Œuvre numérisée par Marc Szwajcer
Revue Africaine, 1898.
Le 14 ramad'ân 264 (19 mai 878), Syracuse, une des plus grandes villes de Sicile, fut conquise par les musulmans. Djafar ben Mohammed, émir de Sicile, avait fait une incursion de ce côté et en avait ravagé les moissons, de même que celles de Catane, de Taormina, de Ramette, et autres localités chrétiennes ; puis il entreprit le siège de Syracuse par terre et par mer et s'empara de plusieurs des faubourgs de la ville. Une flotte chrétienne qui amenait.des secours fut glorieusement battue par la flotte musulmane, et l'on n'eut plus alors qu'à poursuivre le siège. Au bout de neuf mois, la ville fut prise : plusieurs milliers d'habitants furent massacrés, le butin fut plus abondant qu'en aucune autre ville, et des guerriers qui la défendaient il ne s'échappa que quelques-uns çà et là. Après être restés deux mois dans leur nouvelle conquête, les musulmans la ruinèrent. Le saccage en était fait quand arriva une flotte de Constantinople, qui fut encore battue par les fidèles ; ils s'emparèrent de quatre bâtiments, dont ils mirent à mort ceux qui les montaient, et rentrèrent dans leurs pénates à la fin de dhoû'l-k'a'da (2 août).
En 264 (12 septembre 877), Mohammed ben 'Abd er-Rah'mân envoya contre Pampelune un corps d'armée commandé par son fils El-Mondhir. Celui-ci, qui avait ordre de passer par Saragosse, livra combat aux habitants de cette dernière ville, puis se dirigea sur Tudèle et lança sa cavalerie dans les lieux habités par les Benoû Moussa. Il pénétra ensuite dans (la région de) Pampelune, d'où il sortit sain et sauf, après y avoir ruiné de nombreux forts et ravagé les champs cultivés.[173]
La même année, une troupe d'Arabes marcha contre la ville de Djalîkiyya et, dans le grand combat qui eut lieu, les pertes furent des deux parts très sensibles.[174]
Ibrahim ben Mohammed se transporta en cette année à Rakkâda, dont la construction, commencée en 263, était terminée.
Cet événement, qui est de 265 (2 septembre 878), arriva dans les conditions que voici.[175] Ahmed était, comme nous l'avons dit, parti pour la Syrie en se faisant remplacer en Egypte par son fils El-'Abbâs. Quand il fut éloigné, des gens de l'entourage du jeune prince persuadèrent à celui-ci d'enlever de l'argent et de partir pour Barka, ville où il arriva en rebi' I (novembre 878). [P. 235] Son père fut informé de ce qui se passait, et quand ensuite il fut rentré en Egypte, il envoya des messagers à son fils pour le ramener par la douceur à de meilleurs sentiments ; mais cela ne réussit pas, car l'entourage du jeune prince, craignant les suites de cette équipée, lui conseilla de marcher vers l’Ifrîkiyya. C'est ce qu'il fit, et les lettres qu'il adressa aux chefs berbères lui en rallièrent certains, tandis que d'autres s'y refusèrent. Il adressa alors à Ibrahim ben el-Aghlab un message dans lequel il se disait investi par le Prince des croyants des divers cantons de l'Ifrik'iyya. Puis, poursuivant sa marche en avant, il arriva au château-fort de Lebda, dont les habitants lui ouvrirent les portes, Mais à.la suite des mauvais traitements et du pillage qu'il leur fît subir, ces gens s'adressèrent à. Elyâs ben Mansour Nefoûsi, chef des Ibâdites de ces régions, et réclamèrent son secours, de sorte qu'Elyâs, irrité de ces procédés, se mit en marche pour combattre El-'Abbâs. De son côté, Ibrahim ben el-Aghlab avait envoyé un corps d'armée au gouverneur de Tripoli avec ordre d'attaquer l'intrus, et un combat acharné fut livré, où El-'Abbâs combattit de sa personne. Le lendemain, Elyâs ben Mansour l’Ibâdite, arrivé à la tête de douze mille de ses coreligionnaires, opéra sa jonction avec le gouverneur de Tripoli. La bataille recommença : El-'Abbâs laissa un grand nombre de ses partisans sur le champ de bataille et subit la défaite la plus honteuse ; lui-même faillit être pris et ne dut son salut qu'à un de ses clients ; ses bagages et la plus grande partie de ce qu'il avait amené d'Egypte furent livrés au pillage, et il retourna à Barka dans le plus triste équipage.
Quand la nouvelle de cette déroute parvint en Egypte, Ahmed, très affligé, voulut réduire son fils. Sachant qu'il était sain et sauf, il fit marcher contre lui des troupes qui livrèrent un combat où, à la suite d'une résistance acharnée, El-'Abbâs fut mis en déroute et subit de grandes pertes. Lui-même fut fait prisonnier et amené à son père, qui l'interna dans une petite chambre de l'hôtel qu'il habitait. Puis quand le reste des prisonniers fut arrivé, Ahmed les fit tous comparaître devant lui et ordonna à son fils de couper les pieds et les mains des principaux d'entre eux. Quand El-'Abbâs eut accompli cette triste besogne, son père lui adressa de vifs reproches : « Voilà donc comment agit un prince et un chef ! Ce que tu avais à faire, c'était de te jeter à mes genoux pour implorer ton pardon et le leur ! Voilà qui eût été plus digne de ton rang et ce que méritaient des gens qui t'ont soutenu et ont quitté leur pays à cause de toi ! » Il lui fit alors administrer cent coups de fouet, mais la pitié que lui inspirait son fils couvrait ses joues de larmes. Après quoi il le renvoya dans sa chambre et l'y tint interné. Cela se passait en 268 (31 juillet 881).
[P. 232] En 266 (22 août 879) Mohammed ben 'Abd er-Rah'mân donna l'ordre de construire des vaisseaux sur le fleuve de Cordoue et de les envoyer dans l'Océan, parce que, lui avait-on dit, la Galice n'était pas défendue dans la direction de l'Océan et qu'on pouvait facilement s'en rendre maître de ce côté. Quand ils furent terminés, armés et équipés, on les envoya dans l'Océan, où ils se brisèrent, sans qu'on pût seulement en faire marcher deux de conserve, de sorte qu'il n'en revint qu'un-petit nombre.[176]
En la même année, une bataille navale entre les chrétiens et les musulmans eut lieu près des côtes de Sicile ; l'avantage resta aux premiers, qui s'emparèrent des bâtiments des vaincus. Ceux d'entre ceux-ci qui s'échappèrent se réfugièrent à Palerme.[177]
En la même année, le manque de pluie fut cause d'une grande disette en Ifrîkiyya, où les vivres faillirent manquer.
[P. 252] L'année 267 (11 août 880) vit les débuts de la révolte d'ibn H'afçoûn contre le souverain d'Espagne Mohammed ben 'Abd er-Rah'mân, du côté de Malaga. Le gouverneur de cette région, qui marcha contre lui avec un corps d'armée, fut mis en fuite, de sorte que 'Omar ben H'afçoûn vit son pouvoir se consolider et le bruit de son nom se répandre ; tous ceux qui cherchaient le désordre et l'occasion de faire le mal vinrent se joindre à lui. Mohammed envoya alors un nouveau gouverneur appuyé par un autre corps d'armée, et 'Omar dut consentir à la paix en livrant tout ce qui pouvait lui être de quelque secours, et qui fut détruit ; en outre, plusieurs des siens furent exilés. L'ordre fut ainsi rétabli de ce côté. La même année eut lieu en Syrie, en Egypte, en Mésopotamie, en Ifrîkiyya et en Espagne un violent tremblement de terre précédé d'un grand fracas.[178]
En la même année, El-Hasan ben el-'Abbâs, qui gouvernait en Sicile, envoya des colonnes expéditionnaires dans toutes les directions ; lui-même marcha contre Catane, dont il ravagea les champs, ainsi que ceux de Taormine et abattit les arbres. Il marcha aussi contre Bak'âra (Imachara ?), dont il anéantit également les moissons, et rentra ensuite à Palerme. Les chrétiens de leur côté organisèrent des colonnes qui firent main basse sur quantité de musulmans ; tout cela du temps d'El-Hasan ben el-'Abbâs.[179]
[P. 258] En 268 (31 juillet 881), Mohammed ben 'Abd er-Rah'mân envoya un corps de troupes commandé par son fils El-Mondhir contre ceux qui s'étaient mis en rébellion contre lui. El-Mondhir, s'étant dirigé du côté de Saragosse, dévasta les champs, ravagea le pays et conquit le château-fort de Roût'a,[180] d'où il tira 'Abd el-Wâh'id Rôti, l'un des plus vaillants guerriers de cette époque. Il s'avança vers le couvent de Teroûdja et le pays de Mohammed ben Morekkeb ben Moussa ; puis tous les deux lancèrent de côté et d'autre des partis de cavalerie ; après quoi il se dirigea sur Lérida et Carthagène.[181] Il combattit Ismâ’îl ben Moussa, qui était dans cette (dernière) ville ; ce chef fit acte de soumission et livra des otages comme garantie de sa fidélité. Il (El-Mondhir ?) se dirigea vers la ville d'Ank'ara,[182] qui appartenait aux polythéistes ; il conquit divers châteaux forts, puis s'en retourna.
Dans la même année, Ibrahim ben Ahmed ben el-Aghlab infligea un sévère châtiment aux habitants du Zâb. Les principaux d'entre eux étaient auprès de lui et il commença par les bien accueillir, leur faire des présents, leur donner des vêtements et des chevaux, puis il en fit mettre à mort le plus grand nombre, y compris les enfants, et il fit charrier leurs cadavres jusqu'à une fosse où ils furent jetés.[183]
En cette année, une colonne musulmane qui opérait en Sicile sous les ordres du nommé Abou't-Thawr rencontra un corps d'armée chrétien qui l'anéantit tout entière, à l'exception de sept individus. Le gouvernement de la Sicile fut enlevé à El-Hasan ben el-'Abbâs, et confié à Mohammed ben el-Fad'l, qui expédia des colonnes dans toutes les directions. Lui-même se mit à la tête de levées considérables et marcha contre Catane, dont il ravagea les cultures ; puis il attaqua les gens montés sur les chelendi (chalands) et en fit un grand carnage. De là il alla ravager les cultures de Taormine, d'où il revenait quand il fut attaqué par les guerriers chrétiens ; mais il les mit en fuite et en tua le plus grand nombre, c'est-à-dire trois mille, dont il envoya les têtes à Palerme. Les musulmans se portèrent ensuite contre un château-fort nouvellement construit par les chrétiens et appelé par eux « Ville du roi » (Polizzi ?) ; ils le prirent d'assaut, en massacrèrent les défenseurs et réduisirent les habitants en captivité.[184]
[P. 259] En 268 (31 juillet 881), El-'Abbâs ben Ahmed ben Touloun fit la guerre à son père, qui s'avança jusqu'à Alexandrie et qui resta vainqueur. Il le ramena ensuite avec lui à Misr. Nous avons antérieurement parlé de ces événements.[185]
[P. 279] En 269 (20 juillet 882) l'émir de Sicile Mohammed ben el-Fad'l s'avança avec une armée vers Ramette ; puis elle arriva jusqu'à Catane en faisant un grand massacre de chrétiens, se livrant au pillage et emmenant des prisonniers. Il rentra à Palerme au mois de dhoû'l-h'iddja (juin-juillet 883).[186]
[P. 289] En 270 (10 juillet 883), Ismâ’îl ben Moussa commença à rebâtir la ville de Lérida en Espagne. Ce personnage s'était révolté contre son souverain Mohammed, mais s'était, l'année précédente, arrangé avec lui. Eu apprenant ses (projets de reconstruction), le prince franc de Barcelone réunit des troupes et s'avança contre lui pour l'empêcher d'y donner suite. Mais Ismâ’îl lui livra bataille, mit en fuite les polythéistes et en tua le plus grand nombre ; la majeure partie des cadavres resta longtemps sur le terrain (sans sépulture).[187]
En 271 (28 juin 884), le souverain d'Espagne Mohammed envoya, sous le commandement de son fils El-Mondhir, un corps de troupes contre la ville de Badajoz. Alors le Galicien Ibn Merwân, que nous avons dit s'être révolté, en sortit pour aller occuper le château-fort d'Achirguerra,[188] où il se fortifia, tandis qu'El-Mondhir réduisait en cendres la ville de Badajoz. Mohammed envoya d'autres troupes, commandées par Hâchim ben 'Abd el-Aziz, contre Saragosse, où se trouvait Mohammed ben Lope ben Moussa. Cette ville tomba entre les mains de Hâchim, qui en expulsa Mohammed, avec lequel se trouvait un chef dont nous avons dit la révolte, 'Omar ben H'afçoûn. La paix fut en suite conclue entre eux. Après leur retour à Cordoue, 'Omar ben H'afçoûn s'enfuit à Bobastro, où il reprit les hostilités. Le souverain y répondit par les mesures dont nous parlerons.
En 271 aussi, une forte colonne musulmane fut dirigée contre Rametta ; elle fit de grands ravages et rentra avec beaucoup de butin et de captifs. L'émir de Sicile El-H'oseyn ben Ahmed étant alors venu à mourir fut remplacé par Sawâda ben Mohammed ben Khafâdja Temîmi. Quand celui-ci fut arrivé dans l'île, il mena une forte armée contre Catane et anéantit tout, ce qui se trouvait dans (les environs). Il alla ensuite guerroyer contre les habitants de Taormine, et ravagea les cultures du pays. Il continuait d'avancer quand un messager du patrice chrétien vint solliciter une trêve et l'échange des prisonniers. Sawâda accorda une trêve de trois mois et racheta trois cents prisonniers musulmans, après quoi il retourna à Palerme.[189]
[P. 295] En 272 (17 juin 886), le souverain d'Espagne fit étroitement assiéger Ibn Merwân le Galicien dans le château fort d'Achirguerra.[190] Il envoya un autre corps d'armée contre le château-fort de Bobastro, qu'occupait 'Omar bon H'afçoûn.
En 272, à la suite de l'expiration de la trêve conclue avec les chrétiens, Sawâda, émir de Sicile, envoya dons les territoires chrétiens de cette île des colonnes qui en revinrent en ramenant du butin. Un Patrice du nom de Nicéphore arriva de Constantinople à la tête d'une forte armée ; il mit le siège devant la ville de Santa Severina et serra si bien les musulmans qui l'occupaient, que ceux-ci durent la rendre, mais ils obtinrent quartier et se retirèrent en territoire musulman. Nicéphore fit ensuite assiéger Amantea, dont les habitants durent se rendre, mais en obtenant quartier ; [ils se retirèrent] à Palerme.[191]
A la fin de çafar 273 (commencement d'août 886) mourut Mohammed ben 'Abd er-Rah'mân ben El-Hakam ben Hicham, le prince Omeyyade d'Espagne, à l'âge d'environ soixante-cinq ans, après un règne de trente-quatre ans et onze mois. Il était d'un blond roussâtre et de taille moyenne ; il avait le cou très court et faisait usage de henné et de kedam. Il avait de la finesse et exerçait sa sagacité dans les affaires douteuses, auxquelles il appliquait un regard exercé.[192] Des trente-trois enfants mâles qu'il laissa, celui qui devint son successeur fut El-Mondhir ben Mohammed, à qui l'on prêta serment de fidélité trois jours après la mort de son père. Le peuple le reconnut et reçut de lui des libéralités.
En moharrem 275, selon d'autres en çafar (15 mai-12 juillet 888), mourut El-Mondhir ben Mohammed ben 'Abd er-Rah'mân ben el-Hakam ben Hicham, [P. 304] prince omeyyade d'Espagne, après un règne d'un an onze mois et dix jours ; il était âgé d'environ quarante-six ans. Il était brun, de haute taille, marqué de la petite vérole ; il avait les cheveux frisés et la barbe épaisse : il était généreux et le prouva aux poètes, car il était amateur de poésie. Il laissa six fils, mais eut pour successeur son frère 'Abd Allah ben Mohammed, à qui Ton prêta serment de fidélité le jour même de la mort d'El-Mondhir. Celui-ci, dont le prénom (konya) était Abou Mohammed, avait pour mère une esclave nommée 'Achâr, qui mourut un an avant son fils. Sous son règne l'Espagne s'était vue ravagée partout par des guerres intestines, et de tous côtés s'installèrent des chefs par la force des armes.
L'émir d'Ifrîk'iyya, Ibrahim ben Ahmed, avait d'abord confié le gouvernement de la Sicile à Abou Malik Ahmed ben 'Omar ben 'Abd Allah ; puis le jugeant insuffisant, il le remplaça par son propre fils Abou'l-'Abbâs l'Aghlabide, qui rejoignit son poste le 1er chaban 28-7 (31 juillet 900), à la tête de cent vingt bâtiments et de quarante navires de guerre, et qui mit le siège devant Trâbalos (Trapani ?). A la nouvelle de sa venue, l'armée musulmane de Palerme, qui était alors occupée à combattre les habitants de Girgenti, regagna Palerme et expédia au nouveau gouverneur quelques-uns de ses cheikhs, tant pour lui promettre obéissance que pour s'excuser d'avoir attaqué Girgenti. Mais plusieurs habitants de cette dernière ville se rendirent aussi auprès de lui pour se plaindre des Palermitains, ajoutant qu'ils lui étaient hostiles, que l'envoi de ces cheikhs n'était qu'une ruse destinée à cacher leur trahison, qu'ils étaient sans foi ni honneur, et que le prince pouvait vérifier ces assertions en mandant auprès de lui tels et tels Palermitains. En conséquence, Abou 'l-'Abbâs réclama leur présence, mais sa demande fut repoussée et l'on refusa ouvertement de lui obéir, de sorte qu'il fit jeter en prison les cheikhs qui lui avaient été députés. Alors les Palermitains, se réunissant, marchèrent contre lui à la mi-chaban (14 août 900), [P. 350] ayant à leur tête Massoud Bâdji, qu'accompagnait Rakamaweyh, chef de ces insensés, en même temps que faisait voile une flotte d'une trentaine de bâtiments ; mais il s'éleva une tempête qui fit périr la plupart de ceux-ci, et le reste regagna Palerme. Les troupes de terre attaquèrent Abou 'l-'Abbâs, qui était devant Trapani, et livrèrent un combat acharné qui occasionna des pertes aux deux partis ; les armées se séparèrent, puis la lutte recommença le 22 chaban (21 août), mais les Palermitains vaincus dans l'après-midi durent s'enfuir poursuivis jusqu'à Palerme, tant sur terre que sur mer, par Abou 'l-'Abbâs. Les rebelles revinrent à la charge le 10 ramadân (7 septembre) et combattirent depuis l'aurore jusqu'à la fin de l'après-midi, mais ils finirent par être vaincus, et jusqu'au coucher du soleil on les massacra. Abou 'l-'Abbâs se rendit maître des faubourgs, qu'il livra au pillage. Nombre d'hommes et de femmes s'enfuirent à Taormine, tandis que Rakamaweyh et les autres fauteurs de troubles de son espèce se réfugiaient en pays chrétien, à Constantinople et ailleurs. Abou 'l-'Abbâs pénétra dans la ville conquise et accorda l'amnistie aux habitants, d'entre lesquels il choisit quelques notables qu'il envoya à son père en Ifrîk'iyya. Il marcha ensuite sur Taormine, dont il ravagea les vignobles et où il porta la guerre, puis alla mettre le siège devant Catane, mais sans succès.
Retournant alors dans la capitale, il y resta jusqu'à ce que commençât l'année 288 (25 décembre 900). Il prépara alors une expédition, et comme la saison était favorable, il équipa une flotte qu'il expédia le 1er rebi' II (24 mars 901). Lui-même alla camper sous les murs de Demona et y installa des machines de siège ; mais au bout de quelques jours il se rendit à Messine et passa de là avec les navires de guerre à Reggio. Là s'étaient concentrés de nombreux chrétiens, à qui il livra bataille à la porte même de la ville ; il les battit et emporta la place de vive force en redjeb (juin-juillet). Il y fit un butin prodigieux tant en or qu'en argent et remplit ses vaisseaux de farine[194] et de marchandises diverses, puis il regagna Messine, qu'il démantela. Dans le port de cette dernière ville se trouvaient des bâtiments venus de Constantinople et dont il captura trente, après quoi il retourna dans la capitale.
Il y resta jusqu'en 289 (15 décembre 901), où, obéissant à un ordre de rappel de son père, il retourna, presque sans suite et avec cinq galères seulement, en Ifrîk'iyya, [P. 351] laissant à la tête des troupes ses deux fils Abou Mod'ar et Abou Ma'add. Son père lui confia le soin de le remplacer et se rendit lui-même en Sicile, où il arriva en redjeb 289 (juin-juillet 902) pour y faire la guerre sainte et accomplir ensuite le pèlerinage. Nous avons, sous l'année 261, raconté ce qui le concerne.
Nous avons dit sous l'année 261 qu'Ibrahim ben Ahmed avait choisi pour héritier, en 289 (15 décembre 901), son fils Abou'l-'Abbâs 'Abd Allah et qu'il mourut la même année. Le nouveau prince, qui monta sur le trône après la mort de son père, était un homme lettré, sage, brave, cité parmi les champions renommés, bien au courant de la théorie et de la pratique militaires, instruit et versé dans la dialectique. C'est sous son règne que la puissance d'Abou 'Abd Allah le Chî'ite commença à s'affirmer, et il le fit combattre par son frère El-Ah'wal (le louche), ainsi surnommé non parce qu'il était louche, mais parce qu'il avait l'habitude de cligner de l'œil quand il regardait un peu fixement.[196] Le Chî'ite marcha avec de nombreux partisans à la rencontre de son adversaire et resta vainqueur dans la bataille qu'il lui livra à Kemoûcha[197] et qui fut très sanglante. El-Ah'wal cependant continua de tenir tête à son adversaire.
Tant que vécut son père, Abou 'l-'Abbâs ne cessa d'être sur le qui-vive [P. 360] à cause de son mauvais caractère. Il fut par lui nommé gouverneur de Sicile, où il fit de nombreuses conquêtes qui ont été narrées à propos du règne dudit Ibrahim. Devenu gouverneur de l’Ifrîk'iyya, il adressa aux fonctionnaires une circulaire destinée à être lue en public et où il promettait une bonne administration, la justice, la douceur et le zèle pour la guerre sainte. Il tint ces promesses faites spontanément ; il s'entoura d'un conseil formé de plusieurs savants et chargé de lui venir en aide pour gouverner le peuple. Il était poète ; voici des vers qu'il fit en Sicile à propos d'un médicament qu'il venait déboire :
[Motak'ârib] Je viens de prendre médecine sur la terre étrangère, loin de ma famille et de ma demeure ; autrefois, en pareille circonstance, j'étais parfumé de musc et d'aloès. Ma boisson, maintenant, ce sont des fleuves[198] de sang mêlés à la poussière que soulèvent les escadrons !
