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ΘΕΡΑΠΩΝ
Πολλοὺς μὲν ἤδη κἀπὸ παντοίας χθονὸς ΗΡΑΚΛΗΣ
Οὗτος͵ τί σεμνὸν καὶ πεφροντικὸς βλέπεις; |
UN SERVITEUR D'ADMÈTE. J'ai déjà vu bien des hôtes venir de tous les pays dans le palais d'Admète, et je leur ai servi à manger ; mais je n'ai pas encore reçu à ce foyer d'hôte plus grossier que celui-ci. D'abord il voit mon maître en pleurs, et il entre, il ne craint pas de franchir le seuil : ensuite, au lieu d'user avec modération des dons de l'hospitalité, lui qui sait le malheur de la famille, il demande avec exigence ce qu'on tardé à lui offrir ; et, prenant en main une coupe entourée de lierre, il boit à longs traits un vin pur et noir, jusqu'à ce que la flamme de cette liqueur l'ait embrasé ; il couronne sa tête de branches de myrte, et il hurle des chants grossiers. C'était un double concert ; car lui il chantait, sans tenir aucun compte de la tristesse d'Admète, et nous autres serviteurs nous pleurions notre maîtresse : et cependant nous cachions nos yeux mouillés de larmes à l'étranger, car tel était l'ordre d'Admète. Et maintenant je suis à la maison, à servir le festin d'un étranger, qui est sans doute quelque rusé voleur, quelque brigand, tandis que ma maîtresse sort pour toujours du palais, sans que j'aie pu la suivre, lui tendre la main, en pleurant celle qui était une mère pour tous ses serviteurs ; car elle nous épargnait bien des maux, en calmant la colère de son époux. N'ai -je donc pas sujet de haïr cet hôte, qui est survenu dans notre affliction ? HERCULE. Holà ! pourquoi cet air grave et soucieux ? un serviteur ne doit pas montrer aux hôtes un visage chagrin ; il doit les accueillir d'une manière affable. Mais toi, en voyant en ces lieux un ami de ton maître, tu le reçois avec un visage farouche, les sourcils froncés, et préoccupé d'un malheur étranger. Viens ici, je veux te rendre plus sage. Sais-tu quelle est la nature des choses humaines ? Tu l'ignores, je suppose ; car d'où l'aurais-tu appris ? Écoute- moi donc : tous les hommes sont condamnés à mourir, et il n'est aucun d'eux qui sache s'il vivra le lendemain. Ce qui dépend de la fortune nous est caché ; rien ne peut nous en instruire, l'art même est impuissant à le découvrir. En vertu de ces maximes, et instruit par moi, livre- toi à la joie, au plaisir de boire ; regarde comme à toi la vie de chaque jour, et le reste comme dépendant de la fortune. Honore aussi Vénus, qui donne aux mortels les plaisirs les plus doux, car c'est une aimable déesse. Laisse là tes autres soins, et crois-en mes conseils s'ils te paraissent bons, comme je les crois : ainsi, fais trêve à cette excessive tristesse, bois avec moi, franchis cette porte, et couronne-toi de fleurs. Je suis certain que le bruit des coupes te tirera de ce noir chagrin qui resserre ton cœur. Mortels, nous devons prendre les sentiments de notre condition mortelle ; car pour les caractères triste» et austères, la vie, à mon jugement, est moins une vie qu'une misère. |
ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ
Ἐπιστάμεσθα ταῦτα· νῦν δὲ πράσσομεν ΗΡΑΚΛΗΣ
Γυνὴ θυραῖος ἡ θανοῦσα· μὴ λίαν
820 ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ Τί ζῶσιν; οὐ κάτοισθα τἀν δόμοις κακά; ΗΡΑΚΛΗΣ Εἰ μή τι σός με δεσπότης ἐψεύσατο. ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ Ἄγαν ἐκεῖνός ἐστ΄ ἄγαν φιλόξενος. ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐ χρῆν μ΄ ὀθνείου γ΄ οὕνεκ΄ εὖ πάσχειν νεκροῦ; 825 ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ Ἦ κάρτα μέντοι καὶ λίαν ὀθνεῖος ἦν. ΗΡΑΚΛΗΣ Μῶν ξυμφοράν τιν΄ οὖσαν οὐκ ἔφραζέ μοι; ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ Χαίρων ἴθ΄· ἡμῖν δεσποτῶν μέλει κακά. ΗΡΑΚΛΗΣ Ὅδ΄ οὐ θυραίων πημάτων ἄρχει λόγος. ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ Οὐ γάρ τι κωμάζοντ΄ ἂν ἠχθόμην σ΄ ὁρῶν. 830 ΗΡΑΚΛΗΣ Ἀλλ΄ ἦ πέπονθα δείν΄ ὑπὸ ξένων ἐμῶν; ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ
