Euripide traduit par M. Artaud

EURIPIDE, TRAGÉDIES

 

ALCESTE.

1-760 - 761 - fin

 

Traduction française : M. ARTAUD.
 

 

 

 

 

 

 

NOTICE SUR ALCESTE.

Le passage suivant du Banquet de Platon expose fort bien le sujet de la tragédie d'Euripide :

« Non seulement des hommes, mais des femmes même ont donné leur vie pour sauver ce qu'elles aimaient ; témoin Alceste, fille de Pélias : dans toute la Grèce, il ne se trouva qu'elle qui voulût mourir pour son époux, quoiqu'il eût son père et sa mère. L'amour de l'amante surpassa de si loin leur amitié, qu'elle les déclara, pour ainsi dire, des étrangers à l'égard de leur fils ; il semblait qu'ils ne fussent ses proches que de nom. Aussi, quoiqu'il se soit fait dans le monde un grand nombre de belles actions, celle d'Alceste a paru si belle aux dieux et aux hommes, qu'elle a mérité une récompense qui n'a été accordée qu'à un très petit nombre. Les dieux, charmés de son courage, lui rendirent avec l'âme de son époux la sienne propre : tant il est vrai qu'un amour noble et généreux se l'ait estimer des dieux mêmes. »

Dans Alceste nous voyons donc l'héroïsme de l'amour conjugal, et en même temps Admète représente ce qu'on peut appeler l'héroïsme de l'hospitalité. Il se fait violence pour cacher sa douleur, il retient ses larmes, il défend même à ses serviteurs de pleurer, pour empêcher Hercule de deviner que la mort d'Alceste est la cause du deuil qui règne dans sa maison ; car alors le héros se ferait scrupule de prendre place à son foyer et de s'asseoir à sa table : et quelle tache pour l'honneur d'Admète, si l'on pouvait dire que jamais un hôte ait frappé en vain à sa porte ! Il faut se transporter dans ces temps où régnaient des mœurs et des idées bien differentes des nôtres, pour comprendre l'antique vertu de l'hospitalité, et le respect religieux avec lequel ses lois étaient observées.

Le rôle d'Hercule, dont le poêle a fait d'abord une espèce de bouffon, et dont les serviteurs d'Admète nous peignent sous un jour ridicule la voracité, les instincts sensuels et vulgaires, devient noble, généreux et grand, dans la dernière partie de la pièce, lorsqu'il apprend que c'est Alceste qui est morte, et qu'il prend la résolution de la ravir au tombeau, et de la disputer à la Mort même.

Parmi les scènes qui peuvent offrir quelque chose de choquant pour nos mœurs modernes, il faut citer la dispute entre Admète et son père, qui, malgré son grand âge, n'a pas voulu sacrifier un reste de vie pour sauver les jours de son fils. Les reproches d'Admèle sont bien violents, il faut l'avouer ; il accuse son père de lâcheté, et, comme dit Pnérès, ses outrages passent les bornes. D'un autre côté, cette peur de mourir si naïvement avouée, cet amour de la vie exprimé avec un entêtement opiniâtre, ont quelque chose de bas et d'indigne d'un homme, ainsi que le dit Admète. Mais les anciens ne reculaient pas devant l'expression d'un sentiment vrai, fût-il vulgaire.

La pièce s'ouvre par un prologue, où Apollon. devenu berger chez Admète, fait connaître qu'il l'a déjà sauvé de la mort en trompant les Parques ; mais un autre a dû prendre sa place, et Alceste s'est dévouée. La Mort vient réclamer sa proie. Quelque étrange que soit ce dialogue de la Mort et d'Apollon, il est du moins dramatique et saisissant. L'action réelle, le drame humain commence quand le Chœur, c'est-à-dire le peuple, vient devant le palais s'informer de l'état d'Alceste, cette femme que sa tendresse pour son époux rend l'objet de l'admiration publique. C'est là une scène tout à fait prise dans le vrai et dans la nature.

Les derniers adieux d'Alceste et d'Admète sont d'une beauté incomparable : la peinture de cet amour mutuel s'élève jusqu'au sublime. En nous retraçant cette affection qui suit nue épouse bien-aimée par delà le tombeau, Euripide a fait entendre les accents les plus vrais que In poésie ait jamais trouvés pour exprimer la tendresse conjugale.

La simplicité même de l'action est ici une preuve de tact de la part du poète, qui n'a pas voulu mêler d'incidents étrangers au dévouement de son héroïne.

On sait que Racine regardait le sujet d'Alceste comme un des plus beaux du théâtre grec ; on assure même qu'il avait entrepris de le traiter, et qu'avant de mourir il détruisit par scrupule religieux les parties qu'il avait achevées. Perte à jamais regrettable, quand on pense à l'admirable transformation que l'auteur de Phèdre et d'Iphigénie avait subir aux beautés dramatiques d'Euripide.

 

 

 

 

 

ALCESTE

PERSONNAGES.

APOLLON.

LA MORT.

ALCESTE.

LE CHOEUR, composé de vieillards de Phère.

UNE SERVANTE.

ALCESTE.

ADMETE.

EUMÉLUS,

HERCULE.

PHÉRÈS.

Un Serviteur.

La scène est devant le palais d'Admète. dans la ville de Phère en Thessalie.

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Άλκηστις

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Ὦ δώματ΄ Ἀδμήτει΄͵ ἐν οἷς ἔτλην ἐγὼ
 θῆσσαν τράπεζαν αἰνέσαι θεός περ ὤν.
 Ζεὺς γὰρ κατακτὰς παῖδα τὸν ἐμὸν αἴτιος
 Ἀσκληπιόν͵ στέρνοισιν ἐμβαλὼν φλόγα·
 οὗ δὴ χολωθεὶς τέκτονας Δίου πυρὸς
 κτείνω Κύκλωπας· καί με θητεύειν πατὴρ 5
 θνητῶι παρ΄ ἀνδρὶ τῶνδ΄ ἄποιν΄ ἠνάγκασεν.
 Ἐλθὼν δὲ γαῖαν τήνδ΄ ἐβουφόρβουν ξένωι
 καὶ τόνδ΄ ἔσωιζον οἶκον ἐς τόδ΄ ἡμέρας.
 Ὁσίου γὰρ ἀνδρὸς ὅσιος ὢν ἐτύγχανον 10
 παιδὸς Φέρητος͵ ὃν θανεῖν ἐρρυσάμην͵
 Μοίρας δολώσας· ἤινεσαν δέ μοι θεαὶ
 Ἄδμητον Ἅιδην τὸν παραυτίκ΄ ἐκφυγεῖν͵
 ἄλλον διαλλάξαντα τοῖς κάτω νεκρόν.
 Πάντας δ΄ ἐλέγξας καὶ διεξελθὼν φίλους͵ 15
 [πατέρα γεραιάν θ΄ ἥ σφ΄ ἔτικτε μητέρα͵]
 οὐχ ηὗρε πλὴν γυναικὸς ὅστις ἤθελεν
 θανὼν πρὸ κείνου μηκέτ΄ εἰσορᾶν φάος·
 ἣν νῦν κατ΄ οἴκους ἐν χεροῖν βαστάζεται
 ψυχορραγοῦσαν· τῆιδε γάρ σφ΄ ἐν ἡμέραι 20
 θανεῖν πέπρωται καὶ μεταστῆναι βίου.
 Ἐγὼ δέ͵ μὴ μίασμά μ΄ ἐν δόμοις κίχηι͵
 λείπω μελάθρων τῶνδε φιλτάτην στέγην.
Ἤδη δὲ τόνδε Θάνατον εἰσορῶ πέλας͵
 ἱερέα θανόντων͵ ὅς νιν εἰς Ἅιδου δόμους 25
 μέλλει κατάξειν· συμμέτρως δ΄ ἀφίκετο͵
 φρουρῶν τόδ΄ ἦμαρ ὧι θανεῖν αὐτὴν χρεών.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Ἆ ἆ·
 τί σὺ πρὸς μελάθροις; τί σὺ τῆιδε πολεῖς͵
Φοῖβ΄; ἀδικεῖς αὖ τιμὰς ἐνέρων 30
ἀφοριζόμενος καὶ καταπαύων;
οὐκ ἤρκεσέ σοι μόρον Ἀδμήτου
διακωλῦσαι͵ Μοίρας δολίωι
σφήλαντι τέχνηι; νῦν δ΄ ἐπὶ τῆιδ΄ αὖ
χέρα τοξήρη φρουρεῖς ὁπλίσας͵ 35
ἣ τόδ΄ ὑπέστη͵ πόσιν ἐκλύσασ΄
αὐτὴ προθανεῖν Πελίου παῖς;

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Θάρσει· δίκην τοι καὶ λόγους κεδνοὺς ἔχω.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Τί δῆτα τόξων ἔργον͵ εἰ δίκην ἔχεις;

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Σύνηθες αἰεὶ ταῦτα βαστάζειν ἐμοί. 40

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Καὶ τοῖσδέ γ΄ οἴκοις ἐκδίκως προσωφελεῖν.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Φίλου γὰρ ἀνδρὸς συμφοραῖς βαρύνομαι.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Καὶ νοσφιεῖς με τοῦδε δευτέρου νεκροῦ;

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Ἀλλ΄ οὐδ΄ ἐκεῖνον πρὸς βίαν σ΄ ἀφειλόμην.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Πῶς οὖν ὑπὲρ γῆς ἐστι κοὐ κάτω χθονός; 45

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Δάμαρτ΄ ἀμείψας͵ ἣν σὺ νῦν ἥκεις μέτα.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Κἀπάξομαί γε νερτέραν ὑπὸ χθόνα.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Λαβὼν ἴθ΄· οὐ γὰρ οἶδ΄ ἂν εἰ πείσαιμί σε.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Κτείνειν γ΄ ὃν ἂν χρῆι; τοῦτο γὰρ τετάγμεθα.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Οὔκ͵ ἀλλὰ τοῖς μέλλουσι θάνατον ἀμβαλεῖν. 50