Abou'l-'Abbâs, ayant appris que son fils Abou Mod'ar Ziyâdet Allâh, gouverneur de Sicile, s'adonnait tout entier aux plaisirs et ne cessait de boire du vin, lui enleva celle situation, où il le remplaça par Mohammed ben es-Sark'oûsi, et l'emprisonna. La nuit du mardi au mercredi, dernier jour de chaban 290 (27 juillet 903), Abou 'l-'Abbâs fut tué par (rois de ses serviteurs slaves, qui servirent d'instrument à son fils Abou Mod'arf Ziyâdet Allah) ; les assassins portèrent la tête de leur victime à ce dernier, qui était encore en prison et qui fit massacrer et mettre en croix ses complices. Abou'l-'Abbâs, qui avait régné un an et cinquante-deux jours, habitait et fut tué à Tunis. Prince très juste, il avait réuni auprès de lui de nombreux conseillers chargés de le soutenir dans l'application des règles de la justice et de le renseigner sur la situation du peuple, de manière à toujours agir équitablement. Le juge même de la ville avait ordre de lui appliquer les lois, soit à lui-même, soit à sa famille ou à ses courtisans, et c'est ce qui se faisait.
De son fils et successeur Abou Mod'ar il sera parlé sous l'année 296.
Le 1er ramadan 296 (23 mai 909), Abou Mod'ar Ziyâdet Allah ben Abou 'l-'Abbâs ben 'Abd Allah monta sur le trône en Ifrîk'iyya à la suite du meurtre de son père. Il s'adonna aux plaisirs et à la volupté, faisant sa compagnie habituelle de ses camarades de débauche et de bouffons, négligeant les soins de la royauté et les intérêts du peuple. Le jour même de son avènement, il envoya à son oncle paternel[199] El-Ah'wal un message qui était censé émaner de son père assassiné, et par lequel il lui ordonnait d'arriver sur-le-champ et en toute diligence. El-Ah'wal, ignorant l'assassinat d'Abou 'l-'Abbâs, accourut aussitôt, elle nouveau prince le fit exécuter, lui et tous ceux de ses autres oncles et frères dont il put s'emparer. Sous son règne, le pouvoir d'Abou 'Abd Allah Chî'i, déjà bien établi, continua à se consolider. Le rebelle était d'abord contenu par El-Ah'wal, mais le meurtre de ce général lui laissa le champ libre, et villes et peuples reconnurent son autorité. Ziyâdet Allah envoya contre lui son cousin paternel Ibrahim ben Abou'l-Aghlab à la tête d'une armée de 40.000 hommes, en outre des (volontaires) qui se joignirent à cette expédition ; mais le Chî'i remporta la victoire, ainsi que nous le dirons. Cette défaite convainquit Ziyâdet Allah qu'il ne pouvait se maintenir plus longtemps, car cette armée était la dernière qu'il avait pu lever. En conséquence, il se mit à réunir ce qui lui était le plus cher tant en fait de famille que de richesses et autres choses, dans l'intention de fuir [P. 16] en Orient ; puis, feignant d'avoir appris la défaite du rebelle, il fit sortir des prisons ceux qui y étaient renfermés et les massacra, tandis qu'il mettait ses intimes au courant de la véritable situation et leur donnait l'ordre de partir avec lui. L'un des courtisans[200] lui déconseilla de fuir ainsi en renonçant à sa royauté, car, continua-t-il, Abou 'Abd Allah n'oserait s'en prendre au prince lui-même. Mais celui-ci injuria son conseiller et repoussa cet avis : « Tout ce que tu désires, lui dit-il, c'est que le vainqueur me mette la main dessus ! » Alors chacun de ses parents et de ses courtisans fit ses préparatifs de départ et emporta ce qui était transportable.
(Ainsi finit) cette dynastie aghlabide qui avait longtemps régné en Ifrîk'iyya, s'appuyait sur de nombreux soldats nègres et avait joui d'un grand pouvoir. Ce fut en 296 (29 septembre 908) que Ziyâdet Allah se mit en marche dans la direction de l'Egypte, en compagnie d'un nombreux personnel.[201] Il ne s'arrêta qu'à Tripoli, où il séjourna dix-neuf jours et où il vit Abou'l-'Abbâs, frère du Chî'ite, qui s'était enfui de Kayrawân où il l'avait fait emprisonner. Le prince se le fit amener et lui demanda s'il était bien le frère d'Abou 'Abd Allah : « Non, répondit-il, je ne suis qu'un marchand ; mais on a fait courir sur moi le bruit que j'étais le frère du Chî'ite, et c'est pourquoi tu m'as fait jeter en prison. —Eh bien ! dit Ziyâdet Allah, je vais te relâcher : si tu dis vrai et que tu sois un simple marchand, je ne t'aurai pas fait tort ; si tu mens et que tu sois le frère d'Abou 'Abd Allah, tiens compte de ce bienfait et reconnais-le en protégeant ceux que nous avons laissés en arrière ».
Parmi les principaux membres de sa famille[202] qui l'accompagnaient dans sa fuite figurait Ibrahim ben Abou 'l-Aghlab ; il songea à le mettre à mort, lui et un autre personnage qui s'étaient offerts à gouverner K'ayrawân (après la fuite de Ziyâdet Allah). Mais ces deux hommes eurent vent de la chose et filèrent aussitôt en Egypte, dont ils indisposèrent le gouverneur, 'Isa Noûcheri, contre Ziyâdet Allah, qu'ils lui représentèrent comme songeant à devenir gouverneur de ce pays. Impressionné par ces révélations, Noûcheri ne voulait laisser le fugitif pénétrer en Egypte que sur l'ordre du khalife de Bagdad ; mais Ziyâdet Allah arriva de nuit et franchit la jetée de Djîzeh en employant la force. Noûcheri alors, reconnaissant son impuissance à rien empêcher, installa l'Aghlabide dans l'hôtel [P. 17] d'Ibn el-Djaççâç[203] et ses compagnons dans divers autres locaux. Au bout de huit jours, ce prince se remit en marche pour Bagdad, mais fut alors abandonné par une partie des siens, notamment par un jeune esclave qui lui enleva cent mille dinars avec lesquels il se fixa auprès de Noûcheri. Celui-ci informa le khalife El-Mok'tadir billah de la situation de Ziyâdet Allah en même temps qu'il le renseigna sur ceux qui l'avaient quitté pour rentrer en Egypte ; d'après l'ordre que lui en adressa le khalife, il renvoya à l'Aghlabide ceux qui l'avaient abandonné et l'argent dont ils étaient porteurs.
Ziyâdet Allah finit par arrivera Er-Rak'k'a, d'où il fit demander au vizir Ibn el-Forât l'autorisation de pénétrer à Baghdâd ; mais le vizir lui intima l'ordre de ne pas bouger. Pendant un an il resta là, ses compagnons l'abandonnant peu à peu, tandis qu'il continuait de se livrer au vin et à la musique. On dénonça sa conduite au khalife, à qui l'on insinua de le renvoyer au Maghreb pour qu'il y tentât de vaincre ses ennemis. El-Mok'tadir approuva cette solution, qu'il lui fit connaître, et écrivit à Noûcheri[204] d'envoyer d'Egypte les secours nécessaires en guerriers, en approvisionnements et en argent pour permettre à l'Aghlabide de retourner au Maghreb. En conséquence, le prince détrôné retourna en Egypte, et Noûcheri l'envoya à Dhât el-H'omâm[205] attendre qu'il eût rassemblé les troupes et l'argent nécessaires. Mais ce gouverneur le traîna en longueur et le fit longtemps attendre, tandis que diverses maladies frappaient successivement Ziyâdet Allah, par suite, dit-on, d'un poison que lui versa un de ses gardes, et il perdit toute sa barbe. Il retourna alors en Egypte, partit pour Jérusalem et mourut à Er-Ramla, où il fut enterré. Gloire à l'Être vivant par excellence, qui ne connaît pas la mort et dont le royaume ne périt point !
Il ne resta de la sorte plus aucun Aghlabide au Maghreb ; la dynastie avait eu une durée de cent douze ans. Ces princes avaient eu l'habitude de dire qu'ils iraient en Egypte et en Syrie et attacheraient leurs montures aux oliviers de la Palestine.[206] Ce fut Ziyâdet Allah qui réalisa cette prédiction, mais en fugitif et non de la manière qu'ils se l'étaient figuré.
Cette dynastie, qui étendit au loin les limites de son autorité et qui eut une longue durée, commença cette année-là (296 = 29 septembre 908) en Ifrîk'iyya et finit en Egypte en 567 (3 septembre 1171). Il nous faut donc en parler d'une façon détaillée et exacte.
Le premier qui régna fut Abou Mohammed 'Obeyd Allah, qui était, dit-on, [P. 18] Mohammed ben 'Abd Allah ben Meymoûn ben Mohammed ben Ismâ’îl ben Djafar ben Mohammed ben 'Ali ben el-H'useyn ben 'Ali ben Abou Taleb. Ceux qui donnent cette généalogie voient dans l'Abd Allah qui y figure le fils de Meymoûn el-K'addâh', celui qui a donné son nom aux K'addâh'iyya.[207] D'autres disent qu'il s'agit d’Obeyd Allah ben Ahmed ben Ismâ’îl II ben Mohammed ben Ismâ’îl ben Djafar ben Mohammed ben 'Ali ben 'Ali ben el-H'oseyn ben Abou Taleb. Les savants ne sont pas tous d'accord sur l'authenticité de cette généalogie. Le Mahdi et ses partisans, affirmant que l'imamat lui appartient, soutiennent que, telle que nous l'avons rapportée, elle est exacte et se montrent tout à fait catégoriques à cet égard et beaucoup d’Alides, versés dans les connaissances généalogiques, sont d’accord avec eux. Le chérif er-Rad’i[208] leur apporte aussi son témoignage :
[Khafif] Est-ce une humble situation qui doit être la mienne, moi au sujet de qui les dires sont décisifs et dont l'honneur est intact ? Je suis en pays ennemi livré à l'abjection, alors qu'un khalife Alide règne en Egypte. Celui dont le père est mon père, celui dont le patron est le mien, tel est mon répondant qui réside loin d'ici ; c'est. Mohammed, seigneur de tous les hommes, c'est 'Ali qui ont fait que le sang.de ses veines et des miennes est le même. Certes, dans cette autre atmosphère, mon abjection actuelle deviendrait de la puissance, dans ce pays-là ma soif se transformerait en satiété.
Ce n'est que par crainte qu'il n'a inséré ces vers nulle part dans son divan, et il n'y a pas d'argument à tirer de ce qu'il a signé à l'acte improuvant les prétentions généalogiques de cette dynastie,[209] — car la peur en "fait faire bien d'autres — en présence du fait que voici et qui prouve ce que j'ai avancé. Quand (le khalife Abbaside) El-K'âdir Billah eut pris connaissance des vers cités plus haut, il fit venir le kadi Abou Bekr ben el-Bâk'ilâni[210] et lui fît porter ce message au chérif Abou Ahmed Moûsewi, père[211] du chérif Er-Rad'i : « Tu n'es pas sans savoir quelle est ton influence auprès de nous, quel est le compte que nous tenons toujours de toi à cause de ton amitié pour nous, quelles sont les situations honorables que tu dois à notre dynastie. [P. 19] Or il ne se peut pas que tu vives auprès d'un pouvoir qui a tes sympathies et que ton fils s'y montre hostile ; et pourtant je viens d'apprendre qu'il est l'auteur de tels et tels vers ! Je voudrais bien savoir en quoi consiste sa situation humiliante, à lui qui est chargé de la surintendance des chérifs et de celle du pèlerinage, deux des charges les plus importantes ! S'il était en Egypte, il serait perdu dans la foule du peuple ! » Et le khalife continuait longtemps sur le même ton. Abou Ahmed jura qu'il ne savait rien et fit appeler son fils, avec qui il eut une conversation à ce sujet, et qui lui répondit par des dénégations. « Eh bien ! reprit Abou Ahmed, écris au khalife une lettre d'excuses où tu reconnaîtras que la généalogie de l'Égyptien est supposée et que c'est lui qui la prétend authentique. » Mais Er-Rad'i s'y refusant et son père lui reprochant de le considérer lui même comme un menteur : « Non, reprit Er-Rad'i, je ne le traite pas de menteur, mais je crains les missionnaires qui sont envoyés du Deylem et de l'Egypte et qui rôdent partout. — Alors tu crains et " respectes quelqu'un qui est loin pour irriter quelqu'un qui est proche, qui te voit et t'entend, qui peut disposer de toi et de ta famille ?» Et la conversation se poursuivit ainsi, mais sans qu'Er-Rad'i consentît à écrire au khalife, si bien que son père s'emporta et jura qu'il ne resterait plus désormais dans la même ville que lui. Enfin l'affaire se termina par l'aveu que fit Er-Rad'i, sous serment, qu'il n'était pas l'auteur de ces vers, et c'est ainsi qu'on arrangea les choses.
Ce refus d'Er-Rad'i de s'excuser et d'attaquer la généalogie des Fatimides, malgré la crainte qu'il ressentait, est un puissant argument en faveur de l'authenticité. J'ai moi-même interrogé plusieurs des principaux Alides à ce propos, et nul n'a émis de doute que les choses ne soient telles.
D'autres ont dit que cette généalogie est controuvée et inauthentique, et certains sont allés jusqu'à dire qu’Obeyd Allah est Juif. Sous le règne d'El-K'âdir (l'Abbaside), on mit au jour une pièce pourvue de diverses signatures et attaquant la généalogie d’Obeyd Allah et de ses enfants, et plusieurs Alides et autres y affirmèrent que sa descendance du Prince des croyants 'Ali n'était pas établie. Parmi les Alides signataires figuraient [P. 20] El-Mortad'a[212] et son frère Er-Rad'i, Ibn el-Baf'h'âwi et Ibn el-Azrak' ; parmi les non-Alides, Ibn el-Akfâni, Ibn el-Kharazi, Abou'l-'Abbâs Abîwerdi, Abou H'âmid, Kechfeli, K'odoûri, Çaymeri, Abou'l-Fad'l Nisawi, Abou Djafar Nesefi et Abou 'Abd Allah ben en'-No'mân, le juriste chî'ite.
Les partisans de l'authenticité prétendirent que les savants qui avaient signé cette pièce ne l'avaient fait que par crainte, et que d'autre part il n'y avait aucun argument à tirer du dire de gens qui n'étaient pas versés dans la science des généalogies. D'après l'émir 'Abd el-Aziz, auteur de la chronique d'Ifrîk'iyya et du Maghreb,[213] les juifs le reconnaissent pour un des leurs ; or cet auteur parle d'après plusieurs savants et a scruté avec un grand zèle les débuts de cette dynastie. Je vais rapporter la substance des assertions de cet écrivain, qui est un narrateur soigné, mais je décline d'ailleurs la responsabilité de ses attaques. « Quand, dit-il, Dieu envoya son prophète Mahomet, cela fut cause d'un grand émoi chez les Juifs, les Chrétiens, les Roum, les Persans, les K'oreych et les autres Arabes, car il venait proclamer la vanité de leurs rêveries, attaquer leurs religions et leurs divinités et semer chez eux la dispersion. Aussi se réunirent-ils tous contre lui, mais le seul appui divin suffit à déjouer leurs ruses et à lui assurer la victoire, de sorte qu'alors ceux que Dieu dirigeait embrassèrent l'islamisme. Après sa mort l'impiété réapparut, et les Arabes, dans la croyance que les Compagnons manqueraient de vigueur, chancelèrent dans leur foi. Abou Bekr combattit dans la voie de Dieu, tua Moseylema, refoula l'apostasie, avilit l'infidélité, mit sous ses pieds la Péninsule arabique, porta la guerre en Perse et chez les Roum. A sa mort encore on crut que c'était fait de l'Islam. Mais son successeur 'Omar ben el-Khat't'âb infligea des humiliations aux Persans et aux Roum, il s'empara de leurs territoires ; en vain les impies suscitèrent contre lui Abou Lou'lou'a[214] dans l'espoir qu'en l'assassinant ils éteindraient la lumière de l'Islam, ce fut ce traître qui trouva la mort. Vint ensuite 'Othman, qui enrichit encore la série des victoires et sous qui s'accrut l'étendue de l'empire. Il périt de mort violente, et son successeur le Prince des croyants 'Ali [P. 21] gouverna de la plus remarquable façon. Désespérant d'anéantir l'Islam par la force, les ennemis de la foi se mirent à supposer des traditions mensongères, à inspirer aux esprits à la foi vacillante des doutes sur les choses les mieux établies par les traditionnaires, à employer l'interprétation allégorique pour corrompre le vrai et l'attaquer. Les premiers qui agirent ainsi furent Abou' l-Khal't'âb Mohammed ben Abou Zeyneb, client des Benoû Asad, Abou Châkir Meymoûn ben Dayçân, auteur du El-Mizân fî noçret ez-zendak'a,[215] et d'autres encore. Ils confièrent à ceux qui leur inspiraient confiance que chacune des pratiques de la religion avait un sens caché et que Dieu n'impose pas à ses saints (weli) non plus qu'à ceux qui connaissent les imams et les bâb[216] la prière ni la sekât, etc., et qu'en outre il ne leur défend rien ; ils leur permirent d'épouser leurs propres mères ou leurs propres sœurs, car ces restrictions, ajoutaient-ils, ne sont imposées qu'à la masse, et non aux élus. De plus ils firent montre de se déclarer partisans de la famille du Prophète, pour cacher leur jeu et se concilier les masses. Leurs adeptes se dispersèrent dans les divers pays et affectèrent, pour ainsi séduire les hommes, de mener une vie ascétique et adonnée aux pratiques religieuses, tandis que dans la réalité ils étaient tout autres.
« Abou' l-Khal't'âb fut mis à mort à Koûfa avec un certain nombre de ses adeptes. Ceux-ci lui avaient autrefois manifesté la crainte qu'ils avaient des troupes, mais il les avait tranquillisés en leur disant que les armes ne pourraient agir sur eux. Quand leurs cous commencèrent à tomber sous le sabre, ils lui rappelèrent ce qu'il leur avait dit : «Puisque Dieu le veut, répondit-il, à, quoi peut servir mon habileté ? »
«Ces hommes se dispersèrent partout et, s'étant mis à apprendre la prestidigitation, les enchantements, l'art des prestiges, l'astrologie et l'alchimie, ils surent habilement s'en servir selon les circonstances et les dispositions de ceux avec qui ils se trouvèrent en rapport, tandis qu'ils agissaient sur la masse par leur affectation d'ascétisme. Ibn Dayçân eut un fils nommé 'Abd Allah K'addâh', à qui il enseigna tous les tours et qui, mis par lui au courant des secrets de la secte, devint d'une grande habileté. Il y avait dans les environs de Kardj[217] et d'Ispahan un individu nommé Mohammed ben el-H'oseyn et surnommé Dendân,[218] [P. 22] qui, administrateur de ces régions et y occupant une haute situation, détestait les Arabes et s'attachait à réunir les preuves de leurs mauvaises actions.[219] K'addâh' alla le trouver, et par ce qu'il lui apprit à ce sujet, accrut son influence auprès de lui. Il lui conseilla de tenir cachés ses vrais sentiments sans les divulguer, mais de se faire ouvertement chi'ite en déblatérant contre les Compagnons, car, dit-il, « c'est autant qu'attaquer la Loi et par eux tu en atteindras d'autres». Son protecteur approuva ces paroles, et lui remit de fortes sommes destinées à l'entretien des missionnaires de la foi nouvelle, que ces subsides permirent d'envoyer dans les divers cantons de l'Ahwaz, de Baçra, de Koûfa, de T'âlek'ân, du Khorasan et de Salamiya, dans le territoire d'Emesse. Puis K'addâh' et Dendân moururent.
» K'addâh', ainsi surnommé parce qu'il était oculiste et opérait de la cataracte, fut après sa mort remplacé par son fils Ahmed, qui prit comme compagnon un homme du nom de Rostem ben el-H'oseyn ben H'awcheb ben Dûdân Neddjâr, originaire de Koûfa.[220] Comme ils se rendaient ordinairement aux tombeaux sacrés (mechhed), ils y trouvèrent un Yéménite de Djened,[221] nommé Mohammed ben el-Fad'l, chî'ite très riche et appartenant à une tribu importante, qui s'était rendu en pèlerinage au tombeau d'El-H'oseyn ben 'Ali et qui y pleurait abondamment. Quand il sortit, Ahmed, attiré vers lui par les larmes qu'il lui avait vu verser, fit sa connaissance et lui exposa sa doctrine, qui trouva bon accueil. Il envoya alors dans le Yémen avec le nouvel adepte En-Neddjâr, à qui il ordonna d'observer les pratiques de la religion et de vivre en ascète tout en attirant la population à la croyance du Mahdi et de l'imminente apparition de celui-ci dans le Yémen. En-Neddjâr se rendit dans ce pays, où il s'installa à 'Aden, proche d'un groupe de Chiites nommés les Benoû Moussa, et il se mit à vendre la pacotille dont il s'était muni. Les Benoû Moussa se rendirent auprès de lui pour lui demander le motif de son arrivée, et comme il voulait se dire commerçant : « Non, » lui dirent-ils, « ce n'est pas là ta profession ; tu es l'envoyé du Mahdi, et nous avons entendu parler de toi. Nous autres, nous sommes les Benoû Moussa, que tu connais peut-être ; réjouis-toi donc et sois sans méfiance, car nous sommes tes frères ». Alors il se dévoila, les affermit dans leurs intentions, représenta le pouvoir du Mahdi comme près de se réaliser et leur fit faire des approvisionnements considérables en armes et en chevaux, car, disait-il, les temps étaient venus, et le Mahdi allait bientôt paraître chez eux.[222]
[P. 23] Ces agissements parvinrent aux oreilles des Chiites de l'Irak, qui se rendirent alors auprès de lui, de sorte que les sectaires formèrent un groupe nombreux et puissant. Ils firent contre leurs voisins des expéditions qui leur procurèrent du butin et leur permirent de prélever des impôts. Leur chef put ainsi envoyer de riches présents aux enfants, restés à Koûfa, d'Abd Allah K'addâh'. On avait d'autre part envoyé au Maghreb deux missionnaires, El-H'olwâni et Abou Sofyân, en leur disant : « Le Maghreb est une terre en friche ; allez là labourer en attendant l'arrivée du semeur.[223] » L'un d'eux alla s'installer à Mermadjenna, dans le pays des Ketâma, et l'autre à Soûk' H'imâr[224] ; le cœur des habitants se donna aux nouveaux venus, à qui l'on apporta argent et cadeaux, et qui, après une longue existence, moururent à un court intervalle l'un de l'autre.
