partie II
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
EN SYRIE, EN PALESTINE, EN EGYPTE, EN ARABIE ET EN PERSE,
PENDANT LES ANNÉES DE L'HÉGIRE 437 — 444 (1035 — 1042)
PUBLIÉ, TRADUIT ET ANNOTÉ
PAR
CHARLES SCHEFER
MEMBRE DE L'INSTITUT,
PREMIER SECRÉTAIRE INTERPRETE DU GOUVERNEMENT,
ADMINISTRATEUR DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DE L’ECOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28.
1881
Jérusalem possède un bel hôpital qui a pour dotation les revenus de fondations charitables. On y distribue à un grand nombre de malades des remèdes et des potions médicinales. Les médecins attachés à cet établissement sont payés par les administrateurs des legs pieux.
La mosquée où l'on fait la prière du vendredi est à l'extrémité orientale de la ville. Une de ses murailles borde le Wadi Djehennem. Lorsqu'on est en dehors de la mosquée et que l'on regarde cette muraille, on y voit, sur une étendue de cent ârech, des blocs de pierre qui ne sont reliés entre eux ni par du ciment ni par du mortier.[1] A l'intérieur de la mosquée, le sommet des murs suit une ligne droite. La mosquée a été construite sur l'emplacement qu'elle occupe, à cause de la pierre de la Sakhrah qui se trouve au milieu de l'enceinte. La Sakhrah est ce quartier de rocher dont, sur l'ordre de Dieu (qu'il soit honoré et exalté !), Moïse fit la qiblèh.
Moïse ne vécut plus longtemps ensuite, et sa mort survint peu de temps après qu'il se fut conformé à ce commandement de Dieu.
Souleyman (sur qui soit le salut !) fit construire un temple autour de cette pierre vers laquelle on se tournait pour faire la prière. La Sakhrah en occupait le centre. Cette règle pour la qiblèh fut observée jusqu'à l'époque où notre prophète Mohammed l'élu (que les bénédictions et le salut reposent sur lui !) reçut de Dieu l'ordre de prendre la Ka'abah pour qiblèh.[2] La description de la Sakhrah sera donnée en son lieu.
Je formai le dessein de mesurer les dimensions du Haram.[3] Je me dis qu'il était nécessaire d'étudier, tout d'abord, son aspect extérieur et son emplacement, afin de bien m'en rendre compte, et puis, ensuite, d'en prendre les mesures. Je le parcourus dans tous les sens, et je l'examinai pendant longtemps avec l'attention la plus soutenue. Je découvris, à la fin, dans la partie du nord, non loin de la coupole de Yaqoub (sur qui soit le salut !), une inscription gravée sur une des pierres d'une arcade. Elle portait que l'enceinte sacrée-avait sept cent quatre coudées de longueur, et quatre cent cinquante-cinq de largeur.[4] La mesure employée est la coudée royale (guezi melik) qui porte dans le Khorassan le nom de guezi chaïgan ; elle représente un peu moins d'un ârech et demi.
Le sol du Haram est couvert de dalles de pierre dont les interstices sont remplis de plomb. Le Haram est à l'est de la ville et du bazar ; il faut donc, lorsque l'on s'y rend du bazar, se diriger vers l'orient.
On rencontre d'abord un superbe portique qui se développe sur trente guez de haut et vingt de large. La façade, les ailes et la grande arcade sont ornées de dessins formés par des morceaux de verre émaillé (mosaïque) incrustés dans du ciment. Ces dessins ont un tel éclat qu'on ne peut les regarder sans être ébloui. On voit également sur ce portique une inscription en mosaïque donnant les titres du sultan d'Egypte. Quand le soleil frappe ces mosaïques, leur éclat est si vif que l'esprit reste confondu. Ce portique est surmonté d'une très grande coupole en pierres d'énormes dimensions, et on y a placé deux portes magnifiques revêtues de plaques de cuivre de Damas ; elles sont si brillantes qu'on les prendrait pour de l'or, et elles sont entièrement couvertes d'arabesques et d'incrustations en or. Chacune d'elles a quinze guez de haut et huit de large. On désigne cette construction sous le nom de Porte de Daoud (que le salut soit sur lui !).[5]
Après avoir franchi les deux portes de ce portique, on trouve, à droite, deux grandes galeries ouvertes, soutenues chacune par vingt-neuf piliers de marbre dont les bases et les chapiteaux sont également en marbres de diverses couleurs. Les joints sont remplis de plomb. Ces piliers soutiennent des arceaux formés de quatre ou cinq blocs de pierre au plus. Ces deux galeries s'étendent presque jusqu'à la Maqçourah.[6]
Après avoir franchi la porte, on trouve à gauche, c'est-à-dire au nord, une longue galerie de soixante-quatre arcades reposant toutes sur des piliers de marbre. Dans cette partie du mur s'ouvre la porte appelée Bab es Saqr.[7]
Le Haram s'étend en longueur du nord au sud, et si l'on en retranche la Maqçourah, il présente la forme d'un carré dans lequel la qiblèh se trouve placée au sud.
Du côté du nord, il y a aussi deux autres portes placées l'une à côté de l'autre. Chacune d'elles mesure sept guez de largeur sur douze de hauteur. Elles portent le nom de Bab el Asbath (la porte des Tribus).
Après avoir franchi cette porte, on rencontre, dans le sens de la largeur du Haram, c'est-à-dire du côté de l'orient, un autre très grand portique percé de trois portes placées l'une à côté de l'autre ; elles ont les mêmes dimensions que celles du Bab el Asbath. Elles sont recouvertes de plaques de fer et de cuivre merveilleusement travaillées. Il est impossible de rien voir de plus beau. Ce portique s'appelle Bab oul Ebouab (la porte des portes, la porte par excellence), parce qu'il a trois portes, tandis que les autres n'en ont que deux.
Entre ces deux portiques situés du côté du nord, en face de la galerie dont les arcades sont supportées par des piliers, on voit une haute coupole qui s'appuie sur des colonnes. Elle porte le nom de Qoubbèh Yakoub (coupole de Jacob). C'est là que, selon la tradition, ce patriarche faisait ses prières.
Le long de l'enceinte, dans le sens de la largeur du Haram, il y a une galerie dont le mur est percé d'une porte qui donne accès à deux couvents de soufis. Ceux-ci y ont établi de beaux oratoires et des mihrabs magnifiques. Des soufis en grand nombre y demeurent pour se livrer aux pratiques de la dévotion. Ils y font aussi leurs prières, excepté le vendredi ; ce jour-là, ils se rendent dans l'enceinte du Haram, parce que le cri du Tekbir ne parvient pas jusqu'à leurs couvents.[8]
A l'angle nord de l'enceinte est une belle galerie et une grande et superbe coupole. On y a tracé cette inscription : « Ceci est le mihrab de Zékéria, sur qui soit le salut ! » On rapporte que ce prophète était continuellement en prière dans cet endroit.
Du côté du mur oriental et au centre de l'enceinte, s'élève un grand et élégant portique construit en pierres de grandes dimensions, et que l'on dirait taillé dans un seul bloc de pierre. Il a cinquante guez de hauteur sur trente de largeur et il est couvert de dessins et de sculptures. D est formé de dix portes qui ne sont séparées l'une de l'autre que par la largeur d'un pied et pas davantage. Ces portes sont revêtues de plaques de fer et de cuivre richement travaillées et l'on a fixé sur leur surface des anneaux et des clous saillants. Le portique est, dit-on, l'œuvre de Souleyman, fils de Daoud (que le salut soit sur eux deux !) ; il l'a construit pour son père.
Quand on franchit ce portique, on voit, dans la direction de l'orient, deux portes ; celle de droite s'appelle Bah er Rahmèh (la porte de la Miséricorde), celle de gauche Bah et Taubèh (la porte de la Pénitence). C'est, selon la tradition, près de cette dernière porte que Dieu se laissa toucher par le repentir de Daoud, sur qui soit le salut !
Non loin de ce portique s'élève une jolie mosquée. C'était autrefois une galerie fermée ; elle a été convertie en oratoire. Le sol est couvert de beaux tapis.[9] Les serviteurs qui sont attachés à ce sanctuaire forment une classe distincte.[10]
Un grand nombre de personnes se rendent là pour y faire leurs prières et chercher à se rapprocher de Dieu (que son nom soit béni et exalté !), car c'est en ce lieu que le Tout-Puissant accueillit le repentir de Daoud, et les fidèles conçoivent l'espérance qu'ils ne commettront plus d'infraction à la loi divine. On affirme que Daoud venait de franchir le seuil de ce sanctuaire quand une révélation céleste lui donna la bonne nouvelle que Dieu s'était laissé fléchir. Il consacra ce lieu et il y fit ses dévotions.
Moi, Nassir, j'ai prié dans ce lieu et j'y ai invoqué l'aide de Dieu pour garder ses commandements et je lui ai demandé de m'accorder l'absolution de mes péchés.
Que le Dieu, dont le nom est sanctifié et exalté, assiste tous ses serviteurs ! Qu'il leur fasse la grâce de lui donner toute satisfaction et qu'il leur inspire le repentir de leurs fautes ! Je le demande en l'honneur de Mohammed et de sa famille immaculée !
Lorsqu'on longe le mur oriental à partir de l'angle du sud et de la paroi où se trouve la qiblèh, on trouve, vis-à-vis de la face de la muraille du nord, une mosquée souterraine à laquelle on n'arrive qu'en descendant un grand nombre de marches.
Ce monument a vingt guez sur quinze. Le plafond qui est en pierre repose sur des piliers de marbre. C'est là que se trouve le berceau de Jésus, sur qui soit le salut ! Il est en pierre et assez grand pour qu'un homme y puisse faire sa prière. Je l'y ai faite. On l'a fixé solidement dans le sol, afin de le rendre immobile. C'est le berceau où Jésus était couché dans sa première enfance et où il adressait la parole aux hommes. Il occupe la place du mihrab. On voit également dans cette mosquée le mihrab de Meriem, (sur qui soit le salut !) et un autre qui est attribué à Zékéria. Le premier est placé du côté de l'orient. On a tracé sur ces mihrabs les versets du Coran qui se rapportent à Zékéria et à Meriem. Jésus est, dit-on, né dans cette mosquée.[11]
On remarque sur une pierre d'un des piliers l'empreinte de deux doigts, comme si quelqu'un l'avait saisie. Meriem, au moment d'accoucher, a, prétend-on, posé ses doigts sur ce pilier.
Cette mosquée est connue sous le nom de Mehd Issa (le berceau de Jésus), sur qui soit le salut ! On y voit suspendues des lampes en cuivre et en argent fort nombreuses. Elles sont allumées toutes les nuits.
Quand on est sorti de la mosquée du berceau de Jésus, on arrive, en suivant le mur oriental, à l'angle de l'enceinte du Haram. On trouve là une autre mosquée extrêmement belle et qui est deux fois plus grande que celle du berceau de Jésus.[12] Elle porte le nom de Mesdjid el Aqça.
C'est là que Dieu transporta, de la Mekke, le Prophète pendant la nuit du Miradj. C'est de là que Mohammed s'éleva au ciel, comme le fait est rappelé en ces termes : « Qu'il soit loué, celui qui a transporté dans la nuit son serviteur du temple sacré (de la Mekke) au temple éloigné (de Jérusalem).[13] » Un superbe édifice s'élève en cet endroit ; le sol est couvert de magnifiques tapis. Des serviteurs formant une catégorie distincte sont chargés de son entretien.
Lorsqu'à partir de l'angle où s'élève la mosquée on suit la muraille du sud, on rencontre un espace à ciel ouvert formant cour : il a deux cents guez de superficie.
La partie de la mosquée couverte d'un toit, qui a la Maqçourah à sa droite, est attenante à la partie méridionale du mur.[14] La partie couverte de la mosquée qui fait face à l'occident a quatre cent vingt ârech de long sur cent cinquante de large. On y compte deux cent quatre-vingts colonnes de marbre sur lesquelles on a élevé des arceaux en pierre. Les chapiteaux et les fûts sont couverts de sculptures ; les interstices sont remplis de plomb, en sorte qu'il est impossible de rien voir de plus solide. Les colonnes sont placées à six guez l'une de l'autre. Le sol est entièrement couvert de dalles de marbre de toutes couleurs et les joints sont remplis de plomb. La Maqçourah, placée au centre de la muraille du côté du midi, est fort grande et elle est soutenue par seize colonnes. La coupole qui la surmonte a de vastes proportions ; elle est couverte de dessins en mosaïque semblables à ceux dont j'ai déjà parlé plus haut.[15] Le sol est recouvert de nattes du Maghreb, et des lampes et des luminaires isolés les uns des autres sont suspendus à des chaînes. On y a établi aussi un grand mihrab qui est décoré de mosaïques. Des deux côtés du mihrab s'élèvent deux colonnes en marbre rouge dont la couleur rappelle celle de la cornaline. La Maqçourah est lambrissée de marbres de différentes couleurs. A droite, on voit le mihrab de Mo'awiah, à gauche celui d'Omar. Le plafond de cette mosquée est formé de boiseries sculptées et richement décorées.
A l'extérieur de la Maqçourah et dans la muraille qui fait face à la cour, on a pratiqué quinze grandes arcades auxquelles on a fixé des portes dont les battants sont couverts de riches ornements. Chacune de ces portes a dix guez de hauteur sur six de largeur. Dix d'entre elles s'ouvrent sur la partie du mur qui a quatre cent vingt guez et cinq sur celle qui n'en a que cent cinquante.[16]
Parmi ces portes, on en remarque une qui est en cuivre et dont la richesse et la beauté confondent l'imagination. Le cuivre en est si brillant qu'on le prendrait pour de l'or : il est couvert d'incrustations en argent niellé et on y lit le nom du khalife Mamoun.[17] Cette porte fut, dit-on, envoyée de Bagdad par ce prince.
Quand toutes les portes sont ouvertes, l'intérieur de la mosquée est si clair que l'on se croirait dans une cour à ciel ouvert. Quand il pleut ou qu'il fait du vent, on laisse les portes fermées et le jour pénètre par les croisées.
Aux quatre côtés de la partie couverte du toit se trouvent des coffres dont chacun appartient à une des villes de la Syrie ou de l'Iraq ; des Moudjavir se tiennent auprès de ces coffres.[18] Cette coutume rappelle celle qui est observée à la Mekke dans le Mesdjid el Haram.
En dehors de la partie couverte de la mosquée, le long de la grande muraille dont nous avons parlé, s'étend une galerie ouverte qui va rejoindre celle de l'ouest. Les quarante-deux arcades qui la forment sont soutenues par des colonnes de marbre de différentes couleurs. Dans l'intérieur du pouchich ou partie couverte d'un toit, il y a une citerne creusée dans le sol et destinée à recevoir l'eau de la pluie ; lorsqu'elle est recouverte, elle se trouve de niveau avec le sol.
Une porte percée dans le mur du sud donne accès aux latrines. On y trouve l'eau nécessaire pour se purifier quand on veut renouveler ses ablutions. S'il fallait pour se laver sortir du Haram dont l'enceinte-est très vaste, on n'arriverait point à temps pour la prière et le moment canonique de la faire serait passé.[19]
Tous les toits sont couverts de plomb.
On a creusé, dans le sol du Haram, un grand nombre de citernes et des piscines destinées à recueillir l'eau de la pluie ; elles ont pour objet de l'empêcher de se répandre au dehors et de se perdre, quelle qu'en soit la quantité. Le sol du Haram est entièrement formé par la roche. Toute l'eau s'écoule dans ces piscines et les gens viennent y puiser.[20] On a aussi établi des gouttières en plomb qui donnent passage à l'eau et la font tomber dans des bassins de pierre installés au-dessous d'elles. Ces bassins sont percés d'un trou qui permet à l'eau d'arriver par un conduit à la citerne, sans avoir été souillée par aucune ordure ni par aucune impureté.
J'ai vu, à trois fersengs de Jérusalem, une très grande piscine alimentée par les eaux qui descendent des montagnes ; on a construit un aqueduc pour les amener jusqu'au Haram qui est l'endroit de toute la ville où se trouve la plus grande quantité d'eau.[21] Chaque maison possède une citerne destinée à recevoir l'eau de pluie, la seule que l'on ait à Jérusalem, et chaque habitant recueille celle qui tombe sur sa terrasse. Les bains et les établissements quels qu'ils soient n'emploient que l'eau de pluie.
Les réservoirs du Haram n'ont jamais besoin de réparations, car ils sont creusés dans le roc et même, s'il s'y était produit des fentes ou des trous, ils ont été si solidement bouchés que les bassins n'ont jamais éprouvé la moindre détérioration. On prétend que ces réservoirs sont l'œuvre de Souleyman, sur qui soit le salut !
La partie supérieure de ces citernes a la forme d'un tennour, [22] et l'orifice par lequel on puise est recouvert d'une pierre pour que rien ne tombe dans l'eau. L'eau de Jérusalem est la plus agréable au goût et la plus pure que l'on puisse trouver.
