LES TRACHINIENNES
ΤΡΑΧΙΝΙΑΙ
(1 - 662) (663 - 1278)
Texte grec repris sur le site
Μικρός Απόπλους
Αρχαία Ελληνικά Κείμενα
Traduction française par R. PIGNARRE : GF.
LES TRACHINIENNES (01)
PERSONNAGES
DÉJANIRE, LA NOURRICE, HYLLOS, CHOEUR DE FEMMES TRACHINIENNES, UN MESSAGER, LICHAS, HÉRACLÈS, UN VIEILLARD.
Une place, à Trachis, devant le palais du roi Céyx.
ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Γυναῖκες, ὡς δέδοικα μὴ περαιτέρω |
QUATRIÈME ÉPISODE DÉJANIRE (rentre). — Ah! mes filles, qu'ai-je fait? J'ai bien peur d'être allée trop loin... |
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ΧΟΡΟΣ Τί δ´ ἔστι, Δῃάνειρα, τέκνον Οἰνέως; 665 |
LE CORYPHÉE. — Qu'y a-t-il, Déjanire, fille d'Œnée? |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Οὐκ οἶδ´· ἀθυμῶ δ´ εἰ φανήσομαι τάχα |
DÉJANIRE. — Je ne sais, mais le cœur me manque. Si j'allais me découvrir criminelle, après les beaux espoirs dont je me berçais! |
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ΧΟΡΟΣ Οὐ δή τι τῶν σῶν Ἡρακλεῖ δωρημάτων; |
LE CORYPHÉE. — S'agit-il du présent que tu as envoyé à Héraclès? |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Μάλιστά γ´· ὥστε μήποτ´ ἂν προθυμίαν ἄδηλον ἔργου τῳ παραινέσαι λαβεῖν. 670 |
DÉJANIRE. — Oui, et je ne conseillerais à personne de se lancer ainsi dans une aventure aussi aléatoire. |
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ΧΟΡΟΣ Δίδαξον, εἰ διδακτόν, ἐξ ὅτου φοβῇ. |
LE CORYPHÉE. - Si je puis la connaître, apprends-moi la cause de tes craintes. |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Τοιοῦτον ἐκβέβηκεν οἷον, ἢν φράσω, γυναῖκες, ὑμῖν, θαῦμ´ ἀνέλπιστον μαθεῖν. Ὧι γὰρ τὸν ἐνδυτῆρα πέπλον ἀρτίως ἔχριον ἀργῆτ´, οἰὸς εὐείρῳ πόκῳ, 675 τοῦτ´ ἠφάνισται διάβορον πρὸς οὐδενὸς. τῶν ἔνδον, ἀλλ´ ἐδεστὸν ἐξ αὑτοῦ φθίνει, καὶ ψῇ κατ´ ἄκρας σπιλάδος· ὡς δ´ εἰδῇς ἅπαν ᾗ τοῦτ´ ἐπράχθη, μείζον´ ἐκτενῶ λόγον. Ἐγὼ γὰρ ὧν ὁ θήρ με Κένταυρος πονῶν 680 πλευρὰν πικρᾷ γλωχῖνι προὐδιδάξατο, παρῆκα θεσμῶν οὐδέν, ἀλλ´ ἐσῳζόμην, χαλκῆς ὅπως δύσνιπτον ἐκ δέλτου γραφήν. Καί μοι τάδ´ ἦν πρόρρητα καὶ τοιαῦτ´ ἔδρων· τὸ φάρμακον τοῦτ´ ἄπυρον ἀκτῖνός τ´ ἀεὶ 685 θερμῆς ἄθικτον ἐν μυχοῖς σῴζειν ἐμέ, ἕως νιν ἀρτίχριστον ἁρμόσαιμί που. Κἄδρων τοιαῦτα· νῦν δ´, ὅτ´ ἦν ἐργαστέον, ἔχρισα μὲν κατ´ οἶκον ἐν δόμοις κρυφῇ μαλλῷ, σπάσασα κτησίου βοτοῦ λάχνην, 690 κἄθηκα συμπτύξας´ ἀλαμπὲς ἡλίου κοίλῳ ζυγάστρῳ δῶρον, ὥσπερ εἴδετε. Εἴσω δ´ ἀποστείχουσα δέρκομαι φάτιν ἄφραστον, ἀξύμβλητον ἀνθρώπῳ μαθεῖν. Τὸ γὰρ κάταγμα τυγχάνω ῥίψασά πως 695 τῆς οἰὸς ᾧ προὔχριον ἐς μέσην φλόγα, ἀκτῖν´ ἐς ἡλιῶτιν· ὡς δ´ ἐθάλπετο, ῥεῖ πᾶν ἄδηλον καὶ κατέψηκται χθονί, μορφῇ μάλιστ´ εἰκαστὸν ὥστε πρίονος ἐκβρώματ´ ἂν βλέψειας ἐν τομῇ ξύλου. 700 Τοιόνδε κεῖται προπετές· ἐκ δὲ γῆς ὅθεν προὔκειτ´ ἀναζέουσι θρομβώδεις ἀφροί, γλαυκῆς ὀπώρας ὥστε πίονος ποτοῦ χυθέντος εἰς γῆν Βακχίας ἀπ´ ἀμπέλου. Ὥστ´ οὐκ ἔχω τάλαινα ποῖ γνώμης πέσω, 705 ὁρῶ δ´ ἔμ´ ἔργον δεινὸν ἐξειργασμένην. Πόθεν γὰρ ἄν ποτ´, ἀντὶ τοῦ θνῄσκων ὁ θὴρ ἐμοὶ παρέσχ´ εὔνοιαν, ἧς ἔθνῃσχ´ ὕπερ; οὐκ ἔστιν· ἀλλὰ τὸν βαλόντ´ ἀποφθίσαι χρῄζων ἔθελγέ μ´· ὧν ἐγὼ μεθύστερον, 710 ὅτ´ οὐκέτ´ ἀρκεῖ, τὴν μάθησιν ἄρνυμαι. Μόνη γὰρ αὐτόν, εἴ τι μὴ ψευσθήσομαι γνώμης, ἐγὼ δύστηνος ἐξαποφθερῶ· τὸν γὰρ βαλόντ´ ἄτρακτον οἶδα καὶ θεόν, Χείρωνα πημήναντα, χὦνπερ ἂν θίγῃ 715 φθείρει τὰ πάντα κνώδαλ´· ἐκ δὲ τοῦδ´ ὅδε σφαγῶν διελθὼν ἰὸς αἵματος μέλας πῶς οὐκ ὀλεῖ καὶ τόνδε; δόξῃ γοῦν ἐμῇ. Καίτοι δέδοκται, κεῖνος εἰ σφαλήσεται, 720 ταὐτῇ σὺν ὁρμῇ κἀμὲ συνθανεῖν ἅμα· ζῆν γὰρ κακῶς κλύουσαν οὐκ ἀνασχετόν, ἥτις προτιμᾷ μὴ κακὴ πεφυκέναι. |
DÉJANIRE. — Ce qui vient d'arriver, mes amies, va vous paraître incroyable. Le flocon de laine de brebis dont je m'étais servi pour oindre la blanche tunique, personne à la maison n'y a touché. Or il s'est recroquevillé, il s'est comme absorbé en lui-même, consumé, pulvérisé sur le dallage. Pour que tu comprennes comment la chose s'est produite, je vais te la décrire en détail. Je n'ai omis aucune des recommandations que m'avait faites le bestial Centaure, tandis que le torturait la pointe amère enfoncée dans son flanc; ma mémoire les conservait gravées comme sur une tablette d'airain. Or il m'avait prescrit, et c'est en somme ce que j'ai fait, de tenir le baume à l'abri du feu ou de tout rayon qui pût l'échauffer, ne l'exposant à la lumière du jour qu'à l'instant d'en faire l'application. Oui, c'est bien là ce