qu'il doit, quand il en est besoin, témoigner par ses œuvres. Que ces perturbateurs, que ces hommes que l'oisiveté et la vaine curiosité jettent dans le trouble, qui ne savent ni ce qu'ils disent ni ce qu'ils affirment, par leurs vaines insinuations, par leurs frivoles murmures, ne chassent pas le repos de votre cœur. Quelle que soit la tempête qu'ils soulèvent, ne renoncez pas à l'obédience que vous avez promise, afin de ne pas vous exposer à cette moquerie de vos ennemis : Cet homme avait commencé à bâtir, mais il n'a pas achevé son édifice. Votre diligence sait en effet que l'antique ennemi veille surtout à interrompre le repos des serviteurs de Dieu, dans l'espoir, s'il y arrive, de reprendre possession des vases qu'on lui a enlevés, et lorsqu'il les aura repris de les souiller plus misérablement des impuretés nouvelles qu'il ajoute à celles qui y étaient auparavant. Usez donc de la ruse du serpent pour déjouer ses embûches aux mille formes, prenez la simplicité de la colombe pour supporter les murmures des mécontents, et cependant, autant qu'il est en vous, enlevez-leur tout juste motif de murmurer. Que, comme ils le prétendent, les biens du monastère ne dépérissent pas par votre incurie ; que vos frères ne voient pas diminuer leurs ressources. S'il arrive que, par quelque faiblesse corporelle ou par quelque désir de jouir de la contemplation céleste, vous suffisiez moins à la tâche, il y a avec vous des hommes prudents, marchant d'un même esprit avec vous, auxquels vous pouvez imposer une partie de votre fardeau. Vous alors, vous pourrez goûter plus librement, et par là même plus abondamment, la douceur de la contemplation céleste, et en temps opportun distribuer à vos confrères la manne de la parole. Si je vous écris toutes ces choses, ce n'est pas que vous les ignoriez, mais je veux prévenir votre charité, afin que la tempête qui s'est élevée dans votre monastère ne devienne pas pour les faibles un obstacle et un scandale : car, toujours prêts à épier le danger, ils semblent réaliser en eux cette parole de Salomon : Celui qui craint le vent m sème jamais, et celui qui considère les nuages ne fait jamais la moisson. Enlevez à tous les infirmes et à tous les envieux l'occasion de blasphémer contre votre saint propos, ou d'attaquer la règle étroite de votre vie : car le Seigneur pourrait vous adresser ce reproche par son Prophète : Tu n'as pas recherché ce qui était perdu ; tu n'as pas fortifié ce qui était débile ; tu n'as pas soutenu ce qui était ébranlé. Qu'il éloigne ce malheur de votre sainteté celui qui a donné son âme pour nous, et qui par ses paroles nous a enseigné, par son exemple nous a appris à donner nos âmes pour nos frères. Adieu.

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[1] A la mort de l'évêque d'Orléans, Jean Ior (septembre 1096), l'archidiacre Jean et le doyen Sanction prétendirent tous deux à sa succession. Gagné par les présents de ce dernier, le roi se prononça en sa faveur et le nomma évêque d'Orléans.

[2] En 1079, l'évêque d'Orléans, Rainier de Flandre, ayant été déposé par Grégoire VII, Sanction avait été nommé à sa place. Le nouvel élu se rendit à Rome, où il fut reçu par le pape avec la plus grande bienveillance. Mais Rainier s'étant purgé des accusations portées contre lui, la nomination de Sanction n'eut pas de suite. C'est à cette première élection que saint Ives fait ici allusion.

[3] Geoffroy, doyen de l'église du Mans, était breton d'origine et frère de Judicaël, évêque de Saint-Malo. A la mort d'Hoël (26 juin 1096), il fut opposé par le comte Hélie à Hildebert de Lavardin que le clergé et le peuple avaient choisi. Hildebert finit par l'emporter, et Geoffroy conserva le doyenné du Mans jusqu'en nu qu'il fut appelé à l'archevêché de Rouen. Nous croyons que la lettre de saint Ives est antérieure à la candidature de Geoffroy à l'évêché du Mans.

[4] A cette époque, l'abbaye de Marmoutier comptait parmi ses religieux l'ancien seigneur du Puiset, Evrard II, qui y avait pris l'habit monacal en 1077 et qui y vivait encore en 1096. Nous ne croyons pas qu'il soit ici question de cet ancien seigneur, qui ne fut jamais clerc, au moins à notre connaissance. — Mais il y avait aussi parmi les moines de Marmoutier un autre Evrard, fils de Roger de Montgommery et de sa seconde femme, Adélaïde du Puiset, dont il a été question en la lettre III. Nous inclinerions plutôt à croire que c'est de celui-ci que veut parler saint Ives, bien que nous ignorions s'il avait été clerc avant de prendre l'habit de moine. En tout cas, il rentra dans le clergé séculier, car il mourut attaché à la chapelle du roi Henri Ier d'Angleterre.