L'eau coule des gouttières pendant deux ou trois jours, même quand la pluie a été peu abondante. Les gouttes continuent à tomber quand le ciel est redevenu serein et que le mauvais temps est dissipé.
J'ai déjà dit que la ville de Jérusalem est bâtie sur une hauteur et sur un terrain fort inégal ; mais le sol du Haram est nivelé et il forme une surface très unie.
A l'extérieur de l'enceinte, partout où, par suite d'accidents de terrain, le sol présente quelque dépression, le mur a plus de hauteur, car les fondations sont faites alors dans un creux ; partout où le sol est élevé, la muraille est moins haute.
Dans les quartiers de la ville, où les rues se trouvent en contrebas, on pénètre dans l'enceinte du Haram par des passages souterrains-fermés par des portes placées au-dessous du niveau du sol.
L'une de ces portes est appelée Bab en Neby (la porte du Prophète). Elle est placée dans la direction de la qiblèh, c'est-à-dire au sud. Elle a dix guez de haut sur autant de large.[23] La voûte du souterrain fermé par elle a, à cause des escaliers, tantôt cinq guez de hauteur et tantôt jusqu'à vingt guez. La partie couverte de la mosquée el Aqya est bâtie sur ce souterrain dont la construction est si solide qu'un édifice aussi considérable n'a pas le moindre effet sur lui.[24] On a fait entrer dans la construction des murs des pierres si énormes que l'on ne peut s'imaginer que les forces humaines aient réussi à transporter et à mettre en place de pareilles masses. Ce souterrain a été construit, dit-on, par Souleyman, fils de Daoud ; notre Prophète le traversa pendant la nuit du Miradj pour entrer dans la mosquée. La porte de ce passage est, en effet, placée dans la direction de la Mekke.
On remarque dans le mur, à peu de distance de cette porte, l'empreinte d'un grand bouclier'. D'après la tradition, Hamzah, fils d'Abdoul Mouthallib, oncle du Prophète, se serait assis dans cet endroit, portant attaché sur le dos son bouclier dont l'empreinte se fixa sur le mur lorsqu'il s'y adossa.
A l'endroit où ce passage qui est fermé par une porte à deux battants, débouche dans l'enceinte du Haram, la muraille extérieure a une hauteur de plus de cinquante coudées. On a établi cette galerie souterraine pour éviter aux habitants du quartier contigu à la mosquée de traverser d'autres quartiers, lorsqu'ils désirent pénétrer dans l'enceinte du sanctuaire.
Dans la partie de la muraille qui se trouve à la droite de la porte de l'enceinte du Haram, on remarque une pierre qui a onze ârech de hauteur sur quatre de largeur. C'est la plus grande de toutes celles qui ont été employées dans la construction du sanctuaire. On voit, dans la muraille, à une hauteur de trente et de quarante coudées, beaucoup de blocs ayant la dimension de quatre et de cinq guez. On trouve, dans le sens de la largeur de l'enceinte et dans la direction de l'orient, une porte appelée Bab el Ain (la porte de la Source). Quand on la franchit, on descend dans un ravin et l'on arrive à la source de Selwan (Siloé).
Il y a également une porte souterraine désignée sous le nom de Bab Hittèh (porte de l'Indulgence). Dieu ordonna, dit-on, aux enfants d'Israël d'entrer par là dans le temple, comme l'attestent ces 'paroles de Dieu lui-même : « Franchissez la porte en vous prosternant et dites : Indulgence, ô Seigneur ! et il vous pardonnera vos péchés. Certes, nous comblerons les justes de nos bienfaits.[25] »
Une autre porte semblable est appelée Bab es Sekinèh. Dans le couloir qui la précède, on a établi une chapelle dans laquelle se trouvent un grand nombre de mihrabs. La première porte est toujours fermée, afin que l'on ne puisse y entrer.
L'arche du Tabernacle, qui, d'après les paroles du Tout-Puissant révélées par le Coran, a été apportée par les anges, fut posée en cet endroit.[26]
Toutes les portes de l'enceinte du Haram de Jérusalem, tant souterraines qu'au niveau du sol, sont au nombre de neuf. Je viens de les décrire.[27]
On a dû établir cette plate-forme au milieu de l'enceinte sacrée, à cause de la hauteur de la Sakhrah, et
parce qu'elle ne pouvait être transportée dans la partie de la mosquée el Aqça couverte d'un toit. On a été, en conséquence, obligé d'élever cette plate-forme ; ses fondations couvrent un espace de trois cent trente ârech de longueur sur trois cents de largeur, et sa hauteur est de douze guez. Le sol en est uni et couvert de belles dalles de marbre dont les joints sont remplis de plomb ; sur les quatre côtés, on a dressé des plaques de marbre qui forment une espèce de parapet. Cette plate-forme est construite de telle façon qu'il est impossible d'y monter autrement que par les passages ménagés à cet effet. Lorsqu'on y est monté, on a vue sur les toits de la mosquée el Aqça.[28]
On a creusé, sous la partie centrale de la plate-forme, un réservoir souterrain destiné à recevoir l'eau de la pluie. L'eau qui y est recueillie est plus pure et plus agréable que celle des autres citernes du Haram.
Quatre édifices surmontés d'une coupole s'élèvent sur cette plate-forme. Le plus grand de tous est celui qui recouvre la Sakhrah qui servait autrefois de qiblèh.
Le plan du Haram a été disposé de telle façon que la plate-forme occupe le milieu de l'enceinte et que le dôme de la Sakhrah, dont la roche occupe le centre, s'élève au milieu de la plate-forme.
L'édifice dont nous parlons a la forme d'un octogone régulier dont chaque côté mesure trente-neuf ârech. Il y a quatre porches ; chacun d'eux s'ouvre sur une des quatre faces qui sont celles de l'est, de l'ouest, du nord et du sud.[29] Entre deux porches s'étend chaque fois un côté de l'octogone. Les murs, entièrement construits en pierres de taille, ont vingt guez de hauteur.
La Sakhrah a cent guez de circonférence ; elle n'est ni ronde ni carrée.[30] C'est un bloc de pierre de forme irrégulière semblable aux quartiers de roc que l'on rencontre dans les montagnes. Sur les quatre côtés de la Sakhrah, on a élevé quatre piliers carrés qui ont la même hauteur que les murs : dans l'espace qui sépare un pilier de l'autre, on a dressé deux colonnes de même hauteur. C'est sur ces piliers et sur ces colonnes que repose la base du tambour sous lequel se trouve la Sakhrah. Ce tambour a cent vingt ârech de circonférence. En avant du mur, des piliers et des colonnes dont je viens de parler (j'appelle piliers [soutoun] des massifs en maçonnerie de forme carrée et colonnes [ousthouvanèh] celles qui sont taillées et formées d'un seul morceau de marbre) il y a, dis-je, six piliers, [31] et entre chaque deux piliers trois colonnes de marbre de différentes couleurs, placées à des intervalles réguliers. Ou voit donc dans le premier rang deux colonnes entre chaque deux piliers : on en trouve ici trois entre chaque deux piliers. Le chapiteau de chaque pilier a quatre volutes dont chacune supporte un arceau ; chaque colonne a deux volutes, de sorte que chaque colonne soutient deux arceaux et chaque pilier quatre. L'immense coupole repose donc sur ces douze piliers placés autour de la Sakhrah.[32] Quand on l'aperçoit de la distance d'un ferseng, elle ressemble au sommet d'une montagne, car elle a depuis sa base jusqu'au faîte une hauteur de trente ârech : les murs et les piliers qui la soutiennent mesurent vingt guez d'élévation, et ils sont eux-mêmes bâtis sur une plate-forme qui s'élève de dix guez au-dessus du sol. On compte donc soixante-deux guez depuis le niveau de la cour jusqu'au faite du dôme.
Les plafonds et la voûte de cet édifice sont revêtus à l'intérieur de boiseries sculptées. Le mur qui s'appuie sur les piliers et les colonnes est décoré avec un art si merveilleux qu'il y a peu d'exemples d'un pareil travail.
La Sakhrah s'élève au-dessus du sol à la hauteur d'un homme ; elle est entourée d'une balustrade en marbre, afin qu'on ne puisse l'atteindre avec la main.[33] Elle est d'une couleur bleuâtre et jamais elle n'a été foulée par le pied de l'homme. La roche présente un plan incliné dans la direction de la qiblèh. On dirait qu'on a marché là, et que le pied s'y est enfoncé comme dans de l'argile molle en laissant l'empreinte des doigts. On distingue ainsi la trace de sept pas. J'ai entendu raconter qu'Ibrahim était venu là avec Ishaq encore enfant, et que ce dernier ayant marché sur la Sakhrah, les marques que l'on y voit sont celles de ses pas.
Il y a toujours, dans le sanctuaire de la Sakhrah, un grand concours de Moudjavir et de dévots.
Le sol est couvert de beaux tapis en soie et en autres tissus. Une lampe en argent attachée à une chaîne de même métal est suspendue au centre de l'édifice, au-dessus de la Sakhrah. Ou y voit aussi un grand nombre de luminaires également en argent ; on a gravé, sur chacun d'eux, une inscription qui en mentionne le poids. Ils ont tous été faits par l'ordre du sultan d'Egypte. J'ai calculé que tous les objets en argent que renferme ce lieu représentent un poids de mille men.[34] Je remarquai aussi un cierge de proportions gigantesques. Il avait sept ârech de hauteur, et trois palmes de circonférence ; il était blanc comme le camphre de Zabedj[35] et la cire était mélangée d'ambre. Le sultan d'Egypte envoie, dit-on, chaque année un grand nombre de cierges et parmi eux ce grand cierge dont je viens de parler et sur lequel son nom est inscrit en lettres d'or.
Le sanctuaire de la Sakhrah est la troisième maison de Dieu. Il est admis par les docteurs de la loi qu'une prière faite à Jérusalem a la valeur de vingt-cinq mille ; celle qui est adressée à Dieu à Médine en vaut cinquante mille, et celle qui est faite à la Mekke, cent mille. Que le Dieu tout-puissant daigne accorder à tous ses serviteurs la grâce de jouir de cette faveur !
J'ai déjà dit que tous les toits, ainsi que la partie extérieure de la coupole, sont couverts de plomb. Sur les quatre faces de l'édifice s'ouvrent quatre grandes portes à deux battants ; elles sont en bois de sadj et elles sont tenues constamment fermées.
Il y a, en outre, sur la plate-forme, une construction surmontée d'une coupole ; elle porte le nom de Qoubbet es Silssilèh (coupole de la Chaîne) à cause de la chaîne qui y fut suspendue par Daoud. Cette chaîne ne pouvait être saisie que par celui qui, dans une contestation, avait le droit pour lui. La main de l'homme injuste et violent ne pouvait l'atteindre. Ce fait est admis par les docteurs de la loi. Cette coupole est soutenue par huit colonnes en marbre et par six piliers en pierres. L'édifice est ouvert de toutes parts, excepté du côté de la qiblèh où l'on a élevé jusqu'en haut un mur dans lequel on a établi un beau mihrab.[36]
On voit également sur la plate-forme une autre coupole supportée par quatre colonnes de marbre ; le côté de la qiblèh est aussi fermé par un mur dans lequel est un beau mihrab. Elle porte le nom de Qoubbet Dje-brayl (coupole de Gabriel). Le sol n'est point recouvert de tapis ; la roche qui a été nivelée s'y montre à nu. C'est là que pendant la nuit du Miradj, le Boraq fut amené pour servir de monture au Prophète.[37] Derrière la Qoubbet Djebrayl, à la distance de vingt ârech, on voit une autre coupole qui est soutenue par quatre colonnes de marbre. On l'appelle Qoubbet er Ressoul (la coupole du Prophète).[38]
On prétend que dans la nuit du Miradj, le Prophète fit d'abord sa prière sous le dôme de la Sakhrah ; il posa sa main sur elle et quand il sortit, celle-ci, pour lui témoigner son respect, se dressa toute droite ; mais le Prophète remit la main sur elle et elle reprit sa place. Elle est restée, jusqu'à ce jour, à moitié soulevée. Le Prophète se dirigea ensuite vers la coupole qui porte son nom, et là il monta sur le Boraq. Cette circonstance a valu à ce lieu la vénération dont il est l'objet.
Il y a sous la Sakhrah une grande excavation dans laquelle règne une complète obscurité. Des cierges y brûlent continuellement. On dit que cette excavation a été produite par le mouvement que fit la Sakhrah pour se lever et elle subsista lorsque la pierre fut redevenue immobile.[39]
On peut monter sur la plate-forme par six escaliers placés en six endroits différents. Chacun d'eux est désigné par un nom particulier. Du côté de la qiblèh, il y a deux passages avec des degrés par lesquels on arrive à la plate-forme. Lorsque l'on se tient au milieu de la paroi du mur de soutènement, l'un est à droite, l'autre à gauche. Celui de droite est appelé Maqam en Neby (place du Prophète), l'autre Maqam el Ghoury (place de Ghoury). Le premier est ainsi nommé parce que le Prophète l'a gravi dans la nuit du Miradj pour se rendre sur la plate-forme et aller au dôme de la Sakhrah. Cet escalier est placé dans la direction de la route du Hedjaz ; les marches ont aujourd'hui une largeur de vingt ârech. Elles sont faites de pierres de taille de si grande dimension, qu'un ou deux blocs carrés suffisent pour former une marche. Ces degrés sont disposés avec tant d'art qu'on pourrait, si on voulait, les gravir avec une monture.
Au sommet de cet escalier se dressent quatre colonnes d'une espèce de marbre vert qui ressemblerait à l'émeraude s'il n'était couvert d'une quantité de points de toutes couleurs. Chacune de ces colonnes a une hauteur de dix ârech et une épaisseur telle qu'il faut deux hommes pour les embrasser. Elles sont surmontées de trois arceaux disposés de façon que l'un est en face de l'escalier et les deux autres sur ses deux côtés.
Le faîte du mur élevé au-dessus des arceaux est horizontal : il est disposé en galerie, garni de créneaux et il a l'apparence d'un carré. Ces piliers et ces arceaux sont couverts de dessins en mosaïque, les plus beaux que l'on puisse voir.[40]
Le parapet qui règne autour de la plate-forme est tout entier en marbre pointillé. Quand on y jette les yeux, on croirait voir une pelouse émaillée de fleurs. Le Maqam el Ghoury est un emplacement où se trouvent trois escaliers : l'un est en face de la plate-forme, les deux autres sont sur ses flancs, de sorte que l'on peut y monter par trois côtés. On a également dressé, au haut de ces escaliers, des colonnes surmontées par des arceaux et une galerie. Les marches sont disposées de la façon que nous avons décrite plus haut ; chacune d'elles se compose de deux ou de trois blocs de pierre taillée et de forme allongée. On lit sur le front de l'arceau l'inscription qui suit, tracée en caractères élégants : « Fait par l'ordre de l'émir Leïs oud Daoulèh Nouchtekin Ghoury.[41] Ce Leïs oud Daoulèh était, dit-on, un des esclaves du sultan d'Egypte ; c'est lui qui a fait ouvrir ce passage et construire ces escaliers 1.
Sur la face occidentale de la plate-forme, on a également construit deux escaliers en deux endroits différents, et on a pratiqué un passage qui a la même magnificence que ceux que je viens de décrire. A l'orient, il y a également un passage au sommet duquel sont des colonnes surmontées d'arceaux couronnés de créneaux. Cet endroit porte le nom de Maqam ech Charqy (station de l'Orient).
Sur le côté du nord, se trouve un autre escalier le plus élevé et le plus grand de tous. En haut de celui-ci on trouve, comme en haut des autres, des colonnes surmontées d'arceaux. Il a reçu le nom de Maqam ech Chamy (station de Syrie).
On a dû, pour établir ces six escaliers, dépenser, à mon estimation, la somme de cent mille dinars.
Faisant face au nord, dans la cour de l'enceinte et non pas sur la plate-forme, on voit une construction peu importante qui ressemble à une petite mosquée. Elle a la forme carrée d'un enclos ; les murs en pierres de teille ne dépassent pas la hauteur d'un homme. Elle est désignée sous le nom de mihrab de Daoud.[42] Non loin de là, se dresse une pierre qui a la hauteur de la taille d'un homme : le sommet n'est pas plus grand qu'un tapis de prière. C'est, dit-on, le siège sur lequel s'asseyait Souleyman pendant la construction du temple.
Telles sont les choses que j'ai vues dans l'enceinte du Haram de Jérusalem. J'en ai fait des dessins que j'ai tracés sur le journal où j'ai consigné mes observations.