que j'ai fait : ce moment venu, en grand secret, dans mon appartement, j'ai teint le tissu en me servant d'une touffe de laine; puis, toujours à l'abri du soleil, j'ai placé mon présent soigneusement plié dans le coffret de bois que vous avez vu. Or, tout à l'heure, en rentrant, j'ai constaté quelque chose d'étonnant, d'inexplicable. J'avais jeté sans y prendre garde le flocon de laine qui avait servi à l'onction, et il était tombé en plein soleil. Sous l'action de la chaleur, voilà qu'il se décomposait, se résorbait, se réduisait en poussière; on aurait dit de la sciure de bois. Et, à l'endroit où il avait touché le sol, se formait une écume grumeleuse, ainsi que s'écoule le moût épais exprimé d'une grappe mûre. Hélas! je ne sais plus que faire. J'ai commis une affreuse imprudence, c'est évident : en effet, quelles raisons la brute mourante aurait-elle eues de me vouloir du bien, périssant à cause de moi? Cela ne se pouvait. Ses paroles mielleuses n'étaient qu'un piège préparé pour son meurtrier. Je le comprends trop tard, quand le mal est fait. Moi seule, si mes craintes sont fondées, moi seule, malheureuse! j'aurai causé la mort d'Héraclès. La flèche qu'il a lancée sur Nessos, je sais qu'elle avait blessé Chiron (35), un être d'essence divine; de tous les animaux qu'elle atteint, aucun n'en réchappe. Comment le venin de cette flèche, mêlé au sang noir du monstre blessé, n'aura-t-il pas le même effet mortel sur mon mari? C'est inévitable, à mon sens. Aussi bien je suis résolue, s'il lui arrive malheur, à le suivre aussitôt dans la mort. Vivre en butte au mépris du monde, cela n'est pas supportable pour une femme quand elle met son honneur au-dessus de tout. |
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ΧΟΡΟΣ Ταρβεῖν μὲν ἔργα δείν´ ἀναγκαίως ἔχει, |
LE CORYPHÉE. — Certes, on tremblerait à moins, mais il ne faut pas d'avance condamner tout espoir. |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Οὐκ ἔστιν ἐν τοῖς μὴ καλοῖς βουλεύμασιν
725 |
DÉJANIRE. — Quand on a mal agi, on perd jusqu'à l'espoir qui donne du courage. |
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ΧΟΡΟΣ Ἀλλ´ ἀμφὶ τοῖς σφαλεῖσι μὴ ´ξ ἑκουσίας |
LE CORYPHÉE. — Devant les fautes involontaires, la rigueur des lois s'adoucit. Ton erreur est pardonnable. |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Τοιαῦτα δ´ ἂν λέξειεν οὐχ ὁ τοῦ κακοῦ |
DÉJANIRE. — Celui qui parle ainsi, c'est qu'il ne porte le poids d'aucune faute. |
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ΧΟΡΟΣ Σιγᾶν ἂν ἁρμόζοι σε τὸν πλείω λόγον, |
LE CORYPHÉE.
— N'en dis pas davantage si tu ne veux rien révéler à ton fils.
Il était parti à la recherche de son père et le voici de retour. |
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ΥΛΛΟΣ Ὦ μῆτερ, ὡς ἂν ἐκ τριῶν ς´ ἓν εἱλόμην, |
HYLLOS. — Ma mère, je ne sais ce que j'aimerais le mieux, ou te voir morte, ou qu'un autre t'appelât sa mère, ou que tu fusses revenue à des sentiments moins pernicieux. |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Τί δ´ ἐστίν, ὦ παῖ, πρός γ´ ἐμοῦ στυγούμενον; |
DÉJANIRE. — Mon enfant, qu'as-tu contre moi? |
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ΥΛΛΟΣ Τὸν ἄνδρα τὸν σὸν ἴσθι, τὸν δ´ ἐμὸν λέγω |
HYLLOS. — Sache que ton mari — mon père, entends-tu bien ? — tu viens de lui porter un coup mortel. |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Οἴμοι, τίν´ ἐξήνεγκας, ὦ τέκνον, λόγον; |
DÉJANIRE. — Malheur à moi! Qu'oses-tu prétendre, mon enfant ? |
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ΥΛΛΟΣ Ὃν οὐχ οἷόν τε μὴ τελεσθῆναι· τὸ γὰρ |
HYLLOS. — Ce que je voudrais qui ne fût pas. Mais quand cela éclate aux regards, hélas! comment en récuser la réalité? |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Πῶς εἶπας, ὦ παῖ; τοῦ πάρ´ ἀνθρώπων μαθὼν |
DÉJANIRE. — Qu'as-tu dit, mon enfant? Qui a pu te faire croire que j'aie commis un tel forfait? |
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ΥΛΛΟΣ Αὐτὸς βαρεῖαν ξυμφορὰν ἐν ὄμμασιν |
HYLLOS. — Je n'en ai cru que mes yeux qui ont vu le supplice de mon père. |
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ΔΗΙΑΝΕΙΡΑ Ποῦ δ´ ἐμπελάζεις τἀνδρὶ καὶ παρίστασαι; |
DÉJANIRE. — Ainsi, tu étais auprès de lui? Où l'as-tu rejoint? |
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ΥΛΛΟΣ Εἰ χρὴ μαθεῖν σε, πάντα δὴ φωνεῖν χρεών. |
HYLLOS.