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Ἔχω λόγον δὴ καὶ προθυμίαν σέθεν.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Ἔστ΄ οὖν ὅπως Ἄλκηστις ἐς γῆρας μόλοι;

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Οὐκ ἔστι· τιμαῖς κἀμὲ τέρπεσθαι δόκει.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Οὔτοι πλέον γ΄ ἂν ἢ μίαν ψυχὴν λάβοις.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Νέων φθινόντων μεῖζον ἄρνυμαι γέρας. 55

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Κἂν γραῦς ὄληται͵ πλουσίως ταφήσεται.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Πρὸς τῶν ἐχόντων͵ Φοῖβε͵ τὸν νόμον τίθης.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Πῶς εἶπας; ἀλλ΄ ἦ καὶ σοφὸς λέληθας ὤν;

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Ὠνοῖντ΄ ἂν οἷς πάρεστι γηραιοὶ θανεῖν.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Οὔκουν δοκεῖ σοι τήνδε μοι δοῦναι χάριν; 60

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Οὐ δῆτ΄· ἐπίστασαι δὲ τοὺς ἐμοὺς τρόπους.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Ἐχθρούς γε θνητοῖς καὶ θεοῖς στυγουμένους.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Οὐκ ἂν δύναιο πάντ΄ ἔχειν ἃ μή σε δεῖ.

 ΑΠΟΛΛΩΝ

Ἦ μὴν σὺ πείσηι καίπερ ὠμὸς ὢν ἄγαν·
τοῖος Φέρητος εἶσι πρὸς δόμους ἀνὴρ 65
Εὐρυσθέως πέμψαντος ἵππειον μετὰ
ὄχημα Θρήικης ἐκ τόπων δυσχειμέρων͵
ὃς δὴ ξενωθεὶς τοῖσδ΄ ἐν Ἀδμήτου δόμοις
βίαι γυναῖκα τήνδε σ΄ ἐξαιρήσεται.
Κοὔθ΄ ἡ παρ΄ ἡμῶν σοι γενήσεται χάρις 70
δράσεις θ΄ ὁμοίως ταῦτ΄ ἀπεχθήσηι τ΄ ἐμοί.

 ΘΑΝΑΤΟΣ

Πόλλ΄ ἂν σὺ λέξας οὐδὲν ἂν πλέον λάβοις·
ἡ δ΄ οὖν γυνὴ κάτεισιν εἰς Ἅιδου δόμους.
Στείχω δ΄ ἐπ΄ αὐτήν͵ ὡς κατάρξωμαι ξίφει·
ἱερὸς γὰρ οὗτος τῶν κατὰ χθονὸς θεῶν 75
ὅτου τόδ΄ ἔγχος κρατὸς ἁγνίσηι τρίχα.

APOLLON.

Ô palais d'Admète, où j'ai dû me contenter de la table des mercenaires, tout dieu que je suis ! Jupiter en fut cause, en tuant mon fils Esculape, contre lequel il lança la foudre : dans mon ressentiment, je tue les Cyclopes, qui fabriquaient le feu céleste ; et, pour m'en punir,
mon père me força de me mettre au service d'un mortel. Arrivé dans ce pays, je fis paître les troupeaux pour un maître, et je fus le protecteur de cette maison jusqu'à ce jour ; car ce fut un bomme pieux que je rencontrai, le fils de Phérès, et je le sauvai de la mort, en trompant les Parques : ces déesses m'accordèrent qu'Admète échapperait à Pluton, prêt à le saisir, en faisant descendre à sa place un autre mort dans les enfers. Mais après avoir tout essayé, après s'être adressé à tous ses amis, à son père, à la vieille mère qui l'a enfanté, il n'a trouvé que sa femme qui voulut mourir pour lui, et ne plus
voir la lumière : et maintenant dans le palais, entre les bras de son époux, elle lutte contre la mort ; car c'est aujourd'hui que le destin veut qu'elle meure et qu'elle quitte la vie. Et moi, pour ne pas contracter de souillure dans le palais, je quitte ce toit chéri. Mais déjà je vois la Mort (1) qui s'approche, cette prêtresse des enfers, qui doit entraîner Alceste dans le séjour de Pluton : elle est arrivée tout juste au moment fatal, elle guettait le jour où Alceste doit mourir.

LA MORT.

Ah ! ah ! ah ! que fais-tu auprès de ce palais ? pourquoi rôdes-tu ici, Apollon ? tu violes encore la justice, en dérobant et en ravissant aux dieux infernaux leurs prérogatives. Ne te suffit-il pas d'avoir empêché la mort d'Admète, en trompant les Parques par tes artifices ? Et maintenant, la main armée de ton arc, tu veilles encore sur la fille de Pélias, qui a promis, en délivrant son époux, de mourir elle-même à sa place.

APOLLON .

Rassure-toi ; je ne demande rien que de juste et de raisonnable.

LA MORT.

À quoi bon cet arc, si tu ne veux que la justice ?

APOLLON.

C'est toujours mon habitude de le porter.

LA MORT.

Et de prêter à cette maison un injuste secours.

APOLLON.

Je souffre en effet des malheurs d'un homme que j'aime.

LA MORT.

Et tu veux me dérober ce second mort  ?

APOLLON.

Mais je ne t'ai pas même enlevé l'autre de force.

LA MORT.

Pourquoi donc Admète est-il encore sur la terre, et non dans les enfers ?

APOLLON.

Il a donné en échange son épouse, que tu viens chercher à présent.

LA MORT.

Et je l'emmènerai au fond des enfers.

APOLLON.

Prends-la donc, et va-t'en ; car je ne sais si je te persuaderais...

LA MORT.

De tuer celui qui m'appartenait ? Pour cela, je suis prête.

APOLLON.

Non ; mais d'enlever ceux qui tardent à mourir (2).

LA MORT.

Je comprends ta pensée et ton désir.

APOLLON.

Eh bien ! y a-t-il moyen qu'Alceste parvienne à la vieillesse ?

LA MORT.

Non : je veux aussi jouir de mes prérogatives.

APOLLON.

Du moins, tu ne pourras toujours disposer que d'une seule vie.

LA MORT.

Quand les morts sont jeunes, ma gloire en est plus grande.

APOLLON.

Si elle meurt vieille, elle sera ensevelie avec plus de magnificence.

LA MORT.

Apollon, cela n'est bon que pour les riches.

APOLLON.

Que dis-tu ? serais-tu devenue subtile (3) sans t'en douter ?

LA MORT.

Les riches achèteraient le privilège de mourir vieux.

APOLLON.

Ne te plaît-il pas de m'accorder cette faveur ?

LA MORT.

Non certes ; tu connais mon caractère.

APOLLON.

Haï des mortels, et détesté des dieux.

LA MORT.

Tu n'obtiendras rien de ce que tu ne dois pas obtenir.

APOLLON.

Tu t'adouciras, tout impitoyable que tu es. Déjà s'avance vers le séjour de Phérès le héros qu'Eurysthée a envoyé ravir les coursiers de Diomède, dans les contrées glacées de la Thrace ; bientôt il recevra l'hospitalité dans le palais d'Admète, et il t'enlèvera son épouse de force. Tu n'auras aucune reconnaissance à attendre de moi, tout en faisant ce que je désire, et tu ne m'en seras pas moins odieuse.

LA MORT.

Malgré toutes tes paroles, tu ne gagneras rien : cette femme descendra au séjour de Pluton. Je marche sur elle pour l'initier de mon glaive (4) ; car ceux dont ce glaive a consacré la chevelure sont dévoués dès lors aux dieux infernaux (5).