Οὐκ ἦλθες ἐν δέοντι δέξασθαι δόμοις. ΗΡΑΚΛΗΣ Τίς δ΄ ὁ κατθανών;] 835 ΗΡΑΚΛΗΣ Μῶν ἢ τέκνων τι φροῦδον ἢ γέρων πατήρ; ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ Γυνὴ μὲν οὖν ὄλωλεν Ἀδμήτου͵ ξένε. ΗΡΑΚΛΗΣ Τί φήις; ἔπειτα δῆτά μ΄ ἐξενίζετε; ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ Ἠιδεῖτο γάρ σε τῶνδ΄ ἀπώσασθαι δόμων. ΗΡΑΚΛΗΣ Ὦ σχέτλι΄͵ οἵας ἤμπλακες ξυναόρου. 840 ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ Ἀπωλόμεσθα πάντες͵ οὐ κείνη μόνη. ΗΡΑΚΛΗΣ
Ἀλλ΄ ἠισθόμην μὲν ὄμμ΄ ἰδὼν δακρυρροοῦν ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ
Ὀρθὴν παρ΄ οἶμον ἣ ΄πὶ Λαρίσαν φέρει |
LE SERVITEUR. Je sais tout cela ; mais ce qui m'occupe à présent s'accorde peu avec les festins et les rires. HERCULE. Celle qui est morte est une femme étrangère. Ne t'afflige pas à l'excès, quand les maîtres de ce palais sont pleins de vie. LE SERVITEUR. Comment, pleins de vie ? tu ne connais donc pas les malheurs de cette maison ? HERCULE. À moins que ton maître ne m'ait pas dit la vérité. LE SERVITEUR. Il poussait trop loin, oui trop loin, le respect de l'hospitalité. HERCULE. Quoi ! pour la mort d'une étrangère, fallait-il me mal recevoir ? LE SERVITEUR. Mais vraiment elle n'était que trop de la famille ! HERCULE. Y a-t-il donc quelque malheur dont il ne m'ait pas parlé ? LE SERVITEUR. Va-t'en en joie ; c'est à nous de pleurer les maux de nos maîtres. HERCULE. Ce n'est pas d'un malheur étranger qu'il s'agit, si j'en crois ce langage. LE SERVITEUR. Autrement je ne me serais pas attristé, quand tu te livrais à la joie du festin. HERCULE. Ah ! mes hôtes ne m'ont-ils pas fait injure ? LE SERVITEUR. Tu n'es pas venu à propos demander asile, car nous sommes dans le deuil : tu vois ces cheveux coupés et ces vêtements lugubres. HERCULE. Qui donc est mort ? Est-ce un de ses enfants ? est-ce son père ? LE SERVITEUR. C'est l'épouse même d'Admète qui est morte, étranger. HERCULE. Que dis-tu ? Et cependant vous m'avez donné l'hospitalité ? LE SERVITEUR. Admète craignait de te repousser de sa maison. HERCULE. Infortuné, quelle épouse tu as perdue ! LE SERVITEUR. Avec elle nous périssons tous. HERCULE. Je l'avais pressenti à son air, à ses yeux mouillés de larmes, à sa chevelure coupée : mais il a dissipé mes soupçons, en disant qu'il allait ensevelir une étrangère. C'est contre mon gré que j'ai franchi ce seuil ; j'ai bu dans la maison d'un hôte généreux en proie à l'affliction, je me suis livré à la joie du festin, et j'ai couronné ma tète de fleurs. C'est ta faute de ne m'avoir rien dit, quand un si grand malheur afflige votre maison. Où est sa sépulture ? où dois-je aller pour la trouver ? LE SERVITEUR. Sur les bords de la route qui conduit à tarisse, tu verras un tombeau hors du faubourg (24). |
ΗΡΑΚΛΗΣ
Ὦ πολλὰ τλᾶσα καρδία καὶ χεὶρ ἐμή͵ ΑΔΜΗΤΟΣ
Ἰώ͵ ΧΟΡΟΣ Πρόβα πρόβα͵ βᾶθι κεῦθος οἴκων. 890 ΑΔΜΗΤΟΣ Αἰαῖ. ΧΟΡΟΣ Πέπονθας ἄξι΄ αἰαγμάτων. ΑΔΜΗΤΟΣ Ἒ ἔ. ΧΟΡΟΣ Δι΄ ὀδύνας ἔβας͵ σάφ΄ οἶδα. ΑΔΜΗΤΟΣ Φεῦ φεῦ. 895 ΧΟΡΟΣ Τὰν νέρθε δ΄ οὐδὲν ὠφελεῖς ... ΑΔΜΗΤΟΣ Ἰώ μοί μοι. ΧΟΡΟΣ
Τὸ μήποτ΄ εἰσιδεῖν φιλίας ἀλόχου |
