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ARGUMENTUM
Captu'st in pugna Hegionis filius.
Alium quadrimum fugiens servus vendidit.
Pater captivos commercatur Alios,
Tantum studens, ut natum captum recuperet;
Et inibi emit olim amissum filium.
Is suo cum domino veste vorsa ac nomine,
Ut amittatur fecit : ipsus plectitur.
Et is reduxit captum, et fugitivom simul,
Indicio cuius alium agnoscit filium.
PERSONAE
ERGASILUS PARASITUS
HEGIO SENEX
LORARII
PHILOCRATES ADULESCENS CAPTIVUS
TYNDARUS SERVUS CAPTIVUS
ARISTOPHONTES ADULESCENS CAPTIVUS
PUER HEGIONIS
PHILOPOLEMUS ADULESCENS
STALAGMUS SERVUS |
ARGUMENT
On
a fait prisonnier dans un combat le fils d'Hégion; un autre
fils lui fut enlevé à l'âge de quatre ans par un esclave qui
le vendit. Le vieillard, dans la seule intention de
recouvrer son enfant prisonnier, achète des captifs éléens.
Tout justement, au nombre de ces captifs achetés, se trouve
le fils qui lui fut ravi autrefois; celui-ci a changé de nom
et d'habit avec son maître, pour lui ménager le moyen de
s'échapper; lui-même en porte la peine. Mais le maître
ramène à la fois le fils qui était prisonnier et l'esclave
fugitif, dont les aveux font reconnaître l'autre fils.
PERSONNAGES
ERGASILE,
parasite de Philopolème et d'Hégion.
HÉGION, riche Étolien, père de Tyndare et de
Philopolème.
ESCLAVES D'HÉGION, gardiens des captifs.
PHILOCRATE, jeune homme d'Élide, prisonnier.
TYNDARE, esclave de Philocrate, et fils d'Hégion.
ARISTOPHONTE, autre captif, compatriote et ami de
Philocrate.
UN ESCLAVE d'Hégion.
PHILOPOLÈME, fils d'Hégion.
STALAGME, esclave fugitif, ravisseur de Tyndare. |
PROLOGUS
Hos quos videtis stare heic captivos duos,
illi qui adstant, hi stant ambo, non sedent.
Hoc vos mihi testeis estis, me verum loqui.
Senex qui heic habitat Hegio, est huius pater.
Sed is quo pacto serviat suo sibi patri, 5
id ego heic apud vos proloquar, si operam datis.
Seni huic fuerunt filii gnati duo.
Alium quadrimum puerum servos surpuit,
eumque hinc profugiens vendidit in Alide
huiusce patri : iam hoc tenetis? optumum 'st. 10
Negat, mehercle, ille ultimus, discedito.
Si non, ubi sedeas, locus est, est, ubi ambules,
quando histrionem cogis mendicarier.
Ego me tua causa, ne erres, non rupturu' sum.
Vos qui potestis ope vestra censerier, 15
adcipite reliquom; alieno uti nil moror.
Fugitivos ille, ut dixeram ante, huius patri,
domo quem profugiens dominum abstulerat vendidit.
Hic postquam hunc emit, dedit eum huic gnato suo
peculiarem, quia quasi una aetas erat. 20
Hic nunc domi servit suo patri, nec scit pater.
Enim vero di nos quasi pilas homines habent.
Rationem habetis, quomodo unum amiserit.
Postquam belligerant Aetoli cum Aliis,
ut fit in bello, capitur alter filius: 25
medicus Menarchus emit ibidem in Alide.
Coepit captivos commercari hic Alios,
si quem reperire posset, quo mutet suum,
illum captivom : hunc suom esse nescit, qui domi'st.
Et quoniam heri inde audivit, de summo loco 30
summoque genere captum esse equitem Alium,
nil pretio parsit, filio dum parceret :
reconciliare ut facilius posset domum,
emit hosce e praeda ambos de quaestoribus.
Hice autem inter sese hunc confinxerunt dolum, 35
quo pacto hic servos suom herum hinc amittat domum.
Itaque inter se conmutant vestem et nomina.
Illic vocatur Philocrates, hic Tyndarus.
Huius illic, hic illius hodie fert imaginem.
Et hic hodie expediet hanc docte fallaciam, 40
et suom herum faciet libertatis conpotem,
eodemque pacto fratrem servabit suum
reducemque faciet liberum in patriam ad patrem,
inprudens: itidem ut saepe iam in multis locis,
plus insciens quis fecit, quam prudens boni. 45
Sed inscienteis sua sibi fallacia
ita conpararunt et confinxerunt dolum :
itaque hi conmenti, de sua sententia,
ut in servitute hic ad suom maneat patrem,
ita nunc ingnorans suo sibi servit patri : 50
homunculi quanti sunt, quom recogito!
Haec res agetur nobis, vobis fabula.
Sed etiam 'st, paucis vos quod monitos voluerim.
Profecto expediet, fabulae huic operam dare.
Non pertractate facta 'st, neque item ut ceterae: 55
neque spurcidici insunt versus inmemorabileis.
Heic neque periurus leno 'st, nec meretrix mala;
neque miles gloriosus. Ne vereamini,
quia bellum Aetolis esse dixi cum Aliis:
foris illeic extra scaenam fient proelia. 60
Nam hoc paene iniquom 'st comico choragio
conari desubito nos agere tragoediam.
Proin si quis pugnam exspectat, liteis contrahat:
valentiorem nactus adversarium
si erit, ego faciam, ut pugnam inspectet non bonam : 65
adeo ut spectare postea omneis oderit.
Abeo. Valete, iudices iustissimi
domi, duellique duellatores optumi. |
PROLOGUE LE CHEF DE LA TROUPE
(en
habit de prologue (01).
TYNDARE ET PHILOCRATE
(enchaînés devant la maison d'Hégion).
LE CHEF DE LA TROUPE
(montrant
Tyndare et Philocrate).
Ces hommes que vous voyez debout, ces deux captifs qui sont
tout debout, là, eh bien ! tous deux se tiennent debout, et
ne sont pas assis; je ne mens pas, vous m'en êtes témoins.
Le maître de ce logis, le vieil Hégion, est le père de
celui-ci. (Montrant Tyndare).
Mais comment, lui, se trouve-t-il en servitude chez son
père? Je vais vous l'expliquer par forme d'avant-propos, si
vous me prêtez attention. Ce vieillard avait deux fils; l'un
lui fut enlevé à l'âge de quatre ans par un esclave, qui
s'enfuit en Élide et qui vendit l'enfant au père de
celui-là. (Montrant Philocrate.)
Y êtes-vous? Fort bien... Mais en voilà un là-bas, aux
derniers rangs, qui se plaint de ne pas entendre? Va-t'en;
si tu n'as pas de place pour t'asseoir, tu en trouveras pour
te promener. Ces gens-là réduiraient à l'aumône un acteur.
Tu te trompes, si tu crois que, pour te faire plaisir, je
vais me briser la poitrine. Mais vous, qui pouvez faire
déclaration de biens aux censeurs (02),
vous aurez le reste de l'histoire; je ne veux rien devoir à
personne. Le coquin d'esclave, disions-nous, qui avait
enlevé son jeune maître en prenant la fuite, le vendit au
père de celui-là (montrant Philocrate); le brave homme ne
l'eut pas plutôt acheté, qu'il le donna en pécule à son fils
(03)
: en effet, ils avaient presque le même âge. Maintenant, lui
(montrant Tyndare), le voici
esclave de son père, chez lui, et le père n'en sait rien.
Pauvres hommes, nous servons de jouets aux dieux, comme des
balles à la paume. Vous comprenez donc comment le vieillard
perdit autrefois un de ses fils. Dernièrement, l'autre, qui
combattait dans l'armée d'Étolie contre les Éléens, a été
pris : c'est chose qui arrive à la guerre; et le médecin
Ménarque, en Élide, l'a acheté. Hégion depuis lors achète de
tous côtés des prisonniers d'Élide, dans l'espoir de
délivrer, par un échange, son fils captif chez l'ennemi, lui
qui a l'autre fils dans sa maison, et ne le connaît pas.
Hier, on vint lui dire qu'il y avait parmi les prisonniers
un cavalier d'une grande distinction et d'une haute
naissance; il n'a point regardé au prix, parce qu'il regarde
avant tout à son fils, qu'il veut ramener, coûte que coûte,
dans ses foyers; il a acheté ces deux captifs aux questeurs
qui vendaient le butin.
De leur côté, les captifs ont concerté ensemble un
stratagème, au moyen duquel l'esclave doit renvoyer son
maître chez lui : ils échangent noms et habits; celui-là (montrant
Tyndare) s'appellera Philocrate, et celui-ci, Tyndare
(il montre Philocrate) : ils
figurent l'un pour l'autre, et celui-ci saura en homme
habile mener à fin le complot, et rendra à son maître la
liberté : du même coup, il aura son propre frère libre,
rendu à sa patrie, à son père, tout cela sans le savoir.
Ici, comme en beaucoup d'autres rencontres, mieux fait
hasard que sagesse. Ainsi, sans savoir la portée de leur
ruse, ils ont comploté, machiné; voici leur arrangement
secret; celui-ci demeure en servitude chez son père, ne se
doutant pas que c'est son père dont il est devenu esclave.
Chétive humanité ! ce que c'est que d'elle, quand j'y pense!
Telle est pour nous l'action, pour vous la comédie.
Encore un mot, j'ai un avertissement à vous donner. Cette
pièce mérite votre attention; elle n'est pas faite, comme
toutes les autres, sur un sujet rebattu; il n'y a point ici
de ces vers orduriers qu'on ne peut répéter; il n'y a ni
marchand de filles imposteur, ni malicieuse courtisane, ni
guerrier fanfaron; ne craignez rien non plus, parce que je
vous ai annoncé que les Éoliens étaient en guerre avec les
gens d'Élide : on se battra loin d'ici, hors du théâtre.
D'ailleurs, ce serait trop ambitieux de vouloir, avec une
troupe comique, se mettre tout à coup à jouer la tragédie :
donc, s'il y a quelque amateur de bataille, qu'il aille
chercher dispute ailleurs; et, pour peu qu'il rencontre un
adversaire plus vigoureux que lui, je lui promets un combat
qui le dégoûtera pour toujours de ce genre de spectacle.
Je me retire; adieu, très équitables juges dans la paix,
très valeureux guerriers dans les combats.
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ACTUS I. i
ERGASILUS
Iuventus nomen indidit Scorto mihi,
eo quia invocatus soleo esse in convivio. 70
Scio absurde dictum hoc derisores dicere.
At ego aio recte : nam scortum in convivio
sibi amator, talos quom iacit, scortum invocat.
Estne invocatum, annon est? est planissume.
Verum, hercle, vero nos parasiti planius; 75
quos nunquam quisquam neque vocat, neque invocat :
quasi mureis semper edimus alienum cibum.
Ubi res prolatae sunt, quom rus homines eunt,
simul prolatae res sunt nostris dentibus.
Quasi, quom caletur, cochleae in obculto latent, 80
suo sibi suco vivont, ros si non cadit :
item parasiti rebus prolatis latent
in obculto miseri, victitant suco suo,
dum ruri rurant homines, quos ligurriant.
Prolatis rebus parasiti venatici 85
sumus : quando res redierunt, molossici
odiosicique et multum inconmodestici.
Et heic quidem, hercle, nisi qui colaphos perpeti
potis parasitus, frangique aulas in caput,
vel ire extra portam Trigeminam ad saccum licet. 90
Quod mihi ne eveniat, nonnullum periculum 'st.
Nam postquam meus rex est potitus hostium,
(ita nunc belligerant Aetoli cum Aliis;
nam Aetolia haec est : illeic est captus in Alide,
Philopolemus, huius Hegionis filius 95
senis, qui heic habitat : quae aedeis lamentariae
mihi sunt, quas quotienscunque conspicio fleo)
nunc hic obcepit quaestum hunc fili gratia
inhonestum et maxume alienum ingenio suo.
Homines captivos commercatur, si queat 100
aliquem invenire, suom qui mutet filium.
Quod ego quidem nimis quam cupio ut inpetret :
nam ni illum recipit, nihil est quo me recipiam.
Nulla iuventutis spes est : sese omneis amant.
Ille demum antiquis est adulescens moribus : 105
quoius nunquam voltum tranquillavi gratiis.
Condigne pater est eius moratus moribus.
Nunc ad eum pergam. Sed aperitur ostium,
unde saturitate saepe ego exii ebrius. |
LES
CAPTIFS
ACTE I
ERGASILE
(seul).
Les jeunes gens m'ont surnommé la BELLE, parce que je suis
toujours au festin l'invocatus; les moqueurs prétendent, je
le sais, que ce surnom ne signifie rien; moi, je dis qu'il
est bien trouvé (04).
Jugez-en : un amant, à table, lorsqu'il jette les dés,
invoque sa belle; est-elle invocata, oui ou non? Oui, sans
aucun doute. Et les parasites? Par Hercule ! ils sont encore
plus certainement invocati, eux que personne n'invite ni
n'invoque, et qui vivent, comme les rats, des provisions
d'autrui. Quand arrive la morte-saison ou saison des champs,
il y a suspension d'affaires aussi pour nos mâchoires. De
même que, pendant les chaleurs, les limaçons languissent
enfoncés dans leur coquille, et se nourrissent de leur
propre substance, tant qu'il ne tombe point de rosée; ainsi
les pauvres parasites, pendant les vacances, vivent dans
leur coquille, tandis que les villégiatures retiennent aux
champs tout le monde; faute de quoi ils se mangent
eux-mêmes. Durant cette morte-saison, nous, parasites, nous
ressemblons à des lévriers; mais reprennent les affaires, et
nous voilà dogues de forte race, peu commodes, voraces. Ici,
il faut qu'un parasite sache endurer les soufflets, qu'il
ait un front où se brisent les pots (05);
sans cela, par Hercule ! qu'il prenne la besace, et qu'il
aille à la porte Trigémine (06).
Je crains bien que ce ne soit là bientôt mon sort, car
depuis que mon roi (07)
est tombé au pouvoir des ennemis (vous savez la guerre que
les Étoliens font à ceux d'Élide? et nous sommes ici en
Étolie, et les Éléens ont fait prisonnier Philopolème, fils
du vieil Hégion qui habite en ce logis, logis lamentable à
mon coeur, et que je ne puis regarder sans pleurer), ce
vieillard a entrepris, dans l'intérêt de son fils, un négoce
peu honorable, et qui répugne tout à fait à son caractère :
il achète des prisonniers espérant en trouver un à échanger
contre son fils. Puisse-t-il réussir! Car s'il a perdu son
fils sans retour, je suis moi-même un homme perdu. Rien à
espérer des jeunes gens d'à présent; tous, de vrais égoïstes
! Le mien seul avait conservé les mœurs de l'âge d'or; si je
lui déridais le visage, j'avais ma récompense. Et son digne
homme de père est bien digne d'un tel fils. Je vais le
voir... Mais on ouvre cette porte, d'où je sortis tant de
fois ivre de bonne chère. |
I.ii HEGIO, LORARIUS, ERGASILUS
HEGIO
Advorte animum, sis, tu : istos captivos duos, 110
heri quos emi de praeda de quaestoribus,
his indito catenas singularias;
istas maiores, quibus sunt vincti, demito.
Sinito ambulare, si foris, si intus volent;
sed uti adserventur magna diligentia. 115
Liber captivos avis ferae consimilis est;
semel fugiendi si data 'st occasio,
satis est : nunquam postilla possis prendere.
LORARIUS
Omneis profecto liberi lubentius
sumus quam servimus.
HEGIO
Non videre ita tu quidem. 120
LORARIUS
Si non est quod dem, mene vis dem ipse in pedes?
HEGIO
Si dederis : erit extemplo mihi quod dem tibi.
LORARIUS
Avis me ferae consimilem faciam, ut praedicas.
HEGIO
Ita ut dicis, nam si faxis, te in caveam dabo.
Sed satis verborum 'st. cura quae iussi, atque abi. 125
Ego ibo ad fratrem ad alios captivos meos :
visam ne nocte hac quidpiam turbaverint.
Inde me continuo recipiam rursum domum.
ERGASILUS
Aegre 'st mi, hunc facere quaestum carcerarium
propter sui gnati miseriam, miserum senem. 130
Sed si ullo pacto ille huc conciliari potest,
vel carnificinam hunc facere possum perpeti.
HEGIO
Quis heic loquitur?
ERGASILUS
Ego, qui tuo maerore maceror,
macesco, consenesco, et tabesco miser.
Ossa atque pellis sum miser a macritudine. 135
Neque unquam quidquam me iuvat, quod edo domi;
foris aliquantillum etiam quod gusto, id beat.
HEGIO
Ergasile, salve.
ERGASILUS
Di te bene ament, Hegio.
HEGIO
Ne fle.
ERGASILUS
Egon' illum non fleam? egon' non defleam
Talem adulescentem?
HEGIO
Semper sensi filio 140
meo te esse amicum, et illum intellexi tibi.
ERGASILUS
Tum denique homines nostra intellegimus bona,
quom quae in potestate habuimus, ea amisimus.
Ego postquam gnatus tuos potitu'st hostium,
expertus quanti fuerit, nunc desidero. 145
HEGIO
Alienus quom eius incommodum tam aegre feras,
quid me patrem par facere 'st, quoi ille 'st unicus?
ERGASILUS
Alienus ego ! alienus ille ! ha, Hegio !
nunquam istuc dixis, neque animum induxis tuum.
Tibi ille unicu'st, mi etiam unico magis unicus. 150
HEGIO
Laudo, malum quom amici tuom ducis malum.
Nunc habe bonum animum.
ERGASILUS
Eheu ! Huic illud dolet,
quia nunc remissus est edendi exercitus.
HEGIO
Nullumne interea nanctu's, qui posset tibi
remissum, quem dixti, inperare exercitum? 155
ERGASILUS
Quid credis? fugitant omneis hanc provinciam,
quoi obtigerat postquam captu'st Philopolemus tuus.
HEGIO
Non, pol, mirandum 'st fugitare hanc provinciam.
Multis et multigeneribus opus est tibi
militibus; primumdum opus est Pistorensibus : 160
eorum sunt aliquot genera Pistorensium.
Opus Paniceis est, opus Placentinis quoque,
opus Turdetanis, opust Ficedulensibus :
iam maritumi omneis milites opus sunt tibi.
ERGASILUS
Ut saepe summa ingenia in occulto latent ! 165
Hic qualis inperator, nunc privatus est.
HEGIO
Habe modo bonum animum. Nam illum confido domum
in his diebus me reconciliassere.
Nam eccum heic adulescentem captivom Alium,
prognatum genere summo, et summis divitiis : 170
hoc illum me mutare, confido fore.
ERGASILUS
Ita di deaeque faxint. Sed num quo foras
vocatu's ad coenam?
HEGIO
Nusquam, quod sciam.
Sed quid tu id quaeris?
ERGASILUS
Quia mi natali 'st dies;
propterea te vocari ad te ad coenam volo. 175
HEGIO
Facete dictum. Sed si pauxillum potes
contentus esse.
ERGASILUS
Ne perpauxillum modo;
nam istoc me assiduo victu delecto domi.
Age, sis, roga emptum, nisi qui meliorem adferet,
quae mi atque amicis placeat conditio magis : 180
quasi fundum vendam, meis me addicam legibus.
HEGIO
Profundum vendis tu quidem, haud fundum mihi :
sed si venturu's, tempori.
ERGASILUS
Hem, vel iam otium 'st.
HEGIO
I modo, venare leporem, nunc erem tenes.
Nam meus scruposam victus commetat viam. 185
ERGASILUS
Numquam istoc vinces me, Hegio, ne postules
cum calceatis dentibus veniam tamen.
HEGIO
Asper meus victus sane 'st.
ERGASILUS
Sentisne esitas?
HEGIO
Terrestris coena 'st.
ERGASILUS
Sus terrestris bestia 'st.
HEGIO
Multis oleribus.
ERGASILUS
Curato aegrotos domi. 190
Numquid vis?
HEGIO
Venias tempori.
ERGASILUS
Memorem mones.
HEGIO
Ibo intro, atque intus subducam ratiunculam,
quantillum argenti mi apud trapezitam siet.
Ad fratrem, quo ire dixeram, mox iero. |
HÉGION, ESCLAVE FOUETTEUR
(08),
ERGASILE, captifs au fond du théâtre, esclaves près
de ta maison.
HÉGION
(à
l'esclave fouetteur).
Holà ! écoute, je te prie. Ces deux captifs, que j'achetai
hier aux questeurs dans la vente du butin, mets-leur des
chaînes simples à chacun; ôte-leur ces fers trop pesants qui
les attachent ensemble; laisse-les aller et venir dans la
maison, dehors, comme ils voudront, sans toutefois qu'on les
perde de vue. L'homme libre captif est semblable à l'oiseau
sauvage; que l'occasion de fuir s'offre seulement une fois,
c'est assez; on ne le rattrape plus jamais.
L’ESCLAVE
Par ma foi, tous les hommes préfèrent la liberté à la
servitude.
HÉGION
Cependant tu ne sembles pas être de ce sentiment-là.
