Alathyr

IBN-ALATHYR

 

ANNALES DU MAGHREB ET DE L'ESPAGNE

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Traduction française : Mr. ED. FAGNAN

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

ANNALES DU MAGHREB & DE L’ESPAGNE

PAR

IBN EL-ATHIR

Revue Africaine, 1899.

 

Quelques hommes s’étant alors entendus pour égorger Aboû Yezîd, firent connaître leur projet à El-K’â’im, qui les encouragea par ses promesses ; mais la victime désignée apprit ce qui se tramait, et fit exécuter les conjurés. Des Berbères pénétrèrent de nuit chez un habitant de Kayrawân, à qui ils enlevèrent ce qu’il possédait, en outre de ses trois filles vierges. Quand le peuple se réunit dans la grande mosquée pour dire la prière de l’aurore, cet homme se leva et raconta en poussant des cris de désespoir ce qui lui était arrivé ; les assistants alors se mirent à crier avec lui et une grande foule se porta auprès d’Aboû Yezîd, à qui elle fit entendre des paroles violentes. Celui-ci s’excusa, calma ces exaspérés et leur fit rendre les trois jeunes filles. Ils s’éloignaient quand ils trouvèrent sur leur chemin un cadavre qu’on leur dit être celui d’un homme tué par Fad’l ben Aboû Yezîd, qui s’était ainsi débarrassé du mari d’une jolie femme pour enlever celle-ci. La foule porta le cadavre à la grande mosquée, disant qu’on ne pouvait plus que reconnaître l’autorité d’El-K’â’im et songeant à assaillir l’hérésiarque. Alors les compagnons d’Aboû Yezîd, s’assemblant auprès de celui-ci lui exprimèrent leur blâme, lui disant : « Tu as ainsi ouvert contre toi-même une porte que tu n’es pas en état de manœuvrer, d’autant plus qu’El-K’â’im est proche de nous ». En conséquence, il réunit les habitants de la ville, à qui il fit ses excuses en leur promettant que dorénavant il ne tuerait ni ne pillerait plus et qu’il respecterait leurs femmes. Or des captifs de Tunis étant arrivés pendant qu’ils se trouvaient encore auprès de-lui, la population se jeta sur eux et leur rendit la liberté.

‘Ali ben H’amdoûn, officier d’El-K’â’im, avait reçu de celui-ci l’ordre de réunir des guerriers et autres combattants qu’il pourrait trouver dans la région de Mesîla ; il leva ainsi un grand nombre d’hommes de Mesîla, de Sétif et autres lieux, et suivi par une partie des Benoû Hirâs (sic), il se dirigea vers Mehdiyya. Il ignorait la présence à Bâdja d’Ayyoûb ben Aboû Yezîd, [P. 325] qui fondit sur lui, le battit à plate couture en lui tuant beaucoup de monde et s’empara de ses bagages, de sorte qu’Ali dut s’enfuir. Ayyoûb détacha alors un corps de cavalerie contre des troupes envoyées à Tunis par le fils du Mahdi, et à la suite d’un sanglant combat, celles-ci furent encore battues et dispersées ; mais elles revinrent une seconde, puis une troisième fois à la charge, bien décidées à vaincre ou à mourir : elles chargèrent comme un seul homme et restèrent maîtresses du champ de bataille. Cette défaite d’Ayyoûb, qui perdit énormément de monde en outre de ses bagages et de ses approvisionnements, eut lieu en rebî’ 1334 (10 oct. 945), et il regagna Kayrawân avec ceux des siens qui survécurent.

Troublé par cette catastrophe, Aboû Yezîd voulait, évacuer Kayrawân, mais ses compagnons lui conseillèrent d’attendre et de ne rien précipiter. Il reconstitua une nouvelle et imposante armée à la tête de laquelle il envoya Ayyoûb combattre une seconde fois ‘Ali ben. H’amdoûn. La bataille s’étant engagée au lieu dit, Balt’a,[1] le succès resta d’abord indécis penchant tantôt d’un côté tantôt de l’autre. Or ‘Ali avait confié la garde de la ville à des gens qui avaient sa confiance, entré autres à un nommé Ahmed, qui gardait l’une des portes. Cet homme ayant fait offrir à Ayyoûb de la lui livrer moyennant une somme d’argent, ce général accepta le marché et dirigea le combat du côté de cette porte, qu’Ahmed lui ouvrit ; ses soldats s’y précipitèrent et égorgèrent tous ceux qui étaient dans la ville. ‘Ali dut s’enfuir chez les Ketâma avec trois cents cavaliers et quatre cents fantassins. De là il adressa aux tribus des Ketâma, des Nefza, des Mezâta et autres un appel qui fut entendu, et il les mena contre Constantine. Il expédia aussi contre les Hawwâra un corps d’armée qui se livra au massacre et au pillage. Aboû Yezîd, quand il apprit ce que souffrait un peuple sur qui il s’appuyait, expédia de ce côté des troupes nombreuses et se suivant en ligne ininterrompue, il y eut de nombreux engagements où ‘Ali et les troupes d’El-K’â’im eurent toujours le dessus. Ce général conquit notamment sur Aboû Yezîd les villes de Tidjis et de Bâghâya.[2]

[P. 326] Siège de Sousse par Aboû Yezîd, qui doit ensuite s’éloigner.

En présence de la défaite de ses guerriers, Aboû Yezîd redoubla d’efforts et réunit ses troupes pour les mener contre Sousse le 6 djomâda II de cette année (12 janvier 946). Il mit un siège rigoureux devant cette ville, qu’occupait une garnison installée par El-K’â’im, et lui livra des combats quotidiens où il avait tantôt le dessus tantôt le dessous ; il fit aussi usage de tours mobiles et de mangonneaux, et les assiégés perdirent beaucoup de monde. Il l’assiégeait encore quand El-K’â’im, au mois de ramad’ân, désigna pour lui succéder son fils Ismâ’îl el-Mançoûr, et mourut peu après, ainsi que nous le dirons ; mais le nouveau prince cacha la mort de son père, car il avait à redouter le voisinage d’Aboû Yezîd, occupé devant Sousse. Il s’occupa d’abord de faire construire des navires, qu’il remplit de guerriers et qu’il envoya à Sousse sous le commandement de Rechîk’, le secrétaire, et de Ya’k’oûb ben Ish’âk’, mais en leur défendant d’engager le combat sans qu’il leur en donnât l’ordre ; puis il partit lui-même le lendemain pour Sousse, sans dire d’ailleurs à ses compagnons où il les menait. Mais quand, arrivés à mi-route, ceux-ci virent de quoi il s’agissait, ils le supplièrent de retourner sans s’exposer au péril, et il se rendit à leur demande, en envoyant cependant à Rechîk’ et à Ya’k’oûb l’ordre de mettre au combat toute l’ardeur nécessaire. À l’arrivée de ces chefs à Sousse, Aboû Yezîd avait préparé le bois nécessaire pour incendier les murailles et fait construire une énorme tour mobile. La flotte de secours ayant fait sa jonction avec les assiégés, une sortie fut tentée contre Aboû Yezîd, qui se mit en selle et combattit avec acharnement, si bien qu’une partie des troupes d’El-Mançoûr dut rentrer dans la ville. Alors Rechîk’ mit le feu au bois amoncelé par ordre du chef ennemi, ainsi qu’à la grande tour mobile ; l’atmosphère fut bientôt obscurcie par la fumée, puis le feu accomplit son œuvre de destruction. Alors Aboû Yezîd et les siens prirent peur, croyant que ceux des leurs qui se trouvaient de ce côté avaient péri, ce qui permit aux soldats d’El-Mançoûr, alors qu’on ne se voyait plus les uns les autres, d’entretenir l’incendie jusqu’au bout. Aboû Yezîd et les siens ayant pris la fuite, les assiégés firent une sortie, tombèrent à coups d’épée sur les Berbères restés en arrière et mirent le feu aux tentes du camp. Aboû Yezîd se sauva avec une telle précipitation, qu’il arriva à Kayrawân le jour même ; les Berbères filèrent droit devant eux, [P. 327] et ceux qu’épargna le fer succombèrent à la faim et à la soif. Aboû Yezîd, arrivé sous les murs de Kayrawân, se vit refuser l’entrée de la ville par les habitants, qui, se tournant contre leur gouverneur, commencèrent le siège de son hôtel ; ils songeaient à en briser la porte, quand cet officier sut détourner leur attention par les pièces d’or qu’il leur jeta à la figure, et put ainsi rejoindre Aboû Yezîd. Celui-ci emmena sa femme, mère d’Ayyoûb, et suivi de ses partisans et de leurs familles, il se transporta à Sebîba, à deux journées de Kayrawân, et y établit son camp.

Conquête de Kayrawân par El-Mançoûr et déroute d’Aboû Yezîd

El-Mançoûr, informé de ces faits, se rendit à Sousse le 22 chawwâl de cette année (26 mai 946) et campa en dehors des murs. La conduite des Kayrawâniens le remplit de satisfaction ; il leur adressa des lettres de grâce, car leur soumission à Aboû Yezîd avait excité sa colère, ainsi que des hérauts chargés de proclamer l’amnistie. Les ayant ainsi tranquillisés, El-Mançoûr se mit en marche et arriva dans cette ville le jeudi 23 chawwâl (27 mai) ; les habitants se portèrent au-devant de lui et recueillirent de sa bouche la confirmation de l’amnistie et des promesses de bons traitements. Ayant trouvé à Kayrawân une partie du harem et des enfants de son adversaire, il les envoya à Mehdiyya et leur assigna de quoi vivre.

Après qu’il eut concentré ses troupes, Aboû Yezîd envoya vers K’ayrawâtr un détachement en reconnaissance. À cette nouvelle, El-Mançoûr dépêcha aussi un détachement qui engagea le combat ; mais l’ennemi ayant préparé une embuscade feignit de prendre la fuite, et les soldats d’El-Mançoûr, s’étant mis à le poursuivre, tombèrent sur les hommes placés en réserve, qui leur tuèrent et blessèrent beaucoup de monde. Ce succès s’ébruita et attira de nombreux adhérents à Aboû Yezîd, qui revint alors camper sous les murs de K’ayrawân. Comme El-Mançoûr avait fait couvrir le front de son armée par un fossé, Aboû Yezîd divisa ses forces en trois groupes, et lui-même, se mettant à la tête des plus braves des siens, dirigea l’attaque du côté du fossé. L’affaire fut chaude, mais le succès fut d’abord pour El-Mançoûr. Une nouvelle attaque eut lieu : El-Mançoûr prenait part au combat et chargeait de droite et de gauche, tandis que le parasol qui ombrageait sa tête le signalait aux regards. Ses cinq cents cavaliers, hors d’état de résister aux trente mille d’Aboû Yezîd, furent complètement mis en déroute [P. 328] et refoulés dans le fossé, où le pillage commença. Comme il n’avait plus autour de lui qu’une vingtaine d’hommes, Aboû Yezîd se précipita vers lui ; mais El-Mançoûr alors lui fit tête, et, l’épée à la main, il chargea lui-même son adversaire et faillit-le tuer. Aboû Yezîd alors tourna bride, et le Fatimide, tuant tous ceux qu’il put atteindre, fit rallier ses troupes, qui avaient déjà pris la direction de Mehdiyya et de Sousse, et le combat se poursuivit jusqu’à midi. Le carnage fut grand dans cette bataille, qui compte parmi les plus célèbres et qui n’avait pas eu encore sa pareille. La bravoure qu’y déploya El-Mançoûr dépassa tout ce qu’on attendait de lui et augmenta le prestige dont il jouissait aux yeux des populations.

Aboû Yezîd, après s’être retiré de K’ayrawân à la fin de dhoû’l-ka’da 334 (fin juin 946), y revint ensuite, mais sans que personne en sortit pour se porter contre lui, et il recommença ce manège à plusieurs reprises. El-Mançoûr fit alors proclamer la mise à prix de la tête de son ennemi, promettant dix mille dinars à qui la lui apporterait, puis il donna le signal du combat. À la suite d’un vif engagement, ses troupes furent d’abord battues et regagnèrent leur fossé ; puis elles reprirent l’avantage, et quand on se sépara les deux armées avaient subi de fortes pertes et avaient été également maltraitées. La guerre continua avec des avantages partagés, et Aboû Yezîd se mit alors à envoyer des détachements qui interceptèrent les communications de la route de K’ayrawân à Mehdiyya et à Sousse. Puis il fit demander par ses messagers à El-Mançoûr de lui remettre ceux de ses femmes et de ses enfants qui étaient restés à K’ayrawân et dont son adversaire s’était emparé, promettant par contre, sous la foi des serments les plus sacrés que, si lui-même et ses compagnons obtenaient grâce d’El-Mançoûr, ils reconnaîtraient l’autorité de celui-ci. Le Fatimide consentit ; il fit revenir ceux qu’on lui réclamait et les adressa à son adversaire, non sans les avoir traités honorablement, revêtus de beaux habits et gratifiés de cadeaux. Mais quand Aboû Yezîd les eut auprès de lui, il viola ses serments et refusa de rien faire, disant qu’El-Mançoûr avait, en les lui renvoyant, obéi à la peur.

Ainsi finit l’année 334, et quand 335 (le 1er août 946) commença, l’état de guerre où l’on vivait était toujours le même. Le 5 moharrem (5 août), une attaque d’Aboû Yezîd amena un engagement où l’acharnement fut inouï : à une charge des Berbères [P. 329] El-Mançoûr en personne répondit par une autre charge où il ne ménagea pas les coups, et à la suite de laquelle ses ennemis durent fuir en laissant sur le terrain une foule de morts. À la mimoharrem (15 août), El-Mançoûr disposa ses troupes en ordre de bataille, formant l’aile droite des contingents d’Ifrîkiyya, l’aile gauche des Ketâma, lui-même constituant le centre avec ses esclaves noirs et ses intimes. Alors Aboû Yezîd chargea l’aile droite qu’il enfonça, puis chargea le centre ; mais El-Mançoûr le prévint : poussant le cri « aujourd’hui sera, si Dieu le veut, le jour de la victoire, » lui et les siens chargèrent comme un seul homme, et Aboû Yezîd fut mis en déroute. Les sabres s’abattirent sur la tête des soldats de l’hérétique, et tout ce monde prit la fuite, subissant des pertes énormes et abandonnant les bagages, tandis qu’Aboû Yezîd piquant droit devant lui gagna Tâmedît.[3] Les enfants de Kayrawân ramassèrent dix mille têtes sur le champ de bataille.

Aboû Yezîd est tué

À la suite de cette défaite, El-Mançoûr prit ses dispositions pour poursuivre son ennemi et se mit en campagne dans les derniers jours de rebî’ I 335 (fin octobre 946), après avoir confié la ville aux soins de Medhàm le Sicilien.[4] Il l’atteignit sous les murs de Bâghâya, dont Aboû Yezîd avait commencé le siège à la suite du refus que lui avaient opposé les habitants lorsque, après sa défaite, il avait voulu s’y réfugier. L’hérétique était près de l’emporter quand l’approche de son vainqueur le fit fuir ; mais partout où il voulut aller pour s’abriter, il trouva qu’El-Mançoûr l’avait devancé, si bien qu’il arriva à T’obna. El-Mançoûr reçut alors des envoyés de Mohammed ben Khazer[5] Zenàti, l’un des principaux partisans d’Aboû Yezîd, qui faisait demander l’amnistie ; ce prince la lui accorda, mais à condition qu’il surveillât Abou Yezîd, qui, toujours fuyant, arriva à la montagne des [Benoû] Berzâl, Berbères qui avaient embrassé ses doctrines, et de là gagna le désert pour faire perdre ses traces. De nombreux partisans s’étant alors ralliés à lui, il revint vers la région de Mak’k’ara,[6] où se trouvait El-Mançoûr. En vain Aboû Yezîd disposa ses hommes en embuscade ; la ruse fut découverte, [P. 330] et il dut se battre en bataille rangée. El-Mançoûr, voyant son aile droite enfoncée, chargea lui-même avec son entourage, et son ennemi, battu et toujours poursuivi, gagna la montagne de Salât.[7] Il se rendit ensuite à Mesîla, El-Mançoûr le poursuivant au travers de montagnes abruptes et de vallées encaissées par les chemins les plus difficiles. Le prince ne voulait pas s’arrêter, mais les guides lui apprirent que jamais aucune armée n’avait passé par là ; la situation était d’ailleurs très difficile, car l’orge nécessaire à la nourriture d’une seule monture coûtait un dinar et demi, et l’outre d’eau se vendait un dinar ; que par delà se trouvaient la région des sables et les déserts du Soudan, entièrement inhabités, de sorte qu’Aboû Yezîd allait mourir de faim et de soif au lieu de périr par l’épée. Alors Aboû-Mançoûr, retournant vers le pays des Çanhâdja, gagna un village connu sous le nom de Demra,[8] où il fut rejoint par l’émir Zîri ben Mennâd Çanhâdji H’imyari, qui lui amenait des contingents çanhadjiens. Ce Zirî est l’aïeul des Benoû Bàdîs, princes qui régnèrent en Ifrîkiyya et dont nous reparlerons. Il fut honorablement reçu par El-Mançoûr, qui lui fit des présents. Alors arriva une lettre où Mohammed ben Khazer faisait connaître la région des sables où se trouvait Aboû Yezîd. Mais dans ce temps-là El-Mançoûr tomba gravement malade et faillit mourir ; néanmoins, il se rétablit et partit le 2 redjeb (26 janvier 947) pour Mesîla, où il avait été devancé par son ennemi, qui, le sachant malade, en avait commencé le siège.