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 ΧΟΡΟΣ

τί ποθ΄ ἡσυχία πρόσθεν μελάθρων;
τί σεσίγηται δόμος Ἀδμήτου;
ἀλλ΄ οὐδὲ φίλων πέλας ἔστ΄ οὐδείς͵
ὅστις ἂν εἴποι πότερον φθιμένην 80
χρὴ βασίλειαν πενθεῖν ἢ ζῶσ΄
ἔτι φῶς λεύσσει Πελίου τόδε παῖς
Ἄλκηστις͵ ἐμοὶ πᾶσί τ΄ ἀρίστη
δόξασα γυνὴ
πόσιν εἰς αὑτῆς γεγενῆσθαι. 85
Κλύει τις ἢ στεναγμὸν ἢ
χειρῶν κτύπον κατὰ στέγας
ἢ γόον ὡς πεπραγμένων;
οὐ μὰν οὐδέ τις ἀμφιπόλων
στατίζεται ἀμφὶ πύλας. 90
Εἰ γὰρ μετακοίμιος ἄτας͵
ὦ Παιάν͵ φανείης.
Οὔ τἂν φθιμένας γ΄ ἐσιώπων.
Οὐ γὰρ δὴ φροῦδός γ΄ ἐξ οἴκων νέκυς ἤδη.
Πόθεν; οὐκ αὐχῶ. Τί σε θαρσύνει; 95
πῶς ἂν ἔρημον τάφον Ἄδμητος
κεδνῆς ἂν ἔπραξε γυναικός;
πυλῶν πάροιθε δ΄ οὐχ ὁρῶ
πηγαῖον ὡς νομίζεται
χέρνιβ΄ ἐπὶ φθιτῶν πύλαις. 100
Χαίτα τ΄ οὔτις ἐπὶ προθύροις
τομαῖος͵ ἃ δὴ νεκύων
πένθει πίτνει͵ οὐδὲ νεολαία
δουπεῖ χεὶρ γυναικῶν.
Καὶ μὴν τόδε κύριον ἦμαρ 105
τί τόδ΄ αὐδᾶις;
ὧι χρή σφε μολεῖν κατὰ γαίας.
Ἔθιγες ψυχᾶς͵ ἔθιγες δὲ φρενῶν.
Χρὴ τῶν ἀγαθῶν διακναιομένων
πενθεῖν ὅστις 110
χρηστὸς ἀπ΄ ἀρχῆς νενόμισται.
Ἀλλ΄ οὐδὲ ναυκληρίαν
ἔσθ΄ ὅποι τις αἴας
στείλας͵ ἢ Λυκίαν
εἴτ΄ ἐπὶ τὰς ἀνύδρους
Ἀμμωνιάδας ἕδρας͵
δυστάνου παραλύσαι
ψυχάν· μόρος γὰρ ἀπότομος
πλάθει. Θεῶν δ΄ ἐπ΄ ἐσχάραν
οὐκέτ΄ ἔχω τίνα μηλοθύταν πορευθῶ. 120
Μόνα δ΄ ἄν͵ εἰ φῶς τόδ΄ ἦν
ὄμμασιν δεδορκὼς
Φοίβου παῖς͵ προλιποῦσ΄
ἦλθ΄ ἂν ἕδρας σκοτίους
Ἅιδα τε πύλας· 125
δμαθέντας γὰρ ἀνίστη͵
πρὶν αὐτὸν εἷλε διόβολον
πλῆκτρον πυρὸς κεραυνίου.
Νῦν δὲ βίου τίν΄ ἔτ΄ ἐλπίδα προσδέχωμαι;
[πάντα γὰρ ἤδη τετέλεσται βασιλεῦσιν͵ 130
πάντων δὲ θεῶν ἐπὶ βωμοῖς
αἱμόρραντοι θυσίαι πλήρεις͵
οὐδ΄ ἔστι κακῶν ἄκος οὐδέν.]
Ἀλλ΄ ἥδ΄ ὀπαδῶν ἐκ δόμων τις ἔρχεται
δακρυρροοῦσα· τίνα τύχην ἀκούσομαι; 135
πενθεῖν μέν͵ εἴ τι δεσπόταισι τυγχάνει͵
συγγνωστόν· εἰ δ΄ ἔτ΄ ἐστὶν ἔμψυχος γυνὴ
εἴτ΄ οὖν ὄλωλεν εἰδέναι βουλοίμεθ΄ ἄν.

ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ

Καὶ ζῶσαν εἰπεῖν καὶ θανοῦσαν ἔστι σοι.

ΧΟΡΟΣ

Καὶ πῶς ἂν αὑτὸς κατθάνοι τε καὶ βλέποι; 140

ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ

Ἤδη προνωπής ἐστι καὶ ψυχορραγεῖ.

ΧΟΡΟΣ

Ἐλπὶς μὲν οὐκέτ΄ ἐστὶ σώιζεσθαι βίον;

ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ

Πεπρωμένη γὰρ ἡμέρα βιάζεται.

ΧΟΡΟΣ

Οὔκουν ἐπ΄ αὐτῆι πράσσεται τὰ πρόσφορα;

ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ

Κόσμος γ΄ ἕτοιμος͵ ὧι σφε συνθάψει πόσις. 145

ΧΟΡΟΣ

Ὦ τλῆμον͵ οἵας οἷος ὢν ἁμαρτάνεις.

ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ

Οὔπω τόδ΄ οἶδε δεσπότης͵ πρὶν ἂν πάθηι.

ΧΟΡΟΣ

στω νυν εὐκλεής γε κατθανουμένη
γυνή τ΄ ἀρίστη τῶν ὑφ΄ ἡλίωι μακρῶι.

LE CHŒUR, composé de vieillards, habitants de Phère.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

D'où vient ce calme funeste devant le palais ? Pourquoi ce silence dans la maison d'Admète ?

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Eh quoi ! il n'y a pas même un ami qui puisse nous dire s'il faut pleurer la mort de la reine, ou si la fille de Pélias vit encore, si elle voit encore le jour, cette Alceste dont j'admire, comme le peuple entier, le dévouement pour son époux ?

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Entend-on dans l'intérieur les gémissements et les sanglots ? entend-on résonner les coups qui annoncent que tout est fini ? Aucun même des serviteurs ne se tient aux portes. Ô Apollon ! viens repousser les flots de l'adversité qui nous envahissent !

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Si elle était morte, on ne garderait pas le silence ; et le corps n'a pas encore été enlevé du palais.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

D'où te vient cet espoir ? qui t'inspire cette confiance ?

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Comment Admète aurait-il fait sans pompe les funérailles d'une épouse si digne d'amour ?

LE CHOEUR.

Je ne vois point devant les portes le bassin d'eau lustrale qu'on place, selon l'usage, à la porte des morts ; je ne vois personne couper, devant le vestibule, les chevelures qu'on fait tomber en signe de deuil, ni les jeunes femmes se meurtrir le corps de leurs mains.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Voici cependant le jour fatal....

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Que dis-tu ?

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Où elle doit descendre sous la terre.

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Tu as touché mon âme, tu 'as compris ma pensée Quand les cœurs honnêtes sont déchirés, tous les gens de bien doivent partager leur souffrance.

LE CHOEUR.

En quelque lieu de la terre qu'on envoie des navires, soit en Lycie (6), ou vers l'aride séjour de Jupiter Ammon, il n'est aucun moyen de sauver cette âme infortunée. L'inévitable destin s'approche ; je ne sais aux autels de quels dieux ni à quel sacrificateur m'adresser.

Ah ! si seulement le fils d'Apollon (7) voyait encore la lumière, Alceste reviendrait bientôt du séjour ténébreux et des portes de l'enfer. Il ressuscitait les morts, avant que la foudre lancée par Jupiter ne l'eût frappé ; mais à présent quelle espérance puis-je encore concevoir ?

Car tout a été mis en usage par nos rois : sur les autels de tous les dieux, de sanglants sacrifices ont été accomplis, et il n'est aucun emède à nos maux.

Mais voici une des servantes d'Alceste qui sort du palais, en versant des larmes. Quel événement va-t-elle nous apprendre ? Pleurer est bien pardonnable, lorsque les maîtres sont dans l'affliction. Mais Alceste vit-elle encore, ou a-t-elle perdu la vie ? Nous désirons bien le savoir.

LA SERVANTE.

Tu peux la dire également ou vivante ou morte.

LE CHOEUR.

Comment la même personne peut-elle être à la fois morte et vivante ?

LA SERVANTE.

Elle est expirante et à l'agonie.

LE CHOEUR.

Malheureux Admète, quelle épouse tu perds, toi, son digne époux !

LA SERVANTE.

Il ne connaîtra pas tout son malheur, avant qu'il ne soit accompli.

LE CHOEUR.

Il n'est donc plus d'espoir de la sauver ?

LA SERVANTE.

L'ascendant du jour fatal est irrésistible.

LE CHOEUR.

Prend-on les dispositions convenables en ce triste accident ?

LA SERVANTE.

Les apprêts funèbres sont faits, son époux va l'ensevelir.

LE CHOEUR.

Qu'elle le sache bien, sa mort est glorieuse, et elle est de beaucoup la plus noble des femmes qui existent sous le soleil.

ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ

Πῶς δ΄ οὐκ ἀρίστη; τίς δ΄ ἐναντιώσεται; 150
τί χρὴ λέγεσθαι τὴν ὑπερβεβλημένην
γυναῖκα; πῶς δ΄ ἂν μᾶλλον ἐνδείξαιτό τις
πόσιν προτιμῶσ΄ ἢ θέλουσ΄ ὑπερθανεῖν;
καὶ ταῦτα μὲν δὴ πᾶσ΄ ἐπίσταται πόλις·
ἃ δ΄ ἐν δόμοις ἔδρασε θαυμάσηι κλύων. 155
Ἐπεὶ γὰρ ἤισθεθ΄ ἡμέραν τὴν κυρίαν
ἥκουσαν͵ ὕδασι ποταμίοις λευκὸν χρόα
ἐλούσατ΄͵ ἐκ δ΄ ἑλοῦσα κεδρίνων δόμων
ἐσθῆτα κόσμον τ΄ εὐπρεπῶς ἠσκήσατο͵
καὶ στᾶσα πρόσθεν Ἑστίας κατηύξατο· 160
Δέσποιν΄͵ ἐγὼ γὰρ ἔρχομαι κατὰ χθονός͵
πανύστατόν σε προσπίτνουσ΄ αἰτήσομαι
τέκν΄ ὀρφανεῦσαι τἀμά· καὶ τῶι μὲν φίλην
σύζευξον ἄλοχον͵ τῆι δὲ γενναῖον πόσιν·
μηδ΄ ὥσπερ αὐτῶν ἡ τεκοῦσ΄ ἀπόλλυμαι 165
θανεῖν ἀώρους παῖδας͵ ἀλλ΄ εὐδαίμονας
ἐν γῆι πατρώιαι τερπνὸν ἐκπλῆσαι βίον.
Πάντας δὲ βωμούς͵ οἳ κατ΄ Ἀδμήτου δόμους͵
προσῆλθε κἀξέστεψε καὶ προσηύξατο͵
πτόρθων ἀποσχίζουσα μυρσίνης φόβην͵ 170
ἄκλαυτος ἀστένακτος͵ οὐδὲ τοὐπιὸν
κακὸν μεθίστη χρωτὸς εὐειδῆ φύσιν.
Κἄπειτα θάλαμον ἐσπεσοῦσα καὶ λέχος
ἐνταῦθα δὴ ΄δάκρυσε καὶ λέγει τάδε·
Ὦ λέκτρον͵ ἔνθα παρθένει΄ ἔλυσ΄ ἐγὼ 175
κορεύματ΄ ἐκ τοῦδ΄ ἀνδρός͵ οὗ θνήισκω πάρος͵
χαῖρ΄· οὐ γὰρ ἐχθαίρω σ΄· ἀπώλεσας δέ με
μόνον· προδοῦναι γάρ σ΄ ὀκνοῦσα καὶ πόσιν
θνήισκω. Σὲ δ΄ ἄλλη τις γυνὴ κεκτήσεται͵
σώφρων μὲν οὐκ ἂν μᾶλλον͵ εὐτυχὴς δ΄ ἴσως. 180
Κυνεῖ δὲ προσπίτνουσα͵ πᾶν δὲ δέμνιον
ὀφθαλμοτέγκτωι δεύεται πλημμυρίδι.
Ἐπεὶ δὲ πολλῶν δακρύων εἶχεν κόρον͵
στείχει προνωπὴς ἐκπεσοῦσα δεμνίων͵
καὶ πολλὰ θαλάμων ἐξιοῦσ΄ ἐπεστράφη 185
κἄρριψεν αὑτὴν αὖθις ἐς κοίτην πάλιν.
Παῖδες δὲ πέπλων μητρὸς ἐξηρτημένοι
ἔκλαιον· ἡ δὲ λαμβάνουσ΄ ἐς ἀγκάλας
ἠσπάζετ΄ ἄλλοτ΄ ἄλλον ὡς θανουμένη.
Πάντες δ΄ ἔκλαιον οἰκέται κατὰ στέγας 190
δέσποιναν οἰκτίροντες· ἡ δὲ δεξιὰν
προύτειν΄ ἑκάστωι κοὔτις ἦν οὕτω κακὸς
ὃν οὐ προσεῖπε καὶ προσερρήθη πάλιν.
Τοιαῦτ΄ ἐν οἴκοις ἐστὶν Ἀδμήτου κακά.
Καὶ κατθανών τἂν ὤιχετ΄͵ ἐκφυγὼν δ΄ ἔχει 195
τοσοῦτον ἄλγος͵ οὔποθ΄ οὗ λελήσεται.