L'ESCLAVE
Si je n'ai pas de quoi payer, voudras-tu que je paye avec
mes jambes?
HÉGION
Si tu me paies de la sorte, je sais comment te payer à mon
tour.
L'ESCLAVE
Je ferai comme l'oiseau dont tu parles.
HÉGION
C'est cela même. Et moi, je te mettrai en cage. Mais trêve
aux discours. Fais ce que je t'ai dit, et va-t'en. Moi, je
vais chez mon frère, voir si mes autres captifs n'ont pas
fait quelque désordre cette nuit. Puis, je reviens aussitôt.
ERGASILE
Il me fait peine. Lui, réduit à ce métier de geôlier, par le
malheur de son fils; malheureux vieillard ! Mais il faut à
tout prix qu'il le ramène ici, dût-il faire le métier de
bourreau.
HÉGION
Qui est-ce qui parle là?
ERGASILE (d'un air piteux).
Moi, qui me consume de ton chagrin; moi, qui me sens
maigrir, languir, dépérir misérablement. Je n'ai plus que la
peau et les os, tant je suis maigre, hélas ! Jamais rien ne
me profite de ce que je mange chez moi; tandis que la
moindre lippée chez les autres me fait tant de bien !
HÉGION
Bonjour, Ergasile.
ERGASILE (sanglotant).
Que les dieux te conservent, Hégion !
HÉGION
Ne pleure pas.
ERGASILE
Moi, ne pas le pleurer ! ne pas le pleurer à chaudes larmes,
un si bon jeune homme
HÉGION
J'ai bien compris toujours que tu aimais mon fils comme il
t'aimait.
ERGASILE
Nous voilà bien, les hommes. Pour connaître le prix de ce
qu'on possède, il faut le perdre; je le vois bien. Depuis
que ton fils est tombé aux mains de l'ennemi, j'ai pu me
rendre compte de ce qu'il valait. Quel regret est le mien !
HÉGION
Puisqu'un étranger prend tant de part à ses maux, que
dois-je éprouver, moi le père, qui n'aimais que lui?
ERGASILE
Étranger, moi? étranger à lui? Ne dis jamais cela, Hégion;
garde-toi de le croire. Tu l'aimais comme un fils unique,
mais pour moi, il était plus unique que tout ce qu'il y a
d'unique au monde.
HÉGION
C'est très bien à toi, de faire du malheur d'un ami ton
propre malheur. Mais prends courage.
ERGASILE
Hélas ! (se frappant l'estomac)
quelle douleur pour moi, de voir licenciée une si bonne
armée mâchelière (09)
!
HÉGION
Est-ce que tu ne trouves personne qui la veuille remettre
pour toi en activité?
ERGASILE
Y penses-tu? C'est un commandement auquel tout le monde se
dérobe depuis la captivité de ton fils, qui l'avait reçu en
partage.
HÉGION
Par Pollux ! il n'est pas étonnant qu'on refuse un
commandement pareil; il te faut beaucoup de soldats, et de
plus d'une sorte. D'abord, il en faut de Boulangerium, qui
se divisent en deux corps, les Paniens et les Pâtissiens; il
en faut encore de Grivium et d'Ortolanie; et puis toute la
troupe de mer, dont tu as besoin aussi (10).
ERGASILE.
Comme souvent les plus grands génies se cachent dans
l'obscurité l Voyez-moi : quel général en non-activité !
HÉGION
Courage ! Je compte bien ravoir mon fils ces jours-ci. Un
prisonnier d'Élide nous arrive, un jeune homme de grande
naissance et très riche; nous ferons, j'espère, un échange.
ERGASILE
Que les dieux et les déesses t'entendent ! Mais as-tu
quelque invitation en ville?
HÉGION
Aucune que je sache. Pourquoi cette question?
ERGASILE
Aujourd'hui est mon anniversaire; je voudrais que tu
m'invites.
HÉGION
Bonne idée, mais il faut te contenter de peu.
ERGASILE
Pourvu que ce ne soit pas trop peu; car c'est le régime dont
je me régale chez moi chaque jour. Ça va, marché conclu;
avec réserve de pouvoir accepter d'autres offres s'il en
vient qui, pour mes amis et pour moi, soient préférables.
C'est comme si je vendais un bien-fonds; je m'adjuge à mes
conditions.
HÉGION
Ce n'est pas un bien-fonds que tu vends, c'est un gouffre
sans fond. Si tu viens, ne te fais pas attendre.
ERGASILE
Hé, me voici tout prêt.
HÉGION
Va toujours. Tâche de lever un lièvre, tu n'as encore qu'un
hérisson. Mon régime suit une route pierreuse.
ERGASILE
Ne cherche pas à m'effrayer, Hégion; c'est peine perdue. Je
viendrai de toute façon avec des dents bien chaussées.
HÉGION
Âpre et dur est mon régime.
ERGASILE
Est-ce que tu manges des ronces?
HÉGION
La terre fait les frais de mes repas.
ERGASILE
Le sanglier est un animal de la terre.
HÉGION
Force légumes.
ERGASILE.
Garde-les pour tes malades... Je puis me retirer?
HÉGION
Viens à temps.
ERGASILE
Tu avertis un homme averti. (Il sort.)
HÉGION (seul).
Rentrons; il faut que je compte un peu l'argent qui me reste
chez le banquier; la somme n'est pas forte. Et puis j'avais
dit que j'irais chez mon frère, je vais y aller aussitôt
après. (Il sort.)
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ACTVS II. i LORARIUS, PHILOCRATES, TYNDARUS
LORARIUS
Si di
immortaleis id voluerunt, vos hanc aerumnam exsequi, 195
decet id pati animo aequo: si id facietis, levior labos
erit.
Domi fuistis, credo, liberi :
nunc servitus si evenit, ei vos morigerari mos bonu'st,
eamque et herili inperio ingeniis vostris lenem reddere.
Indigna digna habenda sunt, erus quae facit. 200
PHILOCRATES
Oi, eoi, ei. 200a
LORARIUS
Eiulatione haud opus est; oculis multam miseriam additis.
In re mala animo si bono utare, adiuvat.
PHILOCRATES
At nos pudet, quia cum catenis sumus.
LORARIUS
At pigeat postea
nostrum herum, vos iam si eximat vinculis,
aut solutos sinat, quos argento emerit. 205
TYNDARUS
Quid a nobis metuit? scimus nos
nostrum opficium quod est, si solutos sinat.
LORARIUS
At fugam fingitis : sentio quam rem agitis.
PHILOCRATES
Nos fugiamus? quo fugiamus?
LORARIUS
In patriam.
PHILOCRATES
Apage : haud nos id deceat,
fugitivos imitari.
LORARIUS
Imo edepol, si erit obcasio, haud dehortor. 210
TYNDARUS
Unum exorare vos sinite nos.
LORARIUS
Quidnam id est?
TYNDARUS
Ut sine hisce arbitris
atque vobis nobis deti' locum loquendi.
LORARIUS
Fiat, abscedite hinc : nos concedamus huc;
sed brevem orationem incipisse. 215
TYNDARUS
Hem, mi istuc certum erat. Concede huc. 215a
LORARIUS
Abite ab istis.
TYNDARUS
Obnoxii ambo
vobis sumus propter hanc rem; quom quae volumus nos,
copia est; ea facitis nos compotes.
PHILOCRATES
Secede huc nuntiam, si videtur, procul,
ne arbitri dicta nostra arbitrari queant, 220
neve permanet haec nostra fallacia.
Nam doli non doli sunt, nisi astu colas,
sed malum maxumum, si id palam provenit.
Nam si herus tu mihi es tu atque ego me tuom esse servum
assimulo,
tamen viso opu'st, cauto opus'st, ut hoc sobrie, sineque
arbitris, 225
adcurate agatur docte et diligenter.
Tanta incepta res est : haud somniculose hoc
agendum est.
TYNDARUS
Ero, ut me voles esse.
PHILOCRATES
Spero.
TYNDARUS
Nam tu nunc vides pro tuo caro capite
carum obferre me meum caput vilitati. 230
PHILOCRATES
Scio.
TYNDARUS
At scire tum memento quando, id quod voles habebis.
Nam pars maxuma fere homines habent hunc morem : quod sibi
volunt,
dum id inpetrant, sunt boni : sed id ubi penes iam sese
habent,
ex bonis pessumi et fraudulentissimi 235
fiunt; nunc, ut mihi te volo, esse autumo.
Quod tibi suadeam, suadeam meo patri.
PHILOCRATES
Pol, ego si te, si audeam, meum patrem nominem :
nam secundum patrem tu es pater proximus.
TYNDARUS
Audio.
PHILOCRATES
Et propterea saepius te ut memineris, moneo. 240
Non ego herus tibi, sed servos sum; nunc obsecro te hoc
unum;
quoniam nobis di inmortaleis animum ostenderunt suum,
ut qui herum me tibi fuisse, atque esse conservom velint;
quod antehac pro iure inperitabam meo, nunc te oro per
precem,
per fortunam incertam, et per mei te erga bonitatem patris,
245
perque conservitium conmune, quod hostica evenit manu,
ne me secus honore honestes, quam ego te, quom servibas
mihi,
atque ut qui fueris et, qui nunc sis meminisse ut memineris.
TYNDARUS
Scio quidem me te esse nunc, et te esse me.
PHILOCRATES
Hem, istuc si potes
memoriter meminisse, inest spes nobis in hac astutia. 250 |
ACTE II L'ESCLAVE FOUETTELR, PHILOCRATE, TYNDARE; autres
esclaves d'Hégion.
L'ESCLAVE FOUETTEUR
Puisqu'il a plu aux dieux immortels de vous jeter dans cette
misère, prenez votre mal en patience, il le faut; c'est le
moyen de le rendre supportable. Vous étiez libres, je crois,
dans votre pays. A présent que la servitude vous échoit,
mieux vaut vous y soumettre, et engager le maître, par votre
obéissance, à vous commander doucement : quoi qu'un maître
fasse, eût-il tort, il a toujours raison.
PHILOCRATE (pleurant).
Hi! hi! hi!
L'ESCLAVE FOUETTEUR
Il ne s'agit pas de se lamenter. C'est autant de mal pour
les yeux, ajouté au reste. Dans le malheur il faut avoir du
coeur, cela soulage.
PHILOCRATE
Quelle honte pour nous d'être à la chaîne !
L’ESCLAVE FOUETTEUR
Mais quel regret peut-être aussi pour votre maître, s'il
vous délivrait de vos liens! Vous lui coûtez trop d'argent,
pour qu'il vous laisse en liberté.
PHILOCRATE
Que peut-il craindre? Nous savons notre devoir, s'il nous
laissait libres.
L'ESCLAVE FOUETTEUR
Oui, vous avez l'idée de fuir. Je vous devine.
PHILOCRATE
Nous, fuir ! où?
L'ESCLAVE FOUETTEUR
Dans votre pays.
PHILOCRATE
Fi ! quelle indignité ! Nous imiterions des esclaves
fuyards!
L'ESCLAVE FOUETTEUR
Pourquoi pas? Si l'occasion se présente, je ne vous
con-eille pas de la négliger.
PHILOCRATE
Accordez-nous seulement une grâce.
L'ESCLAVE FOUETTEUR
Laquelle?
PHILOCRATE
De pouvoir nous parler sans être entendus d'eux (montrant
les captifs au fond du théâtre), ni de vous autres. (Il
désigne l'esclave fouetteur et ses compagnons.)
L'ESCLAVE FOUETTEUR
Soit. (Aux captifs.) Au large !
(Aux esclaves.) Et nous,
retirons-nous de ce côté. (A
Philocrate.) Mais pas de longs discours.
PHILOCRATE
C'est bien notre intention. (A Tyndare.)
Viens par ici.
L'ESCLAVE FOUETTEUR (aux
esclaves).
Eloignez-vous d'eux.
TYNDARE (aux mêmes).
Merci de cette complaisance, merci pour nous deux.
PIHLOCRATE (à Tyndare).
Viens ici, un peu à l'écart, si tu veux bien. Il faut que
personne ne saisisse nos paroles et que rien ne transpire de
notre stratagème. La ruse n'est plus ruse, si on ne la
conduit finement; c'est un piège où l'on périt, dès qu'il
est éventé. Si nous pouvons nous faire passer, toi pour mon
maître et moi pour ton esclave, ce n'est pas tout, ouvrons
l'oeil, et le bon. De la présence d'esprit, point
d'indiscrétion; menons l'intrigue comme il faut, en gens
habiles. L'entreprise est rude; elle veut qu'on ne s'endorme
pas.
TYNDARE
Tu seras content de moi.
PHILOCRATE
Je l'espère.
TYNDARE
Tu vois que pour sauver ta chère personne, je fais bon
marché de la mienne qui m'est chère aussi.
PHILOCRATE
Je le vois.
TYNDARE
Si tu le vois, souviens-t'en, quand tu auras ce que tu
désires. La plupart des hommes sont ainsi faits : tant
qu'ils veulent obtenir, ils sont toute vertu; une fois leurs
voeux accomplis, cette vertu se change en la pire des
perfidies, des déloyautés. Mais quant à toi, je n'éprouve
aucun doute sur tes sentiments. Si j'avais à te donner des
avis, je ne t'en donnerais pas autrement qu'à mon père.
PHILOCRATE
C'est toi, par Pollux ! que j'appellerais mon père, si je
l'osais. J'en ai déjà un; mais un second père, voilà ce que
tu es.
TYNDARE
J'entends.
PHILOCRATE
Aussi je ne saurais trop te le répéter, pour que tu t'en
souviennes bien. Maintenant, je te ferai une prière.
Puis-que telle a été la volonté des dieux, que je devinsse,
au lieu de ton maître, ton compagnon d'esclavage, je ne te
commande plus, je n'en ai plus le droit comme autrefois;
mais je te prie, je te conjure, par l'incertitude du sort,
par les bontés de mon père envers toi, par notre commune
servitude, où nous a réduits le bras de l'ennemi, n'aie pour
moi d'attentions et d'égards aujourd'hui ni plus ni moins
que je n'en eus pour toi, quand tu étais à mon service.
Souviens-toi bien, souviens-toi de ce que tu étais, et de ce
que tu es maintenant.
TYNDARE
Je sais que maintenant je suis toi, et que tu es moi.
PHILOCRATE
C'est cela; si tu peux te le bien remémorer en ta mémoire,
j'ai bon espoir en notre adresse. |
II.ii HEGIO, PHILOCRATES, TYNDARUS
HEGIO
Iam ego revortar intro, si ex his quae volo exquaesivero.
Ubi sunt isti, quos ante aedeis iussi huc produci foras?
PHILOCRATES
Edepol, tibi ne in quaestione essemus, cautum intellego;
ita vinclis custodiisque circummoeniti sumus.
HEGIO
Qui cavet, ne decipiatur, vix cavet, quom etiam cavet. 255
Etiam quom cavisse ratus 'st, saepe is cautor captus est.
An vero non iusta causa 'st, ut vos servem sedulo,
quos tam grandi sim mercatus praesenti pecunia?
PHILOCRATES
Neque, pol, tibi nos, quia nos servas, aequom 'st vitio
vortere :
neque te nobis, si abeamus hinc, si fuat obcasio. 260
HEGIO
Ut vos heic, itidem illeic apud vos meus servatur filius.
PHILOCRATES
Captus est?
HEGIO
Ita.
PHILOCRATES
Non igitur nos soli ingnavi fuimus.
HEGIO
Secede huc, nam sunt ex te quae solo scitari volo,
quarum rerum te falsiloquom mi esse nolo.
PHILOCRATES
Non ero
quod sciam. Si quid nescivi, id nescium tradam tibi. 265
TYNDARUS
Nunc senex est in tostrina; nunc iam cultros adtinet.
Ne id quidem, involucre iniicere voluit, vestem ut ne
inquinet.
Sed utrum strictimne adtonsurum dicam esse, an per pectinem,
nescio : verum, si frugi'st, usque admutilabit probe.
HEGIO
Quid tu? servosne esse an liber mavelis ? memora mihi. 270
PHILOCRATES
Proxumum quod sit bono, quodque a malo longissume,
id volo, quamquam non multum fuit molesta servitus :
nec mi secus erat, quam si essem familiaris filius.
TYNDARUS
Eugepae ! Thalem talento non emam Milesium.
Nam ad sapientiam huius ille nimius nugator fuit. 275
Ut facete orationem ad servitutem contulit !
HEGIO
Quo de genere gnatu'st illeic Philocrates?
PHILOCRATES
Polyplusio:
quod genus illeic 'st unum pollens atque honoratissumum.
HEGIO
Quid ipsus hic? quo honore est illeic?
PHILOCRATES
Summo atque ab summis viris.
HEGIO
Tum igitur ei; quom il Aliis tanta gratia 'st ut praedicas,
280
quid divitiae, sunt ne opimae?
PHILOCRATES
Unde excoquat sevum senex.
HEGIO
Quid ? pater, vivitne?
PHILOCRATES
Vivom, quom inde abimus, liquimus.
Nunc, vivat, nec ne, id Orcum scire oportet scilicet.
TYNDARUS
Salva res est, philosophatur quoque iam, non mendax modo
'st.
HEGIO
Quid erat ei nomen?
PHILOCRATES
Thesaurochrysonicochrysides. 285
HEGIO
Videlicet propter divitias inditum id nomen quasi est.
PHILOCRATES
Imo, edepol, propter avaritiam ipsius, atque audaciam.
[Nam ille quidem Theodoromedes fuit germano nomine.]
HEGIO
Quid tu ais? tenaxne pater est eius?
PHILOCRATES
Imo, edepol ,pertinax.
Quin etiam ut magi' gnoscas : Genio suo ubi quando
sacruficat, 290
ad rem divinam quibus opus est, samiis vasis utitur,
ne ipse Genius subripiat: proinde, aliis ut credat vide.
HEGIO
Sequere hac me igitur; eadem ego ex hoc, quae volo,
exquaesivero.
Philocrates, hic fecit, hominem frugi ut facere oportuit;
nam ego ex hoc, quo genere gnatus sis, scio : hic fassu 'st
mihi. 295
Haec tu eadem si confiteri vis, tua re feceris,
quae tamen scio scire me ex hoc.
TYNDARUS
Fecit opficium hic suum,
quom tibi est confessus verum, quanquam volui sedulo
meam nobilitatem obcultare, et genus, et divitias meas,
Hegio. Nunc quando patriam et libertatem perdidi, 300
non ego istunc me potius, quam te metuere, aequom censeo.
Vis hostilis cum istoc fecit meas opes aequabileis.
Memini, quom dicto haud audebat : facto nunc laedat licet.
Sed viden' ? Fortuna humana fingit artatque ut lubet :
me, qui liber fueram, servom fecit, e summo infumum. 305
Qui inperare insueram, nunc alterius inperio obsequor.
Et quidem si, proinde ut ipse fui imperator familiae
habeam dominum, non verear ne iniuste aut graviter mi
imperet.
Hegio, hoc te monitum, nisi forte ipse non vis, volueram.
HEGIO
Loquere audacter.
TYNDARUS
Tam ego fui ante liber, quam gnatus tuus; 310
tam mihi, quam illi, libertatem hostilis eripuit manus;
tam ille apud nos servit, quam ego nunc heic apud te servio.
Est profecto deus, qui, quae nos gerimus, auditque et videt;
is, uti tu me heic habueris, proinde illum illeic curaverit.
Bene merenti bene profuerit, male merenti par erit. 315
Quam tu filium tuom, tam pater me meus desiderat.
HEGIO
Memini ego istoc; sed faterin' eadem quae hic fassu'st mihi?
TYNDARUS
Ego patri meo esse fateor summas divitias domi,
meque summo genere gnatum; sed te obtestor, Hegio,
ne tuum animum avariorem faxint divitiae meae; 320
ne patri, tametsi sum unicus, decere videatur magis.
Me saturum servire apud te sumtu et vestitu tuo,
potius quam illei, ubi minume honestum 'st, mendicantem
vivere.
HEGIO
Ego virtute deum et maiorum nostrum dives sum satis.
Non ego omnino lucrum omne esse utile homini existumo. 325
Scio ego; multos iam lucrum lutulentos homines reddidit.
Est etiam, ubi profecto damnum praestet facere, quam lucrum.
Odi ego aurum; multa multis saepe suasit perperam.
Nunc hoc animum advortito, ut ea quae sentio, pariter scias.
Filius meus illeic apud vos servit captus Alide : 330
eum si reddis mihi, praeterea unum nummum ne duis;
et te et hunc amittam hinc; alio pacto abire non potes.
TYNDARUS
Optumum atque aequissumum oras, optumusque hominum es homo.
Sed is privatam servitutem servit illei an publicam?
HEGIO
Privatam medici Menarchi.
TYNDARUS
Pol, is quidem huius est cliens; 335
tam hoc quidem tibi in proclivi, quam imber est, quando
pluit.
HEGIO
Fac is homo, ut redimatur.
TYNDARUS
Faciam, sed te id oro, Hegio.
HEGIO
Quid vis ? dum ab re ne quid ores, faciam.
TYNDARUS
Ausculta, tum scies.
Ego me amitti, donicum ille huc redierit, non postulo.
Verum, te quaeso, aestumatum hunc mihi des, quem mittam ad
patrem, 340
ut is homo redimatur illei.