HERCULE. Ô mon coeur éprouvé par tant de travaux, ô mon âme, c'est maintenant qu'il faut montrer quel fils la Tirynthienne Alcmène, fille d'Électryon, a donné à Jupiter. Il faut en effet que je sauve cette femme qui vient de mourir, que je ramène Alceste dans cette maison, et que je prouve ma reconnaissance à Admète. J'irai trouver la Mort, noire souveraine des ombres ; je l'épierai, et j'espère la rencontrer près du tombeau, buvant le sang des victimes. Je me mettrai en embuscade, je fondrai sur elle ; et si je puis la saisir et l'envelopper dans le cercle de mes bras, il ne sera au pouvoir de personne de me l'arracher, les flancs tout meurtris, avant qu'elle ne m'ait rendu Alceste. Mais si je manque ma proie, si elle ne vient pas aux gâteaux arrosés de sang, j'irai aux enfers, dans la sombre demeure de Proserpine et de Pluton ; je redemanderai Alceste, et je compte bien la ramener au jour, et la remettre aux mains de l'hôte généreux qui m'a reçu dans sa maison, qui ne m'a pas repoussé, quoique sous le coup d'un malheur accablant, et dont la générosité me cachait ce malheur, par égard pour moi. Est-il dans la Thessalie, est-il dans toute la Grèce un plus religieux observateur de l'hospitalité ? aussi ne dira-t-il pas qu'il a obligé un ingrat, lui qui s'est montré si généreux. ADMÈTE. Ah ! triste retour, triste aspect d'un palais désert ! Hélas ! hélas ! où aller ? où m'arrêter ? que dire ou ne pas dire ? Que ne puis-je mourir ! Quel infortuné ma mère a enfanté ! Heureux les morts ! je leur porte envie, je veux habiter leur séjour. Je n'aime plus à voir la lumière, ni à fouler la terre sous mes pas. Quel otage la mort m'a ravi, pour le livrer à Pluton ! LE CHOEUR. Avance, avance ; cache-toi dans les retraites du palais. ADMÈTE. Ah ! Ah ! LE CHOEUR. Ton sort est bien digne de lamentations. ADMÈTE. Hélas ! hélas ! LE CHOEUR. Je connais l'excès de la douleur. ADMÈTE. Oh ! oh ! LE CHOEUR. Cependant tu ne soulages en rien celle qui n'est plus. ADMÈTE. Ah malheureux ! LE CHOEUR. Ne plus voir en face une épouse chérie, c'est bien cruel. |
ΑΔΜΗΤΟΣ
Ἔμνησας ὅ μου φρένας ἥλκωσεν· 900 ΧΟΡΟΣ Στύχα τύχα δυσπάλαιστος ἥκει. ΑΔΜΗΤΟΣ Αἰαῖ. ΧΟΡΟΣ Πέρας δέ γ΄ οὐδὲν ἀλγέων τίθης. ΑΔΜΗΤΟΣ Ἔ ἔ. ΧΟΡΟΣ Βαρέα μὲν φέρειν͵ ὅμως δὲ ... 915 ΑΔΜΗΤΟΣ Φεῦ φεῦ. ΧΟΡΟΣ Τλᾶθ΄· οὐ σὺ πρῶτος ὤλεσας ... ΑΔΜΗΤΟΣ Ἰώ μοί μοι. ΧΟΡΟΣ
Γυναῖκα· συμφορὰ δ΄ ἑτέρους ἑτέρα ΑΔΜΗΤΟΣ
Ὦ μακρὰ πένθη λῦπαί τε φίλων ΧΟΡΟΣ
Ἐμοί τις ἦν
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ADMÈTE. Tu rappelles un souvenir qui déchire mon cœur ; car quel plus grand malheur pour un époux que de perdre une épouse chérie ! Plût au ciel que, jamais lié par l'hymen, je n'eusse habité ce palais avec Alceste ! J'envie le sort des mortels qui n'ont ni épouses, ni enfants ; ils n'ont qu'une âme, et souffrir pour elle est un fardeau supportable. Mais voir le$ souffrances de ses enfants, et le lit nuptial dévasté par la mort, c'est là un spectacle insupportable, quand on pouvait passer toute sa vie sans entants et sans compagne. LE CHOEUR. Le destin, l'inévitable destin t'a frappé... ADMÈTE. Ah ! ah ! LE CHOEUR. Et ne mets point de terme à ta douleur. ADMÈTE. Hélas ! hélas ! LE CHOEUR. C'est un fardeau bien lourd ; cependant... ADMÈTE. Oh ! oh ! LE CHOEUR. Il faut Ie supporter : tu n'es pas le premier. . . ADMÈTE. Ah ! malheureux ! LE CHOEUR. Qui ait perdu une épouse. Des malheurs divers viennent fondre sur chacun des mortels. ADMÈTE. Ô deuil éternel ! ô cruels regrets d'un être chéri qui n'est plus ! Pourquoi m'avoir empêché de me précipiter dans la tombe et de reposer dans la mort, auprès de cette femme incomparable ? Au lieu d'une âme, Pluton aurait reçu deux âmes fidèles, traversant ensemble le fleuve infernal. LE CHOEUR. J'avais dans ma famille un homme, dont le fils unique, bien digne de regrets, mourut (25). Cependant il supporta avec modération ce malheur, qui le laissait sans enfant, dans un âge avancé, et les cheveux blanchis. |
