Sophocle traduit par Artaud

SOPHOCLE

TRAGÉDIES.

AJAX.

Traduction française : M. ARTAUD

M. PATIN, Etudes sur les tragiques Grecs : Livre III, SOPHOCLE, Chapitre I : AJAX

 

NOTICE SUR L'AJAX.

 

L'action se passe le lendemain da jour où les chefs de l'armée des Grecs ont décerné à Ulysse les armes d'Achille, au détriment d'Ajax, qui les réclamait Comme un prix dû au plus vaillant. Indigné de cet affront, Ajax voulut en tirer vengeance. Pendant la nuit, il se préparé à immoler Ulysse et les Atrides, mais au moment où il allait pénétrer dans leurs tentes pour les égorger; Minerve frappe son esprit de vertige, et fait tomber ses coups sur des troupeaux» dont il fait un horrible carnage, croyant punir les Grecs. Il enchaîne ce que son bras a épargné, et il flagelle impitoyablement un bélier qu'il prend pour Ulysse ; d'où est venu le titré de la pièce, Ajax porte-fouet (μαστιγοφόρος), épithète ajoutée sans doute pour le distinguer d'Ajax le Locrien, autre tragédie de Sophocle, dont il ne reste que des fragments (01).

C'est a ce moment que la pièce commence. Le lieu de la scène est d'abord dans le camp des Grecs, devant la tente d'Ajax ; plus tard, lorsque Ajax se donne la mort, la scène est transportée dans un lieu écarté et sauvage, non loin du camp, tes exemples de ces changements de lieux ne sont pas rares dans le théâtre grec, quoi qu'en aient dit ceux qui ont voulu défendre la loi absolue des unités. L'exposition est faite par Minerve elle-même, qui raconte à Ulysse les événements de la nuit; Remarquons en passant l'art du poète, qui ne nous a pas montré Ajax au plus fort de l'accès de sa frénésie; nous n'en voyons .que le déclin, Par un habile emploi du clair-obscur, il a mis eu récit tout ce qui aurait pu dégrader par trop son héros ; et de ce triste spectacle il fait sortir une impression religieuse, en mettant dans la bouche d'Ulysse ces deux vers, qui sont comme la morale de la pièce : « Je vois que tous, sur cette terre, nous ne sommes que des fantômes ou une ombre vaine. » A quoi  4 Minerve ajoute : « Pénétré de cette vérité, garde-toi donc d'outrager les dieux par des paroles superbes, et de t'enorgueillir de ta force et de tes richesses. Un seul jour abaisse ou relève les grandeurs humaines : la modestie plaît aux dieux ; l'impiété les irrite. »

Bientôt la triste nouvelle se répand dans le camp; le Chœur, composé de matelots salaminiens, compagnons d'Ajax, est l'écho des bruits qui circulent dans l'armée ; enfin la vérité se fait jour, et l'auteur du carnage est connu. Cette tente qui s'ouvre, et laisse voir Ajax tout sanglant, assis sur la terre, au milieu des troupeaux égorgés, est comme un poétique emblème du réveil de la raison après un funeste délire.

Lorsque, revenu à son bon sens, le héros reconnaît que ses coups, au lieu de frapper les ennemis qu'il croyait punir, n'ont porté que sur de vils troupeaux, la honte l'accable ; il se voit la fable de l'armée, il ne peut survivre à la perte de son honneur. Tecmesse, captive et concubine d'Ajax, essaie par ses supplications de le ramener à des sentiments plus calmes ; 4es guerriers salaminiens, ses compagnons, s'efforcent de le consoler; mais rien n'ébranle la résolution qu'il a prise de se donner la mort. Il se montre plus tranquille en apparence; sous prétexte d'aller se purifier par des ablutions sur le rivage de la mer, il cherche un endroit écarté, fixe en terre l'épée que lui a donnée Hector, et se précipite dessus.

Il faut rendre grâces à l'art avec lequel le poète a su conserver l'intérêt qui s'attache au héros, tout déchu qu'il est. Le monologue d'Ajax avant de se donner la mort est reconnu comme le morceau le plus brillant de la pièce. Dans nos idées modernes, elle aurait pu finir là ; mais il n'en est pas ainsi dans les idées antiques. Le deuil des amis de la victime faisait partie essentielle de la tragédie grecque; il était surtout dans les idées religieuses d'alors de ne pas laisser son corps au pouvoir de ses ennemis, exposé à être privé de sépulture. Un débat s'élève donc sur le corps d'Ajax : Ménélas et Agamemnon veulent qu'il reste exposé aux oiseaux de proie; Teucer déclare que rien ne l'empêchera de rendre les honneurs, funèbres à son frère. Enfin Ulysse prend le parti de Teucer contre les Atrides, et la pièce se termine par la cérémonie des funérailles.

Cette dernière partie n'est peut-être pas exempte de quelque langueur; les longs discours de Ménélas et de Teucer, le dialogue entre Ulysse et Agamemnon, dégénèrent un peu en subtilités de rhétorique. Néanmoins, le rôle de Teucer est fort beau; son amour fraternel et son indignation contre les ennemis d'Ajax s'exhalent avec 5 une noble simplicité. C'est en effet l'éternel honneur des poètes antiques d'exceller dans la peinture de tous les sentiments naturels. Ainsi, dans cette même pièce, le dévouement de Tecmesse pour son époux, sa tendresse maternelle qui s'inquiète pour son jeune enfant, lorsque Ajax demande à le voir, les adieux que le héros adresse à ce fils avant de mourir, tout cela est empreint d'une vérité profonde, tout cela émeut, parce que le poète touche là des cordes qui vibrent dans tous les cœurs.

Sur la date de la représentation de l'Ajax, nous n'avons le témoignage d'aucun grammairien, et la pièce elle-même ne fournit aucun indice. Nous sommes réduits sur ce point à des données purement négatives. Il est probable qu'elle est une des plus anciennes parmi les tragédies qui nous restent de Sophocle. D'abord, elle paraît antérieure au Philoctète; c'est ce qu'on peut induire des vers 1047-1057 de ce dernier ouvrage, où il y a évidemment allusion à la scène de Teucer et de Ménélas, dans la dernière partie de l'Ajax. Il y a encore, dans le rythme et le choix des mètres, une donnée qui peut faire ranger l'Ajax au nombre des ouvrages les plus anciens de ce poète; on n'y voit nulle trace de certaines licences de versification, qu'il s'est permises dans d'autres pièces, et dont nous aurons occasion de parler ailleurs.

Mais c'est surtout la nature des idées morales et religieuses exprimées dans l'Ajax, qui me porte à le ranger parmi les ouvrages de la première époque de Sophocle. En le comparant à l'Œdipe à Colone, par exemple, on est frappé de l'intervalle immense qui les sépare. Il y a, il est vrai, dans le caractère d'Ajax une idée exagérée de la puissance humaine ; c'est l'homme des temps héroïques, c'est le guerrier qui doit tout à la force de son bras: Le délire qui égare son esprit est une punition de son irrévérence envers les dieux ; mais, dans la réalité, Ajax est victime de la colère de Minerve. Au fond du délit qui lui attire un châtiment si funeste, on ne voit guère qu'une rancune de la déesse, qui veut venger un grief personnel. L'intervention divine n'apparaît, donc ici que dans un intérêt privé, et non dans l'intérêt de la loi morale. L'idée de la justice divine ne s'y élève pas encore à cette hauteur et à cette généralité, que Sophocle atteindra plus tard dans l'Œdipe à Colone.

Le Chœur, cherchant la cause de l'égarement d'Ajax, s'inquiète seulement de savoir s'il n'aurait pas offensé quelque divinité. Ainsi, v. 173-179 : « Est-ce Diane qui a poussé ton bras contre ces vils troupeaux? ne lui aurais-tu pas rendu grâce de quelque victoire? l'aurais-tu frustrée d'une riche dépouille, ou du produit de ta 6  chasse? ou le dieu Mars, irrité que ta aies mal reconnu ses secours, a-t-il vengé son affront par les horreurs de cette nuit? »

Et ailleurs, après avoir réprouvé ce propos orgueilleux d'Ajax : « Avec les dieux, un lâche même peut obtenir la victoire ; moi je me flatte, sans leur aide, d'obtenir cette gloire, » Calchas ajoute : «  Une autre fois, Minerve le pressait de tourner son bras meurtrier contre les ennemis; il lui répliqua par ces paroles pleines d'arrogance : Déesse, cours assister les autres Grecs; jamais l'ennemi ne rompra nos rangs. C'est par ces discours et cet orgueil plus qu'humain qu'il s'est attiré la colère implacable de la déesse. »

De tout cela il résulte qu'Ajax est poursuivi surtout par une animosité propre à Minerve, qui veut venger sur lui des offenses personnelles.

La déesse ne joue-t-elle pas d'ailleurs dans cette tragédie un rôle peu digne de la divinité? Elle descend à la duplicité: après avoir dit qu'elle a elle-même égaré l'esprit d'Ajax, elle s'adresse à lui, V. 69-90 : « Ajax, c'est pour la seconde fois que je t'appelle ; t'inquiètes-tu si peu de celle qui te protège ? » Elle l'encourage dans son délire, elle prend plaisir à le faire extravaguer; en un mot, elle met en pratique ce qu'elle vient de dire à Ulysse ; « N'est-il pas doux de rire d'un ennemi? »

Et pourtant on ne peut s'empêcher de plaindre Ajax; on compatit à son malheureux sort ; on gémit sur l'abaissement de ce guerrier si vaillant; Ulysse, son ennemi, est lui-même touché de pitié. Le sentiment moral est ici moins avancé dans la divinité que dans l'homme.

Quant à la date de la pièce, plusieurs indices autorisent à penser qu'elle fut représentée au milieu même de la guerre du Péloponnèse, entre les années 421 et 411, au temps où Alcibiade était exilé, et où les désastres de l'expédition de Sicile imminents ou consommés inspiraient un plus vif désir de la paix. Les maux de la guerre y sont déplorés dans un Chœur, v. 1182-1220, en termes plus énergiques que partout ailleurs, et, vers la fin, on y invoque Athènes comme une terre désirée de tous les citoyens, qui loin d'elle exposaient leur vie à tant de périls.

AJAX

 

TRAGÉDIE

AJAX

PERSONNAGES.

MINERVE

ULYSSE.

AJAX

CHŒUR DE MATELOTS SALAMINIENS.

AGAMEMNON.

UN MESSAGER.

TEUCER.

MÉNÉLAS.

Personnages muets.

EURYSACÈS, fils d'Ajax.

LE GOUVERNEUR.

UN HÉRAUT.

La scène est dans le camp des Grecs, devant la tente d'Ajax.

 

  Σοφοκλέους Αἴας

[Ed. Richard Jebb. Cambridge. 1893]

Ἀθήνα

Ἀεὶ μέν, ὦ παῖ Λαρτίου, δέδορκά σε
πεῖράν τιν᾽ ἐχθρῶν ἁρπάσαι θηρώμενον·
καὶ νῦν ἐπὶ σκηναῖς σε ναυτικαῖς ὁρῶ
Αἴαντος, ἔνθα τάξιν ἐσχάτην ἔχει,
πάλαι κυνηγετοῦντα καὶ μετρούμενον 5
ἴχνη τὰ κείνου νεοχάραχθ᾽, ὅπως ἴδῃς
εἴτ᾽ ἔνδον εἴτ᾽ οὐκ ἔνδον. Εὖ δέ σ᾽ ἐκφέρει
κυνὸς Λακαίνης ὥς τις εὔρινος βάσις.
Ἔνδον γὰρ ἁνὴρ ἄρτι τυγχάνει, κάρα
στάζων ἱδρῶτι καὶ χέρας ξιφοκτόνους. 10
Καί σ᾽ οὐδὲν εἴσω τῆσδε παπταίνειν πύλης
ἔτ᾽ ἔργον ἐστίν, ἐννέπειν δ᾽ ὅτου χάριν
σπουδὴν ἔθου τήνδ᾽, ὡς παρ᾽ εἰδυίας μάθῃς.

Ὀδυσσεύς

Ὦ φθέγμ᾽ Ἀθάνας, φιλτάτης ἐμοὶ θεῶν,
ὡς εὐμαθές σου, κἂν ἄποπτος ᾖς ὅμως, 15
φώνημ᾽ ἀκούω καὶ ξυναρπάζω φρενὶ
χαλκοστόμου κώδωνος ὡς Τυρσηνικῆς.
Καὶ νῦν ἐπέγνως εὖ μ᾽ ἐπ᾽ ἀνδρὶ δυσμενεῖ
βάσιν κυκλοῦντ᾽, Αἴαντι τῷ σακεσφόρῳ·
κεῖνον γάρ, οὐδέν᾽ ἄλλον, ἰχνεύω πάλαι. 20
Νυκτὸς γὰρ ἡμᾶς τῆσδε πρᾶγος ἄσκοπον
ἔχει περάνας, εἴπερ εἴργασται τάδε·
ἴσμεν γὰρ οὐδὲν τρανές, ἀλλ᾽ ἀλώμεθα·
κἀγὼ ᾽θελοντὴς τῷδ᾽ ὑπεζύγην πόνῳ.
Ἐφθαρμένας γὰρ ἀρτίως εὑρίσκομεν 25
λείας ἁπάσας καὶ κατηναρισμένας
ἐκ χειρὸς αὐτοῖς ποιμνίων ἐπιστάταις.
Τήνδ᾽ οὖν ἐκείνῳ πᾶς τις αἰτίαν νέμει.
Καί μοί τις ὀπτὴρ αὐτὸν εἰσιδὼν μόνον
πηδῶντα πεδία σὺν νεορράντῳ ξίφει 30
φράζει τε κἀδήλωσεν· εὐθέως δ᾽ ἐγὼ
κατ᾽ ἴχνος ᾄσσω, καὶ τὰ μὲν σημαίνομαι,
τὰ δ᾽ ἐκπέπληγμαι κοὐκ ἔχω μαθεῖν ὅτου.
Καιρὸν δ᾽ ἐφήκεις· πάντα γὰρ τά τ᾽ οὖν πάρος
τά τ᾽ εἰσέπειτα σῇ κυβερνῶμαι χερί. 35

Ἀθήνα

Ἔγνων, Ὀδυσσεῦ, καὶ πάλαι φύλαξ ἔβην
τῇ σῇ πρόθυμος εἰς ὁδὸν κυναγίᾳ.

Ὀδυσσεύς

Ἦ καί, φίλη δέσποινα, πρὸς καιρὸν πονῶ;

Ἀθήνα

Ὡς ἔστιν ἀνδρὸς τοῦδε τἄργα ταῦτά σοι.

Ὀδυσσεύς

Καὶ πρὸς τί δυσλόγιστον ὧδ᾽ ᾖξεν χέρα; 40

Ἀθήνα

Χόλῳ βαρυνθεὶς τῶν Ἀχιλλείων ὅπλων.

Ὀδυσσεύς

Τί δῆτα ποίμναις τήνδ᾽ ἐπεμπίπτει βάσιν;

Ἀθήνα

Δοκῶν ἐν ὑμῖν χεῖρα χραίνεσθαι φόνῳ.

Ὀδυσσεύς

Ἦ καὶ τὸ βούλευμ᾽ ὡς ἐπ᾽ Ἀργείοις τόδ᾽ ἦν;

Ἀθήνα

Κἂν ἐξεπράξατ᾽, εἰ κατημέλησ᾽ ἐγώ. 45

Ὀδυσσεύς

Ποίαισι τόλμαις ταῖσδε καὶ φρενῶν θράσει;

Ἀθήνα

Νύκτωρ ἐφ᾽ ὑμᾶς δόλιος ὁρμᾶται μόνος.

Ὀδυσσεύς

Ἦ καὶ παρέστη κἀπὶ τέρμ᾽ ἀφίκετο;

Ἀθήνα

Καὶ δὴ ᾽πὶ δισσαῖς ἦν στρατηγίσιν πύλαις.

Ὀδυσσεύς

Καὶ πῶς ἐπέσχε χεῖρα μαιμῶσαν φόνου; 50

Ἀθήνα

Ἐγώ σφ᾽ ἀπείργω, δυσφόρους ἐπ᾽ ὄμμασι
γνώμας βαλοῦσα τῆς ἀνηκέστου χαρᾶς,
καὶ πρός τε ποίμνας ἐκτρέπω σύμμικτά τε
λείας ἄδαστα βουκόλων φρουρήματα·
ἔνθ᾽ εἰσπεσὼν ἔκειρε πολύκερων φόνον 55
κύκλῳ ῥαχίζων· κἀδόκει μὲν ἔσθ᾽ ὅτε
δισσοὺς Ἀτρείδας αὐτόχειρ κτείνειν ἔχων,
ὅτ᾽ ἄλλοτ᾽ ἄλλον ἐμπίτνων στρατηλατῶν.
Ἐγὼ δὲ φοιτῶντ᾽ ἄνδρα μανιάσιν νόσοις
ὤτρυνον, εἰσέβαλλον εἰς ἕρκη κακά. 60
Κἄπειτ᾽ ἐπειδὴ τοῦδ᾽ ἐλώφησεν πόνου,
τοὺς ζῶντας αὖ δεσμοῖσι συνδήσας βοῶν
ποίμνας τε πάσας εἰς δόμους κομίζεται,
ὡς ἄνδρας, οὐχ ὡς εὔκερων ἄγραν ἔχων,
καὶ νῦν κατ᾽ οἴκους συνδέτους αἰκίζεται. 65
Δείξω δὲ καὶ σοὶ τήνδε περιφανῆ νόσον,
ὡς πᾶσιν Ἀργείοισιν εἰσιδὼν θροῇς.
Θαρσῶν δὲ μίμνε μηδὲ συμφορὰν δέχου
τὸν ἄνδρ᾽· ἐγὼ γὰρ ὀμμάτων ἀποστρόφους
αὐγὰς ἀπείρξω σὴν πρόσοψιν εἰσιδεῖν. 70
Οὗτος, σὲ τὸν τὰς αἰχμαλωτίδας χέρας
δεσμοῖς ἀπευθύνοντα προσμολεῖν καλῶ·
Αἴαντα φωνῶ· στεῖχε δωμάτων πάρος.

Ὀδυσσεύς

Τί δρᾷς, Ἀθάνα; μηδαμῶς σφ᾽ ἔξω κάλει.

Ἀθήνα

Οὐ σῖγ᾽ ἀνέξει μηδὲ δειλίαν ἀρεῖ; 75

Ὀδυσσεύς

Μὴ πρὸς θεῶν, ἀλλ᾽ ἔνδον ἀρκείτω μένων.

Ἀθήνα

Τί μὴ γένηται; πρόσθεν οὐκ ἀνὴρ ὅδ᾽ ἦν;

Ὀδυσσεύς

Ἐχθρός γε τῷδε τἀνδρὶ καὶ τανῦν ἔτι.

Ἀθήνα

Οὔκουν γέλως ἥδιστος εἰς ἐχθροὺς γελᾶν;

Ὀδυσσεύς

Ἐμοὶ μὲν ἀρκεῖ τοῦτον ἐν δόμοις μένειν. 80

Ἀθήνα

Μεμηνότ᾽ ἄνδρα περιφανῶς ὀκνεῖς ἰδεῖν;

Ὀδυσσεύς

Φρονοῦντα γάρ νιν οὐκ ἂν ἐξέστην ὄκνῳ.

Ἀθήνα

Ἀλλ᾽ οὐδὲ νῦν σε μὴ παρόντ᾽ ἴδῃ πέλας.

Ὀδυσσεύς

Πῶς, εἴπερ ὀφθαλμοῖς γε τοῖς αὐτοῖς ὁρᾷ;

Ἀθήνα

Ἐγὼ σκοτώσω βλέφαρα καὶ δεδορκότα. 85

Ὀδυσσεύς

Γένοιτο μέντἂν πᾶν θεοῦ τεχνωμένου.

Ἀθήνα

Σίγα νυν ἑστὼς καὶ μέν᾽ ὡς κυρεῖς ἔχων.

Ὀδυσσεύς

Μμένοιμ᾽ ἄν· ἤθελον δ᾽ ἂν ἐκτὸς ὢν τυχεῖν.

MINERVE.

Toujours, fils de Laërte, je te vois attentif à prévenir les pièges de l'ennemi; et maintenant te voilà près des tentes d'Ajax, sur le bord de la mer, à l'extrémité du camp des Grecs (02), épiant et mesurant depuis longtemps les traces récentes de ses pas, afin de reconnaître s'il est dedans ou dehors : ton instinct en quête, pareil à celui d'un limier de Laconie, a bien guidé tes pas. Oui» il est dans sa tente, le front dégouttant de sueur, et les mains ensanglantées. Il n'est plus besoin que tu jettes à travers cette porte un regard curieux; dis-moi seulement le sujet de tes recherches, et tu apprendras de moi ce que je sais.

ULYSSE.

Ο Minerve, déesse que je chéris le plus, je reconnais ta voix; et, bien que tu sois invisible à mes yeux (03), tes 8 paroles retentissent à mon oreille et frappent mon esprit , comme les sons éclatants d'une trompette tyrrhénienne (04). Et maintenant tu as bien compris que j'épiais un ennemi; c'est en effet le redoutable Ajax que je cherche. Il a commis cette nuit l'action la plus incroyable, s'il est vrai qu'il en soit l'auteur ; car nous ne savons encore rien de certain, et nous flottons dans le doute ; aussi me suis-je chargé volontairement d'éclaircir nos soupçons. Tous les troupeaux que nous avions pris dans le butin ont été trouvés égorgés avec leurs gardiens eux-mêmes; or, chacun l'accuse de ces meurtres; et un éclaireur m'a assuré l'avoir vu traverser à grands pas la plaine, seul, avec une épée fraîchement teinte de sang ; aussitôt j'ai suivi ses traces ; quelques indices me semblent certains, d'autres me troublent et je ne trouve rien de sûr. Mais tu es venue à propos; car en toutes choses, par le passé comme dans l'avenir, je me laisse diriger par ta main (5).

MINERVE.

Je le savais, Ulysse, et depuis longtemps je suis venue veiller sur ta route, pour favoriser ta chasse.

9 ULYSSE.

Eh bien, maîtresse chérie! ai-je comme il faut employé mes peines?

MINERVE.

Oui, sans doute, puisqu'en lui tu as trouvé le coupable.

ULYSSE.

Quel a donc été le motif de cette fureur insensée?

MINERVE.

Le ressentiment d'être frustré des armes d'Achille.

ULYSSE.

Et pourquoi donc cette attaque contre nos troupeaux?

MINERVE.

Il croyait tremper ses mains dans votre sang.

ULYSSE.

Ces coups étaient donc destinés aux Grecs?

MINERVE.

Et il les eût frappés, si je ne l'eusse observé.

ULYSSE.

D'où lui venait tant d'audace et de résolution?

MINERVE.

Pendant la nuit, en secret, il marchait seul contre vous.

ULYSSE.

Est-ce qu'il a été près d'atteindre son but?

MINERVE.

Il touchait déjà aux tentes des deux généraux.

ULYSSE.

Et comment a-t-il retenu son bras avide de sang?

MINERVE.

C'est moi qui, offrant à ses yeux de trompeuses visions (6), le privai de celte horrible jouissance, et tournai sa rage sur les troupeaux, Butin confus, dont vous n'aviez pas encore fait le partage et que gardaient vos bergers. Il s'élança sur eux, et en fit un grand carnage, en frap- 10 pant à coups redoublés, et 11 croyait tantôt égorger de ses mains les deux Atrides, tantôt poursuivre un des autres généraux. Mais moi, j'excitais les accès de son délire furieux, et je l'égarais encore davantage. Enfin, las de verser lé sang, il enchaîne les boeufs et ceux des animaux qu'il a épargnés, et les emmène dans sa tente» pensant tenir, non de vils troupeaux, mais des guerriers captifs ; et maintenant il les tient enfermés et les déchire à coups de fouet. Je te rendrai témoin de cette frénésie, afin que tu puisses instruire tous lès Grecs de ce que tu auras vu. Mais demeure ici avec confiance, et ne crains pas qu'il te fasse aucun mal ; car je détournerai ses regards de manière à lui dérober ta vue. — Holà, toi qui charges de liens les mains des captifs, c'est moi qui t'appelle, Ajax; sors de ta tente, et viens ici.

ULYSSE.

Que fais-tu, Minerve? Garde-toi de l'appeler.

MINERVE.

Demeure donc en silence et ne conçois nulle terreur.

ULYSSE.

Non, par les dieux, mais qu'il reste dans sa tente.

MINERVE.

Que crains-tu? Que peut-il arriver? n'est-ce pas toujours le même homme?

ULYSSE.

Il fut toujours mon ennemi, et il l'est encore.

MINERVE.

N'est-il pas doux de rire d'un ennemi (7) ?

ULYSSE.

Il me suffit qu'il ne sorte pas de sa tente.

MINERVE.

Crains-tu de voir en face un homme dans le délire?

ULYSSE.

S'il avait sa raison, je ne le craindrais pas.

11 MINERVE.

Mais à présent, quoique tu sois près de lui, il ne te verra pas.

ULYSSE.

Comment donc, s'il a toujours ses yeux pour voir?

MINERVE.

Je couvrirai d'un nuage ses yeux, même clairvoyants.

ULYSSE.

A la vérité, tout est possible, quand un dieu s'en mêle.

MINERVE.

A présent, garde le silence, et reste à la place où tu es.

ULYSSE.

Je resterai, mais j'aimerais mieux être loin d'ici,

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  Ἀθήνα

Ὦ οὕτος, Αἴας, δεύτερόν σε προσκαλῶ.
τί βαιὸν οὕτως ἐντρέπει τῆς συμμάχου; 90

Αἴας

Ὦ χαῖρ᾽ Ἀθάνα, χαῖρε Διογενὲς τέκνον,
ὡς εὖ παρέστης· καί σε παγχρύσοις ἐγὼ
στέψω λαφύροις τῆσδε τῆς ἄγρας χάριν.

Ἀθήνα

Καλῶς ἔλεξας· ἀλλ᾽ ἐκεῖνό μοι φράσον,
ἔβαψας ἔγχος εὖ πρὸς Ἀργείων στρατῷ; 95

Αἴας

Κόμπος πάρεστι κοὐκ ἀπαρνοῦμαι τὸ μή.

Ἀθήνα

Ἦ καὶ πρὸς Ἀτρείδαισιν ᾔχμασας χέρα;

Αἴας

Ὥστ᾽ οὔποτ᾽ Αἴανθ᾽ οἵδ᾽ ἀτιμάσουσ᾽ ἔτι.

Ἀθήνα

Τεθνᾶσιν ἄνδρες, ὡς τὸ σὸν ξυνῆκ᾽ ἐγώ.

Αἴας

Θανόντες ἤδη τἄμ᾽ ἀφαιρείσθων ὅπλα. 100

Ἀθήνα

Εἶεν, τί γὰρ δὴ παῖς ὁ τοῦ Λαερτίου,
ποῦ σοι τύχης ἕστηκεν; ἢ πέφευγέ σε;

Αἴας

Ἦ τοὐπίτριπτον κίναδος ἐξήρου μ᾽ ὅπου;

Ἀθήνα

Ἔγωγ᾽· Ὀδυσσέα τὸν σὸν ἐνστάτην λέγω.

Αἴας

Ἥδιστος, ὦ δέσποινα, δεσμώτης ἔσω 105
θακεῖ· θανεῖν γὰρ αὐτὸν οὔ τί πω θέλω.

Ἀθήνα

Πρὶν ἂν τί δράσῃς ἢ τί κερδάνῃς πλέον;

Αἴας

Πρὶν ἂν δεθεὶς πρὸς κίον᾽ ἑρκείου στέγης.

Ἀθήνα

Τί δῆτα τὸν δύστηνον ἐργάσει κακόν;

Αἴας

Μάστιγι πρῶτον νῶτα φοινιχθεὶς θάνῃ. 110

Ἀθήνα

Μὴ δῆτα τὸν δύστηνον ὧδέ γ᾽ αἰκίσῃ.

Αἴας

Χαίρειν, Ἀθάνα, τἄλλ᾽ ἐγώ σ᾽ ἐφίεμαι·
κεῖνος δὲ τίσει τήνδε κοὐκ ἄλλην δίκην.

Ἀθήνα

Σὺ δ᾽ οὖν, ἐπειδὴ τέρψις ἥδε σοι τὸ δρᾶν,
χρῶ χειρί, φείδου μηδὲν ὧνπερ ἐννοεῖς. 115

Αἴας

Χωρῶ πρὸς ἔργον· σοὶ δὲ τοῦτ᾽ ἐφίεμαι,
τοιάνδ᾽ ἀεί μοι σύμμαχον παρεστάναι.
 

MINERVE.

Holà, Ajax, c'est pour la seconde fois que je t'appelle : pourquoi t'inquiètes-tu si peu de celle qui te protège?

AJAX.

Salut, ô Minerve, salut, fille de Jupiter! Oui, tu arrives à propos, et je t'offrirai de précieuses (8) dépouilles, en l'honneur de cette victoire.

MINERVE.

C'est bien dit; mais, raconte-moi ceci, as-tu bien trempé ton épée dans le sang des Grecs?

AJAX.

Je puis m'en vanter, et je suis loin de le nier.

MINERVE.

As-tu aussi porté tes mains armées sur les Atrides?

AJAX.

Si bien que jamais ils n'outrageront plus Ajax.

MINERVE.

Ils sont morts, si je te comprends bien?

AJAX.

Morts ! Qu'ils viennent à présent me ravir mes armes !