HEGIO
Imo alium potius misero
hinc, ubi erunt induciae, illuc, tuom qui conveniat patrem,
qui tua, quae tu iusseris mandata, ita, ut velis perferat.
TYNDARUS
At nihil est, ignotum ad illum mittere; operam luseris.
Hunc mitte, hic transactum reddet omne, si illuc venerit.
345
Nec quemquam fideliorem, neque cui plus credat potes
mittere ad eum, nec qui magis sit servos ex sententia;
neque adeo quoi tuom concredat filium hodie audacius.
Ne vereare, meo periclo huius ego experiar fidem,
fretus ingenio eius, quod me esse scit erga se benevolum.
350
HEGIO
Mittam equidem istunc aestumatum tua fide, si vis.
TYNDARUS
Volo;
quam citissume potest, tam hoc cedere ad factum volo.
HEGIO
Num quae causa 'st quin, si ille huc non redeat, viginti
minas
mihi des pro illo?
TYNDARUS
Optuma imo.
HEGIO
Solvite istum nunciam,
atque utrumque.
TYNDARUS
Di tibi omneis omnia optata adferant, 355
quom me tanto honore honestas quomque ex vinclis eximis.
Hoc quidem haud molestum 'st, iam quod collus collari caret.
HEGIO
Quod bonis benefit beneficium, gratia ea gravida 'st bonis.
Nunc tu illum si illo es missurus, dic, demonstra, praecipe,
quae ad patrem vis nuntiari; vin' vocem huc ad te?
TYNDARUS
Voca. 360 |
II,
2 HEGION (sortant de chez lui),
PHILOCRATE, TYNDARE, esclaves.
HÉGION (à quelqu'un dans la maison).
Je vais revenir, dès que j'aurai appris d'eux ce que je veux
savoir. (Aux esclaves.) Où sont
les captifs que j'avais dit d'amener ici devant la maison?
PHILOCRATE
Par Pollux ! tu as pris tes précautions pour n'avoir pas la
peine de nous chercher, à ce que je puis voir; de telles
chaînes et tant de gardiens nous entourent !
HÉGION
On a beau veiller pour n'être pas pris en défaut, le
meilleur veilleur ne veille jamais assez; et le plus
vigilant, qui croit avoir bien veillé, se laisse surprendre.
N'ai-je pas de bonnes raisons pour vous garder avec soin,
quand j'ai donné pour vous tant d'argent comptant?
PHILOCRATE
Assurément, par Pollux ! et nous ne devons pas plus nous
plaindre de toi, si tu nous fais bien garder, que toi de
nous, si nous prenons la fuite, en cas d'occasion.
HÉGION
Vous êtes gardés ici, comme mon fils est gardé chez vous.
PHILOCRATE
Il est prisonnier?
HÉGION
Oui.
PHILOCRATE
Nous n'avons donc pas été les seuls à manquer de courage !
HÉGION (à Philocrate).
Approche, je veux t'interroger seul à seul. Mais point de
mensonge, j'y tiens !
PHILOCRATE
Promis, pour ce que je saurai. Si j'ignore quelque chose, je
te dirai que je l'ignore.
TYNDARE (à part)
Voilà le barbier qui tient le vieillard. Il a déjà pris ses
ciseaux, et il ne jette pas même un linge sur les épaules du
pauvre homme, de peur des taches. Va-t-il le tondre ras, ou
à travers le peigne? Je ne sais pas encore; mais pour peu
qu'il s'y entende, il l'écorchera de la belle façon (11),
HÉGION
Voyons, lequel aimes-tu mieux, être esclave ou libre?
dis-le-moi.
PHILOCRATE
Le plus loin du mal et le plus près du bien, c'est ce que je
préfère, quoique, à dire vrai, je n'aie pas eu la servitude
bien pénible : on me traitait comme un fils de la maison.
TYNDARE (à part).
A merveille ! Je ne donnerais pas un talent de Thalès de
Milet. Sa sagesse n'était que faribole, au prix de celle-ci.
Comme il accommode avec esprit son langage à son état
d'esclave !
HÉGION
De quelle famille est Philocrate?
PHILOCRATE
De la famille des Richissimes, la plus puissante et la plus
distinguée du pays, sans comparaison.
HÉGION
Et lui-même? En quelle estime le tient-on?
PHILOCRATE
En la plus haute, et parmi les plus hauts personnages.
HÉGION
Avec cette grande considération dont tu dis qu'il jouit chez
les gens d'Élide, a-t-il une fortune bien grasse?
PHILOCRATE
Assez pour que le vieillard en tire du suif.
HÉGION
Comment? Son père vit encore?
PHILOCRATE
Nous le quittâmes vivant à notre départ, mais s'il vit à
présent, ou s'il a vécu, c'est Orcus seul qui peut le
savoir.
TYNDARE (à part).
Notre affaire est sûre. Il se met à philosopher en plus de
ses mensonges (12).
HÉGION
Quel était son nom?
PHILOCRATE
Thesaurochrysonicochrysidès.
HÉGION
Apparemment, on lui a donné ce nom à cause de ses richesses.
PHILOCRATE
Dis plutôt à cause de son avarice sans vergogne.
Théodoromède est son nom véritable.
HÉGION
Que dis-tu? Ce vieux père est donc serré?
PHILOCRATE
Ah, par Pollux! serré et resserré. Tiens, pour que tu saches
quel homme c'est, quand il fait une offrande à son Génie, il
ne se sert, pour le sacrifice, que de vaisselle de Samos (13),
de peur que son Génie ne le vole. Juge par là de la
confiance qu'il a dans les autres.
HÉGION (le conduisant auprès de
Tyndare).
Suis-moi par ici, maintenant. Je veux faire aussi quelques
questions à celui-là. (A Tyndare.)
Philocrate, voici un honnête garçon, je suis content de lui.
Il m'a dit quelle est ta naissance, il n'a pas dissimulé. Si
tu veux être sincère de même, tu t'en trouveras bien. Sache
seulement que je sais déjà tout par lui.
TYNDARE
Il a fait son devoir en te disant la vérité, et pourtant je
tenais beaucoup à te cacher mon rang, ma naissance, ma
fortune. Mais maintenant que j'ai tout perdu, patrie et
liberté, je trouve juste qu'il te craigne plus que moi; le
fer de l'ennemi a uni ma condition au niveau de la sienne.
Il fut un temps, je m'en souviens, où il me ménageait dans
ses paroles; maintenant, ses actions mêmes peuvent être sans
ménagement. Tu vois, la fortune dispose des hommes, et les
afflige à son gré. J'étais libre, elle m'a fait esclave : du
premier rang, elle m'a jeté au dernier. Je donnais des
ordres, j'obéis aux ordres d'un autre. Ah, si je trouvais un
maître tel que je fus moi-même à l'égard de mes gens, je
n'aurais pas à craindre d'injustice ni de dureté. Hégion,
j'aurais voulu, à ce propos, te donner un avis, si tu le
permets.
HÉGION
Parle sans crainte.
TYNDARE
Je fus libre aussi bien que ton fils. L'ennemi m'a ravi,
comme à lui, la liberté. Il sert chez nous, comme je sers
aujourd'hui chez toi. Il y a un dieu certainement, qui voit
et entend toutes nos actions; selon que tu me traiteras ici,
ce dieu veillera sur lui là-bas. La bienveillance aura sa
récompense, le bienveillant aura la sienne. Autant que tu
regrettes ton fils, autant mon père me regrette.
HÉGION
Tout cela est dans ma mémoire. Mais confirmes-tu ses aveux?
(Montrant Philocrate.)
TYNDARE
Oui, c'est vrai, mon père a de très grandes richesses, et je
suis de haute naissance. Mais je t'en conjure, Hégion, que
ma fortune n'excite pas ta cupidité. Mon père, quoique je
sois son fils unique, aimerait mieux me laisser servir chez
toi, vêtu, nourri à tes dépens, que de me voir, chez moi, à
notre grande honte, vivre en mendiant.
HÉGION
Moi, par la grâce des dieux et de mes ancêtres, j'ai bien
assez de fortune. Je ne pense pas que tout gain soit
toujours profitable. Bien des hommes, je le sais, avec une
bonne affaire sont tombés dans la boue. Il y a des occasions
où il vaut mieux perdre que gagner. Je hais l'or, il ne m'a
donné que trop souvent de tristes conseils. Prête-moi donc
attention : tu vas connaître, comme moi, mes desseins. Mon
fils est prisonnier chez vous, il sert en Élide;
rends-le-moi, et je ne te demande pas une drachme de surplus
pour te rendre la liberté, et à lui aussi (montrant
Philocrate) ; sinon, tu ne partiras pas.
TYNDARE
Il n'y a rien que de très bon et de très juste dans ta
proposition. Tu es le meilleur des hommes. Mais à qui là-bas
appartient-il? à un particulier ou à l'État (14)?
HÉGION
A un particulier, au médecin Ménarque.
PHILOCRATE
Par Pollux ! Ménarque est justement son client. (Montrant
Tyndare.) La chose va toute seule, comme l'eau tombe
quand il pleut.
HÉGION
Fais-moi racheter mon fils.
TYNDARE
Certainement. Mais j'ai une chose à te demander, Hégion.
HÉGION
Tout ce que tu voudras, pourvu que ce ne soit pas contre mon
intérêt.
TYNDARE
Écoute, tu vas le savoir. Je ne prétends pas que tu me
relâches avant que ton fils soit de retour; mais veuille
mettre Tyndare à ma disposition en fixant son prix; je
l'enverrai dire à mon père de racheter ton fils.
HÉGION
Non; quand il y aura une trêve, c'est un autre plutôt que
j'enverrai chez ton père, pour faire ta commission à ton
gré.
TYNDARE
Si tu lui envoies un inconnu, ce sera comme si tu ne faisais
rien. C'est lui qu'il faut envoyer. (Montrant
Philocrate.) Il ne sera pas plus tôt arrivé que
l'affaire sera conclue. Tu ne peux adresser à mon père un
messager plus fidèle, et qui lui inspire plus de confiance.
C'est son esclave de prédilection. Il n'y a personne à qui
il confiera ton fils plus hardiment. Ne crains rien : c'est
à mes risques et périls que j'éprouverai sa fidélité. (Montrant
Philocrate.) Je compte sur sa probité parce qu'il
connaît mes sentiments pour lui.
HÉGION
Eh bien ! nous fixerons son prix, et je l'enverrai sous ta
caution, si tu veux.
TYNDARE
J'accepte. Finissons-en le plus tôt possible.
HÉGION
Est-il convenu que, s'il ne revient pas, tu me donneras
vingt mines d'indemnité?
TYNDARE
Parfait, d'accord.
HÉGION (montrant Philocrate aux
esclaves).
Ôtez-lui ses liens, délivrez-les tous les deux.
TYNDARE
Que les dieux comblent tous tes souhaits, pour te
récompenser d'en agir si honorablement avec moi, et de me
délivrer de mes liens. Je ne suis pas fâché de me sentir le
cou débarrassé de ce collier.
HÉGION
Quand on fait du bien aux bons, c'est du bien qu'on en
éprouve. Maintenant, si tu es décidé à l'envoyer,
explique-lui ce que tu veux qu'il dise à ton père; donne-lui
tes avis, tes instructions. Veux-tu que je te l'appelle?
TYNDARE
Appelle-le. |
II.
iii HEGIO, PHILOCRATES, TYNDARUS
HEGIO
Quae res bene vortat mi meoque filio,
vobisque; volt te novos herus operam dare
tuo veteri domino, quod is velit, fideliter.
Nam ego te dedi aestumatum huic viginti minis;
hic autem te ait mittere hinc velle ad patrem, 365
meum ut illeic redimat filium; mutatio
inter me atque illum ut nostris fiat filiis.
PHILOCRATES
Utroque vorsum rectum 'st ingenium meum,
ad te, atque ad illum; pro rota me uti licet.
Vel ego huc vel illuc vortar, quo inperabitis. 370
HEGIO
Tute tibi a tuopte ingenio prodes plurimum,
quom servitutem ita fers, ut ferri decet.
Sequere hac. Hem tibi hominem.
TYNDARUS
Gratiam habeo tibi,
quom copiam istam mi et potestatem facis,
ut ego ad parenteis hunc remittam nuntium, 375
qui me quid rerum heic agitem, et quid fieri velim,
patri meo, ordine omnem rem, illuc perferat.
Nunc ita convenit inter me atque hunc, Tyndare,
ut te aestumatum in Alidem mittam ad patrem;
si non rebitas huc, ut viginti minas 380
dem pro te.
PHILOCRATES
Recte convenisse sentio.
Nam pater expectat aut me, aut aliquem nuntium,
qui hinc ad se veniat.
TYNDARUS
Ergo animum advortas volo,
quae nuntiare hinc te volo in patriam ad patrem.
PHILOCRATES
Philocrates, ut adhuc locorum feci, faciam sedulo, 385
ut potissumum quod in rem recte conducat tuam,
id petam, idque persequar corde et animo atque auribus.
TYNDARUS
Facis ita, ut te facere oportet. Nunc animum advortas volo:
omnium primum salutem dicito matri et patri,
et cognatis, et si quem alium benevolentem videris : 390
me heic valere, et servitutem servire huic homini optumo,
qui me honore honestiorem semper fecit, et facit.
PHILOCRATES
Istuc ne praecipias : facile memoria memini tamen.
TYNDARUS
Nam quidem, nisi quod custodem habeo, liberum me esse
arbitror.
Dicito patri, quo pacto mihi cum hoc convenerit 395
de huius filio.
PHILOCRATES
Quae memini, mora mera 'st monerier.
TYNDARUS
Ut eum redimat, et remittat nostrum huc amborum vicem.
PHILOCRATES
Meminero.
HEGIO
At quam primum poteris; istuc in rem utrique 'st maxume.
PHILOCRATES
Non tuom tu magis videre, quam ille suom gnatum cupit.
HEGIO
Meus mihi, suos quoique est carus.
PHILOCRATES
Numquid aliud vis patri 400
nuntiari?
TYNDARUS
Me heic valere; et tute audacter dicito,
Tyndare, inter nos fuisse ingenio haud discordabili;
neque te conmeruisse culpam, neque me advorsatum tibi,
beneque hero gessisse morem in tantis aerumnis tamen,
neque med unquam deseruisse te neque factis, neque fide. 405
Rebus in dubiis, egenis; haec pater quando sciet,
Tyndare, ut fueris animatus erga suom gnatum atque se,
nunquam erit tam avarus, quin te gratus emittat manu :
et mea opera, si hinc rebito, faciam ut faciat facilius.
Nam tua opera et comitate et virtute et sapientia. 410
Fecisti, ut redire liceat ad parenteis denuo,
quom apud hunc confessus es et genus et divitias meas,
quo pacto emisisti e vinclis tuom herum tua sapientia.
PHILOCRATES
Feci ego ista ut commemoras, et te meminisse id gratum 'st
mihi.
Merito tibi ea evenerunt a me; nam nunc, Philocrates, 415
si ego item memorem, quae med erga multa fecisti bene,
nox diem adimat; nam quasi servos meus esses, nihilo secius
obsequiosus mihi fuisti semper.
HEGIO
Di vostram fidem,
hominum ingenium liberale ! ut lacrumas excutiunt mihi !
Videas corde amare inter se. Quantis laudibus 420
suum herum servos collaudavit !
TYNDARUS
Isdtic, pol, haud me centesimam
partem laudat, quam ipse meritu'st ut laudetur laudibus.
HEGIO
Ergo quom optume fecisti, nunc adest obcasio
benefacta cumulare, ut erga hunc rem geras fideliter.
PHILOCRATES
Magis non factum possum velle, quam opera experiar persequi
: 425
id ut scias, Iovem supremum testem laudo, Hegio,
me infidelem non futurum Philocrati.
HEGIO
Probus es homo.
PHILOCRATES
Nec me secus unquam ei facturum quidquam, quam memet mihi.
TYNDARUS
Istaec dicta te experiri et operis et factis volo.
Et quo minus dixi, quam volui de te, animum advortas volo.
430
Atque horum verborum causa caveto mi iratus fuas.
Sed, te quaeso, cogitato, hinc mea fide mitti domum
te aestimatum, et meam esse vitam heic pro te positam
pignori,
ne tu me ignores, quom extemplo meo e conspectu abscesseris,
quom me servom in servitute pro ted heic reliqueris 435
tuque te pro libero esse ducas, pignus deseras,
neque des operam, pro me ut huius reducem facias filium.
Scito te hinc minis viginti aestumatum mittier.
Fac fidele sis fidelis; cave fidem fluxam geras.
Nam pater, scio, faciet, quae illum facere oportet, omnia.
440
Serva tibi in perpetuum tibi amicum me, atque hunc inventum
inveni.
Haec per dexteram tuam, te dextera retinens manu,
obsecro, infidelior mihi ne fuas, quam ego sum tibi.
Tu hoc age; tu mihi nunc meus herus es, tu patronus, tu
pater,
tibi conmendo spes opesque meas.
PHILOCRATES
Mandavisti satis. 445
Satin habes, mandata quae sunt, facta si refero?
TYNDARUS
Satis.
PHILOCRATES
Et tua et tua huc ornatus reveniam ex sententia.
Numquid aliud?
TYNDARUS
Ut, quam primum possis, redeas.
PHILOCRATES
Res monet.
HEGIO
Sequere me, viaticum ut dem a trapezita tibi :
eadem opera a praetore sumam syngraphum.
TYNDARUS
Quem syngraphum? 450
HEGIO
Quem hic ferat secum ad legionem, hinc ire huic ut liceat
domum.
tu intro abi.
TYNDARUS
Bene ambulato.
PHILOCRATES
Bene vale.
HEGIO
Edepol, rem meam
constabilivi, quom illos emi de praeda a quaestoribus.
Expedivi ex servitute filium, si dis placet.
At etiam dubitavi, hos homines emerem, an non emerem, diu.
455
Servate istum, soltis, intus, servi, ne quoquam pedem
ecferat sine custode, ego adparebo domi.
Ad fratrem modo captivos alios inviso meos,
eadem percontabor, ecqui hunc adulescentem gnoverit.
Sequere tu, te ut amittam; ei rei primum praevorti volo. 460 |
II,
3 HÉGION, PHILOCRATE, TYNDARE
HÉGION
Puisse la chose tourner à bien pour moi, pour mon fils et
pour vous ! Ton nouveau maître t'ordonne d'exécuter les
ordres de ton ancien maître avec exactitude. Je viens de te
mettre à la disposition de Philocrate, avec une estimation
de vingt mines. Il veut que tu ailles dire à son père de
racheter mon fils, pour que nous puissions faire ensuite un
échange.
PHILOCRATE
D'un et d'autre côté, je suis une bonne volonté, envers toi,
envers lui. Vous pouvez vous servir de moi comme d'une roue;
je suis prêt à tourner par ici, par là. Commandez.
HÉGION
Voilà un bon naturel, et tu entends comme il faut tes
intérêts, en prenant ainsi la servitude. Suis-moi. (A
Tyndare, auquel il amène Philocrate.) Voici ton
homme.
TYNDARE
Je te remercie, Hégion, de me donner si large facilité pour
l'envoyer à mes parents leur dire ma situation ici, et ce
que je souhaite, enfin tout expliquer en détail. Maintenant,
Tyndare, voici ce qui est convenu entre lui et moi : je
t'envoie en Élide à mon père, et ton estimation est faite :
si tu ne reviens pas, c'est vingt mines que je paierai pour
toi.
PHILOCRATE
Cet arrangement me paraît bon; car ton père attend ou moi ou
quelque autre envoyé de ta part.
TYNDARE
Écoute donc attentivement ce que je veux que tu fasses
savoir à mon père dans mon pays.
PHILOCRATE
Philocrate, tu me trouveras tel aujourd'hui que je fus en
tout temps : faisant de tes intérêts mon intérêt le plus
cher, et empressé à te servir de tout mon cœur, de tout mon
esprit et de toutes mes oreilles.
TYNDARE
C'est agir comme il faut. Prête-moi donc attention
maintenant. D'abord tu salueras de ma part mon père, ma
mère, mes proches et tous mes amis que tu verras. Dis-leur
que je me porte bien et que je suis esclave ici, chez cet
excellent homme qui a eu pour moi et ne cesse d'avoir toute
sorte d'égards et de bons procédés.
PHILOCRATE
Recommandation superflue; ma mémoire n'en a pas besoin pour
se le remémorer.
TYNDARE
Car, enfin, excepté que j'ai un gardien, il me semble que je
suis libre. Dis à mon père les conventions que cet homme a
faites avec moi au sujet de son fils.
PHILOCRATE
Je sais tout cela; tes explications ne font que me retarder.
TYNDARE
Qu'il le rachète, et le renvoie ici en échange de nous deux.
PHILOCRATE
Je me souviendrai
HÉGION
Mais qu'il se hâte le plus possible, nous y sommes
intéressés de part et d'autre.
PHILOCRATE
Tu n'es pas plus impatient de revoir ton fils que lui le
sien.
HÉGION
Mon fils m'est cher; chacun aime ses enfants.
PHILOCRATE (à Tyndare).
Tu n'as plus rien à faire dire à ton père?