ΑΔΜΗΤΟΣ
Ὦ σχῆμα δόμων͵ πῶς εἰσέλθω͵ ΧΟΡΟΣ
Παρ΄ εὐτυχῆ ΑΔΜΗΤΟΣ
Φίλοι͵ γυναικὸς δαίμον΄ εὐτυχέστερον |
ADMÈTE. Ô palais, comment pourrai-je rentrer dans ton enceinte ? comment pourrai-je t'habiter, après ce changement de fortune ? Hélas ! quelle différence ! Alors j'entrai dans ce palais, éclairé par des torches coupées sur le Pélion, au bruit des chants d'hymen, conduisant par la main mon épouse chérie. À notre suite marchait une troupe joyeuse d'amis, célébrant l'heureuse union qui alliait deux époux de noble naissance. Maintenant aux chants d'allégresse succèdent de tristes lamentations ; au lieu des voiles blancs, c'est le deuil avec ses habits lugubres, qui me ramène dans la demeure où s'élève la couche nuptiale, vide désormais. LE CHOEUR. À ton heureuse fortune tu vois succéder cette affliction, toi qui n'avais pas connu le malheur ; mais tu conserves la vie. Ton épouse est morte, et elle t'a laissé sa tendresse. Qu'y a-t-il là de nouveau ? À bien d'autres avant toi la mort a ravi leur femme, ADMÈTE. Amis, le sort de mon épouse est, selon moi, plus heureux que le mien, quoiqu'on n'en juge pas ainsi. La douleur ne saurait pfus l'atteindre, et elle s'est dérobée, pleine de gloire, à bien des épreuves : mais moi, qui devais ne plus vivre, j'ai franchi le terme fatal, et je traînerai une vie misérable ; je commence à le sentir. Comment aurai-je la force de rentrer dans ce palais ? À qui m'adresser ? Quelle voix entendrai-je, qui me rende ce retour moins pénible ? Où tourner mes pas ? La solitude qui y règne me tuera, quand je verrai vide la couche d'Alceste et les sièges où elle prenait place, le désordre et l'état négligé du palais ; quand mes enfants, tombant à mes genoux, pleureront leur mère, et que les serviteurs gémiront sur la perte de leur maîtresse. Voilà ce qui m'attend au dedans du palais : au dehors, la vue des épouses thessaliennes, les nombreuses assemblées des femmes seront un tourment pour moi ; car je ne pourrai supporter l'aspect des femmes de même âge qu'Alceste. Tous mes ennemis diront de moi : « Voyez cet homme qui vit honteusement, et qui n'a pas eu le courage de mourir : à sa place il a livré son épouse, pour se dérober lâchement à Pluton ; et il prétend être un homme ! Il déteste ses parents, tout en refusant lui-même de mourir. » Telle est la réputation qui viendra se joindre à mes malheurs. Quel prix la vie peut-elle avoir pour moi, mes amis, avec une mauvaise renommée et une mauvaise fortune ? ----------------- |
ΧΟΡΟΣ
Ἐγὼ καὶ διὰ μούσας |
LE CHOEUR. Je me suis livré au commerce des Muses ; mon esprit s'est élevé dans les cieux et s'est appliqué à bien des études diverses, et je n'ai trouvé rien de puissant que la Nécessité : il n'est de préservatif contre elle ni dans les tablettes conservées en Thrace et dictées par la voix d'Orphée, ni dans les remèdes que Phébus a donnés aux enfants d'Esculape , pour soulager les mortels souffrants. Seule divinité dont les autels et la statue soient inaccessibles, elle est insensible aux sacrifices. Divinité redoutable, ne te montre pas plus terrible pour moi que tu ne l'as été jusqu'ici. C'est par toi que Jupiter accomplit ses volontés ; ta force dompte le fer même des Chalybes (26), et ta volonté intraitable n'est susceptible d'aucune honte. Cette déesse t'a enlacé dans les liens indissolubles de ses mains ; mais arme-toi de constance, car tes pleurs ne ramèneront jamais les morts des enfers. Les enfant illégitimes des