L'arbre des Houris est aussi une des merveilles que je vis dans le Haram de Jérusalem.[43]
Le mercredi, premier jour du mois de Zil Qa'adèh de l'an 438 (29 avril 1047), je partis de Jérusalem pour me rendre en pèlerinage au tombeau d'Ibrahim, l'ami du Dieu très miséricordieux. Il y a de Jérusalem à ce lieu de Visitation une distance de six fersengs. On voit le long de la route, qui est dans la direction du sud, de nombreux villages entourés de champs cultivés et de jardins. Les arbres qui n'ont pas besoin d'être arrosés, tels que la vigne, le figuier, l'olivier et le soumaq, y croissent spontanément et en grand nombre.
A deux fersengs de Jérusalem se trouve une localité où l’on voit une source, des vignobles et des jardins. Le charme de cet endroit lui a fait donner le nom de Feradis.[44] A un ferseng de Jérusalem est un lieu appartenant aux chrétiens, et qui est de leur part l'objet d'une grande vénération. Il porte le nom de Beït Labam (Bethléem). Des religieux y ont établi leur demeure, et il est visité par un nombre considérable de pèlerins. Les chrétiens y célèbrent la messe, et on y vient en foule des pays de Roum. Je passai à Beït Laham la nuit qui suivit mon départ de Jérusalem.
Ce sanctuaire est connu en Syrie et à Jérusalem sous le nom de Khalil. On ne mentionne jamais la ville sous le nom qui lui appartient et qui est Mathloun.[45] Les revenus de fondations pieuses, ainsi que ceux d'un grand nombre de villages sont affectés à l'entretien de ce tombeau.
Il y a, dans le district d'Hébron, une source qui, jaillissant d'un rocher, fournit un mince filet d'eau. On l'a fait arriver, au moyen d'un long canal, jusqu'en dehors de la ville ; là, on a construit une citerne recouverte en maçonnerie qui sert à recueillir l'eau et à l'empêcher de se perdre, afin qu'elle puisse suffire aux besoins des habitants et des pèlerins.
Le tombeau d'Ibrahim est sur la lisière de la ville dans la direction du sud. Hébron est situé au sud-est de Jérusalem.
Le tombeau se compose d'une enceinte, formée par quatre murs en pierres de taille, qui a une longueur de quatre-vingts ârech sur quarante de largeur. Les murs ont vingt ârech de hauteur et deux ârech d'épaisseur à leur sommet. Un mihrab et une maqçourah sont placés dans le sens de la largeur de l'enceinte.
Dans l'intérieur de la maqçourah, on a également disposé des mihrabs, et on y voit aussi deux tombeaux dont la tête est placée dans la direction de la qiblèh. Ils sont, tous deux, en pierres de taille et de la hauteur d'un homme. Celui de droite renferme le corps d'Ishaq (Isaac), et celui de gauche la dépouille mortelle de sa femme. Une distance de dix ârech les sépare l'un de l'autre. Les murs et le sol de cette chambre sépulcrale sont couverts de tapis d'un grand prix, et de nattes du Maghreb plus précieuses que le brocart. J'ai vu là, une natte qui servait de tapis de prière et qui avait été envoyée, me fut-il dit, par l'émir el Djouïouch (généralissime), esclave du sultan d'Egypte. Elle avait été achetée à Misr (Vieux Caire), au prix de trente dinars maghreby. Un tapis de même grandeur en brocart de Grèce ne coûterait pas autant : nulle part je n'ai vu une natte aussi belle. En sortant de la maqçourah, on trouve, dans la cour du sanctuaire, deux édicules placés tous deux dans la direction de la qiblèh. Le tombeau d'Ibrahim (que les bénédictions et le salut reposent sur lui !) se trouve dans celui de droite. Les dimensions de cet édicule sont considérables et il en renferme un autre dont on ne pent faire le tour, mais qui a quatre lucarnes par lesquelles les pèlerins peuvent apercevoir le tombeau. Le sol et les murs de la chambre sépulcrale sont couverts de tapis et de tentures en brocart. Le tombeau est en pierre et a trois guez de hauteur. Un grand nombre de lampes et de luminaires en argent sont suspendus dans cette chambre. L'édicule placé à gauche de la qiblèh renferme la tombe de Sarrèh (Sara), femme d'Ibrahim. Ces deux constructions sont séparées par un passage qui ressemble à un vestibule et sur lequel s'ouvrent les deux portes ; on y a aussi placé des lampes et des luminaires.[46]
Plus loin, il y a aussi deux autres tombes placées à peu de distance l’une de l'autre. A droite est celle du prophète Yaqoub (Jacob), à gauche celle de sa femme.
Au-delà s'élèvent les maisons où Ibrahim donnait l'hospitalité à ses hôtes. Il y a donc six tombeaux dans le sanctuaire.
En dehors de l'enceinte formée par les quatre murs, il y a une pente qui conduit au tombeau de Youssouf (Joseph), fils de Yakoub. Il est en pierre et recouvert d'une belle coupole.[47] Du côté de la campagne, dans la direction qui part d'entre le tombeau de Youssouf et le sanctuaire d'Ibrahim, on a établi un vaste cimetière ; on y enterre un grand nombre de corps apportés de différents pays.[48]
Sur la terrasse de la maqçourah qui se trouve dans l'intérieur de l'enceinte du sanctuaire, on a construit de petites chambres pour y loger les hôtes. Les revenus de legs pieux consistant en villages et en propriétés immobilières à Jérusalem, permettent de pourvoir aux dépenses du sanctuaire.
L'orge est de toutes les céréales celle qui est ici la plus cultivée ; il y a peu de blé, mais les olives sont abondantes. On fait à tous les étrangers voyageurs ou pèlerins une distribution de pain et d'olives. Un grand nombre de meules mises en mouvement par des mulets ou des bœufs fournissent chaque jour de la farine, et des jeunes filles sont, pendant toute la journée, occupées à faire cuire le pain. A Hébron, chaque pain a le poids d'un men. Quiconque vient à Hébron reçoit par jour un pain rond et un bol de lentilles cuites à l'huile, on donne également du raisin sec. Cette coutume remonte au temps d'Ibrahim et elle subsiste jusqu'à présent. Il y a des jours où l'on voit arriver cinq cents voyageurs, et chacun d'eux trouve préparé le repas dont nous venons de parler.[49]
On prétend que primitivement le sanctuaire n'avait pas de porte et qu'il était impossible de pénétrer dans l'intérieur. On accomplissait les cérémonies du pèlerinage dans une salle ouverte placée à l'extérieur. Mehdy, devenu souverain de l'Egypte, donna l'ordre de percer une porte, puis on plaça à l'intérieur du sanctuaire tout ce qui était nécessaire en tentures et en tapis pour le meubler. On y ajouta également des constructions dans un but de charité. La porte s'ouvre dans la muraille du nord à une hauteur de quatre guez au-dessus du sol. On y accède par un double escalier en pierre. On monte par l'un des côtés et l'on descend par l'autre.[50]
Je revins d'Hébron à Jérusalem, puis je partis à pied de cette dernière ville en compagnie de gens qui avaient résolu de faire le voyage du Hedjaz. Notre guide qui s'appelait Abou Bekr Hamdany était un homme énergique, bon marcheur et d'une heureuse physionomie. Je m'éloignai de Jérusalem le quinze du mois de Zil Qa'adèh de l'année 438 (1er mai 1047).
Le troisième jour de notre voyage nous arrivâmes à 'Izra[51] où nous trouvâmes de l'eau courante et des arbres. Nous gagnâmes ensuite une autre station, celle de Wadi'l Qoura, [52] et de là nous arrivâmes en dix jours à la Mekke. Il n'y était venu cette année-là aucune caravane de quelque pays que ce fût et on ne pouvait se procurer des vivres qu'avec la plus grande difficulté.
Je descendis dans la rue des droguistes en face de Bab en Neby (la porte du Prophète). Le mardi suivant, je me rendis à l'Arafat où je trouvai tout le monde sous le coup de la crainte d'une attaque des Arabes. Après être revenu de l'Arafat, je passai deux jours à la Mekke, puis je repris le chemin de Jérusalem, en suivant la route de la caravane de Syrie.
Le cinq du mois de Moharrem de l'année lunaire 439 (7 juillet 1047), j'étais de retour à Jérusalem. Je ne parle point ici en détail de mon pèlerinage à la Mekke. Je ferai la description de cette ville lorsque je raconterai le dernier séjour que j'y ai fait.
Les chrétiens possèdent à Jérusalem une grande église qui porte le nom de Bi'at el Qoumamèh[53] et ils ont pour elle la plus grande vénération.
Chaque année les gens y viennent en foule des pays de Roum pour la visiter en pèlerinage. L'empereur de Roum s'y rend lui-même incognito pour éviter d'être reconnu. Sous le règne de Hakim bi amr illah, sultan d'Egypte, le souverain de Roum vint à Jérusalem. Hakim en fut informé et fit partir un de ses écuyers avec les instructions suivantes : « Tu trouveras dans le sanctuaire de Jérusalem un homme ayant tel costume et telle apparence. Aborde-le et dis-lui : Hakim m'a envoyé auprès de toi, afin que tu ne puisses supposer qu'il ignore ce que tu fais ; mais n'aie aucune inquiétude, car il ne nourrit pas de mauvaise intention à ton égard. »
Plus tard, Hakim donna l'ordre de piller, de démolir et de raser cette église. Elle resta en ruines pendant quelque temps ; puis l'empereur envoya des ambassadeurs porteurs de riches cadeaux qui firent acte de soumission, sollicitèrent la paix et supplièrent jusqu'à ce que la permission de reconstruire l'église leur eut été accordée.[54]
Cette église est un vaste monument qui peut contenir huit mille personnes. Elle est magnifiquement ornée de marbres de diverses couleurs, de sculptures et de peintures. Les murs sont, à l'intérieur, couverts de brocart et de peintures. On a prodigué l'or dans la décoration de cette église.
On y voit en plusieurs endroits des peintures représentant Jésus monté sur un âne ; on remarque également les portraits des prophètes Abraham, Ismaïl, Isaac et ceux de Jacob et de ses enfants, que la paix de Dieu repose sur eux ! Ces peintures sont enduites d'un vernis fait avec l'huile de sandarous.[55] Chaque tableau est couvert sur toute sa surface d'une plaque de verre qui lui donne un vif éclat et dispense de le protéger au moyen d'un rideau. On a pris cette précaution afin de garantir ces peintures de la poussière, et les serviteurs de l'église nettoient ces verres tous les jours.
Il y a, en outre, plusieurs chapelles, toutes richement décorées. Une description détaillée allongerait mon récit. On voit aussi dans cette église un tableau divisé en deux parties pour figurer l'enfer et le paradis. Sur une moitié, on a représenté les élus et le paradis, et sur l'autre les damnés, l'enfer et tout ce qui s'y rattache. Cette église est telle que l'on ne saurait en voir une semblable dans aucun autre endroit du monde.
Des prêtres et des moines y lisent l'évangile, y prient et s'y livrent jour et nuit à des exercices de piété.
Je formai, à mon départ de Jérusalem, la résolution d'aller en Egypte par mer, et de me rendre ensuite à la Mekke. Mais le vent était contraire et la traversée impraticable ; je suivis donc la route de terre. Je passai par Ramlèh, et j'arrivai à Asqalan qui est située sur le bord de la mer.
Asqalan (Ascalon) est une grande ville qui possède une belle mosquée et un magnifique bazar. J'y remarquai un monument antique à arcades qui, me fut-il dit, avait été jadis un édifice religieux. Il y avait une arcade en pierre d'une énorme dimension ; il faudrait, si on voulait l'abattre, dépenser des sommes considérables.[56]
Après avoir quitté Asqalan, je vis sur mon chemin un grand nombre de villes et de villages. Les nommer et les décrire allongerait mon récit, je les passe donc sous silence. J'arrivai à une localité appelée Thinèh.[57] C'est un port où l'on s'embarque pour gagner Tinnis ; je pris passage sur un navire pour m'y rendre.
Tinnis est une île sur laquelle on a bâti une belle ville qui est assez éloignée de la terre ferme pour que, du haut des terrasses des maisons, on ne puisse apercevoir le rivage ; elle est fort peuplée et les bazars sont beaux. On y voit deux grandes mosquées, et l'on peut évaluer à dix mille le nombre des boutiques. Il y en a cent qui sont occupées par des parfumeurs.[58]
Pendant toute la durée de l'été, on vend dans le marché du kechkâb, [59] car le climat est extrêmement chaud et les maladies sont fréquentes.
On tisse à Tinnis des qaçab de couleur ; cette étoffe sert à faire des turbans, des calottes et des vêtements de femme. On ne fabrique, en aucun lieu, d'aussi beaux qaçab de couleur. Le qaçab blanc se fait à Damiette. Celui qui est tissé dans les ateliers du sultan n'est ni vendu ni donné.[60]
Il m'a été raconté que le souverain du Fars avait envoyé vingt mille dinars à Tinnis, pour qu'on lui achetât un vêtement complet fait avec l'étoffe réservée pour le sultan. Ses agents séjournèrent plusieurs années dans la ville, sans avoir pu faire cet achat. Les ouvriers qui travaillent pour le prince sont d'une grande habileté. L'un d'eux, me fut-il dit, avait tissé une pièce d'étoffe destinée à faire le turban du sultan ; il reçut pour ce travail la somme de cinq cents dinars maghreby. J'ai vu ce turban ; on l'estimait quatre mille dinars maghreby.
C'est aussi à Tinnis et nulle part ailleurs, que l'on fabrique l'étoffe appelée bouqalemoun dont la couleur change selon les différentes heures du jour. On l'exporte dans les pays de l'occident et de l'orient.
On m'a dit que l'empereur de Grèce avait offert cent villes au sultan à la condition de recevoir Tinnis en échange. Le sultan rejeta cette proposition. Le désir de posséder la ville qui produit le qaçab et le bouqalemoun avait porté l'empereur à faire cette demande.
A l'époque de la crue du Nil, les eaux de ce fleuve repoussent celle de la mer si loin autour de l'île, que l'on trouve l'eau douce jusqu'à la distance de dix fersengs. On a établi dans l'île et dans la ville de grandes citernes souterraines très solidement construites ; elles portent le nom de meçani'. On les fait remplir par l'eau du Nil lorsqu'elle refoule celle de la mer. On ouvre alors les conduits et on livre ainsi passage à l'eau, qui se précipite dans les citernes ; elles subviennent, après avoir été remplies, aux besoins de la ville pendant toute l'année jusqu'à la nouvelle crue. Celui qui possède une provision d'eau plus que suffisante vend le surplus.[61]
Un grand nombre de ces réservoirs sont des fondations pieuses et l'eau en est distribuée aux étrangers. On compte à Tinnis cinquante mille habitants mâles.[62]
Il y a toujours mille navires amarrés aux environs de la ville ; les uns appartiennent à des marchands, mais le plus grand nombre est la propriété du sultan. Il faut apporter dans cette île tout ce qui est nécessaire à la vie, car elle ne produit rien et les transactions ne peuvent se faire qu'au moyen de bateaux.
Une forte garnison bien pourvue d'armes occupe Tinnis, veille à sa sécurité et la défend contre les attaques qui seraient tentées, soit par les Grecs, soit par les Francs.[63]
Des personnes dignes de foi m'ont affirmé que cette ville rapportait chaque jour mille dinars maghreby au trésor du sultan. L'impôt est prélevé en une seule fois, un jour déterminé. Un percepteur unique le reçoit de la population et en fait la remise au trésor de l'Etat à époque fixe.[64] Personne ne refuse de verser ses contributions et aucune taxe n'est prélevée arbitrairement.
Le qaçab et le bouqalemoun fabriqués pour le sultan sont payés à leur juste valeur j les ouvriers travaillent donc avec plaisir pour lui, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays où l'administration et le souverain imposent des corvées aux artisans. On tisse en bouqalemoun les couvertures des litières que l'on place sur les chameaux, et les tapis de selle destinés à l'usage particulier du souverain.
Les fruits et les vivres nécessaires à l'approvisionnement de la ville sont apportés des villages de l'Egypte.
On fabrique également à Tinnis des objets en fer, tels que couteaux, ciseaux etc. J'ai vu à Misr (Vieux Caire) une paire de ciseaux apportée de Tinnis et dont on demandait cinq dinars maghreby. Ils s'ouvraient lorsque l'on poussait en haut le ressort, et ils coupaient lorsqu'on le poussait en bas.
A Tinnis, les femmes sont, au moment de leur époque, atteintes d'un mal qui ressemble à l'épilepsie. Elles s'évanouissent après avoir poussé deux ou trois grands cris. J'avais entendu dire dans le Khorassan qu'il y avait une ile où les femmes miaulaient comme des chats. Il s'agissait du mal dont je viens de parler.[65]
Un navire fait, en vingt jours, la traversée de Constantinople à Tinnis.
Nous partîmes de cette ville et nous nous dirigeâmes vers la terre d'Egypte. Quand nous atteignîmes le rivage près de l'embouchure du Nil, une barque se disposait à remonter le fleuve.