— Puisqu'il faut que tu l'apprennes, autant reprendre tout depuis
le commencement. |
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ΧΟΡΟΣ Τί σῖγ´ ἀφέρπεις; οὐ κάτοισθ´ ὁθούνεκα |
LE CORYPHÉE (à Déjanire, qui rentre dans le palais). — Quoi! tu te retires sans un mot? Songe que ton silence donne des armes à ton accusateur. |
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ΥΛΛΟΣ Ἐᾶτ´ ἀφέρπειν· οὖρος ὀφθαλμῶν ἐμῶν
815 |
HYLLOS. — Laisse-la se retirer. Loin de mes regards, puisqu'elle s'en va, qu'une heureuse inspiration la conduise. Ce nom auguste de mère, il n'est pas légitime de s'en prévaloir quand on n'a pas un coeur de mère. Oui, qu'elle s'en aille, adieu! Pour de la joie, je lui en souhaite autant qu'elle en donne à mon père. (Il sort.) |
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ΧΟΡΟΣ Ἴδ´ οἷον, ὦ παῖδες, προσέμειξεν ἄφαρ |
CHANT DU CHOEUR
Voyez, enfants, combien soudaine |
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ΗΜΙΧΟΡΙΟΝ Αʹ Πότερον ἐγὼ μάταιος, ἢ κλύω τινὸς |
CINQUIÈME ÉPISODE PREMIER PARASTATE. — Suis-je le jouet d'une hallucination? Il me semble avoir entendu, à l'instant même, un gémissement sortir de la maison. Mais je n'ose l'affirmer. |
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ΗΜΙΧΟΡΙΟΝ Βʹ Ἠχεῖ τις οὐκ ἄσημον, ἀλλὰ δυστυχῆ |
DEUXIÈME PARASTATE. — N'en doutons pas, on a crié à l'intérieur. C'est une plainte douloureuse : il vient d'arriver quelque chose au palais. |
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ΧΟΡΟΣ Ξύνες δὲ |
LE CORYPHÉE. — Regarde : la vieille nourrice se dirige vers nous. Comme elle a l'air sombre et fronce les sourcils ! Elle a quelque chose à nous annoncer. |
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ΤΡΟΦΟΣ Ὦ παῖδες, ὡς ἄρ´ ἡμὶν οὐ σμικρῶν κακῶν |
LA NOURRICE. — Las! mes enfants, il vient de nous attirer de grands malheurs, ce présent offert à Héraclès. |
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ΧΟΡΟΣ Τί δ´, ὦ γεραιά, καινοποιηθὲν λέγεις; |
LE CORYPHÉE. — Vieille femme, veux-tu parler d'un nouveau malheur ? |
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ΤΡΟΦΟΣ Βέβηκε Δῃάνειρα τὴν πανυστάτην |
LA NOURRICE. — Déjanire est partie, sans bouger le pied, pour son dernier voyage. |
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ΧΟΡΟΣ Οὐ δή ποθ´ ὡς θανοῦσα; |
LE CORYPHÉE. — Eh quoi, morte ? |
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ΤΡΟΦΟΣ Πάντ´ ἀκήκοας. |
LA NOURRICE. Ce mot dit tout. |
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ΧΟΡΟΣ Τέθνηκεν ἡ τάλαινα; |
LE CORYPHÉE. — Elle n'est plus, l'infortunée ? |
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ΤΡΟΦΟΣ Δεύτερον κλύεις. |
LA NOURRICE. — C'est comme je te l'ai dit. |
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ΧΟΡΟΣ Τάλαιν´ ὀλεθρία, τίνι τρόπῳ θανεῖν σφε φῄς; |
LE CORYPHÉE. O malheureux jouet d'un sort
funeste ! |
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ΤΡΟΦΟΣ Σχετλιώτατα πρός γε πρᾶξιν. |
LA NOURRICE. De la plus affreuse manière. |
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ΧΟΡΟΣ Εἰπὲ τῷ μόρῳ, γύναι, ξυντρέχει. 880 |
LE CORYPHÉE Mais encore, femme ? Dis-nous
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ΤΡΟΦΟΣ Αὑτὴν διηίστωσεν. |
LA NOURRICE. Elle s'est frappée elle-même. |
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ΧΟΡΟΣ Τίς θυμός, ἢ τίνες νόσοι |
LE CORYPHÉE. Quel transport de désespoir,
quelle fureur, |
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ΤΡΟΦΟΣ Στονόεντος |
LA NOURRICE. Par le tranchant d'un fer cruel. |
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ΧΟΡΟΣ Ἐπεῖδες, ὦ ματαία, τάνδ´ ὕβριν; |
LE CHŒUR. Quoi! folle, tu l'as vue, en proie au désespoir... |
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ΤΡΟΦΟΣ Ἐπεῖδον, ὡς δὴ πλησία παραστάτις. |
LA NOURRICE. Si je l'ai vue, hélas! j'étais près d'elle!