dieux sont eux-mêmes sujets au trépas. Alceste nous était chère, lorsqu'elle était avec nous ; elle nous est chère encore après sa mort : c'est la plus généreuse des femmes que tu avais choisie pour compagne. Qu'on ne regarde pas le tombeau de ton épouse comme la sépulture vulgaire des autres morts ; objet de vénération pour les voyageurs, qu'il soit honoré à l'égal des dieux. Le passant se détournera de sa route, et dira : « Celle-là mourut jadis pour son époux, et maintenant c'est une divinité bienheureuse. Salut, femme vénérable ! sois-nous propice. » Telles seront les paroles dont on la saluera. Mais, Admète, voici, ce me semble, le fils d'Alcmène qui se dirige vers ta demeure. --------------------- |
ΗΡΑΚΛΗΣ
φίλον πρὸς ἄνδρα χρὴ λέγειν ἐλευθέρως͵ ΑΔΜΗΤΟΣ
Οὔτοι σ΄ ἀτίζων οὐδ΄ ἐν αἰσχροῖσιν τιθεὶς |
HERCULE. Avec un ami on doit parler librement, Admète, et ne pas renfermer silencieusement ses reproches au fond de son cœur. Me trouvant près de toi dans ton malheur, je croyais mériter que tu misses mon amitié à l'épreuve. Cependant tu ne m'as pas dit que c'était le corps de ta femme qu'on allait inhumer, et tu m'as donné l'hospitalité dans ton palais, comme s'il ne s'agissait que de la mort d'une étrangère, j'ai couronné ma tête, et j'ai fait des libations aux dieux dans ta maison, en proie à la désolation. Aussi je me plains de toi, je me plains de ta conduite à mon égard : je ne veux pourtant pas ajouter à ton affliction ; mais je vais te dire le motif qui me ramène ici. Prends cette femme, et garde-la-moi jusqu'à ce que je revienne ici avec les chevaux thraces, après avoir tué le roi des Bistoniens. Si je succombe (puissent les dieux écarter ce présage, et m'accorder un heureux retour !), je te la donne pour esclave. C'est après un long combat qu'elle est tombée en mon pouvoir. Je me trouvais à des jeux publics, où l'on proposait aux athlètes des prix dignes de tous leurs efforts ; j'en ai ramené cette femme, comme prix de la victoire. Le vainqueur dans les petits combats recevait des coursiers ; le vainqueur dans les combats plus sérieux, teIs que le pugilat et la lutte, recevait des troupeaux, et de plus on y avait joint cette femme. Me trouvant là, il eût été honteux pour moi de laisser échapper un prix si glorieux. Mais, je le répète . il faut que tu prennes soin de cette femme ; car je ne l'ai point dérobée par ruse, mais je l'ai conquise en combattant ; et peut-être, avec le temps, tu m'en rendras grâce. ADMÈTE. Ce n'est ni par mépris pour toi, ni par un sentiment d'inimitié, que je t'ai caché le triste sort de mon épouse ; mais c'eût été pour moi un surcroît de douleur, si tu étais allé dans la maison d'un autre hôte. C'était assez pour moi d'avoir à pleurer mon malheur. Quant à cette femme, je te prie, Hercule, s'il est possible, de charger de sa garde quelque autre Thessalien, qui n'ait pas éprouvé le même malheur que moi : tu as bien des amis dans la ville de Phères. Ne me rappelle pas une perte cruelle : je ne pourrais, en voyant cette femme dans mes foyers, retenir mes larmes. N'ajoute pas à ma douleur une nouvelle douleur : c'est assez du coup qui m'accable. En quelle partie du palais veux-tu que s'élève cette jeune femme ? car elle est jeune, à en juger à ses vêtements et à sa parure. Habitera-t-elle dans la partie accessible aux hommes ? et comment restera-t-elle pure, en vivant au milieu des jeunes gens ? Il n'est pas facile, Hercule, de contenir la jeunesse ; et c'est par intérêt pour toi que je parle ainsi. La recueillerai-je dans l'appartement de celle qui n'est plus ? Et comment la ferais-je entrer dans le