Le Nil, lorsqu'il se rapproche de la mer, se divise en plusieurs branches qui viennent s'y décharger. Celle dans laquelle nous nous engageâmes portait le nom de branche de Roum. Notre barque ne cessa de remonter le courant jusqu'à notre arrivée à Salihièh. Cette ville est abondamment approvisionnée de tous les biens de la terre. On y construit beaucoup de barques sur lesquelles on peut mettre la charge de deux cents kharwar. On transporte les denrées à Misr et on les débarque à la porte même des baqqal ; la foule qui se presse ne permettrait pas de les transporter à dos de bêtes de somme.
Nous mîmes pied à terre à Salihièh et la même nuit nous arrivâmes près de la capitale. Nous y entrâmes le sept du mois de Safer 439 (4 août 1047) qui correspond au jour de Hormouzd du mois de Chehriver de l'ancien calendrier persan.
Le Nil vient en Egypte d'entre le sud et l'ouest. Il passe près de Misr (Vieux-Caire) et se jette dans la mer de Boum.
A l'époque de la crue, lorsqu'il coule à pleins bords, il a deux fois la largeur du Djihoun à Tirmiz. Ce fleuve pénètre en Egypte, après avoir traversé la Nubie qui est une contrée montagneuse ; lorsque la plaine succède aux montagnes, on se trouve en Egypte.
Assouan est la première ville que l'on rencontre sur la frontière. On compte trois cents fersengs de Misr à Assouan. Toutes les villes et toutes les parties cultivées du pays se trouvent sur les bords du fleuve. La province d'Assouan a reçu le nom de Saïd el A'la (le Saïd supérieur). Arrivées à Assouan, les barques ne peuvent remonter au-delà de cette ville, car plus haut le Nil roule ses eaux à travers des gorges étroites et son courant est extrêmement rapide. Plus au sud d'Assouan s'étend la Nubie qui obéit à un souverain particulier. Les habitants de ce pays ont la peau noire ; ils professent la religion chrétienne. Les marchands qui se rendent en Nubie y vont vendre des verroteries, des peignes et du corail. Ils en rapportent des manteaux rayés. Ceux que l'on trouve à Misr viennent ou de la Nubie ou du pays de Roum. J'ai vu du blé et du millet de Nubie. L'un et l'autre étaient noirs.[66]
On m'a dit que l'on n'avait pu connaître avec certitude le lieu où se trouvent les sources du Nil. L'on me raconta qu'un souverain d'Egypte envoya des gens qui, pendant une année, suivirent les bords du fleuve ; ils firent toutes les recherches possibles, mais ils ne purent apprendre d'une manière positive où ces sources étaient situées. On se contente de dire qu'elles sont au sud des montagnes appelées Djebel el Qamar.
Lorsque le soleil entre dans le signe du Capricorne, les eaux du Nil commencent à gonfler jusqu'à ce qu'elles atteignent une hauteur de vingt ârech au-dessus du niveau qu'elles ont en hiver. La crue se fait progressivement et jour par jour. On a, pour l'apprécier, établi dans la ville de Misr des meqias (nilomètres) et des lieux d'observation.[67]
Un fonctionnaire reçoit par an un traitement de mille dinars pour veiller à leur entretien et pour constater les progrès de la hauteur de l'eau. Dès le premier jour de la crue, il fait parcourir la ville par des crieurs publics qui proclament que le Dieu très haut et très saint a fait croître aujourd'hui le Nil de tant de doigts ; et tous les jours on signale l'augmentation survenue.
Lorsque la hauteur de l'eau a augmenté d'un guez, on bat le tambour en signe de joie et on se livre à des manifestations d'allégresse jusqu'à ce que l'eau ait atteint dix-sept ârech. Ces dix-sept ârech constituent le niveau ordinaire de la crue. S'il y en a moins, on dit que l'inondation est insuffisante. On distribue alors des aumônes, on fait des vœux, on témoigne de la tristesse et du chagrin. Lorsque, au contraire, il y a plus de dix-sept ârech, le peuple fait éclater la satisfaction qu'il éprouve, par des fêtes et des réjouissances. Si la crue du Nil n'atteint pas dix-sept coudées, le sultan ne fait pas payer d'impôt foncier aux cultivateurs.
On a dérivé du Nil un grand nombre de canaux qui vont dans toutes les directions. De ces canaux s'en détachent d'autres plus petits servant à irriguer les villages et les champs qui se trouvent sur leurs bords. L'eau est élevée au moyen de roues hydrauliques dont il est difficile d'évaluer le nombre.
Tous les villages de l'Egypte sont bâtis sur des éminences et sur des terrains élevés, afin d'éviter qu'ils ne soient submergés à l'époque de l'inondation, lorsque le pays est couvert par les eaux. On communique alors d'un village à l'autre au moyen de barques.
On a, d'une extrémité de l'Egypte à l'autre, établi une levée en terre qui longe le Nil et sert de route. Le Trésor verse, tous les ans, entre les mains d'un fonctionnaire qui inspire toute confiance, une somme de dix mille dinars pour faire à cette chaussée les réparations nécessaires.
La population fait ses provisions pour les quatre mois que dure l'inondation et pendant lesquels le pays est submergé. Dans la campagne et dans les villages, on cuit la quantité de pain nécessaire pour cet espace de temps, et on le fait sécher pour qu'il ne puisse pas se gâter.
La crue du Nil se produit régulièrement de la manière suivante : l'eau s'élève pendant quarante jours jusqu'à ce qu'elle ait atteint la hauteur de dix-sept guez ; elle reste stationnaire pendant quarante jours ; puis, elle décroît pendant quarante autres jours, jusqu'à ce qu'elle descende au niveau qu'elle doit conserver pendant l'hiver.
Lorsque les eaux commencent à se retirer, les paysans s'avancent sur le terrain découvert, et à mesure qu'il devient sec, ils y sèment ce qu'ils veulent. Les semailles d'hiver et d'été se font toutes de cette même façon et il n'est point nécessaire de les arroser de nouveau.
La ville de Misr est située entre le Nil et la mer. Le fleuve coule du sud au nord et se jette dans la mer. On compte trente fersengs de Misr à Alexandrie qui se trouve sur le bord de la mer de Roum, non loin de la rive du Nil. On transporte de cette ville à Misr, sur des barques, une quantité considérable de fruits.
Je vis à Alexandrie un phare qui était en bon état de conservation. On avait jadis placé au sommet un miroir ardent qui incendiait les navires grecs venant de Constantinople, lorsqu'ils se trouvaient en face de lui. Les Grecs firent de nombreuses tentatives et eurent recours à divers stratagèmes pour détruire ce miroir. A la fin, ils envoyèrent un homme qui réussit à le briser.[68]
A l'époque où Hakim bi amr illah régnait en Egypte, un individu se présenta devant lui et prit l'engagement de réparer ce miroir et de le remettre en son état primitif. Hakim bi amr illah lui répondit qu'il n'y voyait pas de nécessité, parce qu'à cette époque les Grecs payaient tous les ans un tribut en or et en marchandises ; ils se conduisent, disait-il, de telle façon que nos troupes n'ont pas à marcher contre eux et les deux pays jouissent d'une paix profonde.
L'eau que l’on boit à Alexandrie est de l'eau de pluie. La plaine qui entoure la ville est jonchée de colonnes de pierre gisant à terre et qui ressemblent à celles dont j'ai parlé précédemment.
La mer d'Alexandrie s'étend jusqu'au Qaïrouan qui est éloigné de l'Egypte d'une distance de cent cinquante fersengs. La ville la plus importante de cette province est Sidjilmassèh, grande cité s'élevant au milieu d'une plaine à quatre fersengs de la mer.[69] Elle est bien fortifiée. Non loin de Sidjilmassèh se trouve Mehdyèh, fondée par Mehdy, un des descendants du prince des croyants Husseïn, fils d'Aly (que les bénédictions de Dieu reposent sur eux deux !), après qu'il eut achevé la conquête du Maghreb et de l'Espagne.[70] Lorsque j'étais en Egypte, la province de Qaïrouan relevait du souverain de ce pays.[71] Il tombe de la neige dans le Qaïrouan, mais elle ne tient pas sur le sol. La mer (Méditerranée) s'avance (du Qaïrouan) vers le nord en longeant la côte d'Espagne à droite. On compte mille fersengs de distance entre l'Egypte et l'Espagne : les provinces qui se trouvent entre ces deux pays sont toutes occupées par les musulmans.
L'Espagne est une vaste contrée couverte de montagnes. Il y neige et il y gèle. Les habitants ont la peau blanche et les cheveux roux. La plupart d'entre eux ont, comme les Esclavons, des yeux de chat
L'Espagne est à l'extrémité de la mer de Grèce ; de sorte que pour les habitants de ce pays, celle-ci est une mer orientale. Lorsque d'Espagne, on se dirige vers le nord en suivant sa droite et qu'on longe le rivage, on peut atteindre le pays de Roum. Des expéditions guerrières sont dirigées d'Espagne contre les infidèles.
On peut, si on le veut, se rendre par mer à Constantinople, mais il faut alors franchir un grand nombre de golfes qui ont chacun deux ou trois cents fersengs de largeur. On ne peut les traverser qu'avec un grand navire.
J'ai entendu dire à une personne qui mérite toute confiance, que la mer Méditerranée a quatre mille fersengs de circuit. Une branche s'étend jusqu'au pays des Ténèbres et la partie extrême en est toujours gelée, car jamais les rayons du soleil n'y pénètrent.
Le Sicile est une des îles de la mer Méditerranée. Un vaisseau parti d'Egypte met vingt jours pour y arriver. Il y a, en outre, beaucoup d'autres îles. La Sicile a une étendue de quatre-vingts fersengs carrés ; elle relève du sultan d'Egypte.[72] Des navires s'y rendent tous les ans pour en rapporter les produits en Egypte. On fabrique en Sicile des toiles de lin d'une extrême finesse et des pièces d'étoffes de soie rayées dont chacune vaut à Misr la somme de dix dinars.
Lorsque, partant de Misr, on se dirige vers l'orient, on arrive à Qoulzoum. Cette ville est située sur le bord de la mer, à trente fersengs de Misr. La mer Rouge est une branche de l'Océan qui s'en détache à Aden pour remonter vers le nord ; à Qoulzoum elle se divise pour former deux golfes. La largeur du canal formé par cette mer est, dit-on, de deux cents fersengs.
L'espace qui s'étend entre Misr et la mer est occupé par un désert et des montagnes stériles où on ne trouve ni eau ni végétation.
Pour se rendre de Misr à la Mekke, il faut marcher dans la direction de l'orient. On arrive à Qoulzoum, où l'on peut prendre deux voies, celle de terre ou celle de mer.[73] Par la première, on atteint la Mekke au bout de quinze jours, après avoir traversé un désert de trois cents fersengs. Cette route est suivie le plus souvent par la caravane d'Egypte. On met vingt jours par la voie de mer pour se rendre à Djar.
Djar est une petite ville du territoire du Hedjaz : elle s'élève sur le bord de la mer, et se trouve à trois journées de marche de Médine.[74] On compte cent fersengs de Médine à la Mekke. Si, à partir de Djar, on longe le rivage par mer, on arrive au Yémen, puis à la côte d'Aden. Si on dépasse Aden, on atteint l'Hindoustan, et si on continue le voyage, on arrive en Chine. Si d'Aden on prend la direction du sud, en inclinant vers l'ouest, on trouve le Zengbar et l'Abyssinie. Je parlerai de ceci plus en détail en son lieu. Si de Misr on va vers le sud et si on dépasse la Nubie, on arrive au pays des Maçmoudy, vaste contrée couverte de pâturages et remplie de troupeaux. Les habitants qui ont la peau noire sont d'une complexion vigoureuse. On voit à Misr beaucoup de soldats originaires de ce pays. Ils sont laids et ils ont une haute stature. On les appelle Maçmoudy. Ils combattent à pied avec le sabre et la lance et ne savent pas se servir d'autres armes.[75]
Lorsque de Syrie on se rend à Misr, la première grande ville que l'on rencontre est celle du Caire. Misr s'élève au sud du Caire qui est désigné sous le nom de Qahirèh el Mouizzièh.
Fosthath est la ville militaire.[76] On raconte qu'un des descendants du prince des fidèles, Hussein, fils d'Aly, après avoir conquis le Maghreb jusqu'à l'Espagne, fit marcher des troupes contre l'Egypte. Il leur fallut franchir le Nil. Cette entreprise semblait impossible, tant à cause de la largeur du fleuve qu'à cause du grand nombre de crocodiles qui entraînent immédiatement au fond de l'eau tout être vivant qui y tombe. Non loin du Caire, sur la route, se trouve un talisman ayant, dit-on, le pouvoir d'empêcher les crocodiles de dévorer les hommes et les bêtes de somme ; mais, à la distance d'une portée de flèche de la ville, loin de l'influence du talisman, personne n'ose entrer dans le Nil.
Les troupes envoyées par Mouizz lidin illah arrivèrent en face de l'endroit où s'élève aujourd'hui la ville du Caire. Le prince leur avait dit : « Lorsque vous serez arrivés là, un chien noir marchera devant vous et passera le fleuve. Suivez-le et traversez le Nil sans rien appréhender. L'armée de Mouizz lidin illah se composait de trente mille cavaliers qui tous étaient ses esclaves. Le chien noir dont je viens de parler s'élança devant les soldats qui atteignirent, en le suivant, la rive opposée du fleuve, et il n'arriva aucun accident ni aux hommes ni aux montures. Jamais, jusqu'à cette époque, personne n'avait entendu dire qu'un cavalier eût pu franchir le Nil.
Cet événement eut lieu en l'année 363 (973).[77]
Le sultan Mouizz lidin illah prit la voie de mer pour se rendre en Egypte. Ses navires remontèrent le Nil presque jusqu'au Caire : on les déchargea, on les tira hors de l'eau, et on les laissa sur la rive comme des objets dont on a renoncé à se servir.
Moi, qui suis l'auteur de cette relation, je les ai vus. Ils sont au nombre de sept et mesurent chacun cent cinquante ârech de longueur sur soixante de largeur. Bien qu'ils fussent à terre depuis quatre-vingts ans, ils étaient encore munis de leurs agrès et de leurs apparaux. Je les vis en l'année 439 (1046), époque à laquelle j'arrivai en Egypte.
Lorsque Mouizz lidin illah vint en Egypte, le général qui commandait au nom du khalife de Bagdad se présenta devant lui et fit sa soumission.
Mouizz établit son camp sur l'emplacement où s'élève aujourd'hui la ville du Caire et il lui donna le nom de Qahirèh, parce qu'il s'était rendu maître du pays à main armée. Il défendit à ses soldats d'entrer dans la ville de Misr et de violer le domicile de qui que ce fût. Il donna ensuite l'ordre de construire dans cette plaine une ville, et il exigea que ses officiers bâtissent des maisons et élevassent des constructions dans l'enceinte qui avait été tracée.[78]
Le Caire devint une grande ville à laquelle peu de cités peuvent être comparées. J'ai calculé qu'il ne s'y trouve pas moins de vingt mille boutiques qui toutes sont la propriété du sultan. Un grand nombre d'entre elles sont louées chacune au prix de dix dinars maghreby par mois, et il n'y en a que peu qui se louent moins de deux dinars.
Les caravansérails, les bains et les autres édifices publics sont en si grand nombre, qu'il est difficile d'en faire le dénombrement et tous ces biens sont la propriété du sultan, car nul ne peut posséder ni maisons ni immeubles, hormis ceux qu'il a fait bâtir lui-même. On m'a raconté qu'il y a tant au Caire qu'à Misr vingt mille maisons appartenant au sultan et qui sont données en location. Le loyer est perçu tous les mois. On les livre et on les reprend au gré des locataires, sans imposer à qui que ce soit la moindre obligation à ce sujet.
Le palais du sultan s'élève au milieu de la ville du Caire ; ses abords sont dégagés et aucune construction n'y est attenante.
Les ingénieurs en ont mesuré la superficie et ils ont trouvé qu'elle était égale à celle de la cité intérieure de Meïafarékïn.[79] Les abords en sont libres tout autour et toutes les nuits mille hommes, dont cinq cent cavaliers et cinq cents fantassins, sont préposés à la garde du palais. A partir du moment de la prière du soir, ils sonnent de la trompette, ils battent du tambour et font résonner des cymbales. Ils font des rondes jusqu'au lever du jour.
Lorsque, du dehors de la ville, on regarde ce palais, on le prend pour une montagne à cause de la masse et de la hauteur des bâtiments dont il est formé ; mais de l'intérieur de la ville, on ne peut le voir parce que les murs qui l'entourent ont une très grande élévation.