Abou 'Abd Allah el-H'oseyn ben Ahmed[225] ben Mohammed ben Zakariyyâ ech-Chî'i, originaire de Çan'à, était allé rejoindre Ibn H'awcheb Neddjârâ 'Aden et était devenu l'un de ses principaux partisans, car il était instruit, intelligent, fin et rusé. Aussi Ibn H'awcheb, quand il apprit la mort d'El-H'ohvâni et d'Abou Sofyân, lui parla-t-il en ces termes : « Ces deux hommes qui viennent de mourir ont labouré le sol des Ketâma au Maghreb ; il n'y a que toi qui lui manques maintenant ; hâte-loi donc de te rendre dans cette terre travaillée et toute préparée ! » En conséquence, Abou 'Abd Allah partit pour la Mekke muni d'argent fourni par Ibn H'awcheb, qui le fit accompagner par 'Abd Allah ben Abou Molâh'if. A son arrivée à la Mekke, Abou 'Abd Allah se fit conduire auprès des pèlerins originaires des Ketâma, aux côtés de qui, sans d'ailleurs faire connaître ses intentions, il alla s'asseoir ; il les entendit parler des mérites des membres de la famille du Prophète, leur en témoigna son approbation et se mit à parler de choses qui leur étaient inconnues. Quand il voulut se lever, ses interlocuteurs lui demandèrent la permission de profiter de son aimable compagnie pour visiter les lieux sacrés, à quoi il consentit. [P. 24] Ils lui demandèrent ensuite où il se rendait, et ils furent bien aises de pouvoir l'accompagner, puisque, disait-il, il allait en Egypte. Parmi les principaux de ces Ketâma' de la Mekke, figuraient H'oreyth Djemîli et Moussa ben Mekâd.[226]
» On se mit en route, et l'étranger, toujours muet sur le but qu'il poursuivait, se montrait pratiquant rigoureux et vivait en ascète, ce qui augmenta encore le zèle et les prévenances de ses compagnons. Il se renseignait auprès d'eux sur leur pays, sur leur situation et sur leurs tribus, et leur demanda jusqu'à quel point ils reconnaissaient l'autorité du sultan d'Ifrîk'iyya ; à ceci ils répondirent que ce prince, éloigné de leur territoire de dix journées de marche, n'avait chez eux aucun pouvoir, et comme il leur demandait s'ils portaient les armes, ils ajoutèrent que c'était là leur occupation (par excellence). Il ne cessa de prendre des informations sur eux jusqu'à ce que, étant arrivé en Egypte et voulant leur faire ses adieux, en répondant à leurs questions qu'il y était venu pour pratiquer l'enseignement, ces hommes lui dirent : « Si tel est ton but, viens plutôt chez nous ; cela te sera plus profitable, puisque nous connaissons combien tu es véridique. » Enfin, à force d'instances et d'humbles sollicitations, ils parvinrent à le décider à les accompagner. Quand ils approchèrent de leur pays, des Chiites qu'ils rencontrèrent et qui furent par eux mis au courant, prièrent l'étranger de descendre chez eux, et l'on tira au sort pour savoir qui lui donnerait l'hospitalité ; puis on se remit en marche pour arriver dans le territoire des Ketâma vers le 15 rebi' I 280 (commencement de juin 893).[227] Comme certains d'entre eux le priaient de s'installer chez eux en s'offrant à combattre pour lui, il leur demanda où était la Vallée des gens de bien (Feddj el-akhyâr), ce qui les surprit fort, car ils ne lui avaient pas parlé de ce lieu. Quand on lui eut dit que c'était chez les Benoû Selyân[228] : « C'est là, dit-il, que nous irons ; puis nous nous rendrons successivement chez chaque groupe pour vous voir tous dans vos demeures mêmes. » Il contenta ainsi tout le monde, et gagna la montagne dite Inkidjân,[229] où se trouve le Feddj el-akhyâr : « Voilà bien, dit-il, la Vallée des gens de bien, ainsi nommé à cause de vous, car il est dit dans les traditions que le Mahdi aura une hégire (fuite) où vous éloignerez de votre pays[230] et où il sera protégé par des gens de bien de cette époque appartenant à un peuple dont le nom dérive de ketmân (secret) ; or ce sont là les Ketâma, et c'est parce que vous sortirez d'ici que cette vallée est appelée Feddj el-akhyâr. »
« Les tribus [berbères] vinrent l'écouter à l'envi, et par toutes sortes de tours, de ruses [P. 25] et de sortilèges, il les fascina si bien que de toutes parts les Berbères accoururent à lui. Sa situation devint telle que maintes fois les Ketâma se battirent à son propos avec d'autres Berbères, et à plusieurs reprises il put échapper à la mort. Cependant, pendant toute cette période, il ne parlait point du Mahdi. Des savants se réunirent pour discuter avec lui et ensuite le tuer, mais les Kefâmis, qui lui donnaient le nom d'Abou 'Abd Allah Machrek'i (l'Oriental), ne lui laissèrent pas entamer la discussion. L'émir d'Ifrîk'iyya Ibrahim ben Ahmed ben el-Aghlab, qui apprit ce qui se passait, demanda des renseignements au gouverneur de Mîla ; mais celui-ci parla dédaigneusement d'Abou-'Abd Allah, qui était, dit-il, un homme vêtu grossièrement, prêchant les bonnes œuvres et les pratiques de dévotion. Aussi le souverain ne s'occupa-t-il plus de lui.
Abou 'Abd Allah ayant ensuite confié aux Ketâma qu'il était le semeur annoncé par Abou Sofyân et H'olwâni, augmenta d'autant l'affection qu'ils lui portaient et la haute idée qu'ils avaient de lui. Mais alors la discorde surgit à son sujet entre eux et les autres Berbères, et comme il avait des ennemis qui voulaient le tuer, il dut se cacher, tandis qu'un combat acharné avait lieu entre les deux partis. Alors l'un des principaux Kelâmis, El-H'asan ben Haroun, prit Abou 'Abd Allah avec lui et le couvrit de sa protection. Il l'emmena à Tâzroût, et les tribus vinrent de toutes parts trouver le saint homme, qui retrouva une grande situation, tandis qu'ElH'asan ben Haroun, qui exerçait l’autorité, fut par lui placé à la tête de la cavalerie.[231] Alors Abou 'Abd Allah, cessant de se tenir caché, parut dans les combats et y remporta des avantages qui lui permirent de faire du butin. Il se retira ensuite à Tâzroût, qu'il entoura d'un fossé. Les Berbères se portèrent contre la ville et l'attaquèrent, puis consentirent à la paix ; mais ils recommencèrent ensuite la lutte et livrèrent de nombreux combats où ils eurent le dessous, si bien que le vainqueur resta maître de tous leurs biens et devint le chef incontesté des Berbères aussi bien que des Ketâma.
Il prend la ville de Mîla, puis est battu.
« La situation étant ainsi établie, Abou 'Abd Allah marcha contre la ville de Mîla, dont un habitant, El-H'asan ben Ahmed, vint le trouver pour lui indiquer la partie faible de la ville. Malgré la résistance acharnée des habitants, il put s'emparer des faubourgs ; il consentit alors à donner l'aman qui lui fut demandé et pénétra [P. 26] dans la ville.
Ibrahim ben Ahmed, qui était alors émir d'Ifrîk'iyya, fit, en apprenant ces événements, partir son fils El-Ah'wal à la tête de douze mille hommes, que suivit bientôt une armée d'égale force. La rencontre qui eut lieu se termina par la déroute d'Abou ''Abd Allah, qui perdit un grand nombre de ses partisans.[232] El-Ah'wal se mit à sa poursuite, mais une abondante chute de neige le sépara des fuyards : Abou 'Abd Allah put gagner la montagne d'Inkidjân, tandis qu'El-Ah'wal se porta sur Tâzroût, qu'il livra aux flammes ; il fit subir le même sort à Mîla, où il ne trouva personne. Abou 'Abd Allah éleva à Inkidjân un établissement qu'il nomma maison de retraite, et ses partisans l'y rejoignirent, tandis qu'El-Ah'wal retournait en Ifrîk'iyya. Le novateur alors se mit en campagne et fit main-basse sur tout ce que ses ennemis avaient laissé derrière eux. Il apprit ensuite de bonnes nouvelles : la mort d'Ibrahim l'Aghlabide, le meurtre de son fils Abou 'l-'Abbas et l'avènement de Ziyâdet Allah, qui s'adonnait au jeu et aux plaisirs, ne pouvaient que lui être très agréables. Du vivant même de son frère Abou 'l-'Abbâs, El-Ah'wal avait levé de nombreuses troupes avec lesquelles il attaqua Abou 'Abd Allah ; bien qu'ayant cette fois été battu, il ne cessa néanmoins de tenir la campagne et de serrer son ennemi d'assez près pour l'empêcher d'avancer. Or, il fut rappelé par Abou Mod'ar Ziyâdet Allah, qui était monté sur le trône d'Ifrîk'iyya, puis, comme il a été dit, il fut mis à mort. Ce prince avait été surnommé Ah'wal (louche), non parce qu'il l'était réellement, mais parce qu'il clignait des yeux lorsqu'il regardait fixement. Sa mort permit aux troupes ennemies, jusqu'alors contenues, de se répandre dans tout le pays, et Abou 'Abd Allah se mit alors à dire : « Le temps est venu où le Mahdi va paraître et subjuguer toute la terre ; heureux quiconque viendra me trouver et acceptera mes ordres ! » il s'attachait en même temps à exciter les populations contre Abou Mod'ar et à le leur rendre odieux. Tous les ministres de Ziyâdet Allah étaient chiites, de sorte que les succès d'Abou 'Abd Allah ne leur déplaisaient pas, d'autant plus qu'on leur annonçait les prodiges que devait opérer le Mahdi, tels que de ressusciter les morts, de faire lever le soleil à l'Occident, de conquérir toute la terre. D'ailleurs, Abou 'Abd Allah entretenait avec eux une correspondance où il les séduisait par ses belles promesses.
» 'Abd Allah ben Meymoûn K'addâh' étant mort, son fils prétendit que leur famille descendait d’Ak'îl ben Abou Taleb ; mais ces gens néanmoins cachaient toutes leurs démarches et ils se tenaient eux-mêmes dans l'ombre. Le fils dont il s'agit, nommé Ahmed, mourut en laissant un fils, Mohammed, à qui tous les missionnaires envoyés au loin adressaient leurs correspondances. Mohammed mourut à son tour en laissant deux fils, Ahmed et El-H'oseyn ; celui-ci alla s'établir à Salamiya, dans la région d'Emesse, où se trouvaient des dépôts et des richesses provenant de son aïeul 'Abd Allah K'addâh', ainsi que des intendants et des serviteurs. Il restait bien à Bagdad un des fils de K'addâh nommé Abou'ch-Chelaghlagh,[233] mais El-H'oseyn prétendait avoir été désigné par testament pour commander, et c'est à lui que les missionnaires du Yémen et du Maghreb adressaient leurs correspondances et leurs messages. Or un jour qu'à Salamiya on parlait de femmes en sa présence, on lui dépeignit l'extraordinaire beauté de la veuve d'un forgeron juif ; il l'épousa et conçut pour elle un vif amour. Cette femme, qui exerçait sur lui un grand empire, avait de son précèdent mariage un fils aussi beau qu'elle ; H'oseyn s'attacha aussi à cet enfant, qu'il instruisit et qui, répondant à ses soins, développa une grande volonté et une application soutenue. Il y a des savants de la secte qui affirment que l'imam établi à Salamiya, c'est-à-dire El-H'oseyn, mourut sans enfant et transmit ses pouvoirs à ce fils du forgeron juif, lequel serait ainsi 'Obeyd Allah ; qu'il lui révéla les dires et actes secrets de la secte, ainsi que les endroits où résidaient les missionnaires, lui transmit ses richesses et les insignes, le présenta à ses partisans comme l'imam désigné à qui ils devaient aide et obéissance, et lui fit enfin épouser sa propre cousine, la fille d'Abou'chChelaghlagh. Tel est le récit que fait, entre autres, Abou 'l-Kasim el-Abyad' l'Alide.
« Ce nouveau chef se donna la généalogie que voici : 'Obeyd Allah ben el-Hasan[234] ben 'Ali ben Mohammed ben 'Ali ben Moussa ben Djafar ben Mohammed [P. 28] ben 'Ali ben el-H'oseyn ben 'Ali ben Abou Taleb. Quelques rares personnes disent que cet 'Obeyd Allah est un des fils de K'addâh'. Ces assertions valent ce qu'elles peuvent ; mais je voudrais bien savoir ce qui a déterminé Abou 'Abd Allah Chî'i et les autres propagateurs de la secte à faire sortir celle affaire de leurs mains pour la transmettre à un fils de juif, car enfin a-t-il aucune excuse à se donner à lui-même, celui qui traite ainsi ce qu'il considère comme une croyance pour laquelle il attend d'être récompensé ?
« Après, continue cet auteur, qu'El-H'oseyn eut investi 'Obeyd Allah, il lui dit : « Tu auras après moi à fuir au loin et à supporter de bien dures épreuves ».[235] La mort d'El-H'oseyn donna le pouvoir à 'Obeyd Allah, dont les partisans s'accrurent encore par des libéralités dont ses prédécesseurs s'étaient abstenus. Abou 'Abd Allah lui envoya alors du Maghreb quelques Kelamis pour l'informer des succès dont ils étaient redevables à Dieu et lui dire qu'ils l'attendaient. Or la notoriété d’Obeyd Allah était devenue grande sous le khalife El-Moktafi,[236] et les recherches ordonnées par celui-ci forcèrent le novateur à fuir avec son fils, alors tout jeune, Abou'l-K'âsim Nizâr, qui plus tard lui succéda sous le surnom d'El-K'â'im. Accompagné de ses intimes et de ses clients, il se dirigea vers le Maghreb, dont Ziyâdet Allah avait alors le gouvernement. A son arrivée en Egypte, il s'installa en se déguisant en marchand. Mais 'Isa Noûcheri, qui administrait alors ce pays, reçut du khalife des lettres donnant le signalement et le costume du fugitif et enjoignant de l'arrêter, lui et ceux qui lui ressembleraient. Un chiite qui figurait parmi les intimes d’Isa, informa le Mahdi de ce qui se passait et lui conseilla de s'en aller. Celui-ci se mit donc en route avec ses compagnons, à qui il fit de grandes libéralités prélevées sur les richesses considérables qu'il emportait. Dès l'arrivée de l'ordre khalifal, 'Isa fit organiser des recherches dans toutes les directions, et il se mit lui-même en campagne. Il atteignit le Mahdi et, sitôt qu'il le vit, convaincu qu'il s'agissait bien de lui, il l'arrêta, puis alla camper dans un jardin où il le mit sous bonne garde. Quand l'heure du repas fut venue, il l'invita à manger, mais comme l'autre refusa sous-prétexte qu'il jeûnait, 'Isa eut pitié de lui et lui demanda de dire franchement qui il était, lui promettant de le relâcher. Mais 'Obeyd Allah, sans vouloir rien avouer, le menaça de la colère divine et fit si bien, employant tantôt les reproches tantôt la douceur, que le gouverneur le relâcha et voulut même lui donne) une escorte pour le reconduire jusqu'auprès, de ses compagnons de voyage ; 'Obeyd Allah déclara n'en avoir pas besoin et lui adressa ses souhaits en guise d'adieux. On dit aussi [P. 24] qu'il obtint d'être relâché moyennant une rançon qu'il paya en cachette.
« Cependant Noûcheri, ému par le blâme que lui adressèrent quelques-uns des siens, s'apprêtait à envoyer des soldats pour ramener celui qu'il venait de rendre à la liberté. Or, 'Obeyd Allah trouva, en rejoignant ses gens, que son fils Abou 'l-K'âsim était à pleurer un chien de chasse qu'il avait perdu, et ses esclaves lui dirent avoir laissé ce chien dans le jardin où ils avaient campé. Il retourna alors sur ses pas pour chercher cet animal et pénétra, suivi de ses esclaves, dans le jardin en question. Noûcheri, qui les vit, demanda ce qui se passait, et on lui dit pour quel motif son ex-prisonnier était revenu : « Malheureux que vous êtes », dit-il alors aux siens, « voyez cet homme que vous vouliez me faire prendre pour le mettre à mort ! S'il poursuivait le but qu'on lui prête ou s'il était coupable, il serait parti au plus tôt et se serait caché, au lieu de revenir ici chercher un chien ! » Et il renonça à toute poursuite. Le Mahdi s'enfuit sans perdre de temps, mais des voleurs l'arrêtèrent au lieu dit Et-T'âh'oûna[237] et le dépouillèrent d'une partie de ses bagages, et entre autres de livres et de recueils de prédictions provenant de ses ancêtres et dont la perte lui fut très sensible. Mais on dit que son fils Abou ‘l-K'âsim, quand il se rendit, pour la première fois en Egypte, les retira de cet endroit. Le Mahdi, accompagné de son fils, parvint enfin à Tripoli, où se fit la dislocation de la caravane avec laquelle il avait fait route.
« Il envoya alors à K'ayrawân l'un de ses compagnons, Abou 'l-'Abbâs, frère d'Abou 'Abd Allah Chî'i, avec une partie de ses effets, en lui donnant l'ordre de se joindre aux Ketâma. Mais à l'arrivée d'Abou 'l-'Abbâs en cette ville, Ziyâdet Allah était déjà informé des menées du Mahdi, et ses agents opérant des recherches apprirent que celui-ci était resté à Tripoli et que son représentant à K'ayrawân était Abou 'l-'Abbâs. Ce dernier fut arrêté, mais malgré les tortures auxquelles on le soumit n'avoua rien autre chose sinon qu'il était marchand et avait accompagné un homme de la caravane. On le retint en prison, et le Mahdi, l'apprenant, se rendit à K'ast'îliya. Alors arriva de la part de Ziyâdet Allah un ordre adressé au gouverneur de Tripoli d'arrêter le Mahdi ; mais celui-ci avait su se concilier ce personnage par les cadeaux qu'il lui avait faits, de sorte qu'il fut répondu [P. 30] à Ziyâdet Allah que le novateur avait quitté Tripoli et n'avait pu être rejoint. Le Mahdi, quand il fut arrivé à K'ast'îliya, renonça à rejoindre Abou 'Abd Allah Chî'i, de crainte que cette démarche ne révélât clairement la situation et n'amenât ainsi la mort d'Abou 'l-'Abbâs, qui était toujours entre les mains de l'autorité. En conséquence, il partit pour Sidjilmâsa, et il venait de se mettre en route quand arrivèrent à K'ast'îliya des messagers chargés de l'arrêter, mais qui le manquèrent. Il parvint à sa nouvelle destination, toujours filé par des espions tout le long de la route, et il s'y installa. El-Yâsa' ben Midrâr, qui régnait en cette ville, fut gagné par les présents que lui fit l'étranger, à qui il accorda sa faveur et son amitié. Mais une lettre de Ziyâdet Allah lui ayant appris que cet homme était celui en faveur de qui Abou 'Abd Allah Chî'i faisait de la propagande, le Mahdi fut, par ses ordres, jeté dans une prison d'où il ne fut tiré que par Abou 'Abd Allah, ainsi qu'on le verra.
On a vu plus haut ce que nous avons dit d'Abou 'Abd Allah. Ziyâdet Allah, en présence de ses progrès et d'e la conquête qu'il venait de faire notamment des deux villes de Mîla et de Sétif, se mit à réunir des troupes nombreuses, non sans faire de fortes dépenses, et mit à leur tête l'un de ses parents, Ibrahim ben H'obeych,[238] qui ne connaissait rien aux choses de la guerre. Celte armée, forte de 40.000 hommes, comptait sans en excepter aucun tous les plus braves guerriers d'Ifrîkiyya et était abondamment pourvue d'argent et d'approvisionnements. Elle se mit en marche, et avait doublé en nombre quand elle arriva à Constantine, ville ancienne et très forte où elle prit ses quartiers, et où elle fut rejointe par de nombreux Kelâma qui ne s'étaient pas soumis à Abou Abd Allah. Elle avait d'ailleurs massacré quantité de partisans de ce dernier au cours de la route. Abou 'Abd Allah et les Ketâma, peu rassurés en présence de ces forces, restèrent retranchés dans la montagne, et de son côté Ibn H’obeych demeura pendant six mois à Constantine sans en bouger. Voyant que ses adversaires ne venaient pas l'y attaquer, il se dirigea avec toutes ses forces [P. 31] vers la ville de Belezma.[239] Il rencontra de ce côté un parti de cavalerie envoyé en reconnaissance par Abou 'Abd Allah, et sitôt qu'il l'eut aperçu, il marcha contre ces cavaliers sans qu'il eût [presque] personne avec lui et alors que les bagages n'étaient même pas encore déchargés. Une mêlée acharnée s'engagea aussitôt, et dès qu'Abou 'Abd Allah en eut reçu la nouvelle, il s'avança avec toutes ses forces et mit en fuite Ibrahim, qui fut blessé et dont le cheval eut les jarrets coupés ; la déroute fut complète, nombre de soldats furent massacrés et tous les bagages tombèrent aux mains d'Abou 'Abd Allah. Quant à Ibrahim, il s'enfuit à K'ayrawân, et cette victoire, qui mit toute l'Ifrîkiyya en émoi, augmenta la renommée et consolida la puissance du vainqueur.
Celui-ci fit parvenir une lettre où il annonçait ces bonnes nouvelles au Mahdi, toujours emprisonné à Sidjilmâsa ; ce message fut confié à un homme sûr, qui, déguisé en boucher et sous prétexte de vendre de la viande, parvint jusqu'au destinataire. Abou 'Abd Allah s'avança alors contre la ville de T'obna, devant laquelle il mit le siège ; il éleva contre elle des tours mobiles, mina une tour et une courtine et fit écrouler les murs à la suite d'un combat acharné ; il était ainsi maître de la ville, mais les chefs se réfugièrent dans la forteresse, et ce ne fut qu'après y avoir été assiégés quelque temps qu'ils demandèrent quartier. L'amnistie leur fut accordée, de même qu'aux habitants.
Il marcha ensuite contre la ville de Belezma, qu'il avait déjà assiégée à plusieurs reprises, mais toujours sans succès. Il la serra cette fois de très près, la combattit énergiquement et dressa des tours mobiles d'où étaient lancées des matières enflammées qui y provoquèrent l'incendie. Il y pénétra l'épée à la main, y massacra les défenseurs et démantela les murailles.