12 MINERVE.

Bien. Et le fils de Laërte, quel a été son sort? t'aurait-il échappé?

AJAX.

Ce renard, ce vil roué, tu me demandes où il est?

MINERVE.

Oui, je parle d'Ulysse, ton adversaire.

AJAX.

Spectacle charmant, ô ma maîtresse! Il est là dedans enchaîné; car je ne veux pas encore qu'il meure.

MINERVE.

Que veux-tu donc faire? ou que prétends-tu y gagner?

AJAX.

Je veux qu'attaché à cette colonne de moo foyer domestique...

MINERVE.

Quel mal feras-tu donc à ce malheureux?

AJAX.

Le dos ensanglanté de coups de fouet, il périsse.

MINERVE.

De grâce, ne meurtris pas ainsi le malheureux à coups de fouet.

AJAX.

Minerve, je désire te complaire en tout le reste; mais ce châtiment (9) sera le sien.

MINERVE.

Eh bien, puisque c'est ton plaisir d'agir ainsi, exerce ta vengeance, et accomplis tes projets tout entiers.

AJAX.

Je cours à l'œuvre ; je te le demande seulement, sois toujours ainsi ma protectrice.

(Il rentre dans sa tente. )

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Ἀθήνα

Ὁρᾷς, Ὀδυσσεῦ, τὴν θεῶν ἰσχὺν ὅση;
τούτου τίς ἄν σοι τἀνδρὸς ἢ προνούστερος
ἢ δρᾶν ἀμείνων ηὑρέθη τὰ καίρια; 120

Ὀδυσσεύς

Ἐγὼ μὲν οὐδέν᾽ οἶδ᾽· ἐποικτίρω δέ νιν
δύστηνον ἔμπας, καίπερ ὄντα δυσμενῆ,
ὁθούνεκ᾽ ἄτῃ συγκατέζευκται κακῇ,
οὐδὲν τὸ τούτου μᾶλλον ἢ τοὐμὸν σκοπῶν·
ὁρῶ γὰρ ἡμᾶς οὐδὲν ὄντας ἄλλο πλὴν 125
εἴδωλ᾽ ὅσοιπερ ζῶμεν ἢ κούφην σκιάν.

Ἀθήνα

Τοιαῦτα τοίνυν εἰσορῶν ὑπέρκοπον
μηδέν ποτ᾽ εἴπῃς αὐτὸς εἰς θεοὺς ἔπος,
μηδ᾽ ὄγκον ἄρῃ μηδέν᾽, εἴ τινος πλέον
ἢ χειρὶ βρίθεις ἢ μακροῦ πλούτου βάθει. 130
Ὡς ἡμέρα κλίνει τε κἀνάγει πάλιν
ἅπαντα τἀνθρώπεια· τοὺς δὲ σώφρονας
θεοὶ φιλοῦσι καὶ στυγοῦσι τοὺς κακούς.

MINERVE.

Tu vois, Ulysse, quelle est la puissance des dieux. Quel 13 homme fut plus prudent qu'Ajax? ou qui était plus brave quand il fallait agir?

ULYSSE.

Je n'en connus jamais; cependant j'ai pitié de son malheur, quoiqu'il soit mon ennemi, quand je le vois en proie à un mal si terrible ; et ce n'est pas son sort plus que le mien que je considère; je vois que tous dans cette vie nous- ne sommes que des fantômes ou une ombre vaine (10).

MINERVE.

Devant un tel spectacle, garde-toi donc de jamais outrager les dieux par des paroles superbes, et de t'enorgueillir si tu remportes sur d'autres par ta force ou par tes richesses ; un seul jour abaisse ou relève les grandeurs humaines; les dieux aiment les hommes modestes et détestent les méchants.

(Il sortent tous deux.)

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  Χορός

Τελαμώνιε παῖ, τῆς ἀμφιρύτου
Σαλαμῖνος ἔχων βάθρον ἀγχιάλου, 135
σὲ μὲν εὖ πράσσοντ᾽ ἐπιχαίρω·
σὲ δ᾽ ὅταν πληγὴ Διὸς ἢ ζαμενὴς
λόγος ἐκ Δαναῶν κακόθρους ἐπιβῇ,
μέγαν ὄκνον ἔχω καὶ πεφόβημαι
πτηνῆς ὡς ὄμμα πελείας. 140
Ὡς καὶ τῆς νῦν φθιμένης νυκτὸς
μεγάλοι θόρυβοι κατέχουσ᾽ ἡμᾶς
ἐπὶ δυσκλείᾳ, σὲ τὸν ἱππομανῆ
λειμῶν᾽ ἐπιβάντ᾽ ὀλέσαι Δαναῶν
βοτὰ καὶ λείαν, 145
ἥπερ δορίληπτος ἔτ᾽ ἦν λοιπή,
κτείνοντ᾽ αἴθωνι σιδήρῳ.
Τοιούσδε λόγους ψιθύρους πλάσσων
εἰς ὦτα φέρει πᾶσιν Ὀδυσσεύς,
καὶ σφόδρα πείθει· περὶ γὰρ σοῦ νῦν 150
εὔπειστα λέγει, καὶ πᾶς ὁ κλύων
τοῦ λέξαντος χαίρει μᾶλλον
τοῖς σοῖς ἄχεσιν καθυβρίζων.
Τῶν γὰρ μεγάλων ψυχῶν ἱεὶς
οὐκ ἂν ἁμάρτοις· κατὰ δ᾽ ἄν τις ἐμοῦ 155
τοιαῦτα λέγων οὐκ ἂν πείθοι·
πρὸς γὰρ τὸν ἔχονθ᾽ ὁ φθόνος ἕρπει.
Καίτοι σμικροὶ μεγάλων χωρὶς
σφαλερὸν πύργου ῥῦμα πέλονται·
μετὰ γὰρ μεγάλων βαιὸς ἄριστ᾽ ἂν 160
καὶ μέγας ὀρθοῖθ᾽ ὑπὸ μικροτέρων.
Ἀλλ᾽ οὐ δυνατὸν τοὺς ἀνοήτους
τούτων γνώμας προδιδάσκειν.
Ὑπὸ τοιούτων ἀνδρῶν θορυβεῖ
χἠμεῖς οὐδὲν σθένομεν πρὸς ταῦτ᾽ 165
ἀπαλέξασθαι σοῦ χωρίς, ἄναξ.
Ἀλλ᾽ ὅτε γὰρ δὴ τὸ σὸν ὄμμ᾽ ἀπέδραν,
παταγοῦσιν ἅπερ πτηνῶν ἀγέλαι·
μέγαν αἰγυπιὸν δ᾽ ὑποδείσαντες
τάχ᾽ ἂν ἐξαίφνης, εἰ σὺ φανείης, 170
σιγῇ πτήξειαν ἄφωνοι.

Ἦ ῥά σε Ταυροπόλα Διὸς Ἄρτεμις--
ὦ μεγάλα φάτις, ὦ
μᾶτερ αἰσχύνας ἐμᾶς--
ὥρμασε πανδάμους ἐπὶ βοῦς ἀγελαίας, 175
ἦ πού τινος νίκας ἀκάρπωτον χάριν,
ἤ ῥα κλυτῶν ἐνάρων
ψευσθεῖσ᾽, ἀδώροις, εἴτ᾽ ἐλαφαβολίας;
ἢ χαλκοθώραξ μή τιν᾽ Ἐνυάλιος
μομφὰν ἔχων ξυνοῦ δορὸς ἐννυχίοις 180
μαχαναῖς ἐτίσατο λώβαν;
οὔ ποτε γὰρ φρενόθεν γ᾽ ἐπ᾽ ἀριστερά,
παῖ Τελαμῶνος, ἔβας
τόσσον, ἐν ποίμναις πίτνων· 185
ἥκοι γὰρ ἂν θεία νόσος· ἀλλ᾽ ἀπερύκοι
καὶ Ζεὺς κακὰν καὶ Φοῖβος Ἀργείων φάτιν.
Εἰ δ᾽ ὑποβαλλόμενοι
κλέπτουσι μύθους οἱ μεγάλοι βασιλῆς
ἢ τᾶς ἀσώτου Σισυφιδᾶν γενεᾶς, 190
μὴ μή, ἄναξ, ἔθ᾽ ὧδ᾽ ἐφάλοις κλισίαις
ὄμμ᾽ ἔχων κακὰν φάτιν ἄρῃ.

Ἀλλ᾽ ἄνα ἐξ ἑδράνων, ὅπου μακραίωνι
στηρίζει ποτὲ τᾷδ᾽ ἀγωνίῳ σχολᾷ
ἄταν οὐρανίαν φλέγων. 195
Ἐχθρῶν δ᾽ ὕβρις ὧδ᾽ ἀτάρβητα
ὁρμᾶται ἐν εὐανέμοις βάσσαις,
πάντων καγχαζόντων
γλώσσαις βαρυάλγητα·
ἐμοὶ δ᾽ ἄχος ἕστακεν.

LE CHOEUR.

Fils de Télamon, qui règnes sur Salamine baignée de tous côtés par les flots, ta prospérité fait ma joie; mais si la colère de Jupiter ou les discours injurieux des Grecs ingrats viennent à te poursuivre, alors je crains et je tremble pour toi, comme la timide colombe (11). Et maintenant de grandes vociférations répétées à ton déshonneur nous ont appris que la nuit dernière, t'élançant dans la prairie où paissent les coursiers, tu us égorgé les troupeaux des Grecs, et détruit ce qui restait encore du butin avec un fer étincelant. Ulysse ourdit lui-même ces sourdes calomnies; il les murmure à l'oreille et les persuade adroitement. Le mal qu'il dit de toi 14 trouve aisément des crédules, et chacun, insultant à tes malheurs, prend plus de plaisir à l'entendre que lui-même à le dire. Car le trait lancé contre les grandes âmes ne manque pas son but ; de tels discours dirigés contre moi seraient crus à peine; c'est en effet contre l'homme puissant que l'envie se glisse. Et cependant les petits, sans le secours des grands, sont un faible rempart pour les États; avec l'appui des grands, le faible devient fort, et le grand s'élève avec l'aide des petits. Mais il n'est pas possible aux insensés de comprendre ces sages maximes (12). Ce sont de tels hommes qui, aujourd'hui, se soulèvent contre toi ; mais, ô roi, nous ne pouvons les repousser sans ta présence. Une fois, en effet, qu'ils se sont dérobés à tes regards, ils crient dans les airs, comme un essaim de lâches oiseaux contre le vautour; mais si tu parais, aussitôt, à l'aspect du grand vautour, saisis d'effroi, ils se cacheront en silence et resteront muets.

(Strophe.) Est-ce Diane, fille de Jupiter, traînée par des taureaux (13) (étrange rumeur, mère (14) de ma honte!) qui a poussé ton bras contre les troupeaux de l'armée, soit que tu ne lui aies pas rendu grâce de quelque victoire, ou que tu l'aies frustrée d'une riche dépouille ou du fruit de ta chasse? ou est-ce le dieu Mars, à la cuirasse d'airain, irrité que tu aies mal reconnu ses secours dans les combats, qui a vengé son affront par les pièges de cette nuit?

15 (Antistrophe.) Car jamais de ton propre mouvement, fils de Télamon, tu n'aurais eu la malheureuse idée d'attaquer ainsi des troupeaux : il faut qu'un dieu t'ait infligé ce coup funeste. Que du moins Jupiter et Apollon répriment les propos outrageante des Grecs. Si c'est une calomnie clandestinement semée par les Atrides, ou par un rejeton de la race infâme de Sisyphe (15), ô roi, je t'en conjure, ne reste pas plus longtemps ainsi enfermé dans ta tente au bord de la mer, en butte à des bruits insultants.

(Épode.) Lève-toi donc, sors de cette retraite où tu languis depuis trop longtemps dans l'inaction, loin des combats, fomentant le mal fatal envoyé du ciel. Cependant l'insolence de tes ennemis se déchaîne sans crainte, comme le feu allumé dans un bois par les vents, tous lancent sur toi des sarcasmes amers, et moi je suis en proie à la douleur.

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Τέκμησσα

Ναὸς ἀρωγοὶ τῆς Αἴαντος,
γενεᾶς χθονίων ἀπ᾽ Ἐρεχθειδῶν,
ἔχομεν στοναχὰς οἱ κηδόμενοι
τοῦ Τελαμῶνος τηλόθεν οἴκου.
Ωῦν γὰρ ὁ δεινὸς μέγας ὠμοκρατὴς 205
Αἴας θολερῷ
κεῖται χειμῶνι νοσήσας.

Χορός

Τί δ᾽ ἐνήλλακται τῆς ἡμερίας
νὺξ ἥδε βάρος; 210
Παῖ τοῦ Φρυγίου Τελεύταντος,
λέγ᾽, ἐπεὶ σὲ λέχος δουριάλωτον
στέρξας ἀνέχει θούριος Αἴας·
ὥστ᾽ οὐκ ἂν ἄϊδρις ὑπείποις.

Τέκμησσα

Πῶς δῆτα λέγω λόγον ἄρρητον; 215
θανάτῳ γὰρ ἴσον βάρος ἐκπεύσει.
Μανίᾳ γὰρ ἁλοὺς ἡμὶν ὁ κλεινὸς
νύκτερος Αἴας ἀπελωβήθη.
Τοιαῦτ᾽ ἂν ἴδοις σκηνῆς ἔνδον
χειροδάϊκτα σφάγι᾽ αἱμοβαφῆ,
κείνου χρηστήρια τἀνδρός. 220

Χορός

Οἵαν ἐδήλωσας ἀνέρος αἴθονος
ἀγγελίαν ἄτλατον οὐδὲ φευκτάν,
τῶν μεγάλων Δαναῶν ὕπο κλῃζομέναν, 225
τὰν ὁ μέγας μῦθος ἀέξει.
Οἴμοι φοβοῦμαι τὸ προσέρπον· περίφαντος ἁνὴρ
θανεῖται, παραπλάκτῳ χερὶ συγκατακτὰς
κελαινοῖς ξίφεσιν βοτὰ καὶ βοτῆρας ἱππονώμας. 230

Τέκμησσα

Ὤμοι· κεῖθεν κεῖθεν ἄρ᾽ ἡμῖν
δεσμῶτιν ἄγων ἤλυθε ποίμνην·
ὧν τὴν μὲν ἔσω σφάζ᾽ ἐπὶ γαίας, 235
τὰ δὲ πλευροκοπῶν δίχ᾽ ἀνερρήγνυ.
Δύο δ᾽ ἀργίποδας κριοὺς ἀνελὼν
τοῦ μὲν κεφαλὴν καὶ γλῶσσαν ἄκραν
ῥιπτεῖ θερίσας, τὸν δ᾽ ὀρθὸν ἄνω
κίονι δήσας 240
μέγαν ἱπποδέτην ῥυτῆρα λαβὼν
παίει λιγυρᾷ μάστιγι διπλῇ,
κακὰ δεννάζων ῥήμαθ᾽, ἃ δαίμων
κοὐδεὶς ἀνδρῶν ἐδίδαξεν.

Χορός

Ὥρα τιν᾽ ἤδη τοι κρᾶτα καλύμμασι 245
κρυψάμενον ποδοῖν κλοπὰν ἀρέσθαι
ἢ θοὸν εἰρεσίας ζυγὸν ἑζόμενον
ποντοπόρῳ ναῒ μεθεῖναι. 250
Τοίας ἐρέσσουσιν ἀπειλὰς δικρατεῖς Ἀτρεῖδαι
καθ᾽ ἡμῶν· πεφόβημαι λιθόλευστον Ἄρη
ξυναλγεῖν μετὰ τοῦδε τυπείς, τὸν αἶσ᾽ ἄπλατος ἴσχει. 255

Τέκμησσα

Οὐκέτι· λαμπρᾶς γὰρ ἄτερ στεροπῆς
ᾄξας ὀξὺς νότος ὣς λήγει,
καὶ νῦν φρόνιμος νέον ἄλγος ἔχει·
τὸ γὰρ ἐσλεύσσειν οἰκεῖα πάθη, 260
μηδενὸς ἄλλου παραπράξαντος,
μεγάλας ὀδύνας ὑποτείνει.

Χορός

Ἀλλ᾽ εἰ πέπαυται, κάρτ᾽ ἂν εὐτυχεῖν δοκῶ·
φρούδου γὰρ ἤδη τοῦ κακοῦ μείων λόγος.

Τέκμησσα

Πότερα δ᾽ ἄν, εἰ νέμοι τις αἵρεσιν, λάβοις, 265
φίλους ἀνιῶν αὐτὸς ἡδονὰς ἔχειν,
ἢ κοινὸς ἐν κοινοῖσι λυπεῖσθαι ξυνών;

Χορός

Τό τοι διπλάζον, ὦ γύναι, μεῖζον κακόν.

Τέκμησσα

Ἡμεῖς ἄρ᾽ οὐ νοσοῦντες ἀτώμεσθα νῦν.

Χορός

Πῶς τοῦτ᾽ ἔλεξας; οὐ κάτοιδ᾽ ὅπως λέγεις. 270

Τέκμησσα

Ἀνὴρ ἐκεῖνος, ἡνίκ᾽ ἦν ἐν τῇ νόσῳ,
αὐτὸς μὲν ἥδεθ᾽ οἷσιν εἴχετ᾽ ἐν κακοῖς,
ἡμᾶς δὲ τοὺς φρονοῦντας ἠνία ξυνών·
νῦν δ᾽ ὡς ἔληξε κἀνέπνευσε τῆς νόσου,
κεῖνός τε λύπῃ πᾶς ἐλήλαται κακῇ 275
ἡμεῖς θ᾽ ὁμοίως οὐδὲν ἧσσον ἢ πάρος.
Ἆρ᾽ ἔστι ταῦτα δὶς τόσ᾽ ἐξ ἁπλῶν κακά;

Χορός

ξύμφημι δή σοι καὶ δέδοικα μὴ ᾽κ θεοῦ
πληγή τις ἥκῃ. πῶς γάρ, εἰ πεπαυμένος
μηδέν τι μᾶλλον ἢ νοσῶν εὐφραίνεται; 280

Τέκμησσα

Ὡς ὧδ᾽ ἐχόντων τῶνδ᾽ ἐπίστασθαί σε χρή.

Χορός

Τίς γάρ ποτ᾽ ἀρχὴ τοῦ κακοῦ προσέπτατο;
δήλωσον ἡμῖν τοῖς ξυναλγοῦσιν τύχας.

TECMESSE.

Défenseurs des vaisseaux d'Ajax, issu de l'antique Érechthée (16), quel sujet de pleurs pour nous qui prenons intérêt à la noble famille de Télamon ! Cet Ajax si grand, si redoutable (17), le voilà abattu par un violent délire!

LE CHOEUR.

Quelle accahlante infortune cette nuit a-t-elle donc 15 fait succéder au calme dont nous jouissions? Fille du Phrygien Téleutas, réponds, captive d'Ajax, toi qu'il aime et qu'il honore comme une épouse; tu sais les faits et tu peux nous en instruire.

TECMESSE.

Comment donc raconter ce fait inouï? Car ce que tu vas entendre n'est pas moins affreux que la mort. Cette nuit même, l'illustre Ajax s'est déshonoré par un honteux délire; tu peux voir encore dans sa tente des victimes sanglantes, déchirées de ses mains, triste trophée de sa victoire.

LE CHOEUR.

(Strophe.) Quelle révélation tu m'as faite sur le bouillant caractère de ce héros! nouvelle déplorable et pourtant trop vraie, propagée par les chefs des Grecs, et que grossit la rumeur populaire! Hélas! j'en redoute les suites fatales. Il ne peut manquer de subir la mort, celui qui, d'une main furieuse et d'un glaive sanglant, a égorgé à la fois les bergers et les troupeaux.

TÈCMESSE.

Hélas! c'est d'ici qu'il est sorti, emmenant des troupeaux enchaînés ; les uns„ il les renverse à terre et les égorge ; aux autres, il leur ouvre les flancs et les déchire. Puis, saisissant deux béliers aux pieds blancs, à l'un il arrache la tête et la langue, et les jette au loin; l'autre, il le lie, dressé contre une colonne, avec une large courroie, il le frappe d'une double lanière, et le charge d'imprécations, qu'une divinité (18) ennemie a pu seule suggérer.

LE CHOEUR.

(Antistrophe.) C'est à présent donc qu'il faut, la tète enveloppée de voiles, nous dérober d'un, pas rapide, ou prendre place sur les bancs d'un agile navire, et franchir la mer à force de rames; tant sont vives les menaces des Atrides contre nous! Je tremble d'expirer bientôt sous 17 une grêle de pierres (19), et de partager le supplice de celui que poursuit une destinée indomptable.

TECMESSE  (20).

Elle cesse de le poursuivre; sa fureur s'est calmée, comme l'impétueux Notos, quand il s'élève sans éclairs étincelants. Mais le retour de sa raison lui rend de nouvelles douleurs; la vue de nos propres souffrances, quand nous en sommes les seuls auteurs (21), éveille en nous de cuisantes douleurs.

LE CHOEUR.

Mais si son délire a cessé, j'espère que tout va bien ; car on tient moins de compte d'un mal passé.

TECMESSE.

Que préférerais-tu, si tu avais le choix, ou d'éprouver toi-même quelque plaisir en affligeant tes amis, ou de partager leur douleur commune?

LE CHOEUR.

La double souffrance, ô femme, est un grand mal.

TECMESSE.

Eh bien, le mal a cessé, et nous n'en sommes pas moins livrés au malheur.

LE CHOEUR.

Que veux-tu dire? je ne te comprends pas.

TECMESSE.

Cet infortuné, tant qu'a duré son délire, se complaisait dans le mal qui le possédait, et n'attristait que nous, qui en étions témoins, dans notre bon sens; mais maintenant que le mal a cessé et le laisse respirer, il est tout entier en proie à l'affliction, et la nôtre n'en est pas moins vive qu'auparavant. N'est-ce pas là une souffrance double (22)?

18 LE CHOEUR.

Je te l'avoue, et je crains que ce malheur ne soit venu des dieux ; car comment en serait-il autrement, si, délivré de son mal, Ajax n'est pas plus heureux que lorsqu'il en sentait la violence?

TECMESSE.

Il en est ainsi, sois-en bien certain.

LE CHŒUR.

Quel a donc été le commencement de ce délire? confie-nous tes peines, à nous qui les partageons.




 

  Τέκμησσα

Ἅπαν μαθήσει τοὔργον ὡς κοινωνὸς ὤν.
κεῖνος γὰρ ἄκρας νυκτός, ἡνίχ᾽ ἕσπεροι 285
λαμπτῆρες οὐκέτ᾽ ᾖθον, ἄμφηκες λαβὼν
ἐμαίετ᾽ ἔγχος ἐξόδους ἕρπειν κενάς.
Κἀγὼ ᾽πιπλήσσω καὶ λέγω· τί χρῆμα δρᾷς,
Αἴας; τί τήνδ᾽ ἄκλητος οὔθ᾽ ὑπ᾽ ἀγγέλων
κληθεὶς ἀφορμᾷς πεῖραν οὔτε τοῦ κλύων 290
σάλπιγγος; ἀλλὰ νῦν γε πᾶς εὕδει στρατός.
Ὁ δ᾽ εἶπε πρός με βαί᾽, ἀεὶ δ᾽ ὑμνούμενα·
γύναι, γυναιξὶ κόσμον ἡ σιγὴ φέρει.
Κἀγὼ μαθοῦσ᾽ ἔληξ᾽, ὁ δ᾽ ἐσσύθη μόνος.
Καὶ τὰς ἐκεῖ μὲν οὐκ ἔχω λέγειν πάθας· 295
ἔσω δ᾽ ἐσῆλθε συνδέτους ἄγων ὁμοῦ
ταύρους, κύνας βοτῆρας, εὔερόν τ᾽ ἄγραν.
Καὶ τοὺς μὲν ηὐχένιζε, τοὺς δ᾽ ἄνω τρέπων
ἔσφαζε κἀρράχιζε, τοὺς δὲ δεσμίους
ᾐκίζεθ᾽ ὥστε φῶτας ἐν ποίμναις πίτνων. 300
Τέλος δ᾽ ὑπᾴξας διὰ θυρῶν σκιᾷ τινι
λόγους ἀνέσπα, τοὺς μὲν Ἀτρειδῶν κάτα,
τοὺς δ᾽ ἀμφ᾽ Ὀδυσσεῖ, συντιθεὶς γέλων πολύν,
ὅσην κατ᾽ αὐτῶν ὕβριν ἐκτίσαιτ᾽ ἰών·
κἄπειτ᾽ ἐπᾴξας αὖθις ἐς δόμους πάλιν, 305
ἔμφρων μόλις πως ξὺν χρόνῳ καθίσταται,
καὶ πλῆρες ἄτης ὡς διοπτεύει στέγος,
παίσας κάρα ᾽θώϋξεν· ἐν δ᾽ ἐρειπίοις
νεκρῶν ἐρειφθεὶς ἕζετ᾽ ἀρνείου φόνου,
κόμην ἀπρὶξ ὄνυξι συλλαβὼν χερί. 310
Καὶ τὸν μὲν ἧστο πλεῖστον ἄφθογγος χρόνον·
ἔπειτ᾽ ἐμοὶ τὰ δείν᾽ ἐπηπείλησ᾽ ἔπη,
εἰ μὴ φανοίην πᾶν τὸ συντυχὸν πάθος,
κἀνήρετ᾽ ἐν τῷ πράγματος κυροῖ ποτέ.
Κἀγώ, φίλοι, δείσασα τοὐξειργασμένον 315
ἔλεξα πᾶν ὅσονπερ ἐξηπιστάμην.
Ὁ δ᾽ εὐθὺς ἐξῴμωξεν οἰμωγὰς λυγράς,
ἃς οὔποτ᾽ αὐτοῦ πρόσθεν εἰσήκουσ᾽ ἐγώ·
πρὸς γὰρ κακοῦ τε καὶ βαρυψύχου γόους
τοιούσδ᾽ ἀεί ποτ᾽ ἀνδρὸς ἐξηγεῖτ᾽ ἔχειν· 320
ἀλλ᾽ ἀψόφητος ὀξέων κωκυμάτων
ὑπεστέναζε ταῦρος ὣς βρυχώμενος.
Νῦν δ᾽ ἐν τοιᾷδε κείμενος κακῇ τύχῃ
ἄσιτος ἁνήρ, ἄποτος, ἐν μέσοις βοτοῖς
σιδηροκμῆσιν ἥσυχος θακεῖ πεσών· 325
καὶ δῆλός ἐστιν ὥς τι δρασείων κακόν.
Τοιαῦτα γάρ πως καὶ λέγει κὠδύρεται.
Ἀλλ᾽, ὦ φίλοι, τούτων γὰρ οὕνεκ᾽ ἐστάλην,
ἀρήξατ᾽ εἰσελθόντες, εἰ δύνασθέ τι·
φίλων γὰρ οἱ τοιοίδε νικῶνται λόγοις. 330

Χορός

Τέκμησσα, δεινά, παῖ Τελεύταντος, λέγεις
ἡμῖν, τὸν ἄνδρα διαπεφοιβάσθαι κακοῖς.

Αἴας

Ἰώ μοί μοι.

Τέκμησσα

Τάχ᾽, ὡς ἔοικε, μᾶλλον· ἢ οὐκ ἠκούσατε
Αἴαντος οἵαν τήνδε θωΰσσει βοήν; 335

Αἴας

Ἰώ μοί μοι.

Χορός

Ἀνὴρ ἔοικεν ἢ νοσεῖν ἢ τοῖς πάλαι
νοσήμασιν ξυνοῦσι λυπεῖσθαι παρών.

Αἴας

Ἰὼ παῖ παῖ.

Τέκμησσα

Ὤμοι τάλαιν᾽· Εὐρύσακες, ἀμφὶ σοὶ βοᾷ. 340
τί ποτε μενοινᾷ; ποῦ ποτ᾽ εἶ; τάλαιν᾽ ἐγώ.

Αἴας

Τεῦκρον καλῶ. ποῦ Τεῦκρος; ἢ τὸν εἰσαεὶ
λεηλατήσει χρόνον, ἐγὼ δ᾽ ἀπόλλυμαι;

Χορός

Ἀνὴρ φρονεῖν ἔοικεν. ἀλλ᾽ ἀνοίγετε.
τάχ᾽ ἄν τιν᾽ αἰδῶ κἀπ᾽ ἐμοὶ βλέψας λάβοι. 345

Τέκμησσα

Ἰδού, διοίγω· προσβλέπειν δ᾽ ἔξεστί σοι
τὰ τοῦδε πράγη, καὐτὸς ὡς ἔχων κυρεῖ.

TECMESSE.