On dit qu'il y a dans ce palais douze mille serviteurs à gages. Qui peut connaître le nombre des femmes et des filles qu'il renferme ? Bref, on affirme qu'il s'y trouve trente mille personnes.[80]
Ce palais se compose de douze pavillons. Dix portes donnent accès dans l'enceinte réservée.[81] Voici les noms de celles qui sont au niveau du sol ; je ne mentionne pas celles qui sont souterraines : Bab ez Zeheb (la porte d'Or) ; Bab el Bahr (la porte du Fleuve) ; Bab es Siridj (la porte de l'Huile) ; Bab ez Zouhoumèh (la porte où l'on sent l'odeur de la viande) ; Bab es Selam (la porte du Salut) ; Bab ez Zeberdjed (la porte de l'Emeraude) ; Bab el 'Id (la porte de la Fête) ; Bab el Foutouh (la porte des Victoires) ; Bab ez Zoulaqali (la porte du Terrain glissant) ; Bab es Sourièh (la porte par laquelle on passe pendant la nuit).
Il y a, au-dessous du sol, une porte qui ferme un souterrain que le sultan traverse à cheval pour se rendre à un autre palais auquel ce souterrain conduit. La voûte de ce passage est, d'un palais à l'autre, construite de la manière la plus solide. Les murs de ce palais sont en pierres si bien liées entre elles qu'on les croirait taillés dans un seul bloc.
Ce palais se compose de pavillons et de salles ouvertes d'une grande hauteur, et précédées de vestibules garnis de bancs.[82]
Tous les hauts fonctionnaires du sultan sont ou des Nègres ou des Grecs
Le Vizir est un personnage qui se fait remarquer entre tous par une piété, une dévotion, une droiture, une loyauté, une science et une intelligence exceptionnelles.[83]
L'usage de boire du vin a été rigoureusement aboli, je veux parler de ce qui se passa pendant le règne de Hakim.[84] Aucune femme ne pouvait alors sortir de sa maison. Personne n'avait te. liberté de faire sécher du raisin, de peur qu'il ne servît à fabriquer de l'eau de vie. Personne n'osait boire du vin ou de la bière, car cette dernière liqueur était considérée comme enivrante, et, à ce titre, elle avait été proscrite.
La ville du Caire a cinq portes Bab en Nasr (la porte du Secours de Dieu) ; Bab el Foutouh (la porte des Victoires) ; Bab el Qantharah (la porte du Pont) ; Bab ez Zoueilèh (la porte de Zoueilèh), Bab el Khalidj (la porte du Canal).[85] La ville n'est point enfermée dans une enceinte fortifiée, mais les bâtiments et les maisons sont si élevés qu'ils sont plus hauts qu'un rempart, chaque maison, chaque palais peut être considéré comme une citadelle. La plupart des maisons ont cinq ou six étages.
L'eau potable est fournie par le Nil et elle est apportée en ville à dos de chameau par des saqqas (porteurs d'eau). L'eau des puits creusés près du Nil est douce, mais, plus on s'éloigne du fleuve, plus elle devient saumâtre. Le nombre des chameaux qui transportent l'eau dans de grandes outres (ravièh) au Caire et à Misr s'élève, m'a-t-on dit, à cinquante-deux mille.[86] Des porteurs d'eau, ayant sur le dos des vases en cuivre ou de petites outres, circulent dans les rues étroites où les chameaux ne peuvent passer.
Dans l'intérieur de la ville, les maisons sont séparées l'une de l'autre par des vergers et des jardins que l'on arrose avec l'eau des puits. Le palais du sultan renferme des jardins réservés qui sont les plus beaux que l'on puisse voir. L'eau nécessaire à leur entretien est élevée au moyen de roues hydrauliques. On plante également des arbres sur les terrasses et l'on y établit des pavillons.
A l'époque où je me trouvais au Caire, une maison à quatre étages, construite sur un terrain d'une superficie de vingt guez sur douze, se louait au prix de onze dinars maghreby. Dans celle où je logeais, trois étages étaient occupés ; on demanda au propriétaire de louer l'étage du haut moyennant cinq dinars maghreby par mois. Il ne voulut point y consentir, en donnant pour prétexte qu'il viendrait quelquefois en ville Pendant l'année que je demeurai dans cette maison, il ne s'y présenta pas deux fois. Les maisons du Caire sont bâties avec tant de soin et de luxe qu'on les dirait construites avec des pierres précieuses et non point avec du plâtre, des briques et des pierres ordinaires. Toutes les maisons sont isolées, de sorte que les arbres de l'une n'empiètent pas sur les murailles de l'autre. Il en résulte que chacun peut démolir et reconstruire sa maison sans que le voisin ait à en souffrir.[87]
Lorsque l’on sort du Caire et que l'on se dirige vers l'ouest, on rencontre un grand canal qui porte le nom de Khalidj. Il a été creusé par le père du sultan qui possède, sur ses bords, trois cent soixante villages faisant partie de son domaine privé. La prise d'eau de ce canal est à Misr ; on l’a dirigé vers le Caire et on lui a fait faire un détour dans la ville. Il passe devant le palais du sultan.[88]
Il y a deux pavillons de plaisance à la tête de ce canal ; l'un porte le nom de Loulou (la Perle), l'autre celui de Djauherèh (le Bijou).[89]
On fait au Caire la prière du vendredi dans quatre grandes mosquées. La première est appelée Djami el Azliar (la mosquée la plus brillante), la seconde Djami Nom (la mosquée de la Lumière), la troisième Djami Hakim (la mosquée du khalife Hakim), la quatrième Djami Mouizz Cette dernière est située en dehors de la ville, sur la rive du Nil.[90]
Lorsqu’à Misr on veut se tourner du côté de la qibleh, il faut se placer en face du point de l’horizon où se lève le signe du Bélier. La ville de Misr s'élève à un peu moins d'un mille de distance du Caire ; elle est au sud et le Caire au nord. Le Nil coule le long de Misr avant d'arriver au Caire. L'espace qui sépare ces deux villes est couvert de jardins et de maisons qui se touchent. Pendant l'été, cette plaine toute entière ressemble à une mer ; tout y disparaît sous l'eau, à l'exception du jardin du sultan qui, se trouvant sur une éminence, n'est point inondé.
[1] Cette partie de la muraille porte le nom de Haith el Maghreby. M. de Vogué en a donné la description et le dessin dans le Temple de Jérusalem, Paris 1864, in f°, page 6, planche II.
[2] Mohammed enjoignit à ses disciples, dans la deuxième année de l'Hégire de faire la prière le visage tourné vers la Ka'abah. Cette prescription est contenue dans les versets 139 et 140 du deuxième chapitre du Coran.
« Nous t'avons vu tourner incertain ton visage de tous les côtés du ciel : nous voulons que tu le tournes vers une région dans laquelle tu te complairas. Tourne-le donc vers la plage de l'oratoire sacré (Mesdjid el Haram). En quelque lieu que vous soyez, tournez-vous vers cette plage. Ceux qui ont reçu les Écritures savent que c'est la vérité qui vient du Seigneur et Dieu n'est point inattentif à leurs actions. »
« Quand bien même tu ferais en présence de ceux qui ont reçu les Ecritures toutes sortes de miracles, ils n'adopteraient pas ta qiblèh. Toi, tu n'adopteras pas non plus la leur. »
Mohammed, après sa fuite de la Mekke, fit, pendant les premiers temps de son séjour à Médine, la prière le visage tourné vers Jérusalem.
[3] Nassiri Khosrau désigne, sous le nom de Mesdjid, l'enceinte du temple et tous les monuments qui y ont été élevés. Je substitue quelquefois dans la traduction au mot Mesdjid ceux de Haram ou de Haram ech Chérif qui est le terme sous lequel on désigne la cour, le dôme de la Sakhrah et le Mesdjid el Aqça. Les gouverneurs de Jérusalem ont toujours porté officiellement le titre de Nazhir el Harameïn ech Chérifeïn (Inspecteur des deux nobles sanctuaires) qui sont celui de Jérusalem et celui d'Hébron où se trouve le tombeau d'Abraham.
[4] Cette inscription existe encore aujourd'hui. En voici le texte qui m'a été envoyé par M. Alric, chancelier du consulat de France à Jérusalem : « Au nom du Dieu clément et miséricordieux! La longueur du Mesdjid est de sept cent cinquante-quatre coudées, et sa largeur de quatre cent cinquante-cinq coudées. Les coudées employées sont les coudées de roi. »
[5] Le Bab Daoud (porte de David) porte aujourd'hui le nom de Bab es Silssilèh (la porte de la Chaîne). Elle s'ouvre sur la grande voie (ech Chari el Aazhem) appelée la rue de Daoud, qui part de la porte du mihrab de Daoud, aujourd'hui porte d'Hébron. C'est dans cette grande voie que se trouvaient les bazars des orfèvres, des blanchisseurs de toile, des marchands de soieries etc. Le Bab Daoud a été réparé à différentes époques et son aspect a été modifié par les travaux exécutés au XVe siècle. Moudjir ed-Din, Histoire de Jérusalem et d'Hébron, page 403 de l'édition publiée au Caire 1288 (1866), et page 176 de la traduction de M. Sauvaire, Paris 1876.
[6] Ces deux galeries ouvertes s'étendent le long du mur d'enceinte, l'une jusqu'au-delà du Mehkemèh ou tribunal qui y est adossé, l'autre jusqu'à la porte appelée Bab en Neby (porte du Prophète), aujourd'hui Bab el Megharibèh (porte des Mogrébins). Ces deux galeries ont été reconstruites en 713 (1314) et en 737 (1336) par Melik en Nassir Mohammed, fils de Qelaoun. Nassiri Khosrau désigne quelquefois sous le nom de Maqçourah la mosquée el Aqça et surtout la partie centrale.
[7] Cette galerie occupe l'espace compris entre le perron de Bab el Qat-thanin (porte des Marchands de coton) et la porte nommée aujourd'hui Bab Ala ed-Din el Bassiry. Bab es Saqr est le Bab el Hadid (la porte de fer) moderne, qui fut refaite par Argoun el Karoily, gouverneur-général de la Syrie, mort à Jérusalem en 758 (1357).
[8] Le mot Tekbir signifie « proclamer que Dieu est le plus grand » (Allahou Akbar). Ces paroles sont prononcées trois fois au commencement de l'appel à la prière.
[9] Ces deux portes qui donnent sur la campagne ont été murées dans la crainte d'une attaque. La galerie fermée dont parle Nassiri Khosrau est « le lieu voûté de construction salomonienne », dont parle Moudjir ed-Din (page 380 de l'édition du Caire et 127 de la traduction de M. Sauvaire). « Ce lieu, ajoute cet auteur, est visité par les pèlerins; il a un aspect imposant et commande le respect. »
[10] Les serviteurs attachés aux différents sanctuaires du Haram étaient les descendants de trois cents esclaves noirs achetés par Abd el Melik ibn Merwan, avec l'argent provenant du cinquième qui lui était attribué pour sa part du butin fait sur les infidèles, ils portaient le nom d'Akhmas (qui représente le cinquième).
Dix chrétiens, exempts de la capitation, prenaient soin des nattes et étaient chargés de curer les citernes et les conduits qui y amenaient l'eau. Vingt Juifs étaient préposés à l'entretien des lampes en verre et en métal, et de tout ce qui avait trait à l'éclairage. Ils devaient en outre balayer les immondices. Yaqout, tome IV, page 598. Moudjir ed-Din, édition du Caire, page 249.
[11] Moudjir ed-Din se borne à transcrire au sujet du berceau de Jésus les prescriptions de Bereket ech Chah. Cet auteur dit que Dieu exauce les vœux que l’on forme dans ce sanctuaire ; que le fidèle y doit faire sa prière, y réciter les versets des chapitres du Coran qui concernent Meriem, et suivre l'exemple d'Omar qui fit ses dévotions et se prosterna dans cet endroit. L'invocation la plus efficace consiste dans les paroles que Jésus prononça lorsque Dieu l'enleva aux cieux « sur le mont des Oliviers ».
« A l'angle sud-est du Haram on descend dans une chambre souterraine où l'on montre le berceau du Christ ; c'est une niche en pierre dont la partie supérieure était sculptée en coquille et que l'on a couchée horizontalement et recouverte d'un dais porté par quatre colonnettes en marbre. Dans cette même chambre, on voit aussi deux autres niches très simples creusées dans la muraille. » Une visite au temple de Jérusalem et à la mosquée d'Omar, par le docteur E. Isambert, dans le Journal de la Société de Géographie, 1861, page 398.
[12] Tous les manuscrits portent « deux fois ». Je crois qu'il faut lire « dix » au lieu de « deux. »
[13] Coran, chap. XVII, vers. I.
[14] Nassiri Khosrau désigne par le mot « pouchich » (revêtement) le toit qui couvre le Mesdjid el Aqça. Les auteurs arabes appellent cette partie de la mosquée « Moughatta » (partie couverte). Ils donnent le même nom à la partie du sanctuaire d'Hébron qui n'est point à ciel ouvert.
[15] La coupole du Mesdjid-el Aqça fut gravement endommagée lors du tremblement de terre de 425 (1033). Le khalife Fatimide Ed Dhahir li izaz din illah la fit réparer. Aly el Herewy, pendant son séjour à Jérusalem, copia l'inscription que ce prince y avait fait mettre et il l'a insérée dans son Ovide aux lieux saints. En voici la traduction: « Que Dieu accorde son aide à son serviteur et délégué Aly, fils d'el Hassan ed Dhahir li izaz din illah, chef des vrais croyants, que Dieu répande ses bénédictions sur lui, sur ses ancêtres exempts de péchés et sur ses augustes fils! Celui qui a donné l'ordre de faire cette coupole et de la dorer est le plus glorieux des vizirs, celui qui a été choisi par le chef des vrais croyants et qui lui est tout dévoué, Aboul Qacim Aly Ibn Ahmed, que Dieu lui accorde son secours et son aide! Cet ouvrage a été achevé le dernier jour du mois de Zil Qa'adèh (6 octobre) de l'année 426 (1035). Il est l'œuvre d'Abdallah, fils de Hassan, l'ornemaniste originaire de Misr. Kitab ez Ziarat, f° 21.
[16] Cette partie du récit de Nassiri Khosrau concorde avec la description que donne Mouqaddessy (pages 168-169). Ces quinze grandes arcades avaient été construites, au rapport de ce dernier auteur, par Aboul Abbas Abdallah, fils de Thabir. Abdallah jouit de la confiance du khalife Mamoun et fut gouverneur de l'Egypte et de la Syrie. Il mourut à Merw en 230 (844).
Cf. Les vies des hommes illustres d'Ibn Khallikan, éd. du Caire, tome 1er, pages 369—371, et la traduction de M. de Slane, tome II, page 49—53.
Histoire des khalifes, des princes et des lieutenants qui ont gouverné Damas, par Salah ed-Din Khalil Ibn Ibek es Safedy, manuscrit de mon cabinet, f° 37.
[17] Mouqaddessy fait une mention spéciale de cette porte qui s'appelait la « grande porte de cuivre ». Elle était en face du mihrab et les battants ne pouvaient être ouverts que par un homme ayant les bras longs et vigoureux. Les plaques de cuivre qui la recouvraient étaient dorées.
M. de Vogué a donné la copie de l'inscription que le khalife Mamoun avait fait graver en 216 (831) sur quelques-unes des portes de la mosquée. Le temple de Jérusalem, page 86.
[18] On donne le nom de Moudjavir aux personnes qui se fixent, soit à la Mekke, soit à Jérusalem, pour faire leurs dévotions près de la Ka’abah ou de la Sakhrah.
[19] Cette porte qui porte le nom de Bab el Moutawaddha a été abattue et reconstruite par l'émir Ala Eddin Aydoghdy es Salihy el Nedjmy à la fin du XIIIe siècle. Cet émir qui fut gouverneur de Jérusalem mourut dans cette ville en 690 (1291).
[20] Le nombre des citernes creusées dans le sol du Haram est, suivant Moudjir ed-Din, de vingt-quatre. Histoire de Jérusalem et d’Hébron, traduction de M. Sauvaire, page 56. M. Barclay en a donné une très intéressante description dans son ouvrage : The City of the great King », Philadelphia s. d., pages 523—536. Cf. De Vogué, Le temple de Jérusalem, pages 14 et 15.
[21] Il y a, à l'entrée du Wadi Ourtas, trois grands bassins et non point seulement un. Ils remontent à la plus haute antiquité et portent le nom de Bourak. « Nous continuâmes à marcher, dit le Cheikh Abdoul Ghany, et nous arrivâmes aux Bourak. Ce sont trois bassins construits l'un au-dessus de l'autre, et qui sont remplis par les eaux de la pluie et des torrents qui coulent sur les flancs de la montagne et par celle d'une source. Chaque bassin a environ cent coudées de longueur et à peu près autant de largeur. Je n'ai pu me rendre compte de sa profondeur à cause de l'eau qui les remplissait, mais je l'estime à environ dix coudées. On voit là un château construit en pierres et dont les murs reposent sur des assises formées de très gros blocs de rocher. Ce château est gardé par un fellah qui l'habite avec sa famille et ses gens, et qui est chargé de protéger les bassins et l'aqueduc contre les tentatives que pourraient faire les Arabes bédouins. » Voyage du Cheikh Abdoul Ghany, (f. 100 v° et 101 r°.)