Aboû Yezîd, voyant qu’El-Mançoûr était près de l’attaquer, décampa et songea à se retirer au Soudan ; mais comme les Benoû Kemlân et les Hawwâra, trompant ses prévisions, se refusèrent à le suivre, il monta vers les montagnes des Kiyâna[9] des ‘Adjîsa et autres peuplades, où il se fortifia et dont les populations se joignirent à lui pour ensuite descendre dans la plaine et s’y livrer à des déprédations. Le 10 cha’bân (5 mars), El-Mançoûr s’avança de son côté, mais Aboû-Yezîd ne quitta pas les hauteurs et se borna à attaquer l’arrière-garde quand le Fatimide opéra sa retraite ; mais celui-ci fit alors volteface, et la bataille qui s’engagea finit par la déroute d’Aboû Yezîd, qui abandonna ses enfants et ses partisans. Deux cavaliers l’atteignirent et coupèrent les jarrets de sa monture ; des compagnons de sa fuite le remirent en selle, puis Zîri ben Mennâd, qui put le rejoindre, parvint à le frapper d’un coup de lance, mais fut lui-même blessé ; une ardente mêlée s’engagea autour d’Aboû Yezîd, que ses compagnons purent cependant délivrer, [P. 331] et qui eux-mêmes se tirèrent d’affaire. La poursuite à laquelle se livrèrent les soldats fatimides coucha plus de dix mille hommes sur le terrain. Le 1er ramad’ân (25 mars 947), El-Mançoûr reprit la chasse, et il fut livré une nouvelle bataille où aucun des deux partis ne put d’abord s’échapper, tant l’endroit était resserré et difficile ; mais, finalement, Aboû Yezîd fut encore battu et ses bagages furent livrés aux flammes. Alors ses partisans, gravissant les sommets des montagnes, firent, rouler des rocs sur les assaillants ; El-Mançoûr se trouva en pleine mêlée, et des engagements corps à corps amenèrent un massacre tel qu’on pouvait croire que c’était la fin de tout. Le succès cependant resta indécis, et Aboû Yezîd put se retirer dans la forteresse de Kiyâna,[10] qui était inexpugnable. Ce jour-là même, un corps (djond) de Ketâma qui était au service d’El-Mançoûr amena à ce prince un homme qui avait émis chez eux des prétentions à la souveraineté et qu’il fit exécuter.[11] D’autre part, les Hawwâra et la plupart des partisans d’Aboû Yezîd vinrent alors demander l’amnistie, qui leur fut accordée. Le prince se dirigea ensuite contre la forteresse de Kiyâna, où était l’hérétique, et il commença le siège de la place, autour de laquelle il répartit ses contingents. Les assiégés engagèrent le combat, et à plusieurs reprises El-Mançoûr y prit part ; à la dernière attaque, les siens s’emparèrent d’une portion du fort et y lancèrent des projectiles incendiaires, devant lesquels les défenseurs s’enfuirent après avoir résisté bravement. Alors Aboû Yezîd, ses enfants et ses principaux compagnons se concentrèrent dans un des forts de la place ; mais on en incendia les portes, et la mort s’abattit sur eux. El-Mançoûr fit alors mettre le feu aux broussailles de la montagne et (alluma des bûchers) auprès de lui, pour que son ennemi ne pût s’échapper dans les ténèbres, et l’on y vit dans la nuit comme en plein jour. Cependant quand la nuit fut près de finir, les assiégés se chargèrent de leur chef et firent une charge furieuse devant laquelle les rangs s’ouvrirent, et ils purent sauver Aboû Yezîd. Beaucoup d’hommes étant alors sortis de la forteresse, on les fit prisonniers, et l’on apprit par eux la fuite de leur chef, qu’El-Mançoûr fit aussitôt rechercher, car, ainsi qu’il le dit, le fuyard ne pouvait être bien loin. On s’était mis en quête quand tout à coup on amena l’hérétique, dont trois des siens s’étaient chargés uniquement à cause de sa forte claudication, pour le tirer de la mêlée, après quoi ils l’avaient laissé, et, comme il descendait par un passage difficile, il était tombé dans un précipice, où l’on s’était emparé de lui.[12] El-Mançoûr se prosterna pour remercier Dieu, pendant que ses troupes l’entouraient en poussant le cri d’Allah akbar. Il garda jusqu’à la fin [P. 332] de moharrem 336 (vers le 20 août 947) son prisonnier, qui mourut de ses blessures.[13] El-Mançoûr le fit alors écorcher, et la peau bourrée de paille fut jetée dans une cage installée à cet effet et où elle devint le jouet de deux singes. Des lettres envoyées partout annoncèrent cette heureuse capture.[14]

El-Mançoûr eut encore à combattre divers hérétiques, entre autres Ma’bed[15] ben Khazer, qui voulait venir au secours d’Aboû Yezîd et qui fut vaincu en 336 (22 juill. 947). Fad’l ben Aboû Yezîd se révolta aussi, commit des dégâts et exerça le brigandage sur les routes. Il fut tué traîtreusement par un de ses compagnons, qui envoya sa tête à El-Mançoûr en la même année. Ce dernier regagna Mehdiyya en ramad’ân 336 (14 mars 948).

[P. 342] Mort d’El-K’â’im et avènement d’El-Mançoûr

Le 13 chawwâl 334 (17 mai 946), mourut le prince d’Ifrîkiyya El-K’a’im ben ‘Abd Allah, c’est-à-dire Aboû’l-K’âsim Mohammed ben ‘Obeyd Allah le Mahdi Alide. Il eut pour successeur son fils Ismâ’îl, surnommé El-Mançoûr billâh, qui tint secrète la mort de son prédécesseur, car il craignait que cette nouvelle ne parvînt aux oreilles d’Aboû Yezîd, qui était alors non loin de là, devant Sousse. Il laissa toutes les choses marcher comme devant, ne prit pas le titre de khalife et ne changea rien ni à la monnaie ni à la khotba ni aux étendards, tant qu’il ne se fut pas débarrassé d’Aboû Yezîd. Ce ne fut qu’après avoir étouffé cette insurrection qu’il révéla la mort de son père et se fit appeler khalife. Alors aussi il fit préparer des engins guerriers et construire des navires. C’était un prince habile et vaillant, dont la main détint l’autorité et contint les diverses provinces.

[P. 354] Gouvernement d’El-H’asan ben ‘Ali en Sicile[16]

En 336 (22 juil. 947), El-Mançoûr nomma au gouvernement de la Sicile El-H’asan ben ‘Ali ben Aboû’l-H’oseyn Kelbi, qu’il honorait de beaucoup de considération et qui avait pris une part glorieuse à la guerre contre Aboû Yezîd. Cette nomination eut pour cause la misérable situation où étaient tombés les musulmans de cette île vis-à-vis des infidèles sous l’impuissante et faible administration d’At’t’âf, à ce point que les chrétiens refusaient de verser le tribut imposé pour le maintien de la trêve. En outre, les Benoû’t-T’abari, qui étaient parmi les principaux de la communauté (djemâ’a) et qui avaient de nombreux partisans, attaquèrent, avec l’appui des habitants de la ville (capitale), ‘At’t’âf le jour de la rupture du jeûne 335 (24 avril 947) et lui tuèrent un certain nombre de guerriers, de sorte que ce chef dut s’enfuir dans la citadelle, tandis que les rebelles, après s’être emparés de ses drapeaux et de ses tambours, rentrèrent chez eux. ‘Aboû ‘At’t’âf[17] informa alors El-Mançoûr de ce qui se passait et lui demanda des secours ; mais ce prince (préféra) confier le gouvernement de l’île à El-H’asan ben ‘Ali, qui reçut l’ordre de rejoindre son poste.

El-H’asan s’embarqua donc sur la flotte et vint jeter l’ancre à Mâzer (Mazara), où personne ne vint le jour même à sa rencontre. [P. 355] Le soir, il reçut la visite de quelques hommes originaires de l’Ifrîkiyya, des Ketâma et d’ailleurs, qui lui dirent n’avoir pas osé, parce qu’ils craignaient Ibn et-T’abari et ceux du pays qui faisaient cause commune avec lui, le venir trouver (en plein jour) ; ils ajoutèrent qu’Ali ben et-T’abari, Mohammed ben ‘Abdoûn et d’autres étaient partis pour l’Ifrîkiyya en recommandant à leurs enfants d’empêcher El-H’asan de pénétrer dans l’intérieur et de se tenir à l’écart de sa flotte, jusqu’au jour où ils leur écriraient le résultat de la demande qu’ils allaient présenter à El-Mançoûr touchant le choix d’un autre gouverneur.

Ensuite il arriva des partisans d’Ibn et-T’abari qui voulaient se rendre compte de l’état des forces du nouveau venu, et dont la convoitise s’alluma quand ils virent leur peu d’importance ; ils tentèrent de surprendre El-H’asan, qui leur rendit la pareille ; puis ils retournèrent à la ville après qu’El-H’asan leur eut promis de ne pas bouger jusqu’à leur retour. Mais sitôt qu’ils furent partis, ce chef se dirigea à marches forcées sur la capitale, de façon à y arriver avant que la concentration des adhérents de ceux qui venaient de le quitter l’en empêchât. Arrivé à El-Beyd’a (Baida), il reçut la visite du chef de la ville, des employés des bureaux et de tous les gens d’humeur pacifique ; il alla au-devant d’eux, les reçut honorablement et s’enquit de la situation où ils se trouvaient. Quand Ismâ’îl ben et-T’abari connut leur démarche, il fut bien forcé de les imiter, et après avoir été accueilli de la même manière qu’eux, il rentra chez lui. El-H’asan entra alors dans la ville, soutenu par les sympathies de tous ceux qui n’étaient pas du parti des Benoû’t-T’abari et de leurs partisans. Ce que voyant, ledit Ismâ’îl fit la leçon à un Sicilien, réputé pour son audace, qui appela chez lui un esclave noir d’El-H’asan, et qui ensuite, se précipitant au dehors, se mit à appeler au secours en criant : « Voilà un homme qui a pénétré dans ma demeure et qui a pris de force ma femme sous mes yeux ! ». La foule se rassembla, et Ibn et-T’abari l’excita et provoqua ses craintes : « Voilà, s’écria-t-il, comment ils agissent avant même d’être maîtres du pays ! » Et, il leur dit d’aller trouver El-H’asan, persuadé qu’il était que ce chef ne sévirait pas contre son propre esclave et qu’alors la foule se soulevant l’expulserait. Comme cet homme continuait de crier et d’appeler au secours au milieu de la foule, El-H’asan le fit venir, l’interrogea, puis lui fit attester par serment la vérité de ses allégations ; ce serment prêté, il fit exécuter l’esclave coupable. Heureux de cet acte de justice, les habitants se mirent à dire que dorénavant [P. 356] ils auraient l’esprit tranquille et que leur pays prospérerait sous une administration impartiale. Les choses tournèrent donc contre le gré d’Ibn et-T’abari, mais El-H’asan n’était pas cependant délivré de toute crainte. El-Mançoûr fit ensuite savoir à El-H’asan que lui-même avait fait arrêter ‘Ali ben et-T’abari, Mohammed ben ‘Abdoûn, Mohammed ben Djenâ et ceux qui les accompagnaient, et lui enjoignit d’avoir à arrêter aussi Ismâ’îl ben et-T’abari, Redjâ ben Djenâ, Mohammed… et les adhérents de tous les personnages arrêtés. Mais l’exécution de cet ordre parut d’abord peu facile au gouverneur, qui ensuite fit dire à Ibn et-T’abari : « Viens donc me chercher pour me mener à la partie de plaisir que tu avais promis de me faire faire dans le jardin qui t’appartient ! » Il fit en outre dire, au nom d’Ibn et-T’abari lui-même, à tous ceux qui étaient visés de se rendre au jardin en question avec l’émir. L’invitation fut acceptée, et El-H’asan se mit à causer si longuement que la nuit survint et qu’il les invita à accepter l’hospitalité pour cette nuit ; puis il fit dire à ceux qui les avaient accompagnés que, en présence de l’offre faite par l’émir à leurs maîtres, ils pouvaient retourner chez eux jusqu’au lendemain. Alors El-H’asan fit arrêter les invités et saisit tous leurs biens, de sorte qu’il eut l’esprit tranquille et que la population, qui approuvait ces actes, reprit tout à fait courage. De plus, les chrétiens, en voyant ce qui se passait, firent payer par un moine trois années du tribut dû à raison de la trêve.

L’empereur de Roûm envoya ensuite en Sicile une forte armée commandée par un patrice qui fit sa jonction avec le stratège [de Calabre]. El-Mançoûr, informé de ces faits par El-H’asan ben ‘Ali, expédia à celui-ci une flotte portant, en outre des équipages, 7.000 cavaliers et 3.500 fantassins, et El-H’asan, joignant à ces renforts un grand nombre de combattants, se mit en campagne tant par ferre que par mer et arriva à Messine.[18] Les troupes de terre passèrent de là à Reggio, et El-H’asan couvrit la Calabre de colonnes expéditionnaires ; il installa son camp devant Gerace (Djerâdja), dont il poussa si vigoureusement le siège que les habitants étaient près de périr de soif, quand l’annonce d’une prochaine attaque de l’armée chrétienne le décida à faire la paix avec les assiégés contre versement d’une somme d’argent. [P. 357] Il marcha alors contre les ennemis annoncés, qui battirent en retraite devant lui, sans même combattre, jusqu’à Bari. Il mit ensuite le siège devant le fort de Cassano et le poursuivit pendant un mois, sans d’ailleurs cesser d’expédier des colonnes expéditionnaires dans les diverses régions de la Calabre ; alors les assiégés demandèrent et obtinrent la paix contre paiement d’une somme d’argent. La survenance de l’hiver détermina ensuite la retraite de l’armée sur Messine, port où la flotte hiverna également. Un ordre d’El-Mançoûr lui ayant enjoint de retourner en Calabre, El-H’asan franchit de nouveau le détroit et se dirigea encore sur Gerace. Le jour d’‘Arafa 340 (6 mai 952) eut lieu entre les musulmans et le stratège à la tête des chrétiens la plus terrible bataille qu’on vit jamais ; les chrétiens furent mis en déroule et poursuivis l’épée dans les reins jusqu’à la nuit ; ils perdirent de nombreux morts et laissèrent aux mains des vainqueurs leurs bagages, armes et montures.

Quand commença l’année 341 (28 mai 952), El-H’asan marcha sur Gerace, devant laquelle il mit le siège. Alors l’empereur chrétien Constantin lui ayant député pour solliciter une trêve, il y consentit, et regagna Reggio. Il fit édifierait centre de cette dernière ville une mosquée de grandes dimensions surmontée à l’un de ses angles d’un minaret, et stipula vis-à-vis des chrétiens le droit pour les musulmans d’entretenir ce temple, d’y pratiquer librement la prière et d’y faire l’appel à cet exercice du culte, la défense aux chrétiens d’y pénétrer ; le droit d’asile pour tout captif musulman, renégat ou non, fut reconnu à cet édifice, qui devait rester intact et d’où une seule pierre enlevée serait le signal de la destruction de toutes les églises de Sicile et d’Ifrîkiyya.’ Les chrétiens, humiliés et confus, durent se soumettre à toutes ces conditions.

Quant à El H’asan, il resta en Sicile jusqu’à la mort d’El-Mançoûr, et il en partit, comme nous le verrons, pour se rendre auprès d’El-Mo’izz, successeur de ce prince.