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ΧΟΡΟΣ Τίς ἦν; πῶς; φέρ´ εἰπέ. 890 |
LE CHŒUR. Qui a frappé? Comment ? Parle, à la fin. |
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ΤΡΟΦΟΣ Αὐτὴ πρὸς αὑτῆς χειροποιεῖται τάδε. |
LA NOURRICE. De sa propre main est parti le coup. |
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ΧΟΡΟΣ Τί φωνεῖς; |
LE CHŒUR. — Que dis-tu ? |
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ΤΡΟΦΟΣ Σαφηνῆ. |
LA NOURRICE La vérité même. |
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ΧΟΡΟΣ Ἔτεκεν ἔτεκεν μεγάλαν |
LE CHŒUR. Elle a donc franchi le seuil,
la nouvelle favorite, |
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ΤΡΟΦΟΣ Ἄγαν γε· μᾶλλον δ´, εἰ παροῦσα πλησία |
LA NOURRICE. — Que trop! Et tu n'étais pas auprès de la reine, tu ne l'as pas vue à l'oeuvre : tu l'aurais plainte encore davantage. |
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ΧΟΡΟΣ Καὶ ταῦτ´ ἔτλη τις χεὶρ γυναικεία κτίσαι; |
LE CORYPHÉE. — Un tel acte, une main féminine l'a osé! |
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ΤΡΟΦΟΣ Δεινῶς γε· πεύσῃ δ´, ὥστε μαρτυρεῖν ἐμοί. |
LA NOURRICE. — Et d'atroce façon. Écoute plutôt. Elle venait de rentrer au palais, seule, quand elle aperçut dans la cour son fils qui étendait un matelas sur un brancard pour aller au-devant de son père. Alors, cherchant l'ombre et le secret, elle tomba au pied des autels. Elle se plaignait à voix sourde que tout l'abandonnât, et sanglotait, la malheureuse, quand sa main rencontrait un objet familier, dont tout à l'heure encore elle se servait. Errant de chambre en chambre, si elle apercevait quelque serviteur qu'elle aimait bien, l'infortunée à nouveau fondait en larmes en déplorant sa propre destinée et le destin de sa maison qui ne verrait plus naître d'enfants légitimes. Puis elle se tut. Mais soudain je la vois qui se précipite dans la chambre d'Héraclès. Moi, dissimulée dans l'ombre, je suivais tous ses mouvements : elle commence par étendre des couvertures sur le lit d'Héraclès; cela fait, elle se jette sur cette couche et s'y laisse tomber en pleurant à chaudes larmes : « O lit, disait-elle, ô chambre de mes noces, adieu, adieu pour toujours. C'est la dernière fois que vous m'accueillez. » Ayant dit, elle défit d'une main ferme l'agrafe de sa robe, au-dessus du sein, et découvrit entièrement son flanc et son bras gauches. Alors, de toute la force de mes vieilles jambes, je courus avertir son fils. Hélas ! à peine le temps d'aller et de revenir, nous la trouvons le flanc percé d'une lame à deux tranchants, à la hauteur du foie. A cette vue, le jeune homme poussa un cri. Il comprenait, le pauvre enfant, que cette mort était son oeuvre, l'oeuvre de la colère — instruit trop tard par les gens du palais que sa mère ne voulait pas le mal, mais que les conseils de la Bête l'avaient trompée. Il est toujours là qui gémit, le malheureux garçon, et il sanglote sur le corps de la morte, couvrant ses lèvres de baisers, se couchant contre elle flanc à flanc. Et il se lamente, et il se reproche une accusation si folle et si cruelle, et il s'afflige, privé de ses père et mère par un double coup du sort, en se voyant seul dans la vie. Voilà où nous en sommes, dans cette maison. En vérité, celui-là qui compte sur l'avenir, ou seulement sur le lendemain, c'est une cervelle creuse : il n'y a point de lendemain qui tienne, tant qu'on n'a pas doublé sans encombre le cap de la journée. |
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ΧΟΡΟΣ Πότερα πρότερον ἐπιστένω; πότερα τέλεα περαιτέρω, δύσκριτ´ ἔμοιγε δυστάνῳ; Τάδε μὲν ἔχομεν ὁρᾶν δόμοις, 950 τάδε δὲ μένομεν ἐπ´ ἐλπίσιν· κοινὰ δ´ ἔχειν τε καὶ μέλλειν. Εἴθ´ ἀνεμόεσσά τις γένοιτ´ ἔπουρος ἑστιῶτις αὔρα, ἥτις μ´ ἀποικίσειεν ἐκ τόπων, ὅπως 955 τὸν Δῖον ἄλκιμον γόνον μὴ ταρβαλέα θάνοι– μι μοῦνον εἰσιδοῦς´ ἄφαρ· ἐπεὶ ἐν δυσαπαλλάκτοις ὀδύναις χωρεῖν πρὸ δόμων λέγουσιν 960 ἄσπετόν τι θαῦμα. Ἀγχοῦ δ´ ἄρα κοὐ μακρὰν προὔκλαιον, ὀξύφωνος ὡς ἀηδών. Ξένων γὰρ ἐξόμιλος ἥδε τις στάσις· πᾷ δ´ αὖ φορεῖ νιν, ὡς φίλου 965 προκηδομένα, βαρεῖ– αν ἄψοφον φέρει βάσιν. Αἰαῖ, ὅδ´ ἀναύδατος φέρεται. Τί χρὴ θανόντα νιν ἢ καθ´ ὕπνον ὄντα κρῖναι; 970 |
CHANT DU CHOEUR De ce double malheur, lequel
pleurer d'abord ? |
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ΥΛΛΟΣ Οἴμοι ἐγὼ σοῦ, |
DERNIER ÉPISODE HYLLOS. — Malheur à moi ! mon père, que je souffre pour toi ! Hélas ! que faire ? Que résoudre ? Malheur à moi ! |
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ΠΡΕΣΒΥΣ Σίγα, τέκνον, μὴ κινήσῃς |
UN VIEILLARD. — Silence, enfant. Ne réveille pas la sauvage douleur de ton père, ni ses fureurs. Il vit, mais il est très bas. Mords-toi les lèvres, et tais-toi. |
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ΥΛΛΟΣ Πῶς φῄς, γέρον; ἦ ζῇ; |
HYLLOS. — Que dis-tu, vieillard ? Il vit ? |
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ΠΡΕΣΒΥΣ Οὐ μὴ ´ξεγερεῖς τὸν ὕπνῳ κάτοχον, |
LE VIEILLARD. — Il est assoupi. Tu veux donc l'éveiller, pour faire poindre encore et surgir, mon enfant, cet affreux mal qui revient par accès ? |
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ΥΛΛΟΣ Ἀλλ´ ἐπί μοι μελέῳ |
HYLLOS. — Quelle détresse est la mienne ! j'éprouve comme une pesanteur infinie. Ma tête s'égare. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ὦ Ζεῦ, |
HÈRACLÈS. — O Zeus, où suis-je ? Quels mortels me reçoivent, gisant, abattu par mes souffrances interminables ? Oh! ce supplice... Horreur! Il reprend, ce mal hideux, il me ronge. |
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ΠΡΕΣΒΥΣ Ἆρ´ ἐξῄδησθ´ ὅσον ἦν κέρδος |
LE VIEILLARD. — Ne voyais-tu pas qu'il eût mieux valu dévorer tes plaintes plutôt que de chasser le sommeil de son front et de ses paupières ? |
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ΥΛΛΟΣ Οὐ γὰρ ἔχω πῶς ἂν |
HYLLOS. — Je ne peux m'accoutumer au spectacle de ses douleurs. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ὦ Κηναία κρηπὶς βωμῶν, |
HÉRACLÈS. — O terrasses de Cénaeon,
où je t'ai dressé des autels! Voilà comment tu m'as su gré de mes
actions de grâces, ô Zeus! Voilà comment, voilà comment tu m'as
traité! jamais je n'aurais dû voir pareille chose, assister à
l'éclosion en moi de ces fureurs incoercibles! Mais quel magicien, par
ses incantations, quel guérisseur, de ses mains habiles, apaisera, si
ce n'est Zeus, cette mortelle douleur ? Ce serait miracle si je la
voyais s'éloigner. |
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ΠΡΕΣΒΥΣ Ὦ παῖ τοῦδ´ ἀνδρός, τοὔργον τόδε μεῖζον ἀνήκει |
LE VIEILLARD. O fils de ce héros, l'effort
passe mes forces; |
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ΥΛΛΟΣ Ψαύω μὲν ἔγωγε, |
HYLLOS. Je le soutiens. Mais pour
apaiser ses douleurs, |
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ΗΡΑΚΛΗΣ 〈Ἒ ἔ,〉 |
HÉRACLÈS. Mon fils, où es-tu donc ?