ΧΟΡΟΣ

Ἦ που στενάζει τοισίδ΄ Ἄδμητος κακοῖς͵
ἐσθλῆς γυναικὸς εἰ στερηθῆναί σφε χρή;

ΘΕΡΑΠΑΙΝΑ

Κλαίει γ΄ ἄκοιτιν ἐν χεροῖν φίλην ἔχων
καὶ μὴ προδοῦναι λίσσεται͵ τἀμήχανα 200
ζητῶν· φθίνει γὰρ καὶ μαραίνεται νόσωι.
Παρειμένη δέ͵ χειρὸς ἄθλιον βάρος͵
ὅμως δέ͵ καίπερ σμικρόν͵ ἐμπνέουσ΄ ἔτι͵
βλέψαι πρὸς αὐγὰς βούλεται τὰς ἡλίου
[ὡς οὔποτ΄ αὖθις ἀλλὰ νῦν πανύστατον 205
ἀκτῖνα κύκλον θ΄ ἡλίου προσόψεται].
Ἀλλ΄ εἶμι καὶ σὴν ἀγγελῶ παρουσίαν·
οὐ γάρ τι πάντες εὖ φρονοῦσι κοιράνοις͵
ὥστ΄ ἐν κακοῖσιν εὐμενεῖς παρεστάναι·
σὺ δ΄ εἶ παλαιὸς δεσπόταις ἐμοῖς φίλος. 210

LA SERVANTE.

Comment ne serait-elle pas la plus noble des femmes ? Qui dira le contraire ? Que serait donc celle qui la surpasserait ? Comment témoigner plus de tendresse à un époux, qu'en voulant mourir pour lui ? Toute la ville le sait. Mais ce qu'elle a fait dans le palais, tu l'apprendras avec admiration. Lorsqu'elle s'aperçut que le jour fatal était venu, elle lava son beau corps dans une eau courante, et, tirant de ses coffres de cèdre une robe et ses ornements, elle se para avec élégance ; et, debout devant le foyer, elle fait entendre sa prière : « Déesse, dit-elle, puisque je vais descendre aux enfers, prosternée, pour la dernière fois, devant toi, je te supplie de veiller sur mes enfants orphelins : donne à l'un une tendre épouse qu'il aime, et à l'autre un généreux époux. Qu'ils ne meurent pas, comme leur mère, d'une mort prématurée ; mais qu'ils remplissent des jours fortunés sur la terre de la patrie. » Puis elle se rend à tous les autels qui étaient dans le palais d'Admète ; elle les couronne, et y prie, en arrachant les feuilles des branches de myrte, sans pousser ni sanglots, ni gémissements : l'approche même de la mort n'avait pas terni la fraîcheur de son teint. Ensuite elle court à son appartement, et, tombant sur sa couche, elle se mit à pleurer, en disant : « Ô lit nuptial, sur lequel j'ai dénoué ma ceinture virginale par la main de l'homme pour qui je meurs, adieu ; je ne puis te haïr ; mais tu m'as perdue : c'est pour ne pas te trahir, toi et mon époux, que je meurs. Une autre épouse te possédera, non plus chaste, mais peut-être plus heureuse (8), » Et, se laissant aller sur sa couche, elle la baise, et l'arrose d'un torrent de larmes. Après s'être rassasiée de pleurs, elle s'éloigne du lit, la tête penchée, sort de l'appartement, y rentre à plusieurs reprises, et se jette autant de fois sur sa couche. Cependant ses enfants, suspendus aux vêtements de leur mère, pleuraient ; et elle, les prenant dans ses bras, les embrassait l'un après l'autre, comme au moment de mourir. Tous les esclaves pleuraient aussi dans le palais, émus de pitié pour leur maîtresse. Elle tendait la main à chacun d'eux, et il n'en est aucun, si humble qu'il fût, auquel elle n'adressât la parole, et dont elle ne reçût les adieux. Voilà le triste spectacle que présente la maison d'Admète. En mourant, il n'aurait perdu que la vie ; mais, en échappant à la mort, il lui reste une douleur telle qu'il ne l'oubliera jamais.

LE CHOEUR.

Sans doute Admète gémit sur son malheur, s'il lui faut perdre une femme si bonne.

LA SERVANTE.

Oui, il pleure, tenant dans ses bras son épouse chérie, et il la conjure de ne pas l'abandonner : vœu impossible ! car déjà le mal la dévore et la consume. Son corps défaillant pèse tristement sur les bras d'Admète ; mais, quoique respirant à peine, elle veut contempler encore la lumière du soleil, qu'elle ne doit plus revoir ; car c'est pour la dernière fois que les rayons de l'astre du jour vont frapper ses yeux. Mais je vais annoncer ton arrivée ; car tous ne sont pas assez attachés à leurs chefs, pour se montrer dévoués dans leurs afflictions. Mais toi, tu es pour mes maîtres un vieil ami.

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ΧΟΡΟΣ

Ἰὼ Ζεῦ͵ τίς ἂν πᾶι πόρος κακῶν
γένοιτο καὶ λύσις τύχας
ἃ πάρεστι κοιράνοις;
αἰαῖ·
ἔξεισί τις ἢ τέμω τρίχα 215
καὶ μέλανα στολμὸν πέπλων
ἀμφιβαλώμεθ΄ ἤδη;
δεινὰ μέν͵ φίλοι͵ δεινά γ΄͵ ἀλλ΄ ὅμως
θεοῖσιν εὐξόμεσθα·
θεῶν γὰρ δύναμις μεγίστα. 220
Ὦναξ Παιάν͵
ἔξευρε μηχανάν τιν΄ Ἀδμήτωι κακῶν.
Πόριζε δὴ πόριζε· καὶ πάρος γὰρ
τοῦδ΄ ἐφεῦρες καὶ νῦν
λυτήριος ἐκ θανάτου γενοῦ͵ 225
φόνιον δ΄ ἀπόπαυσον Ἅιδαν.
Παπαῖ
ὦ παῖ Φέρητος͵ οἷ΄ ἔπρα
ξας δάμαρτος σᾶς στερείς.
Αἰαῖ· 230
ἄξια καὶ σφαγᾶς τάδε
καὶ πλέον ἢ βρόχωι δέραν
οὐρανίωι πελάσσαι.
Τὰν γὰρ οὐ φίλαν ἀλλὰ φιλτάταν
γυναῖκα κατθανοῦσαν 235
ἐν ἄματι τῶιδ΄ ἐπόψηι.
Ἰδοὺ ἰδού·
ἥδ΄ ἐκ δόμων δὴ καὶ πόσις πορεύεται.
Βόασον ὦ στέναξον ὦ Φεραία
χθὼν τὰν ἀρίσταν 240
γυναῖκα μαραινομέναν νόσωι
κατὰ γᾶς χθόνιον παρ΄ Ἅιδαν.
Οὔποτε φήσω γάμον εὐφραίνειν
πλέον ἢ λυπεῖν͵ τοῖς τε πάροιθεν
τεκμαιρόμενος καὶ τάσδε τύχας 245
λεύσσων βασιλέως͵ ὅστις ἀρίστης
ἀπλακὼν ἀλόχου τῆσδ΄ ἀβίωτον
τὸν ἔπειτα χρόνον βιοτεύσει.

 

LE CHOEUR.

Ô Jupiter, quelle issue trouver à ces maux ? comment délivrer mes maîtres du sort qui les poursuit ? quelqu'un viendra-t-il m'annoncer ce qui se passe ? faut-il nous couper la chevelure, et revêtir des habits de deuil ?

LA SERVANTE.

C'en est fait, mes amis, c'en est fait : cependant prions les dieux ; la puissance des dieux est grande. Ô Apollon, trouve un remède aux maux d'Admète ! viens, viens à notre aide : déjà tu as su le sauver ; maintenant encore délivre Alceste de la mort ; arrête l'homicide Pluton.

LE CHOEUR.