Tu sauras tout ce qui s'est passé, puisque tu prends part à mon malheur. Au milieu de la nuit, lorsque les eux du soir ne jetaient plus de lumière, il saisit son épée (23)l, et semblait vouloir sortir sans motif. Je l'arrête alors et lui dis : « Ajax, que fais-tu? où portes-tu tes pas, sans être appelé, sans que le héraut se soit fait entendre, ni que la trompette ait retenti? En ce moment, toute l'armée dort» » Mais lui me répond par ces mots si connus : « Femme, le silence est l'ornement de ton sexe (24). » A ces mots, je me tus, et il s'élança seul. Ce qu'il a fait là-bas, je ne saurais le dire; mais il rentra, faisant marcher ensemble devant lui des taureaux enchaînés, des chiens de berger, et tout le butin cornu. Aux uns. il tranche la tête; les autres, il les étend, les égorge et les met en pièces ; il en attache d'autres qu'il frappe à coups de fouet, comme des captifs. Enfin il s'élance hors de sa tente, tenant à je ne sais quel fantôme des discours violents et contre les Atrides, et sur Ulysse, entremêlés de grands éclats de rire et se vantant de la Vengeance qu'il a tirée d'eux. Ensuite, après s'être précipité dans sa tente, à grand'peine et après un long temps il rentre en lui-même; et lorsqu'il voit sa tente pleine du carnage  19 causé par son délire, il se frappe la tête, pousse des cris, se couche et s'étend sur cet amas de troupeaux égorgés, s'arrachant les cheveux avec violence. Il resta longtemps assis dans un morne silence; puis, m'adressant les plus terribles menaces, si je ne lui révélais tout cé qui s'est passé, il me demanda en quelle extrémité il était tombé. Et moi, mes amis, effrayée, je lui racontai tout ce qu'il avait fait, autant du moins que je le savais; alors il poussa des gémissements douloureux, tels que je n'en avais jamais entendu sortir de sa bouche; car toujours il disait que de telles plaintes ne partaient que d'Une âme faible et pusillanime; mais sans faire entendre de lamentations aiguës, sa douleur ne s'exprime que par des gémissements étouffés, semblables aux mugissements d'un taureau. Et maintenant, plongé dans cet abîme d'infortune, il refuse toute nourriture, et reste immobile au milieu de ces troupeaux égorgés : à son langage, à ses plaintes, il est aisé de voir qu'il médité quelque dessein funeste. Ο mes amis, je suis venue pour implorer votre aide; entrez, donnez-lui les secours qui sont en votre pouvoir; car le» hommes tels que lui cèdent à la voix de leurs amis.

LE CHOEUR.

Fille de Téleutas, ô Tecmesse! tu nous dis là un fait terrible, que son malheur l'ait jeté dans l'égarement!

AJAX, dans sa tente.

Hélas! hélas!

TECMESSE.

Bientôt, il semble, son mal va redoubler; c'est Ajax, n'avez-vous pas entendu quels cris il pousse?

AJAX.

Ah! malheureux!

LE CHOEUR.

On le dirait encore dans le délire, ou il pleure son délire passé.

AJAX.

Ô mon fils ! mon fils !

20 TECMESSE.

Eurysacès! c'est toi! c'est toi qu'il appelle! Que veut-il? où es-tu? malheureuse que je suis!

AJAX.

Teucer! où est Teucer? sera-t-il sans cesse occupé à chercher du butin? et cependant je meurs.

LE CHOEUR.

Il paraît recouvrer ses sens; ouvrez les portes; ma vue lui rendra peut-être quelque retenue.

TECMESSE.

Voici, je les ouvre, tu peux contempler ce qu'il a fait, et en quel état déplorable il est lui-même (25).

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Αἴας

Ἰὼ
φίλοι ναυβάται, μόνοι ἐμῶν φίλων,
μόνοι ἔτ᾽ ἐμμένοντες ὀρθῷ νόμῳ, 350
ἴδεσθέ μ᾽ οἷον ἄρτι κῦμα φοινίας ὑπὸ ζάλης
ἀμφίδρομον κυκλεῖται.

Χορός

Οἴμ᾽ ὡς ἔοικας ὀρθὰ μαρτυρεῖν ἄγαν.
Δηλοῖ δὲ τοὔργον ὡς ἀφροντίστως ἔχει. 355

Αἴας

Ἰὼ
γένος ναΐας ἀρωγὸν τέχνας,
ἅλιον ὃς ἐπέβας ἑλίσσων πλάταν,
σέ τοι σέ τοι μόνον δέδορκα πημονὰν ἐπαρκέσοντ᾽· 360
ἀλλά με συνδάϊξον.

Χορός

Εὔφημα φώνει· μὴ κακὸν κακῷ διδοὺς
ἄκος, πλέον τὸ πῆμα τῆς ἄτης τίθει.

Αἴας

Ὁρᾷς τὸν θρασύν, τὸν εὐκάρδιον,
τὸν ἐν δαΐοις ἄτρεστον μάχαις, 365
ἐν ἀφόβοις με θηρσὶ δεινὸν χέρας;
ὤμοι γέλωτος, οἷον ὑβρίσθην ἄρα.

Τέκμησσα

Μή, δέσποτ᾽ Αἴας, λίσσομαί σ᾽, αὔδα τάδε.

Αἴας

οὐκ ἐκτός; οὐκ ἄψορρον ἐκνεμεῖ πόδα;
αἰαῖ αἰαῖ. 370

Χορός

ὦ πρὸς θεῶν ὕπεικε καὶ φρόνησον εὖ.

Αἴας

Ὦ δύσμορος, ὃς χερὶ μὲν
μεθῆκα τοὺς ἀλάστορας, ἐν δ᾽ ἑλίκεσσι
βουσὶ καὶ κλυτοῖς πεσὼν αἰπολίοις 375
ἐρεμνὸν αἷμ᾽ ἔδευσα.

Χορός

Τί δῆτ᾽ ἂν ἀλγοίης ἐπ᾽ ἐξειργασμένοις;
Οὐ γὰρ γένοιτ᾽ ἂν ταῦθ᾽ ὅπως οὐχ ὧδ᾽ ἔχειν.

Αἴας

Ἰὼ πάνθ᾽ ὁρῶν ἁπάντων τ᾽ ἀεὶ
κακῶν ὄργανον, τέκνον Λαρτίου, 380
κακοπινέστατόν τ᾽ ἄλημα στρατοῦ,
ἦ που πολὺν γέλωθ᾽ ὑφ᾽ ἡδονῆς ἄγεις.

Χορός

Ξύν τοι θεῷ πᾶς καὶ γελᾷ κὠδύρεται.

Αἴας

Ἴδοιμι μήν νιν, καίπερ ὧδ᾽ ἀτώμενος.
ἰώ μοί μοι. 385

Χορός

μηδὲν μέγ᾽ εἴπῃς· οὐχ ὁρᾷς ἵν᾽ εἶ κακοῦ;

Αἴας

Ὦ Ζεῦ, προγόνων προπάτωρ,
πῶς ἂν τὸν αἱμυλώτατον, ἐχθρὸν ἄλημα,
τούς τε δισσάρχας ὀλέσσας βασιλῆς 390
τέλος θάνοιμι καὐτός;

Τέκμησσα

Ὅταν κατεύχῃ ταῦθ᾽, ὁμοῦ κἀμοὶ θανεῖν
εὔχου· τί γὰρ δεῖ ζῆν με σοῦ τεθνηκότος;

Αἴας

Ἰὼ
σκότος, ἐμὸν φάος, 395
ἔρεβος ὦ φαεννότατον, ὡς ἐμοί,
ἕλεσθ᾽ ἕλεσθέ μ᾽ οἰκήτορα,
ἕλεσθέ μ᾽· οὔτε γὰρ θεῶν γένος οὔθ᾽ ἁμερίων
ἔτ᾽ ἄξιος βλέπειν τιν᾽ εἰς ὄνασιν ἀνθρώπων. 400
Ἀλλά μ᾽ ἁ Διὸς
ἀλκίμα θεὸς
ὀλέθρι᾽ αἰκίζει.
Ποῖ τις οὖν φύγῃ;
ποῖ μολὼν μενῶ;
εἰ τὰ μὲν φθίνει, φίλοι, τοιοῖσδ᾽ 405
ὁμοῦ πέλας, μώραις δ᾽ ἄγραις προσκείμεθα,
πᾶς δὲ στρατὸς δίπαλτος ἄν με
χειρὶ φονεύοι.

Τέκμησσα

Ὦ δυστάλαινα, τοιάδ᾽ ἄνδρα χρήσιμον 410
φωνεῖν, ἃ πρόσθεν οὗτος οὐκ ἔτλη ποτ᾽ ἄν.

Αἴας

Ἰὼ
πόροι ἁλίρροθοι
πάραλά τ᾽ ἄντρα καὶ νέμος ἐπάκτιον,
πολὺν πολύν με δαρόν τε δὴ
κατείχετ᾽ ἀμφὶ Τροίαν χρόνον· ἀλλ᾽ οὐκέτι μ᾽, οὐκ 415
ἔτ᾽ ἀμπνοὰς ἔχοντα· τοῦτό τις φρονῶν ἴστω.
Ὦ Σκαμάνδριοι
γείτονες ῥοαί,
εὔφρονες Ἀργείοις, 420
οὐκέτ᾽ ἄνδρα μὴ
τόνδ᾽ ἴδητ᾽, ἔπος
ἐξερῶ μέγ᾽, οἷον οὔτινα
Τροία στρατοῦ δέρχθη χθονὸς μολόντ᾽ ἀπὸ 425
Ἑλλανίδος· τανῦν δ᾽ ἄτιμος
ὧδε πρόκειμαι.

Χορός

Οὔτοι σ᾽ ἀπείργειν οὐδ᾽ ὅπως ἐῶ λέγειν
ἔχω, κακοῖς τοιοῖσδε συμπεπτωκότα.

AJAX.

(Strophe 1;) Ο chers compagnons, mes seuls amis, les seuls qui restiez encore fidèles aux lois de l'amitié, regardez quels flots de sang ma fureur meurtrière a amoncelés autour de moi!

LE CHOEUR (26).

Hélas ! tu ne disais que trop vrai ; les faits attestent quel est son délire.

AJAX.

(Ântistrophe 1.) Ô braves auxiliaires, habiles dans l'art nautique, dont la rame agile fait voler mes vaisseaux sur la mer, vous, les seuls de tous mes anciens appuis que je voie prêts à me secourir, allons, donnez-moi la mort.

LE CHOEUR.

Cesse ce langage funeste; ne va pas, réparant un mal par un autre, aggraver notre malheur.

AJAX.

(Strophe 2.) Voyez-vous ce guerrier si brave, au cœur 21 si hardi, si intrépide dans les combats, signaler maintenant sa valeur contre des animaux paisibles? Hélas! quels rires insultants ! en quel opprobre je suis tombé !

TECMESSE.

Ajax, ô mon maître! je t'en conjure, ne parle pas ainsi.

AJAX.

Veux-tu bien te retirer? Ne t'en iras-tu pas? Hélas! hélas !

LE CHOEUR.

Au nom des dieux, cède, et reviens à la raison.

AJAX.

(Strophe 3.) Malheureux ! j'ai laissé ces hommes maudits échapper de mes mains, pour me jeter sur des génisses, sur des agneaux bêlants, et je me suis baigné dans leur sang !

LE CHOEUR.

Pourquoi donc te tourmenter de ce qui est accompli? tu n'y saurais rien changer (27).

AJAX.

(Antistrophe 2.) O toi, espion infatigable, artisan de tous les maux, fils de Laërte, opprobre de l'armée, par quels rires ne fais-tu pas éclater ta joie !

LE CHOEUR.

Ce sont les dieux qui dispensent à chacun le rire et les larmes.

AJAX.

Puissé-je le voir en face, même dans la détresse où je suis réduit ! Ah ! hélas !

LE CHOEUR.

Laisse ces orgueilleuses menaces; ne vois-tu pas en quelle infortune tu es tombé ?

AJAX.

(Antistrophe 3.) Ô Jupiter, père de mes aïeux (28), que ne 22 puis-je, égorgeant ce parleur infatigable, cet odieux charlatan et les deux rois des Grecs, expirer moi-même après eux !

TECMESSE.

Quand tu fais de tels vœux, demande aussi la mort pour moi; car comment pourrais-je vivre, si tu meurs(29)?

AJAX.

(Strophe 4.) O ténèbres qui êtes ma lumière (30), Érébe resplendissant à mon esprit, du moins recevez un nouvel habitant; recevez-moi, Car je ne suis plus digne de voir ni la race des dieux ni la race des hommes, pour moi désormais inutiles. La redoutable déesse, fille de Jupiter, me torture jusqu'à la mort. Où donc fuir? où trouver un asile? Si tout cela a péri, ô mes amis, la vengeance me suit de près (31), et j'ai poursuivi une chasse insensée ; mais l'armée entière s'apprête à me percer de ses traits.

TECMESSE.

Infortunée ! faut-il qu'un homme de sens profère de telles choses, que jusqu'alors il n'eût osé dire!

AJAX.

(Antistrophe 4.) Ô fleuves qui coulez dans ta mer, grottes baignées par les flots, prairies qui couvrez le rivage, assez et trop longtemps vous m'avez retenu devant Troie; mais vous ne me verrez plus jouir de la lumière, non, Vous ne me verrez plus. Que l'homme avisé comprenne. Eaux du Scamandre, voisines de notre camp, si favorables aux Grecs, vous ne verrez plus ce héros, je puis le dire avec orgueil, le plus grand des guerriers que la Grèce ait envoyés devant Troie; aujourd'hui me voilà déchu, déshonoré !

23 LE CHOEUR.

Je n'ose ni modérer ni approuver tes plaintes, dans tes malheurs où je te vois tombé.




 

Αἴας

Αἰαῖ· τίς ἄν ποτ᾽ ᾤεθ᾽ ὧδ᾽ ἐπώνυμον 430
τοὐμὸν ξυνοίσειν ὄνομα τοῖς ἐμοῖς κακοῖς;
νῦν γὰρ πάρεστι καὶ δὶς αἰάζειν ἐμοὶ
καὶ τρίς· τοιούτοις γὰρ κακοῖς ἐντυγχάνω·
ὅτου πατὴρ μὲν τῆσδ᾽ ἀπ᾽ Ἰδαίας χθονὸς
τὰ πρῶτα καλλιστεῖ᾽ ἀριστεύσας στρατοῦ 435
πρὸς οἶκον ἦλθε πᾶσαν εὔκλειαν φέρων·
ἐγὼ δ᾽ ὁ κείνου παῖς, τὸν αὐτὸν ἐς τόπον
Τροίας ἐπελθὼν οὐκ ἐλάσσονι σθένει
οὐδ᾽ ἔργα μείω χειρὸς ἀρκέσας ἐμῆς,
ἄτιμος Ἀργείοισιν ὧδ᾽ ἀπόλλυμαι. 440
Καίτοι τοσοῦτόν γ᾽ ἐξεπίστασθαι δοκῶ·
εἰ ζῶν Ἀχιλλεὺς τῶν ὅπλων τῶν ὧν πέρι
κρίνειν ἔμελλε κράτος ἀριστείας τινί,
οὐκ ἄν τις αὔτ᾽ ἔμαρψεν ἄλλος ἀντ᾽ ἐμοῦ.
Νῦν δ᾽ αὔτ᾽ Ἀτρεῖδαι φωτὶ παντουργῷ φρένας 445
ἔπραξαν, ἀνδρὸς τοῦδ᾽ ἀπώσαντες κράτη.
Κεἰ μὴ τόδ᾽ ὄμμα καὶ φρένες διάστροφοι
γνώμης ἀπῇξαν τῆς ἐμῆς, οὐκ ἄν ποτε
δίκην κατ᾽ ἄλλου φωτὸς ὧδ᾽ ἐψήφισαν.
Νῦν δ᾽ ἡ Διὸς γοργῶπις ἀδάματος θεὰ 450
ἤδη μ᾽ ἐπ᾽ αὐτοῖς χεῖρ᾽ ἐπεντύνοντ᾽ ἐμὴν
ἔσφηλεν, ἐμβαλοῦσα λυσσώδη νόσον,
ὥστ᾽ ἐν τοιοῖσδε χεῖρας αἱμάξαι βοτοῖς·
κεῖνοι δ᾽ ἐπεγγελῶσιν ἐκπεφευγότες,
ἐμοῦ μὲν οὐχ ἑκόντος· εἰ δέ τις θεῶν 455
βλάπτοι, φύγοι τἂν χὠ κακὸς τὸν κρείσσονα.
Καὶ νῦν τί χρὴ δρᾶν; ὅστις ἐμφανῶς θεοῖς
ἐχθαίρομαι, μισεῖ δέ μ᾽ Ἑλλήνων στρατός,
ἔχθει δὲ Τροία πᾶσα καὶ πεδία τάδε.
Πότερα πρὸς οἴκους, ναυλόχους λιπὼν ἕδρας 460
μόνους τ᾽ Ἀτρείδας, πέλαγος Αἰγαῖον περῶ;
καὶ ποῖον ὄμμα πατρὶ δηλώσω φανεὶς
Τελαμῶνι; πῶς με τλήσεταί ποτ᾽ εἰσιδεῖν
γυμνὸν φανέντα τῶν ἀριστείων ἄτερ,
ὧν αὐτὸς ἔσχε στέφανον εὐκλείας μέγαν; 465
οὐκ ἔστι τοὔργον τλητόν. Ἀλλὰ δῆτ᾽ ἰὼν
πρὸς ἔρυμα Τρώων, ξυμπεσὼν μόνος μόνοις
καὶ δρῶν τι χρηστόν, εἶτα λοίσθιον θάνω;
ἀλλ᾽ ὧδέ γ᾽ Ἀτρείδας ἂν εὐφράναιμί που.
Οὐκ ἔστι ταῦτα. Πεῖρά τις ζητητέα 470
τοιάδ᾽ ἀφ᾽ ἧς γέροντι δηλώσω πατρὶ
μή τοι φύσιν γ᾽ ἄσπλαγχνος ἐκ κείνου γεγώς.
Αἰσχρὸν γὰρ ἄνδρα τοῦ μακροῦ χρῄζειν βίου,
κακοῖσιν ὅστις μηδὲν ἐξαλλάσσεται.
Τί γὰρ παρ᾽ ἦμαρ ἡμέρα τέρπειν ἔχει 475
προσθεῖσα κἀναθεῖσα τοῦ γε κατθανεῖν;
οὐκ ἂν πριαίμην οὐδενὸς λόγου βροτὸν
ὅστις κεναῖσιν ἐλπίσιν θερμαίνεται·
ἀλλ᾽ ἢ καλῶς ζῆν ἢ καλῶς τεθνηκέναι
τὸν εὐγενῆ χρή. Πάντ᾽ ἀκήκοας λόγον. 480

Χορός

οὐδεὶς ἐρεῖ ποθ᾽ ὡς ὑπόβλητον λόγον,
Αἴας, ἔλεξας, ἀλλὰ τῆς σαυτοῦ φρενός·
παῦσαί γε μέντοι καὶ δὸς ἀνδράσιν φίλοις
γνώμης κρατῆσαι, τάσδε φροντίδας μεθείς.
 

AJAX.

Hélas! qui eût jamais pensé que mon nom (32) convînt si bien à mes malheurs? Je ne puis trop en répéter les lettres douloureuses (33), tant sont grands les maux qui m'accablent ! De cette même terre de l'Ida, où mon père reçut le plus beau prix de la victoire (34), il revint dans sa patrie, couvert d'une gloire sans tache : et moi, son fils, venu sur ce même rivage de Troie, avec un courage digne de lui, je me signale par autant d'exploits, et je meurs ainsi déshonoré parmi les Grecs. Cependant, j'en suis certain, si Achille, de son vivant, eût voulu disposer de ses armes par un jugement, et en faire le prix de la leur, nul autre que moi ne les eût possédées. Mais aujourd'hui les Atrides ont tout fait pour les livrer au plus méchant des hommes, au mépris de ma bravoure, Ah! si mes yeux, si mes sens abusés n'eussent trompé ma volonté, c'eût été là leur dernière injustice (35). Mais au moment où j'allais frapper, une déesse invincible, qui porte l'épouvante, la fille de Jupiter, a égare mon bras, en m'inspirant un affreux délire, et souillé mes mains du sang de ces vils troupeaux. Ils me raillent maintenant d'avoir échappé malgré moi à mes coups; comme si, quand un dieu veut nous nuire, le lâche n'échappait point au plus brave! Que dois-je donc faire à présent, moi visiblement haï des dieux, déteste de l'année des Grecs, en 24 horreur à la ville de Troie et à la contrée tout entière? Irai-je, quittant notre flotte et ces rivages et abandonnant les Atrides, traverser la mer Égée pour retourner dans ma patrie? Et de quel front aborderai-je mon père Télamon? de quel œil me verra-t-il revenir sans gloire, privé des récompenses dont sa valeur fut honorée? Non, je ne puis plus supporter cette idée. Dois-je donc, m'élançant sur les remparts des Troyens, les combattre corps à corps, me signaler par un coup d'éclat, et enfin mourir? Mais ce serait faire la joie des Atrides. Non, ce n'est point ce qu'il faut. Je dois chercher une voie sûre de montrer à mon vieux père que son sang n'a pas dégénéré. Il est honteux pour un homme de désirer une longue vie, quand il ne peut espérer de soulagement à ses maux. Quelle joie en effet peut nous donner un jour ajouté à un autre, en présence de la nécessité de mourir? Je ne fais aucun cas du mortel qui se repaît de vaines espérances; mais vivre ou mourir avec gloire, est le devoir d'un homme de cœur. Telles sont mes maximes.




 

Τέκμησσα

Ὦ δέσποτ᾽ Αἴας, τῆς ἀναγκαίας τύχης 485
οὐκ ἔστιν οὐδὲν μεῖζον ἀνθρώποις κακόν.
Ἐγὼ δ᾽ ἐλευθέρου μὲν ἐξέφυν πατρός,
εἴπερ τινὸς σθένοντος ἐν πλούτῳ Φρυγῶν·
νῦν δ᾽ εἰμὶ δούλη· θεοῖς γὰρ ὧδ᾽ ἔδοξέ που
καὶ σῇ μάλιστα χειρί. Τοιγαροῦν, ἐπεὶ 490
τὸ σὸν λέχος ξυνῆλθον, εὖ φρονῶ τὰ σά,
καί σ᾽ ἀντιάζω πρός τ᾽ ἐφεστίου Διὸς
εὐνῆς τε τῆς σῆς, ᾗ συνηλλάχθης ἐμοί,
μή μ᾽ ἀξιώσῃς βάξιν ἀλγεινὴν λαβεῖν
τῶν σῶν ὑπ᾽ ἐχθρῶν, χειρίαν ἐφείς τινι. 495
ᾟ γὰρ θάνῃς σὺ καὶ τελευτήσας ἀφῇς,
ταύτῃ νόμιζε κἀμὲ τῇ τόθ᾽ ἡμέρᾳ
βίᾳ ξυναρπασθεῖσαν Ἀργείων ὕπο
ξὺν παιδὶ τῷ σῷ δουλίαν ἕξειν τροφήν.
Καί τις πικρὸν πρόσφθεγμα δεσποτῶν ἐρεῖ 500
λόγοις ἰάπτων· ἴδετε τὴν ὁμευνέτιν
Αἴαντος, ὃς μέγιστον ἴσχυσεν στρατοῦ,
οἵας λατρείας ἀνθ᾽ ὅσου ζήλου τρέφει.
Τοιαῦτ᾽ ἐρεῖ τις· κἀμὲ μὲν δαίμων ἐλᾷ,
σοὶ δ᾽ αἰσχρὰ τἄπη ταῦτα καὶ τῷ σῷ γένει. 505
Ἀλλ᾽ αἴδεσαι μὲν πατέρα τὸν σὸν ἐν λυγρῷ
γήρᾳ προλείπων, αἴδεσαι δὲ μητέρα
πολλῶν ἐτῶν κληροῦχον, ἥ σε πολλάκις
θεοῖς ἀρᾶται ζῶντα πρὸς δόμους μολεῖν·
οἴκτιρε δ᾽, ὦναξ, παῖδα τὸν σόν, εἰ νέας 510
τροφῆς στερηθεὶς σοῦ διοίσεται μόνος
ὑπ᾽ ὀρφανιστῶν μὴ φίλων, ὅσον κακὸν
κείνῳ τε κἀμοὶ τοῦθ᾽, ὅταν θάνῃς, νεμεῖς.
Ἐμοὶ γὰρ οὐκέτ᾽ ἔστιν εἰς ὅ τι βλέπω
πλὴν σοῦ. Σὺ γάρ μοι πατρίδ᾽ ᾔστωσας δόρει, 515
καὶ μητέρ᾽ ἄλλη μοῖρα τὸν φύσαντά τε
καθεῖλεν Ἅιδου θανασίμους οἰκήτορας.
Τίς δῆτ᾽ ἐμοὶ γένοιτ᾽ ἂν ἀντὶ σοῦ πατρίς;
τίς πλοῦτος; ἐν σοὶ πᾶσ᾽ ἔγωγε σῴζομαι.
Ἀλλ᾽ ἴσχε κἀμοῦ μνῆστιν· ἀνδρί τοι χρεὼν 520
μνήμην προσεῖναι, τερπνὸν εἴ τί που πάθοι.
Χάρις χάριν γάρ ἐστιν ἡ τίκτουσ᾽ ἀεί·
ὅτου δ᾽ ἀπορρεῖ μνῆστις εὖ πεπονθότος,
οὐκ ἂν γένοιτ᾽ ἔθ᾽ οὗτος εὐγενὴς ἀνήρ.

Χορός

Αἴας, ἔχειν σ᾽ ἂν οἶκτον ὡς κἀγὼ φρενὶ 525
θέλοιμ᾽ ἄν· αἰνοίης γὰρ ἂν τὰ τῆσδ᾽ ἔπη.

Αἴας

καὶ κάρτ᾽ ἐπαίνου τεύξεται πρὸς γοῦν ἐμοῦ,
ἐὰν μόνον τὸ ταχθὲν εὖ τολμᾷ τελεῖν.

Τέκμησσα

Ἀλλ᾽ ὦ φίλ᾽ Αἴας, πάντ᾽ ἔγωγε πείσομαι.

Αἴας

Κόμιζέ νύν μοι παῖδα τὸν ἐμόν, ὡς ἴδω. 530

Τέκμησσα

Καὶ μὴν φόβοισί γ᾽ αὐτὸν ἐξελυσάμην.

Αἴας

Ἐν τοῖσδε τοῖς κακοῖσιν; ἢ τί μοι λέγεις;

Τέκμησσα

Μὴ σοί γέ που δύστηνος ἀντήσας θάνοι.

Αἴας

Πρέπον γέ τἂν ἦν δαίμονος τοὐμοῦ τόδε.

Τέκμησσα

Ἀλλ᾽ οὖν ἐγὼ ᾽φύλαξα τοῦτό γ᾽ ἀρκέσαι. 535

Αἴας

Ἐπῄνεσ᾽ ἔργον καὶ πρόνοιαν ἣν ἔθου.

Τέκμησσα

Τί δῆτ᾽ ἂν ὡς ἐκ τῶνδ᾽ ἂν ὠφελοῖμί σε;

Αἴας

Δός μοι προσειπεῖν αὐτὸν ἐμφανῆ τ᾽ ἰδεῖν.

Τέκμησσα

Καὶ μὴν πέλας γε προσπόλοις φυλάσσεται.

Αἴας

Τί δῆτα μέλλει μὴ οὐ παρουσίαν ἔχειν; 540

Τέκμησσα

Ἦ παῖ, πατὴρ καλεῖ σε. δεῦρο προσπόλων
ἄγ᾽ αὐτὸν ὅσπερ χερσὶν εὐθύνων κυρεῖς.

Αἴας

Ἕρποντι φωνεῖς ἢ λελειμμένῳ λόγων;

Τέκμησσα

Καὶ δὴ κομίζει προσπόλων ὅδ᾽ ἐγγύθεν.
 

LE CHOEUR.

Personne, Ajax, ne dira jamais que ce langage ne soit sincère et qu'il ne parte du fond de ton cœur. Calme-toi, cependant, laisse ces pensées funestes, et livre-toi aux conseils de tes amis.

TECMESSE.

Ajax, ô mon maître! il n'est pas de plus grand mal pour les hommes que la servitude. J'étais née d'un père libre et distingué entre tous les Phrygiens par ses richesses, et aujourd'hui je suis esclave ; les dieux, et surtout ton bras, l'ont ainsi décidé. Aussi, depuis le moment où je suis entrée dans ta couche, je n'ai eu de pensée que pour toi ; je te conjure donc, au nom de Jupiter, protecteur du foyer domestique, par ce lit qui t'unit à moi, ne me laisse pas devenir la fable et le jouet de tes ennemis, et passer en d'autres mains. Car si tu meurs, si par ta mort tu m'abandonnes, songe que ce jour-là même, victime de la violence des Grecs, je serai réduite en escla- 25 vage avec ton fils. Et bientôt un de ces nouveaux maîtres m'insultera par des paroles amères : « Voyez (36), dira-t-il, l'épouse d'Ajax, qui fut le plus vaillant des Grecs; contre quelle servitude elle a échangé un sort digne d'envie ! » Voilà ce qu'on dira ; et moi je serai la proie d'un sort fatal, mais la honte de ces paroles rejaillira sur toi et sur ta race. Ah! songe à ton malheureux père, que tu abandonnes dans sa triste vieillesse; songe à une mère chargée d'années, qui invoque sans cesse les dieux pour ta vie et ton retour dans ses foyers; prends aussi pitié de ton fils; si, privé de l'éducation de sa jeunesse où ta mort le laissera, il est dans l'abandon, livré à des tuteurs ennemis, songe quelle misère tu nous prépares à tous deux, en mourant. Pour moi, je n'ai plus d'autre asile que toi. Car tu as ruiné ma patrie par tes armes; quant à ma mère et à mon père, victimes d'un autre destin, ils sont descendus au séjour infernal des morts (37). Ai-je une autre patrie, une autre fortune que toi? En toi seul est tout mon salut. Eh bien, conserve de moi quelque souvenir; l'homme ne doit point oublier ce qui a pu lui plaire (38). Car un bienfait en engendre toujours un autre ; mais celui qui perd la mémoire du bien qu'on lui a fait ne saurait être un cœur généreux.