L'annonce de ces événements affecta péniblement Ziyâdet Allah, qui se mit à faire des levées et réunit ainsi douze mille hommes dont il confia le commandement à Hâroûn ben et-T'obni.[240] Celui-ci se mit en campagne et fut rejoint par de nombreux combattants : il marcha contre la ville de Dâr Melloûl,[241] qui s'était soumise à Abou 'Abd Allah, en massacra les habitants et ruina le château-fort. Poursuivant sa route, il rencontra un parti de cavaliers envoyés en reconnaissance de son côté par le Chiite, [P. 32] et ses troupes en les voyant se troublèrent et, poussant de grands cris, prirent la fuite sans même combattre. Les soldats du Chiite, qui avaient d'abord redouté quelque stratagème, Virent qu'il s'agissait d'une véritable débandade, et, saisissant l'occasion, en massacrèrent une immense quantité ; Haroun lui-même y perdit la vie.[242] Puis Abou 'Abd Allah se rendit maître de Tîdjis par capitulation.[243]
Ziyâdet Allah, se trouvant ainsi placé dans une situation difficile, consacra de grandes sommes à faire de nouvelles levées et, se mettant lui-même en campagne pour combattre son ennemi, arriva à Laribus en 295 (11 octobre 907). Mais les principaux de son entourage lui remontrèrent qu'il s'exposait au danger et que s'il venait à succomber, ils resteraient sans chef ; qu'il devait donc retourner dans sa capitale en confiant les troupes à un homme de confiance, de sorte qu'en cas de victoire on rejoindrait le prince, qui, au cas contraire, servirait de centre de ralliement. Il suivit ce conseil et regagna la capitale, laissant le commandement de l'armée au brave Ibrahim ben Abou' l-Aghlab, l'un de ses cousins paternels. Abou 'Abd Allah, sachant ce qui se passait, se dirigea sur Bâghâya, dont les habitants lui avaient adressé par écrit des propositions de soumission : à son approche, le gouverneur de cette place s'enfuit à Laribus, de sorte qu'il put y pénétrer sans opposition et d'où, après y avoir installé une garnison, il regagna Inkidjân.[244]
Tout cela ne fit qu'augmenter les soucis et la tristesse de Ziyâdet Allah, et quelqu'un qui voulait le dérider lui dit : « Seigneur, tu n'es pas sans savoir[245] quelques poésies ; pourquoi ne pas t'en faire réciter pendant que tu auras la coupe à la main, de manière à dissiper ta tristesse ? » — Et lesquelles donc ? » dit le prince. Son interlocuteur fit alors chanter une poésie qu'il désigna aux exécutants, en leur disant d'ajouter à la fin de chaque vers :
Bois et fais-nous boire de la coupe que tu soulèves, tout est là.
Ces chants égayèrent Ziyâdet Allah, qui se mit à boire et s'adonna (désormais) à la table, à la boisson et aux plaisirs, goûts dont la satisfaction fut favorisée par ses courtisans.[246]
Abou 'Abd Allah fit alors marcher contre la ville de Meddjâna des troupes de cavalerie qui prirent cette ville de vive force, [P. 33] et le gouverneur en fut mis à mort. Un autre corps d'armée marcha contre Teyfâch[247] et s'en empara, mais les habitants furent épargnés. Plusieurs chefs kabyles obtinrent ensuite l'amnistie qu'ils sollicitèrent d'Abou 'Abd Allah, lequel s'avança en personne successivement contre les villes de Meskiyâna, de Tebessa et de Medbara[248] ; dans cette dernière s'étaient réfugiés les habitants de K'açr el-Ifrîk'i,[249] de Mermadjenna, de Meddjâna et un ramassis de gens qui s'étaient retranchés dans cette place déjà forte par elle-même. Il en commença le siège et se mit à combattre ; mais bientôt une attaque de gravelle, maladie dont il souffrait, le força à s'occuper de lui-même. Or, comme les assiégés demandaient quartier, une partie des troupes agréa cette requête ; mais quand les portes de la ville s'ouvrirent, l'armée s'y précipita et se livra au massacre et au pillage. Abou 'Abd Allah, douloureusement affecté (par cette trahison), alla camper sous les murs d'El-K'açreyn, qui dépend de K'amoûda, et consentit à Yamân demandé par les habitants.
Ibrahim ben Abou'l-Aghlab, qui commandait l'armée de Ziyâdet Allah, ayant eu connaissance du projet du Chiite d'attaquer Ziyâdet Allah, qui se trouvait avec de faibles troupes à Rak'k'âda, sortit de Laribus et alla camper à Dordemîn.[250] Abou 'Abd Allah envoya de ce côté une colonne qui engagea le combat, mais qui s'enfuit après avoir subi des pertes. Le Chiite, impatient de ne pas voir revenir ceux qu'il avait envoyés en reconnaissance, s'avança à la tête du gros de l'armée et rencontra les fuyards : ceux-ci reprirent alors courage, retournèrent à la charge et tuèrent un certain nombre de leurs vainqueurs de tout à l'heure. La nuit mit fin au combat et sépara les deux armées.
Le Chiite se porta alors sur K'ast'îliya, qu'il assiégea ; les habitants le combattirent d'abord, puis furent reçus à composition, mais le vainqueur s'empara des richesses et des approvisionnements déposés en cet endroit par Ziyâdet Allah. Il s'avança ensuite vers Gafça,[251] dont il reçut les habitants à composition, retourna à Bàghâya, où il installa une garnison, et regagna enfin la montagne d'Inkidjôn. Ibrahim ben Abou 'l-Aghlab marcha alors contre Bâghâya et en commença le siège. Sitôt que cette nouvelle [P. 34] parvint à Abou 'Abd Allah, il réunit ses troupes et partit en toute diligence, se faisant précéder de douze mille cavaliers dont le chef avait ordre de pousser jusqu'à Bâghâya, mais, au cas où Ibrahim se serait éloigné, de ne pas dépasser le défile d'El-'Ar'âr. Or, la garnison de Bâghaya avait vigoureusement résisté aux attaques des assiégeants, qui, déconcertés et effrayés par cette opiniâtreté, d'autre part informés bientôt de l'approche d'une armée de secours, battirent en retraite sur Laribus. Les troupes du Chiite ne trouvèrent à leur arrivée plus personne et se retirèrent également en emportant le butin qu'elles purent faire (l). Quand le retour du printemps ramena la bonne saison, Abou 'Abd Allah réunit une armée de 200.000 hommes, tant fantassins que cavaliers, et de son côté Ziyâdet Allah mit sous les ordres d'Ibrahim, à Laribus des forces innombrables. Abou 'Abd Allah se mit en marche le 1er djomâda II 296 (24 février 809), et le choc avec ses ennemis fut terrible ; le combat dura longtemps et paraissait devoir mal finir pour lui. Alors il envoya six cents fantassins de choix pour attaquer par derrière les troupes Aghlabides ; ce détachement était engagé dans le chemin qui lui avait été désigné quand il rencontra un corps ennemi envoyé par Ibrahim, qui avait eu la même idée que son adversaire. La lutte s'engagea dansun lieu resserré, et les Aghlabides eurent le dessous ; le stratagème employé par Abou 'Abd Allah s'étant alors ébruité, les troupes d'Ibrahim se débandèrent et s'enfuirent de tous côtés, chacun cherchant à regagner son pays. Ibrahim et une partie de son entourage se dirigèrent sur K'ayrawân, poursuivis par les vainqueurs qui se livraient au massacre et enlevaient du butin en argent, chevaux et approvisionnements. L'armée victorieuse entra à Laribus, où elle fit un grand massacre, et entre autres, dans la grande mosquée même, déplus de trois mille habitants, qui y avaient cherché un refuge, [P. 35] tandis que d'autre part la ville était livrée au pillage. Cette catastrophe eut lieu vers la fin de djomâda II,[252] et Abou 'Abd Allah se retira ensuite à K'amoûda. L'annonce de ce désastre détermina la fuite de Ziyâdet Allah du côté de l'Egypte, ce qui se fît de la manière que nous avons dit. Après son départ, les habitants de Rak'k'âda aussi s'enfuirent de nuit du côté de K'açr K'adîm (l'ancien château), de K'ayrawân et de Sousse, et les K'ayrawâniens, se jetant sur Rak'k'âda et usant du droit du plus fort, mirent cette ville au pillage pendant six jours ; les palais des Aghlabides furent entièrement dépouillés.
Ibrahim ben Abou'l-Aghlab, à son arrivée à K'ayrawân, se rendit à l'hôtel du gouvernement, où la population se groupa autour de lui. Il fit proclamer par ses hérauts l'amnistie, s'efforça de ramener la confiance et exposa que la chute de Ziyâdet Allah était le résultat de ses mauvais procédés de gouvernement ; la situation du Chiite, ajouta-t-il, était peu sûre, et il s'engagea à le combattre et à les protéger, eux, leurs femmes et leur territoire, contre cet agresseur, s'il était lui-même soutenu par leur obéissance et leurs secours pécuniaires.
Mais ils lui répondirent qu'ils n'étaient que des légistes, marchands et gens du vulgaire, qu'ils ne pouvaient se battre et n'avaient pas assez d'argent pour lui permettre de réaliser ses desseins, si bien qu'il les renvoya. A leur sortie, ses auditeurs racontèrent à la foule ce qu'il leur avait demandé, et alors éclatèrent les cris mêlés d'injures : « Fuis loin de nous, nous n'avons pas à t'obéir ! » Il dut donc se retirer précipitamment, poursuivi à coups de pierres.[253]
A la nouvelle de la fuite de Ziyâdet Allah, le Chiite, qui se trouvait du côté de Sebîba, porta son camp au Wâdi en-Nemel et se fit précéder à Rak'k'âda par 'Aroûba[254] ben Youssof et Hasan ben Abou Khinzîr à la tête de mille cavaliers.[255] Cette troupe y trouva les pillards en train d'enlever ce qui restait d'effets et de meubles, mais ils ne les inquiétèrent nullement et permirent à chacun d'emporter le fruit de ses rapines. Ces gens rentrèrent à K'ayrawân, et les récits qu'ils firent réjouirent la population, de sorte que les juristes et les principaux de la ville sortirent à la rencontre d'Abou 'Abd Allah, qu'ils saluèrent et félicitèrent de son succès. Il leur répondit gracieusement, s'entretint avec eux et, leur accorda [P. 36] l'amnistie. Enchantés de cet accueil, ils se mirent à exhaler les reproches qu'ils avaient à adresser à Ziyâdet Allah et à rappeler ses mauvaises actions ; mais il les arrêta : « Ce prince, dit-il, était puissant, ses forces étaient grandes, sa dynastie haut placée, et il n'a pas été inférieur à sa tâche ; mais à l'ordre de Dieu il n'y a ni à résister ni à s'opposer. » Cette réplique leur ferma la bouche, et ils retournèrent à K'ayrawân. Le samedi 1er redjeb 296 (25 mars 909), il fit son entrée à Rak'k'âda et descendit dans l'un des palais[256] ; il distribua les habitations aux Ketâma, vu qu'il n'y restait plus aucun habitant. Mais il fit proclamer une amnistie, et la population vint se réinstaller dans ses demeures. Il envoya des gouverneurs dans les provinces et fit rechercher et mettre à mort les malfaiteurs. Par ses ordres, les biens, armes, etc., de Ziyâdet Allah furent rassemblés, et dans la quantité de ces richesses figuraient de nombreuses esclaves de valeur et très belles. Il se fit amener une femme vertueuse appartenant au prince déchu et qu'on lui avait dit être chargée de prendre soin d'elles ; il la traita bien, lui confia la garde de ces belles filles et assigna de quoi pourvoir à leurs besoins sans même jeter un regard sur aucune d'entre elles. Le vendredi arrivé, il fît faire la khotba à Rak'k'âda et à K'ayrawân, mais sans qu'il y fût prononcé aucun nom de prince. De même, la monnaie qu'il fit frapper ne portait pas de nom, mais, au lieu de cela, d'un côté : « La preuve de Dieu est arrivée », et de l'autre : « Puissent les ennemis de Dieu être dispersés ! » On grava sur les armes : « Instrument pour la voie de Dieu », et la cuisse des chevaux fut marquée des mots : « A Dieu appartient la royauté». Quant à lui, il continua de porter ses vêtements communs et grossiers, et à prendre une nourriture peu recherchée et en petite quantité.[257]
Quand le pouvoir d'Abou 'Abd Allah fut solidement établi à Rakkâda et dans le reste de l’Ifrîk'iyya, son frère cadet Abou'l-'Abbâs Mohammed vint le trouver, ce qui lui causa une grande joie. Alors il partit de Rakkâda en ramadân[258] de cette année (mai-juin 909), après avoir confié l’Ifrîk'iyya à son frère Abou 'l-'Abbâs et à Abou Zâki,[259] et s'avança suivi de forces considérables, ce qui jeta l'effroi dans tout le Maghreb : [P. 37] la crainte saisit les Zenata, et les Kabyles, s'écartant sur son passage, envoyèrent des députés lui porter leur soumission. Quand il approcha de Sidjilmâsa et que la chose parvint aux oreilles de l'émir de cette ville, El-Yasa' ben Midrâr, ce prince fit demander au Mahdi, qu'il détenait prisonnier, ainsi que nous l'avons dit, quelles étaient son origine et sa situation et si c'était à cause de lui que venait Abou 'Abd Allah ; mais le captif jura qu'il était un simple marchand et qu'il n'avait jamais vu ce général, non plus qu'il ne le connaissait. Lui et son fils Abou 'l-Kasim furent enfermés chacun dans un local séparé et sous la surveillance de gardiens ; le fils, interrogé, ne s'écarta en rien des réponses de son père, et des gens qui étaient avec lui, malgré les coups qu'on leur donna, ne voulurent rien avouer. Abou 'Abd-Allah, qui apprit tout ce qui se passait, en était fort affligé : il députa à El-Yasa' pour lâcher de se le concilier, affirmant qu'il ne venait pas combattre, mais qu'il avait à traiter avec lui une affaire importante ; il y ajoutait de magnifiques promesses. Mais El-Yasa' jeta la lettre, et fit exécuter les messagers. En vain le Chiite, qui craignait pour la vie du Mahdi, renouvela, toujours sans nommer ce dernier, sa tentative de conciliation ; ses envoyés furent de nouveau mis à mort. Alors il s'avança à marches forcées et vint camper à proximité d'El-Yasa' ; la bataille s'engagea et dura jusqu'à la fin du jour ; puis, El-Yasa' et ses parents et cousins profitèrent des ténèbres pour s'enfuir, tandis que le Chiite et ses troupes, incertains du sort du Mahdi et de son fils, passèrent toute la nuit dans l'anxiété, Le lendemain malin, les habitants de Sidjilmâsa vinrent lui annoncer la fuite d'El-Yasa', de sorte qu'il pénétra dans la ville, se rendit au lieu où était détenu le Mahdi et les rendit, lui et son fils, à la liberté.[260] Alors les soldais firent éclater une joie si vive qu'ils faillirent en perdre la tête. Le Chiite fit monter à cheval ceux qu'il venait de délivre !', et lui-même, entouré des chefs kabyles, les précéda à pied ; versant des larmes de joie, il criait au peuple : « Voilà votre maître !», et conduisit ainsi le cortège jusqu'à la tente spécialement préparée pour le Mahdi et où il l'installa. On fit poursuivre El-Yasa', qui fut pris et exécuté après avoir été soumis à la bastonnade.[261]
Le Mahdi passa à Sidjilmâsa les quarante jours qui suivirent sa délivrance et se rendit ensuite en Ifrîk'iyya. Il se fit remettre et emporta avec lui les trésors entassés à Inkidjân, [P. 38][262] puis arriva dans la dernière décade de rebi' II297 (vers la mi-décembre 909) à Rak'k'âda. Alors finit le pouvoir des Aghlabides et celui des Benoû Midrâr, cette dernière dynastie ayant fourni à Sidjilmâsa des princes, dont était El-Yasa', pendant cent trente ans ; de même la dynastie des Benoû Rostem, qui avait régné à Tahert pendant cent soixante ans.[263] Tous ces territoires se trouvèrent réunis 'dans les mains du Mahdi,
Quand il approcha de Rak'k'âda, les habitants de cette ville et ceux de K'ayrawân se portèrent à sa rencontre pour le saluer : devant lui marchaient à pied Abou 'Abd Allah et les chefs des Ketâma, et il était suivi de son fils. Il reçut très bien ceux qui venaient lui apporter leurs hommages, puis les congédia. Il s'installa dans un des palais de Rak'k'âda et fit dans toutes les provinces faire la khotba du vendredi[264] en son nom sous le titre de Mahdi, prince des croyants. A la suite de la principale prière du vendredi, un homme du nom d'Ech-Chérif, entouré des missionnaires (dâli), tint une séance à laquelle le peuple fut contraint par la violence à assister et où l'on prêcha la nouvelle doctrine. Ceux des assistants qui l'embrassèrent, et qui furent d'ailleurs en petit nombre, reçurent des libéralités ; mais ceux qui s'y refusèrent furent emprisonnés, et même nombre de ces récalcitrants furent punis de mort.
Abou 'Abd Allah fit passer les jeunes filles ayant appartenu à Ziyâdet Allah sous les yeux du Mahdi, qui en choisit le plus grand nombre tant pour lui que pour son fils, et qui distribua les autres aux chefs des Kelâma. De même il répartit entre ceux-ci les diverses provinces de l’Ifrîk'iyya, organisa les bureaux, préleva les impôts, et l'affermissement de son pouvoir amena une soumission générale et l'installation en tous lieux de ses agents.[265] Il nomma en Sicile El-H'asan ben Ahmed ben Abou Khinzîr, qui, arrivé à Mazera le 10 dhoû 'l-hiddja 297 (19 août 910), nomma à Girgenti son propre frère[266] et institua, en qualité de kadi, Ish'âk' ben el-Minhâl, qui fut le premier kadi nommé en Sicile au nom du Mahdi. En 298 (8 septembre 910), Ibn Abou Khinzîr marcha à la tête d'un corps d'armée contre Demona et, après s'être livré au pillage et à l'incendie, il regagna Palerme. Au bout de peu de temps, le mécontentement soulevé par sa mauvaise administration [P. 39] provoqua une émeute ; on le jeta en prison et l'on informa le Mahdi des événements. Le souverain accepta les excuses qui lui étaient présentées et le remplaça par 'Ali ben 'Omar Balawi, qui arriva en Sicile le dernier jour de dhoû 'l-hiddja 299 (16 août 912).
'Obeyd Allah ordonna l'exécution du Chî'i en 298 : (8 septembre 910) dans les circonstances que voici. Devenu maître du pays et reconnu par les populations, le Mahdi commença à traiter les affaires par lui-même et à restreindre les pouvoirs d'Abou 'Abd Allah et de son frère Abou 'l-'Abbâs. La jalousie commença à ronger celui-ci, qui trouvait pénible de se voir priver des droits de commander et de disposer de la fortune des autres. Il se mit, dans le salon de son frère, à dénigrer et à déchirer le Mahdi ; en vain Abou 'Abd Allah, qui désapprouvait ces propos, voulait l'en empêcher, l'autre y revenait toujours-de plus belle. Un jour enfin il dit le fond de sa pensée : « C'est toi qui as fondé un empire et produit celui qui t'en éloigne, alors qu'il devrait respecter tes droits. »
Son insistance finit par agir sur son frère, qui dit un jour au Mahdi : « Le respect dont tu jouirais aux yeux des populations serait plus grand si tu restais dans ton palais en me laissant le soin de commander aux Ketâma, dont je connais bien les usages ». Ces paroles prouvèrent au Mahdi la réalité de ce qu'on lui avait déjà dit au sujet des deux frères, mais il se borna à y répondre par des amabilités. Abou' l-'Abbâs commença alors à procéder par allusions en causant avec les chefs, et quand il en trouvait de bien disposés, il s'ouvrait à eux, leur disait que leurs services n'avaient pas été suffisamment récompensés et leur rappelait que les richesses emportées d'Inkidjân par le Mahdi ne leur avaient pas été distribuées. Le Mahdi était au courant et laissait faire ; Abou 'Abd Allah usait de ménagements.[267] Puis Abou' l-'Abbâs alla plus loin : « Cet homme n'est pas celui à qui nous nous sommes engagés à obéir et pour qui nous avons fait de la propagande, car le Mahdi doit marquer la pierre de son sceau[268] et faire des miracles [P. 40] éclatants ». Ces discours finirent par faire impression sur nombre d'hommes, notamment sur le grand cheikh des Ketâma,[269] qui redit au prince ces propos en ajoutant : « Si tu es véritablement le Mahdi, exécute un miracle qui fasse tomber nos doutes ! » Mais le Mahdi le fit mettre à mort, et Abou 'Abd Allah commença à ressentir des craintes en s'apercevant qu'il avait changé de dispositions à son égard.[270] Lui, son frère et d'autres encore qui se réunissaient chez Abou Zâki s'entendirent pour mettre à mort le Mahdi ; ils n'avaient avec eux qu'un petit nombre des tribus des Ketâma. Mais un de ceux qui se donnaient pour un complice les trahissait et révélait tout au prince, chez qui les conjurés pénétrèrent plusieurs fois sans oser réaliser leur projet.
Au sortir d'une conférence nocturne tenue chez Abou Zâki, Abou 'Abd Allah remit son vêtement à l'envers et se présenta ainsi chez le prince, qui remarqua le désordre de sa toilette, mais ne lui en dit rien. Trois jours de suite, le vêtement resta dans le même état, et alors le Mahdi lui demanda comment il avait pu depuis trois jours laisser-son vêlement retourné, ce qui indiquait qu'il ne s'était pas déshabillé : «Je n'en savais rien, repartit Abou 'Abd Allah, et je m'en aperçois à l'instant. — Et où donc étais-tu hier et les nuits précédentes ? » Comme le Chiite gardait le silence : « N'as-tu pas, reprit le prince, passé la nuit chez Abou Zâkî ?— C'est vrai. — Et pourquoi es-tu sorti de chez toi ? — C'est que j'avais peur. — Un homme peut-il avoir peur d'un autre que son ennemi ? » Cette conversation prouva à Abou 'Abd Allah que le Mahdi était au courant de ce qu'il tramait. Il sortit donc pour informer ses complices, qui, saisis de frayeur, s'abstinrent de paraître. Cela fut rapporté au Mahdi, auprès de qui se trouvait Ibn el-K'adîm, l'un des conjurés,[271] entre les mains de qui se trouvaient de grandes richesses provenant de Ziyâdet Allah. Cet homme s'offrit au Mahdi pour lui amener les autres, ce qu'il fit en effet, et le prince alors ne put plus douter de la vérité des rapports qui lui avaient été faits sur lui. Il agit néanmoins à l'égard de ces hommes avec une douceur [apparente], et les envoya de côté et d'autre. A Abou Zâki il donna le commandement de Tripoli, mais en adressant à son représentant en cette ville l'ordre de le mettre à mort dès son arrivée, ce qui fut fait, et la tête du malheureux fut envoyée au Mahdi. Ibn el-K'adîm s'enfuit, mais fut repris et exécuté conformément aux ordres du souverain. 'Aroùba[272] et quelques guerriers, chargés de surveiller les deux frères Abou 'Abd Allah et Abou' l-'Abbâs et de leur donner la mort, [P. 41] attendirent qu'ils approchassent du palais, et 'Aroûba[273] se jeta alors sur Abou 'Abd Allah, qui lui cria : «Arrête, ô mon fils ! — Celui à qui tu nous as enjoint d'obéir, repartit 'Aroûba, nous a donné l'ordre de te mettre à mort ». Les deux frères périrent le jour même où Abou Zâkî subissait le dernier supplice.[274]
Le Mahdi lui-même, dit-on, prononça les dernières prières sur Abou 'Abd Allah et prononça ces mots. : « Veuille Dieu, ô Abou 'Abd Allah, avoir pitié de toi et te récompenser pour tout le mal que tu t'es donné ! » L'exécution de ces deux frères provoqua le soulèvement de leurs partisans ; mais le Mahdi en personne monta à cheval, et les promesses de pardon qu'il fit ramenèrent le calme ; puis il se mit à la poursuite des révoltés et les massacra. Des troubles surgirent encore entre les Ketâma et les habitants de K'ayrawân, mais furent apaisés par le Mahdi après qu'il y eut eu nombre de morts.[275] Il empêcha aussi les missionnaires (dâ'i) de faire auprès du bas peuple de la propagande en faveur des doctrines chi'ites.