lit d'Alceste ? Je craindrais un double reproche : d'abord des citoyens qui pourraient m'accuser de trahir ma bienfaitrice pour partager la couche d'une autre jeune fille ; et je dois aussi garder la mémoire de l'épouse que j'ai perdue, car elle a droit à ma vénération. Mais toi, ô femme ; qui que tu sois, combien tu ressembles à Alceste et par le port et par la taille ! Au nom des dieux, éloigne-la de mes yeux ; ne me fais pas mourir de douleur ; car, en la voyant, je crois voir mon épouse : mon cœur en est troublé, et les larmes coulent de mes yeux. Malheureux que je suis, c'est à présent que je goûte toute l'amertume de ma douleur. |
ΧΟΡΟΣ
Ἐγὼ μὲν οὐκ ἔχοιμ΄ ἂν εὖ λέγειν τύχην·
1190 ΗΡΑΚΛΗΣ
Εἰ γὰρ τοσαύτην δύναμιν εἶχον ὥστε σὴν ΑΔΜΗΤΟΣ
Σάφ΄ οἶδα βούλεσθαί σ΄ ἄν. ἀλλὰ ποῦ τόδε;
1195 ΗΡΑΚΛΗΣ Μή νυν ὑπέρβαλλ΄ ἀλλ΄ ἐναισίμως φέρε. ΑΔΜΗΤΟΣ Ῥᾶιον παραινεῖν ἢ παθόντα καρτερεῖν. ΗΡΑΚΛΗΣ Τί δ΄ ἂν προκόπτοις͵ εἰ θέλεις ἀεὶ στένειν; ΑΔΜΗΤΟΣ Ἔγνωκα καὐτός͵ ἀλλ΄ ἔρως τις ἐξάγει. 1100 ΗΡΑΚΛΗΣ Τὸ γὰρ φιλῆσαι τὸν θανόντ΄ ἄγει δάκρυ. ΑΔΜΗΤΟΣ Ἀπώλεσέν με κἄτι μᾶλλον ἢ λέγω. ΗΡΑΚΛΗΣ Γυναικὸς ἐσθλῆς ἤμπλακες· τίς ἀντερεῖ; ΑΔΜΗΤΟΣ Ὥστ΄ ἄνδρα τόνδε μηκέθ΄ ἥδεσθαι βίωι. ΗΡΑΚΛΗΣ Χρόνος μαλάξει͵ νῦν δ΄ ἔθ΄ ἡβάσκει͵ κακόν. 1105 ΑΔΜΗΤΟΣ Χρόνον λέγοις ἄν͵ εἰ χρόνος τὸ κατθανεῖν. ΗΡΑΚΛΗΣ Γυνή σε παύσει καὶ νέοι γάμοι πόθου. ΑΔΜΗΤΟΣ Σίγησον· οἷον εἶπας. οὐκ ἂν ὠιόμην. ΗΡΑΚΛΗΣ Τί δ΄; οὐ γαμεῖς γὰρ ἀλλὰ χηρεύσηι λέχος; ΑΔΜΗΤΟΣ Οὐκ ἔστιν ἥτις τῶιδε συγκλιθήσεται. 1110 ΗΡΑΚΛΗΣ Μῶν τὴν θανοῦσαν ὠφελεῖν τι προσδοκᾶις; ΑΔΜΗΤΟΣ Κείνην ὅπουπερ ἔστι τιμᾶσθαι χρεών. ΗΡΑΚΛΗΣ Αἰνῶ μὲν αἰνῶ· μωρίαν δ΄ ὀφλισκάνεις. [ΑΔΜΗΤΟΣ Ὡς μήποτ΄ ἄνδρα τόνδε νυμφίον καλῶν. 1115 ΗΡΑΚΛΗΣ Ἐπήινεσ΄ ἀλόχωι πιστὸς οὕνεκ΄ εἶ φίλος.] ΑΔΜΗΤΟΣ Θάνοιμ΄ ἐκείνην καίπερ οὐκ οὖσαν προδούς. ΗΡΑΚΛΗΣ Δέχου νυν εἴσω τήνδε γενναίως δόμων. ΑΔΜΗΤΟΣ Μή͵ πρός σε τοῦ σπείραντος ἄντομαι Διός. ΗΡΑΚΛΗΣ Καὶ μὴν ἁμαρτήσηι γε μὴ δράσας τάδε. ΑΔΜΗΤΟΣ Καὶ δρῶν γε λύπηι καρδίαν δηχθήσομαι. 1120 ΗΡΑΚΛΗΣ Πιθοῦ· τάχ΄ ἂν γὰρ ἐς δέον πέσοι χάρις. ΑΔΜΗΤΟΣ
Εῦ· ΗΡΑΚΛΗΣ Νικῶντι μέντοι καὶ σὺ συννικᾶις ἐμοί. 1125 ΑΔΜΗΤΟΣ Καλῶς ἔλεξας· ἡ γυνὴ δ΄ ἀπελθέτω. ΗΡΑΚΛΗΣ Ἄπεισιν͵ εἰ χρή· πρῶτα δ΄ εἰ χρεὼν ἄθρει. ΑΔΜΗΤΟΣ Χρή͵ σοῦ γε μὴ μέλλοντος ὀργαίνειν ἐμοί. ΗΡΑΚΛΗΣ Εἰδώς τι κἀγὼ τήνδ΄ ἔχω προθυμίαν. ΑΔΜΗΤΟΣ Νίκα νυν· οὐ μὴν ἁνδάνοντά μοι ποιεῖς. ΗΡΑΚΛΗΣ Ἀλλ΄ ἔσθ΄ ὅθ΄ ἡμᾶς αἰνέσεις· πιθοῦ μόνον. 1130 ΑΔΜΗΤΟΣ Κομίζετ΄͵ εἰ χρὴ τήνδε δέξασθαι δόμοις. ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐκ ἂν μεθείην σοῖς γυναῖκα προσπόλοις. ΑΔΜΗΤΟΣ Σὺ δ΄ αὐτὸς αὐτὴν εἴσαγ΄͵ εἰ δοκεῖ͵ δόμους. ΗΡΑΚΛΗΣ Ἐς σὰς μὲν οὖν ἔγωγε θήσομαι χέρας. ΑΔΜΗΤΟΣ Οὐκ ἂν θίγοιμι· δῶμα δ΄ εἰσελθεῖν πάρα. 1135 ΗΡΑΚΛΗΣ Τῆι σῆι πέποιθα χειρὶ δεξιᾶι μόνηι. ΑΔΜΗΤΟΣ Ἄναξ͵ βιάζηι μ΄ οὐ θέλοντα δρᾶν τάδε. ΗΡΑΚΛΗΣ Τόλμα προτεῖναι χεῖρα καὶ θιγεῖν ξένης. ΑΔΜΗΤΟΣ Καὶ δὴ προτείνω͵ Γοργόν΄ ὡς καρατομῶν. [ΗΡΑΚΛΗΣ Ἔχεις; 1140 ΑΔΜΗΤΟΣ Ἔχω͵ ναί. |
LE CHOEUR. Je ne saurais, il est vrai, te féliciter de ta destinée ; mais, qui que tu sois, il faut supporter ce qu'un dieu t'envoie. HERCULE. Que n'ai-je assez de puissance pour ramener ton épouse des demeures infernales à la lumière, et te rendre ce service ! ADMÈTE. Tu le voudrais, je n'en doute pas ; mais comment cela serait-il ? il n'est pas possible aux morts de revenir à la lumière. HERCULE. Ne passe donc pas les bornes, et modère ta douleur. ADMÈTE. Il est plus facile de donner des conseils, que de supporter le malheur. HERCULE. Que gagneras-tu à vouloir gémir toujours ? ADMÈTE. Je le sais bien ; mais un certain attrait m'y entraîne. HERCULE. L'amour pour les morts ne produit que des larmes. ADMÈTE. Sa perte m'a tué, et