LE CHOEUR.

Ajax, je voudrais voir ton cœur saisi de la même compassion que moi, tu louerais alors ses paroles.

AJAX.

Elle peut compter sur mes éloges, si elle ose exécuter mes ordres.

26 TECMESSE.

Ah ! cher Ajax, je t'obérai en toutes choses.

AJAX.

Amène-moi mon fils, que je le voie,

TECMESSE.

Dans ma frayeur, je l'ai éloigné,

AJAX.

Était-ce pendant mon délire, ou par quelque autre motif?

TECMESSE,

Je craignais d'exposer le malheureux à la mort, s'il s'offrait à ta vue.

AJAX.

C'eût été un trait digne de ma fureur.

TECMESSE.

C'est pour l'en préserver que j'ai pris ces précautions,

AJAX.

J'approuve ta conduite et ta prudence,

TECMESSE.

En quoi donc maintenant puisse te satisfaire?

AJAX.

Fais en sorte que je le voie et que je lui parle.

TECMESSE.

Il est près d'ici, sous la garde de serviteurs fidèles.

AJAX.

Eh bien, que tarde-t-il à paraître?

TECMESSE.

Viens, mon fils, ton père t'appelle. Amène-le ici, toi dont les soins veillent sur lui.

AJAX.

Vient-il, ou ne t'aurait-il pas entendue?

TECMESSE.

Voici ce serviteur qui l'amène.




 

  Αἴας

Αἶρ᾽ αὐτόν, αἶρε δεῦρο· ταρβήσει γὰρ οὒ 545
νεοσφαγῆ που τόνδε προσλεύσσων φόνον,
εἴπερ δικαίως ἔστ᾽ ἐμὸς τὰ πατρόθεν.
Ἀλλ᾽ αὐτίκ᾽ ὠμοῖς αὐτὸν ἐν νόμοις πατρὸς
δεῖ πωλοδαμνεῖν κἀξομοιοῦσθαι φύσιν.
Ὦ παῖ, γένοιο πατρὸς εὐτυχέστερος, 550
τὰ δ᾽ ἄλλ᾽ ὅμοιος· καὶ γένοι᾽ ἂν οὐ κακός.
Καίτοι σε καὶ νῦν τοῦτό γε ζηλοῦν ἔχω,
ὁθούνεκ᾽ οὐδὲν τῶνδ᾽ ἐπαισθάνει κακῶν·
ἐν τῷ φρονεῖν γὰρ μηδὲν ἥδιστος βίος,
[τὸ μὴ φρονεῖν γὰρ κάρτ᾽ ἀνώδυνον κακόν] 555
ἕως τὸ χαίρειν καὶ τὸ λυπεῖσθαι μάθῃς.
Ὅταν δ᾽ ἵκῃ πρὸς τοῦτο, δεῖ σ᾽ ὅπως πατρὸς
δείξεις ἐν ἐχθροῖς, οἷος ἐξ οἵου ᾽τράφης.
Τέως δὲ κούφοις πνεύμασιν βόσκου, νέαν
ψυχὴν ἀτάλλων, μητρὶ τῇδε χαρμονήν.
Οὔτοι σ᾽ Ἀχαιῶν, οἶδα, μή τις ὑβρίσῃ 560
στυγναῖσι λώβαις, οὐδὲ χωρὶς ὄντ᾽ ἐμοῦ.
Τοῖον πυλωρὸν φύλακα Τεῦκρον ἀμφί σοι
λείψω τροφῆ τ᾽ ἄοκνον ἔμπα, κεἰ τανῦν
τηλωπὸς οἰχνεῖ, δυσμενῶν θήραν ἔχων.
Ἀλλ᾽, ἄνδρες ἀσπιστῆρες, ἐνάλιος λεώς, 565
ὑμῖν τε κοινὴν τήνδ᾽ ἐπισκήπτω χάριν,
κείνῳ τ᾽ ἐμὴν ἀγγείλατ᾽ ἐντολήν, ὅπως
τὸν παῖδα τόνδε πρὸς δόμους ἐμοὺς ἄγων
Τελαμῶνι δείξει μητρί τ᾽, Ἐριβοίᾳ λέγω,
ὥς σφιν γένηται γηροβοσκὸς εἰσαεί, 570
[μέχρις οὗ μυχοὺς κίχωσι τοῦ κάτω θεοῦ],
καὶ τἀμὰ τεύχη μήτ᾽ ἀγωνάρχαι τινὲς
θήσουσ᾽ Ἀχαιοῖς μήθ᾽ ὁ λυμεὼν ἐμός.
Ἀλλ᾽ αὐτό μοι σύ, παῖ, λαβὼν ἐπώνυμον,
Εὐρύσακες, ἴσχε διὰ πολυρράφου στρέφων 575
πόρπακος, ἑπτάβοιον ἄρρηκτον σάκος·
τὰ δ᾽ ἄλλα τεύχη κοίν᾽ ἐμοὶ τεθάψεται.
Ἀλλ᾽ ὡς τάχος τὸν παῖδα τόνδ᾽ ἤδη δέχου
καὶ δῶμα πάκτου, μηδ᾽ ἐπισκήνους γόους
δάκρυε· κάρτα τοι φιλοίκτιστον γυνή. 580
Πύκαζε θᾶσσον· οὐ πρὸς ἰατροῦ σοφοῦ
θρηνεῖν ἐπῳδὰς πρὸς τομῶντι πήματι.

Χορός

Δέδοικ᾽ ἀκούων τήνδε τὴν προθυμίαν·
οὐ γάρ μ᾽ ἀρέσκει γλῶσσά σου τεθηγμένη.

Τέκμησσα

Ὦ δέσποτ᾽ Αἴας, τί ποτε δρασείεις φρενί; 585

Αἴας

Μὴ κρῖνε, μὴ ᾽ξέταζε· σωφρονεῖν καλόν.

Τέκμησσα

Οἴμ᾽ ὡς ἀθυμῶ· καί σε πρὸς τοῦ σοῦ τέκνου
καὶ θεῶν ἱκνοῦμαι, μὴ προδοὺς ἡμᾶς γένῃ.

Αἴας

Ἅγαν γε λυπεῖς· οὐ κάτοισθ᾽ ἐγὼ θεοῖς
ὡς οὐδὲν ἀρκεῖν εἴμ᾽ ὀφειλέτης ἔτι; 590

Τέκμησσα

Εὔφημα φώνει.

Αἴας

-- Τοῖς ἀκούουσιν λέγε.

Τέκμησσα

Σὺ δ᾽ οὐχὶ πείσει;

Αἴας

-- Πόλλ᾽ ἄγαν ἤδη θροεῖς.

Τέκμησσα

Ταρβῶ γάρ, ὦναξ.

Αἴας

-- Οὐ ξυνέρξεθ᾽ ὡς τάχος;

Τέκμησσα

Πρὸς θεῶν, μαλάσσου.

Αἴας

-- Μῶρά μοι δοκεῖς φρονεῖν,
εἰ τοὐμὸν ἦθος ἄρτι παιδεύειν νοεῖς.
 

AJAX.

Approche-le de moi, approche-le ici. Ces traces récentes de carnage n'effraieront pas ses regards, s'il est vraiment mon fils. Il faut le former de bonne heure à 27 l'âpreté des moeurs de sort père, et que son caractère lui ressemble. O mon fils (39), sois plus heureux que ton père ; pour tout le reste ressemble-lui, et tu ne seras pas un homme méprisable. Que dis-je? dès ce moment, je puis te porter envie, puisque tu ne sens aucun de ces maux. Ignorer est en effet le bonheur de la vie, jusqu'à ce que tu aies appris à jouir et à souffrir. Mais une fois arrivé à cet âge, songe à montrer aux ennemis de ton père qui tu es, et de quel sang tu as reçu l'être. Jusqu'alors, nourrie à la douce haleine des zéphyrs, que ta jeune âme croisse en paix pour les délices de ta mère. Non, ne crains pas que, même séparé de moi, aucun Grec t'insulte par des outrages. Je laisserai près de toi un gardien fidèle, Teucer, dont les soins veilleront sur ton enfance, quoiqu'à présent, il soit bien loin de ces lieux, occupé à poursuivie l'ennemi. Mais vous, guerriers, braves matelots, je vous demande à tous ce service, annoncez à Teucer mes derniers vœux; qu'il conduise cet enfant dans mes foyers, qu'il le montre à Télamon, et à Éribée, ma mère, pour être à jamais l'appui de leur vieillesse (jusqu'à ce qu'ils descendent au séjour des morts (40)). Quant à mes armes, je ne veux point qu'elles soient disputées par les Grecs ni par l'auteur de mes maux. Toi seul, ô mon fils, prends ce bouclier immense, impénétrable, et recouvert de sept peaux, auquel tu dois ton nom (41); garde-le, en le maniant par la poignée couverte de lanières repliées : le reste de 28  mon armure sera enseveli avec moi. Allons, prends vite cet enfant, ferme les portes, et ne fais pas retentir la tente de tes gémissements. Les femmes se plaisent aux lamentations. Ferme au plus tôt les portes : un habile médecin ne cherche pas à calmer par des paroles enchantées (42) les maux qu'il faut guérir avec le fer.

LE CHOEUR.

Un tel empressement me saisit de crainte; tes paroles menaçantes m'affligent (43).

TECMESSE.

Ajax, ô mon maître! quel projet médite ton cœur?

AJAX.

Ne cherche point à le pénétrer, ne m'interroge pas. La réserve est une vertu.

TECMESSE.

Hélas ! je perds courage! Je t'en conjure au nom de ton fils, au nom des dieux, ne nous abandonne pas.

AJAX.

Tes prières m'importunent. Ignores-tu que je n'ai plus d'obligations envers les dieux ?

TECMESSE

Ne blasphème pas.

AJAX.

Je n'écoute plus rien.

TECMESSE.

Seras-tu inflexible?

AJAX.

Tu me fatigues de tes cris.

TECMESSE.

C'est que je tremble pour toi.

AJAX.

Qu'on l'emmène à l'instant.

TECMESSE.

Au nom des dieux, laisse-toi fléchir.

AJAX.

Tu me parais insensée, si tu crois pouvoir à présent réformer mon caractère  (44).

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  Χορός

Ὦ κλεινὰ Σαλαμίς, σὺ μέν που
ναίεις ἁλίπλακτος, εὐδαίμων,
πᾶσιν περίφαντος ἀεί·
ἐγὼ δ᾽ ὁ τλάμων παλαιὸς ἀφ᾽ οὗ χρόνος 600
Ἰδαῖα μίμνων λειμώνι᾽ ἔπαυλα μηνῶν
ἀνήριθμος αἰὲν εὐνῶμαι
χρόνῳ τρυχόμενος, 605
κακὰν ἐλπίδ᾽ ἔχων
ἔτι μέ ποτ᾽ ἀνύσειν
τὸν ἀπότροπον ἀΐδηλον Ἅιδαν.

Καί μοι δυσθεράπευτος Αἴας
ξύνεστιν ἔφεδρος, ὤμοι μοι, 610
θείᾳ μανίᾳ ξύναυλος·
ὃν ἐξεπέμψω πρὶν δή ποτε θουρίῳ
κρατοῦντ᾽ ἐν Ἄρει· νῦν δ᾽ αὖ φρενὸς οἰοβώτας
φίλοις μέγα πένθος ηὕρηται. 615
Τὰ πρὶν δ᾽ ἔργα χεροῖν
μεγίστας ἀρετᾶς
ἄφιλα παρ᾽ ἀφίλοις 620
ἔπεσ᾽ ἔπεσε μελέοις Ἀτρείδαις.

Ἦ που παλαιᾷ μὲν σύντροφος ἁμέρᾳ,
λευκῷ δὲ γήρᾳ μάτηρ νιν ὅταν νοσοῦντα 625
φρενομόρως ἀκούσῃ,
αἴλινον αἴλινον
οὐδ᾽ οἰκτρᾶς γόον ὄρνιθος ἀηδοῦς
ἥσει δύσμορος, ἀλλ᾽ ὀξυτόνους μὲν ᾠδὰς 630
θρηνήσει, χερόπλακτοι δ᾽
ἐν στέρνοισι πεσοῦνται
δοῦποι καὶ πολιᾶς ἄμυγμα χαίτας.

Κρείσσων παρ᾽ Ἅιδᾳ κεύθων ὁ νοσῶν μάταν, 635
ὃς ἐκ πατρῴας ἥκων γενεᾶς ἄριστος
πολυπόνων Ἀχαιῶν,
οὐκέτι συντρόφοις
ὀργαῖς ἔμπεδος, ἀλλ᾽ ἐκτὸς ὁμιλεῖ. 640
Ὦ τλᾶμον πάτερ, οἵαν σε μένει πυθέσθαι
παιδὸς δύσφορον ἄταν,
ἃν οὔπω τις ἔθρεψεν
δίων Αἰακιδᾶν ἄτερθε τοῦδε. 645

Αἴας

ἅπανθ᾽ ὁ μακρὸς κἀναρίθμητος χρόνος
φύει τ᾽ ἄδηλα καὶ φανέντα κρύπτεται·
κοὐκ ἔστ᾽ ἄελπτον οὐδέν, ἀλλ᾽ ἁλίσκεται
χὠ δεινὸς ὅρκος χαἰ περισκελεῖς φρένες.
Κἀγὼ γάρ, ὃς τὰ δείν᾽ ἐκαρτέρουν τότε, 650
βαφῇ σίδηρος ὣς ἐθηλύνθην στόμα
πρὸς τῆσδε τῆς γυναικός· οἰκτίρω δέ νιν
χήραν παρ᾽ ἐχθροῖς παῖδά τ᾽ ὀρφανὸν λιπεῖν.
Ἀλλ᾽ εἶμι πρός τε λουτρὰ καὶ παρακτίους
λειμῶνας, ὡς ἂν λύμαθ᾽ ἁγνίσας ἐμὰ 655
μῆνιν βαρεῖαν ἐξαλύξωμαι θεᾶς·
μολών τε χῶρον ἔνθ᾽ ἂν ἀστιβῆ κίχω,
κρύψω τόδ᾽ ἔγχος τοὐμόν, ἔχθιστον βελῶν,
γαίας ὀρύξας ἔνθα μή τις ὄψεται·
ἀλλ᾽ αὐτὸ νὺξ Ἅιδης τε σῳζόντων κάτω. 660
Ἐγὼ γὰρ ἐξ οὗ χειρὶ τοῦτ᾽ ἐδεξάμην
παρ᾽ Ἕκτορος δώρημα δυσμενεστάτου,
οὔπω τι κεδνὸν ἔσχον Ἀργείων πάρα.
Ἀλλ᾽ ἔστ᾽ ἀληθὴς ἡ βροτῶν παροιμία,
ἐχθρῶν ἄδωρα δῶρα κοὐκ ὀνήσιμα. 665
Τοιγὰρ τὸ λοιπὸν εἰσόμεσθα μὲν θεοῖς
εἴκειν, μαθησόμεσθα δ᾽ Ἀτρείδας σέβειν.
Ἄρχοντές εἰσιν, ὥσθ᾽ ὑπεικτέον. Τί μήν;
Καὶ γὰρ τὰ δεινὰ καὶ τὰ καρτερώτατα
ἕτοιμ᾽ ὑπείκει· τοῦτο μὲν νιφοστιβεῖς 670
χειμῶνες ἐκχωροῦσιν εὐκάρπῳ θέρει·
ἐξίσταται δὲ νυκτὸς αἰανὴς κύκλος
τῇ λευκοπώλῳ φέγγος ἡμέρᾳ φλέγειν·
δεινῶν τ᾽ ἄημα πνευμάτων ἐκοίμισε
στένοντα πόντον· ἐν δ᾽ ὁ παγκρατὴς ὕπνος 675
λύει πεδήσας, οὐδ᾽ ἀεὶ λαβὼν ἔχει.
Ἡμεῖς δὲ πῶς οὐ γνωσόμεσθα σωφρονεῖν;
ἔγωγ᾽· ἐπίσταμαι γὰρ ἀρτίως ὅτι
ὅ τ᾽ ἐχθρὸς ἡμῖν ἐς τοσόνδ᾽ ἐχθαρτέος,
ὡς καὶ φιλήσων αὖθις, ἔς τε τὸν φίλον 680
τοσαῦθ᾽ ὑπουργῶν ὠφελεῖν βουλήσομαι,
ὡς αἰὲν οὐ μενοῦντα· τοῖς πολλοῖσι γὰρ
βροτῶν ἄπιστός ἐσθ᾽ ἑταιρείας λιμήν.
Ἀλλ᾽ ἀμφὶ μὲν τούτοισιν εὖ σχήσει· σὺ δὲ
ἔσω θεοῖς ἐλθοῦσα διὰ τάχους, γύναι, 685
εὔχου τελεῖσθαι τοὐμὸν ὧν ἐρᾷ κέαρ.
Ὑμεῖς δ᾽, ἑταῖροι, ταὐτὰ τῇδέ μοι τάδε
τιμᾶτε, Τεύκρῳ τ᾽, ἢν μόλῃ, σημήνατε
μέλειν μὲν ἡμῶν, εὐνοεῖν δ᾽ ὑμῖν ἅμα.
Ἐγὼ γὰρ εἶμ᾽ ἐκεῖσ᾽ ὅποι πορευτέον· 690
ὑμεῖς δ᾽ ἃ φράζω δρᾶτε, καὶ τάχ᾽ ἄν μ᾽ ἴσως
πύθοισθε, κεἰ νῦν δυστυχῶ, σεσωσμένον.
 

LE CHOEUR.

(Strophe 1.) Illustre Salamine, tu résides au milieu des mers, toujours heureuse et environnée de gloire; et moi, malheureux, voilà bien longtemps que j'attends la conquête des champs par le cours de l'Ida, sans honneur, continuellement tout flétri par le cours invariable des années, gardant encore la triste espérance de descendre un jour à l'odieux et ténébreux séjour de Pluton...

(Antistrophe 1.) A mes douleurs se joignent celles d'Ajax (45), frappé d'un mai sans remède, hélas! en proie à un délire envoyé par les dieux ; celui que tu envoyas jadis vainqueur dans les combats de Mars, privé maintenant de sa raison, est pour ses amis un sujet de deuil; les anciens exploits de sa valeur, accomplis par ses mains vaillantes, n'ont rencontré que l'ingratitude et l'oubli des ingrats Atrides.

(Strophe 2.) Ah! certes, sa mère, chargée d'années et blanchie par l'âge, quand elle apprendra le malheur de son fils et l'égarement de sa raison, ce ne seront ni de doux gémissements ni les accents plaintifs du rossignol que l'infortunée fera entendre, mais elle éclatera en cris perçants et lamentables; elle se frappera la poitrine de coups redoublés et arrachera ses cheveux blancs.

(Antistrophe 2.) Plus heureux serait Ajax caché dans la nuit infernale, troublé par un incurable délire; lui qui, issu d'une race illustre entre les héros grecs, au 30 lieu de rester fidèle à ses moeurs, a tout à coup changé de caractère. Ô malheureux père! quelle affreuse destinée de ton fils il te reste à apprendre! Jamais, avant lui, la race des Éacides n'en avait subi de pareille.

AJAX.

Oui, le temps, dans son cours immense, révèle ce qui était caché, et dérobe ce qui paraissait au jour; rien ne lui est impossible, il surprend en faute même la religion du serment et la rigueur des âmes inflexibles. Moi, en effet, qui longtemps m'étais endurci par l'obstination, comme le fer par la trempe, je me sens attendrir aux discours de cette femme, j'ai pitié de là laisser veuve parmi mes ennemis avec un fils orphelin. Mais je vais au rivage qui borde la prairie, pour purifier mes souillures par un bain, et apaiser la colère redoutable de la déesse ; puis, je chercherai quelque lieu désert et j'y cacherai mon épée, cette arme qui me fut si funeste, dans le sein de la terre, loin de tous les regards; puissent la nuit et les enfers la garder à jamais dans leurs entrailles! Car depuis le jour où le terrible Hector me fit ce funeste présent  (46), je n'ai reçu des Grecs que des outrages : tant est vrai cet adage, que les dons d'un ennemi ne sont point dus dons et n'ont rien que de fatal (47). Désormais donc je saurai céder aux dieux, et j'apprendrai à vénérer (48) les Atrides. lié sont les chefs, il faut donc leur obéir. Et peut-il en être autrement? partout, en effet, la force et la vigueur cèdent au rang; ainsi les frimas de l'hiver se retirent à l'approche de l'été fertile; le char obscur de la nuit s'éloigne pour laisser briller l'astre éclatant du 31 jour; les vents, quand leur fureur s'apaise, calment à leur tour la mer mugissante; et le sommeil, maître du monde, relâche ses chaînes et ne nous tient pas continuellement sous ses lois. Et nous, ne saurons-nous donc pas modérer nos passions? Pour moi, je le saurai, j'ai appris tout récemment qu'il fallait haïr notre ennemi, comme s'il pouvait nous aimer un jour, je veux à mon tour aimer et servir mon ami comme s'il pouvait cesser de l'être (49): en effet, pour la plupart des hommes, le port de l'amitié n'a rien de sûr, Mais, à cet égard, tout ira bien; toi, femme, rentre, et prie soigneusement les dieux d'accomplir les vœux de mon cœur. Vous, compagnons, donnez-moi les mêmes marques d'affection, et quand Teucer sera venu, dites-lui de se souvenir de moi et de vous montrer une égale bienveillance. Pour moi, je vais où je dois aller; vous, faites ce que je vous demande, et bientôt peut-être apprendrez-vous que, malgré le malheur qui m'accable à présent, je suis sauvé (50).

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Χορός

Ἔφριξ᾽ ἔρωτι, περιχαρὴς δ᾽ ἀνεπτόμαν.
Ἰὼ ἰὼ Πὰν Πάν,
ὦ Πὰν Πὰν ἁλίπλαγκτε, Κυλλανίας χιονοκτύπου 695
πετραίας ἀπὸ δειράδος φάνηθ᾽, ὦ
θεῶν χοροποί᾽ ἄναξ, ὅπως μοι
Νύσια Κνώσι᾽ ὀρχήματ᾽ αὐτοδαῆ ξυνὼν ἰάψῃς· 700
νῦν γὰρ ἐμοὶ μέλει χορεῦσαι.
Ἰκαρίων δ᾽ ὑπὲρ πελαγέων μολὼν ἄναξ Ἀπόλλων
ὁ Δάλιος εὔγνωστος 705
ἐμοὶ ξυνείη διὰ παντὸς εὔφρων.
Ἔλυσεν αἰνὸν ἄχος ἀπ᾽ ὀμμάτων Ἄρης.
Ἰὼ ἰώ, νῦν αὖ,
νῦν, ὦ Ζεῦ, πάρα λευκὸν εὐάμερον πελάσαι φάος
θοᾶν ὠκυάλων νεῶν, ὅτ᾽ Αἴας 710
λαθίπονος πάλιν, θεῶν δ᾽ αὖ
πάνθυτα θέσμι᾽ ἐξήνυσ᾽ εὐνομίᾳ σέβων μεγίστᾳ.
Πάνθ᾽ ὁ μέγας χρόνος μαραίνει,
κοὐδὲν ἀναύδατον φατίσαιμ᾽ ἄν, εὖτέ γ᾽ ἐξ ἀέλπτων 715
Αἴας μετανεγνώσθη
θυμοῦ τ᾽ Ἀτρείδαις μεγάλων τε νεικέων.

LE CHOEUR.

(Strophe.) J'ai tressailli de plaisir, et je vole sur les ailes de la joie. Ô Pan! ô Pan! qui parcours les mers du sommet des roches du Cyllène (51) couvert de neiges, apparais-nous, toi qui présides aux danses des dieux, viens figurer avec nous celles de Nysa et de Gnosse (52), qu'un instinct naturel t'a enseignées ! car à présent je veux figurer des danses. Qu'Apollon, roi de Délos, franchisse la 32 mer d'Icare, vienne se meîer à nous et me soit toujours propice.

(Antistrophe.) Mars a dissipé le délire funeste qui voilait les regards d'Ajax. Maintenant encore, maintenant luit un jour pur et brillant, ô Jupiter! qui nous permet d'approcher des vaisseaux rapides, depuis qu'Ajax, oubliant ses douleurs, a rendu aux dieux avec un soin religieux les honneurs qui leur sont dus. Le temps vient à bout de tout, et rien ne peut plus me paraître incroyable, puisque Ajax a renoncé aux terribles querelles et à son ressentiment implacable contre les Atrides.

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  Ἄγγελος

Ἄνδρες φίλοι, τὸ πρῶτον ἀγγεῖλαι θέλω·
Τεῦκρος πάρεστιν ἄρτι Μυσίων ἀπὸ 720
κρημνῶν· μέσον δὲ προσμολὼν στρατήγιον
κυδάζεται τοῖς πᾶσιν Ἀργείοις ὁμοῦ.
Στείχοντα γὰρ πρόσωθεν αὐτὸν ἐν κύκλῳ
μαθόντες ἀμφέστησαν, εἶτ᾽ ὀνείδεσιν
ἤρασσον ἔνθεν κἄνθεν οὔτις ἔσθ᾽ ὃς οὔ, 725
τὸν τοῦ μανέντος κἀπιβουλευτοῦ στρατοῦ
ξύναιμον ἀποκαλοῦντες, ὡς οὐκ ἀρκέσοι
τὸ μὴ οὐ πέτροισι πᾶς καταξανθεὶς θανεῖν·
ὥστ᾽ εἰς τοσοῦτον ἦλθον ὥστε καὶ χεροῖν
κολεῶν ἐρυστὰ διεπεραιώθη ξίφη. 730
Λήγει δ᾽ ἔρις δραμοῦσα τοῦ προσωτάτω
ἀνδρῶν γερόντων ἐν ξυναλλαγῇ λόγου.
Ἀλλ᾽ ἡμὶν Αἴας ποῦ ᾽στιν, ὡς φράσω τάδε;
τοῖς κυρίοις γὰρ πάντα χρὴ δηλοῦν λόγον.

Χορός

Οὐκ ἔνδον, ἀλλὰ φροῦδος ἀρτίως, νέας 735
βουλὰς νέοισιν ἐγκαταζεύξας τρόποις.

Ἄγγελος

Ἰοὺ ἰού·
βραδεῖαν ἡμᾶς ἆρ᾽ ὁ τήνδε τὴν ὁδὸν
πέμπων ἔπεμψεν ἢ ᾽φάνην ἐγὼ βραδύς.

Χορός

Τί δ᾽ ἐστὶ χρείας τῆσδ᾽ ὑπεσπανισμένον; 740

Ἄγγελος

Τὸν ἄνδρ᾽ ἀπηύδα Τεῦκρος ἔνδοθεν στέγης
μὴ ᾽ξω παρήκειν, πρὶν παρὼν αὐτὸς τύχῃ.

Χορός

Ἀλλ᾽ οἴχεταί τοι, πρὸς τὸ κέρδιστον τραπεὶς
γνώμης, θεοῖσιν ὡς καταλλαχθῇ χόλου.

Ἄγγελος

Ταῦτ᾽ ἐστὶ τἄπη μωρίας πολλῆς πλέα, 745
εἴπερ τι Κάλχας εὖ φρονῶν μαντεύεται.

Χορός

Ποῖον; Τί δ᾽ εἰδὼς τοῦδε πράγματος πάρει;

Ἄγγελος

Τοσοῦτον οἶδα καὶ παρὼν ἐτύγχανον.
Ἐκ γὰρ συνέδρου καὶ τυραννικοῦ κύκλου
Κάλχας μεταστὰς οἶος Ἀτρειδῶν δίχα, 750
εἰς χεῖρα Τεύκρου δεξιὰν φιλοφρόνως
θεὶς εἶπε κἀπέσκηψε, παντοίᾳ τέχνῃ
εἶρξαι κατ᾽ ἦμαρ τοὐμφανὲς τὸ νῦν τόδε
Αἴανθ᾽ ὑπὸ σκηναῖσι μηδ᾽ ἀφέντ᾽ ἐᾶν,
εἰ ζῶντ᾽ ἐκεῖνον εἰσιδεῖν θέλοι ποτέ. 755
Ἐλᾷ γὰρ αὐτὸν τῇδε θἠμέρᾳ μόνῃ
δίας Ἀθάνας μῆνις, ὡς ἔφη λέγων.
Τὰ γὰρ περισσὰ κἀνόνητα σώματα
πίπτειν βαρείαις πρὸς θεῶν δυσπραξίαις
ἔφασχ᾽ ὁ μάντις, ὅστις ἀνθρώπου φύσιν 760
βλαστὼν ἔπειτα μὴ κατ᾽ ἄνθρωπον φρονῇ.
Κεῖνος δ᾽ ἀπ᾽ οἴκων εὐθὺς ἐξορμώμενος
ἄνους καλῶς λέγοντος ηὑρέθη πατρός.
Ὁ μὲν γὰρ αὐτὸν ἐννέπει· τέκνον, δόρει
βούλου κρατεῖν μέν, σὺν θεῷ δ᾽ ἀεὶ κρατεῖν. 765
Ὁ δ᾽ ὑψικόμπως κἀφρόνως ἠμείψατο·
πάτερ, θεοῖς μὲν κἂν ὁ μηδὲν ὢν ὁμοῦ
κράτος κατακτήσαιτ᾽· ἐγὼ δὲ καὶ δίχα
κείνων πέποιθα τοῦτ᾽ ἐπισπάσειν κλέος.
Τοσόνδ᾽ ἐκόμπει μῦθον. Εἶτα δεύτερον 770
δίας Ἀθάνας, ἡνίκ᾽ ὀτρύνουσά νιν
ηὐδᾶτ᾽ ἐπ᾽ ἐχθροῖς χεῖρα φοινίαν τρέπειν,
τότ᾽ ἀντιφωνεῖ δεινὸν ἄρρητόν τ᾽ ἔπος·
ἄνασσα, τοῖς ἄλλοισιν Ἀργείων πέλας
ἵστω, καθ᾽ ἡμᾶς δ᾽ οὔποτ᾽ ἐκρήξει μάχη. 775
Τοιοῖσδέ τοι λόγοισιν ἀστεργῆ θεᾶς
ἐκτήσατ᾽ ὀργήν, οὐ κατ᾽ ἄνθρωπον φρονῶν.
Ἀλλ᾽ εἴπερ ἔστι τῇδε θἠμέρᾳ, τάχ᾽ ἂν
γενοίμεθ᾽ αὐτοῦ σὺν θεῷ σωτήριοι.
Τοσαῦθ᾽ ὁ μάντις εἶφ᾽· ὁ δ᾽ εὐθὺς ἐξ ἕδρας 780
πέμπει με σοὶ φέροντα τάσδ᾽ ἐπιστολὰς
Τεῦκρος φυλάσσειν. Εἰ δ᾽ ἀπεστερήμεθα,
οὐκ ἔστιν ἁνὴρ κεῖνος, εἰ Κάλχας σοφός.