L'aqueduc qui conduit les eaux de Bethléem, puis de Jérusalem au Haram a été réparé à la fin du XIIIe siècle par Melik en Nassir Mohammed, fils de Qelaoun.
Cf. Robinson, Biblical researches etc., Boston, tome Ier, pages 218 et 474. Barclay, City of the Great King, Philadelphia s. d., pages 554—558.
[22] Le tennour est une grande lanterne en métal, à pans coupés et dont la partie supérieure est recouverte par une calotte hémisphérique.
[23] Cette porte est aussi désignée sous le nom de Bab el Megharibèh (porte des Maghrébins), parce qu'elle donne accès à leur quartier.
[24] M. Pierrotti a donné dans l'atlas de son ouvrage : Jerusalem explored being a description of the ancient and modem city etc., Londres 1864, in f°, la coupe de la mosquée el Aqça et des substructions souterraines sur lesquelles elle s'élève. Tome II, pl. 24. Cf. Barclay, City of the great King, pages 503—511. De Vogué, Le temple de Jérusalem, page 13.
[25] Coran, chap. II, verset 55.
[26] Aly el Herewy nous dit que l'arche et le tabernacle étaient conservés dans la mosquée du village de Seyloun, l'ancienne ville de Silo, mentionnée au verset 19 du chapitre XXI du Livre des Juges. Kitab es Ziarat, f° 19.
[27] Mouqaddessy nous apprend que de son temps on pénétrait dans l'enceinte du Haram par treize entrées qui avaient vingt portes : Bab Hitthèh, les deux portes du Prophète, les portes du mihrab de Meriem, les deux portes de la Miséricorde, la porte de la Piscine des fils d'Israël, les portes des Tribus, les portes des Hachimites, la porte de Welid, la porte d'Ibrahim, la porte de la mère de Khalid et la porte de Daoud. Mouqaddessy, page 170.
[28] Les écrivains orientaux donnent à cette plate-forme ou terre-plein les noms de Dikkèh, Doukkan ou Masthabah. Yaqout dit qu'elle a une hauteur de cinq grandes coudées.
Jean de Wurtisbourg la décrit exactement en quelques mots: « Idem templum sic decenter compositum et ornatum circum quoque habet atrium latum atque planum conjunctum lapidibus pavimentum et stratum ac in circuitu quadratum, ad quod a tribus partibus multis gradibus asconditur. Est enim idem atrium ab aequilitate terrae satis artificiose levatum . . » Pesius, Thesaurus anecdotorum novissimus etc., tome Ier, part. III, col. 498, et Tubler, Descriptiones Terrae Sanctae, Leipzig 1874, pages 127—128.
[29] Je traduis le mot persan par porche, car les portes étaient précédées d'une construction couverte par un auvent et soutenues par des pieds droits et des colonnes.
Chacun de ces porches, nous dit Mouqaddessy, fait face à un escalier; ils portent le nom de porche du Sud (direction de la qibléh), porche d'Asrafil, porche des Images, et porche des Femmes, ce dernier s'ouvrant à l'occident. Ils sont tous couverts de dorures et les battante des portes sont en bois de pin revêtus de plaques de cuivre. Ils ont été faits sur les ordres de la mère du khalife Mouqtadir. Aly el Herewy nous apprend que lorsqu'il visita Jérusalem en 569 (1173), il lut sur les arcades placées au-dessus de ces porches le nom et les titres du khalife Qaïm bi amr illah, le chapitre Ikhlas du Coran et les mots « Louange à Dieu! Gloire à Dieu! » Ces inscriptions avaient été respectées par les Francs.
Jean de Wurtzbourg confirme ce fait : « Ab aquilone habens ostium unum versus claustrum Dominorum in enjus superliminari plures litterae saracenicae sunt appositae. » Thesaurus anecdotorum novissimus. Col. 495.
[30] Aly el Herewy qui donne toutes les mesures dit que le rocher a un peu plus de quatre coudées de tour, mais, à l'époque où il visita Jérusalem, la Sakhrah avait été revêtue par les Latins de plaques de marbre pour empêcher les pèlerins d'en casser des fragments, et le sommet seul en était visible.
[31] Il faut lire huit au lieu de six que porte le texte. Cette rectification est justifiée par la phrase qui indique le nombre de douze piliers. Cf. de Vogué : Le temple de Jérusalem, planche XVIII.
[32] Pour la description du dôme de la Sakhrah, cf. Mouqaddessy, pages 169—170. Yaqout, tome IV, pages 597—598, s'est borné à copier la description de Mouqaddessy. Aly el Herewy ne donne que peu de détails sur ce monument. Parmi les voyageurs modernes on peut consulter Aly Bey.
[33] La balustrade en marbre a été remplacée sous la domination latine par une grille en fer dont M. de Vogué a donné le dessin. Le Temple de Jérusalem, page 95.
[34] Ibn el Athir nous apprend que, lorsque les Francs s'emparèrent de Jérusalem, ils enlevèrent du sanctuaire de la Sakhrah plus de quarante lampes en argent pesant chacune trois mille six cents dirhem, un tennour d'argent du poids de quarante rathl de Damas, cent cinquante petites lampes d'argent et plus de vingt lampes en or Kamel fit Tarikh, tome X, page 192.
[35] Zabedj est le nom d'une île au-delà de la mer de Herkend, dans les parages de la Chine.
[36] La coupole de la Chaîne, dit le cheikh Abdoul Ghany dans la relation de son voyage, est d'une extrême élégance : elle est ouverte de tous les côtés et elle a les dimensions d'une grande tente. Sa forme est octogonale et elle est soutenue par dix-sept colonnes, sans compter les deux qui sont placées aux côtés du mihrab. Il y a entre chaque groupe de deux colonnes un espace de deux coudées.
Bereket ech Chah dans son Manuel du pèlerin à Jérusalem, Ibrahim es Soyouthy et le cheikh Chehab ed-Din Ahmed dans son ouvrage qui a pour titre Moucir oul gharam ila ziaret il Qouds ou ech Cham (le livre qui excite le désir de visiter pieusement Jérusalem et Damas) ont recueilli toutes les traditions relatives à la coupole de la Chaîne. Ce monument a été reconstruit en l'année 1561 par le sultan Souleyman. Cf. De Vogué, Le Temple de Jérusalem, page 104.
[37] De Vogué, Temple de Jérusalem, page 104.
[38] Cette coupole porte aujourd'hui le nom de Qoubbet el Miradj (coupole de l'Ascension). Elle s'élève à la droite du dôme de la Sakhrah dans la direction de l'occident. Elle est ronde et construite en marbre, dit le cheikh Abdoul Ghany, et les vœux que l'on y forme sont tous exaucés. Voyage à Jérusalem du cheikh Abdoul Ghany en Nabloussy f° 102.
L'ancienne coupole tombait en ruines; en l'année 597 (1200) l'Isfèh Salar Izz ed-Din et Abou Amr Osman, inspecteur des fondations pieuses, la reconstruisirent complètement. Moudjir ed-Din, page 105, de Vogué, page 104.
[39] Cette grotte, dit Aly el Herewy, est appelée Mayharat el Arwah (la caverne des âmes), parce que Dieu y a réuni les âmes des vrais croyants. On y descend par un escalier de quatorze marches. On dit aussi que Zékéria (Zacharie) est enterré; au bas de l'escalier à droite on voit une manière d'estrade sur laquelle est dressée une colonne élégante qui s'élève jusqu'à la Sakhrah. En haut, dans le roc, est une large fente faite, dit-on, par le doigt de Gabriel. On y tient une lampe allumée. Ce lieu est éclairé par des lampes et la porte en est ouverte toutes les nuits aux pèlerins qui veulent le visiter.
[40] Jean de Wurtzbourg décrit en ces termes l'escalier et le portique qui s'élève au sommet sur la plate-forme. « Ad quod (pavimentum) a tribus partibus multis gradibus ascenditur. Est enim idem atrium ab aequalitate terrae satis artificiose elevatum et habet ab oriente in pariete suo latum introitum per quinque arcus, quatuor magnis columnis sibi connexes : et hic paries sic patet versus portam auream per quam Dominis quinte die ante passionem suam sedens super asinum solemniter introivit. » Thesaurus anecdotorum novissimus. Tome Ier, p. 111, col. 498.
[41] L'Émir Abou Mansour Anouchtekin Emir el Djouïouch, (généralissime) et gouverneur de la Syrie pour le khalife Ed Dhahir li izaz din illah, était originaire de Khotch. Il avait été l'esclave d'un officier deïlémite nommé Dizber ibn Aussem. Il remplaça à Damas en 419 (1028) Abou Moutha' el Hamdany. Il dut s'enfuir de cette ville à la suite d'une révolte en 433 (1041) et il se réfugia à Haleb où il mourut au bout de trois mois. Histoire des khalifes, des princes et des lieutenants qui ont gouverné Damas, par Salah ed-Din Khalil ibn Ibek es Safedy, manuscrit de mon cabinet, f° 137.
[42] Moudjir ed-Din se borne à dire que « dans la partie orientale de l'enceinte du Mesdjid, dans le mur méridional, près du berceau de Jésus, est un grand mihrab, connu dans le peuple sous le nom de mihrab de Daoud. Il est de tradition que tous les vœux que l'on y fait sont exaucés ». Les autres auteurs qui ont décrit les sanctuaires du Haram ne sont pas plus explicites et se contentent de donner le texte des prières que l'on doit réciter en ces endroits.
[43] Selon la tradition musulmane, les houris auraient apparu à Mahomet la nuit de son ascension dans le temple de Jérusalem près d'un arbre qui se trouvait non loin de la plate-forme de la Sakhrah. C'est, sans doute, cet immense micocoulier (mayssèh) sous lequel on avait établi un banc et un mihrab, et dont le tronc et les branches furent soutenus par une armature en fer que l'on établit au XVe siècle, à cause de sa vétusté. On le désigna alors sous le nom de Maysset el Mouhaddadèh (le micocoulier ferré).
[44] Ce nom désigne encore aujourd'hui la montagne qui s'élève à l'est de la vallée d'Oartas (Djebel Foureïdis) : elle est aussi appelée montagne des Francs. Ourtas me paraît être une altération du mot Hortus qui est lui-même la traduction de Feradis (jardins, pluriel arabe du mot persan Ferdous).
[45] Mathloun est, sans aucun doute, la corruption de Marthoun qui est le nom d'un des quatre villages ou quartiers qui composaient la ville d'Hébron. Ils sont ainsi désignés dans l'acte que Mohammed délivra à Temim ed Dary et à ses frères la neuvième année de l'Hégire (630), après le combat de Tebouk : Habroun, Marthoun, Beït Aïnoun et Beït Ibrahim. Cette lettre de concession fut écrite par Aly, fils d'Abou Thalib, sur un morceau de peau, et elle resta en possession des descendants de Temim ed Dary jusqu'au XVIe siècle, époque à laquelle elle fut envoyée à Constantinople pour être placée dans la chambre des reliques au vieux sérail. Cf. La relation du voyage en Palestine du cheikh Abdoul Ghany en Nabloussy, fos 94 et 95. Taqout a donné le texte de cette pièce dans son Moudjem el bouldân, tome II, page 195. M. Robinson a inséré un abrégé de l'histoire d'Hébron dans ses Biblical researches, tome II, pages 430—462. Les pèlerins occidentaux qui ont visité Hébron parlent tous des immenses revenus du sanctuaire
[46] Le corps d'Abraham est déposé dans la caverne qui se trouve au-dessous du sanctuaire : Abraham est en conséquence désigné souvent sous le nom de « Le maître du souterrain et de la lampe (Sahib es Serdab ouel Qandil) », à cause de celle qui est suspendue au-dessus de sa tête. Moudjir ed-Din rapporte sur l'autorité d'Ibn Assakir que, sous le khalifat de Radhi billah, Abou Bekr el Eskafy, conduit par un gardien du tombeau, nommé Salouk, descendit dans la caverne et vit les corps d'Isaac, d'Abraham et de Jacob (vers 320—932). Aly et Herewy, dans son Kitab ez Ziarat, raconte les faits suivants:
« Je me rendis à Jérusalem en 569 (1173) et j'y rencontrai ainsi qu'à Hébron des vieillards qui m'affirmèrent que, sous le règne du roi Bardouil (Baudouin), un éboulement s'était produit dans la caverne. Le roi autorisa quelques Francs à y entrer. Ils trouvèrent les corps d'Abraham, d'Isaac et de Jacob adossés à la muraille. Leurs linceuls tombaient en lambeaux. Au-dessus de leurs têtes nues étaient suspendues des lampes. Le roi fit revêtir les corps de linceuls neufs, puis on ferma la brèche qui s'était produite. Ceci se passa en l'année 513 (1119). » Le chevalier Biran qui résidait à Beït Laham et qui jouissait d'une grande notoriété parmi les Francs à cause de ses qualités viriles et de son grand âge, m'a raconté qu'il était entré dans la caverne avec son père et qu'il y avait vu Abraham, Isaac et Jacob qui avaient la tête nue. « Quel âge aviez-vous? » lui demandai-je. « Treize ans », me répondit-il. Il ajouta que le chevalier Djofry (Geoffroy) fils de Djordj (Georges) avait été chargé par le roi de renouveler les linceuls et de faire réparer la partie de la caverne qui s'était écroulée. Je lui demandai s'il était encore vivant; il me répondit qu'il était mort depuis longtemps. Si le récit qui m'a été fait est véridique, j'ai pu entretenir un homme qui a vu Abraham, Isaac et Jacob, non point en songe, mais en réalité. » Kitab ez Ziarat, fos 26 et 27.
Le même fait est raconté avec moins de détails par Yaqout dans son Moudjem oul bouldân et par Aboulféda et Aboul Mahassin dans leurs chroniques.
[47] Ce tombeau de Joseph fut découvert sous le règne du khalife Mouqtadir (295—320 A. D. 907—932) par une esclave de ce prince fixée à Jérusalem. « Je me rendis, dit Ibrahim ibn Ahmed el Khalendjy, accompagné d'ouvriers, dans le champ où, selon la tradition, devait se trouver le tombeau de Joseph, en dehors de l'enceinte, vis-à-vis de celui de son père Jacob. On acheta le terrain à celui qui le possédait, et on se mit à faire des fouilles. Une grande pierre ayant été mise à découvert, on donna l'ordre de la rompre. On en cassa un morceau. Dès qu'on l'eut enlevée, on aperçut Joseph éblouissant de beauté et il s'exhala une odeur de musc. Il s'éleva alors un tourbillon de vent, et les ouvriers remplacèrent la pierre dans son état primitif. Quelque temps après, on éleva la coupole qui existe encore aujourd'hui. » Moudjir ed-Din, pages 64 et 65 de l'édition de Boulaq et pages 22 et 23 de la traduction de M. Sauvaire. D'après une autre tradition qui est aussi rapportée par les pèlerins chrétiens du moyen-âge, Joseph serait enterré au pied d'un arbre auprès du village Balathah, non loin de Naplouse, dans un champ qui porte le nom de Haqar Youssouf.
[48] Cette coutume aurait été observée surtout par les Juifs, si l'on s'en rapporte à un passage de Benjamin de Tudèle : « On y voit aussi (près de la caverne d'Hébron) des ossuaires pleins des ossements des Israélites qui apportaient là chacun leurs morts et les os de leurs ancêtres qui sont encore là jusqu'à ce jour. » Voyage de Rabbi Benjamin de Tudèle, édition de 1734, page 101.