[5] Après son élection, Sanction s'était adressé pour être sacré à son métropolitain Richer de Sens ; mais le pape Urbain II, au concile de Clermont, avait interdit à Richer l'usage du pallium pour avoir refusé de reconnaître la primatie de l'église de Lyon. Richer alors imagina une distinction arbitraire entre l'exercice des fonctions métropolitaines et l'usage du pallium : comme métropolitain, il valida l'élection de Sanction, mais, en tant que privé de l'usage du pallium, il se déclara inhabile à conférer le sacre et délégua pour cette cérémonie Ives de Chartres.

[6] En souvenir de la délivrance de l'évêque Théodulfe par Louis le Débonnaire, les évêques d'Orléans avaient le privilège, lors de leur première entrée, de délivrer un des prisonniers détenus dans les geôles royales. Ce privilège fut observé jusqu'à la Révolution. D. Polluche a publié une dissertation sur ce sujet : Discours sur l’origine du privilège des évesques d'Orléans. Orléans, Fr. Rouzeau, 1734, in-8°.

[7] Les évêques de Paris et de Meaux avaient été les assistants de saint Ives dans le sacre de Sanction.

[8] Saint Ives, jouant sur le nom de Pisseleu, fait en latin un calembour impossible à rendre en français : Pejor Lupo, pire qu'un loup, pour exprimer la rapacité du sous-doyen.

[9] Jusqu'à l'élection de l'archevêché de Paris en 1622, l'évêché de Chartres était le premier suffragant de l'archevêché de Sens, et, en cas de vacance du siège métropolitain ou d'indignité de celui qui l'occupait, c'était à l'évêque de Chartres qu'il appartenait de le remplacer. C'est pour cela que nous voyons si souvent saint Ives prendre en main la cause des églises de Paris, Orléans, Meaux, Auxerre, Nevers et Troyes, dont il se trouvait le défenseur naturel.

[10] M. l'abbé Darras (Hist. de l'Église, t. XXIV, p. 24 et seq.) se montre fort sévère contre saint Ives dans cette affaire de la consécration de l'évêque d'Orléans. « Tout fut, dit-il, manifestement anticanonique dans cette triste cause. » Nous ne pouvons nous associer à la rigueur de son jugement : les explications de l'évêque de Chartres nous semblent trop loyales pour qu'il soit permis de douter de la pureté de ses intentions. Il montra d'ailleurs trop d'énergie dans sa lutte contre le roi de France pour qu'on puisse supposer, comme le suggère M. Darras, que c'est par crainte de Philippe Ier qu'il prêta la main au sacre de Sanction, M. Darras a du reste supprimé la fin de la lettre de saint Ives, qui lui semblait sans doute nuire à son accusation.

[11] Voir Lettre L.

[12] Un concile eut lieu à Nîmes au mois de juillet 1096. Ce fut le pape Urbain II lui-même qui le présida.

[13] Anseau avait été élu évêque de Beauvais en juillet 1096. Urbain II refusa longtemps de donner son approbation à cette élection, et Anseau ne put être sacré qu'en juin 1099. Il mourut le 21 novembre suivant.

[14] Suivant M. l'abbé Darras (t. XXIV, p. 20), dans la seconde partie de cette lettre, Ives conseille au roi « d'opposer l'autorité des évêques de son royaume à celle du siège apostolique, » et ainsi proclame implicitement la légitimité du schisme. Nous avouons ne rien voir de semblable en cette lettre : il est vrai que M. Darras la traduit d'une façon tellement fantaisiste qu'il nous paraît en avoir complètement changé le sens.

[15] Nous avons interverti l'ordre de cette lettre parce qu'elle porte avec elle une date certaine (1096, ad fin.). Elle est la dernière dans notre manuscrit, sans doute parce que le copiste l'aura trouvée après coup.

[16] Juret a voulu lire Aldeberto au lieu de Hildeberto, ce qui est inadmissible. Notre manuscrit porte bien Hildeberto, et d'ailleurs jamais aucun Aldebert n'a tenu le siège episcopal du Mans. La grande raison de Juret pour proposer Aldebert est que cette lettre de saint Ives est injurieuse pour la mémoire du bienheureux évêque Hildebert ; mais on sait combien, à cette époque, les accusations même les plus invraisemblables se produisaient facilement, et saint Ives ajoutait si peu de foi aux reproches portés contre Hildebert qu'il les traite lui-même de calomnieux, huic calumniœ.