Hélas ! hélas ! fils de Phérès, que vas-tu devenir, privé de ton épouse ? En présence d'un tel malheur, il n'y a plus qu'à se percer du glaive, ou à se suspendre à un lien dans les airs : car tu verras mourir aujourd'hui une femme bien aimée, que dis-je ? tendrement chérie. La voici, la voici qui sort du palais avec son époux. Ô terre de Phère, pleure, regrette cette femme excellente, que le mal consume et entraîne dans le séjour souterrain où règne Pluton. Jamais je ne dirai que l'hymen apporte plus de joie que de souffrances ; j'en juge et par passé. et par le spectacle de la destinée de ce roi, qui, après avoir perdu la meilleure des épouses, traînera désormais une vie languissante et décolorée.

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 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ἅλιε καὶ φάος ἁμέρας
οὐράνιαί τε δῖ 250
ναι νεφέλας δρομαίου.

ΑΔΜΗΤΟΣ

Ὁρᾶι σε κἀμέ͵ δύο κακῶς πεπραγότας͵
οὐδὲν θεοὺς δράσαντας ἀνθ΄ ὅτου θανῆι.

ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Γαῖά τε καὶ μελάθρων στέγαι
νυμφίδιοί τε κοῖ 255
ται πατρίας Ἰωλκοῦ.

ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἕπαιρε σαυτήν͵ ὦ τάλαινα͵ μὴ προδῶις·
λίσσου δὲ τοὺς κρατοῦντας οἰκτῖραι θεούς.

ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ὁρῶ δίκωπον ὁρῶ σκάφος ἐν
λίμναι· νεκύων δὲ πορθμεὺς
ἔχων χέρ΄ ἐπὶ κοντῶι Χάρων
μ΄ ἤδη καλεῖ· Τί μέλλεις;
ἐπείγου· σὺ κατείργεις. Τάδε τοί με
σπερχόμενος ταχύνει.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Οἴμοι· πικράν γε τήνδε μοι ναυκληρίαν 265
ἔλεξας. Ὦ δύσδαιμον͵ οἷα πάσχομεν.

ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ἄγει μ΄ ἄγει τις͵ ἄγει μέ τις (οὐχ
ὁρᾶις;) νεκύων ἐς αὐλάν͵
ὑπ΄ ὀφρύσι κυαναυγέσι
βλέπων πτερωτὸς Ἅιδας. 270
Τί ῥέξεις; Ἄφες. Οἵαν ὁδὸν ἁ δει
λαιοτάτα προβαίνω.

ΑΔΜΗΤΟΣ

Οἰκτρὰν φίλοισιν͵ ἐκ δὲ τῶν μάλιστ΄ ἐμοὶ
καὶ παισίν͵ οἷς δὴ πένθος ἐν κοινῶι τόδε.

ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Μέθετε μέθετέ μ΄ ἤδη·  275
κλίνατ΄͵ οὐ σθένω ποσίν.
Πλησίον Ἅιδας͵ σκοτία
δ΄ ἐπ΄ ὄσσοισι νὺξ ἐφέρπει.
Τέκνα τέκν΄͵ οὐκέτι δὴ
οὐκέτι μάτηρ σφῶιν ἔστιν. 280
Χαίροντες͵ ὦ τέκνα͵ τόδε φάος ὁρῶιτον.

ΑΔΜΗΤΟΣ

Οἴμοι· τόδ΄ ἔπος λυπρὸν ἀκούειν
καὶ παντὸς ἐμοὶ θανάτου μεῖζον.
Μὴ πρός σε θεῶν τλῆις με προδοῦναι͵
μὴ πρὸς παίδων οὓς ὀρφανιεῖς͵ 285
ἀλλ΄ ἄνα͵ τόλμα.
Σοῦ γὰρ φθιμένης οὐκέτ΄ ἂν εἴην͵
ἐν σοὶ δ΄ ἐσμὲν καὶ ζῆν καὶ μή·
σὴν γὰρ φιλίαν σεβόμεσθα.

ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ἄδμηθ΄͵ ὁρᾶις γὰρ τἀμὰ πράγμαθ΄ ὡς ἔχει͵ 290
λέξαι θέλω σοι πρὶν θανεῖν ἃ βούλομαι.
Ἐγώ σε πρεσβεύουσα κἀντὶ τῆς ἐμῆς
ψυχῆς καταστήσασα φῶς τόδ΄ εἰσορᾶν
θνήισκω͵ παρόν μοι μὴ θανεῖν͵ ὑπὲρ σέθεν͵
ἀλλ΄ ἄνδρα τε σχεῖν Θεσσαλῶν ὃν ἤθελον 295
καὶ δῶμα ναίειν ὄλβιον τυραννίδι.
Οὐκ ἠθέλησα ζῆν ἀποσπασθεῖσα σοῦ
σὺν παισὶν ὀρφανοῖσιν͵ οὐδ΄ ἐφεισάμην
ἥβης͵ ἔχουσ΄ ἐν οἷς ἐτερπόμην ἐγώ.
Καίτοι σ΄ ὁ φύσας χἠ τεκοῦσα προύδοσαν͵ 300
καλῶς μὲν αὐτοῖς κατθανεῖν ἧκον βίου͵
καλῶς δὲ σῶσαι παῖδα κεὐκλεῶς θανεῖν.
Μόνος γὰρ αὐτοῖς ἦσθα͵ κοὔτις ἐλπὶς ἦν
σοῦ κατθανόντος ἄλλα φιτύσειν τέκνα.
Κἀγώ τ΄ ἂν ἔζων καὶ σὺ τὸν λοιπὸν χρόνον͵ 305
κοὐκ ἂν μονωθεὶς σῆς δάμαρτος ἔστενες
καὶ παῖδας ὠρφάνευες. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν
θεῶν τις ἐξέπραξεν ὥσθ΄ οὕτως ἔχειν.
Εἶἑν· σύ νύν μοι τῶνδ΄ ἀπόμνησαι χάριν·
αἰτήσομαι γάρ σ΄ ἀξίαν μὲν οὔποτε 310
(ψυχῆς γὰρ οὐδέν ἐστι τιμιώτερον)͵
δίκαια δ΄͵ ὡς φήσεις σύ· τούσδε γὰρ φιλεῖς
οὐχ ἧσσον ἢ ΄γὼ παῖδας͵ εἴπερ εὖ φρονεῖς.
Τούτους ἀνάσχου δεσπότας ἐμῶν δόμων
καὶ μὴ ΄πιγήμηις τοῖσδε μητρυιὰν τέκνοις͵ 315
ἥτις κακίων οὖσ΄ ἐμοῦ γυνὴ φθόνωι
τοῖς σοῖσι κἀμοῖς παισὶ χεῖρα προσβαλεῖ.
Μὴ δῆτα δράσηις ταῦτά γ΄͵ αἰτοῦμαί σ΄ ἐγώ·
ἐχθρὰ γὰρ ἡ ΄πιοῦσα μητρυιὰ τέκνοις
τοῖς πρόσθ΄͵ ἐχίδνης οὐδὲν ἠπιωτέρα. 320
Καὶ παῖς μὲν ἄρσην πατέρ΄ ἔχει πύργον μέγαν
[ὃν καὶ προσεῖπε καὶ προσερρήθη πάλιν]·
σὺ δ΄͵ ὦ τέκνον μοι͵ πῶς κορευθήσηι καλῶς;
ποίας τυχοῦσα συζύγου τῶι σῶι πατρί;
μή σοί τιν΄ αἰσχρὰν προσβαλοῦσα κληδόνα 325
ἥβης ἐν ἀκμῆι σοὺς διαφθείρηι γάμους.
Οὐ γάρ σε μήτηρ οὔτε νυμφεύσει ποτὲ
οὔτ΄ ἐν τόκοισι σοῖσι θαρσυνεῖ͵ τέκνον͵
παροῦσ΄͵ ἵν΄ οὐδὲν μητρὸς εὐμενέστερον.
Δεῖ γὰρ θανεῖν με· καὶ τόδ΄ οὐκ ἐς αὔριον 330
οὐδ΄ ἐς τρίτην μοι μηνὸς ἔρχεται κακόν͵
ἀλλ΄ αὐτίκ΄ ἐν τοῖς οὐκέτ΄ οὖσι λέξομαι.
Χαίροντες εὐφραίνοισθε· καὶ σοὶ μέν͵ πόσι͵
γυναῖκ΄ ἀρίστην ἔστι κομπάσαι λαβεῖν͵
ὑμῖν δέ͵ παῖδες͵ μητρὸς ἐκπεφυκέναι. 335

 

ALCESTE.

Soleil, lumière du jour, nuages du ciel, emportés par un tourbillon rapide !

ADMÈTE.

Ce soleil te voit ainsi que moi, tous deux éprouvés par le malheur, sans avoir rien fait aux dieux qui ait pu te mériter la mort.

ALCESTE.

Ô terre, ô palais, ô lit nuptial d'iolcos (9) ma patrie !

ADMÈTE.

Ranime-toi, infortunée, ne m'abandonne pas ; prie les dieux tout-puissants d'avoir pitié de nous.

ALCESTE.

Je vois la double rame, je vois la barque fatale. Le nocher des morts, Caron, la main sur la rame, m'appelle déjà: «Qui t'arrête ? hâte-toi : tu me retardes.» C'est ainsi qu'il me presse dans sa colère (10).

ADMÈTE.

Hélas ! tu parles là d'un funeste trajet. Ô cruelle souffrance !

ALCESTE.

On m'entraîne, ne le vois-tu pas ? on m'entraîne à la cour des morts : c'est Pluton lui-même ; il vole autour de moi, lançant de terribles regards de ses sombres sourcils. Que fais-tu ? laisse-moi.— Ah ! malheureuse, quelle est cette route inconnue dans laquelle je m'avance ?

ADMÈTE.

Route déplorable pour ceux qui t'aiment, mais surtout pour moi, et pour tes enfants, qui partagent ma désolation.

ALCESTE, aux femmes.