plus encore, s'il est possible. HERCULE. Tu as perdu une vertueuse épouse : qui peut dire le contraire ? ADMÈTE. Aussi la vie n'a-t-elle plus de charme pour moi. HERCULE. Le temps calmera ta douleur ; maintenant elle est encore récente. ADMÈTE. Tu peux dire le temps, si le temps c'est la mort. HERCULE. Une femme, et le désir d'un nouvel hymen, te guériront. ADMÈTE. Tais-toi : qu'as-tu dit ? je ne l'aurais pas cru. HERCULE. Quoi ! tu ne reprendras plus de femmes ? tu resteras toujours veuf ? ADMÈTE. Nulle femme désormais ne partagera ma couche. HERCULE. Crois-tu plaire ainsi aux mânes d'Alceste ? ADMÈTE. Quelque part qu'elle soit, c'est un devoir de l'honorer. HERCULE. J'approuve tes sentiments, je les approuve ; mais tu encours le reproche de folie. ADMÈTE. Jamais tu ne me donneras le nom d'époux. HERCULE. Je t'approuve de rester fidèle à ton épouse. ADMÈTE. Je mourrais plutôt que de la trahir, toute morte qu'elle est. HERCULE. Cependant, reçois cette femme dans ta noble maison. ADMÈTE. Non, je t'en conjure, au nom de ton père Jupiter. HERCULE. Tu auras tort, si tu refuses de le faire. ADMÈTE. Et si je le fais, mon cœur sera déchiré de douleur. HERCULE. Suis mon conseil ; peut-être tu m'en sauras gré. ADMÈTE. Ah ! je voudrais que tu ne l'eusses jamais reçue comme prix du combat ! HERCULE. Cependant tu partages aussi ma victoire. ADMÈTE. C'est bien dit ; mais que cette femme se retire. HERCULE. Elle se retirera, s'il le faut ; mais vois d'abord s'il le faut. ADMÈTE. Il le faut, à moins que tu ne doives t'en irriter. HERCULE. Je sais bien ce que je fais quand je te presse avec tant d'instance. ADMÈTE. Eh bien, sois content ; mais ce que tu fais ne m'est pas agréable. HERCULE. Le moment viendra où tu m'en sauras gré : fais seulement ce que je te dis. ADMÈTE, à ses serviteurs. Conduisez-la, puisqu'il faut la recevoir dans ce palais. HERCULE. Je ne confierai pas cette femme à tes serviteurs. ADMÈTE. Introduis-la toi-même dans le palais, si tu veux. HERCULE. C'est dans tes mains que je veux la remettre. ADMÈTE. Je ne la toucherai pas ; mais elle peut entrer dans la maison. HERCULE. C'est à ta main seule que je la confie. ADMÈTE. Tu me fais violence, c'est tout à fait contre mon gré. HERCULE. Allons, tends la main, et touche l'étrangère. ADMÈTE. Eh bien, voilà ma main. Mais je frémis comme à l'aspect de la Gorgone. HERCULE. La tiens-tu ? ADMÈTE. Je la tiens. |
ΗΡΑΚΛΗΣ
Σῶιζέ νυν καὶ τὸν Διὸς ΑΔΜΗΤΟΣ
Ὦ θεοί͵ τί λέξω; θαῦμ΄ ἀνέλπιστον τόδε· ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐκ ἔστιν͵ ἀλλὰ τήνδ΄ ὁρᾶις δάμαρτα σήν. ΑΔΜΗΤΟΣ Ὅρα δὲ μή τι φάσμα νερτέρων τόδ΄ ἧι. 1150 ΗΡΑΚΛΗΣ Οὐ ψυχαγωγὸν τόνδ΄ ἐποιήσω ξένον. ΑΔΜΗΤΟΣ Ἀλλ΄ ἣν ἔθαπτον εἰσορῶ δάμαρτ΄ ἐμήν; ΗΡΑΚΛΗΣ Σάφ΄ ἴσθ΄· ἀπιστεῖν δ΄ οὔ σε θαυμάζω τύχηι. ΑΔΜΗΤΟΣ Θίγω͵ προσείπω ζῶσαν ὡς δάμαρτ΄ ἐμήν; ΗΡΑΚΛΗΣ Πρόσειπ΄· ἔχεις γὰρ πᾶν ὅσονπερ ἤθελες. 1155 ΑΔΜΗΤΟΣ
Ὦ φιλτάτης γυναικὸς ὄμμα καὶ δέμας͵ ΗΡΑΚΛΗΣ Ἔχεις· φθόνος δὲ μὴ γένοιτό τις θεῶν. ΑΔΜΗΤΟΣ
Ὦ τοῦ μεγίστου Ζηνὸς εὐγενὲς τέκνον͵ ΗΡΑΚΛΗΣ Μάχην συνάψας δαιμόνων τῶι κυρίωι. ΑΔΜΗΤΟΣ Ποῦ τόνδε Θανάτωι φὴις ἀγῶνα συμβαλεῖν; ΗΡΑΚΛΗΣ Τύμβον παρ΄ αὐτόν͵ ἐκ λόχου μάρψας χεροῖν. 1165 ΑΔΜΗΤΟΣ Τί γάρ ποθ΄ ἥδ΄ ἄναυδος ἕστηκεν γυνή; ΗΡΑΚΛΗΣ
Οὔπω θέμις σοι τῆσδε προσφωνημάτων ΑΔΜΗΤΟΣ Μεῖνον παρ΄ ἡμῖν καὶ ξυνέστιος γενοῦ. 1175 ΗΡΑΚΛΗΣ Αὖθις τόδ΄ ἔσται͵ νῦν δ΄ ἐπείγεσθαί με δεῖ. ΑΔΜΗΤΟΣ
Ἀλλ΄ εὐτυχοίης͵ νόστιμον δ΄ ἔλθοις δρόμον. ΧΟΡΟΣ
Πολλαὶ μορφαὶ τῶν δαιμονίων͵ |