[P. 371] Guerre en Sicile entre les musulmans et les chrétiens[19]

Le prince alide d’Ifrîkiyya, El-Mançoûr, avait, on l’a vu, nommé en 336 (22 juillet 947) au gouvernement de la Sicile, El-H’asan ben ‘Ali ben Aboû’l-H’oseyn Kelbi. Quand ce général fut installé à son poste, ainsi que nous l’avons dit, il fit plusieurs expéditions contre les chrétiens de l’île, qui implorèrent le secours de l’empereur de Constantinople et à qui ce dernier envoya un important corps d’armée, qui débarqua à Otrante. El-H’asan, de son côté, fit connaître la situation à El-Mançoûr, qui lui envoya des troupes nombreuses commandées par son eunuque Farah’.[20] El-H’asan marcha alors sur Reggio avec son armée ainsi renforcée ; il envoya diverses colonnes en Calabre et serra Gerace de si près que les habitants étaient près de mourir de soif et qu’il semblait n’avoir plus qu’à prendre la ville, quand l’annonce que l’ennemi approchait lui fit conclure avec eux une trêve qu’ils payèrent à prix d’argent. Il se porta alors du côté des ennemis annoncés, qui se dispersèrent à son approche et évacuèrent même Otrante. À ce moment, El-H’asan installa son camp sous les murs du fort de Cassano ; il expédia de là diverses colonnes, puis accorda la paix à Cassano moyennant une certaine somme.

Cette situation se prolongea jusqu’au mois de dhoû’lh’iddja (mai 952). Une sanglante bataille fut livrée le jour de la fête des Sacrifices (7 mai) entre les musulmans et les soldats chrétiens de Constantinople soutenus par leurs coreligionnaires de l’île : les infidèles, mis en déroute et poursuivis jusqu’à la nuit, subirent des pertes en morts et en prisonniers ; tous leurs bagages, leurs armes et leurs montures devinrent la proie des vainqueurs, et les têtes des morts furent envoyées dans les diverses villes de Sicile et d’Ifrîkiyya. El-H’asan assiégea aussi Gerace, dont les habitants obtinrent la paix contre la promesse de payer une somme d’argent. Alors il se relira et envoya une colonne contre la ville de Petracucca, qui fut emportée et livrée au pillage.

El-H’asan ne quitta pas la Sicile jusqu’en 341 (28 mai 952), où, à la suite de la mort d’El-Mançoûr, il se rendit en Ifrîkiyya pour y rejoindre El-Mo’izz ben el-Mançoûr, mais en se faisant remplacer dans l’île qu’il quittait par son fils Aboû’l-H’oseyn Ahmed.

[P. 373] Mort d’El-Mançoûr l’Alide et avènement de son fils El-Mo’izz

Le dernier jour de chawwâl 341 (18 mars 953) mourut El-Mançoûr billâh, c’est-à-dire Aboû’l-T’âhir Ismâ’îl ben el-K’â’im Aboû’l-K’âsim Mohammed ben ‘Obeyd Allah le Mahdi : il avait régné sept ans et seize jours et était âgé de trente-neuf ans ; il parlait bien et improvisait des khotba toujours nouvelles ; la lutte qu’il soutint contre Aboû Yezîd témoigne de sa bravoure et de son intelligence.

Il mourut dans les circonstances suivantes. Il avait entrepris un voyage du côté de Sfax et de Tunis, puis du côté de Gabès, d’où il avait fait réclamer aux habitants de Djerba qu’ils le reconnussent. Ceux-ci en effet se soumirent, et il se relira en emmenant avec lui quelques uns des leurs ; son absence avait duré un mois, et il désigna (alors) en qualité d’héritier présomptif son fils Ma’add. Au mois de ramad’ân (janv.-fév.), il entreprit encore un voyage d’agrément du côté de Djeloûla,[21] endroit où il y a quantité de fruits et entre autres des cédrats d’une grosseur sans pareille, puisque quatre fruits d’une certaine espèce font la charge d’un chameau. Il en emporta à son palais, où ils excitèrent l’admiration d’une esclave favorite, et elle demanda à El-Mançoûr de les lui faire voir tenant encore à l’arbre. Le prince y consentit, et se rendit avec ses intimes et cette jeune fille à Djeloûla, où ils passèrent quelques jours. Mais en regagnant Mançoûriyya, il fut surpris par une longue période de vent violent et froid accompagné de pluie ; cependant il tint ferme et supporta la chute d’une grande quantité de neige. Plusieurs de ceux qui l’accompagnaient moururent, et le prince lui-même tomba dangereusement malade, parce qu’à son arrivée à Mançoûriyya, et contrairement à la défense de son médecin Ish’âk’ ben Soleymân Isrâ’ili,[22] il se rendit au bain, [P. 374] ce qui lui fit perdre sa chaleur naturelle et lui occasionna de l’insomnie. Ish’âk’ vint alors lui donner ses soins, mais l’insomnie persistait, et El-Mançoûr fatigué demanda à l’un de ses serviteurs s’il n’y avait pas à Kayrawân un autre médecin qui pût lui rendre le sommeil. On lui en indiqua un du nom d’Ibrâhîm, qui venait d’arriver à l’âge d’homme, et qui, amené au palais et en présence des plaintes du prince de ne pouvoir dormir, prit des matières soporifiques qu’il chauffa dans un vase et qu’il lui fit respirer. Au bout de quelque temps, l’effet de cette inhalation se produisit, et Ibrâhîm tout content se retira, laissant le prince endormi. Ish’âk, étant alors survenu, ne put pénétrer auprès d’El-Mançoûr, qui lui répondit-on, dormait : « Si ce sommeil, s’écria-t-il, est artificiel, le prince est un homme mort ! » Et en effet, on pénétra auprès de lui et l’on trouva qu’il avait cessé de vivre. L’inhumation eut lieu dans le palais même.

On voulait faire périr Ibrâhîm, mais Ish’âk’ dit alors : « Il n’y a pas de sa faute, il a appliqué le traitement que lui ont enseigné les autres médecins ; mais il ignorait la cause première de la maladie, et vous ne la lui avez pas dite. Or, mon traitement avait pour but de ramener la chaleur naturelle, dont le retour aurait produit le sommeil ; comme le traitement employé devait au contraire la diminuer encore, j’ai reconnu aussitôt que le prince devait en mourir ».

Cette mort fit passer le pouvoir aux mains de Ma’add, fils d’El-Mançoûr, c’est-à-dire d’El-Mo’izz li-din Allah, qui tout d’abord se consacra à l’expédition des affaires ; puis, le 7 dhoû’l-hiddja (24 avril 953), il permit au peuple de pénétrer jusqu’à lui et il tint une audience où il fut salué du titre de khalife. Il avait alors vingt-quatre ans.

Quand commença l’année 342 (17 mai 953),[23] il monta dans le mont Aurès, et son armée battit toute cette région, ordinaire refuge de tous ceux qui combattaient l’autorité royale. On y trouvait entre autres les Benoû Kemlân, les Melîla et[24] deux tribus des Hawwâra, qui jusqu’alors n’avaient reconnu aucun de ses prédécesseurs, et qui, s’étant soumises à El-Mo’izz, rentrèrent avec lui en pays de plaine. Comme ses lieutenants avaient, ordre de traiter les Berbères avec faveur, tous sans exception vinrent le trouver et furent l’objet de ses bienfaits, de sorte que sa situation grandit beaucoup. Parmi ceux qui réclamèrent l’amnistie figurait Mohammed ben Khazer Zenâti, frère de Ma’bed, et El-Mo’izz répandit aussi ses faveurs sur lui.

[P. 384][25] En 344 (26 avril 955), ‘Abd er-Rah’mân, prince omeyyade d’Espagne, fit construire un vaisseau d’une grandeur jusqu’alors inconnue pour transporter diverses marchandises en Orient. Ce bâtiment en rencontra et intercepta un autre, qui transportait auprès d’El-Mo’izz un messager venant de Sicile, et les Espagnols se saisirent du contenu [P. 385] ainsi que des messages adressés à ce prince. El-Mo’izz arma alors une flotte dont il confia le commandement à H’asan ben ‘Ali, prince de Sicile, et l’envoya attaquer l’Espagne. Cette flotte pénétra dans le port d’Almeria et y brûla tous les vaisseaux qui s’y trouvaient ; elle s’empara également du grand bâtiment dont il a été question, et qui était revenu d’Alexandrie rapportant à ‘Abd er-Rah’mân diverses marchandises et des chanteuses. Un débarquement fut également organisé, et après s’être livrés au meurtre et au pillage, les assaillants regagnèrent sains et saufs El-Mehdiyya. De son côté, ‘Abd er-Rah’mân envoya une flotte contre un certain point de l’Ifrîkiyya, où l’on débarqua pour piller. L’arrivée des troupes d’El-Mo’izz força les Espagnols à se rembarquer et à rentrer chez eux, non sans avoir perdu beaucoup d’hommes ni sans en avoir tué à l’ennemi.

[P. 388] En 345 (14 avril 956), El-H’asan ben ‘Ali, prince de Sicile, se mit à la tête d’une flotte considérable pour attaquer les pays chrétiens.[26]

[P. 391] Marche des troupes d’El-Mo’izz l’Alide vers les points les plus reculés du Maghreb

L’année 347 (24 mars 958) vit croître beaucoup l’influence d’Aboû’l H’asan Djawher[27] auprès d’El-Mo’izz, qui lui conféra le rang de vizir et qui, au mois de çafar (23 avril-22 mai), le fit partir à la tête d’une nombreuse armée, où figurait entre autres Zîri ben Mennûd Çanhâdji, en lui donnant l’ordre de pousser jusqu’aux points les plus éloignés du Maghreb. Djawher arriva d’abord à Tâhert, et Ya’la ben Mohammed Zenâti, qui se rendit auprès de lui, fut honorablement accueilli et reçut des marques de sa générosité ; mais comme ce chef lui fit ensuite de l’opposition, Djawher s’assura de sa personne, combattit ses partisans révoltés et les poursuivit jusqu’à la ville d’Ifkân, où il entra l’épée à la main et qu’il livra au pillage ; il pilla également les palais [P. 392] de Ya’la, fit prisonnier son fils, qui était encore enfant, et donna l’ordre de ruiner et de brûler Ifkân ; ces événements se passèrent en djomâda II (août-septembre).

De là il marcha sur Fez, dont le prince Ahmed ben Bekr [ben Aboû Sahl Djodhûmi] ferma les portes devant lui. Djawher alors en commença le siège et l’attaqua pendant quelque temps, mais sans succès, tandis que, d’autre part, les émirs des parties les plus reculées du Soûs se déclaraient Fatimides et lui envoyaient des présents (?). Sur le conseil de ses compagnons, Djawher partit alors pour Sidjilmâsa, dont le prince Mohammed [ben el-Fath’] ben Wâsol, régnant depuis seize ans, avait pris le surnom d’Ech-Châkir lillah, se faisait appeler Prince des croyants et battait monnaie à son nom. Il s’enfuit à l’approche de l’envahisseur, puis voulut faire un retour (offensif), mais il fut fait prisonnier et livré à Djawher. Celui-ci, poursuivant sa marche, arriva jusqu’à l’Océan Atlantique, où il fit pêcher des poissons qu’il envoya dans des vases remplis d’eau à El-Mo’izz. Après avoir parcouru et conquis toutes ces régions, il marcha de nouveau contre Fez, qu’il attaqua longtemps sans succès. Alors Zîri ben Mennâd choisit parmi ses gens des guerriers d’une bravoure reconnue, à qui il fit prendre des échelles et qui montèrent ainsi jusqu’au point le moins élevé des murailles, tandis que es assiégés ne se méfiaient de rien. Ils massacrèrent les défenseurs qu’ils y trouvèrent, puis descendant à la seconde enceinte, ils ouvrirent les portes, allumèrent des torches et battirent du tambour. À ce signal-qui était convenu entre Zirî et Djawher, celui-ci s’avança à la tête de ses troupes et pénétra dans la ville. Le prince qui y régnait se tint caché pendant deux jours, mais il fut ensuite pris et alla rejoindre le prince de Sidjilmâsa dans sa prison. Cette conquête est de ramadan 348 (4 nov. 959). Les deux prisonniers furent mis chacun dans une cage et envoyés à Mehdiyya à El-Mo’izz. Djawher attribua Tâhert à Zîri ben Mennâd.[28]

[P. 398J Mort d’Abd er-Rah’mân Nâçir et avènement de son fils H’akam

En ramadan 350 (13 oct. 961), mourut à l’âge de soixante-treize ans et après un règne de cinquante ans et six mois, ‘Abd er Rah’mân ben Mohammed ben ‘Abd Allah, surnommé En-Nâçir li-dîn Allah, prince d’Espagne. Il était blond avec les yeux bleu foncé, beau de visage, physiquement développé et bas de jambes, si bien que l’étrier n’était guère qu’à un empan de la selle, mais le buste était long. Il laissa onze fils. C’est le premier des Omeyyades qui, prenant un titre khalifal, se soit fait nommer Prince des croyants. En s’adressant à ses prédécesseurs ou en faisant la khotbah leur nom, on les traitait d’Emir et de Fils des khalifes, et il en fut de même pour lui dans les vingt-sept premières années de son règne. Mais comme alors il apprit la faiblesse des khalifes de l’Irâk, et que les Alides installés dans l’Ifrîkiyya étaient salués du titre de Prince des croyants, il fit faire la khotba en son nom avec la même épithète et prit le surnom de Nâçir li-dîn Allah. C’est, au dire des Espagnols, le premier khalife qui succéda à son grand père. Sa mère était une concubine du nom de Mouzna. Aucun de ses contemporains qui ont pris le titre de Prince des croyants n’est resté aussi longtemps sur le trône, à l’exception d’El-Mostançer l’Alide, qui régna soixante ans en Egypte.

[P. 399] Il eut pour successeur son fils H’akam ben ‘Abd er-Rah’mân, surnommé El-Mostançer et fils d’une concubine nommée Merdjâna.

L’un des nombreux enfants d’Abd er-Rah’mân s’appelait ‘Abd Allah ; il était châfe’ite, pieux et versé dans diverses connaissances, entre autres la poésie et l’histoire.

[P. 403] Conquête de Taormine en Sicile[29]

En 351 (8 fév. 962), les troupes musulmanes de Sicile, où commandait alors Ahmed ben El-H’asan ben ‘Ali ben Aboû’l-H’oseyn, marchèrent contre la place-forte de Taormine, qui est située dans cette île et dont les chrétiens étaient alors en possession. On commença le siège de ce fort, l’un des plus inexpugnables et des plus nuisibles aux fidèles ; mais comme les habitants résistaient et que les opérations se prolongeaient, les assiégeants eurent l’idée de détourner l’eau qui alimentait la place. Alors les assiégés, effrayés, demandèrent quartier, mais en vain ; ils durent donc se borner à demander d’avoir la vie sauve, mais en devenant esclaves des musulmans, tandis que leurs biens seraient propriété conquise (fey’). Cela leur fut accordé, et ils durent abandonner la ville au mois de dhoû’l-’ka’da (décembre 962), [P. 404] à la suite de sept mois et demi de siège. On installa quelques musulmans dans cette place, à laquelle fut donné le nom d’El-Mo’izziyya, par allusion au prince d’Ifrîkiyya, El-Mo’izz l’Alide.

Un corps d’armée marcha aussi contre Rametta sous le commandement d’El-H’asan ben ‘Ammâr, qui assiégea, cette ville de très près, ainsi que nous le dirons sous l’année 353.

[P. 404] En 351 (8 février 962), des troupes chrétiennes débarquèrent dans l’île de Crète, dont les habitants adressèrent une demande de secours au prince alide d’Ifrîkiyya El-Mo’izz li-dîn Allah. Ce prince répondit à leur appel, et dans les combats qui eurent lieu, Dieu donna la victoire aux musulmans, qui réduisirent en captivité les chrétiens de l’île.

[P. 411] Conquête de Rametta ; guerre en Sicile entre les musulmans et les chrétiens[30]

Sous l’année 351 nous avons raconté la conquête de Taormine et dit un mot du siège de la ville de Rametta, qu’occupaient les chrétiens. En présence de cette situation, ces derniers, saisis de crainte, firent savoir à l’empereur de Constantinople ce qui se passait et réclamèrent du secours. L’empereur fit équiper une flotte qui apporta une armée considérable, c’est-à-dire plus de quarante mille combattants. De son côté, Ahmed, émir de Sicile, demanda également à El-Mo’izz d’Ifrîkiyya l’envoi de prompts renforts, mais sans négliger lui-même de restaurer et accroître sa flotte et de faire des levées de marins et de soldats. Quant à El-Mo’izz, [P. 412] il se mit aussi à réunir des guerriers et à lever des recrues qu’il plaça, après leur avoir distribué beaucoup d’argent, sous le commandement d’El-H’asan ben ‘Ali, père d’Ahmed. Ces troupes débarquèrent en Sicile en ramadan 353 (sept.-oct. 964), et une partie alla aussitôt renforcer l’armée qui assiégeait Rametta. Les chrétiens d’autre part débarquèrent aussi en Sicile près de Messine au mois de chawwâl (oct.-nov.) et portèrent de là toutes leurs forces, plus grandes que tout ce qu’avait vu l’île jusqu’alors, du côté de Rametta.