Vous, laissez-moi à présent, étendez-moi. Cher époux, les forces m'abandonnent ; la mort est proche ; les ténèbres de la nuit se répandent sur mes yeux : mes enfants, mes chers enfants, c'en est fait, vous n'avez plus de mère. Soyez heureux, mes enfants, et jouissez de la lumière du jour !

ADMÈTE.

Hélas ! il me faut entendre ces paroles funestes, plus cruelles pour moi que la mort ! Ne m'abandonne pas, au nom des dieux, au nom de tes enfants, que tu vas rendre orphelins : allons, reprends tes esprits. Si tu meurs, je ne saurais plus vivre : de toi dépend ma vie ou ma mort ; car ta tendresse est pour moi l'objet d'un culte inviolable.

ALCESTE.

Admète, tu vois en quel état je suis réduite : je veux te dire, avant de mourir, mes dernières volontés. Animée d'un tendre respect, et sacrifiant ma vie pour que tu jouisses de la lumière, je meurs pour toi, quand je pouvais vivre, choisir un époux parmi les Thessaliens, et passer des jours heureux sur le trône. Je n'ai pas voulu vivre séparée de toi, avec des enfants orphelins ; je ne me suis point épargnée moi-même, malgré les dons brillants de la jeunesse dont je pouvais jouir. Cependant ton père et ta mère t'ont abandonné, quand la mort convenait à leur âge, quand il était beau pour eux de sauver leur fils, en mourant avec honneur. Car tu étais leur unique enfant, et toi mort, ils n'avaient pas l'espoir de donner le jour à d'autres. Je vivrais, ainsi que toi, pour longtemps, et tu n'aurais pas à pleurer la perte d'une épouse, et à élever des enfants orphelins. Mais un dieu a voulu qu'il en fût ainsi. Résignons-nous. Maintenant montre-toi reconnaissant de ce bienfait ; je t'en demanderai un prix, non pas égal, car rien n'est plus précieux que la vie, mais juste, comme tu l'avoueras toi-même. En effet, non moins que moi tu aimes ces enfants, puisque tu as le cœur bon ; laisse-les maîtres dans ce palais, et ne leur donne point une marâtre ; ne prends pas une femme qui ne me vaudrait point, et qui, dans sa jalousie, porterait la main sur tes enfants et les miens. Ne fais pas cela, je t'en conjure : une marâtre est l'ennemie des enfants du premier lit, et non moins cruelle qu'une vipère. Mon fils a du moins son père pour défenseur ; il peut s'adresser à lui et recevoir ses conseils. Mais toi, ma fille, qui formera dignement ta jeunesse, si tu rencontres une telle compagne auprès de ton père ? Crains qu'elle n'imprime sur toi quelque tache honteuse, et ne flétrisse ton hymen dans la fleur même de ton âge ; car ta mère ne te choisira pas un époux ; elle ne sera pas là, ma fille, pour t'encourager dans les douleurs de l'enfantement, où la présence d'une mère est si consolante. Il faut que je meure ; et ce n'est pas demain, ce n'est pas le troisième jour du mois que le terme fatal doit venir (11), c'est à l'instant même que je vais compter parmi ceux qui nu sont plus. Adieu, vivez heureux : toi, cher époux, tu peux te glorifier d'avoir eu la meilleure des femmes, et vous, mes enfants, la meilleure des mères.

ΧΟΡΟΣ

θάρσει· πρὸ τούτου γὰρ λέγειν οὐχ ἅζομαι·
δράσει τάδ΄͵ εἴπερ μὴ φρενῶν ἁμαρτάνει.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἔσται τάδ΄͵ ἔσται͵ μὴ τρέσηις· ἐπεί σ΄ ἐγὼ
καὶ ζῶσαν εἶχον καὶ θανοῦσ΄ ἐμὴ γυνὴ
μόνη κεκλήσηι͵ κοὔτις ἀντὶ σοῦ ποτε
τόνδ΄ ἄνδρα νύμφη Θεσσαλὶς προσφθέγξεται. 340
Οὐκ ἔστιν οὕτως οὔτε πατρὸς εὐγενοῦς
οὔτ΄ εἶδος ἄλλως ἐκπρεπεστάτη γυνή.
Ἅλις δὲ παίδων· τῶνδ΄ ὄνησιν εὔχομαι
θεοῖς γενέσθαι· σοῦ γὰρ οὐκ ὠνήμεθα. 345
Οἴσω δὲ πένθος οὐκ ἐτήσιον τὸ σὸν
ἀλλ΄ ἔστ΄ ἂν αἰὼν οὑμὸς ἀντέχηι͵ γύναι͵
στυγῶν μὲν ἥ μ΄ ἔτικτεν͵ ἐχθαίρων δ΄ ἐμὸν
πατέρα· λόγωι γὰρ ἦσαν οὐκ ἔργωι φίλοι.
Σὺ δ΄ ἀντιδοῦσα τῆς ἐμῆς τὰ φίλτατα 350
ψυχῆς ἔσωσας. Ἆρά μοι στένειν πάρα
τοιᾶσδ΄ ἁμαρτάνοντι συζύγου σέθεν;
παύσω δὲ κώμους συμποτῶν θ΄ ὁμιλίας
στεφάνους τε μοῦσάν θ΄ ἣ κατεῖχ΄ ἐμοὺς δόμους.
Οὐ γάρ ποτ΄ οὔτ΄ ἂν βαρβίτου θίγοιμ΄ ἔτι 355
οὔτ΄ ἂν φρέν΄ ἐξάραιμι πρὸς Λίβυν λακεῖν
αὐλόν· σὺ γάρ μου τέρψιν ἐξείλου βίου.
Σοφῆι δὲ χειρὶ τεκτόνων δέμας τὸ σὸν
εἰκασθὲν ἐν λέκτροισιν ἐκταθήσεται͵
ὧι προσπεσοῦμαι καὶ περιπτύσσων χέρας 360
ὄνομα καλῶν σὸν τὴν φίλην ἐν ἀγκάλαις
δόξω γυναῖκα καίπερ οὐκ ἔχων ἔχειν·
ψυχρὰν μέν͵ οἶμαι͵ τέρψιν͵ ἀλλ΄ ὅμως βάρος
ψυχῆς ἀπαντλοίην ἄν. Ἐν δ΄ ὀνείρασιν
φοιτῶσά μ΄ εὐφραίνοις ἄν· ἡδὺ γὰρ φίλους 365
κἀν νυκτὶ λεύσσειν͵ ὅντιν΄ ἂν παρῆι χρόνον.
Εἰ δ΄ Ὀρφέως μοι γλῶσσα καὶ μέλος παρῆν͵
ὥστ΄ ἢ κόρην Δήμητρος ἢ κείνης πόσιν
ὕμνοισι κηλήσαντά σ΄ ἐξ Ἅιδου λαβεῖν͵
κατῆλθον ἄν͵ καί μ΄ οὔθ΄ ὁ Πλούτωνος κύων 370
οὔθ΄ οὑπὶ κώπηι ψυχοπομπὸς ἂν Χάρων
ἔσχ΄ ἄν͵ πρὶν ἐς φῶς σὸν καταστῆσαι βίον.
Ἀλλ΄ οὖν ἐκεῖσε προσδόκα μ΄͵ ὅταν θάνω͵
καὶ δῶμ΄ ἑτοίμαζ΄͵ ὡς συνοικήσουσά μοι.
Ἐν ταῖσιν αὐταῖς γάρ μ΄ ἐπισκήψω κέδροις
σοὶ τούσδε θεῖναι πλευρά τ΄ ἐκτεῖναι πέλας 375
πλευροῖσι τοῖς σοῖς· μηδὲ γὰρ θανών ποτε
σοῦ χωρὶς εἴην τῆς μόνης πιστῆς ἐμοί.

 ΧΟΡΟΣ

Καὶ μὴν ἐγώ σοι πένθος ὡς φίλος φίλωι
λυπρὸν συνοίσω τῆσδε· καὶ γὰρ ἀξία. 380

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ὦ παῖδες͵ αὐτοὶ δὴ τάδ΄ εἰσηκούσατε
πατρὸς λέγοντος μὴ γαμεῖν ἄλλην ποτὲ
γυναῖκ΄ ἐφ΄ ὑμῖν μηδ΄ ἀτιμάσειν ἐμέ.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Καὶ νῦν γέ φημι καὶ τελευτήσω τάδε.

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ἐπὶ τοῖσδε παῖδας χειρὸς ἐξ ἐμῆς δέχου. 385

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Δέχομαι͵ φίλον γε δῶρον ἐκ φίλης χερός.

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Σύ νυν γενοῦ τοῖσδ΄ ἀντ΄ ἐμοῦ μήτηρ τέκνοις.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Πολλή μ΄ ἀνάγκη͵ σοῦ γ΄ ἀπεστερημένοις.

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ὦ τέκν΄͵ ὅτε ζῆν χρῆν μ΄͵ ἀπέρχομαι κάτω.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Οἴμοι͵ τί δράσω δῆτα σοῦ μονούμενος; 390

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Χρόνος μαλάξει σ΄· οὐδέν ἐσθ΄ ὁ κατθανών.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἄγου με σὺν σοί͵ πρὸς θεῶν͵ ἄγου κάτω.

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ἀρκοῦμεν ἡμεῖς οἱ προθνήισκοντες σέθεν.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ὦ δαῖμον͵ οἵας συζύγου μ΄ ἀποστερεῖς.

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Καὶ μὴν σκοτεινὸν ὄμμα μου βαρύνεται. 395

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἀπωλόμην ἄρ΄͵ εἴ με δὴ λείψεις͵ γύναι.

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Ὡς οὐκέτ΄ οὖσαν οὐδὲν ἂν λέγοις ἐμέ.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ὄρθου πρόσωπον͵ μὴ λίπηις παῖδας σέθεν.