TYNDARE
Que je me porte bien. Tu peux aussi l'assurer, Tyndare,
qu'il n'y a point eu entre nous le moindre désaccord; que je
t'ai trouvé sans reproche, comme tu m'as trouvé
bienveillant; que, malgré mon malheur, tu n'as pas cessé de
m'être obéissant et dévoué; que ta foi et ton zèle ne se
sont pas démentis dans mes périls et dans mon infortune.
Quand mon père connaîtra ta conduite, Tyndare, et tes
sentiments envers lui-même comme envers son fils, il ne sera
point assez avare pour ne pas te témoigner sa reconnaissance
par le don de la liberté; et, moi-même, une fois que je
serai de retour, je saurai l'y faire consentir. Car je
devrai à tes soins, à ton honnêteté, à ta vertu, à ta
prudence, de revoir mes parents. C'est toi, en effet, qui as
avoué à cet homme ma naissance et ma fortune, et qui, par
cet aveu, auras délivré ton maître de ses chaînes. Ce sera
là l'ouvrage de ta sagesse (15).
PHILOCRATE
Tu dis vrai; j'ai fait tout cela, et je te remercie de t'en
souvenir. Tu avais mérité ce dévouement envers toi. Car, à
mon tour, Philocrate, si je voulais rappeler tout le bien
que tu m'as fait, le jour n'y suffirait pas. Tu aurais été
mon esclave, que tu n'aurais pas eu plus de complaisance
pour moi.
HÉGION
Bonté divine ! les nobles âmes! J'en ai les larmes aux yeux.
Comme ils s'aiment de coeur ! Quel éloge l'esclave fait de
son maître
PHILOCRATE
Par Pollux ! quelques louanges qu'il me donne, il en mérite
lui-même cent fois davantage et plus encore.
HÉGION (à Philocrate).
Après l'avoir si bien servi, voici l'occasion de couronner
tous tes services par une dernière preuve de fidélité.
PHILOCRATE
Je ne puis mieux lui témoigner ma bonne volonté que par mes
actions, et par mes efforts pour réussir. Afin que tu le
saches, Hégion, je prends à témoin le grand Jupiter que je
n'abandonnerai pas Philocrate.
HÉGION
Tu es un honnête garçon.
PHILOCRATE
Et que j'agirai toujours pour lui comme pour moi-même.
TYNDARE
Je voudrais que tes faits et gestes répondent à tes paroles
! Je n'ai pas encore dit tout ce que je désire de toi;
écoute-moi donc, et ne sois pas fâché de ce que je vais
dire. Songe bien, je t'en prie, que je réponds de toi pour
le prix convenu, et que ma vie est ici en gage pour ses toi.
Ne va pas faire comme si tu ne me connaissais pas, une fois
que tu seras loin, hors de ma vue. Je reste ici esclave, en
servitude, pour te représenter; ne t'avise pas de te croire
libre, et d'abandonner ta caution, en négligeant le soin de
ramener le fils d'Hégion à ma place. Souviens-toi qu'il y a
vingt mines à payer si tu ne reviens pas. Sois fidèle,
vraiment fidèle, et que ta fidélité n'aille pas s'envoler en
route. Mon père, j'en suis sûr, fera ce qu'il doit faire,
tout ce qu'il doit. Conserve mon amitié, qui sera éternelle;
acquiers la sienne (montrant Hégion),
qui t'est offerte. Par ta main que je serre dans ma main, je
t'en conjure, ne me sois pas moins fidèle que je ne le suis
pour toi. Songes-y bien; tu es maintenant mon maître, tu es
mon patron, tu es mon père; c'est à toi que je recommande
mes espérances et mon bien.
PHILOCRATE
Je suis suffisamment instruit. Seras-tu satisfait, si je
remplis toutes tes instructions?
TYNDARE
Oui.
PHILOCRATE
Je reviendrai pourvu selon ton gré et (à
Hégion) selon le tien. C'est tout?
TYNDARE
Hâte le plus possible ton retour.
PHILOCRATE
Bien sûr.
HÉGION
Suis-moi chez le banquier, que je te donne de l'argent pour
ta route. Je prendrai en même temps un billet chez le
préteur.
TYNDARE.
Quel billet?
HÉGION
Un passeport qu'il aura sur lui pour le présenter aux gens
de l'armée, et qu'ils le laissent aller en Élide. Toi,
rentre,
TYNDARE (à Philocrate).
Bon voyage!
PHILOCRATE
Bonne santé !
HÉGION (à part).
Par Pollux ! j'ai bien mené ma barque, en achetant ces
captifs aux questeurs dans la vente du butin; j'ai délivré
mon fils de la servitude, s'il plaît aux dieux. Et
cependant, combien ai-je hésité ! les achèterais-je, ne les
achèterais-je pas? Gardez-le à la maison, esclaves, songez-y
bien; qu'il ne mette pas le pied dehors sans gardien. Je
serai de retour dans un moment. Je vais visiter mes autres
captifs chez mon frère, et m'informer s'il n'y en a pas qui
connaissent ce jeune homme. (A
Philocrate.) Suis-moi, que je te mette en route; cela
d'abord, c'est le plus pressé. (Ils
sortent.)
|
ACTUS III. i
ERGASILUS
Miser homo 'st, qui ipse quod edit quaerit, et id aegre
invenit :
sed ille est miserior, qui et aegre quaerit, et nihil
invenit :
ille miserrimu'st, qui quom cupit esse, quod edit non habet.
Nam, hercle, ego huic diei, si liceat, oculos ecfodiam
lubens;
ita malignitate oneravit omneis mortaleis mihi. 465
Neque ieiuniosiorem, neque magis ecfertum fame
vidi, nec quoi minus procedat quidquid facere obceperit.
Ita venter gutturque resident esurialeis ferias.
Illicet parasiticae arti maxumam malam crucem !
ita iuventus iam ridiculos inopes ab se segregat. 470
Nihil morantur iam Lacones unisubselli viros.
Plagipatidas, quibus sunt verba sine penu et pecunia.
Eos requirunt, qui lubenter quom ederint, reddant domi.
Ipsi opsonant, quae parasitorum ante erat provincia,
ipsi de Foro tam aperto capite ad lenones eunt 475
quam in tribu aperto capite sonteis condemnant reos.
Neque ridiculos iam terunci faciunt : sese omnes amant.
Namque ut dudum hinc abii, adcessi ad adulescenteis in Foro.
'Salvete' inquam. 'quo imus una' inquam 'ad prandium?' Atque
illi tacent.
'Quis ait : "Hoc" aut quis profitetur?' inquam : quasi muti
silent, 480
neque me rident. 'Ubi coenamus?' inquam; atque illi abnuint.
Dico unum ridiculum dictum de dictis melioribus,
quibus solebam menstrualeis epulas ante adipiscier.
Nemo ridet, scivi extemplo rem de conpacto geri.
Ne canem quidem inritatam voluit quisquam imitarier, 485
saltem, si non adriderent, denteis ut restringerent.
Abeo ab illis, postquam video me sic ludificarier.
Pergo ad alios, venio ad alios, deinde ad alios : una res.
Omneis conpacto rem agunt, quasi in Velabro olearii.
Nunc redeo inde, quoniam me ibi video ludificarier. 490
Item alii parasiti frustra obambulabant in foro.
Nunc barbarica lege certum'st ius meum omne persequi.
Qui consilium iniere, quo nos victu et vita prohibeant,
his diem dicam, inrogabo multam : ut mihi coenas decem
meo arbitratu dent, quom cara annona sit : sic egero. 495
Nunc ibo ad portum hinc; est illeic mi una spes coenatica :
si ea decolabit, redibo huc ad senem ad coenam asperam. |
ACTE III 1
ERGASILE (seul).
Malheureux est l'homme qui cherche sa vie et la trouve à
grand'peine ! plus malheureux celui qui se donne de la peine
sans rien trouver ! malheureux sans égal celui qui a faim et
n'a pas de quoi manger ! La maudite journée ! que j'aurais
plaisir à lui arracher les yeux, si je pouvais ! C'est elle
qui met l'avarice dans le cœur de tous ceux à qui je
m'adresse. Non, je n'en vis jamais de plus famélique, de
plus soûlée de jeûne, de plus malencontreuse en toute
entreprise. Mon ventre et mon gosier aujourd'hui chôment la
fête de la famine. Peste soit du métier de parasite ! La
jeunesse aujourd'hui relègue loin d'elle les bouffons et les
laisse crever de misère. On ne fait plus le moindre cas des
Spartiates du bas bout de la table, ces intrépides
souffre-gourmades, pleins de bons mots, mais au garde-manger
et à l'escarcelle vides. Qui invite-t-on à présent? celui
qui, après s'être régalé chez les autres, peut les traiter
de bon coeur à son tour. On fait soi-même son marché,
fonction dévolue jadis aux parasites. On va soi-même du
Forum chez les marchands de femmes, la tête haute, le front
découvert, comme on se rend à l'assemblée du peuple pour
juger les criminels. Un bouffon ne vaut plus une obole.
Tous, des égoïstes. Tout à l'heure, en sortant d'ici,
j'accostai des jeunes gens au Forum ; « Eh bien ! chez qui
dînons-nous aujourd'hui? » Pas un mot. « Qui est-ce qui
répond : Chez moi? Qui s'offre? » Ils restent silencieux
comme des muets, et ne rient même pas. « Chez qui
soupons-nous? » insistai-je. Ils me font nenni; alors je
décoche un lazzi, un de mes meilleurs, qui me valait
autrefois un mois de bonnes lippées; personne ne rit. Plus
de doute, c'était un complot. Pas un ne veut seulement
imiter un chien en colère, et sinon me faire un, bon rire,
me montrer au moins les dents. Je les laisse là, quand je
vois qu'ils se moquent ainsi de moi; je m'adresse à
d'autres, et ensuite à d'autres, puis encore à d'autres.
C'est tout un; ils se sont donné le mot, comme marchands
d'huile au Vélabre (16).
J'ai quitté la place; je n'aime pas me voir joué de la
sorte. Il y avait d'autres parasites qui se promenaient et
se morfondaient comme moi dans le Forum. Maintenant je suis
bien décidé à demander justice, conformément à la loi
barbare (17).
Un complot ayant été formé pour nous ôter les vivres et la
vie, j'intente procès aux coupables; je réclame une amende :
dix soupers à ma discrétion, par ces temps de vie chère.
Voilà. Maintenant je vais au port; là est la seule espérance
de mon appétit; si elle fuit, je reviendrai chez le
vieillard souper à la dure. (Il sort.) |
III. ii
HEGIO
Quid 'st suavius, quam bene rem regere
bono publico, sicut ego heri feci, quom
emi hosce homines ? Ubi quisque vident, 500
eunt obviam, gratulanturque eam rem.
Ita me miserum restitando, retinendoque lassum reddiderunt.
Vix ex gratulando miser iam eminebam.
Tandem abii ad praetorem, ibi vix requievi : 505
rogo syngraphum, mi datur inlico; dedi Tyndaro; ille abiit
domum.
Inde inlico praevortor domum, postquam id actum 'st :
eo protinus ad fratrem,inde abii, mei ubi sunt alii captivi;
rogo, Philocratem ex Alide ecquis omnium noverit;
tandem hic exclamat, eum sibi esse sodalem. 510
Dico eum esse apud me : hic extemplo orat obsecratque,
eum sibi ut liceat videre.
Iussi inlico hunc exsolvi. Nunc tu sequere me,
ut quod me oravisti inpetres, eum hominem ut convenias.
514-515 |
III, 2
HÉGION
Qu'y a-t-il de plus doux que de trouver son propre profit en
travaillant au bien public? C'est ce qui m'est arrivé hier,
quand j'ai acheté ces prisonniers. Tous ceux qui me
rencontrent s'empressent de venir à moi pour me féliciter.
Pauvre de moi ! C'est à qui m'arrêtera, à qui me causera :
je n'en puis plus; j'ai eu du mal à me tirer de ce déluge de
compliments, et j'arrive enfin chez le préteur; peu s'en
faut qu'ils ne m'y poursuivent. Je demande le passe-port; on
me le délivre, je le donne sur-le-champ à Tyndare, et le
voilà parti pour son pays. Cette affaire terminée, je
reprends le chemin du logis, mais en passant chez mon frère,
où j'ai mes autres captifs. Y a-t-il quel-qu'un parmi vous,
leur dis-je, qui connaisse Philocrate d'Élide? » Celui-ci
(montrant Aristophonte) s'écrie que Philocrate est son
camarade. Je lui dis que Philocrate est chez moi. Aussitôt
il me prie en grâce de lui permettre de venir voir son ami;
je fais tout de suite détacher ses liens. — Suis-moi donc,
tu seras content, je vais te mener auprès de lui. (Ils
sortent.) |
III. iii
TYNDARUS
Nunc illud est, quom me fuisse, quam esse nimio mavelim :
516
nunc spes, opes auxiliaque a me segregant, spernuntque se.
Hic ille'st dies, quom nulla vitae meae salus sperabili'st :
neque exilium exitio 'st neque adeo spes, quae mi hunc
abspellat metum,
nec subdolis mendaciis mihi usquam integumentum 'st meis,
520
nec sycophantiis, nec fucis ullum mantellum obviam 'st,
neque deprecatio perfidiis meis, nec malefactis fuga 'st,
nec confidentiae usquam hospitium 'st, nec deverticulum
dolis.
Operta quae fuere, aperta sunt; patent praestigiae,
omnis res palam 'st, neque hac de re negotium 'st, 525
quin male obcidam, obpetamque pestem, heri vicem meamque.
Perdidit me Aristophontes hic, qui intro venit modo.
Is me gnovit, is sodalis Philocrati et cognatus est.
Neque iam servare Salus, si volt, me potest; nec copia 'st :
nisi si meo aliquam machinor corde astutiam. 530
Quam, malum? Quid machiner? Quid conminiscar? maxumas
nugas ineptiasque incipisso. Haereo. |
III, 3
TYNDARE (seul).
C'est l'heure. Mieux vaudrait pour moi n'être plus, que
d'être encore. Maintenant tout espoir, toute ressource, tout
secours me fuit et m'abandonne. Il n'y a plus de secours à
espérer pour ma pauvre vie, aucun moyen d'esquiver
l'estrapade, aucune espérance qui tienne contre cette
crainte. De quel voile envelopper mes ruses et mes
mensonges? Point d'intercession pour mes impostures, point
d'évasion pour mes méfaits; mon audace est sans refuge, mes
tromperies sans asile. Tout le mystère est découvert. On
connaît mes tours. Il ne peut plus y avoir rien de caché, et
je ne vois pas d'expédients qui puissent m'empêcher de
mourir d'une mort misérable, en payant pour mon maître et
pour moi. C'est Aristophonte qui m'a perdu en entrant ici
tout à l'heure; il me connaît, il est ami et parent de
Philocrate. La déesse du salut elle-même, avec la meilleure
volonté, ne me sauverait pas. A moins que je ne machine dans
ma tête quelque stratagème. Eh ! par toutes les croix ! quel
stratagème? Qu'inventer? Que combiner? Je me démène comme un
sot en pure perte. Je suis pris. |
III. iv HEGIO, TYNDARUS, ARISTOPHONTES
HEGIO
Quo illum nunc hominem proripuisse foras se dicam ex
aedibus?
TYNDARUS
Nunc enimvero ego obcidi: eunt ad te hosteis, Tyndare.
Quid loquar? quid fabulabor? Quid negabo ? Aut quid fatebor?
535
Res omnis in incerto sita 'st. Quid rebus confidam meis?
Utinam te di perderent prius, quam periisti e patria tua,
Aristophontes, qui ex parata re inparatam omnem facis.
Obcisa est haec res, nisi reperio atrocem mi aliquam
astutiam.
HEGIO
Sequere; hem tibi hominem; adi, atque adloquere.
TYNDARUS
Quis homo 'st me hominum miserior? 540
ARISTOPHONTES
Quid istuc est, quod meos te dicam fugitare oculos, Tyndare
?
Proque ingnoto me aspernari, quasi me nunquam noveris?
Equidem tam sum servos, quam tu; etsi ego domi liber fui,
tu usque a puero servitutem servivisti in Alide.
HEGIO
Edepol, minime miror, si te fugitat, aut oculos tuos, 545
aut si te odit, qui istum adpelles Tyndarum pro Philocrate.
TYNDARUS
Hegio, hic homo rabiosus habitus est in Alide.
Ne tu, quod istic fabuletur, aureis inmittas tuas.
Nam istic hastis insectatus est domi matrem et patrem.
Et illic isti, qui insputatur, morbus interdum venit. 550
Proin tu ab istoc procul abscedas.
HEGIO
Ultro istum a me.
ARISTOPHONTES
Ain, verbero,
me rabiosum ? atque insectatum esse hastis meum memoras
patrem ?
et eum morbum mi esse, qui me opus sit insputarier?
HEGIO
Ne verere : multos iste morbus homines macerat,
quibus insputari saluti fuit atque illis profuit. 555
ARISTOPHONTES
Quid tu autem, etiam huic credis?
HEGIO
Quid ego credam huic?
ARISTOPHONTES
Insanum esse me?
TYNDARUS
Viden' tu hunc, quam inimico voltu intuetur? concedi
optumum'st.
Hegio, fit quod tibi ego dixi ! gliscit rabies, cave tibi.
HEGIO
Credidi esse insanum extemplo, ubi te adpellavit Tyndarum.
TYNDARUS
Quin suum ipse interdum ingnorat nomen, neque scit qui siet.
560
HEGIO
At etiam te suom sodalem esse aibat.
TYNDARUS
Haud vidi magis.
Et quidem Alcumeus, atque Orestes et Lycurgus postea
una opera mihi sunt sodaleis qua iste.
ARISTOPHONTES
At etiam, furcifer,
male loqui mi audes? Non ego te gnovi?
HEGIO
Pol, planum id quidem 'st,
non gnovisse, qui istum adpelles Tyndarum pro Philocrate.
565
Quem vides, eum ingnoras: illum nominas, quem non vides.
ARISTOPHONTES
Imo iste eum sese ait, qui non est, esse, et qui vero est
negat.
TYNDARUS
Tu enim repertus, Philocratem qui superes veriverbio !
ARISTOPHONTES
Pol, ego ut rem video, tu inventu', vera vanitudine
qui convincas. Sed quaeso, hercle, agedum, adspice ad me.
TYNDARUS
Hem ! 570
ARISTOPHONTES
Dic modo,
tun negas te Tyndarum esse?
TYNDARUS
Nego, inquam.
ARISTOPHONTES
Tun te Philocratem
esse ais?
TYNDARUS
Ego, inquam.
ARISTOPHONTES
Tune huic credis?
HEGIO
Plus quidem, quam tibi aut mihi.
nam ille quidem, quem tu esse hunc memoras, hodie hinc abiit
Alidem
ad patrem huius.
ARISTOPHONTES
Quem patrem ? qui servos est?
TYNDARUS
Et tu quidem
servos, et liber fuisti, et ego me confido fore, 575
si huius huc reconciliasso in libertatem filium.
ARISTOPHONTES
Quid ais, furcifer? tun' tete gnatum memoras liberum?
TYNDARUS
Non equidem me liberum, sed Philocratem esse aio.
ARISTOPHONTES
Quid est?
ut scelestus, Hegio, nunc iste te ludos facit !
Nam is est servos ipse, neque praeter se unquam ei servos
fuit. 580
TYNDARUS
Quia tute ipse eges in patria, nec tibi, qui vivas domi'st,
omneis inveniri simileis tibi vis; non mirum facis.
Est miserorum, ut malevolenteis sint atque invideant bonis.
ARISTOPHONTES
Vide sis, Hegio ne quid tu huic temere insistas credere.
Atque, ut perspicio, profecto iam aliquid pugnae edidit. 585
Filium tuom quod redimere se ait, id neutiquam placet.
TYNDARUS
Scio, te id nolle fieri; ecficiam tamen ego id, si di
adiuvant.
Illum restituam huic, hic autem in Alidem me meo patri.
Propterea ad patrem hinc amisi Tyndarum.
ARISTOPHONTES
Quin tute is es:
neque praeter te in Alide ullus servos istoc nomine'st. 590
TYNDARUS
Pergin' servom me exprobrare esse, id quod vi hostili
obtigit?
ARISTOPHONTES
Enimvero iam nequeo contineri.
TYNDARUS
Heus ! audin' ? quin fugis?
Iam illic heic nos insectabit lapidibus : nisi illum iubes
conprehendi.
ARISTOPHONTES
Crucior.
TYNDARUS
Ardent oculi; fit opus, Hegio.
Viden' tu illi maculari corpus totum maculis luridis? 595
Atra bilis agitat hominem.
ARISTOPHONTES
At, pol, te, si hic sapiat senex,
atra pix apud carnificem agitet, tuoque capiti inluceat.
TYNDARUS
Iam deliramenta loquitur : laruae stimulant virum.
HEGIO
Hercle ! quid si hunc conprehendi iusserim ?
TYNDARUS
Sapias magis.
ARISTOPHONTES
Crucior, lapidem non habere me, ut illi mastigiae 600
cerebrum excutiam, qui me insanum verbis concinnat suis.
TYNDARUS
Audin' lapidem quaeritare?