Quand El-H’asan ben ‘Ammûr, chef de l’armée assiégeante, sut ce qui se passait, il laissa sous les murs de la ville un corps d’armée chargé de contenir ceux qui voudraient sortir de cette place, et il s’avança avec le reste de ses soldats, tous décidés à vaincre ou à mourir, contre l’armée chrétienne. Celle-ci entoura les musulmans en même temps que ceux de Rametta tombaient sur le corps d’armée laissé en observation, afin de surprendre (le gros de) l’armée musulmane par derrière ; mais leur sortie ne réussit pas, et ils furent, grâce à la résistance de ceux des nôtres à qui ce soin avait été confié, empêchés de mener à bien leur projet. Alors s’avancèrent les chrétiens, pleins de confiance dans leur nombre et dans les engins et instruments qu’ils traînaient avec eux ; la mêlée commença, et la situation devint bientôt dangereuse pour les musulmans, que les ennemis avaient acculés à leurs propres tentes et qu’ils voyaient déjà vaincus. En cette extrémité, les fidèles choisirent de mourir comme étant le parti le plus sûr, selon le mot du poète :

[T’awîl] Je suis resté en arrière dans l’espoir de sauver ma vie, mais je n’ai pas ainsi trouvé la vie qui m’anime quand je me porte en avant.[31]

Alors l’émir El-H’asan ben ‘Ammâr, excitant leur ardeur, se mit à leur tête pour charger, et la lutte redoubla d’acharnement ; de leur côté les patrices répondaient en chargeant et en encourageant leurs troupes. Le général chrétien Manuel fondit sur les nôtres et y sema la mort ; les coups de lance qu’on dirigeait contre lui ne produisaient aucun effet et s’amortissaient sur son épaisse armure ; mais alors un trait fut lancé contre son cheval et abattit celui-ci, dont le cavalier devint le centre d’une lutte ardente où il fut tué, de même que plusieurs de ses patrices. Sa mort provoqua chez les siens la plus honteuse débandade : les musulmans en massacrèrent un grand nombre, et les fuyards étant arrivés au bord d’un grand fossé qui constituait un véritable trou, s’y précipitèrent pour échapper à l’épée qui les poursuivait et s’y écrasèrent les uns les autres, si bien que ce fossé se trouva comblé par les cadavres. Commencée à l’aube, la bataille dura jusque dans l’après-midi, et la poursuite se prolongea pendant la nuit, et dans toutes les directions. On ne pourrait énumérer les armes, les chevaux et les richesses de toutes sortes qui constituèrent le butin ; [P. 413] il y figurait entre autres un sabre indien sur lequel on lisait cette inscription : « De ce sabre indien, qui pèse cent soixante-dix mithkâl, il a été frappé de nombreux coups sous les yeux mêmes de l’Envoyé de Dieu ». Cette arme fut envoyée à El-Mo’izz en même temps que les captifs et les têtes des ennemis tués.

Ceux des chrétiens qui échappèrent gagnèrent Reggio. Quant aux habitants de Rametta, leur courage fléchissait, car les vivres commençaient à leur manquer, et ils firent évacuer la place par les invalides, ne gardant plus que les hommes en état de combattre. Les musulmans tentèrent alors une attaque qui non seulement se poursuivit jusqu’au soir, mais continua même dans la nuit, puis saisissant des échelles, ils emportèrent la place d’assaut ; les hommes furent mis à mort, les femmes et les enfants réduits en esclavage, la ville livrée à un pillage qui fut des plus fructueux. On installa dans la place des musulmans qui eurent à y rester pour la garder.

Ceux des chrétiens qui avaient échappé à la première bataille se rallièrent, et prenant avec eux ceux de Sicile et de la presqu’île de Reggio, ils se réfugièrent à bord de leurs navires pour échapper à la mort. L’émir Ahmed s’embarqua également avec ses troupes et livra aux ennemis une bataille navale acharnée : des musulmans se jetant à l’eau mirent le feu à de nombreux navires ennemis, qui coulèrent ; les chrétiens subirent de fortes pertes, et chacun tâcha de se sauver sans s’inquiéter des autres. Les musulmans dirigèrent ensuite des colonnes contre les diverses villes chrétiennes, qui furent mises au pillage et qui durent consentir à payer des sommes d’argent pour jouir d’une trêve. Ces événements sont de 354 (6 janvier 965), et la dernière affaire est connue sous le nom de « bataille du détroit ».

[P. 435] Conquête de l’Egypte par El-Mo’izz l’Alide

En 358 (24 nov. 968), El-Mo’izz li-dîn Allah Aboû Temîm Ma’add envoya en Egypte son général Aboû’l-H’asan Djawher, qui était Roumi d’origine et avait commencé par être page (gholâm) auprès de son père El-Mançoûr, à la tête d’une armée considérable, et la conquête de ce pays s’effectua.

À la suite de la mort de Kûfoûr Ikhchidi, qui régnait en Egypte, le peuple n’y manifesta pas des préférences unanimes, et d’autre part il y sévit une grande disette : la livre de pain y valait deux dirhems, la weyba de blé un dinar égyptien et un sixième. Ces nouvelles déterminèrent El-Mo’izz, qui était alors en Ifrîkiyya, à donner les ordres nécessaires à Djawher, et la seule annonce de la prochaine arrivée de celui-ci suffit à provoquer la débandade des troupes ikhchîdiennes d’Egypte. Djawher arriva le 17 cha’bân (5 juillet 969), et la prière fut faite au nom d’El-Mo’izz dès le mois de chawwâl (comm. 17 août) dans le Djâmi’ ‘atîk, par le khatib Aboû Mohammed ‘Abd Allah ben el-H’oseyn Chimchât’i.[32] Ce général se rendit en djomâda I 359 (comm. 11 mars 970) dans le djâmi’ d’Ibn T’oûloûn, et fit crier l’appel à la prière à l’aide de la formule « accourez à l’œuvre excellente », qui fut employée pour la première fois dans ce pays, et qui le fut ensuite au Djâmi’ ‘atîk’.[33] Dans la prière même on prononça à haute voix les mots : « au nom du Dieu clément et miséricordieux[34] ».

Quand son autorité fut bien assise en Egypte, Djawher commença la construction du Caire (el-K’âhira).

[P. 441] Révolte d’Aboû Khazer en Ifrîkiyya

En 358 (24 nov. 968), Aboû Khazer[35] Zenâti leva l’étendard de la révolte en Ifrîkiyya, et de nombreuses bandes de Berbères et de Nekkàriens se joignirent à lui. El-Mo’izz se mit lui-même en campagne et arriva jusqu’à la ville de Bàghâya, où celui de ses officiers qui y commandait était l’objet des attaques du rebelle posté dans le voisinage. [P. 442] L’annonce de l’approche d’El-Mo’izz provoqua la dispersion des bandes d’Aboû Khazer, et celui-ci, pour échapper aux poursuites du prince, se jeta dans une région impraticable. El-Mo’izz dut se retirer, mais chargea Aboû‘l-Fotoûh Yoûsof Bologgîn ben Zîri de filer sur ses traces, que cet officier finit par perdre, et alors El-Mo’izz regagna sa résidence de Mançoûriyya.

En rebî’ II 359 (10 févr. 970), Aboû Khazer le Khâredjite vint trouver El-Mo’izz en sollicitant sa grâce et promettant obéissance ; le prince fut fort aise d’accueillir cette requête et accorda au rebelle repentant une large pension. Aussitôt après, arrivèrent les lettres par lesquelles Djawher lui annonçait que la khotba se faisait en son nom en Egypte et en Syrie, et l’invitait à le rejoindre. El-Mo’izz témoigna alors une joie exubérante qu’il manifesta à tous les yeux, et reçut les louanges des poètes, entre autres de Mohammed ben Hâni Andalosi,[36] qui fit ce vers :

[T’awîl] Les Abbasides disent : « Voilà l’Egypte conquise ! » Dis-leur : « Voilà les destins accomplis ! »

[P. 449] Guerre civile en Sicile[37]

En 359 (13 nov. 969), le khalife Alide El-Mo’izz ayant nommé gouverneur de Sicile Ya’îch, affranchi d’El-H’asan ben ‘Ali ben Aboû’l-H’oseyn, celui-ci réunit dans l’arsenal (des gens) des tribus (berbères) qui eurent des difficultés avec les affranchis des Kotâma. Ils en vinrent aux mains, et beaucoup de ces derniers furent tués ; plusieurs d’entre eux trouvèrent aussi la mort du côté de Syracuse, et l’animosité qui séparait les deux partis devint une hostilité déclarée. Les efforts de Ya’îch pour ramener la paix n’aboutirent pas, et les fauteurs de troubles semèrent partout le désordre et se livrèrent au pillage. Ils exercèrent des violences contre les bergers aussi bien que contre les habitants des places fortes reçus à merci, et ces désordres furent cause qu’El-Mo’izz révoqua Ya’îch et nomma Aboû’l-Kâsim ben el-H’asan ben ‘Ali ben Aboû’l-H’oseyn en qualité de remplaçant de son frère Ahmed. La population accueillit avec joie l’arrivée de ce nouveau gouverneur ; la concorde se rétablit et tout le monde se soumit à son autorité.

[P. 450] En cette année 359, le prône se fit à la Mekke au nom de (l’Abbaside) El-Mot’î’ lillâh et des Karmates hidjri,[38] et à Médine au nom d’El-Mo’izz l’Alide, mais en dehors de la ville même il fut prononcé par Aboû Ahmed Moûsewi,[39] [P. 451] père du chérif Er-Radi, au nom d’El-Mot’i’ lillâh.

[P. 453] Mort de Mohammed ben el-H’oseyn Zenâti

En 360 (3 nov. 970), Yoûsof Bologgîn ben Zirî fit périr Mohammed ben el-H’oseyn[40] ben Khazer Zenâti ainsi que plusieurs de ses parents et cousins. La révolte en Ifrîkiyya de ce personnage, sous les drapeaux de qui se rangèrent de nombreux Zenâta et Berbères, fut une cause de souci pour El-Mo’izz, qui voulait se rendre en Egypte et redoutait de laisser derrière lui, en état de rébellion, un homme tel que Mohammed, oppresseur, hautain et injuste. [P. 454] Or comme le rebelle était un jour en train de boire avec quelques-uns de ses parents et de ses partisans, Yoûsof, qui le sut, partit avec un détachement de cavalerie, mais en ayant soin de se tenir caché, de sorte que Mohammed n’en eut connaissance qu’en le voyant paraître devant lui ; saisissant alors son épée, il se tua lui-même, tandis que Yoûsof tua ou fit prisonniers les autres. Ce coup de main fut hautement apprécié par El-Mo’izz, qui pendant trois jours tint audience pour recevoir les félicitations à ce propos.

[P. 456] El-Mo’izz quitte le Maghreb et se rend en Egypte

Dans les derniers jours de chawwâl 361 (première moitié d’août 972), El-Mo’izz quitta l’Ifrîkiyya pour se rendre en Egypte. Parti de Mançoûriyya, il s’arrêta d’abord à Serdâniya, bourgade proche de Kayrawân, où il fut rejoint par ses guerriers, gouverneurs et parents, et où furent transportés tous les biens, effets et objets divers provenant de son palais : entre autres préparatifs de départ, on fondit les dinars pour en faire des espèces de meules dont-il fallait une couple pour faire la charge d’un chameau. Il désigna[41] pour gouverner l’Ifrîkiyya Yoûsof Bologgîn ben Ziri ben Mennâd Çanhâdji H’imyari, mais en distrayant de son gouvernement la Sicile, Tripoli, Adjdâbiya et Sort. En Sicile, il nomma, comme nous l’avons dit, H’asan ben ‘Ali ben Aboû’l-H’oseyn, à Tripoli ‘Abd Allah ben Yakhlaf Kotâmi, qui jouissait de son estime ; il confia la perception des impôts d’Ifrîkiyya à Ziyâdet Allah ben el-K’odeym,[42] la direction du kharâdj [P. 457] à ‘Abd el-Djebbâr Khorâsâni et à H’oseyn ben Khalaf Mawçadi,[43] mais il leur déclara que, tous, ils étaient sous la haute main de Yoûsof ben Zîri.[44]

Après avoir passé à Serdâniya quatre mois consacrés au règlement de toutes ces affaires, il se mit en marche de compagnie avec Yoûsof Bologgîn, à qui il donnait ses dernières instructions ; mais nous aurons à donner d’abord les renseignements nécessaires touchant les ascendants et la famille de ce chef. Après avoir renvoyé Yoûsof dans son gouvernement, il partit pour Tripoli à la tête de ses troupes et de ses gardes ; mais, arrivé là, il fut abandonné par un corps de troupes qui se réfugia dans les montagnes de Nefoûsa et contre lequel il fit faire de vaines poursuites. Il se remit en marche et arriva à Bark’a, où fut assassiné Mohammed ben H’ûni Andalosi, qui le suivait : on trouva, vers la fin de redjeb 362 (commencement d’avril 973), le cadavre du poète au bord de la mer, mais le nom de celui qui lui avait donné la mort resta inconnu. C’était un poète remarquable, mais qui exagéra assez les louanges dont il couvrait El-Mo’izz pour être accusé d’infidélité par les théologiens ; ainsi il a dit :

[Redjez] Tu n’as voulu que ce que veulent les destins ; c’est à toi, l’unique, le dominateur, de décider.

Et encore :

[Kâmil] Depuis longtemps je dispute à Gabriel la place sous son étrier.

On lui attribue encore des vers du même genre, mais que je ne retrouve pas dans son divan :

[Basît] À Rak’k’âda se trouve le Messie, là se trouvent et Adam et Noé ; là se trouve Dieu qu’orne toute gloire et en dehors de qui rien n’est que fumée.[45]

(On sait que) Rakkâda est le nom d’une ville proche de Kayrawân. Il y a d’autres passages encore que l’on pourrait citer, et que les partisans du poète s’efforcent d’interpréter. Dieu sait ce qu’il en est, mais on peut dire en somme que ses louanges ont dépassé la mesure.

El-Mo’izz arriva ainsi dans les derniers jours de cha’bân (comm. juin 973) à Alexandrie, où les habitants de Miçr, conduits par les notables, vinrent lui rendre visite ; il les reçut honorablement et leur distribua des marques de sa générosité. Puis il entra au Caire le 5 ramad’ân 362 (8 juin 973) et installa ses soldats dans les maisons de Miçr et du Caire, mais beaucoup (n’y purent trouver place et) restèrent sous la tente.

Quant à Yoûsof Bologgîn, [P 458] il s’installa, après avoir pris congé d’El-Mo’izz, à Mançoûriyya pour procéder à la nomination des fonctionnaires dans les diverses provinces, puis il opéra une fournée pour voir les choses sur place et remettre le calme dans les esprits. Les habitants de Bâghâya se soulevèrent ensuite contre le gouverneur qu’il y avait nommé, lui firent la guerre et le forcèrent à fuir. Un corps de troupes envoyé par Yoûsof ne put venir à bout des rebelles, et celui-ci, quand il en fut informé, équipa des troupes pour marcher contre eux. Il s’occupait de ces préparatifs quand la nouvelle que son représentant à Tûhert avait aussi été chassé par les habitants révoltés le décida à marcher sur cette dernière ville, qu’il soumit et ruina. Il y était encore lorsqu’il apprit que les Zenâta avaient occupé Tlemcen ; il s’avança contre eux, ce qui les fit battre en retraite, mais il entama le siège de Tlemcen, et au bout de quelque temps les (habitants) firent leur soumission. Il leur pardonna, mais les évacua sur la ville d’Achîr, auprès de laquelle ils édifièrent une nouvelle ville qu’ils nommèrent aussi Tlemcen.[46]

Il surgit ensuite entre Ziyâdet Allah ben el-K’odeym et un autre administrateur qui se trouvait à ses côtés, le secrétaire ’Abd Allah ben Mohammed,[47] une animosité qui dégénéra en hostilités ouvertes, car chacun avait ses partisans. Yoûsof Bologgîn penchait pour ‘Abd Allah, à qui l’unissait une vieille amitié. À la suite de plusieurs combats, Aboû (sic) ‘Abd Allah s’empara de son adversaire et le jeta en prison, de sorte qu’il resta seul à la tête des affaires. Ibn el-K’odeym resta prisonnier jusqu’à ce qu’El-Mo’izz mourût en Egypte et que la situation de Yoûsof Bologgîn fût tout à fait consolidée.[48]

En 364 (20 sept. 974), Khalaf ben H’oseyn, qui était l’un des partisans et des soutiens d’Ibn el-K’odeym, s’installa sur un sommet dans un fort bien défendu naturellement, et de nombreux Berbères et autres allèrent l’y rejoindre. Yoûsof Bologgîn l’y assiégea, et à la suite de combats où il y eut beaucoup de morts des deux côtés, il parvint à s’emparer de la place, bien que Khalaf ben H’ùseyu pût s’enfuir. Quantité d’assiégés furent massacrés, et sept mille têtes furent envoyées à K’ayrawân. Khalaf lui-même tomba ensuite entre ses mains, et il fut mis en croix après avoir été promené sur un chameau pour être donné en spectacle ; sa tôle fut envoyée à Miçr.[49] Ces nouvelles remplirent de crainte les habitants de Bâghâya, qui conclurent la paix avec Yoûsof et reconnurent son autorité ; il leur fit évacuer la ville, qu’il démantela.