Quand ce prince vit son pouvoir bien établi, il désigna en qualité d'héritier présomptif son fils Abou 'l-K'âsim Nizâr. Les Kelâma, ayant regagné leur pays, installèrent un enfant, qui était, disaient-ils, le Mahdi, en ajoutant qu'il était prophète et recevait des révélations de Dieu ; ils disaient encore qu'Abou 'Abd Allah était toujours en vie. Ils marchèrent alors sur la ville de Mîla, et le Mahdi, apprenant leur tentative, envoya contre eux son fils Abou 'l-K'âsim, qui les serra de près, leur livra divers combats et finit par les battre ; il les poursuivit et les refoula jusqu'à la mer en leur tuant beaucoup de monde ; il mit aussi à mort l'enfant qui leur avait servi d'instrument.[276]
La Sicile s'étant révoltée sous Ibn Wahb, il envoya une flotte qui se rendit maîtresse de l'île. Ibn Wahb, qui lui fut amené, fut mis à mort.[277] Il fit aussi une expédition contre Tahert, qui s'était soulevée : il resta vainqueur et massacra les révoltés. Plusieurs Aghlabides, qui étaient, rentrés à Rak'k'âda à la suite de la mort de Ziyâdet Allah, furent également punis de mort.[278]
[P. 50] En 299 (28 août 911), les habitants de Tripoli du Gharb se révoltèrent contre le Mahdi 'Obeyd Allah, qui la fit assiéger par une armée, mais en vain. Il y envoya-alors, en djomâda II 300 (janvier-février 913), son fils Abou'l-K'âsim, qui en poursuivit le siège sans se lasser et en livrant de vifs combats. Les assiégés, manquant-de vivres, finirent par manger jusqu'aux cadavres, et la ville fut enfin emportée de vive force. Le vainqueur épargna les habitants, mais imposa des amendes considérables aux instigateurs de la révolte et se fit rembourser par les autres tout l'argent que lui avait coûté son armée en s'assurant à titre d'otages des principaux de la ville. Il se retira après y avoir installé un gouverneur de son choix.[279]
La même année, K'ayrawân fut éprouvée par des tremblements de terre dont l'intensité et l'importance dépassèrent ce qu'on avait vu jusqu'alors.[280]
Les habitants de cette ville se soulevèrent contre les Ketâma, dont ils tuèrent environ un millier.[281]
'Ali ben 'Omar, que nous avons dit avoir été nommé en 297 (lisez 299 = 19 sept. 909) par le Mahdi, gouverneur de Sicile, était un vieillard au caractère doux dont les procédés déplurent aux Siciliens, de sorte que ceux-ci lui enlevèrent le pouvoir pour le confier à Ahmed ben K'orhob. Ce dernier, quand il eut l'autorité entre les mains, envoya contre la Calabre un corps, expéditionnaire qui en revint en ramenant du butin et des prisonniers.
En 300 (17 août 912), il envoya assiéger le fort reconstruit de Taormine, par son fils 'Ali avec un corps d'armée ; son intention était, une fois cette ville prise, d'y envoyer ses enfants, ses biens et ses esclaves, pour s'y retirer le jour où il verrait les Siciliens se dégoûter de lui. Au bout de six mois de siège, les soldats d’Ali témoignèrent de l'insubordination, refusèrent de rester plus longtemps et incendièrent sa tente et les bagages ; ils cherchèrent même à le tuer, mais les Arabes les en empêchèrent. [P. 54] Alors Ahmed ben K'orhob invita le peuple à reconnaître El-Moktadir (le khalife abbaside), et son appel ayant été entendu, on prononça la khotba au nom de ce khalife au lieu de celui du Mahdi. Ibn K'orhob envoya une expédition maritime contre le littoral d'Ifrîkiyya ; El-Hasan ben Abou Khinzîr, qui commandait la flotte du Mahdi, essaya de lui tenir tête, mais ses bâtiments furent incendiés, lui-même fut tué et sa tête fut envoyée à Ibn-K'orhob. La flotte sicilienne s'avança alors contre Sfax, qu'elle ruina, puis fit voile pour Tripoli ; mais là se trouvait El-K'â'im, fils du Mahdi, et elle dut se retirer.
El-Mok'tadir fit parvenir les robes noires et les drapeaux (abbasides) à Ibn K'orhob, qui envoya ensuite des bateaux chargés de troupes de débarquement en Calabre ; ces soldats y semèrent la ruine et en revinrent en ramenant du butin. Il expédia aussi une flotte contre l'Ifrîkiyya, mais celle du Mahdi lui tint tête et s'empara des bâtiments d'Ibn K'orhob.[283] Cet événement fut le signal du déclin du pouvoir de ce chef : le peuple, qui jusqu'alors l'avait redouté, se livra à des entreprises contre lui, et les habitants de Girgenti, perdant toute crainte,[284] se révoltèrent contre lui et écrivirent au Mahdi. Les autres musulmans, voyant cela, s'adressèrent aussi à ce prince, mais, pour éviter la guerre civile, ils s'emparèrent en 300 (17 août 912) de la personne d'Ibn K'orhob, qu'ils envoyèrent enchaîné, de même que plusieurs des intimes de ce chef, au Mahdi. Celui-ci les fit égorger sur la tombe d'Ibn Khinzîr et nomma en Sicile Abou Sa'id Moussa ben Ahmed, avec qui il envoya de nombreux cheikhs des Ketûma ; ils débarquèrent à Trapani. Le Mahdi prit cette précaution parce qu'Ibn K'orhob lui avait autrefois écrit que les Siciliens étaient très turbulents et n'obéissaient pas à leurs émirs, dont ils pillaient les biens ; que cette situation ne pouvait être changée que par la présence de troupes qui les domptassent et enlevassent le pouvoir aux chefs locaux. En effet, la crainte de ce que pourraient faire les troupes nouvellement débarquées, fit que les habitants de Girgenti, de la capitale et d'autres Siciliens contractèrent alliance, et Abou Sa'îd, pour se garder contre eux, éleva une muraille qui s'étendait jusqu'à la mer et qui laissait le port de son côté. [P. 55] Le résultat du combat qui fut livré fut la mise en fuite des Siciliens, dont plusieurs chefs furent tues et d'autres faits prisonniers. Les habitants de la capitale (Palerme) demandèrent alors et obtinrent quartier ; -mais le vainqueur excepta les deux instigateurs de la révolte, qui lui furent livrés et qu'il envoya au Mahdi en Ifrîkiyya. Il prit possession de la capitale, dont il ruina les portes ; puis il reçut du Mahdi une lettre lui enjoignant d'accorder une amnistie complète à la masse du peuple.
En rebi' I de l'an 300 (oct.-nov. 912) mourut, à l'âge de quarante-deux ans, 'Abd Allah ben Mohammed ben 'Abd er-Rah'mân ben el-Hakam ben Hicham ben 'Abd er-Rah'mân ben Mo'ûwiya l'Omeyyade, qui régna en Espagne pendant vingt-cinq ans et onze mois. Il était d'un blond roux et de taille moyenne ; il avait les yeux bleus et se teignait en noir. Il laissa dix enfants mâles, en outre d'un onzième, Mohammed, qu'il avait puni de mort pour quelque crime. Le fils de celui-ci succéda à son grand-père ; il s'appelait 'Abd er-Rah'mân en-Nacir ben Mohammed ben 'Abd Allah ben Mohammed ben 'Abd er-Rahmân ben el-Hakam ben Hicham ben 'Abd er-Rah'mân ed-Dâkhil (le nouveau venu en Espagne) ben Mo'âwiya ben Hicham ben 'Abd el-.Melik ben Merwân ben el-Hakam l'Omeyyade, et avait pour mère une concubine du nom de Marta. Il n'avait que vingt jours lors de la mort de son père, et ce fut une nouveauté de voir un souverain si jeune, alors qu'il y avait à côté de lui ses oncles et grands-oncles. Ceux-ci pourtant ne lui firent pas d'opposition, et son autorité s'étendit sur le territoire entier du royaume. Avant qu'il régnât, des châteaux-forts du canton de Malaga et celui de Bobastro s'étaient insurgés, mais il dirigea des attaques contre Celui-ci et rétablit la paix. [P. 55] Tolède aussi s'était révoltée, mais il soumit également cette ville ; en un mot, il ne déposa les armes qu'après avoir contraint les rebelles à une obéissance qui dura plus de vingt ans. Pendant son règne, tout marcha correctement et la paix régna sous ce prince observateur de ses devoirs.[285]
En l'an 300 (17 août 912), arriva à Bagdad un messager envoyé par le gouverneur de Bark'a — localité qui, avec une étendue de quatre parasanges en deçà, dépend du territoire égyptien, tandis que la portion par delà dépend du Maghreb — avec la nouvelle qu'un hérétique avait fomenté un soulèvement, mais qu'il avait été battu et qu'un grand nombre des insurgés avaient été tués. Cet homme était d'ailleurs porteur d'un grand nombre de nez et d'oreilles des victimes.[286]
[P. 63] En 301 (6 août 913), le Mahdi équipa des troupes qu'il expédia, sous le commandement de son fils Abou' l-K'âsim, contre l'Egypte.[287] Cette armée, partie d'Ifrîkiyya, se mit en marche dans la direction de Bark'a, qu'elle conquit au mois de dhoû 'l-hiddja. Elle poursuivit ensuite sa marche, conquit Alexandrie et le Fayyoûm puis, la plus grande partie du pays étant tombée entre ses mains, elle en réduisit les habitants à l'extrémité. Mais alors El-Mok'tadir billah expédia une armée nombreuse commandée par son eunuque Mou'nis, qui combattit les envahisseurs, les mit en fuite et les refoula dans le Maghreb.
[P. 66] En 302 (26 juillet 914), le Mahdi Abou Mohammed 'Obeyd Allah l'Alide expédia d’Ifrîkiyya contre Alexandrie une armée commandée par H'abâsa,[288] l'un de ses généraux, qui arriva par mer et conquit cette ville ; puis il s'avança de là contre Miçr et établit son camp entre Alexandrie et Misr. A cette nouvelle, El-Mok'tadir envoya en Egypte des troupes commandées par l'eunuque Mou'nis et bien munies d'armes et d'argent. En djomâda I (novembre-décembre), les deux armées se livrèrent une bataille [P. 67] acharnée, où chacune fit des pertes très sensibles tant en tués qu'en blessés ; ensuite eut lieu une seconde rencontre dans des conditions analogues, puis une troisième et une quatrième ; les Maghrébins furent enfin mis en déroule, ayant perdu sept mille hommes, tant tués que prisonniers, tandis que le reste prenait la fuite. A la suite de cette affaire, qui eut lieu le dernier jour de djomâda II (29 janvier 914), H'abâsa, qui se relira au Maghreb avec les autres, fut mis à mort par ordre du Mahdi.[289]
En la même année, 'Aroûba ben Youssof Ketâmi se révolta à K'ayrawân contre le Mahdi et groupa autour de lui un grand nombre de Ketâma et de Berbères. Le Mahdi le fit combattre par son client Ghâlib, qui livra aux insurgés une sanglante bataille dans la plaine de K'ayrawân. 'Aroûba et ses cousins périrent, ainsi qu'une foule innombrable de leurs partisans. Les têtes des chefs furent mises dans un panier et apportées au Mahdi, qui fit cette réflexion : « Retour étrange des choses d'ici-bas ! Voilà toutes ces têtes dans un panier, et le Maghreb tout entier paraissait trop étroit pour les troupes à qui elles commandaient ! »
En 303 (16 juillet 915), le Mahdi se rendit en personne à Tunis, à Carthage et ailleurs pour rechercher sur le littoral un emplacement convenable pour y fonder une ville, car il avait trouvé dans les livres l'annonce du soulèvement que fomenterait Abou Yézid contre lui. C'est ainsi qu'il bâtit Mehdiyya, pour laquelle il ne trouva aucun emplacement ni plus convenable, ni plus sûr, car c'est une presqu'île jointe à la terre (par un isthme), ce qui la fait ressembler à la paume de la main se rattachant au poignet.[290] Il l'édifia pour en faire sa capitale et l'entoura de murailles solides garnies de portes imposantes, dont chaque battant pesait cent quintaux. Les travaux de construction commencèrent le samedi 5 dhoû' l-k'a'da 303 (10 mai 916). Quand les murailles furent montées, il fit lancer par un archer une flèche dans la direction-du Maghreb, et le projectile arriva jusqu'au Moçalla : « C'est jusque-là, » dit-il, « qu'arrivera le maître de l'âne, » désignant ainsi l'hérétique Abou Yézid, à cause de l'animal qui lui servait de monture. Il donnait lui-même aux ouvriers les ordres nécessaires pour les travaux. Il fit ensuite creuser dans la montagne un arsenal (dâr çinâ'a) pouvant renfermer cent galères[291] et qui était fermé par une porte ; le sol fut creusé pour y installer des magasins à vivres et des citernes. On éleva aussi des habitations et des palais. Quand tout fut fini : « Je suis maintenant », dit-il, « tranquille quant au sort des filles fatimides, » désignant ainsi ses propres filles.[292] Ensuite il s'éloigna. Il disait, en contemplant les merveilleux travaux accomplis tant pour la ville même que pour ses fortifications, que tout cela n'était que pour une heure. Son dire se réalisa, car Abou Yézid arriva jusqu'à l'endroit où était tombée la flèche de l'archer, y séjourna une heure, puis se retira sans avoir obtenu aucun succès.
En 306 (13 juin 918), le Mahdi équipa une armée considérable qu'il confia à son fils Abou ‘l-K'âsim pour attaquer l'Egypte une seconde fois. Abou ‘l-Kasim arriva devant Alexandrie en rebi' II 307 (30 août 919), et y pénétra (sans combattre), car elle fut abandonnée par le gouverneur qu'y avait placé El-Mok'tadir. El-K'â'im (Abou ‘l-Kasim) s'avança de là sur Misr, pénétra à Djîzeh, conquit Ochmoûneyn et une grande partie du Caïd. Il écrivit alors aux Mekkois [P. 84] pour les inviter à se soumettre, mais son appel resta sans succès
Ces faits ayant été portés à la connaissance de là cour de Bagdad, El-Mok'tadir billah fit partir en chaban (janvier 919) l'eunuque Mou'nis, qui gagna Misr à marches forcées. Il veut entre lui et (Abou ‘l-Kâsim) ElK'â'im une série de rencontres ; ce dernier reçut d'Ifrîk'iyya un secours consistant en quatre-vingts bâtiments qui vinrent jeter l'ancre à Alexandrie et qui apportaient l'eunuque Solëymân et Yakoub Ketâmi, deux braves guerriers. El-Mok'tadir fit aussi partir de Tarsous des bâtiments au nombre de vingt-cinq, porteurs de naphte et d'approvisionnements et qui étaient commandés par Abou ‘l-Yomn. Une bataille navale eut lieu près de Rosette, et la flotte d'El-Moktadir resta victorieuse : elle brûla nombre de vaisseaux ennemis et tua ou fit prisonniers la plupart des guerriers qui les montaient : Solëymân et Yakoub notamment furent réduits en captivité. Beaucoup de prisonniers furent relâchés, mais il en fut aussi exécuté beaucoup. Solëymân mourut en prison à Misr, et Yakoub fut transporté à Bagdad, d'où plus tard il put s'échapper et regagner l'Ifrîkiyya. D'autre part, l'armée d'El-K'â'im livra aussi de nombreux combats à celle de Mou'nis, lequel resta vainqueur et reçut alors le surnom de El-Moz'affer. Puis la peste et la disette exercèrent des ravages dans les rangs de l'armée vaincue, qui perdit beaucoup d'hommes et de chevaux ; les survivants regagnèrent l’Ifrîk'iyya, non sans avoir été l'objet d'une longue poursuite de la part du vainqueur.[293] El-K'â'im rentra à Mehdiyya en redjeb de cette année.[294]
[P. 89] En 307 (2 juin 919), Themel, chef d'une expédition navale, infligea une défaite à la flotte du Mahdi l'Alide : il tua une partie de ceux qui la montaient et fit prisonnier un eunuque de ce prince.[295]
En 313 (28 mars 925), les troupes de Sicile commandées par leur émir Salim ben Rachid [P. 117] et renforcées par un corps d'armée que le Mahdi avait envoyé d'Ifrîk'iyya, marchèrent contre la Lombardie, y conquirent des cavernes et des tours,[297] et se retirèrent après avoir fait un butin considérable. Elles se portèrent ensuite en Calabre et assiégèrent la ville de Tarente, qui fut prise de vive force en ramadân (nov.-déc. 926) ; elles mirent après cela le siège devant Otrante et détruisirent les centres habités (des environs). Mais ensuite une grave et violente maladie se déclara chez les musulmans, qui durent se retirer. Les Siciliens ne cessèrent d'ailleurs pas de diriger des incursions contre les possessions des chrétiens en Sicile et en Calabre, et s'y livrèrent au pillage et à la dévastation.
En 315, au mois de çafar (avril 927), le Mahdi envoya de Mehdiyya au Maghreb une armée considérable sous les ordres de son fils Abou' l-K'âsim, ce qui était motivé par la victoire remportée par Mohammed ben Khazer Zenâti sur uns armée de Ketâma et le grand massacre qu'il avait fait de ceux-ci. [P. 131] L'importance attribuée par le Mahdi à cette affaire[298] lui fit décider l'envoi de ces troupes, dont la mise en marche provoqua là dispersion des rebelles. Après avoir poussé jusqu'au delà de Tahert, Abou l-Kasim revint sur ses pas et traça avec sa lance, sur le sol même, le plan d'une ville qu'il fonda, et à laquelle il donna le nom de Mohammediyya, laquelle n'est autre que Mesîla.[299] L'emplacement en appartenait aux Benoû Kemlân, qu'il déporta dans la banlieue de Kayrawân, comme s'il s'attendait de leur part à quelque mauvais coup ; aussi voulut-il avoir auprès de lui cette tribu, où se recrutèrent (peu après) les partisans d'Abou Yézid le Khâridjite. Une nombreuse population se transporta à Mohammediyya, dont le gouverneur eut ordre d'y accumuler et de garder avec soin des vivres abondants. Ces provisions y restèrent emmagasinées jusqu'à la révolte d'Abou Yézid, contre qui marcha El-Mançoûr [le Fatimide], qui tirait de Mohammediyya tout ce qu'il voulait, car il n'y avait pas d'autre ville dans cette région.
En 315 (7 mars 927), 'Abd er-Rah'mân ben Mohammed ben 'Abd Allah er-Nâçîr li-Dîn Allah l'Omeyyade se rendit maître de Tolède, qu'il assiégeait depuis quelque temps à cause de l'état de rébellion où elle s'était mise : il ruina et démolit une grande partie de la ville, qui alors appartenait à l'Islam.[300]
[P. 146] En 316 (24 février 928) commença au Maghreb l'affaire d'Abou Yézid le Khâridjite, que nous suivrons de près sous l'année 334 (lisez 333).
En rebi' I 322 (18 février-20 mars 934) mourut le Mahdi Abou Mohammed 'Obeyd Allah l'Alide à Mehdiyya. Son fils Abou' l-K'âsim cacha cette mort pendant un an, car il craignait que la nouvelle ne détachât les populations de lui. Le Mahdi avait alors soixante-trois ans et avait régné vingt-quatre ans, un mois et vingt jours, comptés à partir de son entrée à Rak'k'âda et de sa reconnaissance en qualité d'Imâm. Il eut pour successeur son fils Abou'l-Kâsim Mohammed, qui avait été proclamé héritier présomptif et qui, quand il révéla la mort du Mahdi, s'était rendu maître de la situation et avait pris toutes les mesures qui lui avaient paru convenables. Il suivit les traditions paternelles et réduisit à l'impuissance ceux qui se révoltèrent contre lui. L'un des plus redoutables fut Ibn T'âloûl K'orachi, qui se donna dans la région de Tripoli comme étant fils du Mahdi ; (la masse) se souleva avec lui et il marcha contre la ville de Tripoli, dont la population lui résista. Ensuite les Berbères, s'étant convaincus de l'inanité de ses prétentions, le massacrèrent et portèrent sa tête à El-K'â'im.[301]
Ce prince eut aussi à faire marcher un corps d'armée considérable, que commandait le page Meysoûr, contre le Maghreb. Ces troupes poussèrent jusqu'à Fez et Tekroûr, et mirent en déroule un Khâridjite dont, le fils fut fait prisonnier.[302] Il dirigea aussi contre le pays chrétien une expédition navale que commandait Yâ'k'oûb ben Ish'âk' et qui enleva des prisonniers [P. 113] et du butin à Gênes.[303] Une autre expédition, dont le commandement fut confié à son eunuque Zeydûn et pour laquelle il ne ménagea ni l'argent ni les préparatifs, fut dirigée contre l'Egypte et arriva à Alexandrie ; mais une armée considérable qu'envoya Mohammed [ben T'oghdj] Ikhchîd pour lui tenir tête, vainquit les Maghrébins, qui durent battre en retraite dans un grand désordre après avoir subi des perles tant en tués qu'en prisonniers.[304]
[P. 232] En 323 (10 décembre 934), El-K'â'im l'Alide envoya d'Ifrîkiyya une expédition navale contre les pays francs : les agresseurs conquirent la ville de Gênes, passèrent par la Sardaigne, où ils infligèrent bien des maux aux habitants, et incendièrent de nombreux navires ; ils passèrent aussi par la Corse, dont ils livrèrent les navires aux flammes, et enfin rentrèrent chez eux sains et saufs.[305]
En 325 (18 novembre 936), les habitants de Girgenti, l'une des villes de la Sicile, se mirent en lutte avec leur émir Salim ben Rachid, dont la nomination avait été faite par le prince Alide d'Ifrîk'iyya El-K'â'im ; ses mauvais procédés furent tels que cette ville chassa le gouverneur que l'émir lui avait donné. Salim fit marcher contre elle des troupes nombreuses provenant de Sicile et d'Ifrîk'iyya, qui, à la suite d'un violent combat, furent défaites et poursuivies par les Girgentins. Alors Salim sortit lui-même contre eux, et à la suite d'un sanglant engagement, en chaban (juin-juillet 937), les rebelles furent mis en déroute. Mais les habitants de la ville (capitale, c'est-à-dire Palerme), voyant la révolte des Girgentins, suivirent cet exemple, et leur insubordination se traduisit par un combat qu'ils lui livrèrent en dhoû'lk'a'da de cette année (sept.-oct.). [P. 253] L'émir put cependant les forcer à fuir et assiégea la cité ; mais il informa El-K'â'im à Mehdiyya que les Siciliens s'étaient soustraits à son obéissance et lui demanda des secours pour leur tenir tête. El-K'â'im lui envoya des troupes de secours commandées par Khalil ben Ishak' ; mais ce dernier, à son arrivée en Sicile, ne put que constater avec plaisir les sentiments de fidélité des habitants, qui se plaignirent à lui des procédés injustes et tyranniques de Salim ; la démarche faite par les femmes et les enfants, qui vinrent en pleurant lui exposer leurs griefs, attendrit le cœur de ses soldats, qui mêlèrent leurs larmes, à celles de ces malheureux. Les habitants de diverses villes, notamment de Girgenti, se rendirent auprès de Khalîl ; mais à leur arrivée Salim alla les trouver et leur annonça qu'El-K'â'im avait envoyé ce général pour venger ceux de ses soldats dont ils avaient causé la mort ; aussi ces paroles les rejetèrent-elles dans la rébellion.[307]
Khalil commença à construire une nouvelle ville sur le port même de la ville (de Palerme), la fortifia soigneusement, détruisit une grande partie de l'ancienne, dont il enleva les portes et donna à sa création le nom d'El-Khâliça (la pure) ; la population eut pour cette construction à beaucoup peiner. La connaissance de ces faits inspira des craintes aux Girgentins, qui ne doutèrent plus de la véracité de ce que leur avait dit Salim, et qui, eux aussi, fortifièrent leur ville et firent des préparatifs de guerre. En djomâda I 326 (5 mars-3 avril 938), comme Khalil s'avançait pour les assiéger, les habitants firent une sortie et lui livrèrent un sanglant combat. Il les assiégea néanmoins pendant une période de huit mois, où il ne se passa pas un jour sans combat ; mais l'hiver étant venu, il partit en dhoû' l-h'iddja (23 septembre 938) et retourna s'installer à El-Khâliça.