ARISTOPHONTES
Solus te solum volo,
Hegio.
HEGIO
Istinc loquere, si quid vis; procul tamen audiam.
TYNDARUS
Namque, edepol, si adbites propius, os denasabit tibi
mordicus.
ARISTOPHONTES
Neque, pol, me insanum, Hegio, esse creduis, 605
neque fuisse unquam, neque esse morbum quem istic autumat.
Verum si quid metuis a me, iube me vinciri, volo,
dum istic itidem vinciatur.
TYNDARUS
Imo enimvero, Hegio,
istic, qui volt, vinciatur.
ARISTOPHONTES
Tace modo : ego te, Philocrates
false, faciam, ut verus hodie reperiare Tyndarus. 610
Quid mi abnutas?
TYNDARUS
Tibi ego abnuto?
ARISTOPHONTES
Quid agat, si absis longius?
HEGIO
Quid ais? quid si adeam hunc insanum?
TYNDARUS
Nugas; ludificabitur,
garriet, quod neque pes unquam, neque caput conpareat.
Ornamenta absunt: Aiacem, hunc quom vides, ipsum vides. 615
HEGIO
Nihili facio, tamen adibo.
TYNDARUS
Nunc ego omnino obcidi,
nunc ego inter sacrum saxumque sto; nec, quid faciam scio.
HEGIO
Do tibi operam, Aristophontes, si quid est, quod me velis.
ARISTOPHONTES
Ex me audibis vera quae nunc falsa opinare, Hegio.
Sed istoc primum me expurigare tibi volo, me insaniam 620
neque tenere, neque mi esse ullum morbum, nisi quod servio.
At ita me rex deorum atque hominum faxit patriae conpotem,
ut istic Philocrates non magis est, quam aut ego aut tu.
HEGIO
Eho ! dic mihi,
quis illic igitur est?
ARISTOPHONTES
Quem dudum dixi a principio tibi.
Hoc si secus reperies, nullam causam dico, quin mihi 625
et parentum et libertatis apud te deliquio siet.
HEGIO
Quid tu ais?
TYNDARUS
Me tuom esse servom, et te meum erum.
HEGIO
Haud istuc rogo.
fuistin' liber?
TYNDARUS
Fui.
ARISTOPHONTES
Enimvero non fuit : nugas agit.
TYNDARUS
Qui tu scis? an tu fortasse fuisti meae matri obstetrix,
qui id tam audacter dicere audes?
ARISTOPHONTES
Puerum te vidi puer. 630
TYNDARUS
At ego te video maior maiorem. Hem rursum tibi.
Meam rem non cures, si recte facias; num ego curo tuam?
HEGIO
Fuitne huic pater Thesaurochrysonicochrysides?
ARISTOPHONTES
Non fuit, neque ego istuc nomen unquam audivi ante hunc
diem.
Philocrati Theodoromedes fuit pater.
TYNDARUS
Pereo probe. 635
Quin quiescis dierectum, cor meum, ac suspende te ?
Tu subsultas, ego miser vix adsto prae formidine.
HEGIO
Satin' istuc mihi exquisitum 'st, fuisse hunc servom in
Alide ?
Neque esse hunc Philocratem?
ARISTOPHONTES
Tam satis, quam numquam hoc invenies secus.
sed ubi is nunc est?
HEGIO
Ubi ego minume atque ipsus se volt maxume. 640
Tum igitur ego deruncinatus, deartuatus sum miser 641
huius scelesti techinis, qui me ut lubitum 'st ductavit
dolis.
Sed vide sis.
ARISTOPHONTES
Quin exploratum dico et provisum hoc tibi. 643
HEGIO
Certon' ?
ARISTOPHONTES
Quin nihil, inquam, invenies magis hoc certo certius;
Philocrates iam inde usque amicus fuit mihi a puero puer.
HEGIO
Sed qua facie est tuos sodalis Philocrates?
ARISTOPHONTES Dicam tibi : 646
macilento ore, naso acuto, corpore albo, et oculis nigris,
subrufus aliquantum, crispus, cincinnatus.
HEGIO
Convenit.
TYNDARUS
Ut quidem, hercle, in medium ego hodie pessume processerim.
Vae illis virgis miseris, quae hodie in tergo morientur meo.
650
HEGIO
Verba mihi data esse video.
TYNDARUS
Quid cessatis, conpedes,
currere ad me meaque amplecti crura, ut vos custodiam?
HEGIO
Satine me illi hodie scelesti capti ceperunt dolo?
Illic servom se adsimulabat, hic sese autem liberum.
Nuculeum amisi, reliquit pignori putamina. 655
Ita mi stolido sursum vorsum os sublevere obfuciis.
Hic quidem me nunquam inridebit. Colaphe, Cordalio, Corax,
ite istuc, atque ecferte lora.
COLAPHUS
Num lignatum mittimur? |
III, 4 HÉGION, TYNDARE, ARISTOPHONTE
HÉGION
Où donc mon homme s'est-il précipité hors de chez moi?
TYNDARE
Cette fois, je suis mort ! l'ennemi s'approche, Tyndare. Que
dire? qu'alléguer? que nier? qu'avouer? En vérité, je ne
sais que faire. J'augure mal de ma destinée. Pourquoi les
dieux ne t'enlevèrent-ils pas de ce monde avant que tu
fusses enlevé à la patrie, Aristophonte, toi qui déconcertes
un plan si bien concerté? Tout est perdu pour moi, si je
n'imagine quelque stratagème intrépide.
HÉGION (à Aristophonte).
Suis-moi. Voici ton homme; va lui parler.
TYNDARE (tournant le dos à
Aristophonte).
Quel homme est plus à plaindre que moi?
ARISTOPHONTE
Qu'est-ce que tu as donc, Tyndare? Il me semble que tu fuis
mes regards, que tu te détournes de moi comme si tu ne me
connaissais pas, comme si tu ne m'avais jamais vu? Je suis
esclave, tout comme toi, quoique nous ayons vécu, moi libre
dans mes foyers, et toi en esclavage dans l'Élide depuis ton
enfance.
HÉGION
Par Pollux! je ne m'étonne pas qu'il fuie ton approche et
tes regards, et qu'il te montre de la froideur: tu
l'appelles Tyndare au lieu de Philocrate.
TYNDARE
Hégion, cet homme a toujours été connu en Élide pour un fou
furieux. Garde-toi bien de prêter l'oreille à ses propos. Il
lui est arrivé de poursuivre son père et sa mère avec une
pique à la main. Et puis, il est sujet au mal que l'on
guérit en crachant dessus. Je te conseille de garder tes
distances.
HÉGION
Qu'on l'éloigne de moi !
ARISTOPHONTE
Comment, maraud ! moi un fou furieux? moi, j'ai poursuivi
mon père et ma mère une pique à la main? et je suis atteint
du mal pour lequel il faut cracher dessus (18)?
HÉGION
Ne t'effraie pas; beaucoup de gens sont affligés de ce mal,
et, en crachant sur eux, on les a guéris et tirés d'affaire.
ARISTOPHONTE
Alors, tu accordes crédit à ce fripon?
HÉGION
Moi, crédit à lui?
ARISTOPHONTE
Puisque tu me crois fou (19)
!
TYNDARE (à Hégion).
Vois-tu quels regards menaçants il nous lance? Le mieux est
de s'écarter. Hégion, tu vois que je ne t'ai pas trompé, la
rage le transporte. Prends garde à toi.
HÉGION
J'ai bien vu tout de suite qu'il n'avait pas sa raison,
lorsqu'il t'a nommé Tyndare.
TYNDARE
Bah ! il oublie quelquefois son propre nom et ne sait plus
qui il est.
HÉGION
Et il disait que vous étiez amis.
TYNDARE
Jamais de la vie. Ou bien alors Alcméon et Oreste, et
Lycurgue aussi sont mes amis (20).
ARISTOPHONTE
Oui-da, pendard, tu m'insultes ! Non, je ne te connais pas?
HÉGION
C'est évident, par Pollux ! puisque tu l'appelles Tyndareau
lieu de Philocrate. Tu méconnais qui tu vois; tu nommes qui
tu ne vois pas.
ARISTOPHONTE (à Hégion).
C'est lui au contraire qui dit être ce qu'il n'est pas et
nie être ce qu'il est.
TYNDARE
C'est bien toi, en effet, qui l'emporteras sur Philocrate en
véracité !
ARISTOPHONTE
Et c'est toi, par Pollux ! à ce que je puis voir, qui
triompheras de la vérité par ta menterie ! Mais, voyons, par
Hercule ! regarde-moi en face, je te prie.
TYNDARE (le regardant).
Voilà.
ARISTOPHONTE
Dis-moi maintenant, oses-tu nier que tu sois Tyndare?
TYNDARE
Je le nie.
ARISTOPHONTE
Et tu prétends être Philocrate?
TYNDARE
Parfaitement.
ARISTOPHONTE (à Hégion).
Et tu l'en crois?
HÉGION
Plus que toi ou que moi. Car celui que tu veux voir en lui
(montrant Tyndare) est parti aujourd'hui pour l'Élide, et va
chez le père de cet homme.
ARISTOPHONTE
Son père, à lui qui est esclave (21)?
TYNDARE
Et toi aussi, tu es esclave, et tu fus libre; comme j'espère
l'être à mon tour, si je rends le fils de ce vieillard à la
liberté.
ARISTOPHONTE
Ah çà, pendard, tu soutiens que tu es né libre?
TYNDARE
Libre, moi, je ne le dis pas, mais Philocrate, oui (22).
ARISTOPHONTE
Qu'est-ce à dire? Comme le scélérat se joue de toi, Hégion !
Car il est bien véritablement esclave, et jamais personne ne
le servit que lui-même.
TYNDARE
Parce que, dans ton pays, tu es pauvre et n'as pas chez toi
de quoi vivre, tu veux que tout le monde te ressemble.
Naturellement les indigents sont toujours ennemis et envieux
des biens d'autrui.
ARISTOPHONTE
Prends garde, Hégion, de persister à l'en croire trop
facilement; car, à ce que j'entrevois, il a sans doute fait
déjà quelque coup de sa façon. Il se vante de racheter ton
fils : cela me paraît suspect.
TYNDARE
Bien sûr, cela te fâche; et cependant je tiendrai ma
promesse : les dieux me soient en aide! Je lui rendrai son
fils, et lui me renverra à mon père en Élide. C'est pour
cela que j'ai dépêché Tyndare à mon père.
ARISTOPHONTE
Mais c'est toi, Tyndare; et il n'y a pas un autre esclave de
ce nom en Élide.
TYNDARE
Pourquoi me reprocher toujours cette servitude où m'a réduit
la force ennemie?
ARISTOPHONTE
Ah ! je n'y tiens plus.
TYNDARE (à Hégion).
Hein! tu l'entends? Tu ne fuis pas? Il va nous jeter des
pierres, si tu ne le fais saisir.
ARISTOPHONTE
J'enrage !
TYNDARE
Il a l'oeil en feu : c'est la crise, Hégion. Vois-tu comme
tout son corps se couvre de taches livides? la bile noire le
tourmente (23).
ARISTOPHONTE
Toi, par Pollux ! si le vieillard y voit clair, la poix
noire te tourmentera entre les mains du bourreau, et
flambera sur ta tête (24).
TYNDARE
ll divague; des visions troublent son cerveau.
HÉGION
Par Hercule ! Si j'ordonnais qu'on se saisisse de lui?
TYNDARE
Tu ferais bien.
ARISTOPHONTE
J'enrage de n'avoir pas une pierre sous la main pour rompre
le crâne à ce maraud, qui me met hors de moi par ses
insanités.
TYNDARE
L'entends-tu? il cherche une pierre.
ARISTOPHONTE
Je voudrais te parler seul à seul, Hégion.
HÉGION
Si tu veux me parler, fais-le d'où tu es; je peux
t'en-tendre à distance.
TYNDARE
Par Pollux ! si tu te laissais approcher, il t'arracherait
le nez à belles dents.
ARISTOPHONTE
Ne crois pas, Hégion, par Pollux ! que je sois insensé, ni
que je l'aie été jamais, ni que j'aie le mal qu'il dit. Mais
si tu as peur de moi, fais-moi lier, j'y consens, pourvu
qu'il soit lié aussi, lui.
TYNDARE
Non, non, pas moi, Hégion; mais lui, qu'on le garrotte, si
tel est son plaisir.
ARISTOPHONTE
Tais-toi un peu; et bientôt, pseudo Philocrate, tu seras
reconnu pour le vrai Tyndare. Pourquoi me fais-tu des
signes?
TYNDARE
Moi ! je te fais des signes?
ARISTOPHONTE (à Hégion).
De quoi ne s'aviserait-il pas, si tu n'étais pas là présent?
HÉGION (à Tyndare, commençant à
se méfier).
Dis-moi, si je m'approchais de cet insensé?
TYNDARE
Tu plaisantes; il se moquera de toi; il fera des contes qui
n'auront ni queue ni tête. Il ne lui manque plus que le
costume : c'est Ajax en personne que tu vois, quand tu le
regardes.
HÉGION
Tu as beau dire, je veux le joindre.
TYNDARE (à part).
Me voilà mort, décidément; je suis entre la pierre et
l'autel (25).
Je ne sais plus que faire.
HÉGION
Je t'écoute, Aristophonte, si tu as à me dire quelque chose.
ARISTOPHONTE
Tu entendras par ma bouche la vérité, qui te semble jusqu'à
présent un mensonge, Hégion; mais je veux auparavant me
laver du soupçon qu'il t'a donné contre moi. Je ne suis pas
atteint de folie, ni d'aucun autre mal, que la servitude.
Mais puisse le roi des dieux et des hommes me faire revoir
ma patrie, aussi vrai que ce drôle n'est pas plus Philocrate
que toi ou moi !
HÉGION
Oh ! oh ! dis-moi donc qui il est?
ARISTOPHONTE
Ce que je t'ai dit tout d'abord. Si je suis convaincu
d'imposture, je consens à demeurer à jamais chez toi, privé
de mes parents et de ma liberté.
HÉGION (à Tyndare).
Qu'as-tu à dire?
TYNDARE
Je dis que je suis ton esclave comme tu es mon maître.
HÉGION
Ce n'est pas là ce que je demande. As-tu été libre?
TYNDARE
Oui.
ARISTOPHONTE
Non, assurément, il ne le fut jamais. Il débite des
sornettes.
TYNDARE
D'où le sais-tu? as-tu servi d'accoucheuse à ma mère, pour
prononcer là-dessus si hardiment?
ARISTOPHONTE
Je t'ai vu enfant, quand je l'étais moi-même.
TYNDARE
Et moi, je te vois grandi, à présent que je suis grand.
Attrape ! Tu ferais mieux de ne pas te mêler de mes affaires
: est-ce que je me mêle des tiennes?
HÉGION (à Aristophonte).
Son père se nomme-t-il Thesaurochrysonicochrysidès?
ARISTOPHONTE
Non, je n'ai jamais entendu prononcer ce nom-là
jus-qu'aujourd'hui. C'est Théodoromède qui est le père de
Philocrate.
TYNDARE (à part).
Je suis perdu sans répit. Allons, paix, mon coeur. La peste
t'étouffe, maudit ! tu fais des bonds, pendant que je me
tiens à peine sur mes jambes, tant j'ai peur.
HÉGION (en colère).
Suis-je bien assuré maintenant que cet homme était esclave
en Élide, et qu'il n'est pas Philocrate?
ARISTOPHONTE
Si bien assuré, que rien ne peut s'élever contre cette
assurance. Mais Philocrate, où est-il, à présent?
HÉGION
Où il se veut le plus, où je le voudrais le moins. Allons,
j'ai été égorgé, dépecé par les artifices et les ruses de ce
scélérat, qui m'a dupé à plaisir. Fais attention cependant.
ARISTOPHONTE
Je ne t'affirme rien qu'avec connaissance certaine et mûre
réflexion.
HÉGION
C'est donc bien certain?
ARISTOPHONTE
Tu ne trouveras rien de plus certain que cette certitude.
Philocrate a été mon ami d'enfance.
HÉGION
Mais quelle est la figure de cet ami Philocrate?
ARISTOPHONTE
Je vais te le dire : visage maigre, nez pointu, le teint
blanc et les yeux noirs, les cheveux tirant sur le roux,
bouclé, frisé.
HÉGION
C'est bien exact.
TYNDARE (à part).
Oui, certes, que je suis parti du mauvais pied. (Prenant
tout à coup un air résolu.) Malheur aux verges qui
périront aujourd'hui sur mon dos!
HÉGION
Je vois qu'ils m'en ont donné à garder.
TYNDARE (à part).
Que tardez-vous, entraves, à accourir, pour m'embrasser les
jambes, pour que je vous prenne en ma garde (26)?
Ces coquins de prisonniers m'ont-ils assez attrapé pour leur
perfidie ! L'un se donne pour esclave, l'autre pour homme
libre. Je me suis défait de l'amande, et il me reste en gage
la coquille. Imbécile, comme ils m'ont barbouillé la face
avec toutes leurs couleurs ! Celui-ci du moins ne se rira
pas de moi désormais. Colaphe, Cordalion, Corax, holà !
qu'on apporte des cordes !
L'ESCLAVE (fouetteur).
Est-ce pour aller à la corvée de bois? |
III. v
HEGIO, TYNDARUS, ARISTOPHONTES, LORARII
HEGIO
Iniicite manicas maxumas huic mastigiae.
TYNDARUS
Quid hoc 'st negoti? quid ego deliqui?
HEGIO Rogas, 660
sator sartorque scelerum, et messor maxume?
TYNDARUS
Non occatorem dicere audebas prius?
Nam semper occant prius, quam sariunt rustici.
HEGIO
At ut confidenter mihi contra adstitit.
TYNDARUS
Decet innocentem servom atque innoxium 665
confidentem esse, suom apud herum potissimum.
HEGIO
Adstringite isti, soltis, vehementer manus.
TYNDARUS
Tuos sum, tuas quidem vel praecidi iube.
Sed quid negoti 'st ? Quamobrem subcenses mihi?
HEGIO
Quia me meamque rem, quod in te uno fuit, 670
tuis scelestis falsidicis fallaciis
delaceravisti, deartuastiue opes.
Confecisti omneis, res ac rationes meas.
Ita mi exemisti Philocratem fallaciis.
Illum esse servom credidi, te liberum. 675
Ita vosmet aiebatis, itaque nomina
inter vos permutastis.
TYNDARUS
Fateor, omnia
facta esse ita, ut tu dicis, et fallaciis
abiisse eum abs te, mea opera atque astutia :
an, obsecro, hercle, te, id nunc subcenses mihi? 680
HEGIO
At cum cruciatu maxumo id factum'st tuo.
TYNDARUS
Dumne ob malefacta, peream, parvi aestumo.
Si ego heic peribo, et ille, ut dixit, non redit :
at erit mi hoc factum mortuo memorabile,
meum herum captum ex servitute atque hostibus 685
reducem fecisse liberum in patriam ad patrem,
meumque potius me caput periculo
praeoptavisse, quam is periret, ponere.
HEGIO
Facito ergo ut Acherunti clueas gloria.
TYNDARUS
Qui per virtutem perbitat, is non interit. 690
HEGIO
Quando ego te exemplis cruciavero pessumis,
atque ob sutelas tuas te morti misero,
vel te interisse, vel perisse praedicent;
dum pereas, nihil intereduo, dicant vivere.
TYNDARUS
Pol, si istuc faxis, haud sine poena feceris, 695
si ille huc redebit, sicut confido adfore.
ARISTOPHONTES
Pro di inmortaleis ! nunc ego teneo, nunc scio
quid hoc sit negoti; meus sodalis Philocrates
in libertate est ad patrem in patria; bene est;
nec est quisquam mihi, aeque melius quoi velim. 700
Sed hoc mihi aegre 'st, me huic dedisse operam malam,
qui nunc propter me, meaque verba vinctus est.
HEGIO
Votuin' te quidquam mi hodie falsum proloqui?
TYNDARUS
Vetuisti.
HEGIO
Cur es ausus mentiri mihi?
TYNDARUS
Quia vera obessent illi, quoi operam dabam; 705
nunc falsa prosunt.
HEGIO
At tibi oberunt.
TYNDARUS
Optume 'st.
At herum servavi, quem servatum gaudeo,
quoi me custodem addiderat herus maior meus.
Sed malene id arbitrare factum ?
HEGIO
Pessume.
TYNDARUS
At ego aio recte, qui abs te sorsum sentio. 710
Nam cogitato, si quis hoc gnato tuo
tuos servos faxit, qualem haberes gratiam?
Emitteresne, necne, eum servom manu?
Essetne apud te is servos acceptissumus?
Responde.
HEGIO
Opinor.
TYNDARUS
Cur ergo ingratus mihi es? 715
HEGIO
Quia illi fuisti, quam mihi, fidelior.
TYNDARUS
Quid? tu una nocte postulavisti et die,
recens captum hominem, nuperum novicium,
te perdocere, ut melius consulerem tibi,
quam illi, quicum una a puero aetatem exegeram? 720
HEGIO
Ergo ab eo petito gratiam istam. Ducite,
ubi ponderosas, crassas capiat conpedes.