[P. 459] Détails sur Yoûsof Bologgîn ben Zîri ben Mennâd et sur ses parents

Avant même qu’El-Mançoûr donnât un commandement à Yoûsof Bologgîn ben Zîri ben Mennâd Çanhâdji H’imyari, les Çanhâdja et autres tribus maghrébines de leur voisinage avaient reconnu l’autorité de ce chef. Mennâd, son grand-père, était un personnage considérable parmi les siens, riche, père de nombreux enfants et très hospitalier ; Zîri, du vivant même de son père, fut revêtu d’un commandement sur de nombreux Çanhâdja, qu’il conduisait à des expéditions fructueuses. Alors les Zenâta, poussés par l’envie, réunirent leurs forces pour le combattre ; mais lui-même, s’avançant à marches forcées, les attaqua de nuit pendant qu’ils tentaient une opération sur le territoire des Meghîla, en fit un grand carnage et fit sa proie de tout ce qu’ils avaient. Cet exploit accrut encore le nombre de ceux qui le suivaient, et il fut sollicité par eux de les mener à la conquête d’un autre territoire. Il les conduisit alors vers l’emplacement où s’éleva Achîr, et, séduit par les nombreuses sources dont ce pays est arrosé, il y fonda la ville de ce nom, où il s’installa avec ses compagnons en 364 (20 sept. 974). Or comme les Zenâta se livraient au brigandage contre les villes et qu’en cas de poursuites ils se réfugiaient dans les montagnes et les déserts, la fondation d’Achîr[50] eut pour conséquence d’interposer les Çanhâdja entre les villes d’une part, les Zenâta et les Berbères d’autre part, ce dont El-K’â’im fut bien aise.

L’attention de Zîri fut aussi appelée sur les ravages des Ghomâra, peuple qui reconnaissait comme licites les choses interdites et chez qui un prophète avait surgi ; il les attaqua et les battit, fit prisonnier le prétendu prophète et le fit exécuter en présence des juristes (convoqués à cet effet).[51] Il accomplit encore des prouesses dans les événements suscités par la révolte d’Aboû Yezîd le Khârédjite, alors que, ravitaillant El-K’â’im enfermé à Mehdiyya, il mit cette ville en état de continuer sa résistance.[52] Plus tard, comme les Zenâta assiégeaient Achîr, Zîri à la tête de nombreuses troupes leur livra plusieurs combats où il y eut des pertes très sensibles des deux côtés, mais où il finit par remporter la victoire et faire de ses ennemis ce qui lui plut. Plus tard encore, le nommé Sa’îd ben Yoûsof s’étant révolté dans l’Aurès contre El-Mançoûr et ayant réuni de nombreux adhérents, Zîri le fit combattre par un corps d’armée considérable dont il confia le commandement à son fils : Bologgîn attaqua le rebelle près de Bâghâya et le tua, lui et ses partisans Hawwâra et autres. Cette affaire augmenta encore l’estime que lui témoignait El-Mançoûr, et nous avons dit qu’il prit une part considérable à la conquête de Fez.

Dans la suite, Bologgîn ben Zîri marcha contre Mohammed ben el-H’oseyn [P. 460] ben Khazer Zenâti, qui s’était soustrait à l’obéissance d’El-Mo’izz et à qui de nombreux adhérents avaient donné une grande puissance. Bologgîn resta encore vainqueur et massacra de nombreux rebellés, ce qui combla El-Mo’izz de joie, car il songeait à laisser ce chef en qualité de lieutenant au Maghreb à cause de son énergie et du nombre de ceux qui marchaient à sa suite. Il craignait en effet que, lui-même une fois parti pour l’Egypte, cette région ne vint à lui être enlevée par ce chef ; mais la brouille qui survint entre ce dernier et les Zenâta le rassura contre l’éventualité de cette conquête.

Ensuite Dja’far ben ‘Ali ben H’amdoûn], gouverneur de la ville de Mesîla et des cantons du Zâb, se piqua de la faveur dont El-Mo’izz honorait Ziri, car il régnait entre ce dernier et lui-même une jalousie réciproque, et, quittant son gouvernement, il alla trouver les Zenâta. Ceux-ci l’accueillirent le mieux du monde, le mirent à leur tête par esprit d’hostililé contre Zîri, et alors il leva l’étendard de la révolte. Zîri marcha contre lui avec des forces considérables, composées de Çanhâdja et autres, et lui livra bataille en ramad’ân (361 ?). A. la suite d’une lutte sanglante, Zîri tomba de son cheval, qui fit un faux pas, et fut tué. Dja’far, voyant alors le regret causé aux Zenâta parcelle mort et leur tendance à ne plus lui obéir, leur tint ce langage : « Yoûsof Bologgîn ne renoncera pas à venger la mort de son père et ne jugera pas que celui-ci ait assez massacré des vôtres. Nous devons donc nous fortifier dans les montagnes les mieux défendues et dans les endroits abrupts. » Son avis ayant prévalu, il fit embarquer ses biens et sa famille, tandis que lui-même restait avec les Zenâta ; mais il avait donné l’ordre à ses serviteurs embarqués de simuler une révolte à bord. Comme il regardait de terre ce qui se passait, il dit aux Zenâta qu’il allait se rendre compte de la cause du désordre, et, montant dans une barque, il s’enfuit avec les autres. Il gagna l’Espagne, où il fut bien accueilli par l’Omeyyade El-H’akam, qui lui donna des marques de sa générosité.[53] Quant aux Zenâta, ils ne purent que regretter de ne l’avoir pas tué pour s’emparer de ses dépouilles. Bologgîn alors réunit des forces de plus en plus considérables et marcha contre les Zenâta, chez qui il fit d’épouvantables massacres, réduisant les femmes en captivité et faisant des enfants sa proie ; par son ordre, les tôles furent employées à chauffer les marmites où l’on faisait la cuisine. El-Mo’izz apprit encore ces faits avec joie : il ajouta Mesîla et ses cantons aux fiefs de Bologgîn, qui devint très puissant. Nous raconterons le reste de son histoire quand il devint prince d’Ifrîkiyya.

[P. 487] En 364 (20 sept 974), il parut en Ifrîkiyya, à l’est, une énorme et très brillante comète, qui continua son ascension pendant environ un mois, puis qui disparut et ne fut plus revue.

[P. 489] (Quand El-’Azîz, fils d’El-Mo’izz, monta sur le trône d’Egypte), il envoya au Maghreb des dinars frappés à son nom et qu’on mit en circulation. Il confirma Yoûsof Bologgîn dans le gouvernement de l’Ifrîkiyya en y ajoutant ce que son père en avait distrait, c’est-à-dire Tripoli, Sort et Adjdâbiyya, villes où Yoûsof nomma des hommes de son choix,[54] ce qui augmenta d’autant sa puissance et le laissa désormais sans crainte du côté d’El-’Azîz. Il était réellement indépendant et feignait une obéissance qui n’était commandée que par un esprit de conciliation et de bonne amitié, rien de plus.

Guerre de Yoûsof Bologgîn contre les Zenâta et autres peuples d’Ifrîkiyya

En 365 (9 sept. 975), Khazroûn ben Felfoûl ben Khazer Zenâti s’avança à la tête d’une bande nombreuse d’adhérents contre Sidjilmâsa, dont, en ramad’ân (mai 976), il tua le chef qui était sorti pour lui tenir tête.[55] Devenu maître de cette ville, il en retira beaucoup de richesses et d’approvisionnements, et envoya [P. 490] la tête de celui qu’il venait de tuer en Espagne. Cette affaire grandit la situation des Zenâta, dont le pouvoir se trouva ainsi solidement établi. Bologgîn était alors à Ceuta, où il se trouvait après s’être rendu à Fez, à Sidjilmâsa et dans le territoire des Hebal’, pays qu’il avait conquis et d’où il avait chassé tous les gouverneurs omeyyades. Les Zenâta se retirèrent devant lui et beaucoup se rendirent à Ceuta, qui appartenait alors au prince Omeyyade d’Espagne. Bologgîn, ayant trouvé sur sa route des bois touffus et enchevêtrés qui l’empêchaient de passer, les fit couper et brûler de façon à s’y ouvrir une route. Ensuite il s’avança en personne sur une montagne d’où il dominait Ceuta et étudia pendant une demi-journée par quel côté il pourrait l’assiéger et l’attaquer ; mais il reconnut qu’une flotte était indispensable pour prendre cette place, dont les habitants le redoutaient fort. Alors il se rabattit du côté d’El-Baçra, belle ville qu’on appelle simplement au Maghreb Baçra, et cette nouvelle fit fuir les Zenâta dans les sables et les déserts les plus reculés du Maghreb. Yoûsof entra à Baçra, dont il ruina les solides fortifications élevées par le prince (musulman) d’Espagne, et qu’il livra au pillage.

Il passa ensuite dans le pays des Berghawât’a, dont le roi, ‘Abs ben Oumm el-Ançâr,[56] se livrait à la prestidigitation et à la magie, se donnait pour prophète et avait ainsi fait reconnaître toutes ses volontés par son peuple, à qui il avait donné un corps de doctrines religieuses. Bologgîn l’attaqua et, à la suite de plusieurs combats importants et qui ne sont pas à décrire, finit par l’emporter : ‘Abs ben Oumm el-Ançâr fut tué,[57] ses troupes débandées furent l’objet d’un horrible massacre ; les femmes et les enfants réduits en captivité et envoyés en Ifrîkiyya étaient en quantité tellement innombrable que les habitants de ce dernier pays disaient n’en avoir jamais vu arriver autant chez eux. Bologgîn resta dans ces régions jusqu’en 373 (14 juin 983), occupé à en réduire les habitants, pendant que Ceuta observait craintivement ses mouvements et que les Zenâta restaient dans les sables où ils avaient fui.

Siège de Cosenza et d’autres villes[58]

En cette année 365 (9 sept. 975), Aboû’l-K’âsim ben el-H’asan ben ‘Ali ben Aboû’l-H’oseyn, émir de Sicile, se mit en campagne avec l’armée musulmane et en compagnie d’un certain nombre d’hommes vertueux et de savants ; en ramad’ân (mai 976), il établit son camp sous les murs de Messine, d’où l’ennemi s’enfuit. Les envahisseurs passèrent de là [P. 491] à Cosenza, dont les habitants, au bout de quelques jours de siège, demandèrent et obtinrent quartier moyennant paiement d’une certaine somme ; puis on se dirigea sur le fort de Cellara et sur d’autres localités, où partout il fut agi de même. L’émir donna à son frère El K’âsim l’ordre de conduire la flotte dans la Pouille (1) et de faire ravager la Calabre par des colonnes ; ’l’exécution de cet ordre coûta de nombreuses morts à l’ennemi et valut aux fidèles des prisonniers et un butin considérable. Après quoi, les deux frères retournèrent à la ville (de Païenne). En 366 (29 août 976), Aboû’l-K’âsim ordonna de remettre en état de défense Rametta, qui avait été démantelée ; puis, se remettant en campagne, il assiégea le fort de Sainte-Agathe (en Calabre), dont les habitants obtinrent l’amân qu’ils sollicitèrent et livrèrent la place avec tout son contenu. L’émir marcha alors sur Tarente, dont les habitants avaient fui en fermant les portes ; quelques hommes escaladèrent les murailles et ouvrirent les portes, par où les troupes passèrent ; Aboû’l-K’âsim fit détruire et incendier la ville, puis envoya dans diverses directions des colonnes qui parvinrent jusqu’à Otrante et d’autres lieux. Il alla camper près de Gravina[59] et, à la suite de ses attaques, cette place paya d’une certaine somme la paix qu’il lui consentit ; après quoi, il retourna à Palerme.

[P. 495] Mort du kâdi Mondhir Balloût’i

En dhoû’l-k’a’da 366 (20 juin 977) mourut le kâdi Aboû’l-Hâkim Mondhir ben Sa’îd Balloût’i, grand kâdi d’Espagne, qui était imâm, juriste, prédicateur, poète, avait la parole élégante et une foi solide. Il se rendit un jour chez le prince d’Espagne ‘Abd er-Rah’mân en-Nàçir, qui venait de terminer la construction d’Ez-Zahrâ et des palais qu’elle renferme, et qui se tenait assis dans un pavillon incrusté d’or et dont la merveilleuse architecture était sans précédent. Entouré de grands personnages, le prince leur demandait si personne à leur connaissance [P. 496] avait jamais élevé une construction pareille, et tous de répondre avec force éloges qu’ils n’avaient jamais ni vu ni appris qu’il y eût rien qui y ressemblât. Le kâdi seul restant muet et les yeux baissés, fut interpellé par ‘Abd er-Rah’mân, et alors il répondit en laissant couler des pleurs jusque sur sa barbe : « J’en prends Dieu à témoin, je ne pensais pas que Satan, que Dieu confonde ! t’amenât à un pareil degré ni que tu lui permisses de prendre assez de pouvoir sur toi, que Dieu a comblé de ses bienfaits et de ses faveurs, pour te faire descendre au même rang que les infidèles ! — Réfléchis, s’écria ‘Abd er-Rah’mân, à ce que tu dis ; comment donc m’a-t-il fait descendre au rang des infidèles ? » Le kâdi reprit : « Dieu a dit : Si nous n’avions craint que tous les hommes ne devinssent un seul peuple (d’infidèles), nous aurions donné à ceux qui ne croient point en le Miséricordieux des toits d’argent à leurs maisons et des escaliers pour y monter, des portes d’argent et des sièges pour s’y reposer, ainsi que des ornements d’or, etc. jusqu’à la vie future auprès de ton Seigneur est réservée aux pieux « (Coran, XLIII, 32-34). ‘Abd er-Rah’mân baissa les yeux sans répondre et se mit à pleurer : « Veuille Dieu, dit-il ensuite au kâdi, te récompenser et augmenter le nombre des musulmans qui te ressemblent ! »

On raconte de ce kâdi de nombreux et très beaux traits, notamment celui-ci. Comme la sécheresse était grande et que le peuple voulait sortir et prier pour demander la pluie, ‘Abd er-Rah’mân envoya au kâdi l’ordre de se mettre à la tête de la prière. « Je voudrais bien, répondit le saint homme au messager, savoir ce que fait l’émir aujourd’hui même. — Je ne l’ai, dit l’autre, jamais vu plus humble qu’en ce moment ; couvert de vêtements grossiers, il est prosterné contre terre, se couvre la tête et la barbe de poussière, pleure et fait l’aveu de ses fautes en s’écriant : Ma tête est dans tes mains, ô Seigneur, et c’est à cause de moi que ce peuple souffre ! — Va, jeune homme, dit le kâdi, et emporte la pluie avec toi, car Dieu va nous donner de l’eau, puisque le puissant de la terre invoque là miséricorde du Tout-Puissant ». Il sortit alors pour faire la prière de circonstance ; tous les yeux des assistants étaient fixés sur lui quand il monta en chaire et parla ainsi : « Le salut soit sur vous ! Votre Seigneur s’est imposé la miséricorde comme un devoir. Si quelqu’un d’entre vous fait le mal par ignorance et qu’ensuite il s’en repente et fasse le bien, etc. » (Coran, vi, 54). À deux reprises il répéta ces paroles, et le peuple, éclatant en sanglots, manifesta son repentir ; après quoi il termina son oraison, et la pluie survint.[60]

[P. 497] Mort de H’akam et avènement de son fils Hichâm

En 366 (29 août 976) mourut, à l’âge de soixante-trois ans et sept mois, après un règne de quinze ans et cinq mois, El-H’akam ben ‘Abd er-Rah’mân ben Mohammed ben ‘Abd Allah [P. 498] ben Mohammed ben ‘Abd er-Rah’mân el-Mostançir billâh, prince Omeyyade d’Espagne. C’était un homme corpulent, roux, à la voix forte, aux grands yeux noirs, au nez aquilin et aux mâchoires inégales. Ami des gens de science, il était lui-même savant, au courant des décisions juridiques des diverses écoles, versé dans la généalogie et dans l’histoire, collectionneur de livres ; il appelait auprès de lui les savants des pays éloignés, les comblant de bienfaits et d’honneurs pour profiter de leurs connaissances.