Quand commença l'année 327 (28 oct. 938), les habitants de tous les châteaux-forts ainsi que ceux de la ville de Mâzer se soulevèrent contre Khalil à l'instigation des Girgentins ; ils lancèrent des colonnes expéditionnaires dans toutes les directions, et la situation devenant grave, ils adressèrent une demande de secours à l'empereur de Constantinople, qui leur fit parvenir des vaisseaux chargés de soldats et de vivres. Khalil, de son côté, s'adressa à El-K'â'im, qui lui envoya de nombreux guerriers ; alors il se mit en campagne à la tête des Siciliens (restés fidèles), assiégea et prit le fort de Caltavuturo ainsi que celui de Caltabellotta. Il entama ensuite le siège de Plalano, devant qui il resta jusqu'à la fin de 327 et d'où il partit quand commença l'année 328 (17 oct. 939) [P. 254] pour assiéger Girgenti ; mais il se retira aussi de devant celle-ci après l'avoir bloquée longtemps, y laissant toutefois un corps d'armée qui poursuivit le siège sous le commandement d'Abou Khalaf ben Haroun jusqu'en 329 (5 oct. 940). Beaucoup d'habitants s'étant alors réfugiés en pays chrétien, ceux qui restaient demandèrent quartier ; cela leur fut accordé à condition qu'ils sortiraient du fort. Mais à la suite de leur sortie et malgré les stipulations, ils furent envoyés à la ville (capitale). Dans cette situation, les autres places fortes firent alors aussi leur soumission. Les régions musulmanes étant ainsi rentrées dans l'obéissance, Khalîl retourna en Ifrîk'iyya en dhoû’l-hiddja 329 (26 août-24 sept. 941), emmenant avec lui les principaux Girgentins ; il les embarqua dans un navire qu'il fit couler en pleine mer, de sorte que tous furent engloutis.[308]
En 325 (18 nov. 936), les Francs envahirent l'Espagne musulmane, y tuèrent du monde et en emmenèrent du butin et des captifs. Parmi les gens connus qui trouvèrent la mort dans cette agression figure Djahh'âf ben Yomn, kadi de Valence.[309]
[P. 264] En 326 (7 nov. 937), naquit le sahib Abou'l Kasim Ismâ’îl ben 'Abbâd.
En 327 (28 oct. 938), eut lieu à Santarem la révolte d'Omeyya ben Ish'âk' contre 'Abd er-Rah'mân l'Omeyyade. La cause en fut le meurtre de son frère Ahmed, vizir d’Abd er-Rah'mân, ordonné par ce prince.[310] En apprenant cet événement, Omeyya, qui était alors à Santarem, se révolta et se rendit auprès de Rodmîr, roi de Galice, à qui il fournit des renseignements sur les points faibles du pays musulman. Plus tard, comme un jour il était allé à la chasse, les siens lui fermèrent l'entrée de la ville, et il se réfugia auprès de Rodmîr, qui fit de lui son ministre. Au cours d'une incursion que fit 'Abd er-Rah'mân en Galice, une rencontre eut lieu en cette année entre lui et le prince chrétien : les Galiciens furent mis en fuite, beaucoup furent tués, et 'Abd er-Rah'mân les serra de très près ; mais ensuite les chrétiens reprirent l'offensive et firent des musulmans un grand massacre. Rodmîr, qui voulait poursuivre ses avantages, en fut détourne par Omeyya, qui lui représenta la force et la valeur de l'ennemi, et le poussa au pillage. Après sa défaite, 'Abd er-Rah'mân réunit de nouvelles troupes pour combattre les Galiciens, les harcela de tous côtés et leur infligea des pertes en hommes doubles de celles qu'il avait éprouvées.
Plus tard 'Omeyya demanda grâce à 'Abd er-Rah'mân, qui l'accueillit avec honneur.
En 333 (23 août 944), la grande puissance acquise par Abou Yézid en Ifrîkiyya et le nombre de ses partisans lui permirent de mettre en fuite les troupes qui lui furent opposées.[311] Cet homme, originaire des Zenâta, avait pour père Kendâd, qui était de la ville de Tawzer en Kastîliya et qui se rendait au Soudan pour les besoins de son commerce ; ce fut là que naquit Abou Yézid d'une concubine Hawwârienne, que Kendâd ramena à Tawzer. Ce fut dans cette ville que fut élevé Abou Yézid, qui apprit le Koran et qui, par suite des rapports qu'il eut avec des Nakkâriens, conçut du penchant pour les doctrines de cette secte. De là il se rendit à Tâhert, où il resta à enseigner les enfants jusqu'à l'époque où Abou 'Abd Allah Chî'i alla à Sidjilmâsa chercher le Mahdi. [P. 316] Il partit alors pour Tok'yoûs, où il acheta une propriété et continua d'y donner l'instruction aux enfants. Sa doctrine consistait à déclarer impies les orthodoxes, à permettre de prendre le bien d'autrui, de verser le sang et de se révolter contre l'autorité. Il commença alors à censurer les actes et les croyances de son entourage, et quelques hommes, persuadés de sa supériorité, vinrent se joindre à lui, ce qui se passait du temps du Mahdi, en 316 (24 février 928). Cela dura ainsi jusqu'à ce qu'il eût acquis de la puissance et réuni de nombreux prosélytes, et alors, sous le règne d'El-K'â'im, fils du Mahdi, il se mit à faire des incursions et à se livrer à la destruction par le feu et à d'autres désordres. Pénétrant dans le territoire soumis à ce prince, il assiégea Râghâya et mit en déroute les nombreux soldats qui la défendaient ; il assiégea K'ast'îliya en 333 (23 août 944), conquit Tébessa et Meddjâna, dont il démolit les fortifications, mais en amnistiant les habitants, et pénétra à Mermadjenna. Ce fut en cet endroit qu'un habitant vint le trouver pour lui offrir un bel âne gris, dont Abou Yézid fit à partir de ce jour sa monture. Lui-même était un laid petit homme tortu qui se vêtait d'une courte djobba de laine.
Il battit ensuite les Ketâma et envoya contre Sebîba un corps de troupes qui s'en rendit maître ; le gouverneur de cette place fut crucifié. Puis il marcha contre. Laribus, qu'il conquit et livra au pillage et à l'incendie ; les habitants furent massacrés dans la grande mosquée même, où ils s'étaient réfugiés. L'annonce de ces événements fit concevoir aux habitants de Mehdiyya une haute idée de sa puissance, et ils représentèrent à El. K'â'im que, Laribus étant la porte de l'Ifrîkiyya, la prise de cette ville indiquait la fin du pouvoir des Aghlabides : « Abou Yézid », répondit le prince, « doit nécessairement arriver jusqu'au Moçalla, mais il n'ira pas plus loin ». Il envoya, cependant, des troupes pour défendre le pays, notamment un corps d'armée à Rak'k'âda et un autre à K'ayrawân, tandis que d'autre part il concentrait ses troupes. Abou Yézid eut peur et résolut de (se borner à) ravager l'Ifrîkiyya et à en massacrer les habitants. El-K'â'im mit à la tête des soldats qu'il avait réunis son page Meysoûr et en détacha une partie, sous le commandement du page Bochra, à Bâdja. Abou Yézid, informé de ce dernier mouvement, laissa ses bagages en arrière et se porta avec sa cavalerie contre Bochra, qu'il atteignit à Bûdja ; mais il fut battu, et ses troupes se dispersant le laissèrent avec environ quatre cents combattants : « Suivez-moi », leur commanda-t-il alors, « et marchons sur les tentes de l'ennemi à son insu ! » La manœuvre réussit, et Bochra dut s'enfuir à Tunis, laissant sur le terrain quantité de chefs ketâmiens et d'autres soldats.[312] Abou Yézid alors pénétra à Bâdja, qu'il incendia et pilla ; les enfants furent massacrés et les femmes enlevées. [P. 217] Il adressa alors des messages aux tribus (berbères) pour demander leur adhésion, et elles se joignirent en effet à lui. On commença alors à fabriquer des tentes, des drapeaux et des engins de guerre.
Après son retour à Tunis, Bochra convoqua le peuple, à qui il fit des distributions d'argent, et quantité d'hommes le rejoignirent : il les organisa et les expédia contre Abou Yézid. Un corps de troupes que leur opposa celui-ci fut mis en déroute, et les partisans de Bochra regagnèrent Tunis chargés de butin. Mais une guerre civile éclata dans celle ville, dont les habitants pillèrent l'hôtel de leur gouverneur, lequel prit la fuite. Les insurgés s'adressèrent alors à Abou Yézid, qui leur accorda l'amnistie et leur donna pour chef Rah'moûn, l'un des leurs, tandis que lui-même se transportait à Fah'ç Abou-Çâlih',[313] mais la population, qui eut peur de lui, gagna K'ayrawân, bien qu'une bonne partie, obéissant aussi à la terreur, le rejoignît. Bochra, obéissant à l'ordre d'El-K'â'im, se rapprocha des lieux où était Abou Yézid pour s'enquérir de ses mouvements. Celui-ci, qui en fut informé, envoya contre lui un détachement dont le chef avait ordre de pratiquer le meurtre et le pillage et d'appliquer des châtiments exemplaires de nature à semer la terreur. Ces instructions furent suivies, mais Bochra livra bataille à ses adversaires, les mit en déroute, leur tua quatre mille hommes et fit cinq cents prisonniers, qu'il envoya enchaînés à Mehdiyya, où la populace les massacra.
Cette défaite remplit de colère Abou Yézid, qui réunit des masses de combattants et s'avança contre les Ketâma dans la presqu'île (de Bâchoû). Les éclaireurs des deux armées se rencontrèrent et en vinrent aux mains, mais ceux des Ketâma furent battus, et les Berbères les poursuivirent jusqu'à Rak'k'âda. Abou Yézid campa d'abord avec cent mille combattants à l'ouest de K'ayrawân ; le lendemain il transporta son camp à l'est de Rak'k'âda, dont le gouverneur Khalil, insouciant de l'ennemi, n'avait pris aucune mesure de défense : en vain le peuple se rendait-il auprès de lui pour l'avertir qu'Abou Yézid était proche, il défendait que personne sortît pour le combattre, se bornant à attendre l'arrivée de l'armée commandée par Meysoûr.
Alors Abou Yézid, mis au courant de ses dispositions, fit attaquer la ville par une partie de son armée ; la lutte s'engagea, et un sanglant combat, soutenu par les habitants de K'ayrawân, leur fut défavorable et leur coûta des perles sensibles. Khalîl n'était pas parmi eux, mais il dut, malgré lui, poussé par les cris de la population, faire une sortie par la Porte de Tunis. Alors Abou Yézid lui-même s'avança, [P. 218] et Khalil, mis en fuite sans combattre, rentra à K'ayrawân et s'installa dans son palais, dont, toujours attendant l'arrivée de Meysoûr, il ferma la porte. Ses soldats firent de même, et les Berbères pénétrèrent dans la ville, où ils se livrèrent au meurtre et aux excès ; (seuls) quelques habitants firent de la résistance aux extrémités de la ville. Abou Yézid envoya alors à Kayrawân un corps de troupes commandé par l'un des siens, Ayyoub Zawîli, qui, y étant entré à la fin de çafar, la livra au pillage et au massacre et y commit des monstruosités. Khalil, qu'il assiégea dans son hôtel, en sortit avec les siens sous promesse de quartier ; il fut expédié à Abou Yézid, qui le fit exécuter. Les cheikhs de Kayrawân se rendirent alors auprès de l'hérétique, qui était à Rak'k'âda, et après lui avoir présenté leurs salutations, réclamèrent l'amnistie ; il les traîna en longueur tandis que les siens continuaient à massacrer et à piller, et quand ils renouvelèrent leurs plaintes en disant que la ville était en ruine, il leur répondit : « La Mekke et Jérusalem ne l'ont-elles pas été aussi ? » Il accorda cependant l'amnistie, mais un parti de Berbères, qui continuait le pillage, ne se retira que par crainte de Meysoûr, qui arrivait avec des forces considérables ; Ce dernier n'était plus bien éloigné de Kayrawân quand El-K'â'im apprit que des Benoû Kemlân avaient entamé des pourparlers avec Abou Yézid à l'effet de lui livrer Meysoûr ; il écrivit donc à son général pour qu'il se tînt sur ses gardes et les éloignât. Ces gens alors retournèrent auprès d'Abou Yézid, lui disant que, s'il se hâtait, la victoire était à lui. L'hérétique se mit en marche le jour même et engagea une sanglante bataille ; son aile gauche fut mise en déroute, ce que voyant il chargea contre Meysoûr, dont les compagnons furent dispersés. Comme Meysoûr voulait faire faire une volte à son cheval, celui-ci s'abattit et démonta son cavalier ; ceux qui l'entouraient s'efforcèrent de le défendre, mais les Benoû Kemlân qu'il avait chassés survinrent, et le combat redoubla de violence. Meysoûr finit par être tué, sa tête fut envoyée à Abou Yézid et ses troupes se débandèrent.[314] Le vainqueur envoya partout des lettres relatant sa victoire, tandis que la tête de Meysoûr était promenée dans les rues de Kayrawan.
La nouvelle de cette défaite inspira des craintes à El-K'â'im et à ceux qui l'entouraient à Mehdiyya ; la population des faubourgs émigra dans la ville pour y jouir de la protection que présentaient les fortifications. Mais El-K'à'im s'y opposa et, fit des promesses de victoire, de sorte que ces gens rentrèrent à Zawîla et s'y préparèrent au siège. Pendant deux mois et huit jours, Abou Yézid demeura [P. 319] dans les tentes de Meysoûr, envoyant dans toutes les directions des colonnes qui rapportaient du butin. L'une d'elles fut dirigée contre Sousse, qui fut emportée l'épée à la main : les hommes furent massacrés, les femmes réduites en captivité et la ville incendiée.[315] Les envahisseurs fendaient les parties génitales des femmes, les éventraient, si bien que l'Ifrîkiyya ne présenta bientôt plus ni un champ cultivé ni un toit debout ; les habitants se réfugièrent à Kayrawan nu-pieds et sans vêtements, et ceux qui ne devenaient pas esclaves périssaient de faim et de soif.
A la fin de rebi' I 333 (mi-nov. 944), El-K'û'im fit creuser des fossés pour enceindre les faubourgs de Mehdiyya, et envoya des messages à Zîri ben Mennâd, chef des Çanhàdja, ainsi qu'aux chefs des Ketâma et des tribus (berbères) pour les appeler à se concentrer à Mehdiyya et à combattre les hérétiques, de sorte que ces chefs se mirent en mesure de le rejoindre.
Aussitôt qu'Abou Yézid eut appris les préparatifs auxquels se livraient les Çanhàdja, les Ketâma et autres pour secourir El-K'â'im, il s'avança vers Mehdiyya et établit son camp à quinze milles de là. Il lança du côté de cette ville des colonnes qui pillaient et massacraient tout, de sorte que toute la population se réfugia dans l'enceinte. Les Ketâma et les guerriers d'El-K'â'im tombèrent d'accord, quand ils apprirent que les troupes ennemies s'étaient disséminées pour faire des expéditions, pour faire une sortie et attaquer le camp d'Abou Yézid, le jeudi 22 djomâda I (9 janv. 945).[316] Abou Yézid, qui fut informé de leur projet, fit marcher contre eux son fils Fad'l, qui venait d'arriver de Kayrawan avec un corps d'armée ; la bataille s'étant engagée à six milles de Mehdiyya,[317] Abou Yézid sauta sur sa monture dès qu'il le sut et partit à la tête des partisans qui étaient restés auprès de lui. Il trouva les siens en déroute et ayant déjà subi des pertes sérieuses ; mais les Ketâma, sitôt qu'ils l'aperçurent, s'enfuirent sans plus combattre, poursuivis par l'hérétique jusqu'à la Porte de la Victoire. Un groupe de Berbères franchit cette porte, et peu s'en fallut qu'Abou Yézid n'emportât la ville. Il regagna ensuite son camp. Il attaqua encore Mehdiyya, à la fin de djomâda II, du côté de la Porte de la Victoire, tandis que Zawîla l'ait face à la Porte de Bekr.[318] [P. 320] Il prit position sur le fossé nouvellement creusé, où se trouvait une troupe de nègres, et engagea le combat avec eux ; puis il se jeta dans la mer avec les siens, et ils arrivèrent, leurs montures ayant de l'eau jusqu'au poitrail, à dépasser les fortifications récemment installées. Alors les noirs s'enfuirent, poursuivis par Abou Yézid, qui arriva jusqu'à la porte de Mehdiyya proche du Moçalla, de sorte qu'il était à une portée de flèche de la ville.[319] Ses soldats se dispersèrent alors dans Zawîla pour piller et massacrer, tandis que les habitants demandaient quartier. La lutte-se poursuivait du côté de la Porte de la Victoire entre les Ketâma et les Berbères, qui ignoraient ce que faisait Abou Yézid de l'autre côté. Une charge des Ketâma mit leurs adversaires en déroute, et ils commencèrent à les massacrer. Informé de ce fait ainsi que de l'arrivée de Zîri ben Mennâd et des Çanhàdja, Abou Yézid jugea qu'il était dangereux de rester, et il se dirigea vers la Porte de la Victoire pour prendre à revers, tambours battant et étendards déployés, Zîri et les Ketâma. Ce mouvement fit croire aux gens des faubourgs qu'El-K'â'im en personne avait fait une sortie, et, reprenant courage, ils se battirent avec une nouvelle ardeur en poussant le cri Allah akbar. Abou Yézid se trouva tout décontenancé, et, comme il fut reconnu, des attaques qui en voulaient à sa vie furent dirigées contre lui. Il devint ainsi le centre d'une lutte acharnée, et alors quelques-uns des siens démolirent une muraille par où il passa ; il put ainsi se tirer de là pour regagner, après le coucher du soleil, l'endroit qu'il, occupait d'abord. Ses compagnons, qui continuaient de lutter contre les nègres, reprirent courage en le voyant (hors de danger), de sorte que leurs adversaires battus se débandèrent.
Abou Yézid gagna alors Thernoût'a,[320] où il creusa un fossé pour couvrir son armée ; il y fut rejoint par une foule considérable de guerriers berbères venus de l'Ifrîk'iyya, de Nefoûsa, du Zàb et des points les plus éloignés du Maghreb. Il soumit alors Mehdiyya à un blocus très rigoureux, si bien qu'il ne laissa plus personne ni y entrer ni en sortir ; puis, le 22 djomâda II (S février 945), il tenta contre cette ville une furieuse attaque où périrent plusieurs des principaux officiers de l'armée d'El-K'â'im et où Abou Yézid se lança audacieusement jusque tout près de la porte. Un nègre qui le reconnut saisit sa monture par la bride en criant : « Voilà Abou Yézid ; massacrez-le ! » Mais un des compagnons de l'hérétique trancha la main du nègre et sauva ainsi son maître. En présence de la défense acharnée d'El-K'â'im, Abou Yézid écrivit au gouverneur de K'ayrawân [P. 321] de lui envoyer les habitants de cette ville en état de combattre, et quand il eut reçu ce renfort, il renouvela son attaque le 30 redjeb (18 mars 945) ; en dépit de son acharnement, il fut complètement battu, non sans avoir perdu un certain nombre des siens et la plupart des Kayrawâniens. Il tenta ensuite une quatrième et terrible attaque dans la dernière décade de chawwâl (mi-juin) et (n'ayant pas réussi) il se retira dans son campement. Comme quantité de gens avaient dû quitter la ville à cause du haut prix et de la rareté des vivres ; El-K'â'im ouvrit alors les greniers que le Mahdi avait remplis d'approvisionnements et en distribua le contenu à ses soldats. Le peuple fut soumis à de dures épreuves et fut réduit à manger les bêles de somme et les cadavres ; la plupart des artisans et des marchands durent sortir de la ville, où il ne resta plus que les militaires (djond) ; or les Berbères s'emparaient de ceux qui voulaient s'échapper, les tuaient puis les éventraient pour chercher de l'or dans leurs entrailles.