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Οὐ δῆθ΄ ἑκοῦσά γ΄· ἀλλὰ χαίρετ΄͵ ὦ τέκνα.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Βλέψον πρὸς αὐτούς͵ βλέψον. 400

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Οὐδέν εἰμ΄ ἔτι.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Τί δρᾶις; Προλείπεις;

 ΑΛΚΗΣΤΙΣ

Χαῖρ΄.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἀπωλόμην τάλας.

 ΧΟΡΟΣ

Βέβηκεν͵ οὐκέτ΄ ἔστιν Ἀδμήτου γυνή. 405

LE CHOEUR.

Rassure-toi ; je ne crains pas de répondre pour lui : il fera ce que tu désires, à moins qu'il ne perde la raison.

ADMÈTE.

Je le ferai, oui, je le ferai ; ne crains rien. Puisque vivante tu fus mon épouse, tu le seras seule encore après ta mort, et nulle autre femme thessalienne, à ta place, ne m'appellera son époux ; non jamais, quelle que soit la noblesse de sa naissance, quel que soit l'éclat de sa beauté. J'ai assez d'enfants, et je prie les dieux de me les conserver, puisque je n'ai pu te conserver toi-même. Mon deuil durera non pas seulement une année, mais autant que ma vie, chère épouse, autant que ma haine pour une mère et pour un père qui m'aimaient en paroles, et non en réalité. C'est toi qui, donnant ta vie en échange de la mienne, m'as sauvé. Pourrais-je ne pas gémir en perdant une telle épouse ? Je renonce désormais aux fêtes, aux joyeux festins, aux couronnes, et aux chants qui retentissaient dans mon palais. Je ne toucherai plus de la lyre ; ma voix ne s'animera plus à chanter au son de la flûte libyenne ; car tu emportes avec toi toute la joie de ma vie. Mais ton image, reproduite par la main habile des artistes, reposera sur ma couche ; prosterné à ses côtés, je l'entourerai de mes bras, et, l'appelant par ton nom, je croirai presser contre mon sein mon épouse chérie, quoique absente : froide consolation, mais qui du moins soulagera le poids de mon cœur ; et, en me visitant dans mes songes, tu me rendras quelque joie. Il est toujours doux de voir ce qu'on aime, même la nuit, ou en quelque moment que ce soit. Si j'avais la voix et les accents d'Orphée, pour fléchir par mes chants la fille de Gérés ou son époux, et te ravir aux enfers, j'y descendrais. Ni le chien de Pluton, ni le conducteur des âmes, Caron, avec sa rame, ne m'empêcheraient de te ramener à la lumière du jour. Du moins attends-moi là-bas, quand je mourrai ; prépare-s-y ma demeure pour l'habiter avec moi ; car j'ordonnerai qu'on me place dans le même cercueil de cèdre, pour que mes flancs reposent auprès de tes flancs. Que la mort même ne me sépare jamais de toi, qui seule m'as été fidèle !

LE CHOEUR.

Et moi je partagerai avec toi, comme ton ami, les tristes regrets qu'elle t'inspire, et dont elle est si digne.

ALCESTE.

Mes enfants, vous avez entendu votre père s'engager à ne pas vous donner une seconde mère, et à ne pas déshonorer ma couche.

ADMÈTE.

Je le promets encore, et je tiendrai ma promesse.

ALCESTE.

À cette condition, reçois nos enfants de ma main.

ADMÈTE.

Je reçois ce don précieux d'une main chérie.

ALCESTE.

Remplace-moi, et sers-leur de mère.

ADMÈTE.

Il le faut bien, puisqu'ils t'ont perdue.

ALCESTE.

Chers enfants, quand je devrais vivre, il me faut mourir.

ADMÈTE.

Hélas ! que ferai-je sans toi ?

ALCESTE.

Le temps adoucira ta douleur : les morts ne sont plus rien.

ADMÈTE.

Emmène-moi avec toi, au nom des dieux ! emmène moi aux enfers.

ALCESTE.

C'est assez de moi, qui meurs pour toi.

ADMÈTE.

Ô destin ! quelle épouse tu me ravis !

ALCESTE.

Déjà mes yeux s'appesantissent, et se voilent d'un nuage.

ADMÈTE.

Je meurs, Alceste, si tu m'abandonnes.

ALCESTE.

Je n'existe plus, je ne suis plus rien.

ADMÈTE.

Lève les yeux ; n'abandonne pas tes enfants.

ALCESTE.

C'est malgré moi ; adieu, mes enfants.

ADMÈTE.

Tourne un dernier regard sur eux. Hélas !

ALCESTE.

C'en est fait. 

ADMÈTE.

Que fais-tu ? Tu nous quittes ?

ALCESTE, expirant.

Adieu.

ADMÈTE.

Je suis perdu !

LE CHOEUR.

Elle n'est plus: Admète n'a plus d'épouse.

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 ΠΑΙΣ

Ἰώ μοι τύχας. μαῖα δὴ κάτω
Βέβακεν͵ οὐκέτ΄ ἔστιν͵ ὦ
πάτερ͵ ὑφ΄ ἁλίωι͵
προλιποῦσα δ΄ ἐμὸν βίον ὠρφάνισεν τλάμων.
Ἴδε γὰρ ἴδε βλέφαρον καὶ 410
παρατόνους χέρας.
Ὑπάκουσον ἄκουσον͵ ὦ μᾶτερ͵ ἀντιάζω.
Ἐγώ σ΄ ἐγώ͵ μᾶτερ͵
καλοῦμαι ὁ σὸς ποτὶ σοῖσι πίτ
νων στόμασιν νεοσσός.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Τὴν οὐ κλύουσαν οὐδ΄ ὁρῶσαν· ὥστ΄ ἐγὼ
καὶ σφὼ βαρείαι συμφορᾶι πεπλήγμεθα.

 ΠΑΙΣ

Νέος ἐγώ͵ πάτερ͵ λείπομαι φίλας
μονόστολός τε ματρός· ὦ
σχέτλια δὴ παθὼν 420
ἐγὼ ἔργ΄͵ ἃ σὺ σύγκασί μοι συνέτλας κούρα.
Ὦ πάτερ͵
ἀνόνατ΄ ἀνόνατ΄ ἐνύμφευσας οὐδὲ γήρως
ἔβας τέλος σὺν τᾶιδ΄·
ἔφθιτο γὰρ πάρος· οἰχομένας δὲ σοῦ͵  425
μᾶτερ͵ ὄλωλεν οἶκος.

 ΧΟΡΟΣ

Ἄδμητ΄͵ ἀνάγκη τάσδε συμφορὰς φέρειν·
οὐ γάρ τι πρῶτος οὐδὲ λοίσθιος βροτῶν
γυναικὸς ἐσθλῆς ἤμπλακες· γίγνωσκε δὲ
ὡς πᾶσιν ἡμῖν κατθανεῖν ὀφείλεται. 430

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἐπίσταμαί τοι͵ κοὐκ ἄφνω κακὸν τόδε
προσέπτατ΄· εἰδὼς δ΄ αὔτ΄ ἐτειρόμην πάλαι.
Ἀλλ΄͵ ἐκφορὰν γὰρ τοῦδε θήσομαι νεκροῦ͵
πάρεστε καὶ μένοντες ἀντηχήσατε
παιᾶνα τῶι κάτωθεν ἄσπονδον θεῶι. 435
Πᾶσιν δὲ Θεσσαλοῖσιν ὧν ἐγὼ κρατῶ
πένθους γυναικὸς τῆσδε κοινοῦσθαι λέγω
κουρᾶι ξυρήκει καὶ μελαμπέπλωι στολῆι·
τέθριππά θ΄ οἳ ζεύγνυσθε καὶ μονάμπυκας
πώλους͵ σιδήρωι τέμνετ΄ αὐχένων φόβην. 440
Αὐλῶν δὲ μὴ κατ΄ ἄστυ͵ μὴ λύρας κτύπος
ἔστω σελήνας δώδεκ΄ ἐκπληρουμένας.
Οὐ γάρ τιν΄ ἄλλον φίλτερον θάψω νεκρὸν
τοῦδ΄ οὐδ΄ ἀμείνον΄ εἰς ἔμ΄· ἀξία δέ μοι
τιμῆς͵ ἐπεὶ τέθνηκεν ἀντ΄ ἐμοῦ μόνη. 445

 

EUMÉLUS.

Ô quel est mon malheur ! ma mère est descendue aux enfers, elle ne jouit plus de la lumière du soleil, et en nous quittant, elle me laisse orphelin. Vois, mon père, vois ses paupières fixes et ses mains défaillantes. Écoute, écoute-moi, ma mère, je t'en supplie. C'est moi, ma mère, c'est moi qui t'appelle : c'est ton petit enfant qui reste attaché à tes lèvres.

ADMÈTE.

Elle ne t'entend plus, elle ne te voit plus. Vous et moi, un coup terrible nous a frappés.

EUMÉLUS.

Encore tout jeune, ô mon père, me voilà seul, abandonné par une mère chérie. Victime infortunée (12)... Et toi, chère petite sœur, tu partages mon sort. Ô mon père, en vain, en vain tu as pris une épouse ; tu n'es pas parvenu avec elle au terme de la vieillesse, elle t'a précédé au tombeau. Mais, ô ma mère, avec toi périt toute notre maison.

LE CHOEUR.

Admète, c'est une nécessité de supporter ces malheurs. Tu n'es ni le premier ni le dernier des mortels qui ait perdu une épouse vertueuse : sache que mourir est notre lot à tous.

ADMÈTE.