A la mort d'Hoël, le roi d'Angleterre, Guillaume le Roux, avait déclaré sa volonté d'intervenir dans l'élection du nouvel évêque en vertu de sa prétendue suzeraineté sur la province du Maine. Le comte Hélie, auquel Guillaume le Roux avait déjà voulu enlever la ville du Mans, n'avait garde d'irriter davantage ce monarque par une résistance ouverte à cette nouvelle prétention. Il convint donc avec le roi d'Angleterre de faire élire pour évêque le doyen du Chapitre, Geoffroy ; mais le clergé et le peuple réunis pour le vote acclamèrent spontanément l'archidiacre Hildebert de Lavardin. De là, grande colère des partisans de Geoffroy : se sentant soutenus par le comte et par le roi, ils crurent pouvoir tout oser. Dans le chapitre, un chanoine, nommé Hilgot, organisa la résistance et répandit dans les diocèses voisins les accusations les plus mensongères. Mais la vertu et la sainteté d'Hildebert étaient dès lors si connues que les calomniateurs échouèrent dans leurs tentatives. Le comte Hélie lui-même finit par céder aux prières du clergé du Mans, et Hildebert fut sacré par Raoul II, archevêque de Tours, le jour de Noël 1097.

[17] Hugues de Lyon avait annulé l'élection de Sanction : l'évêché d'Orléans était donc alors vacant ; l'archidiacre Jean, le compétiteur de Sanction, fut élu le 28 décembre 1096.

[18] Sanction avait été ordonné prêtre à Rome même, par le pape Grégoire VII, lorsqu'en 1079, il s'était rendu près du Saint-Siège pour défendre son élection à l'évêché d'Orléans après la déposition de Rainier de Flandre.

[19] L'archevêque de Sens, Richer, étant mort le 27 décembre 1096, sans vouloir reconnaître le droit primatial de l'église de Lyon, le clergé de Sens, qui avait encouragé le vieux prélat dans sa résistance, s'était empressé de lui donner un successeur disposé à continuer la lutte. Sans prendre d'autre avis que celui du Roi, sans même convoquer les évêques de la province, on avait aussitôt élu un diacre nommé Daimbert. Celui-ci, longtemps repoussé par l'archevêque de Lyon, ne fut sacré qu'en mars 1098.

[20] Hugues de Lyon s'opposait au sacre de Daimbert parce qu'il l'accusait d'avoir été l'un des principaux auteurs de la rébellion de l'archevêque Richer contre la primatie de l'archevêque de Lyon. Il voulait que préalablement le nouveau prélat fît serment d'obéissance et de soumission a sa juridiction primatiale.

[21] Adélaïde de Rochefort, veuve de Hugues II, gouvernait la seigneurie du Puiset pendant l'absence de son fils, Evrard III, parti pour la croisade à la fin de septembre 1096. Secondée par son second fils, Hugues III, qui avait hérité de l'esprit turbulent de son père, elle ne craignit pas de s'attaquer aux propriétés de l'Eglise. Nous verrons par la suite des lettres de saint Ives qu'elle fut plusieurs fois excommuniée par l'évêque de Chartres.

[22] Gervais, sénéchal de Philippe Ier, était marié à Mabile, fille de Hugues Ier, seigneur de Châteauneuf-en-Thimerais. Il succéda à son beau-père vers 1105. C'était un terrible batailleur : pendant plus de vingt ans, il fut en lutte avec Henri Ier, roi d'Angleterre, qui fit fortifier, en 1113, Illiers et Nonancourt, pour s'opposer à ses incursions. Gervais Ier mourut vers 1140.

[23] Faire dépendre la validité des sacrements de la pureté ou de la sainteté du ministère serait une erreur, contraire à ce que dit saint Augustin, cité plus bas par saint Ives. Il faut donc entendre autrement le texte de saint Jérôme. Le saint docteur, qui parle ici des prêtres et de leurs obligations, veut qu'ils soient saints, pour que tout soit dans l'ordre, pour qu'ils ne fassent pas un sacrilège, et saint Ives, pour confondre les hérétiques qu'il combat, en leur opposant la double autorité de saint Jérôme et de saint Augustin, est censé leur dire : Non seulement il faut que les paroles soient prononcées, mais il faut de plus, pour la validité, que celui qui les prononce soit prêtre, et pour la convenance, pour l'observation du précepte divin, qu'il soit saint. » (Note communiquée.)

[24] Le voyage de Guillaume de Montfort à Rome eut lieu au mois de février 1097.

[25] L'abbaye de Lagny avait été fondée au VIIe siècle par saint Fursy. L'abbé était alors Arnoul, issu de la famille des comtes de Champagne. Malgré la sévérité des reproches qu'Ives semble adresser aux moines de Lagny, Urbain II usa d'indulgence envers eux : par ses soins, un accord fut conclu entre l'abbaye et l'évêque de Paris.