Soulève-moi |
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ΧΟΡΟΣ
Κλύους´ ἔφριξα τάσδε συμφοράς, φίλαι, |
LE CORYPHÉE. — Je frissonne, mes amies, quand j'écoute gémir notre seigneur : ses malheurs sont à sa mesure. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ὦ πολλὰ δὴ καὶ θερμὰ καὶ λόγῳ κακὰ |
HÉRACLÈS. — Que d'épreuves
épuisantes — le récit seul en donne chaud! — mes bras et mes reins
ont endurées! jamais encore ni l'épouse de Zeus (38)
ni l'odieux Eurysthée ne m'en ont infligé de comparable à ce
vêtement dont la fille d'Œnée, dans sa perfidie, a enveloppé mes
épaules, — ce vêtement de mort tissé par les Érinyes Appliqué à
mes flancs, il dévore ma chair jusqu'à l'os, il imprègne et ronge les
artères de mes poumons. Il a déjà bu tout mon sang frais, et je sens
mon corps qui s'effondre, vaincu par la mystérieuse étreinte. Non, ni
la lance, en bataille rangée, ni l'armée des Géants, fils de la Terre
(39), ni la force des monstres, ni la
Grèce ni les contrées d'autre langue, ni aucun pays que j'aie purgé
de ses fléaux, ne m'en ont fait voir de si rudes Une femme a suffi pour
m'abattre, une frêle femme, sans même le secours d'une épée! O mon
fils, prouve-moi que tu dois tout au sang paternel : plus de respect
pour ce nom de mère qui n'est plus qu'un mot. Va me la chercher, celle
qui t'enfanta : livre-la-moi de tes propre mains. Devant son corps
défiguré par un juste châtiment, je saurai auquel des deux s'adresse
ta douleur Va, mon enfant, n'hésite pas. Et plains-moi, car je suis
bien à plaindre : tu vois, je sanglote comme une fillette. Et pourtant
qui se fût vanté de m'avoir vu pleurer ? Dans les pires épreuves, je
n'ai jamais gémi. Moi, si fort tu vois quelle femmelette je suis
devenu... Approche-toi de ton père, examine les ravages du mal que
j'endure : je vais les découvrir à ta vue. Holà! vous tous, regardez
ce corps torturé, et contemplez cette infortune : cela ne fait-il pas
pitié?
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ΧΟΡΟΣ Ὦ τλῆμον Ἑλλάς, πένθος οἷον εἰσορῶ |
LE CORYPHÉE. — Hellade infortunée, dans quel deuil je te vois plongée, si tu perds ce héros! |
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ΥΛΛΟΣ Ἐπεὶ παρέσχες ἀντιφωνῆσαι, πάτερ, |
HYLLOS. — Puisque tu m'as permis de te répondre, mon père, écoute-moi en silence, bien que tu souffres cruellement. Je voudrais t’adresser une prière que je crois légitime. Fais confiance à ton fils en refrénant la colère qui te mord le coeur et tu comprendras quelle vaine satisfaction tu te promets, quels tourments tu peux t'épargner. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Εἰπὼν ὃ χρῄζεις λῆξον· ὡς ἐγὼ νοσῶν
1120 |
HÉRACLÈS. — Trêve de discours. Je souffre trop pour rien entendre à tes circonlocutions. |
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ΥΛΛΟΣ Τῆς μητρὸς ἥκω τῆς ἐμῆς φράσων ἐν οἷς |
HYLLOS. — C'est au sujet de ma mère. Je viens te dire quel sort est à présent le sien, et comme elle a fait le mal sans le vouloir. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ὦ παγκάκιστε, καὶ παρεμνήσω γὰρ αὖ |
HÉRACLÈS. — Misérable! Cette mère meurtrière de ton père, tu oses la nommer devant moi? |
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ΥΛΛΟΣ Ἔχει γὰρ οὕτως ὥστε μὴ σιγᾶν πρέπειν. |
HYLLOS. — Au point où en sont les choses, il ne convient plus de se taire. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐ δῆτα, τοῖς γε πρόσθεν ἡμαρτημένοις. |
HÉRACLÈS. — En effet, s'il s'agit de son crime. |
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ΥΛΛΟΣ Ἀλλ´ οὐδὲ μὲν δὴ τοῖς γ´ ἐφ´ ἡμέραν ἐρεῖς. |
HYLLOS. — Quand tu sauras ce qu'elle vient de faire, tu changeras de langage. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Λέγ´, εὐλαβοῦ δὲ μὴ φανῇς κακὸς γεγώς. |
HÉRACLÈS. — Parle, mais crains de te montrer mauvais fils. |
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ΥΛΛΟΣ Λέγω· τέθνηκεν ἀρτίως νεοσφαγής. 1130 |
HYLLOS. — Apprends qu'elle vient de périr par l'épée. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Πρὸς τοῦ; τέρας τοι διὰ κακῶν ἐθέσπισας. |
HÉRACLÈS. — Quelle main l'a frappée? Incroyable nouvelle, paroles sinistres ! |
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ΥΛΛΟΣ Αὐτὴ πρὸς αὑτῆς, οὐδενὸς πρὸς ἐκτόπου. |
HYLLOS. — Elle s'est frappée sans le secours d'une main étrangère. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Οἴμοι· πρὶν ὡς χρῆν σφ´ ἐξ ἐμῆς θανεῖν χερός; |
HÉRACLÈS. — Trop tôt, hélas ! Que n'est-elle morte de la mienne ! |
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ΥΛΛΟΣ Κἂν σοῦ στραφείη θυμός, εἰ τὸ πᾶν μάθοις. |
HYLLOS. — En toi, quel revirement, si tu savais tout! |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Δεινοῦ λόγου κατῆρξας· εἰπὲ δ´ ᾗ νοεῖς. 1135 |
HÉRACLÈS. — Ce préambule est bien étrange. Dis ce que tu sais. |
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ΥΛΛΟΣ Ἅπαν τὸ χρῆμ´, ἥμαρτε χρηστὰ μωμένη. |
HYLLOS. — Pour tout dire en un mot, elle a fait le mal en désirant le bien. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Χρήστ´, ὦ κάκιστε, πατέρα σὸν κτείνασα δρᾷ; |
HÉRACLÈS. — Le bien, misérable! quand elle a fait mourir ton père? |