Χορός

Ὦ δαΐα Τέκμησσα, δύσμορον γένος,
ὅρα μολοῦσα τόνδ᾽ ὁποῖ᾽ ἔπη θροεῖ· 785
ξυρεῖ γὰρ ἐν χρῷ τοῦτο μὴ χαίρειν τινά.
 

UN MESSAGER.

Amis, je veux vous apprendre une nouvelle; Teucer arrive à l'instant des montagnes de la Mysie (53) ; et à peine était-il au milieu du camp, qu'il est outragé par tous les Grecs à la fois. Du plus loin qu'ιλs le virent s'avancer, ils l'entourèrent de tous les côtés et l'accablèrent d'injures, à l'envi, l'appelant le frère d'un furieux, conjuré contre l'armée, et disant que rien ne pourrait les empêcher de l'écraser sous une grêle de pierres. Enfin ils en vinrent jusqu'à tirer les épées hors du fourreau. Cependant la discorde, arrivée au comble de la fureur, s'arrêta, calmée par les paroles et l'intervention des vieillards. Mais où est Ajax, pour que je lui fasse ce récit à lui-même? car il faut tout révéler à ses maîtres.

LE CHŒUR.

Il n'est point dans sa tente; mais il vient dé sortir, occupé de nouvelles pensées, conformes à son nouveau caractère.

LE MESSAGER.

Hélas! hélas! c'est trop tard que l'on m'a envoyé, ou je suis venu trop lentement.

LE CHOEUR.

Qu'a-t-on négligé de ce qu'il fallait faire?

33 LE MESSAGER.

Teucer ne voulait point qu'Ajax sortît de sa tente avant que lui-même ne fût arrivé.

LE CHOEUR.

Mais il est sorti dans les intentions les plus sages, afin d'apaiser la colère des dieux.

LE MESSAGER.

Ce sont là des paroles pleines de folie, si la prophétie de Calchas est véritable (54) !

LE CHŒUR.

Quelle est-elle? que sait-il donc là-dessus?

LE MESSAGER.

Voici ce que j'ai su, et dont moi-même j'ai été témoin. Calchas, sortant de l'assemblée des rois, et quittant les Atrides, a pris la main de Teucer avec amitié, et il lui a dit et recommandé de faire tous ses efforts pour retenir Ajax et l'empêcher de sortir de sa tente, s'il voulait le retrouver vivant. Car ce jour seul encore, ajouta-t-il, la colère de la divine Minerve le poursuivra pendant toute la journée qui luit à présent. En effet, les hommes les plus élevés, mais dépourvus de prudence, sont précipités par les dieux dans un abîme de misère, disait le devin, quand, oubliant qu'ils sont mortels, ils ont des sentiments peu conformes à leur nature. — Déjà au sortir de ses foyers, Ajax montra sa démence, en n'écoutant pas les sages avis de son père. Celui-ci lui disait : « Mon fils, sois jaloux de vaincre, mais toujours de vaincre avec l'appui des dieux. » Il répondit dans son fol orgueil : « Mon père, avec les dieux un lâche même peut obtenir la victoire; moi, je me flatte, sans leur aide, d'acquérir cette gloire. » Tel était son superbe langage. Une autre fois, quand la divine Minerve, le pressant, l'exhortait à tourner son bras meurtrier contre les ennemis, il lui répliqua par ces paroles arrogantes et impies : « Déesse, 34 cours assister les autres Grecs; pour nous, jamais l'ennemi ne rompra nos rangs. » C'est par ces discours et cet orgueil plus qu'humain qu'il s*est attiré la colère implacable de la déesse. Cependant, s'il échappe aux dangers de cette journée, nous le sauverons peut-être, avec le secours des dieux. — Ainsi parla Calchas, et Teucer m'envoie aussitôt te porter ces ordres, pour qu'ils soient observés. S'il n'est plus possible de les exécuter, c'en est fait d'Ajax, si Calchas est bien inspiré.

LE CHOEUR.

O infortunée Tecmesse, race malheureuse, viens entendre les nouvelles qu'il apporte ; le danger est imminent (55), et la joie est perdue pour nous.

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 Τέκμησσα

Τί μ᾽ αὖ τάλαιναν, ἀρτίως πεπαυμένην
κακῶν ἀτρύτων, ἐξ ἕδρας ἀνίστατε;

Χορός

Τοῦδ᾽ εἰσάκουε τἀνδρός, ὡς ἥκει φέρων
Αἴαντος ἡμῖν πρᾶξιν ἣν ἤλγησ᾽ ἐγώ. 790

Τέκμησσα

Οἴμοι, τί φής, ἄνθρωπε; μῶν ὀλώλαμεν;

Ἄγγελος

Οὐκ οἶδα τὴν σὴν πρᾶξιν, Αἴαντος δ᾽ ὅτι,
θυραῖος εἴπερ ἐστίν, οὐ θαρσῶ πέρι.

Τέκμησσα

Καὶ μὴν θυραῖος, ὥστε μ᾽ ὠδίνειν τί φής.

Ἄγγελος

Ἐκεῖνον εἴργειν Τεῦκρος ἐξεφίεται 795
σκηνῆς ὕπαυλον μηδ᾽ ἀφιέναι μόνον.

Τέκμησσα

Ποῦ δ᾽ ἐστὶ Τεῦκρος, κἀπὶ τῷ λέγει τάδε;

Ἄγγελος

Πάρεστ᾽ ἐκεῖνος ἄρτι· τήνδε δ᾽ ἔξοδον
ὀλεθρίαν Αἴαντος ἐλπίζει φέρειν.

Τέκμησσα

Οἴμοι τάλαινα, τοῦ ποτ᾽ ἀνθρώπων μαθών; 800

Ἄγγελος

Τοῦ Θεστορείου μάντεως, καθ᾽ ἡμέραν
τὴν νῦν, ὅτ᾽ αὐτῷ θάνατον ἢ βίον φέρει.

Τέκμησσα

Οἲ ᾽γώ, φίλοι, πρόστητ᾽ ἀναγκαίας τύχης,
καὶ σπεύσαθ᾽, οἱ μὲν Τεῦκρον ἐν τάχει μολεῖν,
οἱ δ᾽ ἑσπέρους ἀγκῶνας, οἱ δ᾽ ἀντηλίους 805
ζητεῖτ᾽ ἰόντες τἀνδρὸς ἔξοδον κακήν.
Ἔγνωκα γὰρ δὴ φωτὸς ἠπατημένη
καὶ τῆς παλαιᾶς χάριτος ἐκβεβλημένη.
Οἴμοι, τί δράσω, τέκνον; οὐχ ἱδρυτέον·
ἀλλ᾽ εἶμι κἀγὼ κεῖσ᾽ ὅποιπερ ἂν σθένω. 810
Χωρῶμεν, ἐγκονῶμεν, οὐχ ἕδρας ἀκμὴ
σῴζειν θέλοντας ἄνδρα γ᾽ ὃς σπεύδῃ θανεῖν.

Χορός

χωρεῖν ἕτοιμος, κοὐ λόγῳ δείξω μόνον·
τάχος γὰρ ἔργου καὶ ποδῶν ἅμ᾽ ἕψεται,
 

TECMESSE.

Pourquoi arracher encore une infortunée au repos dont elle jouit à peine après tant de maux inépuisables ?

LE CHOEUR.

Écoute cet homme, il nous apporte sur le sort d'Ajax des nouvelles qui m'ont contristé.

TECMESSE.

Hélasî qu'as-tu à nous dire, ami? est-ce fait de nous!

LE MESSAGER.

l'ignore ton destin, mais je crains fort pour celui d'Ajax, si toutefois il est sorti de sa tente.

TECMESSE.

Oui, il est sorti ; je suis dans l'anxiété feur ce que tu vas dire.

LE MESSAGER.

Teucer recommande de le retenir dans sa tente et de ne point le laisser sortir seul.

TECMESSE.

Mais où est Teucer? et pourquoi parle-t-il ainsi?

35 LE MESSAGER.

Il va venir iui-ynême ; il craint qije cette sortie d'Ajax ne lui sçit funeste.

TECMESSE.

Que je suis malheureuse ! et de quel mortel le sait-il?

LE MESSAGER.

Le fils de Thestor, Calchas, a prédit que ce Jour apportera à Ajax ou la vie ou la mort.

TECMESSE.

Hélas ! mes amis, secourez-moi dans cette circonstance critique; et hâtez-vous, les uns d'amener au plus vite Teucer, ceux-ci d'aller vers les collines qui sont au couchant, ceux-là vers celles qui regardent l'aurore, chercher les traces de mon malheureux époux; car je vois qu'il m'a trompée, et que mon ancien pouvoir sur lui est perdu. Hélàs! que faire, mon flls? Mais ce n'egt pas le temps de se reposer; j'irai moi-même, autant que mes forces me le permettront. Partons, hâtons-nous, il n'y a pas un moment à perdre, si nous voulons sauver un homme qui court à la mort,

LE CHOEUR.

Je suis prêt à partir, et ce ne sont point de vains propos; l'effet suivra de près mes paroles (56).

(Le Choeur et Tecmesse sortent.)

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  Αἴας

Ὁ μὲν σφαγεὺς ἕστηκεν ᾗ τομώτατος 815
γένοιτ᾽ ἄν, εἴ τῳ καὶ λογίζεσθαι σχολή·
δῶρον μὲν ἀνδρὸς Ἕκτορος ξένων ἐμοὶ
μάλιστα μισηθέντος ἐχθίστου θ᾽ ὁρᾶν·
πέπηγε δ᾽ ἐν γῇ πολεμίᾳ τῇ Τρῳάδι,
σιδηροβρῶτι θηγάνῃ νεηκονής· 820
ἔπηξα δ᾽ αὐτὸν εὖ περιστείλας ἐγώ,
εὐνούστατον τῷδ᾽ ἀνδρὶ διὰ τάχους θανεῖν.
Οὕτω μὲν εὐσκευοῦμεν· ἐκ δὲ τῶνδέ μοι
σὺ πρῶτος, ὦ Ζεῦ, καὶ γὰρ εἰκός, ἄρκεσον.
Αἰτήσομαι δέ σ᾽ οὐ μακρὸν γέρας λαχεῖν. 825
Πέμψον τιν᾽ ἡμῖν ἄγγελον, κακὴν φάτιν
Τεύκρῳ φέροντα, πρῶτος ὥς με βαστάσῃ
πεπτῶτα τῷδε περὶ νεορράντῳ ξίφει,
καὶ μὴ πρὸς ἐχθρῶν του κατοπτευθεὶς πάρος
ῥιφθῶ κυσὶν πρόβλητος οἰωνοῖς θ᾽ ἕλωρ. 830
Τοσαῦτά σ᾽, ὦ Ζεῦ, προστρέπω, καλῶ δ᾽ ἅμα
πομπαῖον Ἑρμῆν χθόνιον εὖ με κοιμίσαι,
ξὺν ἀσφαδάστῳ καὶ ταχεῖ πηδήματι
πλευρὰν διαρρήξαντα τῷδε φασγάνῳ.
Καλῶ δ᾽ ἀρωγοὺς τὰς ἀεί τε παρθένους 835
ἀεί θ᾽ ὁρώσας πάντα τἀν βροτοῖς πάθη,
σεμνὰς Ἐρινῦς τανύποδας, μαθεῖν ἐμὲ
πρὸς τῶν Ἀτρειδῶν ὡς διόλλυμαι τάλας,
καί σφας κακοὺς κάκιστα καὶ πανωλέθρους
ξυναρπάσειαν, ὥσπερ εἰσορῶσ᾽ ἐμὲ 840
[αὐτοσφαγῆ πίπτοντα, τὼς αὐτοσφαγεῖς
πρὸς τῶν φιλίστων ἐκγόνων ὀλοίατο.]
Ἴτ᾽, ὦ ταχεῖαι ποίνιμοί τ᾽ Ἐρινύες,
γεύεσθε, μὴ φείδεσθε πανδήμου στρατοῦ·
σὺ δ᾽, ὦ τὸν αἰπὺν οὐρανὸν διφρηλατῶν 845
Ἥλιε, πατρῴαν τὴν ἐμὴν ὅταν χθόνα
ἴδῃς, ἐπισχὼν χρυσόνωτον ἡνίαν
ἄγγειλον ἄτας τὰς ἐμὰς μόρον τ᾽ ἐμὸν
γέροντι πατρὶ τῇ τε δυστήνῳ τροφῷ.
Ἦ που τάλαινα, τήνδ᾽ ὅταν κλύῃ φάτιν, 850
ἥσει μέγαν κωκυτὸν ἐν πάσῃ πόλει.
Ἀλλ᾽ οὐδὲν ἔργον ταῦτα θρηνεῖσθαι μάτην,
ἀλλ᾽ ἀρκτέον τὸ πρᾶγμα σὺν τάχει τινί.
Ὦ Θάνατε Θάνατε, νῦν μ᾽ ἐπίσκεψαι μολών.
Καίτοι σὲ μὲν κἀκεῖ προσαυδήσω ξυνών. 855
Σὲ δ᾽, ὦ φαεννῆς ἡμέρας τὸ νῦν σέλας,
καὶ τὸν διφρευτὴν Ἥλιον προσεννέπω,
πανύστατον δὴ κοὔποτ᾽ αὖθις ὕστερον.
Ὦ φέγγος, ὦ γῆς ἱερὸν οἰκείας πέδον
Σαλαμῖνος, ὦ πατρῷον ἑστίας βάθρον 860
κλειναί τ᾽ Ἀθῆναι καὶ τὸ σύντροφον γένος
κρῆναί τε ποταμοί θ᾽ οἵδε, καὶ τὰ Τρωϊκὰ
πεδία προσαυδῶ, χαίρετ᾽, ὦ τροφῆς ἐμοί·
τοῦθ᾽ ὑμὶν Αἴας τοὔπος ὕστατον θροεῖ,
τὰ δ᾽ ἄλλ᾽ ἐν Ἅιδου τοῖς κάτω μυθήσομαι. 865

AJAX.

Voilà, si je ne me trompe  (57), le fer meurtrier dressé de manière à frapper le coup le plus sûr; triste présent d'Hector, pour moi le plus odieux et le plus haï des 36 hôtes: le voilà enfoncé sur le sol ennemi de Troie, j'en ai aiguisé la pointe sur la pierre (58), je l'ai affermi de telle sorte qu'il me rendra le service (59) de me donner promptement la mort. J'ai ainsi tout disposé avec soin. Maintenant, Jupiter, c'est à toi à m'aider d'abord; je ne te demanderai pas une faveur bien grande ; fais seulement parvenir à Teucer cette triste nouvelle, afin qu'il soit le premier à enlever ce corps tombé sur une épée sanglante, et qu'aucun de mes ennemis ne le prévienne, et ne me livre aux chiens et aux oiseaux de proie. Tels sont les vœux que je t'adresse, ô Jupiter! Je prie aussi Mercure, conducteur des ombres, de me ménager aux enfers une descente prompte et sans douleur, aussitôt que cette épée aura percé mon flanc. J'appelle encore à mon aide les déesses toujours vierges et toujours attentives aux actions des mortels, les augustes Euménides, aux pas rapides; qu'elles sachent que je meurs victime des Atrides. Puissent-elles infliger à ces infâmes un supplice digne de leurs forfaits; et, ainsi qu'elles me voient périr de ma propre main, puissent-ils tomber eux-mêmes sous les coups de leurs enfants les plus chers ! Venez, déesses promptes à punir le crime, n'épargnez rien, frappez l'armée entière. Et toi qui conduis ton char dans l'étendue des cieux, Soleil, quand tu verras la terre de ma patrie, retiens tes rênes d'or, annonce mes calamités et ma destinée à mon vieux père et à l'infortunée qui m'a nourri (60).. Malheureuse! comme à cette nouvelle donnée elle fera retentir toute la ville de ses lamentations. Mais à quoi bon ces plaintes inutiles ? achevons au plus tôt notre ouvrage. Ô Mort! ô Mort! viens, jette sur moi tes regards; bientôt j'habiterai avec toi dans les sombres demeures. Et toi, brillante clarté du jour, Soleil radieux (61), je te parle pour la dernière fois. Ô lumière, ô sol sacré 37 de Salamine, ma patrie, foyers de mes ancêtres, glorieuse Athènes (62), amis élevés avec moi, fontaines, fleuves, campagnes de Troie, je vous salue ! Adieu, ô vous qui m'avez nourri ! Ce sont les dernières paroles qu'Ajax vous adresse; je dirai le reste aux enfers.

(Il se jette sur son épée).

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  Ἡμιχόριον Α

Πόνος πόνῳ πόνον φέρει.
πᾷ πᾷ
πᾷ γὰρ οὐκ ἔβαν ἐγώ;
Κοὐδεὶς ἐπίσταταί με συμμαθεῖν τόπος.
ἰδού. 870
δοῦπον αὖ κλύω τινά.

Ἡμιχόριον Β

Ἡμῶν γε ναὸς κοινόπλουν ὁμιλίαν.

Ἡμιχόριον Α

Τί οὖν δή;

Ἡμιχόριον Β

Πᾶν ἐστίβηται πλευρὸν ἕσπερον νεῶν

Ἡμιχόριον Α

Ἔχεις οὖν; 875

Ἡμιχόριον Β

Πόνου γε πλῆθος, κοὐδὲν εἰς ὄψιν πλέον.

Ἡμιχόριον Α

Ἀλλ᾽ οὐδὲ μὲν δὴ τὴν ἀφ᾽ ἡλίου βολῶν
κέλευθον ἁνὴρ οὐδαμοῦ δηλοῖ φανείς.

Χορός

Τίς ἂν δῆτά μοι, τίς ἂν φιλοπόνων
ἁλιαδᾶν ἔχων ἀΰπνους ἄγρας, 880
ἢ τίς Ὀλυμπιάδων θεᾶν ἢ ῥυτῶν 883
Βοσπορίων ποταμῶν, τὸν ὠμόθυμον 884
εἴ ποθι πλαζόμενον λεύσσων 885
ἀπύοι; σχέτλια γὰρ
ἐμέ γε τὸν μακρῶν ἀλάταν πόνων
οὐρίῳ μὴ πελάσαι δρόμῳ,
ἀλλ᾽ ἀμενηνὸν ἄνδρα μὴ λεύσσειν ὅπου. 890

Τέκμησσα

Ἰώ μοί μοι.

Χορός

Τίνος βοὴ πάραυλος ἐξέβη νάπους;

Τέκμησσα

Ἰὼ τλήμων.

Χορός

Τὴν δουρίληπτον δύσμορον νύμφην ὁρῶ
Τέκμησσαν, οἴκτῳ, τῷδε συγκεκραμένην. 895

Τέκμησσα

ᾬχωκ᾽, ὄλωλα, διαπεπόρθημαι, φίλοι.

Χορός

Τί δ᾽ ἔστιν;

Τέκμησσα

Αἴας ὅδ᾽ ἡμῖν ἀρτίως νεοσφαγὴς
κεῖται, κρυφαίῳ φασγάνῳ περιπτυχής.

Χορός

Ὤμοι ἐμῶν νόστων· 900
ὤμοι, κατέπεφνες, ἄναξ,
τόνδε συνναύταν, τάλας
ὦ ταλαίφρων γύναι·

Τέκμησσα

Ὡς ὧδε τοῦδ᾽ ἔχοντος αἰάζειν πάρα. 905

Χορός

Τίνος ποτ᾽ ἆρ᾽ ἔπραξε χειρὶ δύσμορος;

Τέκμησσα

Αὐτὸς πρὸς αὑτοῦ, δῆλον· ἐν γάρ οἱ χθονὶ
πηκτὸν τόδ᾽ ἔγχος περιπετὲς κατηγορεῖ. 910

Χορός

Ὤμοι ἐμᾶς ἄτας, οἶος ἄρ᾽ αἱμάχθης, ἄφαρκτος φίλων·
ἐγὼ δ᾽ ὁ πάντα κωφός, ὁ πάντ᾽ ἄϊδρις, κατημέλησα. Πᾷ πᾷ
κεῖται ὁ δυστράπελος, δυσώνυμος Αἴας;

Τέκμησσα

Οὔτοι θεατός· ἀλλά νιν περιπτυχεῖ 915
φάρει καλύψω τῷδε παμπήδην, ἐπεὶ
οὐδεὶς ἄν, ὅστις καὶ φίλος, τλαίη βλέπειν
φυσῶντ᾽ ἄνω πρὸς ῥῖνας ἔκ τε φοινίας
πληγῆς μελανθὲν αἷμ᾽ ἀπ᾽ οἰκείας σφαγῆς. 920
Οἴμοι, τί δράσω; τίς σε βαστάσει φίλων;
Ποῦ Τεῦκρος; ὡς ἀκμαῖ᾽ ἄν, εἰ βαίη, μόλοι,
πεπτῶτ᾽ ἀδελφὸν τόνδε συγκαθαρμόσαι.
Ὦ δύσμορ᾽ Αἴας, οἷος ὢν οἵως ἔχεις,
ὡς καὶ παρ᾽ ἐχθροῖς ἄξιος θρήνων τυχεῖν. 925

Χορός

Ἔμελλες, τάλας, ἔμελλες χρόνῳ
στερεόφρων ἄρ᾽ ἐξανύσσειν κακὰν
μοῖραν ἀπειρεσίων πόνων. Τοῖά μοι 930
πάννυχα καὶ φαέθοντ᾽ ἀνεστέναζες
ὠμόφρων ἐχθοδόπ᾽ Ἀτρείδαις
οὐλίῳ σὺν πάθει.
Μέγας ἄρ᾽ ἦν ἐκεῖνος ἄρχων χρόνος
πημάτων, ἦμος ἀριστόχειρ 935
............ὅπλων ἔκειτ᾽ ἀγὼν πέρι.

Τέκμησσα

Ἰώ μοί μοι.

Χορός

Χωρεῖ πρὸς ἧπαρ, οἶδα, γενναία δύη.

Τέκμησσα

Ἰώ μοί μοι.

Χορός

Οὐδέν σ᾽ ἀπιστῶ καὶ δὶς οἰμῶξαι, γύναι, 940
τοιοῦδ᾽ ἀποβλαφθεῖσαν ἀρτίως φίλου.

Τέκμησσα

Σοὶ μὲν δοκεῖν ταῦτ᾽ ἔστ᾽, ἐμοὶ δ᾽ ἄγαν φρονεῖν.

Χορός

Ξυναυδῶ.

Τέκμησσα

Οἴμοι, τέκνον, πρὸς οἷα δουλείας ζυγὰ
χωροῦμεν, οἷοι νῷν ἐφεστᾶσιν σκοποί. 945

Χορός

Ὢμοι, ἀναλγήτων
δισσῶν ἐθρόησας ἄναυδ᾽
ἔργ᾽ Ἀτρειδᾶν τῷδ᾽ ἄχει.
Ἀλλ᾽ ἀπείργοι θεός.

Τέκμησσα

Οὐκ ἂν τάδ᾽ ἔστη τῇδε μὴ θεῶν μέτα. 950

Χορός

Ἄγαν ὑπερβριθὲς γὰρ ἄχθος ἤνυσαν.

Τέκμησσα

Τοιόνδε μέντοι Ζηνὸς ἡ δεινὴ θεὸς
Παλλὰς φυτεύει πῆμ᾽ Ὀδυσσέως χάριν.

Χορός

Ἦ ῥα κελαινώπαν θυμὸν ἐφυβρίζει πολύτλας ἀνήρ, 955
γελᾷ δὲ τοῖσδε μαινομένοις ἄχεσιν πολὺν γέλωτα, φεῦ φεῦ,
ξύν τε διπλοῖ βασιλῆς κλύοντες Ἀτρεῖδαι. 960

Τέκμησσα

Οἱ δ᾽ οὖν γελώντων κἀπιχαιρόντων κακοῖς
τοῖς τοῦδ᾽· ἴσως τοι, κεἰ βλέποντα μὴ ᾽πόθουν,
θανόντ᾽ ἂν οἰμώξειαν ἐν χρείᾳ δορός.
Οἱ γὰρ κακοὶ γνώμαισι τἀγαθὸν χεροῖν
ἔχοντες οὐκ ἴσασι, πρίν τις ἐκβάλῃ. 965
Ἐμοὶ πικρὸς τέθνηκεν ἢ κείνοις γλυκύς,
αὑτῷ δὲ τερπνός· ὧν γὰρ ἠράσθη τυχεῖν
ἐκτήσαθ᾽ αὑτῷ, θάνατον ὅνπερ ἤθελεν.
Τί δῆτα τοῦδ᾽ ἐπεγγελῷεν ἂν κάτα;
Θεοῖς τέθνηκεν οὗτος, οὐ κείνοισιν, οὔ. 970
Πρὸς ταῦτ᾽ Ὀδυσσεὺς ἐν κενοῖς ὑβριζέτω.
Αἴας γὰρ αὐτοῖς οὐκέτ᾽ ἐστίν, ἀλλ᾽ ἐμοὶ
λιπὼν ἀνίας καὶ γόους διοίχεται.

DEMI-CHOEUR.

Fatigue sur fatigue met le comble à la fatigue. Où, en effet, ne suis-je point allé? Et nulle part je n'ai pu rien apprendre. Voici! voici! j'entends quelque bruit.

DEMI-CHOEUR.

Ce sont nos compagnons, ceux qui partagent nos recherches.

DEMI-CHOEUR.

Qu'y a-t-il donc?

DEMI-CHOEUR.

J'ai parcouru tout le côté du camp qui regarde l'occident.

DEMI-CHŒUR.

Avez-vous trouvé?

DEMI-CHOEUR.

Beaucoup de fatigue, et rien de plus.

DEMI-CHŒUR.

Mais du côté du soleil levant non plus, et je ne i'ai pas rencontré.

LE CHOEUR.

(Strophe.) Quel mortel, quel pêcheur laborieux, vigilant, attentif à sa proie, quelle nymphe du mont Olympe ou des fleuves du Bosphore (63), me dira si elle a aperçu ce farouche guerrier? Il est pénible d'avoir avec de longues fatigues fait une course inutile, sans pouvoir découvrir cet homme, tout affaibli qu'il est.

38 TECMESSE.

Hélas! malheur à moi !

LE CHOEUR.

Quelle est cette voix sortie du bois voisin ?

TECMESSE.

Ah! malheureuse!

LE CHOEUR.

C'est sa captive que je vois, sa triste épouse Tecmesse, livrée au désespoir.

TECMESSE.

C'est fait de moi» mes amis, je me meurs, je suis perdue!

LE CHOEUR.

Qu'y a-t-il donc?

TECMESSE.

Ajax est là, gisant, percé d'une blessure récente, auprès d'un glaive dont il s'est secrètement frappé.

LE CHOEUR.

Hélas! que deviendra notre retour? O roi! tu as entraîné dans ta perte tes compagnons de navigation. Malheureux que je suis! ô femme infortunée!

TECMESSE.

Après ce coup qui l'a frappé (64), il ne me reste plus qu'à gémir.

LE CHOEUR,

Par quelle main a-t-il donc accompli ce meurtre?

TECMESSE.

Par sa propre main, on n'en saurait douter; cette épée, enfoncée dans la terre et sur laquelle il s'est jeté, l'accuse assez.

LE CHOEUR.

Hélas! quel est mon malheur! tu t'es frappé, sans être secouru par aucun ami ! et moi, dans mon aveuglement, dans mon incurie, j'ai négligé de veiller sur 39 toi. Où est-il, où donc est-il ce guerrier indomptable, cet Ajax dont le nom est si funeste (65)?

TECMESSE,

Vous ne le verrez point; je l'envelopperai tout entier des longs plis de ce voile; car nul, pas même un ami, ne pourrait soutenir la vue de ces flots de sang noir, qui sortent de ses narines et de la plaie saignante dont il s'est frappé. Hélas ! que faire? quel ami enlèvera son corps? Où est Teucer? s'il arrivait, qu'il viendrait à propos, pour rendre avec nous à son frère mort les derniers devoirs! O malheureux Ajax! quel sort indigne de ta gloire ! car pour tes ennemie même tu es un objet digne de larmes.