Inde ibis porro in latomias lapidarias.
Ibi octonos alii quom lapides ecfodiunt, nisi
cotidiano sesquiopus confeceris, 725
Sescentoplago nomen indetur tibi.
ARISTOPHONTES
Per deos atque homines ego te obtestor, Hegio,
ne tu istunc hominem perduis.
HEGIO
Curabitur.
Nam noctu nervo vinctus custodibitur.
Interdius sub terra lapides eximet. 730
Diu ego hunc cruciabo, non uno absolvam die.
ARISTOPHONTES
Certumne 'st tibi istuc?
HEGIO
Non moriri certius.
Abducite istum actutum ad Hippolytum fabrum,
iubete huic crassas conpedes inpingier;
inde extra portam ad meum libertum Cordalum, 735
in lapicidinas facite deductus siet;
atque hunc me ita velle, dicite, curarier,
nequi deterius huic sit, quam quoi pessume 'st.
TYNDARUS
Cur ego te invito me esse salvom postulem?
Periclum vitae meae tuo stat periculo. 740
Post mortem in morte nihil est, quod metuam, mali.
Etsi pervivo usque ad summam aetatem, tamen
breve spatium st perferundi, quae minitas mihi.
Vale atque salve : etsi, aliter ut dicam, meres.
Tu, Aristophontes, de me ut meruisti, ita vale, 745
nam propter te hoc obtigit.
HEGIO
Adducite.
TYNDARUS
At unum hoc quaeso, si huc rebitet Philocrates,
ut mi eius facias conveniundi copiam.
HEGIO
Peristis, nisi hunc iam e conspectu abducitis.
TYNDARUS
Vis haec quidem, hercle, est, et trahi et trudi simul. 750
HEGIO
Illic est abductus recta in phylacam, ut dignus est.
Ego illis captivis aliis documentum dabo,
ne tale quisquam facinus incipere audeat.
Quod absque hoc esset, qui mihi hoc fecit palam,
usque obfrenatum suis me ductarent dolis. 755
Nunc certum 'st nulli post haec quidquam credere;
satis sum semel deceptus. Speravi miser
ex servitute me exemisse filium :
ea spes elapsa st. Perdidi unum filium,
puerum quadrimum, quem mihi servos surpuit : 760
neque eum servom unquam reperi, neque filium :
maior potitus hostium 'st. Quod hoc 'st scelus?
Quasi in orbitatem liberos produxerim.
Sequere hac; reducam te ubi fuisti; neminis
miserere certum 'st, quia mei miseret neminem. 765
ARISTOPHONTES
Exauspicavi ex vinclis; nunc intellego
redauspicandum esse in catenas denuo. |
III, 5 HÉGION, TYNDARE, ARISTOPHONTE, PLUSIEURS ESCLAVES
HÉGION
Qu'on mette les menottes grand modèle à ce pendard.
TYNDARE
Qu'est-ce que cela signifie? quel mal ai-je fait?
HÉGION
Tu le demandes? Semeur de crimes, sarcleur et moissonneur de
crimes !
TYNDARE
Pourquoi n'as-tu pas dit herseur tout d'abord?' La herse
précède toujours le sarcloir, chez le laboureur.
HÉGION
Avec quelle audace il me brave !
TYNDARE
L'audace sied bien à un esclave innocent et sans reproche,
surtout devant son maître.
HÉGION
Serrez-lui vigoureusement les mains, je vous l'ordonne.
TINDARE
Je t'appartiens; tu peux même les faire couper. Mais
qu'est-ce ? pourquoi cette colère ?
HÉGION
Parce que tu as fait tout ce qui dépendait de toi, menteur,
avec tes impostures scélérates, pour massacrer moi et mon
bien, pour couper bras et jambes à ma fortune, pour
exterminer toutes mes espérances avec tous mes calculs. Ne
m'as-tu pas dérobé Philocrate par tes fourberies? Je l'ai
cru esclave, et je t'ai cru libre, vous me le disiez; ainsi
vous aviez fait échange de vos noms.
TYNDARE
Oui, je l'avoue, la chose s'est faite comme tu le dis, et il
t'a échappé, grâce à mes feintes; c'est l'oeuvre de mon
adresse. Est-ce donc cela, par Hercule ! qui m'attire ta
colère?
HÉGION
Oui, et ce qui t'attirera les pires châtiments.
TYNDARE
Pourvu que je ne meure pas en criminel, je m'en moque. Si je
meurs ici, et qu'il ne revienne pas, ainsi qu'il l'a promis,
moi, je garderai l'honneur, après ma mort, d'avoir tiré mon
maître captif de la servitude et des mains de l'ennemi, de
l'avoir renvoyé libre dans son pays, chez ma son père, et
d'avoir exposé ma tête aux périls pour qu'il ne pérît pas.
HÉGION
Va donc jouir de ta gloire sur les bords de l'Achéron.
TYNDARE
Qui périt par vertu, ne meurt pas.
HÉGION
Quand je t'aurai fait passer par les plus cruelles tortures,
et que je t'aurai mis à mort pour payer tes manoeuvres,
qu'on dise, après, que tu es mort ou que tu as péri, il ne
t'importe guère; pourvu que tu périsses, on peut même dire
que tu vis.
TYNDARE
Par Pollux ! ce ne serait pas impunément que tu ferais cela,
si Philocrate revient, comme j'en ai la conviction.
ARISTOPHONTE
O dieux immortels ! je comprends maintenant; je vois ce que
c'est. Mon ami Philocrate est en liberté chez son père, dans
sa patrie. C'est parfait, car il n'y a personne à qui je
veuille autant de bien. Mais je suis fâché d'avoir rendu un
si mauvais service à Tyndare. C'est de ma faute s'il est aux
fers: j'ai trop parlé.
HÉGION
T'avais-je recommandé de ne me tromper en rien?
TYNDARE
Oui (27).
HÉGION
Pourquoi as-tu osé me mentir?
TYNDARE
Parce que la vérité aurait nui à celui que je voulais
servir, et que mon mensonge lui est utile à présent.
HÉGION
Mais il te sera nuisible, à toi.
TYNDARE
C'est très bien. Mais j'ai sauvé mon maître; je suis heureux
de le savoir tiré d'affaire, lui à qui mon vieux maître
m'avait attaché comme gardien. Penses-tu que j'aie fait une
mauvaise action?
HÉGION
Très mauvaise.
TYNDARE
Et moi, je dis très bonne; mon sentiment diffère du tien.
Réfléchis un peu : si un de tes esclaves se conduisait ainsi
envers ton fils, quelle reconnaissance ne lui aurais-tu pas?
Affranchirais-tu, oui ou non, un tel serviteur? ne te
deviendrait-il pas bien cher? Réponds.
HÉGION
Cela se peut.
TYNDARE
De quoi donc me sais-tu mauvais gré?
HÉGION
De lui avoir été plus fidèle qu'à moi.
TYNDARE
Quoi ! tu aurais voulu qu'il te suffît d'un jour et d'une
nuit pour changer le cœur d'un captif tout nouveau, pris
tout récemment, et de la veille à ton service, au point de
lui faire préférer tes intérêts à ceux d'un homme avec qui
il a passé sa vie dès l'enfance?
HÉGION
Demande-lui donc qu'il t'en soit reconnaissant. (Aux
esclaves.) Conduisez-le où il faut, pour qu'on lui
mette grosses et lourdes chaînes. (A
Tyndare.) De là, tu iras tout droit à la carrière;
et, au lieu de huit quartiers de roches que tirent les
autres par jour, il faudra que tu fasses moitié plus
d'ouvrage; autrement, tu prendras le nom de Sescentoplagus (28).
ARISTOPHONTE
Par les dieux et les hommes ! je t'en conjure, Hégion, ne
perds pas ce malheureux.
HÉGION
On y aura soin. La nuit, il sera gardé dûment enchaîné; le
jour, il demeurera sous terre à fendre le roc. Je veux que
son supplice dure longtemps. Il n'en sera pas quitte pour
une journée.
ARISTOPHONTE
Est-ce bien arrêté?
HÉGION
Aussi arrêté qu'on doit mourir un jour. (Aux
esclaves.) Emmenez-le promptement à la forge
d'Hippolyte; dites qu'on lui applique de fortes entraves, et
menez-le ensuite hors des portes, chez mon affranchi
Cordalus, pour travailler à la carrière. Recommandez de ma
part qu'on ait soin de lui et qu'il ne soit pas plus
maltraité que celui qu'on maltraite le plus.
TYNDARE
Pourquoi voudrais-je avoir la vie sauve, si tu ne le veux
pas? Ma vie est en péril à tes périls et risques. Après la
mort, il n'y a plus dans la mort aucun mal que j'aie à
redouter. Quand mes jours se prolongeraient jusqu'à
l'extrême vieillesse, cela t'ait peu de temps à endurer les
souffrances dont tu me menaces. Adieu, le ciel te conserve
quoique tu mérites un autre voeu. Toi. Aristophonte, que tes
dieux te rendent ce que tu m'as fait ! car c'est par loi que
tout cela m'arrive (29).
HÉGION
Qu'on l'emmène.
TYNDARE
Je ne te demande qu'une chose : si Philocrate revient,
permets-moi de lui parler.
HÉGION (aux esclaves).
Vous périrez, si vous ne nie débarrassez de sa présence.
TYNDARE
Quelle violence ! On me tire, on me pousse en même temps,
par Hercule !
HÉGION
On le mène tout droit en lieu sûr, il le mérite. Ce sera une
leçon pour les autres captifs, s'il en était quelqu'un qui
fût tenté d'imiter ce méchant. Sans l'homme qui m'a tout
découvert, ils me mèneraient encore, avec leurs ruses, comme
un âne bridé. Désormais, je ne me fie plus à personne. C'est
assez d'avoir été dupe une fois. Quel malheur ! j'espérais
avoir racheté mon fils de la servitude, mon espoir s'est
évanoui. J'ai perdu un fils, un enfant de quatre ans, qu'un
esclave me ravit, et je n'ai jamais retrouvé ni l'esclave ni
l'enfant. Mon aîné est tombé au pouvoir de l'ennemi. Quelle
faute ai-je donc commise? il semble que je mette au monde
des fils pour reste: seul sur la terre. (A
Aristophonte.) Suis-moi, que je te ramène où je t'ai
pris. Je veux n'avoir de pitié pour personne, puisque
personne n'a pitié de moi.
ARISTOPHONTE
J'augurais ma délivrance; il me faut, à ce que je vois,
réinaugurer ma captivité.
|
ACTVS IV i
ERGASILUS
Iuppiter supreme, servas me, measque auges opes.
Maximas opimitates opiparasque obfers mihi,
laudem, lucrum, ludum, iocum, festivitatem, ferias, 770
pompam, penum, potationis, saturitatem, gaudium :
nec quoiquam homini subplicare me nunc certum 'st mihi;
nam vel prodesse amico possum, inimicum perdere :
ita hic me amoenitate amoena amoenus oneravit dies.
Sine sacris hereditatem sum aptus ecfertissimam. 775
Nunc ad senem cursum capessam hunc Hegionem, quoi boni
tantum obfero, quantum ipsus a dis optat, atque etiam
amplius.
Nunc certa res est, eodem pacto ut comici servi solent
coniiciam in collum pallium, ex me primo rem hanc ut audiat.
Qperoque me ob hunc nuntium aeviternum adepturum cibum. 780 |
ACTE IV
ERGASILE
O Jupiter ! ô dieu souverain ! tu me sauves ! tu me combles
de biens. Quelles dépouilles opimes, quels dons succulents
tu m'envoies ! Gloire, profit, plaisirs, jeux, gaieté,
fêtes, magnifique cortège, abondance, bon vin, grande chère,
et quelle joie! Certes, je n'irai plus désormais faire le
suppliant auprès de personne. Je puis protéger mes amis,
écraser mes ennemis. Ce jour délicieux me fait nager au sein
des plus délicieuses délices; il m'arrive un riche héritage
exempt des charges du culte (30).
Maintenant, au galop chez le vieil Hégion, car je lui
apporte autant et plus de biens qu'il n'en peut demander aux
dieux. Oui, c'est décidé, je vais, à la manière des esclaves
de comédie, retrousser mon manteau par-dessus mon cou (31),
pour être le premier à lui apprendre la nouvelle; et je
compte bien qu'elle me vaudra une éternité de copieuse
nourriture. |
IV.ii
HEGIO, ERGASILUS
HEGIO
Quanto in pectore hanc rem meo magis voluto,
tanto mi aegritudo auctior est in animo.
Ad illum modum sublitum os esse mi hodie ?
Neque id perspicere quivi ?
Quod cum scibitur,
per urbem inridebor. 785
Quom extemplo ad Forum advenero, omneis loquentur :
Hic illest senex doctus, quoi verba data sunt.
Sed Ergasilus estne hic, procul quem ire video?
Conlecto quidem 'st pallio; quidnam acturu'st?
ERGASILUS
Move abs te moram omnem, Ergasile, atque age hanc rem. 790
Eminor atque interminor, ne quis mi obstiterit obviam;
nisi quis satis diu vixisse sese homo arbitrabitur.
Nam qui obstiterit, ore sistet.
HEGIO
Hic homo pugilatum incipit.
ERGASILUS
Facere certum'st; proinde ita omneis itinera insistant sua,
ne quis in haec platea negoti conferat quidquam sui. 795
Nam meus est ballista pugnus, cubitus catapulta'st mihi,
humerus aries; tum genu, ut quemque icero, ad terram dabo,
dentilegos omneis mortaleis faciam, quemque obfendero.
HEGIO
Quae illaec eminatio'st ? nam nequeo mirari satis.
ERGASILUS
Faciam ut huius diei locique, meique semper meminerit : 800
qui mi in cursu obstiterit, faxo vitae is extemplo
obstiterit suae.
HEGIO
Quid hic homo tantum incipissit facere cum tantis minis?
ERGASILUS
Prius edico, ne quis propter culpam capiatur suam.
Continete vos domi, prohibete a vobis vim meam.
HEGIO
Mira, edepol, sunt, ni hic in ventrem sumsit confidentiam.
805
Vae misero illi cuius cibo iste factu'st imperiosior.
ERGASILUS
Tum pistores scrophipasci, furfuri qui alunt sues,
quarum odore praeterire nemo pistrinum potest;
eorum si quoiusquam scropham in publico conspexero,
ex ipsis dominis, meis pugnis exculcabo furfures. 810
HEGIO
Basilicas edictiones, atque inperiosas habet.
Satur homo est, habet profecto in ventre confidentiam.
ERGASILUS
Tum piscatores, qui praebent populo pisceis foetidos,
qui advehuntur quadrupedanti crucianti canterio,
quorum odos subbasilicanos omneis abigit in Forum, 815
eis ego ora verberabo surpiculis piscariis,
ut sciant, alieno naso quam exhibeant molestiam.
Tum lanii autem, qui concinnant liberis orbas oveis,
qui locant caedundos agnos et duplam agninam danunt,
qui petroni nomen indunt verveci sectario; 820
eum ego si in via petronem publica conspexero,
et petronem et dominum reddam mortaleis miserrumos.
HEGIO
Euge ! edictiones aedilicias hic quidem habet
mirumque adeo'st, in hunc fecere sibi Aetoli agoranomum.
ERGASILUS
Non ego nunc parasitus sum, sed regum rex regalior, 825
tantus ventri conmeatus meo adest in portu cibus.
Sed ego cesso hunc Hegionem onerare laetitia senem ?
Quo homine hominum adaeque nemo vivit fortunatior?
HEGIO
Quae illaec est laetitia, quam illic laetus largitur mihi?
ERGASILUS
Heus, ubi estis? ecquis hoc aperit ostium? 830
HEGIO
Ad coenam hic homo recipit se ad me.
ERGASILUS
Aperite hasce ambas foreis,
priusquam pultando assulatim foribus exitium adfero.
HEGIO
Perlubet hunc hominem conloqui hunc. Ergasile.
ERGASILUS
Ergasilum qui vocat?
HEGIO
Respice.
ERGASILUS
Fortuna quod tibi nec facit, nec faciet, hoc me iubes.
Sed quis est?
HEGIO
Respice ad me, Hegio sum.
ERGASILUS
Oh ! mihi, 835
quantum 'st hominum optumorum optume, in tempore advenis.
HEGIO
Nescio quem ad portum nactus 's ubi coenes; eo fastidis.
ERGASILUS
Cedo manum.
HEGIO
Manum?
ERGASILUS
Manum, inquam, cedo tuam actutum.
HEGIO
Tene.
ERGASILUS
Gaude.
HEGIO Quid ego gaudeam?
ERGASILUS
Quia ego inpero; age gaude modo.
HEGIO
Pol, maerores mi antevortunt gaudiis.
ERGASILUS
Noli irascier. 840
Iam ego ex corpore exigam omneis maculas maerorum tibi.
Gaude audacter.
HEGIO
Gaudeo, et si nil scio, quod gaudeam.
ERGASILUS
Bene facis. Iube...
HEGIO
Quid iubeam?
ERGASILUS
Ignem ingentem fieri.
HEGIO
Ignem ingentem?
ERGASILUS
Ita dico, magnus ut sit.
HEGIO
Quid? me, volturi,
tuan' causa aedis incensurum censes?
ERGASILUS
Noli irascier. 845
Iuben' an non iubes adstitui aulas ? patinas elui ?
laridum atque epulas foveri foculis ferventibus?
Alium pisceis praestinatum abire?
HEGIO
Hic vigilans somniat.
ERGASILUS
Alium porcinam, atque agninam, et pullos gallinaceos?
HEGIO
Scis bene esse, si sit unde.
ERGASILUS
Pernam atque ophthalmiam, 850
horaeum, scombrum, et trygonum, et cetum, et mollem caseum?
HEGIO
Nominandi istorum tibi erit magis quam edundi copia
heic apud me, Ergasile.
ERGASILUS
Mean' me causa hoc censes dicere?
HEGIO
Nec nihil hodie, nec multo plus tu heic edes, ne frustra
sis.
Proin tu tui quotidiani victi ventrem ad me adferas. 855
ERGASILUS
Quin ita faciam, ut te tu cupias facere sumtum, etsi ego
vetem.
HEGIO
Egone?
ERGASILUS
Tu ne.
HEGIO
Tum tu mi igitur herus es.
ERGASILUS
Imo bene volens.
vin' te faciam fortunatum?
HEGIO
Malim, quam miserum quidem.
ERGASILUS
Cedo manum.
HEGIO
Hem manum.
ERGASILUS
Di te omneis adiuvant.
HEGIO
Nihil sentio.
ERGASILUS
Non enim es in senticeto, eo non sentis. Sed iube 860
vasa tibi pura adparari ad rem divinam cito,
atque agnum adferri proprium, pinguem.
HEGIO
Cur?
ERGASILUS
Ut sacrufices.
HEGIO
Quoi deorum?
ERGASILUS
Mi, hercle; nam ego nunc tibi sum summus Iupiter,
idem ego sum Salus, Fortuna, Lux, Laetitia, Gaudium.
Proin tu deum huncce saturitate facias tranquillum tibi. 865
HEGIO
Esurire mihi videre.
ERGASILUS
Mihi quidem esurio, non tibi.
HEGIO
Tuo arbitratu, facile patior.
ERGASILUS
Credo, consuetus puer.
HEGIO
Iupiter te dique perdant.
ERGASILUS
Te, hercle, mi aequom 'st gratias
agere ob nuntium : tantum ego nunc porto a portu tibi boni.
Nunc tu mihi places.
HEGIO
Abi, stultu's, sero post tempus venis. 870
ERGASILUS
Igitur olim si advenissem, magis tu tum istuc diceres.
Hunc hanc laetitiam adcipe a me, quam fero; nam filium
tuom modo in portu Philopolemum vivom, salvom, sospitem
vidi in publica celoce, ibidemque illum adulescentulum
Alium una, et tuom Stalagmum servom, qui aufugit domo, 875
qui tibi subripuit quadrimum puerum filiolum tuum.
HEGIO
Abi in malam rem; ludis me.
ERGASILUS
Ita me amabit sancta Saturitas,
Hegio, itaque suo me semper condecoret congnomine,
ut ego vidi.
HEGIO
Meum gnatum?
ERGASILUS
Tuum gnatum, et Genium meum.
HEGIO
Et captivom illum Alidensem?
ERGASILUS
Ma ton Apollon.
HEGIO
Et servolum 880
meum Stalagmum, meum qui gnatum subripuit?
ERGASILUS
Nai tan Koran.
HEGIO.
Iam diu?
ERGASILUS
Nai tan Prainesten.
HEGIO.
Venit?
ERGASILUS
Nai tan Signian.
HEGIO.
Certon' ?
ERGASILUS
Nai ton Phrousinona.
HEGIO.
Vide sis.
ERGASILUS
Nai ton Alatrion.
HEGIO
Quid tu per barbaricas urbes iuras?
ERGASILUS
Quia enim item asperae
sunt, ut tuom victum autumabas esse.
HEGIO
Vae aetati tuae. 885
ERGASILUS
Quippe quando mihi nil credis, quod ego dico sedulo.
Sed Stalagmus quoius erat tunc nationis, quom hinc abit?
HEGIO
Siculus.