HERCULE. Garde-la maintenant, et tu pourras dire que le fils de Jupiter est un hôte reconnaissant. (Il lève le voile dont la femme est couverte.) Regarde-la, et vois si elle n'a pas quelque ressemblance avec Alceste. Te voilà heureux ; plus de regrets. ADMÈTE. Ô dieux, que dire ? quel prodige inespéré ! Est-ce vraiment Alceste que je vois ? ou quelque dieu m'abuse-t-il par une joie trompeuse ? HERCULE. Non. C'est vraiment ton épouse que tu vois. ADMÈTE. Prends garde, ne serait-ce point un fantôme sorti des enfers ? HERCULE. Ton hôte n'est pas devenu un magicien (27). ADMÈTE. Quoi ! je vois réellement l'épouse que j'ensevelissais tout à l'heure ? HERCULE. C'est elle-même ; mais je ne m'étonne pas que tu n'oses croire à ton bonheur. ADMÈTE. Puis-je donc lui parler, la toucher, comme mon épouse vivante ? HERCULE. Parle-lui ; tu vois tous tes vœux réalisés. ADMÈTE. C'est donc toi, épouse chérie ! c'est ton visage, c'est ton corps ! Contre tout espoir, je te possède, moi qui croyais ne plus te revoir ! HERCULE. Oui, tu la possèdes : puisse la jalousie des dieux t'épargner ! ADMÈTE. Ô noble fils du grand Jupiter, sois heureux, et que ton père veille sur toi. Toi seul m'as rendu le bonheur. Mais comment l'as-tu ramenée des enfers à la lumière ? HERCULE. J'ai livré un combat au tyran des morts. ADMÈTE. Où donc as-tu engagé cette lutte avec la Mort ? HERCULE. Sur le tombeau même, où je l'ai saisie entre mes bras, au moyen d'une embuscade. ADMÈTE. Mais pourquoi Alceste est-elle immobile et sans voix ? HERCULE.
Il ne te sera pas
permis d'entendre sa voix avant qu'elle ne soit purifiée de sa
consécration aux divinités infernales, et que le troisième jour
n'ait paru. Mais fais entrer Alceste ; et conserve toujours,
Admète, ce religieux respect pour l'hospitalité. Adieu. Pour
moi, je vais de ADMÈTE. Reste parmi nous, et prends place à notre foyer. HERCULE. Une autre fois ; mais aujourd'hui je dois me hâter. ADMÈTE. Puisses-tu prospérer, et qu'un heureux retour te ramène ! Que les citoyens de Phères, et tous les habitants de la Thessalie (28) célèbrent cet heureux événement par des danses ; que sur les autels la fumée des sacrifices monte avec les prières. Les épreuves passées de ma vie ont fait place au bonheur ; oui, je suis heureux. LE CHOEUR. Les événements ordonnés par les dieux prennent bien des formes ; les dieux accomplissent beaucoup de choses contre notre attente, et celles que nous attendions n'arrivent pas. Mais Dieu fraie la voie aux événements imprévus. Telle est l'issue des faits qui viennent de se passer (29). FIN D' ALCESTE.
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(24) C'était toujours hors des villes, et près de leur enceinte, que les Grecs plaçaient les tombeaux. On en voit un grand nombre d'exemples dans les tragédies anciennes. Pollux en fait la remarque. (25) Ceci ne peut s'appliquer à Périclès, comme on l'avait cru d'abord ; car il eut, non pas un fils unique, mais deux fils, Xanthippe et Paralus, qu'il perdit en même temps. Jacobs conjecture, avec assez de probabilité, ju'il s'agit d'Anaxagore, qui, à la nouvelle de la mort de son fils, répondit : « Je savais qu'il était mortel. » Cicéron, Tuscul., III, (26) Les Chalybes, peuplade du Pont, dit le Scholiaste. (27) Ψυχαγωγὸς, évocateur d'âme. (28) Grec : « Toutes les tétrarchles. » Les tétrarchies étaient les quatre gouvernements dans lesquels la Thessalie était autrefois divisée. C'étaient, au rapport de Photius, la Thessaliotide, la Phthiotide, la Pélasgiotide, et Phesticéotide. Voyez aussi Suidas et Harpocration.
(29)
Nous avons déjà vu cette conclusion dans la Médée, page, à
une légère différence près. Nous la retrouverons encore dans
Andromaqne, les Bacchantes, et Hélène.
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