LE CHOEUR.

(Antistrophe.) Ton cœur inflexible méditait donc depuis longtemps de terminer ainsi la destinée funeste de tes malheurs infinis. Tels étaient nuit et jour les gémissements qui s'échappaient de ton cœur implacable, exhalant avec une violente passion des menaces terribles contre les Atrides. Il ouvrit certes une grande source de maux, ce jour où les armes d'Achille furent proposées pour prix de la valeur.

TECMESSE.

Hélas! malheureuse!

LE CHOEUR.

Une douleur poignante déchire ton cœur, je le sais.

TECMESSE.

Hélas!

LE CHOEUR.

Je ne m'étonne point que tes gémissements redoublent, ô femme, quand tu viens de perdre un tel ami.

TECMESSE.

Tu peux, il est vrai, comprendre mon malheur, mais moi seule j'en connais l'étendue.

40 LE CHOEUR.

J'en conviens.

TECMESSE.

Hélas! mon fils! quel joug va peser sur nous! quels maîtres nous sont réservés !

LE CHOEUR.

Quoi! les impitoyables Atrides ajouteraient cet outrage à votre douleur ! puissent les dieux l'empêcher !

TECMESSE.

Ces maux ne seraient point arrivés sans la volonté des dieux.

LE CHOEUR.

Ils en ont par trop appesanti le fardeau.

TECMESSE.

Voilà pourtant la trame funeste que la fille de Jupiter, la redoutable Pallas, a ourdie en faveur d'Ulysse.

LE CHOEUR.

Ainsi, dans son âme perfide, le patient Ulysse nous outrage, et rit des maux qu'a enfantés le délire ! Hélas ! hélas! et les deux Atrides partagent ses rires insolents!

TECMESSE.

Qu'ils rient donc, et qu'ils se réjouissent de ses maux ! Peut-être, quoiqu'ils ne l'aient point recherché vivant, ils pleureront sa mort à l'heure du combat. Ainsi les insensés ne connaissent le prix du bien qu'ils possèdent, qu'après l'avoir perdu. Cette mort, plus amère pour moi qu'agréable pour eux, a été douce^pour Ajax; car, en se la donnant lui-même, il a atteint l'objet de ses vœux. Qu'ont-ils à se railler de lui? C'est par la volonté des dieux qu'il est mort, et non par la peur. Qu'Ulysse donc se livre à de vains outrages ! Ajax n'est plus au milieu d'eux; c'est à moi qu'il a laissé, en partant, la douleur et les larmes.

(Elle sort.)

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  Τεύκρος

Ἰώ μοί μοι.

Χορός

Σίγησον· αὐδὴν γὰρ δοκῶ Τεύκρου κλύειν 975
βοῶντος ἄτης τῆσδ᾽ ἐπίσκοπον μέλος.

Τεύκρος

Ὦ φίλτατ᾽ Αἴας, ὦ ξύναιμον ὄμμ᾽ ἐμοί,
ἆρ᾽ ἠμπόληκας, ὥσπερ ἡ φάτις κρατεῖ;

Χορός

Ὄλωλεν ἁνήρ, Τεῦκρε, τοῦτ᾽ ἐπίστασο.

Τεύκρος

Ὤμοι βαρείας ἆρα τῆς ἐμῆς τύχης. 980

Χορός

Ὡς ὧδ᾽ ἐχόντων

Τεύκρος

-- Ὦ τάλας ἐγώ, τάλας.

Χορός

Πάρα στενάζειν.

Τεύκρος

-- Ὦ περισπερχὲς πάθος.

Χορός

Ἄγαν γε, Τεῦκρε.

Τεύκρος

-- Φεῦ τάλας· τί γὰρ τέκνον
τὸ τοῦδε, ποῦ μοι γῆς κυρεῖ τῆς Τρῳάδος;

Χορός

Μόνος παρὰ σκηναῖσιν. 985

Τεύκρος

-- Οὐχ ὅσον τάχος
δῆτ᾽ αὐτὸν ἄξεις δεῦρο, μή τις ὡς κενῆς
σκύμνον λεαίνης δυσμενῶν ἀναρπάσῃ;
ἴθ᾽, ἐγκόνει, σύγκαμνε· τοῖς θανοῦσί τοι
φιλοῦσι πάντες κειμένοις ἐπεγγελᾶν.

Χορός

Καὶ μὴν ἔτι ζῶν, Τεῦκρε, τοῦδέ σοι μέλειν 990
ἐφίεθ᾽ ἁνὴρ κεῖνος, ὥσπερ οὖν μέλει.

Τεύκρος

Ὦ τῶν ἁπάντων δὴ θεαμάτων ἐμοὶ
ἄλγιστον ὧν προσεῖδον ὀφθαλμοῖς ἐγώ,
ὁδός θ᾽ ὁδῶν πασῶν ἀνιάσασα δὴ
μάλιστα τοὐμὸν σπλάγχνον, ἣν δὴ νῦν ἔβην. 995
Ὦ φίλτατ᾽ Αἴας, τὸν σὸν ὡς ἐπῃσθόμην
μόρον διώκων κἀξιχνοσκοπούμενος.
Ὀξεῖα γάρ σου βάξις ὡς θεοῦ τινος
διῆλθ᾽ Ἀχαιοὺς πάντας ὡς οἴχει θανών.
Ἀγὼ κλύων δύστηνος ἐκποδὼν μὲν ὢν 1000
ὑπεστέναζον, νῦν δ᾽ ὁρῶν ἀπόλλυμαι.
Οἴμοι.
Ἴθ᾽, ἐκκάλυψον, ὡς ἴδω τὸ πᾶν κακόν.
Ὦ δυσθέατον ὄμμα καὶ τόλμης πικρᾶς,
ὅσας ἀνίας μοι κατασπείρας φθίνεις. 1005
Ποῖ γὰρ μολεῖν μοι δυνατόν, εἰς ποίους βροτούς,
τοῖς σοῖς ἀρήξαντ᾽ ἐν πόνοισι μηδαμοῦ;
ἦ πού με Τελαμών, σὸς πατὴρ ἐμός θ᾽ ἅμα,
δέξαιτ᾽ ἂν εὐπρόσωπος ἵλεώς τ᾽ ἴσως
χωροῦντ᾽ ἄνευ σοῦ. Πῶς γὰρ οὔχ; ὅτῳ πάρα 1010
μηδ᾽ εὐτυχοῦντι μηδὲν ἥδιον γελᾶν.
Οὗτος τί κρύψει; ποῖον οὐχ ἐρεῖ κακὸν
τὸν ἐκ δορὸς γεγῶτα πολεμίου νόθον,
τὸν δειλίᾳ προδόντα καὶ κακανδρίᾳ
σέ, φίλτατ᾽ Αἴας, ἢ δόλοισιν, ὡς τὰ σὰ 1015
κράτη θανόντος καὶ δόμους νέμοιμι σούς.
Τοιαῦτ᾽ ἀνὴρ δύσοργος, ἐν γήρᾳ βαρύς,
ἐρεῖ, πρὸς οὐδὲν εἰς ἔριν θυμούμενος.
Τέλος δ᾽ ἀπωστὸς γῆς ἀπορριφθήσομαι,
δοῦλος λόγοισιν ἀντ᾽ ἐλευθέρου φανείς. 1020
Τοιαῦτα μὲν κατ᾽ οἶκον· ἐν Τροίᾳ δέ μοι
πολλοὶ μὲν ἐχθροί, παῦρα δ᾽ ὠφελήσιμα.
Καὶ ταῦτα πάντα σοῦ θανόντος ηὑρόμην.
Οἴμοι, τί δράσω; πῶς σ᾽ ἀποσπάσω πικροῦ·
τοῦδ᾽ αἰόλου κνώδοντος, ὦ τάλας, ὑφ᾽ οὗ 1025
φονέως ἄρ᾽ ἐξέπνευσας; εἶδες ὡς χρόνῳ
ἔμελλέ σ᾽ Ἕκτωρ καὶ θανὼν ἀποφθίσειν;
σκέψασθε, πρὸς θεῶν, τὴν τύχην δυοῖν βροτοῖν.
Ἕκτωρ μέν, ᾧ δὴ τοῦδ᾽ ἐδωρήθη πάρα,
ζωστῆρι πρισθεὶς ἱππικῶν ἐξ ἀντύγων 1030
ἐκνάπτετ᾽ αἰέν, ἔστ᾽ ἀπέψυξεν βίον·
οὗτος δ᾽ ἐκείνου τήνδε δωρεὰν ἔχων
πρὸς τοῦδ᾽ ὄλωλε θανασίμῳ πεσήματι.
Ἆρ᾽ οὐκ Ἐρινὺς τοῦτ᾽ ἐχάλκευσεν ξίφος
κἀκεῖνον Ἅιδης, δημιουργὸς ἄγριος; 1035
ἐγὼ μὲν οὖν καὶ ταῦτα καὶ τὰ πάντ᾽ ἀεὶ
φάσκοιμ᾽ ἂν ἀνθρώποισι μηχανᾶν θεούς·
ὅτῳ δὲ μὴ τάδ᾽ ἐστὶν ἐν γνώμῃ φίλα,
κεῖνός τ᾽ ἐκεῖνα στεργέτω κἀγὼ τάδε.

Χορός

Μὴ τεῖνε μακράν, ἀλλ᾽ ὅπως κρύψεις τάφῳ 1040
φράζου τὸν ἄνδρα χὤ τι μυθήσει τάχα.
Βλέπω γὰρ ἐχθρὸν φῶτα, καὶ τάχ᾽ ἂν κακοῖς
γελῶν ἃ δὴ κακοῦργος ἐξίκοιτ᾽ ἀνήρ.

Τεύκρος

Τίς δ᾽ ἐστὶν ὅντιν᾽ ἄνδρα προσλεύσσεις στρατοῦ;

Χορός

Μενέλαος, ᾧ δὴ τόνδε πλοῦν ἐστείλαμεν. 1045

Τεύκρος

Ὁρῶ· μαθεῖν γὰρ ἐγγὺς ὢν οὐ δυσπετής.

TEUCER.

Hélas! malheur à moi!

41 LE CHOEUR.

Silence! je crois entendre la voix de Teucer, poussant des cris, que lui arrache son malheur.

TEUCER.

Ô Ajax chéri ! frère bien-aimé ! en est-ce donc fait de toi, comme la renommée le publie?

LE CHOEUR.

Il a cesse de vivre, ô Teucer! ce n'est que trop vrai.

TEUCER.

Hélas! ô sort cruel qui pèse sur moi!

LE CHOEUR.

Dans une telle infortune...

TEUCER.

Ô malheureux que je suis! malheureux!

LE CHOEUR.

Il est juste de pleurer.

TEUCER.

Ô douleur accablante !

LE CHOEUR.

Trop, hélas ! ô Teucer !

TEUCER.

L'infortuné ! où donc est son fils? en quel lieu de la terre troyenne?

LE CHOEUR.

Il est seul dans la tente.

TEUCER.

Que ne l'amenez-vous ici à l'instant même, de peur qu'un de ses ennemis ne l'enlève, comme un lionceau délaissé. Allez, courez, hâtez-vous. Trop souvent on insulte les morts, une fois dans la tombe.

LE CHOEUR.

Tout à l'heure, Teucer, Ajax encore vivant confiait à tes soins ce fils que tu protèges.

TEUCER.

Ô spectacle le plus douloureux qui ait jamais frappé ma vue ! ô course, de toutes celles que je fis, la plus aflli- 42 géante pour mon cœur, lorsque apprenant ta destinée, j'allai, cher Ajax, à la poursuite de tes traces ! En effet, la renommée, aussi prompte que la voix d'un dieu, avait publié parmi tous les Grecs que tu avais cessé de vivre. A cette nouvelle, alors éloigné de toi, je pleurai; h présent je te vois, et je meurs. Hélas!... Eh bien ! découvrez ce corps; je veux contempler mon malheur dans toute son étendue. Ô trop cruelle résolution ! ô spectacle horrible! quel avenir de douleurs ta mort me prépare! En quels lieux, chez quels mortels pourrai-je porter mes pas, moi qui, dans tes maux, ne te fus d'aucun secours? Certes Télamon, ton père et le mien, m'accueillera avec un visage serein et bienveillant, quand il me verra revenir sans toi ! Ne dois-je pas m'y attendre? Jamais plus heureuse nouvelle n'appela le sourire sur ses lèvres. Gardera-t-il le silence? quel outrage m'épargnera-t-il? Il dira que je suis le fils illégitime (66) d'une captive; que je t'ai abandonné, cher Ajax, par crainte, par lâcheté, ou même par artifice, pour posséder après ta mort ton palais et tes richesses. Ainsi parlera ce vieillard irascible, aigri par son grand âge, qu'un rien irrite et exaspère, et enfin je serai chassé de ma patrie, et traité non en homme libre, mais en esclave. Voilà les maux qui m'attendent dans mes foyers. Ici, devant Troie, mille ennemis et peu de défenseurs. Voilà tout ce que ta mort me donne. Hélas! que dois-je faire? comment te détacherai-je, malheureux, de ce fer cruel, dont le fil meurtrier a tranché tes jours? Pensais-tu qu'un jour Hector, après son trépas, causerait ta perte? Au nom des dieux, voyez le sort de ces deux guerriers : Hector, attaché à un char par le baudrier qu'il avait reçu d'Ajax, a été traîné dans la poussière et déchiré, jusqu'à ce qu il eût expiré (67); Ajax, 43 qui avait reçu d'Hector cette épée en don, s'est donné le coup mortel en se jetant dessus (68). N'est-ce pas Érinnys qui fabriqua ce glaive, et Pluton, l'artisan de cruautés, qui fit le baudrier? Pour moi, je suis porté à dire que ces événements, comme tous les autres, sont toujours ourdis aux hommes par les dieux : celui qui ne goûte point cette opinion peut se complaire dans une autre, et moi, je garderai la mienne.

LE CHOEUR.

Ne prolonge pas ces discours, songe plutôt à ensevelir ce guerrier, et à trouver ce que tu auras bientôt à répondre ; car j'aperçois un ennemi, et peut-être, vu son méchant naturel, vient-il rire de nos maux.

TEUCER.

Quel est donc celui de nos guerriers que tu vois?

LE CHOEUR.

Ménélas, pour lequel nous sommes venus sur ces bords.

TEUCER.

Je le vois ; de si près il est facile à reconnaître.

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  Μενέλαος

Οὗτος, σὲ φωνῶ τόνδε τὸν νεκρὸν χεροῖν
μὴ συγκομίζειν, ἀλλ᾽ ἐᾶν ὅπως ἔχει.

Τεύκρος

Τίνος χάριν τοσόνδ᾽ ἀνήλωσας λόγον;

Μενέλαος

Δοκοῦντ᾽ ἐμοί, δοκοῦντα δ᾽ ὃς κραίνει στρατοῦ. 1050

Τεύκρος

Οὔκουν ἂν εἴποις ἥντιν᾽ αἰτίαν προθείς;

Μενέλαος

Ὁθούνεκ᾽ αὐτὸν ἐλπίσαντες οἴκοθεν
ἄγειν Ἀχαιοῖς ξύμμαχόν τε καὶ φίλον,
ἐξηύρομεν ζητοῦντες ἐχθίω Φρυγῶν·
ὅστις στρατῷ ξύμπαντι βουλεύσας φόνον 1055
νύκτωρ ἐπεστράτευσεν, ὡς ἕλοι δόρει·
κεἰ μὴ θεῶν τις τήνδε πεῖραν ἔσβεσεν,
ἡμεῖς μὲν ἂν τήνδ᾽ ἣν ὅδ᾽ εἴληχεν τύχην
θανόντες ἂν προυκείμεθ᾽ αἰσχίστῳ μόρῳ,
οὗτος δ᾽ ἂν ἔζη. Νῦν δ᾽ ἐνήλλαξεν θεὸς 1060
τὴν τοῦδ᾽ ὕβριν πρὸς μῆλα καὶ ποίμνας πεσεῖν.
Ὧν εἵνεκ᾽ αὐτὸν οὔτις ἔστ᾽ ἀνὴρ σθένων
τοσοῦτον ὥστε σῶμα τυμβεῦσαι τάφῳ,
ἀλλ᾽ ἀμφὶ χλωρὰν ψάμαθον ἐκβεβλημένος
ὄρνισι φορβὴ παραλίοις γενήσεται. 1065
Πρὸς ταῦτα μηδὲν δεινὸν ἐξάρῃς μένος.
Εἰ γὰρ βλέποντος μὴ ᾽δυνήθημεν κρατεῖν,
πάντως θανόντος γ᾽ ἄρξομεν, κἂν μὴ θέλῃς,
χερσὶν παρευθύνοντες· οὐ γὰρ ἔσθ᾽ ὅπου
λόγων γ᾽ ἀκοῦσαι ζῶν ποτ᾽ ἠθέλησ᾽ ἐμῶν. 1070
Καίτοι κακοῦ πρὸς ἀνδρὸς ὄντα δημότην
μηδὲν δικαιοῦν τῶν ἐφεστώτων κλύειν.
Οὐ γάρ ποτ᾽ οὔτ᾽ ἂν ἐν πόλει νόμοι καλῶς
φέροιντ᾽ ἄν, ἔνθα μὴ καθεστήκῃ δέος,
οὔτ᾽ ἂν στρατός γε σωφρόνως ἄρχοιτ᾽ ἔτι, 1075
μηδὲν φόβου πρόβλημα μηδ᾽ αἰδοῦς ἔχων.
Ἀλλ᾽ ἄνδρα χρή, κἂν σῶμα γεννήσῃ μέγα,
δοκεῖν πεσεῖν ἂν κἂν ἀπὸ σμικροῦ κακοῦ.
Δέος γὰρ ᾧ πρόσεστιν αἰσχύνη θ᾽ ὁμοῦ,
σωτηρίαν ἔχοντα τόνδ᾽ ἐπίστασο· 1080
ὅπου δ᾽ ὑβρίζειν δρᾶν θ᾽ ἃ βούλεται παρῇ,
ταύτην νόμιζε τὴν πόλιν χρόνῳ ποτὲ
ἐξ οὐρίων δραμοῦσαν εἰς βυθὸν πεσεῖν.
Ἀλλ᾽ ἑστάτω μοι καὶ δέος τι καίριον,
καὶ μὴ δοκῶμεν δρῶντες ἃν ἡδώμεθα 1085
οὐκ ἀντιτίσειν αὖθις ἂν λυπώμεθα.
Ἕρπει παραλλὰξ ταῦτα. Πρόσθεν οὗτος ἦν
αἴθων ὑβριστής, νῦν δ᾽ ἐγὼ μέγ᾽ αὖ φρονῶ.
Καί σοι προφωνῶ τόνδε μὴ θάπτειν, ὅπως
μὴ τόνδε θάπτων αὐτὸς εἰς ταφὰς πέσῃς. 1090

Χορός

Μενέλαε, μὴ γνώμας ὑποστήσας σοφὰς
εἶτ᾽ αὐτὸς ἐν θανοῦσιν ὑβριστὴς γένῃ.

Τεύκρος

Οὐκ ἄν ποτ᾽, ἄνδρες, ἄνδρα θαυμάσαιμ᾽ ἔτι,
ὃς μηδὲν ὢν γοναῖσιν εἶθ᾽ ἁμαρτάνει,
ὅθ᾽ οἱ δοκοῦντες εὐγενεῖς πεφυκέναι 1095
τοιαῦθ᾽ ἁμαρτάνουσιν ἐν λόγοις ἔπη·
ἄγ᾽ εἴπ᾽ ἀπ᾽ ἀρχῆς αὖθις, ἦ σὺ φὴς ἄγειν
τόνδ᾽ ἄνδρ᾽ Ἀχαιοῖς δεῦρο σύμμαχον λαβών;
οὐκ αὐτὸς ἐξέπλευσεν ὡς αὑτοῦ κρατῶν;
ποῦ σὺ στρατηγεῖς τοῦδε; ποῦ δὲ σοὶ λεῶν 1100
ἔξεστ᾽ ἀνάσσειν ὧν ὅδ᾽ ἤγαγ᾽ οἴκοθεν;
Σπάρτης ἀνάσσων ἦλθες, οὐχ ἡμῶν κρατῶν·
οὐδ᾽ ἔσθ᾽ ὅπου σοὶ τόνδε κοσμῆσαι πλέον
ἀρχῆς ἔκειτο θεσμὸς ἢ καὶ τῷδε σέ.
Ὕπαρχος ἄλλων δεῦρ᾽ ἔπλευσας, οὐχ ὅλων 1105
στρατηγός, ὥστ᾽ Αἴαντος ἡγεῖσθαί ποτε.
Ἀλλ᾽ ὧνπερ ἄρχεις ἄρχε καὶ τὰ σέμν᾽ ἔπη
κόλαζ᾽ ἐκείνους· τόνδε δ᾽, εἴτε μὴ σὺ φὴς
εἴθ᾽ ἅτερος στρατηγός, εἰς ταφὰς ἐγὼ
θήσω δικαίως, οὐ τὸ σὸν δείσας στόμα. 1110
Οὐ γάρ τι τῆς σῆς εἵνεκ᾽ ἐστρατεύσατο
γυναικός, ὥσπερ οἱ πόνου πολλοῦ πλέῳ,
ἀλλ᾽ εἵνεχ᾽ ὅρκων οἷσιν ἦν ἐνώμοτος,
σοῦ δ᾽ οὐδέν· οὐ γὰρ ἠξίου τοὺς μηδένας.
Πρὸς ταῦτα πλείους δεῦρο κήρυκας λαβὼν 1115
καὶ τὸν στρατηγὸν ἧκε, τοῦ δὲ σοῦ ψόφου
οὐκ ἂν στραφείην, ἕως ἂν ᾖς οἷός περ εἶ.

Χορός

Οὐδ᾽ αὖ τοιαύτην γλῶσσαν ἐν κακοῖς φιλῶ·
τὰ σκληρὰ γάρ τοι, κἂν ὑπέρδικ᾽ ᾖ, δάκνει.

Μενέλαος

Ὁ τοξότης ἔοικεν οὐ σμικρὸν φρονεῖν. 1120

Τεύκρος

Οὐ γὰρ βάναυσον τὴν τέχνην ἐκτησάμην.

Μενέλαος

Μέγ᾽ ἄν τι κομπάσειας, ἀσπίδ᾽ εἰ λάβοις.

Τεύκρος

Κἂν ψιλὸς ἀρκέσαιμι σοί γ᾽ ὡπλισμένῳ.

Μενέλαος

Ἡ γλῶσσά σου τὸν θυμὸν ὡς δεινὸν τρέφει.

Τεύκρος

Ξὺν τῷ δικαίῳ γὰρ μέγ᾽ ἔξεστιν φρονεῖν. 1125

Μενέλαος

Δίκαια γὰρ τόνδ᾽ εὐτυχεῖν κτείναντά με;

Τεύκρος

Κτείναντα; δεινόν γ᾽ εἶπας, εἰ καὶ ζῇς θανών.

Μενέλαος

Θεὸς γὰρ ἐκσῴζει με, τῷδε δ᾽ οἴχομαι.

Τεύκρος

Μή νυν ἀτίμα θεούς, θεοῖς σεσωσμένος.

Μενέλαος

Ἐγὼ γὰρ ἂν ψέξαιμι δαιμόνων νόμους; 1130

Τεύκρος

Εἰ τοὺς θανόντας οὐκ ἐᾷς θάπτειν παρών.

Μενέλαος

Τούς γ᾽ αὐτὸς αὑτοῦ πολεμίους. οὐ γὰρ καλόν.

Τεύκρος

Ἦ σοὶ γὰρ Αἴας πολέμιος προύστη ποτέ;

Μενέλαος

Μισοῦντ᾽ ἐμίσει· καὶ σὺ τοῦτ᾽ ἠπίστασο.

Τεύκρος

Κλέπτης γὰρ αὐτοῦ ψηφοποιὸς ηὑρέθης. 1135

Μενέλαος

Ἐν τοῖς δικασταῖς, κοὐκ ἐμοί, τόδ᾽ ἐσφάλη.

Τεύκρος

Πόλλ᾽ ἂν κακῶς λάθρᾳ σὺ κλέψειας κακά.

Μενέλαος

Τοῦτ᾽ εἰς ἀνίαν τοὔπος ἔρχεταί τινι.

Τεύκρος

Οὐ μᾶλλον, ὡς ἔοικεν, ἢ λυπήσομεν.

Μενέλαος

Ἕν σοι φράσω· τόνδ᾽ ἐστὶν οὐχὶ θαπτέον. 1140

Τεύκρος

Ἀλλ᾽ ἀντακούσει τοῦτον ὡς τεθάψεται.

Μενέλαος

Ἤδη ποτ᾽ εἶδον ἄνδρ᾽ ἐγὼ γλώσσῃ θρασὺν
ναύτας ἐφορμήσαντα χειμῶνος τὸ πλεῖν,
ᾧ φθέγμ᾽ ἂν οὐκ ἂν ηὗρες, ἡνίκ᾽ ἐν κακῷ
χειμῶνος εἴχετ᾽, ἀλλ᾽ ὑφ᾽ εἵματος κρυφεὶς 1145
πατεῖν παρεῖχε τῷ θέλοντι ναυτίλων.
Οὕτω δὲ καὶ σὲ καὶ τὸ σὸν λάβρον στόμα
σμικροῦ νέφους τάχ᾽ ἄν τις ἐκπνεύσας μέγας
χειμὼν κατασβέσειε τὴν πολλὴν βοήν.

Τεύκρος

Ἐγὼ δέ γ᾽ ἄνδρ᾽ ὄπωπα μωρίας πλέων, 1150
ὃς ἐν κακοῖς ὕβριζε τοῖσι τῶν πέλας.
Κᾆτ᾽ αὐτὸν εἰσιδών τις ἐμφερὴς ἐμοὶ
ὀργήν θ᾽ ὅμοιος εἶπε τοιοῦτον λόγον·
ὤνθρωπε, μὴ δρᾶ τοὺς τεθνηκότας κακῶς·
εἰ γὰρ ποήσεις, ἴσθι πημανούμενος. 1155
Τοιαῦτ᾽ ἄνολβον ἄνδρ᾽ ἐνουθέτει παρών.
Ὁρῶ δέ τοί νιν, κἄστιν, ὡς ἐμοὶ δοκεῖ,
οὐδείς ποτ᾽ ἄλλος ἢ σύ. Μῶν ᾐνιξάμην;

Μενέλαος

Ἄπειμι· καὶ γὰρ αἰσχρόν, εἰ πύθοιτό τις
λόγοις κολάζειν ᾧ βιάζεσθαι πάρα. 1160

Τεύκρος

Ἄφερπέ νυν· κἀμοὶ γὰρ αἴσχιστον κλύειν
ἀνδρὸς ματαίου φλαῦρ᾽ ἔπη μυθουμένου.

MÉNÉLAS.

Holà ! je te défends de porter les mains sur ce cadavre; je t'ordonne de le laisser dans l'état où il est (69).

TEUCER.

Pourquoi donc jettes-tu ces paroles arrogantes (70)?

MÉNÉLAS.

Telle est ma volonté et la volonté de celui qui commande à l'armée.

44 TEUCER.

Ne saurais-tu alléguer quelque motif?

MÉNÉLAS.

C'est qu'en lui nous espérions amener ici un allié et un ami des Grecs, et nous avons trouvé un ennemi plus dangereux que les Phrygiens, lui qui a tramé la perte de l'armée entière, et est venu la nuit pour nous égorger ; et si un dieu n'eût arrêté ses efforts, nous aurions souffert le destin qu'il a subi lui-même, nous eussions péri de la mort la plus honteuse, et il vivrait. Mais un dieu a détourné ses coups, et les a fait tomber sur des troupeaux et des pâtres. Aussi, il n'est point d'homme assez puissant pour lui donner un tombeau, et son corps, jeté sur le sable du rivage, y deviendra la pâture des oiseaux de mer. D'ailleurs, ne laisse pas ton orgueil s'emporter trop loin ; car si pendant sa vie nous n'avons pu le soumettre à notre volonté, nous le pourrons du moins après sa mort, et, malgré toi, nos bras sauront t'y contraindre. Jamais, tant qu'il vécut, il ne voulut m'écouter; cependant c'est le propre d'un mauvais citoyen de ne pas vouloir obéir à ses chefs. Jamais, en effet, les lois n'auront de force dans un État où ne règne pas la crainte; une armée n'est point sagement conduite, si elle n'a pour premier rempart la crainte et le respect (71). Un homme, quelle que soit sa force, doit songer que le moindre mal peut l'abattre. Celui qui a la crainte et l'honneur pour guides, celui-là, sache-le bien, est en sûreté; mais où règne la licence d'outrager et de faire ce que l'on veut, songe qu'avec le temps un tel État tombera du faîte de la prospérité dans un abîme de maux. Maintenons donc une crainte salutaire, et ne nous flattons pas de ne ra- 45 cheter jamais par de justes peines un injuste plaisir; ils ont chacun leur tour. Ajax était fougueux et violent; aujourd'hui c'est moi qui commande ; et je te défends de l'ensevelir, ou crains, en le mettant dans le tombeau, d'y tomber toi-même.

LE CHOEUR.

Ménélas, après avoir fait entendre de si sages maximes, ne sois pas toi-même outrageux envers les morts.

TEUCER.