ERGASILUS At nunc Siculus non est; Boius est, Boiam
terit.
Liberorum quaerundorum causa, ei, credo, uxor data'st.
HEGIO
Dic, bonan' fide tu mi istaec verba dixisti?
ERGASILUS
Bona. 890
HEGIO
Di inmortales ! iterum gnatus videor, si vera autumas.
ERGASILUS
An tu dubium habebis, etiam sancte quom ego iurem tibi?
Postremo, Hegio, si parva iuriiurando'st fides,
vise ad portum.
HEGIO
Facere certum'st; tu intus cura quod opus est.
Sume, posce, prome quid vis, te facio cellarium. 895
ERGASILUS
Nam, hercle, nisi mantiscinatus probe ero, fusti pectito.
HEGIO
Aeternum tibi dapinabo victum, si vera autumas.
ERGASILUS
Unde id?
HEGIO
A me meoque gnato.
ERGASILUS
Sponden' tu istud?
HEGIO
Spondeo.
ERGASILUS
At ego tuom tibi advenisse filium respondeo.
HEGIO
Cura quam optume potes.
ERGASILUS
Bene ambula et redambula. 900 |
IV,
2 HÉGION, ERGASILE
HÉGION
Plus l'affaire me roule dans l'esprit, plus le dépit
s'accroît dans mon âme. M'être laissé frotter la face de la
sorte, sans me douter de rien ! Quand on viendra à le
savoir, je serai la risée de la ville; je me vois d'ici
arrivant au Forum, un chacun jasera sur mon compte : «
Tiens, voilà le bonhomme si crédule, qu'ils ont attrapé. »
Mais n'est-ce pas Ergasile que j'aperçois là-bas? il a
retroussé son manteau; quelle est son intention?
ERGASILE (sans voir Hégion)
Arrière tout retard ! Ergasile, sois à ce que tu fais. Or cà
, qu'on redoute, qu'on tremble de m'obstruer la route, à
moins qu'on ne soit las de vivre. Quiconque m'arrête, je le
plante sur le nez,
HÉGION (à part).
Il se prépare au pugilat.
ERGASILE
Je le ferai comme je le dis. Ainsi dont que chacun suive son
chemin; que personne sur cette place ne traîne à causer de
ses affaires. Mon poing est une baliste, mon coude une
catapulte, mon épaule un bélier; si je frappe du genou,
j'étends mon homme à terre. De tous les mortels que j'aurai
heurtés, je fais des ramasseurs de dents.
HÉGION
Quelle proclamation menaçante ! Je ne puis assez m'étonner.
ERGASILE
Je les arrangerai de manière qu'ils se souviennent sans fin
de ce jour, de ce lieu et de moi. Le premier qui m'accroche,
accroche la mort.
HÉGION
Quels grands projets médite-t-il avec de si terribles
menaces?
ERGASILE
Je notifie l'ordre d'avance, pour que si quelqu'un est pris,
il le soit par sa faute. Qu'on se tienne enfermé chez soi;
qu'on évite ma violence.
HÉGION
Ou je me trompe fort, par Pollux ! ou c'est dans son ventre
qu'il puise son courage. Je plains le malheureux dont la
table a nourri cette arrogance.
ERGASILE
J'avertis les meuniers engraisseurs de truies, qui
nourrissent de son leurs pourceaux, dont l'odeur fait qu'on
ne peut plus passer devant leurs moulins; si je rencontre
sur la voie publique une de leurs truies, je m'en prends au
maître, et mes poings secoueront la farine de leurs têtes.
HÉGION
Édits royaux! et quel ton impérieux ! Il est repu sans
doute; dans son ventre est la réserve de son audace.
ERGASILE
Quant aux poissonniers qui vendent au public du poisson
puant, qu'ils apportent sur le dos d'une rosse éreintée,
traînant la patte; marchandise dont l'odeur chasse au forum
tous les promeneurs de la basilique : je leur battrai le
visage avec leurs paniers à poisson, pour leur apprendre le
mal qu'ils font au nez d'autrui. Après cela, pour les
bouchers qui mettent les brebis en deuil de leurs petits,
qui vendent les agneaux à égorger, et débitent de la viande
d'agneau au double de son prix, qui font passer, sous le nom
de moutons gras, des béliers coriaces; si je rencontre dans
la rue un de ces vieux béliers, le bélier et le maître
deviendront, par mon fait, les plus misérables des mortels.
HÉGION
Bravo ! il rend, ma foi, les ordonnances d'un édile. Il faut
que les Étoliens l'aient nommé leur inspecteur des marchés.
ERGASILE
Je ne suis plus parasite; je suis le roi le plus royal des
rois, tant est superbe le convoi de vivres qui est entré
dans le port pour remplir mon ventre. Mais que tardé-je à
répandre cette joie au coeur d'Hégion, qui maintenant de
tous les hommes est le plus fortuné à vivre?
HÉGION
Quelle est cette joie dont il s'apprête si joyeusement à me
gratifier ?
ERGASILE (frappant à la porte
d'Hégion).
Holà ! où est-on? Personne pour ouvrir cette porte?
HÉGION
Il revient, faute de mieux, souper chez moi.
ERGASILE
Ouvrez-moi les deux battants, si vous ne voulez qu'ils
volent en éclats et trouvent la mort sous mes coups.
HÉGION
J'ai une grande envie de lui parler. (Haut.)
Ergasile?
ERGASILE (sans se retourner).
Qui appelle Ergasile?
HÉGION
Tourne tes regards vers moi (32).
ERGASILE (de même).
Tu veux que je fasse pour toi ce que la fortune ne fait
point et ne fera jamais. Mais qui es-tu?
HÉGION
Regarde par ici; c'est moi, Hégion.
ERGASILE
O le meilleur de tout ce qu'il y a de meilleur dans l'espèce
humaine! que je te rencontre à propos !
HÉGION
Tu auras trouvé au port quelqu'un pour t'inviter à souper :
c'est pour cela que tu me dédaignes.
ERGASILE
Donne-moi la main.
HÉGION
Ma main?
ERGASILE
Oui, ta main, et tout de suite.
HÉGION
Tiens.
ERGASILE
Réjouis-toi.
HEGION
Pourquoi me réjouir?
ERGASILE
Parce que je le veux. Allons, réjouis-toi, quand je te le
dis.
HÉGION
Par Pollux ! les chagrins dans mon coeur débordent sur les
joies. ERGASILE
Point de fureur; je vais incontinent effacer de ta personne
toutes les taches de chagrin. Tu peux te réjouir hardiment.
HÉGION
Je me réjouis donc, quoique je ne sache pas avoir aucun
sujet de joie.
ERGASILE
Très bien. Ordonne...
HÉGION
Quoi?
ERGASILE
Qu'on fasse un feu énorme.
HÉGION
Un feu énorme?
ERGASILE
Je veux dire un grand feu.
HÉGION
Quoi ! vautour que tu es, prétends-tu que, pour te faire
plaisir, je brûle ma maison?
ERGASILE
Point de fureur. Ah ! çà, est-ce que tu ne veux pas ordonner
qu'on mette au feu les marmites? qu'on nettoie la vaisselle?
qu'on fasse cuire le lard et les ragoûts sur les foyers
ardents? que quelqu'un aille acheter du poisson?
HÉGION
Il rêve tout éveillé.
ERGASILE
Un autre, du porc, de l'agneau, des poulets?
HÉGION
Tu sais très bien vivre, si tu en avais, les moyens.
ERGASILE
Jambons, lamproies, frai de thon confit, maquereaux, raie,
thon frais, fromage nouveau?
HÉGION
Il te sera plus facile de nommer tous ces mets que d'en
manger chez moi, Ergasile.
ERGASILE
Tu crois donc que c'est à mon intention que je parle !
HÉGION
Tu ne mourras pas de faim; tu n'auras pas, non plus,
beaucoup au delà du nécessaire : ne t'abuse pas; apporte
donc ici un appétit de tous les jours.
ERGASILE
Je n'ai qu'à parler, c'est toi qui voudras te mettre en
dépense, quand même je t'en empêcherais.
HÉGION
Moi?
ERGASILE
Oui, toi.
HÉGION
Alors, tu es mon maître?
ERGASILE
Ton ami. Veux-tu que je te rende bien heureux?
HÉGION
Oui, plutôt que malheureux, certainement.
ERGASILE
Donne-moi la main.
HÉGION
La voilà.
ERGASILE
Tous les dieux te protègent.
HÉGION
Je ne sens rien pourtant.
ERGASILE
Je crois bien que tu ne sens pas; tu n'es pas dans une
sentine. Mais fais apprêter dare-dare les vases purs du
sacrifice, et dis qu'on apporte un agneau sans tache et bien
gras.
HÉGION
Pourquoi?
ERGASILE
Pour l'immoler.
HÉGION
A quel dieu?
ERGASILE
A moi, par Hercule! car aujourd'hui je suis pour toi le
grand Jupiter, et en même temps le dieu du Salut, la
Fortune, la Lumière, l'Allégresse, la Joie. En conséquence,
mérite la faveur de ton dieu en lui comblant la panse.
HÉGION
Tu m'as l'air d'être en appétit.
ERGASILE
Cet air-là, je l'ai pour moi, et non pour toi.
HÉGION
Comme tu voudras; je suis de bonne composition.
ERGASILE
Je crois que c'est chez toi une habitude d'enfance (33).
HÉGION
Que Jupiter et tous les dieux te confondent!
ERGASILE
Toi plutôt, par Hercule ! rends-moi des actions de grâces.
Bonne nouvelle ! Je t'apporte du port une provision de
bonheur. Pour l'instant, je te donne la préférence.
HÉGION
Va-t'en, sot, tu arrives trop tard.
ERGASILE
C'est ce qu'il aurait fallu nie dire, si j'étais venu il y a
quelque temps; mais à présent accepte le bonheur que je
t'apporte. Je viens de voir au port, sur un brigantin de la
république, Philopolème, ton fils, plein de vie et de santé,
et avec lui ce jeune homme d'Elide, et ton esclave Stalagme,
le fugitif qui t'enleva ton fils, ton enfant de quatre ans.
HÉGION
Va te faire pendre ! tu te moques de moi.
ERGASILE
Veuille la bonne déesse Plénipanse me favoriser toujours,
Hégion, et m'accorder l'honneur d'être surnommé de son nom,
aussi vrai que j'ai vu...
HÉGION
Mon fils?
ERGASILE
Ton fils, et mon bon Génie.
HÉGION
Et le prisonnier éléen?
ERGASILE
Oui, per Appollinem (34).
HÉGION
Et mon esclave Stalagme, qui m'a ravi mon enfant?
ERGASILE
Oui, per Coram (35).
HÉGION
Il y a longtemps?
ERGASILE
Oui, per Praeneste.
HÉGION
Qu'il est arrivé?
ERGASILE
Oui, per Signiam.
HÉGION
C'est sûr?
ERGASII.E
Oui, per Phrusinonem.
HÉGION
Tu as bien vu?
ERGASILE
Oui, per Alatriam.
HÉGION
Pourquoi jures-tu par ces villes barbares?
ERGASILE
Parce qu'elles sont dures à avaler, comme tes repas, à ce
que tu me disais.
HÉGION
Maudit homme !
ERGASILE
Je dois l'être, puisque je ne puis pas te persuader, quoique
je te parle en conscience. A propos, Stalagme, de quel pays
était-il quand il s'enfuit?
HÉGION
De Sicile.
ERGASILE
Il n'est plus Sicilien à présent, il est devenu Férentin;
c'est une Férentine qu'il caresse. C'est sans doute pour
qu'il ait des enfants de sa race qu'on la lui aura fait
épouser (36).
HÉGION
En vérité? tu m'as parlé sincèrement?
ERGASILE.
Sincèrement.
HÉGION
Dieux immortels ! je crois renaître à la vie, si tu dis
vrai.
ERGASILE
Comment ! tu doutes encore, après les serments solennels que
je t'ai faits? Enfin, Hégion, si tu n'ajoutes pas foi à ma
parole sacrée, va voir toi-même au port.
HÉGION
Certainement, j'y vais. Toi, entre, et fais tous les
préparatifs nécessaires. Prends, demande, puise au cellier à
ta fantaisie. Je te fais mon majordome.
ERGASILE (Se frappant sur le
ventre).
Par Hercule ! si mon oracle ne se remplit parfaitement,
prends un bâton pour me peigner.
HÉGION
Je te promets une éternité de festins, si tu m'as dit la
vérité.
ERGASILE
La source?
HÉGION
Moi et mon fils.
ERGASILE
Est-ce dit?
HÉGION
C'est dit.
ERGASILE
Et moi, je te dis que ton fils est arrivé.
HÉGION
Aie soin que tout soit au mieux. (Il
sort.)
ERGASILE
Bon voyage, et prompt retour ! |
IV.
iii
ERGASILUS
Illic hinc abiit : mihi rem summam credidit cibariam.
Di inmortaleis, ut ego collos praetruncabo tegoribus,
quanta pernis pestis veniet ! quanta labes larido !
quanta sumini absumedo ! quanta callo calamitas !
quanta laniis lassitudo ! quanta porcinariis ! 905
Nam si alia memorem, quae ad ventris victum conducunt,
mora'st.
Nunc ibo in meam praefecturam, ut ius dicam larido,
et quae pendent indemnatae pernae, eis auxilium ut feram. |
IV,
3
ERGASILE (seul).
Il part, et me fait administrateur en chef des vivres. Dieux
immortels, comme je vais couper la gorge aux carrés de porc!
Quel carnage de jambons ! quelle tempête sur le lard !
quelle déconfiture de tétines ! quel désastre pour les
filets de sanglier! quel épuisement chez les bouchers et
chez les charcutiers ! Mais si je voulais passer en revue
toutes les victuailles qui sont du ressort de ma bouche, je
n'en finirais pas. Je vais tout de suite me rendre à mon
poste, exercer ma juridiction sur le lard, et porter secours
à ces jambons qu'on a pendus sans jugement. (Il
sort.) |
ACTUS V
PUER HEGIONIS
Diespiter te dique, Ergasile, perdant et ventrem tuum,
parasitosque omneis, et qui posthac coenam parasitis dabit.
910
Clades calamitasque, intemperies modo in nostram advenit
domum.
Quasi lupus esuriens, metui ne in me faceret impetum.
Nimisque, hercle, ego illum male formidabam : ita frendebat
dentibus.
Adveniens deturbavit totum cum carne carnarium.
Adripuit gladium, praetruncavit tribu' tegoribus glandia.
915
Aulas, calicesque omneis confregit, nisi quae modialeis
erant.
Cocum percontabatur, possent seriae fervescere ?
Cellas refregit omneis intus, reclusitque armarium.
Adservate istunc, soltis, servi; ego ibo, ut conveniam
senem,
dicam, ut sibi penum alium ornet, siquidem sese uti volet.
920
Nam hic quidem, ut adornat, aut iam nihil est, aut iam nihil
erit. |
ACTE V
UN
ESCLAVE D'HÉGION
Que Jupiter et les dieux t'exterminent, Ergasile, toi et ton
ventre, et tous les parasites, et les gens qui, à l'avenir,
recevront des parasites à souper ! C'est une désolation, un
fléau, un orage épouvantable, qui est venu s'abattre un
instant sur la maison. On aurait dit un loup affamé; j'ai eu
peur qu'il ne se jetât aussi sur moi. Par Hercule, j'ai eu
peur à le voir grincer ainsi des dents. En arrivant, il a
mis sens dessus dessous l'office avec toutes les viandes.
Saisissant un coutelas, il a tranché les ris à trois porcs.
Il a brisé tous les pots et les marmites qui n'avaient pas
capacité d'un boisseau. Il demandait au cuisinier si les
jarres pouvaient aller au feu. Il a enfoncé toutes les
portes dans le cellier, a forcé l'armoire de la vaisselle.
Esclaves, surveillez-le, entendez-vous; moi, je vais
chercher le vieux maître. Je lui conseillerai de faire une
nouvelle provision de vivres, s'il veut avoir de quoi vivre
lui-même : car pour celle d'ici, à la manière dont notre
homme l'arrange, il n'en restera bientôt plus rien, si même
il en reste encore quelque chose. (Il
sort.) |
V.
ii HEGIO, PHILOPOLEMUS, PHILOCRATES
HEGIO
Iovi disque ago gratias merito magnas,
quom te reducem tuo patri reddiderunt,
quomque ex miseriis plurimis me exemerunt,
quae, adhuc te carens dum heic fui sustentabam : 925
quomque huncce conspico in potestate nostra,
quomque huius reperta 'st fides firma nobis.
PHILOPOLEMUS
Satis iam dolui ex animo, et cura me satis et lacrymis
maceravi,
satis iam audivi tuas aerumnas, ad portum mihi quas
memorasti.
Hoc agamus.
PHILOCRATES
Quid nunc, quoniam tecum servavi fidem 930
tibique hunc reducem in libertatem feci?
HEGIO
Fecisti, ut tibi,
Philocrates, nunquam referre gratiam possim satis,
proinde ut tu promeritu's de me et filio.
PHILOPOLEMUS
Imo potes,
pater, et poteris, et ego potero; et di eam potestatem
dabunt,
ut beneficium benemerenti nostro merito muneres, 935
sicut tu huic potes, pater mi, facere merito maxume.
HEGIO
Quid opu'st verbis? lingua nulla'st qua negem quidquid roges.
PHILOCRATES
Postulo abs te, ut mi illum reddas servom, quem heic
reliqueram
pignus pro me, qui mihi melior quam sibi semper fuit,
pro benefactis eius ut ei pretium possim reddere. 940
HEGIO
Quod benefecisti referetur gratia, id quod postulas;
et id, et aliud, quod me orabis, inpetrabis; atque te
nolim subcensere, quod ego iratus ei feci male.
PHILOCRATES
Quid fecisti?
HEGIO
In lapicidinas conpeditum condidi,
ubi rescivi mihi data esse verba.
PHILOCRATES
Vae misero mihi ! 945
propter meum caput labores homini evenisse optumo !
HEGIO
At ob eam rem mihi libellam pro eo argenti ne duis.
Gratis, a me, ut sit liber, ducito.
PHILOCRATES
Edepol, Hegio,
facis benigne; sed quaeso, hominem ut iubeas arcessi.
HEGIO
Licet.
Ubi vos estis ? ite actutum. Tyndarum huc arcessite. 950
Vos ite intro : interibi ego ex hac statua verberea volo
erogitare, meo minore quid sit factum filio.
Vos lavate interibi.
PHILOPOLEMUS
Sequere hac, Philocrates, me intro.
PHILOCRATES
Sequor. |
V,
2 HÉGION, PHILOPOLÈME, PHILOCRATE, STALAGME enchaîné,
esclaves qui le conduisent.
HÉGION
Que de belles actions de grâces je rends et je dois rendre a
Jupiter et aux dieux ! Enfin ils t'ont ramené en la
puissance de ton père, ils me délivrent de tant de peines
dont j'ai tant souffert par ta perte; ils mettent cet
homme-là en notre pouvoir (désignant
Stalagme), et cet autre (désignant
Philocrate) nous a prouvé sa loyauté.
PHILOPOLÈME
J'ai été assez abreuvé de douleurs, j'ai assez langui dans
les soucis et les larmes, j'ai assez entendu le récit de tes
chagrins tout à l’heure au port. Occupons-nous de notre
affaire.
PHILOCRATE
Et moi, qu'aurai-je, pour t'avoir ramené ton fils libre, et
t'avoir si bien tenu parole?
HÉGION
Ah, tel est ce service, Philocrate, que je ne pourrai jamais
te témoigner dignement ma reconnaissance et pour moi et pour
mon fils.
PHILOPOLÈME
Si, mon père, tu le pourras, je le pourrai aussi, et les
dieux nous donneront le pouvoir de récompenser dignement
notre bienfaiteur de son bienfait. Tu as le moyen de
reconnaître son immense service.
HÉGION
Faut-il tant de paroles? (A Philocrate.)
Quoi que tu demandes, je n'ai pas de langue pour te refuser.
PHILOCRATE
Je te prie de me rendre l'esclave que j'avais laissé ici en
gage pour moi, et qui m'a toujours préféré à lui-même; je
veux lui donner le prix dû à ses mérites.
HÉGION
Tu es mon bienfaiteur, je ne veux pas être ingrat : ce que
tu désires de moi, cela ou autre chose, tu n'as qu'à parler,
tu l'obtiendras. Seulement ne te fâche pas de ce que, dans
un moment de colère, je l'ai maltraité.
PHILOCRATE
Qu'as-tu fait?
HÉGION
Je l'ai envoyé, les fers aux pieds, dans la carrière, quand
j'ai su qu'on m'en avait conté.
PHILOCRATE
Quelle douleur, qu'un être si bon ait souffert et pour
sauver ma tête!
HÉGION
En compensation, je veux que tu ne me donnes pas un seul
denier pour sa rançon. Emmène-le; qu'il ait sa liberté sans
qu'il t'en coûte rien.
PHILOCRATE
Par Pollux! Hégion, tu agis avec générosité; mais, je t'en
prie, fais venir mon homme.