À sa mort et conformément à ses décisions, il fut remplacé par son fils Hichâm, alors âgé de dix ans, et qui fut surnommé El-Mo’ayyed billâh. Au cours des troubles qui agitèrent le règne du nouveau prince, il fut emprisonné, mais recouvra ensuite son pouvoir dans les circonstances que voici. Ses premiers ministres (h’âdjib) furent El-Mançoûr Aboû ‘Amir Mohammed ben Aboû ‘Amir Ma’âfiri et les deux fils d’El-Mançoûr, El-Moz’affêr et En-Nâçir. Dès qu’il fut arrivé au ministère, El-Mançoûr séquestra son maître, ne le laissant ni voir ni approcher de personne, et ce fut lui qui gouverna tout, mais de manière à s’attirer l’approbation générale, car il pratiquait la justice et le succès couronnait ses entreprises. Il fit la guerre aux infidèles, sur qui il fit de nombreuses conquêtes, et remplit l’Espagne de butin et d’esclaves. C’est de ces derniers qu’il composa principalement les troupes du djond, tels par exemple Wûd’ih’ et autres héros connus, que l’on dénommait ‘Amirides. Pendant les vingt-six ans que Dieu lui permit d’occuper cette situation, il fit cinquante-deux expéditions, tant d’été que d’hiver, et mourut en 392 (19 nov. 1001). C’était un homme résolu, ferme dans ses propos, très juste, très généreux et bon administrateur.

Voici un de ses exploits. Menant une expédition contre les Francs, il avait franchi le Passage (ed-derb), qui est un défilé entre deux montagnes, et s’était avancé dans le pays ennemi pour y semer la dévastation et y chercher du butin et des captifs ; mais à son retour il trouva le Passage barré par les chrétiens, qui le dominaient et en défendaient l’entrée. Il feignit alors de vouloir s’installer définitivement : ses soldats se mirent à construire des habitations, à semer, à chercher du bois, de la paille, des provisions de bouche et tout ce qui était nécessaire. La vue de ces préparatifs fit pencher les chrétiens à une transaction, et ils lui offrirent de le laisser passer moyennant abandon de son butin. Comme il déclara vouloir ne pas s’en aller, ils renoncèrent à réclamer le butin ; mais cela ne le satisfit pas encore, et alors ils lui offrirent une somme d’argent et des bêtes de charge [P. 499] pour emmener les dépouilles qu’il traînait avec lui. À ce prix, il consentit à traiter et à franchir le Passage pour rentrer en pays musulman.

Originaire d’Algésiras, il se rendit dans sa jeunesse à. Cordoue pour y étudier et s’occuper de littérature et de l’étude des traditions (h’adit’), choses où il réussit très bien. Il entra ensuite au service de Çobh’,[61] mère d’El-Mo’ayyed, auprès de laquelle il avait beaucoup d’influence. Comme, à la mort d’El-H’akam Mostancer, Mo’ayyed était tout jeune, on pouvait craindre des difficultés ; mais El-Mançoûr rassura Çobh’ et garantit la tranquillité du pays. Son énergie fut favorisée par la fortune et aidée par les sommes d’argent qu’il reçut de cette femme[62] et qu’il employa à se concilier les troupes, de sorte que tout marcha très bien. Sa mère était Temîmite et son père Ma’àferile, c’est-à-dire appartenait à une fraction des H’iinyar.

Quand la mort le frappa, il eut pour successeur dans ses fonctions son fils ‘Abd el-Melik, surnommé Moz’affer, qui marcha sur les traces de son père et mourut au bout de sept ans, en 399 (4 sept. 1008). Il périt empoisonné par son frère ‘Abd er-Rah’mân, qui coupa en deux une pomme à l’aide d’un couteau empoisonné sur un des côtés de la lame, et mangea la moitié saine, tandis que Moz’affer, sans défiance, reçut la moitié empoisonnée.[63]

‘Abd er-Rah’mân, surnommé Nâçir, prit la place de sa victime, mais ne marcha ni sur ses traces ni sur celles de leur père ; il s’adonna au libertinage, au vin et aux plaisirs. Grâce à la crainte qu’il fit inspirer à Mo’ayyed s’il n’était pas déclaré héritier présomptif, il sut obtenir cette désignation, ce qui excita encore la haine du peuple et des Omeyyades contre lui ; on sema la désaffection, on s’agita contre lui si bien qu’il y périt. Il avait entrepris une campagne d’hiver et s’était avancé en Galice ; mais le roi de ce pays, sans lui faire face, se tint sur les sommets des montagnes, où ‘Abd er-Rah’mân ne pouvait le poursuivre par suite du débordement des rivières et de l’abondance de la neige. Il se contenta de ravager la partie qu’il occupait et en sortit sans dommage. Mais en revenant il apprit que Mohammed ben-Hichâm ben ’Abd el-Djebbâr ben Nâçir li-dîn Allah s’était révolté à Cordoue, dont il s’était rendu maître, et avait emprisonné Mo’ayyed. Alors, abandonné de ses troupes et ne gardant plus que ses intimes, il se dirigea vers Cordoue pour tâcher d’y arranger les choses. Mais des troupes de Mohammed ben Hichâm se portèrent au-devant de lui et le mirent à mort en 399 (4 sept. 1008) ; on emporta sa tête à Cordoue et on la promena dans les rues, puis le cadavre fut crucifié.

[P. 500] Soulèvement de Mohammed ben Hichâm à Cordoue

En 399, le dernier jour de djomâda II (28 févr. 1009), se révolta à Cordoue Mohammed ben Hichâm ben ‘Abd el-Djebbâr ben ‘Abd er-Rah’mân Nâçir li-dîn Allah l’Omeyyade accompagné de douze partisans. Il fut reconnu par le peuple et, sous le surnom de El-Mahdi billâh, gouverna la ville. Il se saisit de Mo’ayyed et le détint au palais près de lui ; puis il le fit sortir et cacher, en répandant le bruit qu’il était mort. En effet, en cha’bân de cette année (avril 1009), il exhiba au peuple le cadavre d’un chrétien qui avait de la ressemblance avec Mo’ayyed et qu’il donna comme étant ce dernier. Cette assertion ne souleva aucun doute, et le mort, après avoir reçu les dernières prières, fut enterré en cimetière musulman. Plus tard, Mahdi voulut faire croire autre chose, ce que nous raconterons, et se donna un démenti à lui-même. Cette première partie du règne de Mo’ayyed, jusqu’à son emprisonnement, dura trente-trois ans et quatre mois. On se mit alors à lancer diverses accusations contre Ibn ‘Abd el-Djebbâr, par exemple de fabriquer du vin (nebîdh) dans son palais, ce qui lui valut l’épithète de « marchand de vin », d’avoir fait périr Mo’ayyed, de se montrer menteur et hypocrite, d’exciter la haine des Berbères, et le résultat fut que le cœur du peuple se détourna de lui.[64]

Révolte de Hichâm ben Soleymân

N’éprouvant plus que de la répulsion pour Ibn ‘Abd el-Djebbâr, les Espagnols tirèrent de sa demeure et proclamèrent Hichâm ben Soleymân ben ‘Abd erRah’mân en-Nâçir li-dîn Allah, le 26 chawwâl 399 (22 juin 1009).

Ce prince prit le surnom de Réchîd. Les révoltés se rassemblèrent sous les murs de Cordoue et assiégèrent Ibn ‘Abd el-Djebbâr, avec qui furent engagées d’activés négociations pour l’amener à abdiquer sous la promesse que leur vie, à lui, à sa famille et à tous ses partisans, serait respectée. Mais ce prince fit avec les siens une sortie où il mit en fuite les assiégeants ; Hichâm lui-même fut fait prisonnier, et son oncle le fit mettre à mort avec plusieurs de ses officiers, de sorte que le pouvoir du vainqueur se trouva raffermi.

Autre révolte tentée par Soleymân

À la suite de l’exécution de Hichâm ben Soleymân et de la déroute de ses partisans, [P. 501] Soleymân ben el-H’akam ben Soleymân ben Nâçir, qui était neveu du défunt et figurait parmi les vaincus, fut reconnu, deux jours après la bataille, par ceux qui avaient soutenu son oncle et qui étaient en majorité Berbères. On lui donna le surnom d’El-Mosta’în billâh, mais ensuite il prit celui d’Ez-Z’âhir billâh. Les révoltés allèrent trouver les chrétiens et conclurent la paix avec eux, puis avec leur aide, qu’ils avaient sollicitée, ils marchèrent contre Cordoue et livrèrent à Ibn ‘Abd el-Djebbâr la célèbre bataille de K’anlîdj (Canlich), où le nombre des morts et la quantité de butin furent énormes.[65] Ibn ‘Abd el Djebbâr, vaincu, se renferma dans le palais de Cordoue, où Soleymân alla l’assiéger. Dans cette situation désespérée, Ibn ‘Abd el-Djebbâr tira Mo’ayyed de sa prison, dans l’espoir que son adversaire aussi bien que lui-même seraient déposés, et que ce prince recouvrerait le pouvoir ; mais on croyait Mo’ayyed mort, et l’on refusa d’ajouter foi à cette affirmation. Renonçant à tout espoir, il parvint à fuir secrètement et se tint caché. En chawwâl 400 (17 mai 1010), Soleymân pénétra dans le palais, où le peuple vint le reconnaître comme khalife. Il séjourna à Cordoue pendant quelques jours.

Il y eut à K’antidj environ trente-cinq mille tués. Les Berbères et les chrétiens firent à Cordoue un nombre considérable de captifs et en tirèrent un grand butin.

Restauration d’Ibn ‘Abd el-Djebbâr, qui est ensuite tué et remplacé par El-Mo’ayyed

Ibn ‘Abd el-Djebbâr gagna secrètement Tolède, où il fut rejoint par Wâd’ih’ le chef ‘âmiride et ses soldats. Les chrétiens[66] s’étant aussi unis à eux, il marcha avec toutes ces troupes contre Cordoue. Près d’Ak’abat el-Bak’ar,[67] une sanglante bataille eut lieu entre lui et Soleymân, qui s’était porté à sa rencontre, le 15 chawwâl 400 (31 mai 1010). Soleymân, battu, se replia sur Xativa ; son adversaire entra à Cordoue, où il se fit de nouveau prêter serment de fidélité, nomma Wâd’ih’ premier ministre et gouverna à sa guise. Mais ensuite un certain nombre de soldats ‘âmirides, qui avaient suivi Soleymân et parmi lesquels figuraient ’Anbar et Kheyroûn,[68] firent demander à Ibn ‘Abd el-Djebbâr de recevoir leur soumission et de les reprendre à son service. Cette demande, qui fut accueillie, n’était qu’une feinte de leur part à l’effet de tuer ce prince. Dès qu’ils furent installés à Cordoue, ils gagnèrent Wâd’ih’ à leur projet et le 9 dhoû’l-hiddja [P. 502] 400 (23 juillet 1010) ils se réunirent dans le palais, dont ils s’emparèrent, ainsi que de la personne du prince. Mo’ayyed délivré fut installé sur le trône et reçut leur serment de fidélité. Ibn ‘Abd el-Djebbâr lui fut ensuite amené, et après qu’on lui eut reproché tous ses torts, il fut mis à mort ; sa tête fut promenée dans les rues de Cordoue. Il était né d’une concubine et avait alors 33 ans.

Le récit de ces événements devait venir plus loin ; nous l’avons donné ici à cause de leur connexité et parce que ces divers incidents se sont passés trop rapidement pour qu’on puisse les reprendre plus tard et isolément.

[P. 510] En 367 (18 août 977) on vit en Ifrîkiyya, dans la région nord-est du ciel, une rougeur semblable à une langue de feu ; le peuple se précipita au dehors en priant Dieu avec ferveur. À Mehdiyya se produisirent des tremblements de terre et d’autres phénomènes qui durèrent quarante jours, si bien que la population abandonna ses demeures et leur contenu.[69]

En cette même année, El-’Aziz, le prince alide d’Egypte et d’Ifrîkiyya, donna pour chef aux pèlerins qui se rendaient à la Mekke, où la khotba se faisait en son nom, Bûdîs ben Zîri, frère de Yoûsof Bologgîn, lequel était lieutenant du prince en Ifrîkiyya. À son arrivée à la Mekke, Bâdîs reçut la visite des voleurs de cette ville, qui lui offrirent un versement de 50.000 dirhems, moyen nant quoi il les laisserait librement opérer pendant la durée des fêtes. « J’y consens, dit l’émir, mais amenez-moi tous vos compagnons pour que le traité soit conclu avec toute la bande ». La chose fut ainsi entendue, et plus de trente individus se trouvèrent ainsi réunis. Sur la demande de Bâdîs s’il ne manquait personne, ils jurèrent que tout le monde avait répondu à l’appel, et il leur fit alors couper les mains à tous.

[T. IX, p. 10] Mort violente d’Aboû’l-K’âsim, émir de Sicile, et fuite des Francs[70]

En dhoû‘l-k’a’da 371 (28 avril 982), l’émir de Sicile Aboû’l-K’âsim sortit de la capitale pour faire la guerre sainte dans les circonstances que voici : Un roi franc du nom de Bardewîl (Baudouin, Uses Othon II) était venu en Sicile à la tête de nombreux soldats, s’était emparé du fort de Mileto à la suite d’un siège et avait battu deux colonnes musulmanes (envoyées contre lui). Alors Aboû‘l-K’ûsim s’avança avec ses troupes pour déloger les vainqueurs ; mais en approchant du fort il fut pris de peur, et obéissant à la lâcheté il réunit les principaux de ses compagnons pour leur annoncer qu’il allait battre en retraite et leur dire de ne pas s’opposer à son projet, qu’il mit en effet à exécution. Or la flotte chrétienne, qui le suivait par mer, informa le roi chrétien de cette retraite, ajoutant que, en présence de la peur des musulmans, il pouvait les attaquer et certainement les vaincre. Alors Bardewîl, laissant ses bagages en arrière et ne prenant que des troupes légères, s’avança à marches forcées et rejoignit le 20 moharrem 372 (14 juillet 982) les musulmans, qui se rangèrent en ligne de bataille et se battirent avec acharnement ; mais une troupe de Francs, ayant chargé le centre et les étendards, enfoncèrent les rangs de leurs adversaires et arrivèrent jusqu’aux étendards. Or, comme quantité de musulmans avaient quitté leur chef et ne gardaient plus leurs lignes, les assaillants arrivèrent jusqu’à lui et il tomba frappé d’un coup au sommet du crâne ; avec lui périrent un certain nombre d’officiers et de braves. Mais alors les musulmans mis en déroute se rallièrent et recommencèrent la lutte, bien décidés à vaincre ou à mourir ; l’affaire fut très chaude de part et d’autre, mais se termina pour les Francs par la plus honteuse défaite : ils laissèrent sur le terrain environ quatre mille morts, quantité de leurs patrices furent faits prisonniers, et la poursuite, qui ne fut interrompue que par la nuit, procura aux vainqueurs un butin considérable. Le roi franc prit la fuite en compagnie d’un juif qui était de ses intimes et qui lui dit, quand le cheval de son maître vint à s’arrêter : « Prends ma monture, et si je viens moi-même à être tué, songe à mes enfants ! » Le roi, grâce à cette aide, [P. 11] qui coûta la vie au juif, put rejoindre ses tentes, où se trouvaient sa femme et les siens, qu’il remmena avec lui à Rome.

À la mort d’Aboû’l-K’âsim, son fils Djâbir, qui était avec lui, prit aussitôt sa place et emmena sur le champ les musulmans, sans leur laisser le temps de réunir toutes les dépouilles abandonnées par les vaincus, de sorte qu’il en fut abandonné une grande partie. Ce fut même en vain que ses compagnons lui demandèrent de séjourner le temps nécessaire pour rassembler les armes et le matériel destinés à réapprovisionner les arsenaux.

Aboû’l-K’âsim, dont le gouvernement en Sicile fut de douze ans cinq mois et cinq jours, était un homme jus’.e, sage administrateur, rempli d’indulgence et très libéral envers ses sujets, prodigue d’aumônes ; il ne laissa ni un dinar ni un dirhem ni un immeuble, car il avait immobilisé tous ses biens en fondations à l’usage des pauvres et pour d’autres buts pieux.