Je ne m'étonnerai plus jamais qu'un homme qui n'est rien par sa naissance fasse quelque faute, lorsque des hommes qui se prétendent bien nés se permettent de semblables discours. Reprends en effet tes paroles dès le début : ne dis-tu pas l'avoir amené ici comme allié des Grecs ? Mais n'est-il pas venu de lui-même, libre et indépendant? Où as-tu été son chef? quand t'a-t-il été donné de commander les peuples qu'il tirait de sa patrie? Tu es venu comme roi de Sparte, et non comme le nôtre, et tu n'avais pas plus de droits sur lui qu'il n'en avait sur toi. Tu es toi-même venu ici comme subordonné, tu ne fus jamais le chef de l'armée entière, ni celui d'Ajax. Règne donc sur les tiens, et réprimande-les avec ces arrogantes paroles; mais Ajax, malgré ta défense ou celle de tout autre général, je l'ensevelirai comme je le dois, sans m'effrayer de tes menaces. Il ne combattait pas pour ton épouse, comme les mercenaires, mais pour les serments (72) par lesquels il s'est lié, et nullement pour toi; car il estimait trop peu les hommes sans mérite. Maintenant amène une escorte de hérauts, fais venir le général, je ne m'inquiéterai pas de tes jactances, tant que tu seras ce que tu es.

LE CHOEUR.
Je n'aime pas un tel langage dans le malheur; en 46 effet, des reproches, quelque mérités qu'ils puissent être, blessent toujours.

MÉNÉLAS.

Cet archer (73) a l'air de ne pas manquer d'orgueil.

TEUCER.

C'est que l'art où j'excelle n'est point un art méprisable.

MÉNÉLAS.

Quelle serait ta fierté, si tu portais le bouclier?

TEUCER.

Même sans armes, je te combattrais armé de toutes

MÉNÉLAS.

Oh ! que ta langue nourrit un terrible courage !

TEUCER.

La fierté est permise, quand on a pour soi la justice.

MÉNÉLAS.

Est-il donc juste de faire triompher mon assassin?

TEUCER.

Ton assassin! la chose est étrange; tu es mort, et tu vis !

MÉNÉLAS.

C'est qu'un dieu m'a sauvé, mais dans l'intention d'Ajax, j'étais mort.

TEUCER.

N'outrage donc pas les dieux, qui ont sauvé tes jours.

MÉNÉLAS.

Voudrais-je donc enfreindre leurs lois?

TEUCER.

Oui, en ne permettant pas d'ensevelir les morts.

MÉNÉLAS.

Ce sont mes propres ennemis; car la chose est mal séante.

TEUCER.

Est-ce qu'Ajax fut jamais ton ennemi ?

47 MÉNÉLAS.

Notre haine était mutuelle, toi aussi tu le sais.

TEUCER.

Tu fus surpris à lui dérober des suffrages.

MÉNÉLAS.

Ce fut la faute des juges, et non la mienne.

TEUCER.

Tu saurais ourdir encore bien d'autres trames.

MÉNÉLAS.

Ce discours pourra coûter cher à quelqu'un.

TEUCER.

Pas plus, je pense, qu'il ne t'en coûtera à toi-même.

MÉNÉLAS.

Je ne te dis qu'un mot : on ne l'ensevelira point.

TEUCER,

Je ne répondrai qu'un mot : il sera enseveli.

MÉNÉLAS.

J'ai vu un homme hardi de la langue, qui encourageait les matelots à partir avec l'orage, mais qui, au fort de la tempête, semblait avoir perdu la voix, se cachait sous son manteau et se laissait fouler aux pieds par le dernier des matelots (74). Ainsi, toi et tes vaines clameurs, une tempête violente, éclatant du sein d'un, léger nuage, vous aura bientôt dissipés.

TEUCER.

Et moi, j'ai vu un homme, plein de folie, qui insultait aux maux des autres: un homme assez semblable à moi, et d'un caractère aussi peu endurant, lui dit : « Gardent toi de maltraiter les morts, sinon apprends que tu « seras puni. » Voilà les avis qu'il donnait à ce malheureux. Cet insensé, il est devant mes yeux, et, si je ne me trompe, c'est toi-même. Y a-t-il là quelque énigme?

MÉNÉLAS.

Je sors; car je rougirais qu'on me vît gourmander par des paroles celui que je puis réduire par la force.

48 TEUCER.

Pars donc; car, moi, je rougis encore plus d'entendre un insensé débiter tant de sottises.

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Χορός

Ἔσται μεγάλης ἔριδός τις ἀγών.
Ἀλλ᾽ ὡς δύνασαι, Τεῦκρε, ταχύνας
σπεῦσον κοίλην κάπετόν τιν᾽ ἰδεῖν 1165
τῷδ᾽, ἔνθα βροτοῖς τὸν ἀείμνηστον
τάφον εὐρώεντα καθέξει.

Τεύκρος

Καὶ μὴν ἐς αὐτὸν καιρὸν οἵδε πλησίοι
πάρεισιν ἀνδρὸς τοῦδε παῖς τε καὶ γυνή,
τάφον περιστελοῦντε δυστήνου νεκροῦ. 1170
Ὦ παῖ, πρόσελθε δεῦρο καὶ σταθεὶς πέλας
ἱκέτης ἔφαψαι πατρός, ὅς σ᾽ ἐγείνατο.
Θάκει δὲ προστρόπαιος ἐν χεροῖν ἔχων
κόμας ἐμὰς καὶ τῆσδε καὶ σαυτοῦ τρίτου,
ἱκτήριον θησαυρόν. Εἰ δέ τις στρατοῦ 1175
βίᾳ σ᾽ ἀποσπάσειε τοῦδε τοῦ νεκροῦ,
κακὸς κακῶς ἄθαπτος ἐκπέσοι χθονός,
γένους ἅπαντος ῥίζαν ἐξημημένος,
αὔτως ὅπωσπερ τόνδ᾽ ἐγὼ τέμνω πλόκον.
Ἔχ᾽ αὐτόν, ὦ παῖ, καὶ φύλασσε, μηδέ σε 1180
κινησάτω τις, ἀλλὰ προσπεσὼν ἔχου.
Ὑμεῖς τε μὴ γυναῖκες ἀντ᾽ ἀνδρῶν πέλας
παρέστατ᾽, ἀλλ᾽ ἀρήγετ᾽, ἔστ᾽ ἐγὼ μολὼν
τάφου μεληθῶ τῷδε, κἂν μηδεὶς ἐᾷ.

LE CHOEUR.

D'une grande querelle sortira un combat. Mais ne perds pas de temps, ô Teucer ! hâte-toi de creuser une sépulture, où Ajax ait un tombeau cher à jamais à la mémoire des hommes.

TEUCER.

Mais voici fort à propos le fils et l'épouse d'Ajax, qui s'avancent pour honorer la tombe de ce guerrier malheureux. Approche, jeune enfant, et viens, dans une attitude suppliante, toucher le corps de celui qui t'a donné le jour; reste à ses genoux, tenant en main l'offrande religieuse de ma chevelure, celle de ta mère et la tienne. Si quelque homme de l'armée osait ici employer la violence pour te séparer de ce cadavre, que lui-même, pour prix de son crime, il gise loin de sa patrie, privé de sépulture, et soit retranché de sa race, comme ces cheveux que je coupe. Veille sur lui, mon enfant, que personne ne t'en sépare; garde-le, tiens-le étroitement embrassé. Et vous, montrez que vous êtes des hommes, veillez sur eux et défendez-les, jusqu'à ce que je revienne, après avoir préparé le tombeau d'Ajax, malgré leur résistance.

(Il sort.)

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Χορός

Τίς ἄρα νέατος ἐς πότε λήξει πολυπλάγκτων ἐτέων ἀριθμός,
τὰν ἄπαυστον αἰὲν ἐμοὶ δορυσσοήτων
μόχθων ἄταν ἐπάγων
ἄν τὰν εὐρώδεα Τρωΐαν, 1190
δύστανον ὄνειδος Ἑλλάνων;
 

Ὄφελε πρότερον αἰθέρα δῦναι μέγαν ἢ τὸν πολύκοινον Ἅιδαν
κεῖνος ἁνήρ, ὃς στυγερῶν ἔδειξεν ὅπλων 1195
Ἕλλασιν κοινὸν Ἄρη.
Ἰὼ πόνοι πρόγονοι πόνων·
κεῖνος γὰρ ἔπερσεν ἀνθρώπους.
 

Ἐκεῖνος οὔτε στεφάνων
οὔτε βαθεῖαν κυλίκων 1200
νεῖμεν ἐμοὶ τέρψιν ὁμιλεῖν,
οὔτε γλυκὺν αὐλῶν ὄτοβον,
δύσμορος, οὔτ᾽ ἐννυχίαν
τέρψιν ἰαύειν.
Ἐρώτων δ᾽ ἐρώτων ἀπέπαυσεν, ὤμοι. 1205
Κεῖμαι δ᾽, ἀμέριμνος οὕτως,
ἀεὶ πυκιναῖς δρόσοις
τεγγόμενος κόμας,
λυγρᾶς μνήματα Τροίας. 1210
 

Καὶ πρὶν μὲν αἰὲν νυχίου
δείματος ἦν μοι προβολὰ
καὶ βελέων θούριος Αἴας·
νῦν δ᾽ οὗτος ἀνεῖται στυγερῷ
δαίμονι· τίς μοι, τίς ἔτ᾽ οὖν 1215
τέρψις ἐπέσται;
Γενοίμαν ἵν᾽ ὑλᾶεν ἔπεστι πόντου
πρόβλημ᾽ ἁλίκλυστον, ἄκραν
ὑπὸ πλάκα Σουνίου, 1220
τὰς ἱερὰς ὅπως
προσείποιμεν Ἀθάνας.

LE CHOEUR.

(Strophe 1.) Quelle sera donc la dernière de ces années malheureuses, et quand le temps cessera-t-il de ramener pour nous les souffrances toujours renaissantes des fatigues de la guerre, devant cette Troie superbe, ruine et opprobre des Grecs ?

(Antistrophe 1.) Ah! que n'a-t-il disparu dans les airs ou dans la demeure commune de Pluton, celui qui en- 49 seigna aux Grecs l'usage funeste alarmes et les guerres mortelles ! O travaux sans cesse renaissants ! celui-là fut le fléau des hommes.

{Strophe 2.) Celui-là m'a ravi la joie des couronnes et des coupes profondes, les doux accents de la flûte, hélas ! et les plaisirs nocturnes des amours. Il m'a privé des amours, oui, des amours; hélas! étendu sur ce rivage, dans mon abandon, je laisse mes cheveux s'abreuver des rosées fréquentes, triste souvenir de Troie !

(Antistrophe 2.) Autrefois, contre les craintes de la nuit et contre les traits ennemis, le vaillant Ajax était mon rempart; mais maintenant il est la proie d'une divinité odieuse  (75). Quel plaisir me reste-t-il désormais? Que ne suis-je à l'ombre des bois qui couronnent le promontoire de Sunium et ses vagues retentissantes, pour saluer les murs sacrés d'Athènes !

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  Τεύκρος

Καὶ μὴν ἰδὼν ἔσπευσα τὸν στρατηλάτην
Ἀγαμέμνον᾽ ἡμῖν δεῦρο τόνδ᾽ ὁρμώμενον·
δῆλος δέ μοὐστὶ σκαιὸν ἐκλύσων στόμα. 1225

Ἀγαμέμνων

Σὲ δὴ τὰ δεινὰ ῥήματ᾽ ἀγγέλλουσί μοι
τλῆναι καθ᾽ ἡμῶν ὧδ᾽ ἀνοιμωκτὶ χανεῖν;
Σέ τοι, τὸν ἐκ τῆς αἰχμαλωτίδος λέγω,
ἦ που τραφεὶς ἂν μητρὸς εὐγενοῦς ἄπο
ὑψήλ᾽ ἐκόμπεις κἀπ᾽ ἄκρων ὡδοιπόρεις, 1230
ὅτ᾽ οὐδὲν ὢν τοῦ μηδὲν ἀντέστης ὕπερ,
κοὔτε στρατηγοὺς οὔτε ναυάρχους μολεῖν
ἡμᾶς Ἀχαιῶν οὐδὲ σοῦ διωμόσω
ἀλλ᾽ αὐτὸς ἄρχων, ὡς σὺ φής, Αἴας ἔπλει.
Ταῦτ᾽ οὐκ ἀκούειν μεγάλα πρὸς δούλων κακά; 1235
ποίου κέκραγας ἀνδρὸς ὧδ᾽ ὑπέρφρονα;
ποῖ βάντος ἢ ποῦ στάντος οὗπερ οὐκ ἐγώ;
Οὐκ ἆρ᾽ Ἀχαιοῖς ἄνδρες εἰσὶ πλὴν ὅδε;
πικροὺς ἔοιγμεν τῶν Ἀχιλλείων ὅπλων
ἀγῶνας Ἀργείοισι κηρῦξαι τότε, 1240
εἰ πανταχοῦ φανούμεθ᾽ ἐκ Τεύκρου κακοί,
κοὐκ ἀρκέσει ποθ᾽ ὑμὶν οὐδ᾽ ἡσσημένοις
εἴκειν ἃ τοῖς πολλοῖσιν ἤρεσκεν κριταῖς,
ἀλλ᾽ αἰὲν ἡμᾶς ἢ κακοῖς βαλεῖτέ που
ἢ σὺν δόλῳ κεντήσεθ᾽ οἱ λελειμμένοι. 1245
Ἐκ τῶνδε μέντοι τῶν τρόπων οὐκ ἄν ποτε
κατάστασις γένοιτ᾽ ἂν οὐδενὸς νόμου,
εἰ τοὺς δίκῃ νικῶντας ἐξωθήσομεν
καὶ τοὺς ὄπισθεν εἰς τὸ πρόσθεν ἄξομεν.
Ἀλλ᾽ εἰρκτέον τάδ᾽ ἐστίν· οὐ γὰρ οἱ πλατεῖς 1250
οὐδ᾽ εὐρύνωτοι φῶτες ἀσφαλέστατοι,
ἀλλ᾽ οἱ φρονοῦντες εὖ κρατοῦσι πανταχοῦ.
Μέγας δὲ πλευρὰ βοῦς ὑπὸ σμικρᾶς ὅμως
μάστιγος ὀρθὸς εἰς ὁδὸν πορεύεται.
Καὶ σοὶ προσέρπον τοῦτ᾽ ἐγὼ τὸ φάρμακον 1255
ὁρῶ τάχ᾽, εἰ μὴ νοῦν κατακτήσει τινά·
ὃς ἀνδρὸς οὐκέτ᾽ ὄντος, ἀλλ᾽ ἤδη σκιᾶς,
θαρσῶν ὑβρίζεις κἀξελευθεροστομεῖς.
Οὐ σωφρονήσεις; οὐ μαθὼν ὃς εἶ φύσιν
ἄλλον τιν᾽ ἄξεις ἄνδρα δεῦρ᾽ ἐλεύθερον, 1260
ὅστις πρὸς ἡμᾶς ἀντὶ σοῦ λέξει τὰ σά;
Σοῦ γὰρ λέγοντος οὐκέτ᾽ ἂν μάθοιμ᾽ ἐγώ·
τὴν βάρβαρον γὰρ γλῶσσαν οὐκ ἐπαΐω.

Χορός

Εἴθ᾽ ὑμὶν ἀμφοῖν νοῦς γένοιτο σωφρονεῖν·
τούτου γὰρ οὐδὲν σφῷν ἔχω λῷον φράσαι. 1265

Τεύκρος

Φεῦ· τοῦ θανόντος ὡς ταχεῖά τις βροτοῖς
χάρις διαρρεῖ καὶ προδοῦσ᾽ ἁλίσκεται,
εἰ σοῦ γ᾽ ὅδ᾽ ἁνὴρ οὐδ᾽ ἐπὶ σμικρῶν λόγων,
Αἴας, ἔτ᾽ ἴσχει μνῆστιν, οὗ σὺ πολλάκις
τὴν σὴν προτείνων προύκαμες ψυχὴν δόρει. 1270
Ἀλλ᾽ οἴχεται δὴ πάντα ταῦτ᾽ ἐρριμμένα.
Ὦ πολλὰ λέξας ἄρτι κἀνόητ᾽ ἔπη,
οὐ μνημονεύεις οὐκέτ᾽ οὐδέν, ἡνίκα
ἑρκέων ποθ᾽ ὑμᾶς οὗτος ἐγκεκλῃμένους,
ἤδη τὸ μηδὲν ὄντας, ἐν τροπῇ δορὸς 1275
ἐρρύσατ᾽ ἐλθὼν μοῦνος, ἀμφὶ μὲν νεῶν
ἄκροισιν ἤδη ναυτικοῖς ἑδωλίοις
πυρὸς φλέγοντος, εἰς δὲ ναυτικὰ σκάφη
πηδῶντος ἄρδην Ἕκτορος τάφρων ὕπερ;
ίς ταῦτ᾽ ἀπεῖρξεν; οὐχ ὅδ᾽ ἦν ὁ δρῶν τάδε, 1280
ὃν οὐδαμοῦ φής, οὗ σὺ μή, βῆναι ποδί;
Ἆρ᾽ ὑμὶν οὗτος ταῦτ᾽ ἔδρασεν ἔνδικα;
Χὤτ᾽ αὖθις αὐτὸς Ἕκτορος μόνος μόνου
λαχών τε κἀκέλευστος ἦλθ᾽ ἐναντίος,
οὐ δραπέτην τὸν κλῆρον ἐς μέσον καθείς, 1285
ὑγρᾶς ἀρούρας βῶλον, ἀλλ᾽ ὃς εὐλόφου
κυνῆς ἔμελλε πρῶτος ἅλμα κουφιεῖν;
Ὅδ᾽ ἦν ὁ πράσσων ταῦτα, σὺν δ᾽ ἐγὼ παρών,
ὁ δοῦλος, οὑκ τῆς βαρβάρου μητρὸς γεγώς.
Δύστηνε, ποῖ βλέπων ποτ᾽ αὐτὰ καὶ θροεῖς; 1290
οὐκ οἶσθα σοῦ πατρὸς μὲν ὃς προύφυ πατὴρ
ἀρχαῖον ὄντα Πέλοπα βάρβαρον Φρύγα;
Ἀτρέα δ᾽, ὃς αὖ σ᾽ ἔσπειρε δυσσεβέστατον,
προθέντ᾽ ἀδελφῷ δεῖπνον οἰκείων τέκνων;
αὐτὸς δὲ μητρὸς ἐξέφυς Κρήσσης, ἐφ᾽ ᾗ 1295
λαβὼν ἐπακτὸν ἄνδρ᾽ ὁ φιτύσας πατὴρ
Ἐφῆκεν ἐλλοῖς ἰχθύσιν διαφθοράν.
τοιοῦτος ὢν τοιῷδ᾽ ὀνειδίζεις σποράν;
Ὃς ἐκ πατρὸς μέν εἰμι Τελαμῶνος γεγώς,
ὅστις στρατοῦ τὰ πρῶτ᾽ ἀριστεύσας ἐμὴν 1300
ἴσχει ξύνευνον μητέρ᾽, ἣ φύσει μὲν ἦν
βασίλεια, Λαομέδοντος· ἔκκριτον δέ νιν
δώρημα κείνῳ ᾽δωκεν Ἀλκμήνης γόνος.
Ἆρ᾽ ὧδ᾽ ἄριστος ἐξ ἀριστέοιν δυοῖν
βλαστὼν ἂν αἰσχύνοιμι τοὺς πρὸς αἵματος, 1305
οὓς νῦν σὺ τοιοῖσδ᾽ ἐν πόνοισι κειμένους
ὠθεῖς ἀθάπτους, οὐδ᾽ ἐπαισχύνει λέγων;
Εὖ νυν τόδ᾽ ἴσθι, τοῦτον εἰ βαλεῖτέ που,
βαλεῖτε χἠμᾶς τρεῖς ὁμοῦ συγκειμένους.
Ἐπεὶ καλόν μοι τοῦδ᾽ ὑπερπονουμένῳ 1310
θανεῖν προδήλως μᾶλλον ἢ τῆς σῆς ὑπὲρ
γυναικός, ἢ τοῦ σοῦ γ᾽ ὁμαίμονος λέγω;
Πρὸς ταῦθ᾽ ὅρα μὴ τοὐμόν, ἀλλὰ καὶ τὸ σόν·
ὡς εἴ με πημανεῖς τι, βουλήσει ποτὲ
καὶ δειλὸς εἶναι μᾶλλον ἢ ᾽ν ἐμοὶ θρασύς. 1315

TEUCER.

J'ai hâté mon retour, j'ai aperçu le chef de l'armée Agamemnon, marchant vers ces lieux à pas précipités; son air m'annonce des paroles sinistres.

AGAMEMNON.

On m'annonce que tu oses impunément proférer contre nous des paroles outrageantes, toi, le fils d'une captive (76). Sans doute, si tu avais été nourri par une noble mère, tu étalerais bien de l'arrogance et tu marcherais la tête haute (77), puisque, toi qui n'es rien, tu as combattu pour un homme de rien ! A t'en croire, nous ne sommes les chefs ni de l'armée ni de la flotte, ni le tien ; et Ajax, en venant ici, ne dépendait que de lui-même. N'est-ce pas une honte d'entendre ce langage d'un esclave ? Et pour quel homme encore fais-tu éclater tant d'audace? Où a-t-il été? qu'a-t-il fait, que je n'aie fait moi-même ? Après lui, n'y a-t-il plus d'hommes parmi les Grecs? 50 Certes nous avons eu toit d'établir un combat pour les armes d'Achille, si, au dire de Teucer, nous sommes convaincus d'injustice, et si vous tous, quand vous avez été vaincus, loin de céder à la pluralité des vois, ne cessez de nous attaquer par des injures» ou de venger votre défaite par des perfidies. Et que deviendrait, après de tels exemples, la stabilité des lois, si, repoussant ceux qui ont été jugés dignes des prix, nous mettions les vaincus,à la première place? Mais cet état de choses ne peut se souffrir; car ce n'est ni la force du corps ni la haute stature qui fait notre puissance; c'est .la sagesse qui donne la supériorité en tous lieux. Le bœuf le plus robuste obéit au fouet léger qui le ramène dans le sillon. Je prévois qu'on pourrait bien t'appliquer aussi ce remède, si tu ne reviens à la raison; toi qui, pour homme privé de vie, et déjà une vaine ombre, nous insultes avec tant d'orgueil et d'audace. Ne sauras-tu te modérer? n'iras-tu pas, connaissant ta naissance, chercher quelque homme libre qui nous parle pour toi (78) ? Car e'est en vain que tu voudrais me parler, je ne te comprendrais pas; je n'entends point la langue des Barbares (79) ?

LE CHOEUR.

Puissiez-vous tous deux devenir raisonnables! je ne saurais vous rien dire de mieux.

TEUCER.

Hélas ! que la reconnaissance due aux morts s'écoule vite et s'efface de la mémoire des hommes, puisque tu n'obtiens point, ô Ajax, Je plus léger souvenir d'un homme pour qui, prodiguant ta vie, tu as si souvent bravé les hasards des combats! Mais tant de services 51 sont déjà perdus. Et toi qui tout à l'heure as prononcé de si folles paroles, as-tu donc oublié qu'enfermés dans vos retranchements, déjà dans la déroute commune, près de périr, Ajax seul vous délivra quand déjà la flamme dévorait la poupe de vos vaisseaux, et qu'Hector, franchissant vos fossés, s'élançait furieux sur les bancs des rameurs (80)? Qui alors les repoussa? n'est-ce pas lui, ce même Ajax, qui, selon toi, ne combattit jamais de pied ferme? Toutes ces actions ne sont-elles pas les siennes ? Et lorsque, pour combattre Hector seul à seul, il tira au sort, il n'attendit pas des ordres, il ne jeta pas dans le casque une boule de terre humide pour éviter la chance; il en mit une qui, par sa légèreté, dût sortir du casque la première (81). Voilà ce qu'il a fait, et j'étais avec lui, moi, vil esclave, fils d'une mère Barbare. Malheureux! quel est ton aveuglement, d'oser tenir un tel langage? Ignores-tu que ton aïeul, le vieux Pélops, fut un Barbare, un Phrygien? qu'Atrée ton père fut le plus impie des hommes, lui qui servit à son frère, dans un festin, les membres de ses propres enfants? Toi-même, tu naquis d'une Crétoise (82), que son père surprit en flagrant délit avec un homme, et ordonna de jeter dans la mer, pour être la pâture des poissons. Et, issu d'une telle famille, tu viens me reprocher ma naissance ! moi, fds de Télamon, de ce héros qui, en récompense de sa rare valeur, obtint ma mère pour sa compagne, reine par sa naissance, fille de Laomédon, glorieux présent donné 52 par le fils d'Alcmène ! Digne fils de cette noble race, laisserai-je déshonorer ceux qui sont issus du même sang, et que maintenant, dans une si grande infortune, tu veux priver de sépulture? et tu ne rougis pas de le dire? Mais sache-le bien, si tu te permets cet outrage contre lui, l'outrage nous sera commun à tous trois (83); puisque enfin il me sera plus glorieux de combattre et de mourir pour lui que pour ton épouse (84) ou celle de ton frère. Songes-y donc, ce n'est plus mon intérêt, mais le tien : si tu me fais la moindre offense, tu regretteras bientôt de n'avoir pas montré plus de timidité que d'audace contre moi.

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  Χορός

Ἄναξ, Ὀδυσσεῦ, καιρὸν ἴσθ᾽ ἐληλυθώς,
εἰ μὴ ξυνάψων, ἀλλὰ συλλύσων πάρει.

Ὀδυσσεύς

Τί δ᾽ ἔστιν, ἄνδρες; Τηλόθεν γὰρ ᾐσθόμην
βοὴν Ἀτρειδῶν τῷδ᾽ ἐπ᾽ ἀλκίμῳ νεκρῷ.

Ἀγαμέμνων

Οὐ γὰρ κλύοντές ἐσμεν αἰσχίστους λόγους, 1320
ἄναξ Ὀδυσσεῦ, τοῦδ᾽ ὑπ᾽ ἀνδρὸς ἀρτίως;

Ὀδυσσεύς

Ποίους; ἐγὼ γὰρ ἀνδρὶ συγγνώμην ἔχω
κλύοντι φλαῦρα συμβαλεῖν ἔπη κακά.

Ἀγαμέμνων

Ἤκουσεν αἰσχρά· δρῶν γὰρ ἦν τοιαῦτά με.

Ὀδυσσεύς

Τί γάρ σ᾽ ἔδρασεν, ὥστε καὶ βλάβην ἔχειν; 1325

Ἀγαμέμνων

Οὔ φησ᾽ ἐάσειν τόνδε τὸν νεκρὸν ταφῆς
ἄμοιρον, ἀλλὰ πρὸς βίαν θάψειν ἐμοῦ.

Ὀδυσσεύς

Ἔξεστιν οὖν εἰπόντι τἀληθῆ φίλῳ
σοὶ μηδὲν ἧσσον ἢ πάρος ξυνηρετεῖν;

Ἀγαμέμνων

Εἴπ᾽· ἦ γὰρ εἴην οὐκ ἂν εὖ φρονῶν, ἐπεὶ 1330
φίλον σ᾽ ἐγὼ μέγιστον Ἀργείων νέμω.

Ὀδυσσεύς

Ἄκουέ νυν. Τὸν ἄνδρα τόνδε πρὸς θεῶν
μὴ τλῇς ἄθαπτον ὧδ᾽ ἀναλγήτως βαλεῖν·
μηδ᾽ ἡ βία σε μηδαμῶς νικησάτω
τοσόνδε μισεῖν ὥστε τὴν δίκην πατεῖν. 1335
Κἀμοὶ γὰρ ἦν ποθ᾽ οὗτος ἔχθιστος στρατοῦ,
ἐξ οὗ ᾽κράτησα τῶν Ἀχιλλείων ὅπλων,
ἀλλ᾽ αὐτὸν ἔμπας ὄντ᾽ ἐγὼ τοιόνδ᾽ ἐμοὶ
οὐκ ἀντατιμάσαιμ᾽ ἄν, ὥστε μὴ λέγειν
ἕν᾽ ἄνδρ᾽ ἰδεῖν ἄριστον Ἀργείων, ὅσοι 1340
Τροίαν ἀφικόμεσθα, πλὴν Ἀχιλλέως.
Ὥστ᾽ οὐκ ἂν ἐνδίκως γ᾽ ἀτιμάζοιτό σοι·
οὐ γάρ τι τοῦτον, ἀλλὰ τοὺς θεῶν νόμους
φθείροις ἄν. Ἄνδρα δ᾽ οὐ δίκαιον, εἰ θάνοι,
βλάπτειν τὸν ἐσθλόν, οὐδ᾽ ἐὰν μισῶν κυρῇς. 1345

Ἀγαμέμνων

Σὺ ταῦτ᾽, Ὀδυσσεῦ, τοῦδ᾽ ὑπερμαχεῖς ἐμοί;

Ὀδυσσεύς

Ἔγωγ᾽· ἐμίσουν δ᾽, ἡνίκ᾽ ἦν μισεῖν καλόν.

Ἀγαμέμνων

Οὐ γὰρ θανόντι καὶ προσεμβῆναί σε χρή;

Ὀδυσσεύς

Μὴ χαῖρ᾽, Ἀτρείδη, κέρδεσιν τοῖς μὴ καλοῖς.