[26] L'archevêque de Tours possédait, comme nous l'avons vu (lettre LIV), une prévôté et un archidiaconé dans l'église d'Orléans.

[27] Les chansons latines du Moyen-âge sont assez rares. Dans une note mise par nous à la lettre CLXXXIV, nous reproduisons une chanson inédite, composée par le doyen de Chartres, Arnaud, en l'honneur de sa mère Leticia.

[28] Il est ici question de Baudry, abbé de Bourgueil depuis 1079. Il devint évêque de Dol en 1107 et mourut le 7 janvier 1130. Baudry est très connu comme historien : son principal ouvrage est Historiœ Hierosolymitante libri quatuor, -le fond en est tiré d'une Histoire de Theudebolde, retouchée par Pierre, abbé de Maillezais, qui avait pris part à la première croisade. Baudry était lié d'amitié avec l'abbé de Maillezais et aussi avec Robert d'Arbrissel, dont il nous a laissé la Vie.

[29] Raoul d'Orléans, archevêque de Tours, couronna en effet Philippe Ier le 27 décembre 1097.

[30] Cette terre était située près de Beauvais, sur le territoire de Saint-Lucien, et était celle même qui avait été donnée au couvent de Saint-Quentin par Gui, lorsqu'il avait fondé le monastère.

[31] Gui, évêque de Beauvais, siégea de 1063 à 1085. En souvenir de l'église de Saint-Quentin, dont il avait été gardien avant de parvenir à l'épiscopat, il fonda, en 1067, près des murailles de Beauvais, un monastère qu'il dédia à l'apôtre du Vermandois.

[32] L'évêque dont il est question dans cette lettre de saint Ives doit être Guillaume d'Uriel, qui occupa le siège de Limoges, de 1098 à 1100.

[33] Les moines de Marmoutier. Leurs plaintes n'étaient pas tout à fait désintéressées : leur but sans doute était de se faire donner le monastère de Faremoutier, comme nous verrons que le fit Philippe Ier.

[34] Adèle, comtesse de Chartres et de Blois, femme du comte Etienne.

[35] Beaucoup de monastères, au XIe siècle, avaient malheureusement imité les désordres qui régnaient à la cour des seigneurs. L'abbaye de Faremoutier fut une des plus éprouvées en ce genre. Indépendamment de la lettre de saint Ives qui est un témoignage certain de l'inconduite des religieuses, nous avons une lettre de Philippe Ier à Bernard, abbé de Marmoutier (1084-1100), dans laquelle, après avoir déploré presque dans les mêmes termes que l'évêque de Chartres les désordres qui se commettent à Faremoutier, le Roi donne le monastère avec toutes ses possessions à l'abbaye de Marmoutier. Cette donation ne semble pas cependant avoir eu d'effet, car nous voyons que l'abbaye de Faremoutier exista indépendante jusqu'à la Révolution.

[36] Guillaume le Roux, roi d'Angleterre, fils et successeur de Guillaume le Conquérant.

[37] Cette lettre est postérieure à l'année 1098. Nous trouvons en effet, en cette année, Nivard de Septeuil à la tête des troupes que Guillaume le Roux envoya assiéger les châteaux de Montfort l'Amaury et d'Epernon. Nivard de Septeuil était le vassal naturel de Robert Courte-Heuse, duc de Normandie, auquel le roi d'Angleterre ne cessa de faire la guerre : irrité, on ne sait trop pour quel motif, contre Guillaume le Roux, Nivard s'était rallié à son premier suzerain, et saint Ives l'avait encouragé dans cette conduite.

[38] Ch. Sigonius, au livre II de son Histoire du royaume d'Italie, à l'année 623, rapporte ce qui suit des rois Adulubalde et Ariobalde. Le patrice Eusèbe, envoyé par l'empereur Heraclius vers Adulubalde, roi des Lombards, parvint à lui faire prendre un breuvage qui lui enleva la raison ; profitant alors de sa démence, il lui persuada de faire périr les principaux des Lombards. Déjà douze des premiers de la nation avaient été mis à mort lorsque le peuple, indigné de cette tyrannie, se souleva, chassa Adulubalde et mit.sur le trône à sa place Ariobalde, duc de Turin, et beau-frère d'Adulubalde. Mais Ariobalde était arien ; le pape Honorius Ier s'opposa à la déposition d'Adulubalde et écrivit à tous les évêques d'Italie pour leur défendre de reconnaître l'usurpateur.

[39] Le personnage à qui cette lettre est adressée est Gérard II, abbé de Saint-Wandrille de 1091 au 13 mars 1126.