[49] Ces distributions de vivres portent en arabe le nom de Soumath Ibrahim (le repas d’Abraham) ou de Dachichéh (brouet de froment pilé) Abraham, selon la tradition, sortait tous les jours de sa demeure pour y amener des hôtes auxquels il offrait l’hospitalité Cette générosité lui fit donner le surnom de Abou Dheyfan (le père des hôtes), et c’est pour en consacrer le souvenir que l’on apporte tous les jours des repas à Hébron pour les pèlerins ; tous les jours après la prière de l’Asr, dit Moudjir ed-Din, on bat des timbales à la porte de la cuisine au moment de la distribution des vivres. Il est une des choses les plus merveilleuses du monde : les habitants et les voyageurs en prennent leur part. On fait trois distributions de pain chaque jour, le matin aux pauvres et autres, dans l’après-midi aux habitants et après l’Asr, on la renouvelle pour les habitants et les voyageurs qui sont arrivés à la porte du sanctuaire ou l’on bat les timbales s’élèvent les bâtiments destinés à la préparation des repas, ils renferment trois jours et six meules à moudre le grain. Au dessus sont les greniers ou l’on met le blé et l’orge Ils offrent un spectacle qui provoque l’admiration, car le blé qui est apporté ne sort de là que converti en pain. » Moudjir ed-Din, page 59 de l’édition du Caire, et pages 20 et 21 de la traduction de M. Sauvaire :
« Post muscheae et duplicis speluncae considerationem, descendimus paululum et ad fores hospitalis pauperum venimus, quod sub muschea est. Introducti autem vidimus officinas pulchras et in coquina et pistoria grandem praeparationem pro peregrinis Sarracenorum, quorum cottidie magna multitude advenit ad visitandam speluncam duplicem, sepulchrum Patriarcharum. Habet hoc hospitale in annuis reditibus ultra XXIIII millia ducatorum. Unde singulis diebus coquuntur in clibano mille ducenti panes, qui distribuuntur petentibus, et nulli peregrino denegatur eleemosyna, sit euiuscunque gentis vel fidei vel sectae, qui petit accipit panem, oleum et menestrum quod nos pulmentum vocamus » F Felici Fabri evagatorium in Terrae Sanctae Arabiae et Egyptae peregrinationem, edidit C. D. Hassler, Stuttgart, 1843, tome II, page 350
« Saint Abraham on y a un hospital bel et noble soubz la seignourie des Sarrasins auquel a tous allans et passans de quelque pays et nacion qui soient, on donne du pain et de l’uile et du potage, la tous les jours on cuyt mille et deux cens pains pour donner aux povres. La despence qui se fait la tous les ans en aumosnes se monte jusques à XIII mille ducas. » Breydenbach, Le voiage et pèlerinage d’oultre mer au saint Sepulchre etc., traduit en français par F. Nicolas le Huon, Lyon 1488, page 259.
[50] Nassiri Khosrau me paraît désigner ici Obeïd Allah Mehdy, le fondateur de la dynastie des Fatimides qui fut en 306 (918) momentanément maître de l'Egypte, et non le khalife Abbasside Mehdy qui monta sur le trône en 158 (774). Moudjir ed-Din prétend que la porte du sanctuaire fut percée à l'époque de la domination byzantine.
Aly Bey a donné une courte description d'Hébron dans la relation de son voyage et il a tracé du sanctuaire un plan qui figure dans l'atlas de cet ouvrage. Voyages d'Aly Bey el Abassy en Afrique et en Asie pendant les années 1803, 1804, 1805, 1806, 1807. Paris 1814, tome III, pages 160-162, et dans l'atlas, planche LXIII.
M. Rivadeneyra, qui a également visité le sanctuaire d'Abraham, en a donné une description très intéressante et remplie de détails fort curieux. Viaje de Ceylon a Damasco, Madrid, 1871, pages 304—318.
M. Quatremère a, dans un appendice placé à la fin du tome Ier, 2e partie (pages 239 — 252), de l’Histoire des sultans Mamlouks, traduite de Makrizi, réuni tous les détails que lui ont fournis les géographes et les historiens orientaux, ainsi que les voyageurs européens, sur la ville d'Hébron et le tombeau d'Abraham.
[51] La lecture du nom de cette localité est incertaine.
[52] Wadi'l Qoura ou Dar el Qoura est situé à quinze heures de Nakhleteïn, sur la limite du territoire de Médine. Cf. Itinéraire de Constantinople à la Mekke, traduit par M. Bianchi, Paris, 1825, in-4°, page 59.
[53] L'église du Dépôt des immondices. Les musulmans lui donnent ce nom au lieu de celui d'église de la Résurrection, parce que l'emplacement sur lequel la croix du Christ fut plantée servait, jusqu'à l'époque de Constantin, de réceptacle pour les immondices de la ville. On y coupait le poing aux malfaiteurs et on y crucifiait les criminels. Les chrétiens orientaux l'appellent Kenissiat el Qiamèh. Cf. d'Herbelot, Bibliothèque orientale; art. Camamat.
[54] L'église du Saint Sépulcre fut rasée en 400 (1000) par l'ordre du khalife Hakim bi amr illah. Ce fut un secrétaire chrétien nommé Ibn Chakrin qui écrivit au gouverneur de Jérusalem la lettre lui enjoignant de démolir l'église de la Résurrection. Elle était conçue en ces termes : « L'Imam vous ordonne de détruire l'église d'el Qomamah : que son ciel devienne terre, que sa longueur devienne largeur. » Cf. de Sacy, Exposé de la religion des Druzes, Paris 1838, tome Ier, page cccxxxviii.
Elle resta en ruines jusqu'en l'année 429 (1037). L'empereur Michel V le Paphlagonien conclut à cette époque une trêve avec le gouvernement du khalife Mostansser billah; il s'engagea à rendre la liberté à cinq mille esclaves musulmans et obtint l'autorisation de faire rebâtir l'église de la Résurrection à Jérusalem. Des architectes furent immédiatement envoyés de Constantinople et les travaux poussés avec la plus grande activité.
[55] Le mot sandarous désigne la gomme qui découle du thuya aphylla ou cupressoïdes. Ce vernis est appelé par les Grecs santalozi. La préparation en est donnée dans le Guide de la peinture, manuscrit byzantin traduit par le docteur Paul Durand et publié sous le titre de Manuel d'iconographie chrétienne, grecque et latine. Paris 1845, page 41.
[56] « Asqalan, dit Mouqaddessy, est une jolie ville sur le tord de la mer. Les céréales et les fruits y sont abondants. On y remarque une grande quantité de sycomores. La mosquée est dans le bazar où l'on vend les étoffes; elle est dallée en marbre. C'est un édifice d'une grande beauté et d'une construction solide. La soie que l'on trouve à Asqalan est de qualité supérieure, la vie y est facile et douce, les bazars sont beaux, tes campagnes charmantes; mais le port est mauvais, l'eau détestable, et on y est importuné par les insectes. » Mouqaddessy, page 174. La tête de Husseïn, fils d'Aly, était conservée dans un mechhed d'Asqalan, elle fut transportée au Caire en l'année 549 (1154), lors de la prise de la ville par les Francs. On montrait également à Asqalan un puits creusé par Abraham. Aly el Herewy, Kitab ez Ziarat, (p. 27 et 28.)
[57] Thinéh, dit Yaqout, est une petite ville du territoire égyptien, située entre Ferema et Tinnis.
[58] Selon Mohammed ibn Ahmed ben Bessam, dont Mohammed ibn Ayas invoque le témoignage, la grande mosquée de Tinnis avait cent coudées de long et soixante et onze de large; il y avait, en outre, cent petites mosquées avec un minaret fort élevé, soixante-douze églises, trente-six bains et trente-six pressoirs pour l'huile. On comptait cent soixante-six moulins et fours, et cinq mille métiers à tisser des étoffes. Nechq oul azhar fi adjaïb il aqthar, f° 102.
[59] Le mot kechkâb désigne deux espèces de boissons : l'une, rafraîchissante, est composée de lait aigre desséché et durci, que l'on fait fondre dans l'eau; l'autre, enivrante, est fabriquée avec de l'orge germée, séchée et moulue que l’on fait fermenter avec de la menthe, de la rue, de la poivrette, des feuilles de citronnier et du poivre. Elle porte en arabe le nom de fouqqa'. Cf. Riza Qouly Khan, Ferhengui Nassiry, Téhéran 1288 (1870), in f°. Silvestre de Sacy, Chrestomathie arabe, 2e édition, Paris 1826, tome Ier, pages 150 et suivantes.
[60] Le qaçab est une étoffe de lin d'une extrême finesse; elle était fabriquée à Tinnis et à Damiette par des ouvriers coptes; les tissus destinés aux khalifes portaient le nom de Bedenèh. Makrizy, dans l'article qu'il a consacré à Tinnis, donne de longs détails sur cette ville, sur son histoire et sur les ateliers qui s'y trouvaient. (Topographie de l’Égypte et du Caire, Boulaq 1270 [1858], tome Ier, pages 176 et suivantes). Les artisans de Tinnis étaient coptes et Yaqout fait remarquer que ces étoffes si élégantes et si délicates étaient tissées par des ouvriers d'habitudes malpropres qui ne se lavaient jamais les mains et se nourrissaient de poissons frais, salés ou marines exhalant une odeur insupportable. Yaqout, tome II, page 603.
[61] Yaqout nous apprend que ces citernes avaient été pour la plupart construites par Ahmed Ibn Toulon, lors de sa visite à Tinnis en l'année 269 (882). Elles portaient le nom de Saharidj el Emir (les citernes de l'émir). Moudjem, tome Ier, page 884. M. le général Andréossy a donné une très courte description des mines de Tinnis dans les Mémoires sur l'Egypte, État moderne, Paris 1809, tome Ier, page 275. « Des vestiges de bains, quelques ruines de souterrains voûtés avec art dont les murs sont recouverts d'un ciment très dur et très bien conservé, les fragments d'une cuve rectangulaire de granit rouge, tels sont les seuls monuments que l'on distingue au milieu de débris immenses de briques, de porcelaines, de poteries et de verreries de toutes couleurs. »
[62] Bar Hebraeus porte à trente mille le chiffre des chrétiens résidant à Tinnis. Le moine Robert passa par Tinnis vers 870. Il dit dans son itinéraire : « Inde navigavimus ad civitatem Tannis in qua sunt Christiani multum religiosi, nimia hospitalitate ferventes. » Itinerarium Roberti monachi, dans les « Itinera Hierosolymitana », publiés par la Société de l'Orient latin. Genève 1880, page 313.
[63] Tinnis fut pillée en 548 (1153) par les galères de Sicile qui, vingt-trois ans plus tard, en 571 (1175), tentèrent inutilement un coup de main sur la ville. En 575 (1180), dix galères franques parties d'Asqalan mirent Tinnis à sac. Le sultan Salah ed-Din donna, en 588 (1192), aux habitants l'ordre d'évacuer la ville et il n'y laissa qu'une garnison pour occuper la citadelle. Les fortifications furent rasées en 624 (1226), par Melik el Kamil Aboul Me'aly Mohammed. Fra Nicolo da Corbizzo, qui aborda à Tinnis en 1345, y trouva un émir qui préleva une taxe sur lui et sur ses compagnons de voyage. Ghillebert de Lannoy donne une très intéressante description des ruines de cette ville qu'il visita lorsqu'il fit, de 1421 à 1423, la reconnaissance des côtes de la Syrie et de l'Egypte. Œuvres de Ghillebert de Lannoy, recueillies et publiées par Ch. Potvin, Louvain 1878, pages 138—139.
[64] Au rapport de Grégoire Bar Hebraeus, au temps du patriarche Denys de Telmahar, on faisait payer aux chrétiens, sans distinction de pauvre ou de riche, cinq pièces d'or par tête. Denys ayant employé pour eux ses bons offices auprès d'Abdallah ibn Tahir, cet émir ordonna qu'à l'avenir on prélèverait quarante-huit drachmes ou pièces d'argent sur les riches, vingt-quatre sur les gens d'une aisance médiocre, et douze seulement sur les pauvres. Mémoires géographiques sur l'Egypte, tome Ier, pages 320—321.
[65] Cette maladie portait le nom de convulsion de Tinnis. Le médecin Aboul Sery, qui l'a décrite, l'attribue au genre de vie des habitants qui passaient leurs nuits à s'enivrer et ne faisaient aucun exercice. Ibn Bouthlan, cité par Makrizy, rapporte, dans la relation de son voyage, que les habitants de Tinnis se nourrissaient de fromage, de poisson et de lait de vache. La taxe sur le fromage rapportait seule au trésor sept cents dinars, à raison d'un dinar et demi par mille formes de fromage, et celle sur le poisson rendait dix mille dinars. Topographie de l’Egypte et du Caire, page 177. Fra Nicolo da Corbizzo rapporte une légende qui lui a été racontée lors de son séjour dans cette ville. « La ciptà di Tenesi fu molte bella posta insulla riva del Nilo. Vienne un tempo che vabonde tante mogiuli che la nocte la gente mangiava et la mattina ognuno avea el viso enflate et non conoscievano l'uno l'altro et per queste la ciptà e desabitata. » Viaggio d’oltra mare, manuscrit de mon cabinet, f° 46.
[66] M. Quatremère a, dans ses Mémoires historiques et géographiques sur l’Égypte, tome II, pages 1—167, a réuni tous les renseignements historiques et géographiques que fournissent les écrivains orientaux sur la Nubie et sur la ville d'Assouan.
[67] Cf. Mémoire sur le Meqyâs de l'île de Boudah et sur les inscriptions que renferme ce monument, par J. J. Marcel, dans la Description de l’Egypte, État moderne, Paris 1813, tome II, pages 29—89 et tome III, pages 119-256.
[68] Massoudi, et après lui Makrizy, ont recueilli toutes les légendes relatives au phare d'Alexandrie. Le premier de ces écrivains assure que le miroir fut brisé en 332 (943) par un eunuque, émissaire de la cour de Byzance, qui était parvenu à capter la confiance du khalife Welid, fils d'Abd el Melik. Cf. Massoudi, Les Prairies d'or, tome II, pages 431 et suivantes. Makrizy, Topographie de l’Égypte et du Caire. Boulaq, tome Ier, pages 155—157.
[69] Sidjilmassèh, dit Abou Obeïd Allah el Bekry, fut fondée en l'an 140 (757—758). Elle est située dans une plaine dont le sol est imprégné de sel. Elle est entourée de faubourgs; dans l'intérieur, on voit de très belles maisons et des édifices magnifiques. Elle possède un grand nombre de jardins. La partie inférieure de la muraille qui l'entoure est en pierres et la partie supérieure en briques. Cette muraille percée de douze portes, dont huit en fer, fut construite par el-Yaça en l'an 199 (814—815). Description de l’Afrique septentrionale, par el-Bekry, traduite par Mac Guckin de Slane, Paris 1859, pages 328—329.
Yaqout nous apprend que les femmes de Sidjilmassèh filaient une laine qui servait à fabriquer des étoffes plus fines que le qassab tissé en Egypte. On en faisait des ghouffarèh ou cottes dont le prix atteignait trente-cinq dinars et même plus. Moudjem, tome III, page 46.
[70] Mehdyèh fut fondée en l'année 303 (916) de l'Hégire par Ahmed ibn Ismaïl el Mehdy, dont on fait remonter l'origine à Husseïn, fils d'Aly. Cette ville est bâtie sur une langue de terre qui s'avance dans la mer. Elle était entourée d'une muraille fort élevée et si large que deux cavaliers pouvaient y passer de front. Les portes étaient en fer massif et chaque battant avait le poids de cent qanthar. Deux des portes de la ville avaient quatre battants : elles donnaient accès à un passage voûté qui pouvait abriter cinq cents cavaliers. Les fortifications de la ville furent achevées en 305 (918) et Ahmed el Mehdy vint y établir sa résidence au mois de Chevval 308 (mars 921). Selon Abou Obeïd Allah el Bekry, chacune des portes de Mehdyèh pèse mille quintaux et a trente coudées de hauteur; chacun des clous dont elle est garnie pèse six rathl. Sur ces portes on a représenté divers animaux. Le port est creusé dans le roc et assez vaste pour contenir trente navires. Yaqout, Moudjem, tome IV, pages 693—696. Description de l’Afrique septentrionale, par el-Bekry, traduite par Mac Guckin de Slane, Paris 1859, pages 73—75. Georges d'Antioche, amiral de Roger, roi de Sicile, enleva en 543 (1148) Mehdyèh à Hassan ibn Aly de la dynastie des Benou Badis et la ville resta pendant douze ans au pouvoir des rois normands.
[71] Les princes de la dynastie des Benou Badis reconnurent la suzeraineté des Fatimides jusqu'en 452 (1060). En cette année, Abou Temim Mouizz se soumit à l'autorité spirituelle des khalifes Abbassides et fit réciter la khoutbèh au nom de Qaïm bi amr illah. Aboul Mehassin, Nodjoum ez Zahirèh, manuscrit de la Bibliothèque nationale, supplément arabe 816, fol. 204.
[72] La Sicile fut gouvernée pendant cent huit ans par la dynastie des émirs Kelbites (336—444 [947—1062]) qui reconnaissaient la souveraineté des khalifes d'Egypte. L'anarchie qui régna à partir du règne de l'émir Hassan, fils de l'émir Aboul Feth Youssouf, permit aux Normands d'asseoir leur domination sur toute l'île.
[73] Qoulzoum était une petite ville située sur le rivage de la mer du Témen, à l'extrémité de cette mer du côté de l'Egypte… Entre cette ville et la capitale de l'Egypte, on compte trois journées de marche… On ne voyait pas dans la ville de Qoulzoum d'arbres, d'eau, ni de champs cultivés : on y apportait de l'eau de très loin. C'était l'entrepôt de l'Egypte et de la Syrie. On y faisait des cargaisons pour le Hedjaz et le Yémen. Makrizy, Topographie de l’Egypte, tome Ier, page 212. Ce passage a été traduit par M. Langlès et inséré dans le tome VI des Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Paris, an IX, pages 354—355.