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ΥΛΛΟΣ Στέργημα γὰρ δοκοῦσα προσβαλεῖν σέθεν |
HYLLOS. — Lorsqu'elle a vu la nouvelle épouse à ton foyer, elle a voulu agir sur toi par un philtre amoureux. Ce fut là son erreur. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Καὶ τίς τοσοῦτος φαρμακεὺς Τραχινίων; 1140 |
HÉRACLÈS. — Un philtre? Et qui est si grand sorcier, à Trachis? |
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ΥΛΛΟΣ Νέσσος πάλαι Κένταυρος ἐξέπεισέ νιν |
HYLLOS. — Nessos le Centaure, autrefois, lui avait persuadé que ce philtre raviverait ton amour pour elle. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἰοὺ ἰοὺ δύστηνος, οἴχομαι τάλας· |
HÉRACLÈS. — Malheur sur malheur, tout est fini. C'en est fait, c'en est fait de moi, et je peux dire adieu à la lumière. Hélas! je mesure maintenant mon infortune. Approche, mon enfant... Considère que tu n'as plus de père. Rassemble tes frères à mon chevet; appelle la malheureuse Alcmène — à quoi nous a servi que Zeus l'ait aimée ? — afin que mes dernières paroles vous instruisent des commandements du destin, tels qu'ils me sont connus. |
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ΥΛΛΟΣ Ἀλλ´ οὔτε μήτηρ ἐνθάδ´, ἀλλ´ ἐπακτίᾳ |
HYLLOS. — Tu ne verras pas Alcmène; elle réside à Tirynthe, au bord de la mer, avec quelques-uns de tes enfants dont elle a pris la charge; plusieurs autres ont leur demeure à Thèbes (43). Mais nous qui sommes près de toi, mon père, tout ce qu'il faudra faire, nous le ferons selon tes ordres. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Σὺ δ´ οὖν ἄκουε τοὔργον· ἐξήκεις δ´ ἵνα |
HÉRACLÈS. — Apprends donc quelle sera votre tâche. Tu vas pouvoir montrer ce que c'est que d'être mon fils. Un oracle paternel m'avait jadis annoncé que la mort ne me viendrait pas d'un vivant, mais d'un habitant des enfers. C'est donc le bestial Centaure qui, selon la prédiction divine, m'a tué, longtemps après sa mort! Apprends encore qu'une prophétie plus récente, et qui s'accorde avec la première, arrive à échéance en même temps. Lorsque je fus visiter le bois sacré des Selles, ces prêtres montagnards qui couchent sur la terre nue, je recueillis la voix innombrable du chêne qui parle au nom de mon père (44). Elle me révéla en quel temps les travaux qui m'étaient imposés auraient leur terme. Le jour en est venu. Je m'attendais à une retraite paisible, et c'était la mort qui m'était signifiée, la mort qui nous apporte en effet la fin de nos travaux. Puis donc que ces choses sont expliquées, mon enfant, tu ne peux pas me refuser ton assistance. Sans attendre que je m'irrite, sache me servir d'un coeur docile, ayant compris qu'il n'y a pas de loi plus belle que d'obéir à un père. |
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ΥΛΛΟΣ Ἀλλ´, ὦ πάτερ, ταρβῶ μὲν εἰς λόγου στάσιν |
HYLLOS. — Mon père, je tremble à la pensée de ce que tu vas exiger de moi; mais je ferai selon ta volonté. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἔμβαλλε χεῖρα δεξιὰν πρώτιστά μοι. |
HÉRACLÈS. — Donne-moi premièrement ta main droite. |
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ΥΛΛΟΣ Ὡς πρὸς τί πίστιν τήνδ´ ἄγαν ἐπιστρέφεις; |
HYLLOS. — As-tu donc besoin d'une garantie formelle? |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐ θᾶσσον οἴσεις μηδ´ ἀπιστήσεις ἐμοί; |
HÉRACLÈS. — Ta main, te dis-je : c'est trop te défier de moi. |
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ΥΛΛΟΣ Ἰδοὺ προτείνω, κοὐδὲν ἀντειρήσεται. |
HYLLOS. — La voici : je n'objecterai plus rien. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ὄμνυ Διός νυν τοῦ με φύσαντος κάρα— 1185 |
HÉRACLÈS. Jure sur la tête de Zeus qui m'a engendré, jure... |
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ΥΛΛΟΣ Ἦ μὴν τί δράσειν; Καὶ τόδ´ ἐξειρήσεται; |
HYLLOS. — De quoi faire ? Ne me l'apprendras-tu pas ? |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἦ μὴν ἐμοὶ τὸ λεχθὲν ἔργον ἐκτελεῖν. |
HÉRACLÈS - ... d'exécuter point par point mes instructions. |
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ΥΛΛΟΣ Ὄμνυμ´ ἔγωγε, Ζῆν´ ἔχων ἐπώμοτον. |
HYLLOS. — J'en fais le serment devant Zeus. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Εἰ δ´ ἐκτὸς ἔλθοις, πημονὰς εὔχου λαβεῖν. |
HÉRACLÈS. — Pour le cas où tu y manquerais, fais voeu d'être puni. |
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ΥΛΛΟΣ Οὐ μὴ λάβω, δράσω γάρ· εὔχομαι δ´ ὅμως. 1190 |
HYLLOS. — A quoi bon? Je tiendrai parole. Mais enfin je formule ce vœu. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Οἶσθ´ οὖν τὸν Οἴτης Ζηνὸς ὕψιστον πάγον; |
HÉRACLÈS. — Tu connais, dominant l'Œta, le pic de Zeus. |
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ΥΛΛΟΣ Οἶδ´, ὡς θυτήρ γε πολλὰ δὴ σταθεὶς ἄνω. |
HYLLOS. — Je le connais, pour avoir maintes fois sacrifié là-haut. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἐνταῦθά νυν χρὴ τοὐμὸν ἐξάραντά σε |