Une armée de Ketâma s'étant alors rassemblée à Constantine, Abou Yézid, craignant qu'elle ne l'attaquât, envoya contre elle un de ses officiers à la tête de nombreux guerriers Warfeddjoûma et autres, lequel battit et dispersa cette armée. De toutes parts les Berbères rejoignaient Abou Yézid, et après s'être livrés au pillage et au meurtre, ils rentraient chez eux, de sorte qu'ils anéantirent tout ce que renfermait l'Ifrîkiyya ; mais quand il ne resta plus rien à piller, ils s'abstinrent, et ce chef ne garda plus auprès de lui que les gens de l'Aurès et les Benoû Kemlân.
Quand El-K'â'im connut cette situation, il dirigea contre lui, le 6 dhoû'l-k'a'da 333 (19 juin 945), une attaque qui fut très chaude ; le lendemain, il voulut recommencer, mais ses adversaires ne sortirent pas pour le combattre, car Abou Yézid avait fait chercher des renforts dans l'Aurès [et les attendait]. Les troupes d'El-K'â'im étant ensuite revenues à la charge, il franchit le fossé qui enceignait son camp, et une lutte ardente s'engagea. Abou Yézid, après avoir perdu un certain nombre des siens, fut vivement affecté par la mort d'un de ses principaux partisans et rentra en dedans du fossé, puis il recommença le combat. A la faveur d'un vent violent et qui obscurcit l'atmosphère à tel point que les soldats ne se voyaient plus les uns les autres, [P. 322] les assaillants furent repoussés, après avoir subi des pertes, et le siège de Mehdiyya se poursuivit comme auparavant, tandis que quantité d'habitants quittaient la ville pour se réfugier en Sicile, à Tripoli, en Egypte et en pays chrétien.[321] Le dernier jour de dhoû'lk'a'da (13 juillet), Abou Yézid, qui disposait alors de troupes très nombreuses, attaqua Mehdiyya ; mais les Ketâma firent choix de deux cents cavaliers d'élite qui, fonçant comme un seul homme, tuèrent quantité d'agresseurs et en firent un nombre égal prisonniers ; peu s'en fallut qu'ils n'arrivassent jusqu'à Abou Yézid même, autour duquel ses soldats se serrèrent pour le tirer de ce mauvais pas. Enchantés de ce succès, les gens de Mehdiyya emmenèrent dans la ville leurs prisonniers garrottés. Quand l'année 334 (12 août 945) commença, le siège se poursuivait toujours. En moharrem (août-septembre), parut en Ifrîkiyya un homme qui appela les populations à lui et qui vit un grand nombre d'hommes reconnaître son autorité ; il se disait Abbaside, prétendait venir de Baghdâd et était porteur de drapeaux noirs. L'un des partisans d'Abou Yézid s'empara de lui et l'envoya à son maître, qui le fit exécuter. Ensuite, certains compagnons de ce chef s'enfuirent à Mehdiyya par suite de l'animosité qu'avaient soulevée en eux les auteurs de délations portées auprès de lui. Ils firent une sortie de concert avec les soldats d'El-K'â'im et battirent les compagnons d'Abou Yézid, qui alors se dispersèrent ; il ne resta plus auprès de lui que les Hawwâra, les gens de l'Aurès et les Benoû Kemlân qui continuèrent à le soutenir.[322]
A la suite des désertions que nous venons de signaler, les chefs qui lui étaient-restés fidèles tinrent conseil et annoncèrent qu'ils allaient partir pour Kayrawan à l'effet d'y rassembler des Berbères de toutes provenances pour ensuite rejoindre Abou Yézid, car ils se souciaient peu qu'El-K'â'im, mis au courant de la situation, marchât contre eux. Ils se mirent donc en route avec la plus grande partie des troupes, sans avoir même consulté Abou Yézid, qui envoya après eux des messagers poulies rappeler. Sa démarche étant restée sans effet, lui-même partit précipitamment à leur suite avec trente hommes et en abandonnant tous ses bagages. Il arriva le 6 çafar (16 septembre) à Kayrawân et campa au Moçalla sans qu'aucun Kayrawânien sortît au-devant de lui, [P. 323] à l'exception toutefois du gouverneur, tandis que les enfants l'entouraient en jouant et en ricanant.
Quand El-K'â'im connut ce départ, la population courut aux bagages abandonnés et y trouva les vivres, tentes, etc., intacts ; cette prise les réconforta et leur permit de se remettre des rigueurs du siège, car les vivres tombèrent à bas prix. Le prince, de son côté, envoya partout des gouverneurs chargés de chasser ceux qu'avait installés Abou Yézid. Le petit nombre des soldats d'Abou Yézid fit que les Kayrawâniens, redoutant El-K'â'im, songèrent d'abord à s'emparer de lui ; ils n'osèrent cependant pas le faire et écrivirent à El-K'â'im pour lui demander quartier, ce qui leur fut refusé. Abou Yézid, informé de ce qui se passait, blâma l'inaction du gouverneur de K'ayrawân, qui s'occupait de banquets et d'autres parties de plaisir, et lui intima l'ordre d'envoyer ses troupes au combat. Ce gouverneur obéit (en apparence), mais après avoir adressé à ses soldats de bonnes paroles et leur avoir montré ce qu'ils avaient à redouter de la colère d'El-K'â'im, de sorte qu'ils rejoignirent celui-ci. Tout cela fut colporté de bouche en bouche, et de partout des troupes lui arrivèrent. Or les habitants des villes et des bourgades, quand ils avaient appris la dispersion de l'armée ennemie, s'étaient emparés de leurs gouverneurs respectifs tuant les uns et envoyant les autres à Mehdiyya ; les habitants de Sousse, notamment, s'étaient révoltés, avaient fait main basse sur un certain nombre de partisans d'Abou Yézid et les avaient expédiés à El-K'â'im, qui leur en témoigna sa reconnaissance par l'envoi de sept bâtiments chargés de vivres.
Après avoir réuni toutes ses troupes, Abou Yézid envoya dans toutes les directions des corps d'armée qui avaient pour instructions de tout massacrer, piller et détruire et d'incendier les lieux habiles. Le gros de ses forces pénétra à Tunis l'épée à la main le 20 çafar 334 (30 sept. 945), y fit prisonniers les femmes et les enfants, massacra les hommes et ruina les mosquées ; nombre d'hommes se noyèrent dans la mer, par où ils tâchaient de se sauver. Des troupes qu'El-K'â'im envoya au secours de Tunis furent attaquées par celles d'Abou Yézid, et à la suite d'une lutte sanglante furent honteusement battues.
La nuit qui survint leur permit de se réfugier au Djebel er-Raçâç et de là à Çat'foûra[323] ; leurs adversaires, qui les poursuivaient toujours, les rejoignirent alors, mais l'armée d'El-K'â'im tint ferme et resta cette fois victorieuse, non sans avoir fait un grand massacre qu'elle continua jusqu'à son entrée à Tunis, [P. 324] le 5 rebi' Ier (14 octobre) ; elle en expulsa le petit nombre d'ennemis qu'elle ne mit pas à mort, et y trouva quantité de vivres. A la nouvelle de ces événements, Abou Yézid confia un corps de troupes à son fils Ayyoub, qui, renforcé par les soldats échappés à ce massacre, marcha de nouveau contre Tunis, en livra le resté aux flammes et égorgea ceux qui y étaient retournés. Il se tourna vers Bâdja, y entra l'épée à la main, égorgea les soldats d'El-K'â'im et mit le feu à la ville. Le nombre des morts, des prisonniers et des ruines fut, dans cette période, au-delà de ce qu'on peut dire.
[172] Ce chapitre figure dans la Biblioteca, i, 396.
[173] Makkari accorde une sèche mention à cette campagne (i, 226), dont le Bayân (ii, 106) parle à peu près dans les mêmes termes qu'Ibn el-Athir.
[174] El-Barâ' ben Malik alla ravager la Galice où il pénétra par la porte de Coïmbre (Bayân, ib.).
[175] On a vu plus haut que le commencement de cette affaire remonte à 264. Le Nodjoûm en parle très brièvement sous l'année 265 (t. II, p. 241) ; le Bayân (t. i, p. 111) semble dire, dans un récit très détaillé, que tout se passa en l'année 267, et Ibn el-Athir place en 268 la défaite et l'internement du fils rebelle. Cf. Weil, Gesch. der Chalifen, iii, 429).
[176] Ces renseignements sont confirmés par le Bayân (l. l.), qui parle aussi de campagnes contre Malaga en 265 et 266.
[177] Ce fragment figure dans la Biblioteca, i, 397. Le Bayân (i, p. 111) fournit le même renseignement.
[178] Les renseignements fournis pur le Bayân (ii, 106-107) sur les événements de l'année 267 sont beaucoup plus détaillés. La disette, qui sévit en Ifrîkiyya en 266 y est mentionnée (t. i, p. 111).
[179] Ce fragment se retrouve dans la Biblioteca. i, 397. Sous l'année 267, le Bayân se borne à relater qu'El-Hasan était gouverneur de la Sicile.
[180] Roût'a (R.ota) servit plus tard de place forte aux Benoû Hoûd ; il en est parlé par Makkari (iii, 687). Il existe un autre Rota près de Cadix, au N.-O. de cette ville, le seul que mentionne Edrisi (p. 214).
[181] Ce dernier nom est le résultat d'une correction, qui paraît malheureuse, de Tornberg, car le ms. porte (Fertâyana), localité à chercher du côté de Lérida, et parlant fort loin de Carthagène.
[182] La deuxième lettre n peut être un b, un t, ou un y. — D'après le Bayân (ii, 107), El-Mondhir, après la conquête de Rota, se retourna contre l'Alava.
[183] On retrouve ces renseignements dans le Bayân (i, 113). Il y eut encore un massacre des habitants du Zâb en 278 (Berbères, i, 427).
[184] Ce paragraphe concernant la Sicile se retrouve dans la Biblioteca, i, 398. Sous cette année, le Bayân se borne à mentionner la nomination du nouveau gouverneur.
[185] Sur la révolte du fils d'Ahmed ben Touloun, voir ci-dessus, p. 250.
[186] Ce fragment, qu'on retrouve dans la Biblioteca (i, 399), relate une incursion sur laquelle le Bayân est resté muet.
[187] Le Bayân ne parle pas de ces faits.
[188] Le ms. porte ce mot ailleurs, mais écrit peu lisiblement (Bayân, ii, 108, et Corrodions, p. 43 ; infra, p. 257. — Tous ces événements sont passés sous silence par le Bayân, qui ne parle, sous l'année 271, que d'ibn H'afçoûn, et encore, très brièvement.
[189] Ce paragraphe figure dans la Biblioteca (i, 399). Le Bayân (i, 113) ne mentionne que la campagne de. 272 et se borne à enregistrer sous l'année 271 la nomination de Sawâda.
[190] Ce fait est aussi rappelé par le Bayân, ii, 108.
[191] Ce paragraphe figure dans la Biblioteca, i, 399-400
[192] Il y a là deux mots que j'ai dû traduire un peu conjecturalement.
[193] Ce chapitre figure dans la Biblioteca, i, 400. Les événements de 287 et 288 sont très brièvement racontés dans le Bayân (i, 125).
[194] Le changement d'une lettre facile à confondre avec une autre permettrait de traduire « d'esclaves », ainsi que le suggère Amari.
[195] Ce chapitre se retrouve dans la Biblioteca (i, 403). Voir aussi, sur ces événements, Berbères, i, 438 ; ii, 513 ; Bayân, i, 128 ; Desvergers, p. 146.
[196] On trouve ce nom orthographié différemment, p. ex. Aboû'l Khawal (H. des Berbères, ii, 514 ; cf. i, 440) et Abou Houal (Desvergers, H. de l’Afrique, 147) ; voir aussi Wüstenfeld, Gesch. d. Fatim. Chalifen, 10, n. Ibn el-Athir (viii, 26) répète l'origine du surnom donné à ce prince, ce qui justifie l'orthographe que j'ai adoptée.
[197] Cette localité, qui est d'ailleurs inconnue, se retrouve sous la forme Meloûsa dans Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 514).
[198] La leçon proposée par Fleischer et qui s'impose, se retrouve dans le texte de ces vers tel qu'il figure dans Bibars Mançoûri (ms ar. de Paris, n° 1572, f. 130 v).
[199] El-Ah'wal est donné tantôt comme le frère tantôt comme le fils d'Abou 'l-'Abbâs, et Fournel (i, 587) a eu tort d'affirmer que cette dernière opinion est la seule exacte.
[200] Le vizir 'Abd Allah ben eç-Çâigh, d'après Noweïri (apud Berbères, i, 441).
[201] On verra plus loin un récit un peu différent dos incidents de la fuite de Ziyâdet Allah ; voir Wüstenfeld, p. 31.
[202] Je lis en corrigeant le texte; pour établir le bien fondé de cotte correction, voir Histoire des Berbères, i, 443 et 445 Desvergers, Hist. de l'Afrique, p. 154 et p. 155 n. ; ms. 1572, f. 151 v. La tentative d'Ibrahim à Kayrawân, qui excita le ressentiment du fugitif, est exposée plus au long par Noweïri, l. I. — Sur la fuite de Ziyâdet Allah, voir aussi Ibn Khallikan, i, 465.
[203] Cet hôtel ne figure pas, je crois, dans le Khilal de Makrizi.
[204] Fournel (ii, 81) n'admet pas que Noûcheri (mort le 26 cha'bân 297) gouvernât encore l'Egypte à cette époque.
[205] Cette localité, si souvent citée, ne figure cependant ni dans le Merâcid ni dans Abdellatif ; mais Bekri en parle, et Edrisi la place à 38 milles d'Alexandrie ; cf. Fournel, Les Berbers, ii, 82. On lit aussi Dhât el-Hammam (Exposé de la religion des Druzes, intr. p. CCLXX ; Table géog. de l’H. des Berbères).
[206] C'est, d'après une tradition, l'un des incidents concomitants à la venue du Mahdi à la fin des temps (ms. 857 d'Alger, f. 22 v.).
[207] Sur cette généalogie, voyez Chrestom. de Sacy, ii, 88 ; Religion des Druzes, intr., p. CCXLVIII ; Hist. des Berb., ii, 506 ; Quatremère, Journ. as., août 1836, p 97 ; Fournel, ii, 40 ; Ibn Khallikan, i, 465 ; ii, 47, 48, 77 ; Bayân, i, 157, 292 et s. ; Al-Bîrunî, Chronologie, p. 39 du texte ; Dozy, Hist. des mus. d'Esp., iii, 3 et s. ; Wüstenfeld. Gesch. der Fatimiden Chalifen, p. 3 et s. ; Ibn Khaldoun, Prolégomènes. i, 39. — La secte des Kaddâhiyya, qui n'est pas mentionnée par Chahristâni, serait une secte juive, d'après Ibn el-Athir (ix, 406) ; mais il y en a une chiite de ce nom ainsi que le prouvent notre texte et celui de Bibars Mançoûri, lequel n'a guère fait qu'abréger Ibn el-Athir (ap. Rel. des Druzes, intr. p. LXIX) ; cf. Wüstenfeld, p. 6. Il semble qu'elle soit identique à celle des Meymoûniyya, d'après le Mokaffa (f. 211 v. du ms. 2114 de Paris). Makrizi nous apprend que c'est. Eç-Çâbi qui a servi de source à Ibn el-Athir dans cette partie de ses annales. — Sur les origines de ces diverses sectes, Weil, Gesch. der Chalifen, ii, 493.
[208] Sa biographie figure dans Ibn Khallikan (ni, 118), où il est appelé Cherif er-Rid'a Abou' l-Hasan Mohammed ben et-Tahir ben Abou Ahmed el-H'oseyn Moûsewi, † 406 ; voir aussi Hadji Khalfa, notamment iii, 286 ; vi, 496 (et l'index, n° 3341) ; Ibn el-Athir (index, p. 281 ; Chrestom. de Sacy, ii, 99), etc. Cf. la note de Slane, Berbères, ii, 507. Je crois devoir lire Rad'i, et non Rid'a (voir Dhahabi, Moschtabih, p. 226). Les vers qui suivent se retrouvent également dans le Mokaffa (f. 215 v.) et dans Bibars (f. 152 v).
[209] L'auteur fait sans doute allusion à la déclaration, qui est de 382 (Noweïri) ou de 402 (Makrizi), dont il parle quelques lignes plus bas. Il est encore question d'une réunion de ce genre convoquée à Bagdad en 444 (Ibn el-Athir, ix, 406) ; Wüstenfeld (G. d. Fatimid., 237) la mentionne sommairement.
[210] Ibn Khallikan (trad. angl. ii, 671) a consacré un article à ce théologien acharite, qui mourut à Bagdad en 403 ; il le nomme Abou Bekr Mohammed ben el-T'ayyib, surnommé Bâk'ilâni. Cf. Bayân, i, 157 ; Ibn Farhoûn, f. 114 du ms. ar. 5032 de Paris.
[211] Ailleurs il est donné comme le grand-père du chérif Er-Rad'i.
[212] La biographie d'El-Mortad'a figure dans Ibn Khallikan, t. ii, 1). 256 ; cf. Chrestom. Athir, de Sacy, ii, 100. Les noms des signataires se retrouvent, avec quelques différences, dans les Prolégomènes, i, 44.
[213] Il s'agit de la chronique intitulée El-djam' wa'l-bayân, etc., par Abou Mohammed 'Abd el-Aziz ben Cheddâd Himyari, qui était de la famille des Zirides, Mokaffa, f. 213 v. ; H. des Berb., ii, 483. n. ; Hadji Khalfa, 11, 622). La liste des chroniques traitant de Kayrawân se trouve dans une note de la traduction d'Ibn Khallikan, iii, 383.
[214] C'est-à-dire Firouz Abou Lou'lou'a Naçrâni, esclave de Mogheyra, sous le poignard de qui périt 'Omar (voir le commentaire d'Ibn Badroûn, p. 155 ; Massoudi, Prairies d'or, iv, 226).
[215] Cet ouvrage est également cité par d'autres auteurs, mais, ne figure pas dans Hadji-Khalfa. Le premier mot est parfois défiguré (Mokaffa, f. 213 v, et apud Quatremère, Journal asiatique, 1836, ii, 131) ou (de Sacy, Religion des Druzes, i, ccccxxxviii ; cf. LXVIII, où on retrouve, en français seulement, le titre la Balance). Cf. Wüstenfeld, p. 6.
[216] Bâb est le nom donné aux dâ'i ou missionnaires dans la secte chiite des sab'iyya (Dictionary of the technical terms, p. 109 et 669).
[217] Localité du Djebal située entre Hamadan et Ispahan.
[218] Ou Dîdân, d'après une variante qu'on retrouve aussi dans le Mokaffa.
[219] Quatremère, traduisant le passage correspondant du Mokaffa, dit, en parlant d’Abd-Allah, « s'attachant à faire une critique arrière des vices des Arabes » (Journ. As., 1836, ii, 140).
[220] Le même savant a lu ce nom, Rostem Abulhoseyn ben Kai'khin ben Hawcheb Neddjâr (ib. p. 141 ; cf. Berbères, ii, 509 et 505). On lit dans Noweïri « Abou 'l-Hoseïn Roustem fils de Carhin fils de Hauscheb fils de Dadan le charpentier » (Druzes, i, CCCCXLV).
[221] Le Djened, Çan'â et Had'ramawt constituent les trois régions que comprend le Yémen (Merâcid, s. v.)
[222] Cela se passait en 268 (31 juillet 881) (Berbères, ii, 509).
[223] J'ai, dans ces chapitres relatifs au Mahdi, fait au texte maintes corrections de détail.
[224] M. de Slane croit devoir corriger en Soûf Djemâr, ce qui équivaudrait à l'Oued-Rumel, qui coule à Constantine (Berbères, ii, 508).
[225] Les mots ben Ahmed ne figurent pas dans la généalogie de ce personnage telle que la donne Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 509), mais se retrouvent dans le récif, presqu'identique au nôtre, que donne de Sacy (Druzes, i, p. CCLVII).
[226] Ibn Khaldoun cite les noms de quatre de ces chefs, dont Moussa ben H'oreyth, chef des Sekyân, et Moussa ben Tekad (Berbères, ii, 510).
[227] D'autres disent 288 (Berbères, ii, 511 ; Religion des Druzes, i, p. cclviiii ; c'est d'ailleurs la leçon d'un ms. Le texte de Bibars porte aussi 280.
[228] Benoû Sekyân (Berbères, ibid.).
[229] On écrit aussi Hedjân (Berbères, ii, 511 ; Table géographique, du même ; Edrisi, p. 105 ; Wüstenfeld, p. 9, etc.).
[230] La leçon du texte et la variante me paraissent également douteuses. On lit dans la Religion des Druzes (i, p. CCLIX) : « … le Mahdi doit avoir une fuite lors de laquelle des gens de bien de ce temps-là s'éloigneront de leur domicile... »
[231] Cette partie du récit est plus détaillée dans Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 511), plus abrégée dans la Religion dis Druzes (i, p. CCLX).
[232] Ibn Khaldoun (ii, 514) dit que cette bataille eut lieu près de Meloûsa, dont la position est inconnue. On retrouve cependant un ethnique Meloûchi (ib., ii, 518, et ailleurs), ou Meloûsi (Bayân, i, 146, 158, etc.) et la tribu des Meloûsa (voir i, 291) ; or la confusion entre s et ch est facile dans l'écriture arabe.
[233] Comparez Religion des Druzes, i, p. CCLII ; Journal asiatique, 1836, t. ii, p. 120.
[234] Il semble, d'après ce qui précède, qu'on doive lire « el-H'oseyn ». Cependant le texte de Bibars écrit aussi « el-Hasan ».
[235] Tout le commencement de ce chapitre, jusqu'au point où nous sommes arrivés, ne paraît pas figurer dans les documents employés par de Sacy pour la biographie de Hakem (Druzes, i, p. CCLV et s.) ; mais la presque complète conformité entre son texte et le nôtre recommence ici. Nous avons fait remarquer que Bibars Mançoûri, où ce savant a largement puisé, ne fait guère qu'abréger Ibn el-Athir.
[236] Cet Abbasside régna de 289 à 295, et eut pour successeur El-Moktadir.
[237] Dans la région de Barka ; ce lieu est cité par Edrisi, trad., p. 164, et par le Merâcid, sans détails ; voyez Wüstenfeld, Fatimiden, p. 17.
[238] L'orthographe de ce dernier nom varie : on lit H'obeych dans Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 517 ; Desvergers, Afrique, 150), Hawcheb (Druzes, i, ccxxv) et H'abechi dans le Bayân, où le personnage incapable à qui Ziyâdet Allah confia ses troupes est cité plusieurs fois (i, 131, 133, 138 et 139) ; dans une variante du second ras, il est appelé Ibrahim ben Habechi ben 'Omar Ternirai (p. 131, n.). Cf. Fournel (Berbers, ii, 63) ; Wüstenfeld (Fatimiden, 19). Bibars Mançouri écrit H’anbech, et Tornberg a lu Khoneych. Cf. plus loin.