[P. 23] Émigration de Çanhâdjites en Espagne ; ce qu’ils y firent

En 373 (14 juin 983), les enfants de Zîri ben Mennâd, savoir Zâwi, Djelûla et Mâksen, frères de Bologgîn, passèrent en Espagne. Ces princes avaient fait la guerre contre leur frère H’ammâd à propos de territoires contestés, mais comme ils avaient eu le dessous, ils s’étaient retirés à Tanger, puis de là à Cordoue. Mohammed ben Aboû ‘Amir, enchanté, les accueillit avec honneur et leur attribua des pensions ; ils répondirent à sa demande touchant le motif de leur émigration par le récit des faits, ajoutant qu’ils étaient venus à lui de préférence, afin de se livrer en sa compagnie à la guerre sainte. Il approuva fort cette réponse et leur fit des promesses et des cadeaux. Au bout de peu de temps, les nouveau-venus réclamèrent de lui l’exécution de sa promesse de campagne, et comme il leur permettait de choisir ceux qu’ils voudraient dans les troupes du djond, ils répondirent qu’ils ne voulaient pénétrer en pays ennemi qu’avec leurs cousins, les Çanhâdja et leurs clients. Le prince leur fournit des chevaux, des armes et les ressources nécessaires, ainsi qu’un guide, et ils pénétrèrent en Galice par une route étroite. À la nuit ils dressèrent une embuscade dans un jardin proche de la ville, tuèrent les habitants de ce lieu et en coupèrent les arbres. Puis, au matin, une troupe qui sortit de la ville fut attaquée par eux et mise tout entière à mort. Comme après cela ils se retiraient, les ennemis, qui s’étaient redit la chose, montèrent à cheval pour les poursuivre ; mais les musulmans, s’en étant aperçus, se cachèrent à l’abri d’une colline, et sitôt qu’ils se virent dépassés ils tombèrent par derrière sur ceux qui les poursuivaient, tout en poussant le cri Allah Akbar. Ces clameurs les firent croire plus nombreux qu’ils n’étaient, et les chrétiens s’enfuirent poursuivis par les Çanhâdja, qui en tuèrent beaucoup et rentrèrent à Cordoue après s’être emparés de leurs montures et de leurs armes.

Cet exploit fit impression sur Ibn Aboû ‘Amir, qui n’avait jamais vu dans l’armée espagnole pareil trait de bravoure ; aussi les traita-t-il bien et fit-il d’eux ses amis.

Expédition d’Ibn Aboû ‘Amir contre les Chrétiens d’Espagne

Cet exploit des Çanhâdja excita la jalousie des Espagnols, qui déclarèrent à Mançoûrben Aboû ‘Amir qu’ils voulaient, eux aussi, faire la guerre sainte, et ce prince réunit à cet effet [P. 24] des troupes nombreuses et tirées de partout. Or, il eut à cette époque un rêve où il se vit recevant et mangeant une asperge que lui tendait un homme. ‘Ali ben Aboû Djom’a[71] le lui interpréta en ces termes : « Dirige-foi contre le royaume de Léon (Elyoûn) que lu conquerras. — Et où vois-tu cela ? — Parce que l’asperge se nomme en Orient Hâlyoûn et que l’homme de ton rêve t’a dit Hâlyoûn ». Ce fut donc de ce côté qu’il se dirigea, et il alla assiéger la capitale, qui compte parmi les plus grandes villes des chrétiens. Les Francs répondirent à la demande de secours que leur adressèrent les habitants par l’envoi de nombreuses troupes ; on se battait nuit et jour et les assiégés subirent de nombreuses pertes, tandis que les Çanhâdja opposaient une endurance remarquable.[72] Ensuite un Comte franc, qui n’avait pas son pareil parmi eux, vint parader devant nos lignes et provoquer à un combat singulier. Djelâla ben Zîri le Çanhâdjite accepta le défi, et les deux adversaires se chargèrent : le Franc lança un coup de pointe que Djelâla évita et auquel il répondit par un coup de sabre qui trancha l’épaule du Franc et le jeta par terre. L’armée chrétienne fut alors attaquée par les nôtres et s’enfuit en désordre, subissant des pertes innombrables, entre autres celle du prince de cette ville.[73] Ibn Aboû ‘Amir fit un butin plus considérable qu’on n’avait jamais vu et emmena trente mille captifs. Par son ordre les cadavres furent amoncelés et l’appel à la prière du soir fut proclamé (du haut de ce minaret improvisé). La ville de K’âmoûna[74] fut détruite, et il rentra sain et sauf avec ses troupes.

[P. 24] Mort de Yoûsof Bologgîn et gouvernement de son fils El-Mançoûr

Le 22 dhoû’l-h’iddja 373 (25 mai 984) le prince d’Ifrîkiyya Yoûsof Bologgîn ben Zîri mourut à Wûrkelîn.[75] Il s’était rendu de ce côté parce que Khazroûn le Zenâti était entré à Sidjilmâsa, d’où il avait chassé le lieutenant de Bologgîn en s’emparant des richesses et des approvisionnements renfermés dans cette ville, et que Zîri ben ‘At’iya Zenâli s’était rendu maître de Fez. Il fut pris en roule de colique ou, selon d’autres, il fut atteint à la main d’une pustule dont il mourut. Il légua son commandement à son fils El-Mançoûr, qui était alors à Achîr, et qui tint une audience pour recevoir les compliments de condoléance. Aux habitants de Kayrawân et des diverses parties du pays qui se rendirent auprès de lui tant pour cela que pour le féliciter de son avènement, il distribua des présents et parla en ces termes : « Mon père Yoûsof et mon grand-père [P. 25] Zîri se servaient de l’épée pour conquérir les peuples ; je ne veux, moi, les conquérir que par les bienfaits ; je ne suis pas d’ailleurs de ceux qu’institue un diplôme et que destitue un autre diplôme », voulant indiquer ainsi qu’un diplôme venu du khalife régnant en Egypte ne pourrait le destituer. Puis il se rendit à Kayrawân et, s’installant à Rak’k’âda, il nomma des gouverneurs dans les divers cantons et institua les chefs militaires. Il envoya en Egypte à El-’Azîz Billâh des cadeaux somptueux représentant, dit-on, la valeur d’un million de dinars. Il retourna ensuite à Achîr et préposa un homme du nom d’Abd Allah ben [Mohammed] le Kâtib[76] à la levée des impôts de Kayrawân, de Mehdiyya et de toute l’Ifrîkiyya.

[P. 32] Défaite des troupes d’El-Mançoûr par le prince de Sidjilmâsa

 (Année 375) Nous avons dit plus haut que Khazroûn Zenâti et Zîri Zenâti s’étaient emparés de Sidjilmâsa et de Fez et que Bologgîn était mort au cours de l’expédition qu’il dirigeait contre eux. El-Mançoûr, quand son autorité fut affermie, envoya un corps d’armée important pour les faire rentrer dans l’obéissance ; mais quand ces troupes furent arrivées près de Fez, Zîri ben ‘At’iya, connu sous le nom d’El-K’art’âs, sortit de cette ville, où il commandait, et leur livra une sanglante bataille qui aboutit à leur déroute, non sans qu’elles eussent perdu un grand nombre de tués et de prisonniers. Ainsi se trouva affermi le pouvoir de Zîri.[77]

[P. 35] En 376 (12 mai 986), El-Mançoûr ben Yoûsof d’Ifrîkiyya fit exécuter ‘Abd Allah [ben Mohammed] el-Kâtib.[78] Celui qui le remplaça dans le commandement des divers cantons d’Ifrîkiyya fut Yoûsof ben Aboû Mohammed, qui était auparavant gouverneur de Gafça.

 [P. 37] El-Mançoûr ben Yoûsof part en guerre contre les Kotâma

En 377 (2 mai 987), El-Mançoûr d’Ifrîkiyya réunit ses troupes pour marcher contre les Kotâma. En effet, El-’Azîz billâh d’Egypte avait envoyé à ces peuples un de ses missionnaires, que l’on appelait Aboû‘l-Fehm et dont le nom était H’asan ben Naçr, pour les inviter à reconnaître son autorité : il voulait ainsi, après se les être conciliés, leur envoyer des troupes pour (les aider à) combattre El-Mançoûr, dont il trouvait la force trop grande, et lui enlever l’Ifrîkiyya. Aboû’l-Fehm réussit dans sa mission, s’attira un grand nombre d’adhérents, et les nombreuses bandes dont il devint le chef lui valurent une grande influence. El-Mançoûr ayant alors formé le projet de l’attaquer, informa El-’Azîz de la situation ; mais le khalife lui fit intimer la défense de rien tenter contre Aboû’l-Fehm et les Kolâma, par deux messagers qui avaient pour instructions de rejoindre les Kotâma après avoir rempli leur mission auprès d’El-Mançoûr. Quand ces hommes eurent signifié la défense dont ils étaient porteurs, El-Mançoûr s’emporta en paroles grossières contre eux et contre El-’Azîz, et comme ils lui répondaient sur le même ton, il leur intima l’ordre de rester auprès de lui pendant le reste du mois de cha’bân et pendant ramad’ân (finit le 23 janvier 988), et ne les laissa pas se rendre chez les Kolâma ; il fit ses préparatifs de guerre contre ces-derniers et contre Aboû’l-Fehm, puis se mit en campagne après la fête des Victimes. Il marcha d’abord sur Mîla, dont il voulait tuer les habitants mâles et réduire les femmes et les enfants en esclavage ; mais comme ils se portèrent à sa rencontre et s’humilièrent devant lui en pleurant, il consentit à leur pardonner et se borna à ruiner les murailles de cette ville. De là, et toujours accompagné des deux envoyés d’El-’Azîz, il continua sa marche vers les Kotâma sans omettre de détruire tous les châteaux ou lieux habités par où il passait, et arriva ainsi à Sétif, [P. 38] siège de la puissance de ses ennemis. Auprès de cette ville fut livrée une grande bataille, à la suite de laquelle les Kotâma furent mis en déroute, et Aboû’l-Fehm se réfugia dans une montagne abrupte habitée par les Benoû Ibrâhîm, tribu kotâmienne. El-Mançoûr envoya à ceux-ci des messagers qui employèrent les menaces pour obtenir la livraison du fuyard, mais à qui il fut répondu : « Cet homme est noire hôte, et nous ne le livrerons pas ; tu peux cependant le faire prendre, nous n’y mettrons pas d’obstacle ». El-Mançoûr en conséquence le fit enlever, et après l’avoir brutalement frappé le fit exécuter puis écorcher, tandis que les Çanhâdja et les esclaves noirs d’El-Mançoûr mangeaient sa chair. Il fit, en même lemps que lui, exécuter plusieurs missionnaires et des chefs des Kotâma, puis il regagna Achîr et renvoya les deux hommes que lui avait députés El-’Azîz. Celui-ci apprit de leur bouche le sort qu’avait subi Aboû’l-Fehm : « Nous revenons, lui dirent-ils, d’auprès de véritables démons qui se nourrissent de chair humaine ». Alors le khalife envoya un messager chargé de tranquilliser El-Mançoûr et de lui porter des présents, sans qu’il lui parlât même d’Aboû’l-Fehm.[79]

[P. 47] Les Kotâma se séparent d’El-Mançoûr

En 379 (10 avril 989), un kolâmien appelé Abou’l-Faradj, originaire on ne sait d’où, tenta un mouvement insurrectionnel,[80] en prétendant que son père était le fils d’ElK’â’im l’Alide, grand-père d’El-Mo’izz, et cette affaire eut bien plus d’importance que celle d’Abou’l-Fehm. Les Kotâma se groupèrent sous ses ordres, il se servit de drapeaux et de tambours et fit battre monnaie (à son nom) ; il y eut de nombreux combats et rencontres entre lui et le lieutenant qui représentait El-Mançoûr à Mîla et à Sétif. Alors ce dernier prince se mit lui-même en campagne, et le prétendant marcha contre lui à la tête des troupes kolâmiennes : à la suite d’une bataille acharnée, Aboû’l-Faradj dut fuir en laissant une foule des siens sur le terrain, et il alla se cacher dans une grotte située sur une montagne. Mais il fut surpris par deux de ses pages, qui s’emparèrent de lui et le menèrent au vainqueur, qui fut charmé de cette capture et fit périr le rebelle dans les supplices. El-Mançoûr alors installa des garnisons dans toutes les régions du pays des Kotâma et y nomma des gouverneurs, dont il n’y avait eu aucun jusque là, lesquels prélevèrent des impôts et serrèrent les habitants de très près.

Lui-même retourna à Achîr, et y reçut bientôt la visite de Sa’îd ben Khazroûn Zenâti, dont le père avait conquis Sidjilmâsa en 365 (9 septembre 975) et qui venait reconnaître son autorité. Sa’îd prit rang parmi les intimes du prince et jouit bientôt d’une grande faveur. El-Mançoûr lui dit, un jour qu’il lui avait donné une somme considérable : « Connais-tu quelqu’un de plus magnanime que moi ? — Certes, répondit l’autre, c’est moi-même. — Et comment cela ? — Ta générosité se manifeste par des dons d’argent, et je t’ai prouvé la mienne en t’offrant ma vie même ! » El-Mançoûr le nomma ensuite gouverneur de T’obna et maria son fils à l’une des filles de Sa’îd.[81]

Comme à ce propos il était blâmé par un de ses parents : « Mon père et mon grand-père, repartit El-Mançoûr, poursuivaient ces rebelles l’épée à la main ; moi je réponds au jet d’un javelot par une bourse d’or, si bien que je provoque ainsi chez eux une affection qui devient naturelle et librement consentie. » Sa’îd retourna ensuite chez les siens, d’où, après y avoir séjourné jusqu’en 381, il revint faire une visite à El-Mançoûr ; mais alors il tomba malade et, au bout de quelques jours, mourut le 1er redjeb (12 septembre 991). [P. 48] Felfoûl[82] ben Sa’îd se rendit ensuite auprès d’El-Mançoûr, qui le traita généreusement, lui fit don d’une forte somme, puis l’envoya à T’obna comme gouverneur en remplacement de son père.[83]

Révolte de l’oncle paternel d’El-Mançoûr

En cette même année 379 (10 avril 989), Aboû’l-Behâr, oncle paternel d’El-Mançoûr ben Yoûsof Bologgîn, se révolta contre celui-ci, dont un acte avait blessé sa fierté. El-Mançoûr s’étant par suite mis en campagne, Aboû’l-Behâr quitta Tàhert avec sa famille et les siens, et se dirigea du côté du Maghreb. Les envahisseurs entrèrent alors dans cette ville et la mirent au pillage ; mais les habitants obtinrent ensuite l’amân qu’ils réclamèrent. Après cela, El-Mançoûr se mit à la poursuite du fugitif et poussa jusqu’à dix-sept étapes au-delà de Tâherl, non sans souffrances pour son armée. Aboû’l-Behâr s’était rendu auprès de Zîri ben ‘At’iya, prince de Fez, par qui il avait été honorablement accueilli et qui lui avait donné une haute situation ; ces deux chefs dirigèrent alors des incursions contre les territoires soumis à El-Mançoûr. En 381 (19 mars 991) ils marchèrent contre les pays avoisinant Fez, et ils s’en emparèrent après avoir infligé une défaite aux partisans d’El-Mançoûr qui s’y trouvaient. Mais ensuite Aboû ‘l-Behâr vint à résipiscence et apporta ses excuses à son neveu, qui les accepta, l’accueillit honorablement et, après lui avoir fait des libéralités, lui fournit tout ce dont il avait besoin, argent et autres choses.[84]

[P. 55] En 380 (30 mars 990) mourut en Espagne ‘Abd Allah Mohammed ben ‘Abd el-Berr Nemeri, père de l’imâm Aboû ‘Omar ben ‘Abd el-Berr.[85]

[P. 64] En 381 (19 mars 991), El-Mançoûr d’Ifrîkiyya destitua Yoûsof [ben Aboû Mohammed] qui était gouverneur général du pays, et le remplaça par Aboû ’Abd Allah Mohammed ben Aboû’l-’Arab.[86]

 suite


 

[1] Balt’a est situé dans la région de Bâdja, ainsi qu’on peut le voir par une citation de Bekri (p. 138) ; mais ce géographe n’en parle d’ailleurs pas.

[2] Ibn Khaldoun donne trois versions différentes de ces événements (ii, 534 et 554 ; iii, 209) ; voir les observations de Fournel (ii, 256).

[3] Tâmedît, sur la pente escarpée d’un défilé qui sépare deux montagnes, est entre le Mellag et Teyfach (Bekri, 130). Ibn Khaldoun rapporte deux versions de ces événements (Hist. des Berbères, ii, 537 ; iii, 210) ; cf. Wüstenfeld, p. 90.

[4] On lit ailleurs Merah l’Esclavon (Berbères, ii, 537), Moudâm ? (Cherbonneau, Journ. as., 1852, ii, 48.1), Mâdzammâ ? (Fournel, ii, 265). La confusion graphique des mots Sicilien et Esclavon est facile et fréquente.