[74] Aboul Ach'ath el Kendy rapporte, d'après Arram ibn Asbagh es Soulemy, que Djar est une ville située sur le rivage de la mer de Qoulzoum. Elle se trouve à la distance d'un jour et d'une nuit de marche de Médine; on compte dix étapes jusqu'à Aylah et trois jusqu'à Djouhfah. Djar est le port où abordent les navires qui viennent des côtes de l'Abyssinie, de l'Egypte, d'Aden, de la Chine et des pays de l'Inde. Elle possède un minber et est fort peuplée. L'eau potable est fournie aux habitants par un étang qu'alimente une source portant le nom de Yalyal. On voit à Djar de belles maisons en pierres. Une moitié de la ville est bâtie sur une île, l'autre moitié s'élève sur la terre ferme. En face de Djar, à la distance de deux fersengs, est une île appelée Qaraf qui est le mouillage spécial des navires arrivant de l'Abyssinie. Elle est fréquentée par des négociants de Djar qui, pour s'y rendre, doivent franchir la distance de deux fersengs. La partie de la mer Rouge qui s'étend de Djouddah à Qoulzoum porte le nom de mer de Djar. Moudjem, tome II, page 5.
[75] Le nom générique de Maçmoudy désignait les nombreuses tribus berbères établies dans le sud de la province d'Ifriqiya jusqu'aux bords de l'océan Atlantique. Cf. Géographie d’Edrissy, traduite par M. Jaubert, tome Ier, pages 209—228.
[76] Les circonstances de la fondation de Fosthath sont trop connues pour que je les rapporte ici. La décadence de cette ville et celle de Misr commencèrent quelques années après le voyage de Nassiri Khosrau. Ces deux villes furent dépeuplées par les famines qui désolèrent l'Egypte pendant le règne de Mostansser billah.
[77] Le qafd Aboul Hassan Djauher ibn Abdallah, qui porte le surnom de Katib Roumy, reçut de Mouizz lidin illah le commandement de l'armée qui envahit l'Egypte après la mort de Kafour el Ikhchidy. Il se mit en marche le 1er Reby oul evvel 358 (28 janvier 969) et entra à Misr le 16 Cha'aban (6 juillet) de la même année. Il gouverna l'Egypte au nom de Mouizz lidin illah jusqu'à l'arrivée de ce prince au mois de Moharrem 364 (octobre 974). Le qaïd Djauher mourut a Misr le 20 Zil Qa'adèh 381 (29 janvier 992).
Aucun historien ne fait mention de la légende que raconte notre voyageur. L'armée de Djauher était campée à Djizèh, sur la rive gauche du Nil, et elle passa le fleuve sur un pont de bateaux pour venir camper dans la plaine où s'élève aujourd'hui le Caire.
[78] Ce que Nassiri Khosrau dit ici du khalife Mouizz lidin illah doit s'appliquer à son lieutenant, le qaïd Djauher. Celui-ci établit son camp dans la plaine sablonneuse qui s'étend entre Misr et Aïn ech Chems (Héliopolis). Cette plaine était traversée par la route qui reliait ces deux villes et par le canal qui portait, à cette époque, le nom de Khalidj Emir el Honmenin (canal du Prince des fidèles). Les marchands et les voyageurs qui se rendaient en Syrie s'y réunissaient dans l'endroit qui portait le nom de Miniet el Asbagh; ceux qui entreprenaient le voyage du Hedjaz se réunissaient au puits d'Omeïfèh. Il n'y avait, à l'époque de l'arrivée de Djauher, d'autres bâtiments que ceux qui dépendaient du jardin d'Ikhchid Mohammed ben Thefedj, et un couvent chrétien appelé Deir el Idham (le couvent des Ossements) à cause des nombreux corps saints qui y étaient conservés. L'enceinte de la ville du Caire fut tracée le 24 Djoumazy oul akhir 359 (14 mai 969). Les tribus et les peuples étrangers qui avaient fourni des soldats à l'armée de Djauher reçurent chacun un emplacement pour y construire un quartier qui leur fut affecté. Topographie de l’Egypte et du Caire, pages 359—361.
[79] Le palais occupé par les khalifes Fatimides était situé dans la partie orientale du Caire et portait le nom de Qaçr el Kebir ech Charqy (le grand Palais oriental) ou celui de Qaçr el Mouïzzy (Palais de Mouizz). Mouizz lidin illah en avait désigné remplacement et donné le plan au qaïd Djauher lorsque celui-ci partit pour l'Egypte. La construction des murs qui entouraient le palais fut achevée en 360 (970).
Mohammed Hassan ibn Ibrahim ben Zoulaq, qui a écrit l'histoire du khalife Mouizz lidin illah, rapporte que ce prince entra dans ce palais le samedi 23 Ramazan 362 (28 juin 973) : il se prosterna au moment d'en franchir le seuil et fit une prière de deux rikaat. Il y installa ses enfants, ses officiers, les gens de son service particulier et ses esclaves et il y fit déposer ses trésors. Topographie de l’Egypte et du Caire, tome Ier, pages 384—387.
[80] Makrizy rapporte que, lorsque Salah ed-Din fit sortir du palais le dernier khalife Fatimide, il y avait douze mille esclaves achetées à prix d'argent, et il n'y avait, appartenant au sexe masculin, que le khalife, ses parents et ses enfants. Makrizy nous apprend aussi que le service des mules et des ânesses que montait le khalife pour traverser les passages souterrains qui conduisaient au dehors du palais, était fait pendant la nuit par des filles esclaves.
[81] Makrizy nous donne les noms et la description des bâtiments et des salles d'apparat que renfermait l'enceinte du palais. Il donne également les noms de quelques-unes des portes. Topographie de l’Egypte, tome Ier, pages 385—435. On peut aussi consulter à ce sujet un passage d'Aboul Mehassin Djémal ed-Din Youssouf ibn Taghry Berdy. Noudjoum ez Zahirèh etc. Leyde 1855, tome II, page 412.
[82] Ce palais est celui qui portait le nom de Qasr el Gharby (le palais de l'Occident) ou de Qasr el Bahr. La construction en avait été commencée par le khalife Aziz billah, fils de Mouizz lidin illah ce prince l’avait assigné pour demeure à sa fille Sitt el Moulk, sœur aînée de Hakim bi amr illah. Mostansser billah le fit achever en l’année 450 (1058) dans la pensée d’en faire la résidence du khalife Abbasside Qaïm bi amr illah et de sa famille qu’il eut, un instant, l’idée de fane venir au Caire.
Makrizy parle en plusieurs endroits de ces passages souterrains ou Serdab qui faisaient communiquer les palais les uns avec les autres. Topographie de l’Egypte tome Ier page 457 et passim
[83] Les fonctions de vizir furent exercées pendant le séjour de Nassiri Khosrau en Egypte par plusieurs personnages. Le khalife Mostansser les confia après la mort d’Ahmed ibn Aly el Djardjaray à Hassan ibn el Anbary qui fut exécuté au mois de Moharrem 440 (1048) après avoir subi les plus horribles tortures. Il fut remplacé par Abou Nasr Sadaqah el Felahy, juif d’origine et qui avait embrassé l’islamisme. Sadaqah el Felahy fut aussi mis à mort et sa place fut donnée à Aboul Berekat Hussein el Djardjaray qui fut exilé en Syrie en 441 (1049). Il eut pour successeur Aboul Fadhl ibn Massoud. Celui-ci n’exerça pas longtemps le pouvoir et la dignité de vizir fut conférée à Abou Mohammed Hassan ibn Aly el Yazoury qui conserva les fonctions de Qadhi oul Qoudhat. Je crois que Nassiri Khosrau a voulu désigner Hussein el Djardjaray.
[84] En l’année 402, Hakim fit défendre de vendre des raisins secs ; des ordres écrits huent envoyés pour en empêcher l’importation ; il y eut une très grande quantité de ces raisins jetés dans le Nil ou brûlés. Hakim interdit aux femmes de visiter les tombeaux de leurs proches et l’on n’en vit plus une seule dans les cimetières aux jours de fêtes. Des défenses furent faites pareillement de se réunir sur le bord du Nil pour se divertir et de vendre des raisins frais… il fut aussi défendu d’en exprimer le jus… l’importation fut prohibée. Toutes les vignes de Djizeh furent coupées et des ordres envoyés de tous côtés pour qu’on exécutât la même chose partout.
En l’année 404 Hakim défendit absolument aux femmes de marcher dans les rues et l’on ne vit plus aucune femme dans les chemins ; les bains destinés aux femmes furent fermés, les cordonniers eurent défense de leur faire des souliers et les boutiques de ces ouvriers devinrent inutiles Makrizy, Histoire du khalifat de Hakim bi amr illah, dans la Chrestomathie arabe de M Silvestre de Sacy, 2e édition, tome Ier, pages 104, 105 et 108.
[85] Le mur que le qaïd Djauher fit élever autour du Caire était percé de plusieurs portes. Du côté de la qiblèh il y en avait deux qui étaient appelés Babey Zoueïleh ; elles donnaient accès au quartier de ce nom. Mouizz lidin illah, lors de son entrée dans sa nouvelle capitale, passa par la porte de droite à cause de l’heureuse influence que l’on supposait y être attachée. La porte de Zoueïlèh fut déplacée en 485 (1092) par le vizir de Mostansser billah, l’émir el Djouïouch Bedr el Djemaly.
Bab en Nasr s’ouvrait dans la direction du Nil. Elle fut également déplacée et reconstruite par Bedr el Djemaly. Bab el Foutouh était placée à l'extrémité du quartier de Beha ed-Din, au dessous de l’enceinte de la mosquée de Hakim bi amr illah. Le jambage qui se trouvait à la gauche de la porte et l’arceau qui le surmontait existaient encore au XVe siècle. On y remarquait une inscription en caractères koufiques. Bab el Qantharah doit son nom au pont que Djauher fit jeter sur le canal ou Khalidj, pour se rendre au Maqs, lors de l’invasion des Qarmathes en 360 (970). Bab el Khalidj, la porte du canal ou Bab Saadèh s’ouvrait dans la direction de Djizèh. Elle devait son nom à un officier de Mouizz lidin illah, Saadèh ibn Hayyan qui vint du Maghreb au Caire en 364 (971).
Cf. Topographie de l’Egypte tome Ier pages 380—383. Aboul Mehassin Youssouf ibn Taghry Berdy, Noudjoum ez Zahirèh, Leyde 1855, tome II, page 413.
[86] On appelle rey, ou ravièh les grandes outres placées sur les chameaux ; qirbèh celles qui sont portées par des ânes ou à dos d'hommes. Les vases en cuivre sont nommés ibriq et ceux qui s'en servent, pour vendre ou distribuer l'eau, himaly. Ed. W. Lane, An account of the manners and customs of the modern Egyptian, Londres 1836, tome II, pages 14—17.
[87] Le grand nombre des jardins que renfermait le Caire et la magnificence des maisons des gens riches ont frappé les voyageurs du moyen âge et ceux des XVe et XVIe siècles qui ont visité cette ville. Jehan Thenaud qui accompagna André Le Roy, envoyé par Louis XII auprès du sultan Ghoury, est de tous les écrivains celui qui nous a laissé la description la plus détaillée
« Au dict lieu (Boulaq) vint a nous ung admiral de par le souldan avecques certains Mammeluz, chevaulx et asnes poui nous conduite au logis que nous avoit assigné le souldan que avoit faict bastir ung sien secrétaire sur une fosse du Nil, auquel six ou sept belles salles pavées de marbre, porphyre, serpentines et aultres riches pierres assises par singulier art avecques les murailles encroustées de mesmes, painetes d’or et d’asur et riches couleurs, les portes estoient ornées d’yvoyre, ebene et aultres singularités, mais l’ouvraige surmontoit tousiours la matière. Es dites salles, inesmement es basses estoyent fontaines par lesquelles venoient des baingz, eaues froides et chauldts par subtilz conduitz. L'on disoit celuy logis avoir couste a faut quatre vingt mille straps dor et que dedans le Cayre en avoit cent mille plus beaux en comparaison, dont en veis plusieurs. Pres le dict lieu estoyent moult sumptueuix et grans jardins plains de tous fruictieis comme citrons, lymons, citrulles, oranges, aubercotz, cassiers et pommes de musez ou d’Adam pour ce que l’on dict estre le fruict du quel Adam oultrepassa le commandement de Dieu. Lesquelz jardins tous les soirs et matins sont arrousez de l’eau du Nil que tirent beufz et chevaux. » Le voyage et itinaire de oultre mer faict par Frère Jehan Thenaud, maistre en art docteur en théologie et gardien des freres mineurs d’Angoulesme On les vend a Paris, en la rue Neufve Nostre Dame, a l’enseigne Sainct Nicolas s d, f° 13 et 14.
[88] Ce canal était appelé, sous les khalifes Fatimides, Khalidj Emir el moumenin (canal du Prince des fidèles). Makrizy lui a consacré une notice historique très détaillée qui a été traduite par M. Langlès et msuée dans le tome VI des Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale Paris, an IX, pages 348—346.
[89] Le pavillon de la Perle s’élevait non loin de Bab el Qantharah. La façade de l'est donnait sur le jardin de Kafour et celle de l'ouest sur le canal. C'était un bâtiment d'une construction élégante et on le citait comme une merveille. De ce pavillon, l’œil embrassait le canton de la Timbalière (Ardh eth Thabbalèh), le canton de Louq et toute la campagne qui s’étend dans la direction de la qiblèh ; on voyait également le Nil coulant derrière les jardins. Ce pavillon avait été construit par le khalife Aziz billah. Au commencement du règne de Hakim bi amr illah, il servit de résidence au vizir Berdjouan qui l’occupa depuis l’année 388 (998) jusqu’à sa mort arrivée en 390 (1000). Hakim bi amr illah donna en 402 (1011) l’ordre de le démolir et il autorisa le pillage de tout ce qui s’y trouvait. Le palais de la Perle fut reconstruit par le khalife ed Dhahir li izaz din illah. Les khalifes el Amir bi ahkam illah (524 [1130]), el Hafiz lidin illah (541 [1149]) et el Faïz bi nasr illah (555 [1160]) y moururent et leurs corps furent transportés au Qasr ech Charqy par le souterrain qui reliait ces deux résidences. Topographie de l’Egypte, tome Ier, pages 467—469.
[90] La mosquée el Azhar fut bâtie par le qaïd Djauher qui en jeta les fondements le 4 Djoumazy oul evvel de l’an 359 (4 mars 970). La construction en fut achevée le 21 Ramazan 361 (3 juillet 973)
Makrizi donne la copie de l’inscription qui se trouvait autour de la coupole du premier portique à droite du minber et du mihrab Au nom du Dieu clément et miséricordieux ! Celui qui ordonné la construction de cette mosquée est le serviteur de Dieu et son vicaire Abou Temim Ma’add l’Imam el Mouizz lidin illah prince des fidèles. Que Dieu répande ses bénédictions sur ses aïeux et ses augustes enfants ! Cette tâche a été remplie par son esclave Djauher le Katib (secrétaire) originaire de la Sicile, l’an trois cent soixante. » La première prière publique y fut faite le 23 du mois de Ramazan 361 (5 juillet 973)
La construction de la mosquée de Hakim commencée pendant le règne de Aziz billah ne fut achevée que sous celui de son fils, le khalife Hakim bi amr illah. Cet édifice s’élevait autrefois hors de la ville près de Bab el Foutouh (la porte des Victoires). Il fut englobé dans l’enceinte du Caire lorsque Bedr el Djemil agrandit et reconstruisit les murailles de la ville. Makrizi a consacré une notice détaillée dans sa Topographie de l’Egypte, tome II, pages 277-282 à cette mosquée qui est aujourd’hui abandonnée et à moitié ruinée. Elle portât le nom de Djami el Anouer, la mosquée la plus lumineuse.
Aucun des écrivains orientaux qui se sont occupés de la description et de l’histoire des monuments du Caire ne fait mention d’une grande mosquée ayant porté le nom de Mouizz. Il faut substituer aux mots qui se trouvent dans le texte ceux Maqs. Elle fut construite par Hakim bi amr illah dans le quartier de Maqs qui s’étendait sur le bord du Nil. A côté de cet édifice s’élevait un pavillon ou les khalifes se rendaient quelquefois pour jouir du spectacle de la flottille des barques du Nil. Une partie de cette mosquée minée par les eaux du fleuve s’écroula en 585 (1189). Lorsque Salah ed-Din entoura le Caire d’une enceinte fortifiée le pavillon de plaisance fut démoli et on éleva sur son emplacement une tour qui reçut le nom de Qala’at el Maqs. Topographie de l’Egypte, tome II, p 283.