HÉGION
Volontiers. Où est-on? Courez vite, et amenez ici Tyndare. (A
son fils et à Philocrate.) Vous, entrez, tandis que
j'interrogerai cette statue pour coups de trique (montrant
Stalagme) ; je veux savoir ce qu'est devenu mon plus
jeune fils. En attendant, baignez-vous.
PHILOPOLÈME
Viens, entrons, Philocrate.
PHILOCRATE
Je te suis. |
V.
iii HEGIO, STALAGMUS
HEGIO
Age tu illuc procede, bone vir, lepidum mancupium meum.
STALAGMUS
Quid me facere oportet, ubi tu talis vir falsum autumas? 955
Fui ego bellus, lepidus, bonus vir nunquam, neque frugi
bonae,
neque ero unquam, ne spem ponas me bonae frugi fore.
HEGIO
Propemodum ubi loci fortunae tuae sint facile intellegis.
Si eris verax, tua ex re facies ex mala meliusculam.
Recte, et vera loquere : sed neque vere, neque recte adhuc
960
fecisti umquam.
STALAGMUS
Quod ego fatear, credin' pudeat, quom autumes?
HEGIO
At ego faciam ut pudeat : nam in ruborem te totum dabo.
STALAGMUS
Eia ! credo ego, inperito plagas minitaris mihi.
Tandem ista aufer, dicque quid fers, ut feras hinc quod
petis.
HEGIO
Satis facundu's; sed iam fieri dictis conpendium volo. 965
STALAGMUS
Quodvis fiat.
HEGIO
Bene morigerus fuit puer : nunc non decet.
hoc agamus; iam animum advorte, ac mihi quae dicam edissere.
Si eris verax, tuis ex rebus feceris meliusculas.
STALAGMUS
Nugae istaec sunt; non me censes scire quid dignus siem?
HEGIO
At ea subterfugere potis es pauca, si non omnia. 970
STALAGMUS
Pauca ecfugiam, scio; nam multa evenient, et merito meo,
quia et fugi, et tibi subripui filium, et eum vendidi.
HEGIO
Quoi homini?
STALAGMUS
Theodoromedi in Alide Polyplusio,
sex minis.
HEGIO
Pro di inmortaleis ! is quidem huius est pater
Philocrati.
STALAGMUS
Quin melius novi, quam tu, et vidi saepius. 975
HEGIO
Serva, Iupiter supreme, et med et meum gnatum mihi.
Philocrates, per tuom te genium obsecro, exi, te volo. |
V,
3 HÉGION, STALAGME
HÉGION
Allons, approche, honnête homme, amour d'esclave.
STALAGME
Que ferai-je donc, si un homme tel que toi se plaît à
mentir? Moi, joli, moi, amour, je l'ai été; mais homme de
bien, honnête homme, jamais je ne l'ai été ni ne le serai.
N'espère pas d'honnêteté chez moi.
HÉGION
Tu devines aisément où en sont tes affaires? Veux-tu être
sincère? ton sort pourra ne plus être si mauvais, et
s'améliorer un peu. Parle-moi exactement, loyalement : mais
exactitude, loyauté, n'eurent jamais part dans ta conduite.
STALAGME
Je l'avouerais; penses-tu me faire rougir en le disant?
HÉGION
Je te ferai bien rougir, car je te mettrai du rouge des
pieds jusqu'à la tête.
STALAGME
Oui-da ! Tu crois menacer un novice des étrivières. Écoute,
ne le prends pas sur ce ton; et dis-moi ce que tu m'offres,
afin d'obtenir ce que tu souhaites.
HÉGION
Tu es assez beau parleur. Mais trêve aux paroles oiseuses,
n'est-ce pas?
STALAGME
A ton gré.
HÉGION
Vraiment, il fut complaisant dans son enfance (37);
mais cela n'est plus de saison. Allons au fait : écoute-moi
attentivement, et réponds point par point à mes questions;
si tu es sincère, tes affaires en seront meilleures.
STALAGME
Tu plaisantes. Comme si je ne savais pas ce que j'ai mérité
81
HÉGION
Mais tu peux en éviter une partie, sinon le tout.
STALAGME
Rien qu'un peu, je le sais; car il doit m'en revenir
beaucoup, et je ne l'aurai pas volé. Ah non ! J'ai pris la
fuite, et je t'ai enlevé ton fils, et je l'ai vendu.
HÉGION
A qui?
STALAGME
A Théodoromède Polyplusius, en Élide, pour six mines.
HÉGION
O dieux immortels ! c'est le père de notre Philocrate.
STALAGME
Eh! Il m'est plus connu que toi-même, et je l'ai vu plus
souvent.
HÉGION
Jupiter souverain, sauve-nous, mon fils et moi. (Appelant
à haute voix) Philocrate ! par ton bon génie, viens,
j'ai à te parler. |
V.
iv PHILOCRATES, HEGIO, STALAGMUS
PHILOCRATES
Hegio, adsum; si quid me vis, inpera.
HEGIO
Hic gnatum meum
tuo patri ait se vendidisse sex minis in Alide.
PHILOCRATES
Quamdiu id factum 'st?
STALAGMUS
Hic annus incipit vicesimus. 980
PHILOCRATES
Falsa memorat.
STALAGMUS
Aut ego; aut tu; nam tibi quadrimulum
tuos pater peculiarem parvolo puero dedit.
PHILOCRATES
Quid erat ei nomen? si vera dicis, memoradum mihi.
STALAGMUS
Paegnium vocitatu'st, post vos indidistis Tyndaro.
PHILOCRATES
Cur ego te non gnovi?
STALAGMUS
Quia mos est oblivisci hominibus, 985
neque gnovisse, quoius nihili sit faciunda gratia.
PHILOCRATES
Dic mihi : isne istic fuit, quem vendidisti meo patri,
qui mihi peculiaris datus est?
STALAGMUS
Istic, huius filius.
HEGIO
Vivitne is homo?
STALAGMUS
Argentum adcepi, nil curavi ceterum.
HEGIO
Quid tu ais?
PHILOCRATES
Quin istuc ipsu'st Tyndarus tuos filius, 990
ut quidem hic argumenta loquitur. Nam is mecum a puero puer
bene pudiceque educatu'st usque ad adulescentiam.
HEGIO
Et miser sum, et fortunatus, si vos vera dicitis.
Eo miser sum, quia male illi feci, si gnatus meu'st.
Eheu ! cur ego plus minusque feci illi quam aequom fuit !
995
Quod male feci, crucior; modo, si infectum fieri possiet ?
Sed eccum, incedit huc ornatus haud ex suis virtutibus. |
V,
4 PHILOCRATE, HÉGION, STALAGME
PHILOCRATE
Me voici, Hégion; à ton service !
HÉGION, montrant Stalagme.
Il dit qu'il a vendu mon fils à ton père, en Élide, pour six
mines.
PHILOCRATE
Combien y a-t-il de cela?
STALAGME
Voici la vingtième année.
PHILOCRATE
Il ment.
STALAGME
Moi, ou toi? Ton père te donna en pécule un enfant de quatre
ans; tu étais enfant comme lui.
PHILOCRATE
Son nom? Si tu dis la vérité, nomme-le-moi.
STALAGME
On l'appelait Pegnium, mais vous lui avez donné le nom de
Tyndare.
PHILOCRATE
Pourquoi ne te reconnais-je pas?
STALAGME
Parce que les hommes ont coutume d'oublier et de ne pas
reconnaître ceux dont l'amitié ne leur promet rien.
PHILOCRATE
Explique-toi : celui que tu vendis à mon père était-il celui
qui me fut donné en pécule?
STALAGME
Lui-même, le fils de cet homme.
HÉGION
Il vit encore?
STALAGME
J'ai reçu l'argent; je ne me suis plus inquiété du reste.
HÉGION, à Philocrate, avec tristesse.
Qu'en dis-tu?
PHILOCRATE
Tyndare est bien ton fils, d'après tout ce qu'il nous dit.
Enfants de même âge, nous fûmes élevés ensemble dès
l'enfance honnêtement, vertueusement, jusqu'à l'adolescence.
HÉGION
Je suis heureux et malheureux à la fois, si vous dites vrai
tous les deux. Malheureux, s'il est mon fils, de l'avoir
traité si durement. Hélas ! que je me veux mal d'avoir fait
trop et trop peu pour lui ! Ce qu'il a souffert est un
tourment pour moi. Si je pouvais abolir le passé ! (Apercevant
Tyndare.) Mais le voici dans un accoutrement peu
digne de ses vertus. |
V. v
TYNDARUS, HEGIO, PHILOCRATES, STALAGMUS
TYNDARUS
Vidi ego multa saepe picta, quae Acherunti fierent
cruciamenta : verum enimvero nulla adaeque 'st Acheruns,
atque ubi ego fui, in lapicidinis, illic ibi demum 'st
locus, 1000
ubi labore lassitudo 'st exigunda ex corpore.
Nam ubi illo adveni, quasi patriciis pueris aut monerulae,
aut anites, aut coturnices dantur, quicum lusitent :
itidem mi haec advenienti upupa, qui me delectem, data'st.
Sed herus eccum ante ostium, et herus alter eccum ex Alide
1005
rediit.
HEGIO
Salve tu, exoptate gnate mi.
TYNDARUS
Hem ! quid, gnate mi?
Attat, scio cur te patrem adsimules esse, et me filium:
quia mi, item ut parenteis, lucis das tuendae copiam.
PHILOCRATES
Salve, Tyndare.
TYNDARUS
Et tu quoius causa hanc aerumnam exigo.
PHILOCRATES
At nunc liber in divitias, faxo, venies.;nam tibi 1010
pater hic est; hic servos, qui te huic hinc quadrimum
surpuit,
vendidit patri meo te sex minis, is te mihi
parvolum peculiarem parvolo puero dedit
illic indicium fecit; nam hunc ex Alide huc reduximus.
TYNDARUS
Quid huius filium?
PHILOCRATES
Intus eccum fratrem germanum tuom. 1015
TYNDARUS
Quid tu ais? adduxtin' illum huius captivom filium?
PHILOCRATES
Quin, inquam, intus heic est.
TYNDARUS
Fecisti, edepol, et recte et bene.
PHILOCRATES
Nunc tibi pater hic est : hic fur est tuos, qui parvom hinc
te abstulit.
TYNDARUS
At ego hunc grandis grandem gnatu, ob furtum ad carnificem
dabo.
PHILOCRATES
Meritus est.
TYNDARUS
Ergo, edepol, merito meritam mercedem dabo. 1020
Sed dic oro: pater meus tun' es?
HEGIO Ego sum, gnate mi.
TYNDARUS
Nunc demum in memoriam redeo, cum mecum recogito.
Nunc, edepol, demum in memoriam regredior, audisse me
quasi per nebulam, Hegionem meum patrem vocarier.
HEGIO
Is ego sum.
PHILOCRATES
Conpedibus, te quaeso, ut tibi sit levior filius, 1025
atque hic graviter servos.
HEGIO
Certum 'st principium id praevortier.
Eamus intro, ut arcessatur faber, ut istas conpedis
tibi adimam, huic dem.
STALAGMUS
Quoi peculi nihil est, recte feceris. |
V,
5 TYNDARE, HÉGION, PHILOGRATE, STALAGME
TYNDARE
J'ai vu souvent en peinture les supplices des enfers; mais,
ma foi, il n'y a pas d'enfer plus infernal que cette
carrière où l'on m'a jeté. C'est là qu'il faut que le
travail chasse du corps la fatigue. A peine y fus-je arrivé,
on me traita comme les enfants des patriciens, auxquels on
donne, pour jouer, des merles, des canetons ou des cailles;
moi, on me mit en main ce pic pour m'amuser (38).
(Il montre le pic de carrier qu'il a
dans la main.) Mais j'aperçois mon maître devant la
porte, et mon autre maître aussi, revenu de l'Élide.
HÉGION
Salut, mon cher fils, que j'ai tant souhaité.
TYNDARE
Hein, quoi? mon cher fils ! Ah ! ah ! je vois pourquoi tu te
dis mon père et m'appelles ton fils; c'est que, comme père
et mère, tu me fais voir le jour.
PHILOCRATE
Salut, Tyndare.
TYNDARE
Salut aussi à toi, pour qui j'endure ces maux.
PHILOCRATE
Mais je t'annonce que tu vas devenir libre et riche. Voici
ton-père, et voilà l'esclave qui t'enleva d'ici à l'âge de
quatre ans, et te vendit à mon père pour six mines. Mon père
te donna en pécule à moi, toi tout petit à moi tout petit.
(Montrant Stalagme.) C'est lui
qui vient de tout révéler. Nous le ramenons ici de l'Élide.
TYNDARE (montrant Hégion).
Et son fils?
PHILOCRATE
Ton frère est là, dans la maison.
TYNDARE
Dis-moi donc, tu as amené son fils, qui était prisonnier?
PHILOCRATE
Puisque je te dis qu'il est ici, dans la maison.
TYNDARE
Par Pollux ! tu as fait la une bonne et belle action.
PHILOCRATE
Désormais, voici ton père (montrant
Hégion), et voilà le ravisseur (montrant
Stalagme) qui t'enleva autrefois tout petit.
TYNDARE
Mais, à présent que je suis grand, je livrerai ce vieux
scélérat au bourreau, en punition de son larcin.
PHILOCRATE
Il le mérite bien.
TYNDARE
Aussi, par Pollux ! lui donnerai-je la récompense
proportionnée à ses mérites. (A Hégion.)
Mais dis-moi, tu es mon père, c'est bien vrai?
HÉGION
Oui, mon cher fils, je suis ton père.
TYNDARE
En effet, à présent que j'y réfléchis... je retrouve dans ma
mémoire... oui, par Pollux ! le souvenir me revient comme à
travers... un nuage, que mon père se nommait Hégion.
HÉGION
C'est moi.
PHILOCRATE
Il faut, je t'en prie, faire alléger ton fils de ces
entraves, pour en charger cet esclave.
HÉGION
Oui, sans doute, ce sera mon premier soin. Entrons, et
faisons venir le serrurier; que je te retire ces fers pour
en gratifier ce gaillard-là.
STALAGME
Je n'ai point de pécule, tu peux me faire ce cadeau.
|
CATERVA
Spectatores, ad pudicos mores facta haec fabula 'st,
neque in hac subagitationes sunt, neque ulla amatio, 1030
nec pueri subpositio, aut argenti circumductio;
neque ubi amans adulescens scortum liberet clam suom patrem.
Huiusmodi paucas poetae reperiunt comoedias,
ubi boni meliores fiant; nunc vos, si vobis placet
et si placuimus, neque odio luimus, signum hoc mittite; 1035
qui pudicitiae esse voltis praemium, plausum date.
|
L'ORATEUR DE LA TROUPE
Spectateurs, cette pièce est faite sur le modèle des bonnes
moeurs. On n'y voit point de caresses impudiques ni d'amours
libertines, point de supposition d'enfant, point
d'escroquerie d'argent, ni de jeune amant qui affranchisse
une courtisane à l'insu de son père. Les poètes n'inventent
pas souvent des comédies de ce genre, où les bons apprennent
à devenir meilleurs. Vous, maintenant, s'il vous plaît, si
nous avons pu vous faire plaisir et ne pas vous ennuyer,
signifiez-le ainsi (il fait le geste
d'applaudir). Vous qui aimez voir récompenser la
vertu, applaudissez. |
(01)
En habit de prologue : robe blanche, avec une branche d'olivier à
la main, comme un messager de paix.
(02)
Il s'adresse aux spectateurs des premiers rangs, citoyens en état
de se faire inscrire sur les rôles du cens.
(03)
Le fils mineur était aussi dépendant de son père qu'un esclave.
Il ne pouvait rien posséder qu'à titre de pécule, au gré de son père.
(04)
Jeu de mots entre invocatus (non invité) et invocatus
(invoqué).
(05)
En effet, les convives envoyaient à la tête du parasite attablé
tout ce qui se pouvait; il y perdait parfois un oeil.
(06)
La porte Trigémine était située entre l'Aventin et le Tibre : ce devait
être un lieu très fréquenté des gens d'affaires et des oisifs, par
conséquent des mendiants. Peut-être aussi y avait-il là un quai de
marchandises : en ce cas, Ergasile ferait allusion aux débardeurs.
(07)
Mon roi : dénomination appliquée aux citoyens riches et entourés de
clients, de flatteurs; elle était d'un usage courant à Rome.
(08)
Chaque maison importante avait son exécuteur des hautes oeuvres comme
elle avait son ergastule; mais ce bourreau était devenu au théâtre un
personnage comique.
(09)
Jeu de mots sur exercitus (exercice de manège) et
exercitus (armée).
(10)
Plaute forge des noms de pays; ici, ils ont tous un double sens,
rappelant à la fois des villes et des apprêts de table.
(11)
Ces deux manières de faire la barbe (la couper rase contre la
peau ou bien à distance par le moyen d'un peigne appliqué sur le visage)
se partageaient la clientèle romaine.
(12)
Ce mépris de la philosophie, exercée à Rome par les Grecs et par
là regardée comme corruptrice par la routine ou le chauvinisme, flattait
les préjugés du peuple et de beaucoup de patriciens.
(13)
La vaisselle de Samos était de la vaisselle de terre, indigne des
sacrifices.
(14)
L'État avait en effet ses esclaves pour certains services publics
(prisons, temples, police).
(15)
Hégion ne peut comprendre tous les sous-entendus de cette tirade.
(16)
Le Vélabre était un quartier commerçant, un marché. Le mot de
Ergasile est notre « larrons en foire ».
(17)
La loi barbare est sans doute la loi portée contre les auteurs de
l'insurrection italienne en 662. L'État romain réprimait les coalitions
illégales de producteurs et de marchands, les accaparements, les
disettes factices.
(18) L'épilepsie,
pour laquelle en effet la salive était employée comme remède.
(19)
Jeu de mots entre credere (croire) et credere
(faire crédit, prêter).
(20) Ces
trois héros tragiques étaient dans l'imagination populaire les symboles
de la fureur démente.
(21)
L'esclave, étant une chose, non une personne, n'avait nul droit
au titre de père ou de fils.
(22) Intraduisible
jeu de mots, double et triple calembour, amphibologie à trois sens
possibles que les spectateurs interprétaient à leur gré : 1° « Je ne dis
pas que je ne suis pas libre; mais que je suis Philocrate »; 2° « Je dis
que ce n'est pas moi, mais Philocrate, qui est libre »; 3° « Je dis que
je suis, non pas Bacchus (Liber), mais Philocrate. »
(23)
La bile noire était tenue par les médecins de l'antiquité pour la
cause de la folie sombre et furieuse.
(24)
Les criminels, plus tard les martyrs, étaient enveloppés de poix et
brûlaient tout vifs.
(25)
Entre la pierre et l'autel : chez les anciens Romains, dans les
sacrifices les plus solennels, le prêtre frappait la victime avec un
silex tranchant. D'où le proverbe « se trouver entre la pierre et
l'autel », c'est-à-dire sous la menace d'un danger imminent.
L'expression est donc plus forte que notre « entre l'enclume et le
marteau x, qui convient à une situation embarrassante plutôt que
périlleuse.
(26)
Tyndare parle des entraves comme de suppliantes, car suppliant ou
suppliante embrassait les genoux du personnage de qui une grâce était
attendue.
(27)
En effet, la recommandation faite à Philocrate valait pour les
deux prisonniers.
(28) Sescentoplagus
: six cents coups de fouet.
(29)
Tyndare, emporté contre Aristophonte, éprouve une sorte de
respect pour Hégion; c'est comme un pressentiment de la pitié filiale.
(30)
Un riche héritage exempt des charges du culte, expression
proverbiale, tirée d'une coutume religieuse : l'héritier devait assurer
la célébration d'un sacrifice, et c'était une lourde charge pour lui.
Hériter avec exemption de cette charge représentait une bonne aubaine.
(31)
Ergasile va retrousser son manteau à la manière de tous les
esclaves quand ils avaient à courir plus vite qu'à l'ordinaire (ils
devaient toujours courir...).
(32)
La scène étant très vaste chez les Anciens, ce jeu de scène
gardait de la vraisemblance. — Il y a, en outre, un jeu de mots entre
respicere (regarder derrière soi) et respicere (jeter un
regard favorable).
(33) Ici,
le jeu de mots (sur consuetus puer) est de la dernière
grossièreté.
(34)
Ergasile commence par jurer en grec; les mots latins font dans le
texte français la même surprise que les mots grecs dans le texte latin.
(35)
Le mot grec désigne la fille de Cérès; mais les mêmes sons en
latin signifient une ville de Campanie : ce qui amène Ergasile à jurer
par des villes italiques dont il précise les noms.
(36)
Les Férentins faisaient partie de la nation des Herniques dans le
Latium. Les Romains regardaient toujours d'un assez mauvais oeil ces
peuplades gauloises transplantées en Italie; ils aimaient les entendre
blaguer au théâtre.
(37)
Encore une équivoque obscène. Cf. la note 33.
(38)
Une statue antique représente un enfant qui joue avec une oie.
Mais les grandes personnes aussi s'amusaient avec des oiseaux; les
amants offraient à leurs maîtresses des colombes, des passereaux et
jusqu'à des canards. — Ici, en outre, il y a un jeu de mots sur upupa,
qui veut dire à la fois huppe et pic de carrier.
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