[5] Ce nom est écrit « Mohammed Ibn el-Kheyr » dans les Berbères (ii, 537) ; mais l’orthographe correcte se retrouve ibid. iii, 210 et 231.

[6] C’est ainsi qu’il faut, lire ce nom d’une localité située à cinq ou six lieues est de Mesîla, en adoptant la correction que l’éditeur du texte propose en hésitant (Bekri, 126 et 320 ; Berb., iii, 210 ; Fournel, II, 268, etc.). On trouve la lecture Ghomert ap. Berb., ii, 537.

[7] Montagne située à trois lieues N.-O. de Bou-Saâda (Hist. des Berb., table géog.).

[8] On lit dans Ibn Hammâd, Hâ’it-H’amza, qui serait aujourd’hui, d’après Cherbonneau et Fournel, Bordj-Hamza ou Bouïra, entre les Bibân et Aumale (Journ. as., 1852, ii, 487 et 506 ; cf. Fournel, ii, 270).

[9] J’ai corrigé le texte, qui porte Ketâma ; on retrouve la bonne leçon ailleurs (Berbères, i, 285 ; ii, 43 et 538 ; iii, 291 ; Ibn Hammâd, dans le J. as., 1852, ii, p. 487 ; Fournel, ii, 269).

[10] Ici encore, ainsi que plus bas, le texte porte Ketâma. La forteresse des Kiyâna n’est pas autre chose que la célèbre Kal’a des Benoû-Hammâd, fondée en 398 (Berbères, ii, 43) ; cf. le récit d’Ibn Hammâd (l. l., p. 490 ; Bekri, p. 120 ; Fournel, ii, 272 ; le Kitâb el-islibçâr, éd. Kremer, p. 55). M. Blanchet y a récemment repris des fouilles

[11] Ibn Hammâd, qui donne plus de détails, avance quelque peu la date de cet épisode (l. l., 483).

[12] Ibn Hammâd s’étend davantage sur les détails de l’affaire qui aboutit à la prise d’Aboû Yezîd (l. l., p. 490).

[13] Ibn Khaldoun, dont le récit paraît être emprunté à Ibn el-Athir, fait mourir l’hérésiarque de la même manière ; mais, selon d’autres, le vaincu fut mis à mort et même torturé (Bayân, i, 228 ; Tidjâni, Journ. as., 1853, i, 309) ; cf. Fournel, ii, 275. Notre texte pourrait d’ailleurs s’entendre de même. — Aboû Yezîd se mit en relation avec le prince omeyyade d’Espagne En-Nâçir, qui reçut ses envoyés à deux reprises, en 334 et en 336 (Bayân, ii, 228-230).

[14] Voyez ce que dit Tidjâni sur la dispersion des adeptes de cet hérétique (Journ. as., 1852, ii, 167).

[15] Le texte lit « Mohammed «, mais à tort, d’après ce qui a été dit de ce chef. J’ai donc corrigé en « Ma’bed «, ainsi d’ailleurs que le dit Ibn Khaldoun (ii, 539 et 540 ; iii, 211, 212 et 232). Sur la défaite et la mort de Fad’l, voir aussi Ibn Hammâd (l. l., 499).

[16] Ce chapitre figure dans la Biblioteca d’Amari (i, 415).

[17] Ou, le père d’At’t’âf ? Un trouve ce nom sous les formes ‘At’t’âf, Aboû ‘At’t’âf et Ibn ‘At’t’âf (Amari, Biblioteca, i, 289 et 416 ; ii, 129 et 193).

[18] Les événements dont le récit commence ici sont racontés un peu différemment dans le chapitre qui suit.

[19] Ce chapitre répète, avec quelques modifications, une partie du précédent (p. 94, n.). Il figure dans la Biblioteca d’Amari (i, 421).

[20] Amari (l. l., 422) corrige en « Faradj » ; mais on trouve dans Ibn Khaldoun (ii, 540 et 541) la même orthographe que dans notre auteur.

[21] Sur Djeloûla, à cinq lieues O. de Kayrawân, voir une note dans les Berbères (i, 307) ; Bekri, 78.

[22] Wüstenfeld (Gesch. d. arab. Aerzte, p. 51) parle de ce médecin célèbre, dont la biographie par Ibn Aboû Oçeybiya figure dans l’Abdollatif de Sacy, p. 43. Ibn Khallikan (I, 220) rapporte aussi l’anecdote relative aux circonstances dans lesquelles mourut El-Mançoûr ; elle, a été reproduite par Wüstenfeld, G. der Fat. Chatif., 95.

[23] Le texte porte « 346 » mais il y a là une erreur évidente que je n’hésite pas à corriger ; voir p. ex. Ibn Khaldoun (II, 551) ; Quatremère, Vie de Mo’izz li-din-Allah (Journal as., 1836, II, p. 401), etc.

[24] Cet et est de trop (Ibn Khaldoun, I, 170 ; II, 542).

[25] Ce passage est traduit dans la Biblioteca (I, 423). Ibn Khaldoun mentionne aussi les événements dont il y est question (ii, 542). — En 343, les Azdadja et la majeure partie des Adjiça émigrèrent en Espagne (Bourâs, ap. Revue africaine, t. V, p. 377). — Sur les relations d’Abd er-Rahmân en-Nâcir avec l’Afrique, cf. aussi Bayân, I, 207 et 230 ; II, 219 ; Berbères, III, 231.

[26] Biblioteca d’Amari (I, 424).

[27] On trouve dans le Bayân, I, 229 quelques renseignements sur les débuts de Djawher, qui était chrétien d’origine. Ibn Khallikan a écrit sa biographie (I, 340).

[28] On retrouve à très peu près le même récit de ces événements dans Ibn Khaldoun (II. 512, dont Quatremère s’est inspiré (Joum. as., 1836, II. 401). Voir aussi Bekri, p. 335 ; Bayân, I. 214 et 230 ; Ibn Haukal, éd. de Goeje, p. 57 ad f. ; Fournel, II, 319 : Wüstenfeld, 101.

[29] Ce chapitre est traduit dans la Biblioteca (i, 121).

[30] Traduit dans la Bïblioteca, i, 425 ; comparez aussi Quatremère (Journ. as., 1837, i, 61).

[31] Ce vers est tiré de la Hamâsa, p. 93, et a pour auteur El-H’oceyn ben El-H’omâm. Amari, dans le texte qu’il a publié, en ajoute un second, qui ne figure que dans un seul des mss qu’il a consultés.

[32] Selon le Bayân (i. 220), la khotba fut faite au nom d’El-Mo’izz dès le vendredi 20 cha’bân, par Aboû Mohammed Chimsâti (lisez Chimchâti).

[33] Cette formule de Vadhân ou appel à la prière est particulière aux Chiites (Chrestomathie de Sacy, i, 102 et 169).

[34] Pour plus de détails sur la conquête de l’Egypte, voir notamment Quatremère (l. l., p. 122) et Fournel, ii, 315.

[35] Ce nom est écrit Abou Djafar dans la traduction d’Ibn Khaldoun (ii, 548) ; Quatremère (Joum. as. 1837, i, 63) dit « Abou Kliarz ou Abou Djafar » ; enfin Wüstenfeld (p. 109) écrit Ibn Khazar. Comparez aussi Ibn Khaldoun, iii, 233.

[36] La biographie de ce poète très connu, † 362, a été donnée par Ibn Khallikan (trad., iii, 123), et par Ibn El-Abbâr, Tecmila, éd. Codera, i, 103 ; voir aussi Merrâkechi, Histoire des Almohades, p. 94 et 183 de la trad., et le Matmah’ d’Ibn Khak’ân, éd. de Cstp, p. 74. Le ms. 3108 du Catalogue des mss arabes de Paris renferme le recueil de ses poésies, et le n° 2327 (fol. 7-18) en donne aussi des extraits. Il en existe une édition publiée à Beyrouth, 1886.

[37] Ce chapitre est traduit dans la Biblioteca (i, 429.

[38] Je n’ai pu trouver de renseignement sur les Karmates ainsi désignés, peut-être par allusion à leur dâr el-hidjra.

[39] Comparez Quatremère, l. l. p. 53 et 64. — Il a été question de ce personnage, an. 1898, p. 268.

[40] On lit « El-H’asan » dans Ibn Khaldoun (ii. 549). Cet auteur représente d’ailleurs la mort de ce Mohammed comme ayant eu lieu à la suite d’une grande bataille (l. l., et p. 7 ; iii, 231), Cf. Fournel, ii, 352 ; Wüstenfeld, p. 116.

[41] Il avait d’abord songé pour ce poste à l’émir Aboû Ahmed Djafar ben ‘Ali ben H’amdoûn, aux exigences de qui il ne voulut pas souscrire, d’après un récit rapporté par Quatremère (l. l., 87 ; cf. Berbères, ii, 8 et 555 ; iii, 234).

[42] Noweyri (ap. Berbères, ii, 550) l’appelle Aboû Mod’ar Ziyâdet Allah ben ‘Obeyd Allah ben el-K’odeym.

[43] Ou, Marçadi (Berbères, ii, 550), variante que donne aussi un ms. d’Ibn el-Athir et qu’on retrouve dans le Bayân, i, 255.

[44] Ce premier alinéa est traduit dans la Biblioteca, i, 430.

[45] Ces vers sont attribués à Mohammed el-Bedîl par le Bayân, i, 159 ; cf. de Sacy, Druzes, intr., p. 396, et de. Goeje, Mém. sur les Carmathes, p. 167.

[46] Ce serait ensuite d’un ordre d’El-Mo’izz qu’il n’aurait pas pénétré plus avant dans le Maghreb (Berbères, ii, 10). Ibn Khaldoun parle encore ailleurs de cette expédition (iii, 235) : il donne d’un côté la date de 362, et de l’autre colle de 361. Le Bayân n’en a rien dit.

[47] Sur ce personnage, voyez Berbères, ii, 13, n.

[48] Le Bayân (i, 238) se borne à faire une sèche et peu intelligible allusion à ces incidents.

[49] Je crois qu’il n’est parlé de ces faits ni par le Bayân, ni par Ibn Khaldoun.

[50] Bekri (p. 144) parle aussi de la fondation d’Achîr par Zîri ; elle était située sur le flanc de la montagne de Titeri (Berbères, II, 6 et 489 ; cf. Bayân, i, 224).

[51] L’ordre suivi par l’auteur dans l’énumération de ces événements pourrait faire croire qu’il s’agit de l’expédition envoyée à l’extrémité ouest du littoral africain, et commandée par Djawher ; mais il n’en est rien : Hâmîm, le prophète des Ghomâra, fut tué en 315 (Bekri, 228 et s. ; Bayân, i, 108), et Noweyri nous apprend que ce fut par Zîri (Berbères, ii, 492 ; cf. 144).

[52] Supra, an. 1898, pp. 367 et s. : Ibn Khaldoun, ii, 493.

[53] Son frère Yah’ya ben ‘Ali l’avait précédé à la cour de H’akam Mostanç.er (voir l’histoire des Benoû Hamdoûn, Berbères, ii, 555). Sur la bataille où Zirî perdit la vie, voir ibid., 2 et 554 ; iii, 234).

[54] Cf. Berbères, iii, 262.

[55] Le Bayân place cette expédition sous l’année 367 ; de même que l’expédition de Bologgîn contre Ceuta (i, p. 239). A la page suivante, il parle d’une seconde campagne, entreprise au départ d’Ifrîkiyya, contre Ceuta. Ibn Khaldoun parle de 369 (ii, 11 ; iii, 236).

[56] On lit dans Ibn Khaldoun (ii, 12) « ‘Isa ben Aboû’l-Ançâr », et il en est de même dans Bekri, p. 300, et dans le Bayân (i, 231 et 233 ; cf. 246). Sur l’expédition dirigée contre Ceuta, cf. Ibn Khaldoun, l. l. et iii, 236 ; Bayân, i, 246.

[57] La mort de ce chef eut lieu le 21 dhoû’l-hiddja de cette année (Bayân, i, 248) ou le 22 de ce mois (infra, p. 268).

[58] Ce chapitre est traduit dans la Biblioteca (i, 431).

[59] Lecture proposée par Amari et qui paraît certaine.

[60] On trouve une anecdote du même genre dans l’Hist. des Almohades de Merrâkechi, tr.id. IV., p. 316. Ibn el-Faradhi (éd. Codera, ii, 17) fait mourir ce savant onze ans plus tôt, en 355. D’après Khochani (ap. Dozy, Hist. des Mus. d’Esp., iii, 117), cette dernière date serait la vraie.

[61] Celle dont Dozy, dans ses Musulmans d’Espagne, t. iii, a francisé le nom par raison d’euphonie, et qu’il appelle Aurore.

[62] Tornberg (t. xiii, p. LI) a fait ici une correction d’après laquelle il faudrait traduire « qu’il reçut des officiers ». J’ai conservé la leçon qu’il avait d’abord imprimée et qui est confirmée par le passage correspondant de Merrâkechi (texte, p. 19 ; trad. p. 23), où la rédaction est identique à celle de notre auteur.

[63] Dozy, Mus. d’Esp., iii, 268.

[64] Voir Dozy, Mus. d’Esp., iii, 28L

[65] Sur la bataille de Canlich et sur ces événements, voir Mus. d’Esp., iii, 288.

[66] Les deux comtes Raymond de Barcelone et Ermengaud d’Urgel (Mus. d’Esp., iii, 295).

[67] Aujourd’hui Castillo del Bacar, à environ quatre lieues de Cordoue (ibid.).

[68] Ou Khoyrân (ibid., 298).

[69] Le Bayân (i, 246) mentionne ce phénomène sous l’année 369 et signale des tremblements de terre à Mehdiyya en 371 (i, 247).

[70] Ce chapitre est traduit dans la Biblioteca, i, 433. Cf. Bayân, i, 247.

[71] Je n’ai pas retrouvé ce nom ailleurs.

[72] Les campagnes qui eurent pour résultat de rendre le royaume de Léon tributaire durèrent de 981 à 9S4 (Mus. d’Esp., III, 190 et 195). La prise de Léon est de mars 984 (Ib., p. 196).

[73] Bermude ne fut pas tué, puisqu’il reconnut la suzeraineté d’Almanzor (l. l., 196). Dozy ne fait aucune allusion à l’épisode du duel.

[74] Je ne puis identifier cette ville, qui n’est citée ni dans Edrisi, ni dans les divers volumes de la Bibliotheca arabo-hispana : faut-il y voir Caminha, à l’embouchure du Minho ?

[75] Ce nom est diversement orthographié : Warok’iîn, Wark’enfoû, Wak’alni (Berbères, n. 12 ; Bayân, i, 248). C’est en 365, 367 ou 369 que Bologgîn commença son expédition contre Khazroûn (supra, p. 252). Cf. Wüstenfeld, Gesch. der Fatim., p. 135.

[76] Ce personnage descendait des princes Aghlabides et joua un rôle important ; voir une longue note, Berbères, ii, 13 ; Bayân, i, 247 et s.

[77] Comparez Ibn Khaldoun, ii, 13 ; iii, 256 ; Bayân, i, 250.

[78] Voir Ibn Khaldoun, l. l. ; Bayân, i, 251. Ce dernier, de même que Noweyri, place en 377 la mort d’Abd Allah ben Mohammed.

[79] Sur le mouvement tenté par Aboû’l-Fehm, voir Berbères, ii, 14 ; Bayân, i, 252 ; Wüstenfeld, p. 148. Le Bayân place à l’année 378 l’expédition d’El-Mançoûr ; probablement, elle commença en 377 et se poursuivit en 378.

[80] L’insurrection d’Abou’l-Faradj, qu’a mentionnée aussi Noweyri (d’après Ibn el-Athîr ?) (voir Berbères, ii, 15) a été passée sous silence par le Bayân et par Ibn Khaldoun.

[81] On retrouve cette anecdote et ces détails dans le Bayân (i, 253, où il est dit que la fille d’El-Mançoûr épousa Warroû ben Sa’îd).

[82] La prononciation Felfoûl est établie par le texte arabe d’Ibn Khaldoun.

[83] C’est au 1er redjeb 382 que le Bayân (i, 256) place la mort de Sa’îd ; Ibn Khaldoun (ii, 15 ; cf. iii, 270) dit aussi 381 ; l’une et l’autre de ces chroniques exposent les faits de la même manière qu’Ibn el-Athîr.

[84] Sur la révolte d’Aboû El-Behâr, voir le Bayân, i, 253 et. 256 ; Berbères, ii, 15 ; iii, 240 : le premier de ces textes place la soumission de ce chef à l’année 383, le second à l’année 382.

[85] Ibn el-Abbâr dans la Cila (éd. Codera, i, 106) consacre quatre lignes à ce saint personnage.

[86] Voir le Bayân, i, 254 et 255