[239] Le texte porte Kerma, de même que dans la Religion des Druzes, i, p. CCLXVI) avec la variante Kebezma ; ailleurs (Bayân, i, 133), Kaboûna. J'ai corrigé en Belezma, comme a lu M. de Slane (Berbères, ii, 517). Cf. Fournel, Berbers, ii, 63.
[240] On lit également Haroun ben et-T'obni dans la Religion du Druzes (i, p. CCLXVI), ainsi qu'on peut s'y attendre d'après la grande ressemblance des documents employés par de Sacy, et du nôtre. Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 517) lit « Haroun Tobni ».
[241] Le texte porte Dar Meloûk. Dâr Melloût est à une forte journée E. de T’obna (Edrisi, trad. p. 109) ; dans l’Hist. des Berbères (ii, 517 ; Tabl. Géo.) ; on lit aussi Dar Melouwel. Dans la Religion des Druzes, i, p. cclxvii, on lit Dar almolouc.
[242] Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 517) parle d'une défaite qu'aurait alors subie un des officiers du Chii ; peut-être y a-t-il confusion.
[243] Tîdjis ou Tidjist (défiguré en Bandjas dans les Druzes, i, CCLXVIII, car ce mot manque de points diacritiques dans le ms), est, selon Edrisi (p. 137, trad.) à 3 journées de Bône et à 2 de Constantine. M. de Slane (Bekri, 131 et 150) la place à 8 lieues sud-est de Constantine ; c'est l'ancienne Tigisis.
[244] Cette retraite à Inkidjân paraît être postérieure à la conquête de Meskiyâna, Tebessa, etc., racontée un peu plus bas, si l'on s'en rapporte au récit d'Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 518) et de la Religion des Druzes (i. p. CCLVII) ; cf. Fournel, ii, 76 ; Wüstenfeld, 22-23 ; Bayân, i, 140 et 143.
[245] Ou, d'après une variante, « sans avoir fait ».
[246] Cf. Wüstenfeld, p. 22 ; Bayân, i, 139.
[247] Le Sâch du ms de Bibars, d'après lequel a travaillé de Sacy.
[248] Le nom de cette ville, d’ailleurs inconnu, est écrit dans les mss de diverses manières ; de Sacy (Druzes, i, p. CCLXVII) a lu, dans deux documents différents, Mérida ; je dois cependant relever que le ms de Bibars écrit lisiblement SAiy> On ne peut, semble-t-il, malgré l'autorité de M. de Goeje (alléguée par Wüstenfeld, Fatimiden, 23 ; cf. Jakubi, 99 ; Fournel, ii, 76 et 160), songer à Madghara, c'est-à-dire Milyâna, qui est trop éloignée des lieux où se passent les événements ici racontés.
[249] A une journée de Teyfadr (Bekri, p. 130 ; Edrisi, p. 140).
[250] Probablement le Doûr Medin qu'Edrisi (trad. p. 106) place à onze journées de Bougie (cf. Wüstenfeld, p. 24).
[251] Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 518) parle de Constantine (leçon que fournit aussi un manuscrit d'Ibn el-Athir, au lieu de Kastiliya, et d'une ville, d'ailleurs inconnue, de Cassa, au lieu de Gafça. Il semble bien que les lectures d'Ibn el-Athir et des Druzes (i, p. cclxviii) soient préférables ; ce sont celles que Wüstenfeld (p. 24) a adoptées, sans d'ailleurs rien dire de celles d’Ibn Khaldoun. Cf. Fournel, ii, 76 n. ; Ibn Khald., éd. Boulak, iv, p. 35, 1. 5 ad f. (1) D'après le récit d'Ibn Khaldoun (ii, 518), les trois officiers chiites qui commandaient les troupes de secours battirent Ibrahim et le poursuivirent jusqu'au défilé d'El-'Ar'âr. Il y a, ajoute M. de Slane, un endroit de ce nom sur la route de Constantine à Batna.
[252] Cette prise de Laribus est fixée au 23 djomâda II par le Bayân (p. 143), qui fait égorger non plus 3.000, mais 30.000 personnes dans la mosquée. C'est ce dernier chiffre que donne aussi Bekri, p. 160.
[253] Sur ce mouvement tenté par Ibrahim à K'ayrawân, cf. Histoire des Berbères, ii, 519 ; Religion des Druzes, i, p. CCLXX : Bayân, i, 145 ; Wüstenfeld, p. 29 ; Fournel, ii, 79. Ibrahim ben Abou'l-Aghlab et Ibrahim ben H'abechi paraissent être le même personnage, bien que le premier soit dépeint comme un brave, et le second comme un incapable ; Fournel aussi (ib., p. 80) admet cette identité.
[254] Ce nom, qu'Ibn Khaldoun lit de la même manière, est aussi écrit Gharaweyh (Bayân, i, 146, et ailleurs), différence d'orthographe facilement explicable par le déplacement de points diacritiques. A en croire Dhahabi (Mosehtabih, p. 358), c'est « 'Aroûba » qu'il faut lire.
[255] La marche des opérations est autrement relatée dans le Bayân (i, 146), qu'ont suivi Fournel et Wüstenfeld ; le récit d'Ibn Khaldoun (ii, 519) et celui des Druzes (i, p. CCLXX) se rapprochent du nôtre,
[256] Dans le K'açr eç-Çah'n, dit le Bayân (i, 147 et 157).
[257] Sur les diverses mesures que prit alors Abou 'Abd Allah, cf. Bayân, i, 148 et 158. Comme d'habitude, le récit de la Religion des Druzes (i, p. CCLXXI) ressemble au nôtre, et il en est à peu près de même de celui d'Ibn Khaldoun (ii, 519). Voir aussi Fournel, ii, 88 ; Wüstenfeld, 31.
[258] Le 15 ramadan ou 6 juin 909, d'après le Bayân (i, 150).
[259] Abou Zâki Temmâm ben Mo'ârik Adjâni (Berbères, ii, 513, 520 et ailleurs ; le Bayân, i, 150 et 163, lit Adjâbi. probablement à toit ; c'est cette dernière lecture qu'a adoptée Wüstenfeld, p. 33). Ce personnage n'est pas le frère d'Abou 'Abd Allah, comme l'a dit de Sacy (Druzes, i, CCLXXII et CCLXXVI) ; Quatremère (J. Asiat., 1836, II, 116), parle aussi des « deux frères » d'Abou 'Abd Allah. Le même nom est défiguré en « Abârek Teinâm Ibn Aarrek n par Cherbonneau (J. Asiat., 1855, t. i, p. 534). Cf. Fournel, ii, 89.
[260] Certains prétendent qu'El-Yasa' aurait, à l'approche d'Abou 'Abd Allah, fait exécuter le Mahdi, à qui le vainqueur', pour ne pas perdre tout le fruit de ses peines, aurait substitué un esclave juif (Ibn Khallikan, ii, 78 ; Wüstenfeld, 35). L'entrée à Sidjilmâsa du hardi et dévoué libérateur eut lien le 7 dhoû 'l-hiddja 296 ou le 26 août 909 (Ibn Khallikan, ii, 79 ; Bayân, i, 151 ; Wüstenfeld, 35).
[261] El-Yasa' fut livré par les Benoû Khâlid vers la fin de 296 ou le commencement de 297, car les deux dates sont données (Bayân, i, 152 et 156 ; Introduction d», p. 36 ; Fournel, ii, 94).
[262] Le fragment qui suit, jusqu'à la fin du chapitre, est traduit par Anrari (Bibl. ar. sic., i, 406).
[263] Les Midrarides régnèrent 160 ans, d'après Bekri (p. 330), qui ajoute que les uns les font commencer en 104 et d'autres en 202 ; leurs débuts seraient de l'année 140, d'après Ibn Khaldoun (Berbères, i, 261). Bekri (p. 160) parle de la conquête de Tahert par le Chiite et attribue à la dynastie Rostemide une durée de 130 ans ; mais comme il la fait commencer en 144, la différence entre ce nombre et 296 fait conclure à 152 ans. Il faut déduire une durée de 135 ans, représentant la différence entre 161 et 296, du récit du Bayân (i, 203-204 ; cf. Introd., p. 114).
[264] Litt., et le vendredi [qui suivit son arrivée ?] il fit faire, etc.
[265] Cf. le récit un peu plus détaillé du Bayân (i, 158) ; Wüstenfeld, p. 40.
[266] 'Ali ben Ahmed (Bayân, i, 169 ; Fournel, ii, 102).
[267] Il y eut alors, d'après le Bayân (i, 161 ; Fournel, ii, 101 ; Wüstenfeld, 41) une expédition du côté de Ténès sous les ordres d'Abou 'Abd Allah. Voir aussi. Berbères, ii, 521.
[268] Je ne crois pas que la leçon de Tornberg doive être acceptée ; mais j'ai fait, pour comprendre cette allusion, de vaines recherches dans la Tedhkira de Kortobi, dans les Mechârik el-anwâr fî fawz. ahl et-i’tibâr (Misr, 1297 hég.), dans Ibn el-Wardi et dans les deux traités spéciaux, mss d'Alger nos 724, 4° et 857, et ailleurs encore ; les indigènes n'ont pu davantage me renseigner. Il semble qu'il s'y agisse de la brique d'argent que constitue le Mahdi par opposition à la brique d'or, laquelle est le Prophète lui-même (Prolégomènes, trad., ii, 193 ; éd. de Boulak, i, 271).
Il est à remarquer que de Sacy, qui, dans le récit de tous ces événements, a pris pour guide principal Bibars Mançoûri sans d'ailleurs en faire une traduction serrée, se borne à ceci : « Il alla jusqu'à dire que cet homme n'était point le Mahdi, puisque le Mahdi devait faire des miracles étonnants ».
[269] Le nom de ce personnage était Abou Moussa Haroun ben Yoûnos (Mokaffa, f. 221).
[270] Mêmes détails dans les Druzes, i, ccxxxv, et dans le Mokaffa.
[271] Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 522) et Makrizi (Mokaffa, f. 221 v) citent aussi le nom de ce personnage, que le Bayân mentionne également et appelle 'Abd Allah ben Mohammed (i, 167).
[272] Sur cette exécution, cf. le récit du Bayân (i, 163).
[273] Aroûba (ou Gharaweyh, supra, p. 335, n. 2) sciait celui qui aurait trahi les conjurés (Bayân, i, 161 ; cf. 163, 164 ; Berbères, ii, 522 ; Fournel, ii, 107). Le Mokaffa l'appelle Abou Gharaweyh (ou Gharaweyh) ben Youssof, en ajoutant que le Mahdi l'avait connu à Sidjilmâsa.
[274] Le 19 février 911, ou, d'après le Mokaffa, le 15 djomâda II = 17 février ; sur celle date, cf. Fournel, ii, 106 ; Wüstenfeld, 44.
[275] Cf. Berbères, n. 523 ; Druzes, i, p. CCLXXVI ; Bayân, i, 165 ; Fournel, ii, 108 ; Wüstenfeld, 44.
[276] Cf. Bayân, i, 166 et 167 ; Berbères, ii, 523 ; Fournel, ii, III.
[277] Ces deux lignes relatives à la Sicile figurent dans la Biblioteca d'Amari à la p. 408, note, où ce savant corrige « Wahb » en « Korhob ». La lecture Wahb est aussi celle du ms. de. Bibars. Comparez Ibn Khaldoun, Berbères, ii, 524-25 ; Biblioteca, II, 189.
[278] Cf. Bayân, i, 165 ; Berbères, ii, 523 ; Fournel, ii, 108 ; Wüstenfeld, 45.
[279] Il est parlé de cette révolte dans le Bayân (i, 168 et 169) ; Berbères (ii, 524).
[280] Cf. Bayân, i, 166.
[281] Cf. Berbères, ii, 523 ; Bayân, i, 166 ; Fournel, ii, 109 ; Wüstenfeld, 44 et 45.
[282] Ce chapitre est traduit dans la Biblioteca d'Amari (i, 408). 'Ali ben 'Omar Belawi fut nommé en Sicile le 16 août 912 (supra, p. 340). Cf. Bayân, i, 169 ; Fournel, i, 110.
[283] Sur la révolte d'Ibn K'orhob, cf. le récit du Bayân (i, 169, 170, 175 et 176) traduit par Amari, Biblioteca, ii, 22 ; Desvergers, Hist. de l'Afrique, p. 159 ; Berbères, ii, 524 ; Fournel, ii, 113.
[284] Amari (ii, 410) corrige le mot « craindre » en « faire opposition ».
[285] Cf. Dozy, Histoire des Musulmans d'Espagne, III, 33 et s.' Bekri parle à plusieurs reprises d'En-Naçir (p. 222, 223, 226, 231, 235, 238 et 240).
[286] Je crois que ni Ibn Khaldoun ni le Bayân ne parlent de cette révolte.
[287] Cette première tentative contre l'Egypte est-elle de 301 ou de 302 ? Voir Fournel, II, 116 ; Ibn Khaldoun, 11, 524 ; Bayân, 1, ' 171 et 172 ; Ibn Khallikan, III, 181 ; Wüstenfeld, 49 ; de Goeje, Mémoire sur les Carmathes, p. 69 et 78.
[288] Ainsi devrait s'écrire ce nom, dont l'orthographe varie, d'après Dhahabi, Moschtabih, p. 139 ; il faudrait, au contraire, si l'on en croit le Kamous, écrire « Khobâcha ».
[289] Selon le Bayân (I, 172 et s), cette campagne fut entreprise en 302 simultanément par Abou'l-Kasim et H'abâsa ; selon Ibn, Khaldoun (Berbères, ii, 524 ; cf. Fournel, ii, 117), Aboû'l-Kâsim arriva en 301, et la flotte commandée par H'abâsa ne se montra que l'année suivante. La révolte d'Aroûba (Berbères, l. I.) fut causée par la mise à mort de son frère.
[290] L'amiral J. de la Gravière a joint un petit plan de cette ville, l’Africa du moyen âge, à son livre Les Corsaires barbaresques (Paris, 1887).
[291] Certains font commencer la construction de Mehdiyya dès l'an 300 (Bayân, i, 170 ; Bekri, p. 72 et s., etc.) : voyez les références indiquées par Fournel, ii, 121, et Wüstenfeld, p. 48. Tidjâni parle des magasins qu'avait fait creuser le Mahdi lors de la construction de la ville (Journ. as., 1853, i, 361).
[292] Ibn Khaldoun lui fait dire « je suis tranquille quant au sort des Fatimides » (éd. Boulak. iv, 38 ; trad., ii, 525).
[293] Sur cette expédition, cf. Bayân, i, 184 et 185 ; Ibn Khaldoun, ii, 526, etc. ; et Fournel, ii, 136 ; Wüstenfeld, 54. Les deux expéditions de 301 et de 307 sont aussi rappelées par Ibn Khallikan (iii, 181).
[294] Il faut sans doute comprendre en redjeb 309 (novembre 921), d'après le Bayân, i, 190 ; cf. Wüstenfeld, p. 57, et Fournel, ii, 140.
[295] Cet alinéa paraît faire double emploi avec ce qui vient d'être dit de la défaite de la flotte fatimide près de Rosette. La flotte Abbaside partie de Tarsous avait probablement à sa tête et Abou ‘l-Yomn et Themel.
[296] Ce chapitre a été traduit par Amari (Biblioteca, i, 411) ; cf. Berbères, ii, 527 ; Bayân, i, 195 ; Fournel, ii, 161.
[297] Pour traduire ainsi ces derniers mois, il faut corriger le texte; c'est ainsi également qu'a traduit Amari (l. l.). Mais peut-être s'agit-il là de deux noms propres, et alors il faudrait entendre « y conquirent Ghirân et Abradja » ; cf. Fournel, ii, 153. — Sur la date de l'expédition contre Tarente et Otrante, voir Fournel, ii, 161.
[298] Affaire dont notre auteur ne parle pas, et sur laquelle on trouve des renseignements ailleurs (Berbères, ii, 523 ; Bayân, i, 187 et s. ; Fournel, ii, 141 ; Wüstenfeld, 52 ; Dozy, Musulmans d'Espagne, iii, 49).
[299] La fondation en est placée sous l'année 313 et attribuée à 'Obeyd Allah par le Bayân (i, 196 et 223) ; voir aussi Ibn Khaldoun, a, 527 ; Fournel, ii, 148, et Wüstenfeld, 65.
[300] La conquête de Tolède eut lieu en 932 (Bayân, ii, 222 ; Dozy, Musulmans d'Espagne, ii, 348 ; iii, 51). — Notre auteur aurait pu parler des intelligences que noua vers cette époque dans le Maghreb le prince Omeyyade d'Espagne (Berbères, iii, 231 ; Bayân, i, 207 ; ii, 219).
[301] Cette révolte est relatée dans des termes presque identiques par le Bayân (i, 216) et par Ibn Khaldoun (Berbères, ii, 528).
[302] Les faits qui provoquèrent l'expédition de Meysoûr sont racontés ailleurs (Berbères, ii, 529 ; Bayân, i, 216 et 217 ; ii, 225 ; Fournel, ii, 187 ; Bekri, 225 et 289, etc.). Il faut vraisemblablement corriger Tekroûr en Nokoûr, ainsi que l'a indiqué Wüstenfeld, l. I, p. 71.
[303] Cette expédition est aussi relatée par le Bayân (i, 216 ; Amari, Biblioteca, i, 412 ; ii, 29). Ce récit fait-il double emploi avec celui de l'année 323 ? Voir Ibn Khaldoun (ii, 529), qui parle de 324, et ailleurs de 322 ; Bayân, i, 216 ; Fournel, ii, 180 et 185 ; Wüstenfeld, 73.
[304] Cette campagne eut lieu, selon le Bayân (i, 216) en 323 ; Cf. Wüstenfeld, 73. Fournel (ii, 203) la place en 324 ; Ibn Khaldoun, sans fixer de date, dit cependant qu'elle est postérieure à l'expédition dirigée en 324 contre Gênes (Berbères, ii, 530).
[305] Cet alinéa est traduit dans la Biblioteca d'Amari (I, 412) J'ai adopté la leçon « Corse » au lieu de Karkesia ou Césarée d'Ibn Khaldoun (ii, 529) ; la correction de Wüstenfeld (p. 73) en « K'arkenna » est également très vraisemblable. Cf. Fournel, ii, 186.
[306] Ce chapitre est également traduit dans la Biblioteca (i, 413). Cf.' Fournel, JI, 210.
[307] Sur le rôle joué par Khalil ben Ish'âk' comparez le récit du Bayân (i, 223), traduit dans la Biblioteca, ii, 29. Cf. Fournel, ii, 213.
[308] Il fit mettre le feu au bâtiment, selon Ibn Khaldoun (Desvergers, 165).
[309] Le Bayân, sous l'année 325, ne mentionne pas d'attaque chrétienne ; celle où périt ce kadi est de 327, d'après Adh-Dhabbi, éd. Codera, ii, 630.
[310] La révolte d'Omeyya est antérieure à l'exécution d'Ahmed, d'api-ès le récit de Dozy (Mus. d'Espagne, iii, 56 et 57). Le Bayân n'en parle pas. Le récit le plus détaillé est fourni par Massoudi, traduit dans les Recherches, de Dozy, 2e éd., t. i, p. 181 ; 3e éd., p. 165 (correspondant à i, 363, et iii, 72 de l'édition de Paris).
[311] Sur la révolte de cet hérésiarque, on peut voir notamment le Bayân, i, 198 et 224, où se trouve sa généalogie ; ibn Khaldoun, Berbères, ii, 530, et iii, 201 ; Ibn Hammâd (Journal asiatique, déc. 1852, p. 470, et Revue africaine, xiii, p. 425) ; Bekri, passim ; Ibn Haukal, 48, 49 et 69 ; Fournel, ii, 223 ; Wüstenfeld, 74 ; Dozy, Mus. d'Espagne, iii, 66 ; Tidjâni ; le Nodjoûm, ii, 311 et 320, etc. Son nom est orthographié Makhled (ou iMokhallod ?) ben Keydàd (ou Kendâd, qui serait la forme correcte, d'après Aboulféda, ap. Ibn Khallikan, i, 221 n.). Ibn Adhari avance d'un an la date de ses premiers succès guerriers et donne la date de 332 au lieu de 333 qu'on lit dans notre texte.
[312] Voir le récit de Tidjâni (Journ. as., 1852, ii, 101). Au lieu de Bochra, on lit Bichr dans Ibn Abou Dinar Kayrawâni. p. 55 du texte.
[313] Il a été parlé plus haut de cette localité (année 1896). Voir également Wüstenfeld, p. 77.
[314] Cette bataille fut livrée, à El-Akhwân (ou Theniet el-Akhweyn) entre Kayrawân et Mehdiyya, le 10 rebi' I 333 (31 oct. 944) ; voir Bekri, p. 78 ; Bayân, i, 226 ; Hist. des Berbères, ii, 532 ; Fournel, ii, 239 ; Wüstenfeld, 78 Le nom de Meysoûr est écrit Meysera dans Bekri (voir aussi p. 320) ; dans le Bayân (i, 216 et 226), on rencontre les deux formes.
[315] Cf. Bekri, 82 ; Tidjâni, Joum. As., 1852, ii, 106 ; 1853, i, 367. Sousse se révolta ensuite et fut vainement assiégée l'année suivante, c'est-à-dire en 334, par Abou Yézid (voir Hist. des Berbères, ii, 532, n. ; Fournel, ii, 240 et 252 ; Wüstenfeld, 79, 83 et 85).
[316] Le siège proprement dit avait, selon d'autres, commencé en djomâda I (Fournel, ii, 243).
[317] A Souk-el-Ah'ad, selon Tidjâni (Journal as., 1853, 1, 365), ou sur le Wâdi'l-Malh' selon Bekri (p. 73) et le Bayân (i, 226) ; cf. Fournel (ii, 242).
[318] Je n'ai pas trouvé ailleurs le nom de cette porte, que des mss écrivent Bekka, peut-être le Bak'k'a de Bekri, p. 76.
[319] C'est lors de cotte seconde attaque qu'Abou Yézid arriva jusqu'au Moçalla, selon la prédiction qui avait cours chez les Fatimides ; c'est ce qui résulte du récit de notre auteur et de celui d'Ibn Khaldoun (ii, 533).
[320] Bekri et Tidjâni orthographient « Ternoût' ».
[321] Plus haut, notre auteur lui-même a dit qu'il ne restait plus dans la ville bloquée que l'élément militaire, ainsi que Fournel (ii, 248) le relève avec raison.
[322] Sur la mort de Yahya ben Idris, qui serait survenue à Mehdiyya pendant le siège de cette ville, voir Fournel, ii, 248 ; Bekri (p. 283 et 285) donne les deux dates de 331 et 334.
[323] Fournel (ii, 255) croit qu'il y a lieu de déplacer ces cinq derniers mots et d'entendre qu'Ayyoub, fils d'Abou Yézid, rallia à Catfoûra les soldats échappés au massacre de Tunis.