HÉRACLÈS. — C'est là, de tes propres mains, assisté d'amis de ton choix, que tu transporteras mon corps. Coupe des chênes aux racines profondes, en grand nombre, et quantité de durs oliviers mâles. Quand tu m'auras placé sur ce bûcher, embrase-le d'une torche de résine. Aucune lamentation ne devra se faire entendre : si tu es mon fils, fais ta besogne sans un soupir, sans une larme. Sinon, du sein de la terre, ma malédiction pèsera sur tes jours à jamais. |
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ΥΛΛΟΣ Οἴμοι, πάτερ, τί εἶπας; Οἷά μ´ εἴργασαι. |
HYLLOS. — Hélas! mon père, voilà donc tes commandements ! Qu'ils sont rudes ! |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ὁποῖα δραστέ´ ἐστίν· εἰ δὲ μή, πατρὸς |
HÉRACLÈS. — Tels qu'ils sont, il faut les exécuter, sinon je te renonce pour mon enfant. |
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ΥΛΛΟΣ Οἴμοι μάλ´ αὖθις, οἷά μ´ ἐκκαλῇ, πάτερ, |
HYLLOS. — Je disais bien : hélas ! Tu m'invites, ô mon père, à me faire ton meurtrier, à teindre mes mains de ton sang! |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐ δῆτ´ ἔγωγ´, ἀλλ´ ὧν ἔχω παιώνιον |
HÉRACLÈS. — Au contraire, j'attends de toi l'apaisement de mes souffrances : tu es mon seul médecin. |
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ΥΛΛΟΣ Καὶ πῶς ὑπαίθων σῶμ´ ἂν ἰῴμην τὸ σόν; 1210 |
HYLLOS. — Et comment te guérirais-je en te livrant aux flammes ? |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἀλλ´ εἰ φοβῇ πρὸς τοῦτο, τἄλλα γ´ ἔργασαι. |
HÉRACLÈS. — Si cette idée te fait horreur, exécute au moins le reste. |
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ΥΛΛΟΣ Φορᾶς γέ τοι φθόνησις οὐ γενήσεται. |
HYLLOS. — Je ne me refuserai pas à te porter là-haut. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἦ καὶ πυρᾶς πλήρωμα τῆς εἰρημένης; |
HÉRACLÈS. — Ni à dresser le bûcher, ainsi qu'il a été dit ? |
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ΥΛΛΟΣ Ὅσον γ´ ἂν αὐτὸς μὴ ποτιψαύων χεροῖν· |
HYLLOS. - Excepté d'y mettre la main, je veillerai à tout, et tu n'auras rien à me reprocher. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἀλλ´ ἀρκέσει καὶ ταῦτα· πρόσνειμαι δέ μοι |
HÉRACLÈS. — Me voilà satisfait là-dessus. Mais ajoute à ce grand service une grâce légère. |
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ΥΛΛΟΣ Εἰ καὶ μακρὰ κάρτ´ ἐστίν, ἐργασθήσεται. |
HYLLOS. — Dût-il m'en coûter, je suivrai ton désir. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Τὴν Εὐρυτείαν οἶσθα δῆτα παρθένον; |
HÉRACLÈS. — Tu connais, je pense, la fille d'Eurytos? |
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ΥΛΛΟΣ Ἰόλην ἔλεξας, ὥς γ´ ἐπεικάζειν ἐμέ. 1220 |
HYLLOS. — Est-ce Iole que tu veux dire? |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἔγνως. Τοσοῦτον δή ς´ ἐπισκήπτω, τέκνον· |
HÉRACLÈS. — Elle-même; et voici ce que j'attends de toi, mon enfant. Après ma mort, si tu as à coeur, dans ta piété filiale, de tenir ton serment, prends cette femme pour épouse; c'est un ordre de ton père. Je ne veux pas qu'un autre que toi possède la compagne qui a dormi à mes côtés. C'est toi, mon fils, qui sera son mari. Obéis-moi. En dépit des graves promesses que tu m'as consenties, ce refus dans une moindre chose détruirait toute ma gratitude. |
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ΥΛΛΟΣ Οἴμοι. Τὸ μὲν νοσοῦντι θυμοῦσθαι κακόν,
1230 |
HYLLOS. — Hélas ! c'est mal de s'irriter contre un homme qui souffre; mais qu'on ait de telles exigences, qui le supporterait? |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ὡς ἐργασείων οὐδὲν ὧν λέγω θροεῖς. |
HÉRACLÈS. — Je crois comprendre qu'on se dérobe ? |
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ΥΛΛΟΣ Τίς γάρ ποθ´, ἥ μοι μητρὶ μὲν θανεῖν μόνη |
HYLLOS. — Une femme qui est cause que ma mère s'est tuée et que tu es dans l'état où te voilà! Il faudrait être frappé de démence par la colère du ciel pour vouloir l'épouser. J'aime encore mieux mourir, père, que de partager ma vie avec mes pires ennemis. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἁνὴρ ὅδ´ ὡς ἔοικεν οὐ νεμεῖν ἐμοὶ |
HÉRACLÈS. — Il me semble que ce garçon se révolte contre son père mourant ? Prends garde : la vindicte des dieux te guette, si tu ne m'obéis pas. |
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ΥΛΛΟΣ Οἴμοι, τάχ´, ὡς ἔοικας, ὡς νοσεῖς φράσεις. |
HYLLOS. — C'est la douleur, je le crains, qui inspire tes paroles. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Σὺ γάρ μ´ ἀπ´ εὐνασθέντος ἐκκινεῖς κακοῦ. |
HÉRACLÈS. — Elle s'était assoupie : tu la réveilles. |
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ΥΛΛΟΣ Δείλαιος, ὡς ἐς πολλὰ τἀπορεῖν ἔχω. |
HYLLOS. — O cruel débat dans mon coeur! Que je souffre ! |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐ γὰρ δικαιοῖς τοῦ φυτεύσαντος κλύειν. |
HÉRACLÈS. — C'est que tu ne veux pas obéir à l'auteur de tes jours. |
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ΥΛΛΟΣ Ἀλλ´ ἐκδιδαχθῶ δῆτα δυσσεβεῖν, πάτερ; 1245 |
HYLLOS. — Mais c'est l'impiété, père, que tu m'enseignes! |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐ δυσσέβεια, τοὐμὸν εἰ τέρψεις κέαρ. |
HÉRACLÈS. — Il n'y a pas d'impiété à me complaire. |
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ΥΛΛΟΣ Πράσσειν ἄνωγας οὖν με πανδίκως τάδε; |