Ἀγαμέμνων

Τόν τοι τύραννον εὐσεβεῖν οὐ ῥᾴδιον. 1350

Ὀδυσσεύς

Ἀλλ᾽ εὖ λέγουσι τοῖς φίλοις τιμὰς νέμειν.

Ἀγαμέμνων

Κλύειν τὸν ἐσθλὸν ἄνδρα χρὴ τῶν ἐν τέλει.

Ὀδυσσεύς

Παῦσαι· κρατεῖς τοι τῶν φίλων νικώμενος.

Ἀγαμέμνων

Μέμνησ᾽ ὁποίῳ φωτὶ τὴν χάριν δίδως.

Ὀδυσσεύς

Ὅδ᾽ ἐχθρὸς ἁνήρ, ἀλλὰ γενναῖός ποτ᾽ ἦν. 1355

Ἀγαμέμνων

Τί ποτε ποήσεις; Ἐχθρὸν ὧδ᾽ αἰδεῖ νέκυν;

Ὀδυσσεύς

Νικᾷ γὰρ ἁρετή με τῆς ἔχθρας πολύ.

Ἀγαμέμνων

Τοιοίδε μέντοι φῶτες ἔμπληκτοι βροτῶν.

Ὀδυσσεύς

Ἦ κάρτα πολλοὶ νῦν φίλοι καὖθις πικροί.

Ἀγαμέμνων

Τοιούσδ᾽ ἐπαινεῖς δῆτα σὺ κτᾶσθαι φίλους; 1360

Ὀδυσσεύς

Σκληρὰν ἐπαινεῖν οὐ φιλῶ ψυχὴν ἐγώ.

Ἀγαμέμνων

ἡμᾶς σὺ δειλοὺς τῇδε θἠμέρᾳ φανεῖς.

Ὀδυσσεύς

Ἄνδρας μὲν οὖν Ἕλλησι πᾶσιν ἐνδίκους.

Ἀγαμέμνων

Ἄνωγας οὖν με τὸν νεκρὸν θάπτειν ἐᾶν;

Ὀδυσσεύς

Ἔγωγε· καὶ γὰρ αὐτὸς ἐνθάδ᾽ ἵξομαι. 1365

Ἀγαμέμνων

Ἡ πάνθ᾽ ὅμοια πᾶς ἀνὴρ αὑτῷ πονεῖ.

Ὀδυσσεύς

Τῷ γάρ με μᾶλλον εἰκὸς ἢ ᾽μαυτῷ πονεῖν;

Ἀγαμέμνων

Σὸν ἆρα τοὔργον, οὐκ ἐμὸν κεκλήσεται.

Ὀδυσσεύς

Ὡς ἂν ποήσῃς, πανταχῇ χρηστός γ᾽ ἔσει.

Ἀγαμέμνων

Ἀλλ᾽ εὖ γε μέντοι τοῦτ᾽ ἐπίστασ᾽ ὡς ἐγὼ 1370
σοὶ μὲν νέμοιμ᾽ ἂν τῆσδε καὶ μείζω χάριν,
οὗτος δὲ κἀκεῖ κἀνθάδ᾽ ὢν ἔμοιγ᾽ ὁμῶς
ἔχθιστος ἔσται· σοὶ δὲ δρᾶν ἔξεσθ᾽ ἃ χρῇς.

LE CHOEUR.

Ô roi Ulysse, sache que tu es venu à propos, si c'est pour terminer et non pour aigrir leur dispute.

ULYSSE.

Qu'y a-t-il ? j'ai en effet entendu de loin les cris des Atrides sur ce mort vaillant.

AGAMEMNON.

N'avons-nous pas, ô Ulysse, entendu tout à l'heure d'insolents discours de la bouche de cet homme?

ULYSSE.

Quels discours? car je pardonne à l'homme qu'on injurie de répondre par d'autres outrages.

AGAMEMNON.

Je l'ai traité avec mépris, comme il m'avait traité moi-même.

ULYSSE.

Qu'a-t-il donc fait qui dût t'offenser ?

AGAMEMNON.

Il prétend ne pas laisser ce corps sans sépulture, et même il prétend l'ensevelir malgré moi.

53 ULYSSE.

Est-il permis à un ami de te dire la vérité, sans rompre l'accord qui règne entre nous?

AGAMEMNON.

Parle; autrement je serais bien insensé, moi qui te regarde comme l'ami le plus cher que j'aie parmi les Grecs.

ULYSSE.

Écoute donc. Je te conjure par les dieux de ne pas priver si inhumainement cet homme de la sépulture; ne te laisse pas emporter par la violence à un degré de haine qui te fasse fouler aux pieds la justice. Sans doute, il fut, dans l'armée, le plus ardent de mes ennemis, depuis le jour où je remportai les armes d'Achille; cependant, quel qu'il ait été à mon égard, je ne lui ferai point l'injustice de nier qu'il fut après Achille le plus brave des Grecs qui sommes venus devant Troie. Tu serais donc injuste de le priver des honneurs auxquels il a droit; car ce serait offenser, non pas lui, mais les lois divines. L'homme de bien ne doit pas poursuivre, après la mort, celui même dont il aurait été l'ennemi pendant sa vie.

AGAMEMNON.

Ainsi, Ulysse, tu prends sa défense contre moi?

ULYSSE.

Sans doute; je haïssais, quand il était beau de haïr.

AGAMEMNON.

Toi aussi, ne dois-tu pas triompher du mort?

ULYSSE.

O Atride! ne t'applaudis pas d'un indigne avantage.

AGAMEMNON.

Il n'est pas facile à un roi d'être juste.

ULYSSE.

Mais il est facile d'écouter les conseils de sages amis.

AGAMEMNON.

L'homme de bien doit obéir à ceux qui ont le pouvoir.

54 ULYSSE.

Cesse ce langage ; c'est vaincre que de céder à ses amis.

AGAMEMNON.

Souviens-toi quel fut l'homme que tu veux épargner.

ULYSSE.

Il fut mon ennemi, mais il était généreux.

AGAMEMNON.

Que prétends-tu donc? respectes-tu à ce point un ennemi mort?

ULYSSE.

La vertu est plus puissante sur moi que la haine.

AGAMEMNON.

Les hommes ainsi faits sont des mortels inconstants.

ULYSSE.

Que de gens, amis aujourd'hui, qui demain seront ennemis!

AGAMEMNON.

Approuves-tu donc qu'on ait de tels amis?

ULYSSE.

Je n'ai pas l'habitude d'approuver une âme inflexible.

AGAMEMNON.

Tu feras si bien, que nous passerons aujourd'hui pour des lâches.

ULYSSE;

Non, mais pour des hommes justes, aux yeux de tous les Grecs.

AGAMEMNON.

Tu me conseilles donc de laisser ensevelir ce cadavre?

ULYSSE.

Oui ; ne descendrai-je pas moi-même un jour au tombeau?

AGAMEMNON.

Ainsi chacun n'agit que dans son propre intérêt.

ULYSSE.

Quel intérêt servirais-je plutôt que le mien?

55 AGAMEMNON.

On dira que ce fut ton œuvre, et non la mienne.

ULYSSE.

Quoi que tu fasses, tu seras partout un homme de bien.

AGAMEMNON.

Sache bien cependant qu'il n'est point de service plus grand que je ne sois prêt à te rendre; mais lui, et sur cette terre et dans les enfers (85), il me sera toujours également odieux, toi, tu peux agir à ton gré.

(Il sort.)

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  Χορός

Ὅστις σ᾽, Ὀδυσσεῦ, μὴ λέγει γνώμῃ σοφὸν
φῦναι, τοιοῦτον ὄντα, μῶρός ἐστ᾽ ἀνήρ. 1375

Ὀδυσσεύς

Καὶ νῦν γε Τεύκρῳ τἀπὸ τοῦδ᾽ ἀγγέλλομαι,
ὅσον τότ᾽ ἐχθρὸς ἦ, τοσόνδ᾽ εἶναι φίλος.
Καὶ τὸν θανόντα τόνδε συνθάπτειν θέλω
καὶ ξυμπονεῖν καὶ μηδὲν ἐλλείπειν ὅσων
χρὴ τοῖς ἀρίστοις ἀνδράσιν πονεῖν βροτούς. 1380

Τεύκρος

Ἄριστ᾽ Ὀδυσσεῦ, πάντ᾽ ἔχω σ᾽ ἐπαινέσαι
λόγοισι, καί μ᾽ ἔψευσας ἐλπίδος πολύ.
Τούτῳ γὰρ ὢν ἔχθιστος Ἀργείων ἀνὴρ
μόνος παρέστης χερσίν, οὐδ᾽ ἔτλης παρὼν
θανόντι τῷδε ζῶν ἐφυβρίσαι μέγα, 1385
ὡς ὁ στρατηγὸς οὑπιβρόντητος μολὼν
αὐτός τε χὠ ξύναιμος ἠθελησάτην
λωβητὸν αὐτὸν ἐκβαλεῖν ταφῆς ἄτερ.
Τοιγάρ σφ᾽ Ὀλύμπου τοῦδ᾽ ὁ πρεσβεύων πατὴρ 1390
μνήμων τ᾽ Ἐρινὺς καὶ τελεσφόρος Δίκη
κακοὺς κακῶς φθείρειαν, ὥσπερ ἤθελον
τὸν ἄνδρα λώβαις ἐκβαλεῖν ἀναξίως.
Σὲ δ᾽, ὦ γεραιοῦ σπέρμα Λαέρτου πατρός,
τάφου μὲν ὀκνῶ τοῦδ᾽ ἐπιψαύειν ἐᾶν, 1395
μὴ τῷ θανόντι τοῦτο δυσχερὲς ποιῶ·
τὰ δ᾽ ἄλλα καὶ ξύμπρασσε, κεἴ τινα στρατοῦ
θέλεις κομίζειν, οὐδὲν ἄλγος ἕξομεν.
Ἐγὼ δὲ τἄλλα πάντα πορσυνῶ· σὺ δὲ
ἀνὴρ καθ᾽ ἡμᾶς ἐσθλὸς ὢν ἐπίστασο.

Ὀδυσσεύς

Ἀλλ᾽ ἤθελον μέν· εἰ δὲ μή ᾽στί σοι φίλον 1400
πράσσειν τάδ᾽ ἡμᾶς, εἶμ᾽ ἐπαινέσας τὸ σόν.

LE CHOEUR.

Qui voudrait, Ulysse, te disputer le titre de sage, quand tu lé montres ainsi, serait un insensé.

ULYSSE.

Et maintenant je déclare désormais à Teucer que je suis l*ami d'Ajax autant que j'étais son ennemi. Je veux honorer avec vous ses funérailles, lui rendre mes soins, lie rien négliger enfin des devoirs que tes mortels doivent aux grands hommes.

TEUCER.

Généreux Ulysse, je puis te combler d'éloges; tu as bien démenti mes craintes. Tu étais pour lui le plus odieux des Grecs, et tu es le seul qui lui portes secours; seul, tu n'as point consenti à insulter son cadavre, comme ce général en délire et son frère, qui voulaient le priver ignominieusement de sépulture. Puisse Jupiter, maître de l'Olympe, et l'implacable Érinnys, et la Justice, dispensatrice des châtiments, punir ces méchants, comme ils le méritent, de l'indigne outrage qu'ils ont voulu faire à ce héros ! Pour toi, fils du vieux Laërte, je n'ose te laisser toucher à ce tombeau, dans la crainte de déplaire à l'ombre d'Ajax; mais j'accepte tes autres secours, et si tu veux amener quelqu'un de tes guerriers, 56 nous le verrons sans peine : c'est moi qui exécuterai le reste ; sache que tu t'es montré envers nous comme un homme de bien.

ULYSSE.

Je voulais du moins accomplir ce devoir ; mais s'il ne t'est pas agréable que j'y prenne part, je me retire en t'approuvant.

(Il sort.)

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  Τεύκρος

Ἅλις· ἤδη γὰρ πολὺς ἐκτέταται
χρόνος. Ἀλλ᾽ οἱ μὲν κοίλην κάπετον
χερσὶ ταχύνατε, τοὶ δ᾽ ὑψίβατον
τρίποδ᾽ ἀμφίπυρον λουτρῶν ὁσίων 1405
θέσθ᾽ ἐπίκαιρον·
μία δ᾽ ἐκ κλισίας ἀνδρῶν ἴλη
τὸν ὑπασπίδιον κόσμον φερέτω.
Παῖ, σὺ δὲ πατρός γ᾽, ὅσον ἰσχύεις, 1410
φιλότητι θιγὼν πλευρὰς σὺν ἐμοὶ
τάσδ᾽ ἐπικούφιζ᾽· ἔτι γὰρ θερμαὶ
σύριγγες ἄνω φυσῶσι μέλαν
μένος. Ἀλλ᾽ ἄγε πᾶς, φίλος ὅστις ἀνὴρ
φησὶ παρεῖναι, σούσθω, βάτω, 1415
τῷδ᾽ ἀνδρὶ πονῶν τῷ πάντ᾽ ἀγαθῷ
κοὐδενί πω λῴονι θνητῶν
[Αἴαντος, ὅτ᾽ ἦν, τότε φωνῶ.]

Χορός

Ἦ πολλὰ βροτοῖς ἔστιν ἰδοῦσιν
τῶν μελλόντων, ὅ τι πράξει. 1420
Γνῶναι· πρὶν ἰδεῖν δ᾽ οὐδεὶς μάντις

TEUCER.

C'est assez ; trop de temps s'est déjà écoulé. Hâtez-vous de creuser une tombe ; vous, placez sur la flamme un trépied profond, pour le bain sacré; qu'une troupe de guerriers aille chercher son armure dans sa tente. Toi, jeune enfant, embrasse avec tendresse les flancs de ton père, et soulève-les avec moi, autant que tes forces le permettent. Le sang noir qu'il rejette de sa bouche n'a pas encore perdu sa chaleur. Vous tous, ses amis, venez, accourez ; rendez les derniers devoirs à cet homme qui rassemblait toutes les vertus, et qu'aucun mortel, j'ose le dire, ne surpassait de son vivant  (86).

LE CHOEUR.

Certes, l'expérience apprend des choses aux mortels; mais avant d'en avoir été témoin, nul devin n'en peut prévoir l'issue (87)..

FIN D'AJAX.




 

 

NOTES

 

(01) Eschyle avait fait également une tragédie intitulée Ajax le Locrien, dont un seul fragment, qui ne forme pas même un vers complet, a été conservé par Zénobius. Proverbe VI, 14.

(02) Voyez Iliade, ch. VIII, v. 222-6 ; et ch. XI, v. 5-9. Ajax et Achille occupaient les deux extrémités du camp.

(03)  Minerve apparaissait sans doute dans les airs, portée sur une machine. Les éditeurs diffèrent d'avis sur la question de savoir si Ulysse voit Minerve, ou s'il ne fait que l'entendre ; ce qui dépend de la manière de traduire le mot ἄποττος, invisible, ou bien qui se voit de loin. M. Boissonade pense qu'Ulysse voit et entend la déesse. Plus bas, Ajax la verra aussi. Hermann est du même avis. Brunck, et les éditeurs les plus récents, Wunder et Bothe, d'accord avec le Scholiaste, pensent que Minerve est invisible à Ulysse. J'ai adopté leur opinion. Dans l'Hippolyte d'Euripide, Diane, qui apparaît à la dernière scène, s'adresse à Thésée et a son fils, sans être vue par eux. De même, dans le Rhésus la voix de Minerve se fait entendre à Ulysse et à Diomède, qui ont pénétré la nuit dans le camp des Grecs, mais ils ne la voient pas.

(04) Virgile, Enéide, VIII, v. 526 :

Tyrrhenusque tubae mugiresser aethera clangor.

Stace, Thébaïde, III, v. 650

Et tua non unquam Tyrrhenus tempora circum clangor eat;

et Silius Italicus, II, 19 :

Tyrrhenae clangore tubae.

(5) Au dixième chant de l'Iliade, v.273-280, Ulysse adresse à Minerve une, invocation semblable.

(6)  CELSE, I. IV, c. 8 : «Quidam imaginibus falluntur, qualem insanientem Ajacem vel Orestem poetarum fabulae ferunt. ».

(7) Littéralement : « N'est-ce pas le rire le plus deux que de rire de ses ennemis?»

(8)  Πάγχρυσοις, d'or massif

(9) Dans le texte : « Ce châtiment, et non on autreI...

(10) Ceci rappelle l'expression de Pindare : « L'homme est le songe d'une ombre» {Pyth., viii, 135), et un fragment à l'Ajax le Locrien.

(11) Le texte dit : « L'œil de la colombe. » En effet l'œil des oiseaux timides est un indice de leur crainte. Un des scholiastes fait cette remarque : « Lorsque la colombe entend quelque bruit, elle cligne des yeux. »

(12) Les six vers qui précèdent semblent dirigés contre le caractère léger et frondeur de la démocratie athénienne. il paraîtrait d'après cela que Sophocle, comme presque tous les hommes supérieurs d'Athènes, penchait pour l'Aristocratie,

(13)  « Diane traînée par des taureaux. » Le scholiaste donne les explications suivantes de l'épithète grecque : « Appelée Ταυροπόλα, soit parée que « son culte est établi à Tauris, en Scytbie ; soit parce qu'elle est protectice des bergers ; soit parce qu'elle est la même que la Lune, et qu'elle est traînée par des taureaux, d'où on l'appelle aussi ταυρωπόν. » On peut voir aussi dans Euripide, Iphigénie en Tauride, v. 1429.

(14) Μᾶτερ αἰσχύνας ἐμᾶς. Cette expression se retrouve dans le Philoctète, v. 1360 : « Ceux dont la pensée est une mère de crimes, »

(15) Ulysse était peur mère Aaticlée qui, déjà fiancée à Laërte, passait pour avoir été violée par Sisyphe. Voir un fragment d'Eschyle, Ὅπλων κρίσις, Jugement des armes (fragm. 148; éd. Didot); le Cyclope d'Euripide, v. 103-4 : « Ulysse d'Ithaque, le roi des Céphaloniens. — Je connais un moulin à paroles, odieuse race de Sisyphe. »

(16)  On sait les titres fabuleux que Solon fit valoir pour assurer à Athènes la possession de Salamine ; on les trouve dans Plutarque, Vie de Solon, c. 13. Ajax avait à Athènes un autel, que Pausanias y vit encore {Attica, c.. 5). Les familles de Miltiade et d'Alcibiade rattachaient même leur origine à la postérité d'Ajax. (Plutarque, Vie d'Alcibiade, c. 5, et Marcellin, Vie de Thucydide, c. 4.)

(17) Le texte ajoute : « Aux robustes épaules. » C'est une épithète homérique, lliad., III, 225.

(18) Le texte ajoute : « et pas un homme, »

(19) Le supplice de la lapidation, dont Homère dit (Iliade, III, v. 57): Λαῖνον ἴσσο χιτῶνα.

(20) Ici, Tecmesse vient d'entr'ouvrir la tente d'Ajax, et de le voir plus calme, mais profondément attristé.

(21) Littéralement: « auxquelles nul autre n'a pris part. »

(22) Le texte ajoute : « de simple qu'elle était. »

(23)  Il y a dans le texte : « à deux tranchants. »

(24)  Plaute, Rudens,  a. IV, sc. 4, v. 70 :

Eo tacent quia tacita bona est mulier semper, quam loquens.

(25) Ici, les portes de la lente s'ouvrent, au moyen de l'ekeyelème, et l'on voit Ajax sanglant au milieu des troupeaux égorgés.

(26) Le dialogue du Chœur et de Tecmesse, qui entrecoupe ces chants lyriques d'Ajax, est toujours en ïambes trimètres.

(27) La même pensée est exprimée dans les Trachiniennes, v. 742

(28) Dans Ovide, Métam. XIII, v. 21, il rappelle cette origine :

Sic ab Jove terlius Ajax.

(29) Didon, Enéide, IV, 606, dit aussi :

Cum genere exstinxem, memet super ipsi dedissem.

(30)  Stace, Thébaïde, I, v. 57, fait aussi parler Œdipe :

Tuque umbrifuro Styx livida fundo
Quam video.

(31)  J'adopte la correction de Dlndorf, éd. F. Didot  : Τίσις δ' ὁμοῦ πέλει,

(32)  Les lettres grecques qui-forment le nom d'Ajax contiennent en même temps une exclamation douloureuse, jeu de mot intraduisible, Néanmoins Ovide le reproduit dans ses Métamorphoses, XIII, v. 394, et X, v. 215 :

Ipse suos foliis gemitus inscribit, et AI AI
Flos habet inscriptum.

(33) « C'est maintenant qu'il me faut deux on trois fois αἰᾴζειν.»

(34) La fille de Laomédon, Hésione, que Télamon reçut mains d'Hercule, eτ dont il eut Teucer.

(35) Littéralement ; « jamais ils n'auraient porté contre un autre mortel un tel jugement. .»

(36)  Mouvement imité de l'entrevue d'Andromaque et d'Hector dans Homère. ^

(37) J'ai adopté les corrections proposées par Bothe et Wunder, et reçues dans l'édition de F. Didot. — Ce passage rappelle la prière d'Andromaque à Hector, au 6e chant de l'Iliade, v. 413-4.

(38) Τερπνὸν εἴ τί που πάθοι. Il y a beaucoup de grâce dans cette expression réservée, que semble avoir imitée Virgile, lorsqu'il fait dire à Didon {Enéid., IV, 317):

Fuit aut tibi quidquam
Dulce meum.

(39)  Ici encore, nous retrouvons les vœux que fait Hector pour son jeune fils Astyanax, 6e chant de l'Iliade, v. 476 ët suivants. Énée dit de même au jeune Iule :

Duce, puer, virtutem ex me verumque laborem,
Fortunam ex aliis. (Enéide, liv. XII.)

On conserve à la bibliothèque Impériale un exemplaire de Sophocle enrichi des notes de Racine, dont l'admiration s'exprime aussi par des essais de traduction. Il avait ainsi rendu ce passage :

Ο mon fils, sois un jour plus heureux que ton père!
Du reste, avec honneur tu peux lui ressembler.

(40) Ce vers a été retranché par Elmsley et par Dindorf, éd. F. Didot.

(41) On sait que les anciens tiraient souvent leur nom de quelque circonstance particulière. Eurysacès signifie large bouclier

(42) On croyait guérir certaines maladies ou certaines blessures par des charmes et des enchantements.

(43) Littéralement : « Ta langue aiguisée ne me plaît pas. »

(44)  Pendant le Chœur suivant, Ajax reste sur la scène, réfléchissant aux moyens de se donner la mort.

(45)  3 Le texte ajoute : mot qui désignait dans les jeux publics le combattant prêt à prendre la place du vaincu, et à lutter avec le vainqueur. (Voy. le Rhésus d'Euripide, v. 119 et 954; les Grenouilles d'Aristophane, v. 792.

(46) Le fait est rapporté dans l'Iliade, VII, v. 303-305.

(47) La même pensée est exprimée en termes assez semblables dans la Médée d'Euripide, v. 500. S. Clément d'Alexandrie (Stromat., l. VI, p. 740) dit qu'ici Sophocle a imité Euripide. Il faudrait en conclure que l'Ajax est postérieure la Médée.

(48)  Ce mot vénérer, σέβειν, appliqué aux Atrides, et non aux dieux, n'est pas sans amertume.

(49) Aristote (Rhet., ΙΙ, 11, 13 et 22) attribue cette maxime à Bias. (Voir aussi Cicéron, de Amic. 16.)

(50) Ces dernières paroles sont à double sens. Ajax fait allusion au coup mortel dont il veut se frapper, tandis que le Chœur les prend pour une assurance de salut.

(51) Principale montagne de l'Arcadie, où Pan était en honneur.

(52) A Nysa c'étaient les danses de Bacchus, à Gnosse celles des Corybantes.

Pan, deus Arcadiœ, venit

Plus haut, le Chœur l'appelle ἀλίπλαγκτε, qui parcourt les mers, parce qu'il avait des autels &ur les promontoires, au dire des Scholiastes.

(53) L'Olympe, ou l'Ida.

(54) Le Scholiaste dît que ce vers était devenu proverbe, et qu'il a été cité par Aristophane. Il ne se trouve pas du moins dans les pièces qui nous restent de lui.

(55) V. 785, ξυρεῖ γὰρ ἐν χρῷ τοῦτο, le rasoir touche à la peau ; c'est-à-dire le danger est imminent. Locution proverbiale. (Voy. Antigone, vers 996, et Lucien, Jupiter trag., commencement.)

(56) C'est la seule pièce de Sophocle où le Chœur quitte la scène ayant la fin de l'action. Il y avait nécessairement ici un changement de décoration ; le Scholiaste l'indique, et il ajoute que le théâtre représente un lieu désert, sur le rivage de la mer. A tort Dupuis, un des traducteurs de Sophocle, et Barthélémy, Voyage d'Ànacharsis, ont voulu maintenir ici l'unité de lieu. Les Grecs ne se faisaient pas scrupule d'y manquer, lorsque les besoins de l'action l'exigeaient.

(57) Littéralement : « Si l'on a encore le loisir de considérer ceci. »

(58)  « Aiguisé récemment sur la pierre qui use le fer. »

(59) Εὐνούστατον, t très-bienveillant. » C'est de l'épée d'Hector qu'il parle ainsi.

(60) Sa mère Euribœa.

(61) Διφευτὴν, conducteur de char,

(62) Voyex la note sur le vers 202, à l'entrée de Tecmesse sur la scène.

(63) Qui se jettent dans l'Ηellespont

(64) «Dans l'état où sont les choses. »

(65) Voir plus haut la note sur le vers 430.

(66) Νόθος, bâtard. A Athènes, était réputé illégitime celui qui, né d'un père athénien, avait pour mère une étrangère ; et, d'après les lois de Solon, il ne jouissait pas du droit de cité.

(67) On voit qu'ici Sophocle s'écarte en plusieurs points du récit d'Homère, Iliade, ch. XXII.

(68) Les anciens voyaient dans ces coïncidences fortuites un signe de l'intervention des dieux.

(69) Le scholiaste remarque que le poëte donne ici à Ménélas le ton arrogant qui était dans son caractère. On peut ajouter que l'esprit athénien attribuait quelque chose de grossier à tout ce qui tenait de Sparte.

(70) Ἀνάλωσας, « as-tu dépensé. » Euripide, dans les Suppliantes, v. 547, a employé une expression semblable : Σπαιόνηγε τἀνάλωμα τῆς γλώσσης τὸδε.  c'est là une dépense inepte de paroles. »

(71) 1 Le scholiaste cite un fragment d'Épicharme :

Ἔνθα δέος, ἐνταῦθα και αἰδώς

« Où est la crainte là est aussi le respect. » Platon, dans l'Eutyphron, c. 13, cite deux vers des Cypriaques de Stasinos, où se trouve la même idée ; mais. Il retourne ainsi la pensée : « Où est le respect, là est aussi la crainte. » Plu tarque, Vie de Cléoméne,  c. 9» cite aussi le passage d'Épicharme.

(72) Le scholiaste rapporte que Tyndare, père d'Hélène, avait exigé des prétendants qui se disputaient la main de sa fille, de s'engager par serment à secourir celui d'entre eux qui serait choisi pour époux, dans le cas où un ravisseur voudrait lui enlever sa femme. Ajax avait été un des prétendants.

(73) Les archers étaient moins estimés que les autres soldats. Dans Philoctète (v. 1057), Ulysse cite Teucer comme le plus habile archer de l'armée. Dans l'Hercule furieux d'Euripide, v. 159-164, Lycos parle avec mépris des archers.

(74) Platon, dans son Thèœtète, a imité ce passage de l'Ajax, (Voir la traduction de M. Cousin, t. II, p. 178.)

(75) De Pluton.

(76) C'est-à-dire d'Hésione.

(77) Κἀπ' ἄκρων ὠδοιπορεῖς ώ&οικορΐς, « tu marcherais sur l'extrémité des doigts. »

(78) L'intention de ces propos est des plus insultantes. Le scholiaste rappelle une loi d'Athènes qui défendait à ceux qui étaient nés d'une esclave de prendre la parole en public. Il fallait être citoyen pour avoir ce droit; or, il paraît qu'au temps de Sophocle, on ne reconnaissait comme citoyens que ceux dont te père et la mère avaient eux-mêmes le droit de cité.

(79) Hésione, mère de Teucer, était Phrygienne.

(80) Voir Iliade, ch. XV.

(81) Il est à propos de se reporter au passage d'Homère (Iliade, ch. VI, 171-190), pour-voir comment se faisait un tirage au sort, dans les temps héroïques. Chacun prenait ou un caillou, ou un petit brin de bois, auquel il faisait une marque particulière, et le déposait dans un casque. Puis, par une secousse donnée au casque, on faisait sortir un de ces signes ou sorts (κλήρον), qui désignait celui qui l'avait déposé.

(82) Aerope. Elle fut séduite par un serviteur de son père. Celui-ci chargea Nauplios de la précipiter à la mer. Nauplios, au lieu de la faire mourir, lui conserva la vie et la remit à Plisthène. Ce sujet avait été traité par Euripide dans les Crétoises.

(83)  Eurysacès, Tecmesse et lui.

(84 Il semble ignorer pour quelle femme on fait la guerre ; c'est le langage de la passion.

(85) C'est-à-dire, vivant ou mort.

(86) Ce dernier vers a été supprimé, dans l'édition de Dindorf.

(87) Le scholiaste dit que le Chœur, en prononçant ces paroles, se mettait en devoir de rendre à Ajax les honneurs funèbres ; la pompe de cette cérémonie terminait le spectacle.