HYLLOS. — Ainsi tu me le commandes absolument ? |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἔγωγε· τούτων μάρτυρας καλῶ θεούς. |
HÉRACLÈS. — Absolument. J'en atteste les dieux. |
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ΥΛΛΟΣ Τοιγὰρ ποήσω, κοὐκ ἀπώσομαι, τὸ σὸν |
HYLLOS. — Soit. Je ferai selon ta volonté : les dieux nous voient. On ne saura me faire un crime de t'avoir obéi, mon père. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Καλῶς τελευτᾷς, κἀπὶ τοῖσδε τὴν χάριν |
HÉRACLÈS. — Je te trouve enfin raisonnable. Une dernière prière, cependant, mon petit : n'attends pas que m'assaillent de nouveaux spasmes et de nouvelles fureurs pour me placer sur le bûcher. Allons, faites vite, soulevez-moi. Voici le repos qui succède aux épreuves, car je touche à mon instant suprême. |
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ΥΛΛΟΣ Ἀλλ´ οὐδὲν εἴργει σοὶ τελειοῦσθαι τάδε, |
HYLLOS. — Rien ne s'oppose à ce que ta volonté soit faite, puisque tu me l'ordonnes, mon père, et que tu m'y obliges. |
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ΗΡΑΚΛΗΣ Ἄγε νυν, πρὶν τήνδ´ ἀνακινῆσαι |
HÉRACLÈS. — Allons, avant que le mal
ne se réveille, ô ma nature indomptable, scellant d'une griffe d'acier
mes lèvres, comme deux pierres, étouffe mes cris! Ce qu'il coûte le
plus de faire, tu vas le faire avec joie. |
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ΥΛΛΟΣ Αἴρετ´, ὀπαδοί, μεγάλην μὲν ἐμοὶ |
HYLLOS. — Soulevez-le, mes compagnons; et ne me jugez pas trop sévèrement. Aux dieux toute votre réprobation pour ce qui s'est accompli. Leurs enfants, leurs propres fils, voyez comme ils considèrent de haut leurs épreuves! Ce que l'avenir nous réserve, nul ne saurait le prévoir; mais l'heure présente est lourde d'affliction pour nous, de honte pour eux, et, pour celui qu'ils ont frappé, d'une souffrance qui passe les forces humaines. |
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ΧΟΡΟΣ Λείπου μηδὲ σύ, παρθέν´, ἀπ´ οἴκων,
1275 |
LE CORYPHÉE. — Jeune femme, ne reste pas dans la maison à l'écart. Tu viens de voir des morts extraordinaires, des tortures multiples, inouïes : rien que n’ait voulu Zeus. |
(35) Chiron, fils de
Cronos et d'une nymphe océanide, est un centaure. Il doit cette complexion
hybride au fait que son père, surpris par Rhéa auprès de la nymphe, se
changea en cheval pour échapper à son épouse. Ami et conseiller de Pélée,
éducateur d'Achille, médecin éminent, Chiron était immortel par sa
naissance. Cependant il consentit à mourir, soit qu'il souffrît d'une blessure
incurable que lui avait faite le venin de l'Hydre, soit qu'il se fût dévoué
pour la délivrance de Prométhée, soit par dégoût de la vie (Lucien, Dial.
des morts, 26).
(36) En fait les cent
victimes destinées à l'hécatombe pouvaient être de toute espèce : boeufs,
chèvres, porcs, brebis; on n'immolait que celles qui présentaient les
conditions requises, et l'on se contentait de montrer les autres au dieu.
(37) Plaine qui
s'étend au pied de l'Olympe et de l'Ossa.
(38) Cf. n. 145.
(39) Les Géants, fils
de la Terre, reprennent contre Zeus la lutte d'abord entreprise par les Titans.
Tous les dieux aident Zeus à défendre l'Olympe, et avec eux Héraclès, qui
n'est pas le moins actif
(40) Vallée et ville
de l'Argolide. Les jeux qu'on y célébrait passaient pour être de fondation
très ancienne, antérieure même au séjour d'Héraclès dans la région. Sur
l'Hydre. Cf. n. 174.
(41) Érymanthe est
situé en Arcadie. Le fauve est un sanglier qu'Héraclès ramena vivant à
Eurysthée. Sur les Centaures, cf. n. 173. C'est au cours de son expédition en
Arcadie qu'Héraclès, s'étant pris de querelle avec le Centaure Pholos, tua
plusieurs des congénères de celui-ci, et en poursuivit d'autres jusqu'au Cap
Malée. — Le chien à trois têtes est Cerbère (cf. n. 254); les pommes d'or
sont celles du Jardin des Hespérides (les orangers du Maroc).
(42) Les historiens
modernes pensent que les travaux accomplis au service d'Eurysthée
symboliseraient une première tentative malheureuse d'expédition dorienne, sous
la conduite de Hyllos, contre l'Argolide. Les Doriens vaincus se seraient mis à
la solde du prince Achéen Eurysthée. La seconde expédition, dite « retour
des Héraclides », aurait eu lieu quatre-vingts ans après la guerre de Troie,
vers 1100, en partant de la Doride (Cf. L. Halphen et Ph. Sagnac, Peuples et
Civilisations. Paris, t. I, p. 296).
(43) Cf. n. 162.
(44) « Il y avait...,
autour de Dodone et des forêts de chênes du mont Tomaros, une sorte de
sanctuaire quasi druidique, très ancien, desservi par une confrérie de Helloi,
interprètes des oracles d'un dieu céleste, dont les pensées s'exprimaient par
la voix des tourterelles et le bruissement des arbres. Ces prêtres-devins se
recrutaient sans doute dans la tribu presque voisine des Hellopes... Ils avaient
pour voisins, dans la vallée du fleuve Oropos, le clan des Graioi ou Graikoi...
» (Halphen et Sagnac, op. Cit., t. I, p. 294.) — Vers le début du XIIe
siècle, eut lieu l'émigration de ces deux peuplades en Thessalie, vaste
creuset où s'amalgamèrent les peuples nordiques de l'ouest et de l'est.