Oui, je le sais, et ce malheur n'est pas venu fondre à l'improviste ; je le prévoyais, et depuis longtemps j'étais en proie à la douleur. Mais je dois rendre à ce corps les funèbres devoirs : secondez-moi, et chantez alternativement l'hymne de l'inexorable dieu des enfers. Que tous les Thessaliens, sur lesquels je règne, prennent part au deuil de cette noble femme, la chevelure rasée et les vêtements sombres. Aux chevaux des quadriges, comme aux coursiers seuls, que le fer coupe les crinières (13). Que le son des flûtes et de la lyre ne se fasse plus entendre dans la ville, avant douze lunes accomplies. Jamais je n'ensevelirai une personne plus chère, et qui ait mieux mérité de moi. Elle est bien digne que je l'honore, elle qui seule a consenti à mourir pour moi.

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ΧΟΡΟΣ

Ὦ Πελίου θύγατερ͵
χαίρουσά μοι εἰν Ἀίδα δόμοισιν
τὸν ἀνάλιον οἶκον οἰκετεύοις.
Ἴστω δ΄ Ἀίδας ὁ μελαγχαί
τας θεὸς ὅς τ΄ ἐπὶ κώπαι 450
πηδαλίωι τε γέρων
νεκροπομπὸς ἵζει
πολὺ δὴ πολὺ δὴ γυναῖκ΄ ἀρίσταν
λίμναν Ἀχεροντίαν πορεύ
σας ἐλάται δικώπωι. 455
Πολλά σε μουσοπόλοι
μέλψουσι καθ΄ ἑπτάτονόν τ΄ ὀρείαν
χέλυν ἔν τ΄ ἀλύροις κλέοντες ὕμνοις͵
Σπάρται κυκλὰς ἁνίκα Καρνεί
ου περινίσεται ὥρα 460
μηνός͵ ἀειρομένας
παννύχου σελάνας͵
λιπαραῖσί τ΄ ἐν ὀλβίαις Ἀθάναις.
Τοίαν ἔλιπες θανοῦσα μολ
πὰν μελέων ἀοιδοῖς. 465
Εἴθ΄ ἐπ΄ ἐμοὶ μὲν εἴη͵
δυναίμαν δέ σε πέμψαι
φάος ἐξ Ἀίδα τεράμνων
καὶ Κωκυτοῖο ῥεέθρων
ποταμίαι νερτέραι τε κώπαι. 470
Σὺ γάρ͵ ὦ μόνα ὦ φίλα γυναικῶν͵
σὺ τὸν αὑτᾶς
ἔτλας ἔτλας πόσιν ἀντὶ σᾶς ἀμεῖψαι
ψυχᾶς ἐξ Ἅιδα. Κούφα σοι
χθὼν ἐπάνωθε πέσοι͵ γύναι. Εἰ δέ τι 475
καινὸν ἕλοιτο πόσις λέχος͵ ἦ μάλ΄ ἂν
ἔμοιγ΄ ἂν εἴη στυγη
θεὶς τέκνοις τε τοῖς σοῖς.
Ματέρος οὐ θελούσας
πρὸ παιδὸς χθονὶ κρύψαι 480
δέμας οὐδὲ πατρὸς γεραιοῦ
ὃν ἔτεκον δ΄͵ οὐκ ἔτλαν ῥύεσθαι͵
σχετλίω͵ πολιὰν ἔχοντε χαίταν.
Σὺ δ΄ ἐν ἥβαι
νέαι νέου προθανοῦσα φωτὸς οἴχηι. 485
Τοιαύτας εἴη μοι κῦρσαι
συνδυάδος φιλίας ἀλόχου· τὸ γὰρ
ἐν βιότωι σπάνιον μέρος· ἦ γὰρ ἂν
ἔμοιγ΄ ἄλυπος δι΄ αἰ
ῶνος ἂν ξυνείη. 490

 

 

 

LE CHOEUR.

Ô fille de Pélias, sois heureuse dans le séjour des enfers ténébreux empire de Pluton ! que ce dieu à la noire chevelure, que le vieux conducteur des morts, assis au gouvernail, et qui tient l'aviron en main, sachent que la plus vertueuse des femmes a traversé le marais de l'Achéron sur la barque à double rame.

Les poètes te célébreront à l'envi, et sur le luth aux sept cordes, et dans des hymnes que n'accompagnera pas la lyre, à Sparte, quand revient la saison périodique du mois carnéen (14), et que la lune brille au ciel toute la nuit, et dans la brillante et fortunée Athènes. Tel est le sujet de chants que ta mort a laissé aux poètes.

Que ne puis-je te rendre à la lumière !-que ne puis-je te tirer du sombre séjour de Pluton, et te faire repasser le Cocyte dans la barque infernale ! Car, ô femme unique, femme chérie, tu n'as pas craint de donner ta vie, pour racheter ton époux des enfers : que la terre te soit légère ! Mais si jamais ton époux formait un nouvel hymen, il me deviendrait odieux, ainsi qu'à tes enfants.

Ni la mère d'Admète, ni son vieux père, n'ont voulu donner leur vie pour leur fils ; ils laissaient en proie à Pluton (15) celui qu'ils ont mis au monde ; ils refusaient de le sauver, les cruels, eux dont les cheveux sont tout blanchis ! Mais toi, dans la fleur de l'âge, tu meurs pour ton jeune époux. Puissent les dieux m'accorder une femme semblable pour compagne ! une telle rencontre est rare dans la vie. Mes jours se passeraient sans nuages auprès d'elle.

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 ΗΡΑΚΛΗΣ

Ξένοι͵ Φεραίας τῆσδε κωμῆται χθονός͵
Ἄδμητον ἐν δόμοισιν ἆρα κιγχάνω;

ΧΟΡΟΣ

Ἔστ΄ ἐν δόμοισι παῖς Φέρητος͵ Ἡράκλεις.
ἀλλ΄ εἰπὲ χρεία τίς σε Θεσσαλῶν χθόνα
πέμπει͵ Φεραῖον ἄστυ προσβῆναι τόδε. 495

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Τιρυνθίωι πράσσω τιν΄ Εὐρυσθεῖ πόνον.

 ΧΟΡΟΣΚ

Καὶ ποῖ πορεύηι; τῶι συνέζευξαι πλάνωι;

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Θρηικὸς τέτρωρον ἅρμα Διομήδους μέτα.

 ΧΟΡΟΣ

Πῶς οὖν δυνήσηι; μῶν ἄπειρος εἶ ξένου;

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Ἄπειρος· οὔπω Βιστόνων ἦλθον χθόνα. 500

 ΧΟΡΟΣ

Οὐκ ἔστιν ἵππων δεσπόσαι σ΄ ἄνευ μάχης.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Ἀλλ΄ οὐδ΄ ἀπειπεῖν μὴν πόνους οἷόν τ΄ ἐμοί.

 ΧΟΡΟΣ

Κτανὼν ἄρ΄ ἥξεις ἢ θανὼν αὐτοῦ μενεῖς.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Οὐ τόνδ΄ ἀγῶνα πρῶτον ἂν δράμοιμ΄ ἐγώ.

 ΧΟΡΟΣ

Τί δ΄ ἂν κρατήσας δεσπότην πλέον λάβοις; 505

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Πώλους ἀπάξω κοιράνωι Τιρυνθίωι.

 ΧΟΡΟΣ

Οὐκ εὐμαρὲς χαλινὸν ἐμβαλεῖν γνάθοις.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Εἰ μή γε πῦρ πνέουσι μυκτήρων ἄπο.

 ΧΟΡΟΣ

Ἀλλ΄ ἄνδρας ἀρταμοῦσι λαιψηραῖς γνάθοις.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Θηρῶν ὀρείων χόρτον͵ οὐχ ἵππων͵ λέγεις.

 ΧΟΡΟΣ

Φάτνας ἴδοις ἂν αἵμασιν πεφυρμένας. 510

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Τίνος δ΄ ὁ θρέψας παῖς πατρὸς κομπάζεται;

 ΧΟΡΟΣ

Ἄρεος͵ ζαχρύσου Θρηικίας πέλτης ἄναξ.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Καὶ τόνδε τοὐμοῦ δαίμονος πόνον λέγεις
(σκληρὸς γὰρ αἰεὶ καὶ πρὸς αἶπος ἔρχεται)͵ 515
εἰ χρή με παισὶν οἷς Ἄρης ἐγείνατο
μάχην συνάψαι͵ πρῶτα μὲν Λυκάονι
αὖθις δὲ Κύκνωι͵ τόνδε δ΄ ἔρχομαι τρίτον
ἀγῶνα πώλοις δεσπότηι τε συμβαλῶν.
Ἀλλ΄ οὔτις ἔστιν ὃς τὸν Ἀλκμήνης γόνον 520
τρέσαντα χεῖρα πολεμίαν ποτ΄ ὄψεται.

 ΧΟΡΟΣ

Καὶ μὴν ὅδ΄ αὐτὸς τῆσδε κοίρανος χθονὸς
Ἄδμητος ἔξω δωμάτων πορεύεται.

 

HERCULE.

Ô habitants de Phère, trouverai-je Admète dans ce palais ?

LE CHOEUR.

Oui, Hercule, le fils de Phérès est dans ce palais. Mais dis-moi, quel sujet t'amène dans le pays des Thessaliens, et te l'ait entrer dans notre ville ?

HERCULE.

J'accomplis un des travaux que m'impose Eurysthée.

LE CHOEUR.

Et où vas-tu ? À quel voyage es-tu condamné ?

HERCULE.

Je vais enlever les coursiers du Thrace Diomède.

LE CHOEUR.

Comment le pourras-tu ? ne connais-tu pas cet étranger ?

HERCULE.

Je ne le connais pas ; je ne suis pas encore venu dans le pays des Bistoniens (16).

LE CHOEUR.

Tu ne pourrais t'emparer de ses coursiers sans combat.

HERCULE.

Mais il ne m'est pas possible de refuser ces travaux.

LE CHOEUR.

Il faut le tuer et revenir, ou mourir et rester.

HERCULE.

Ce n'est pas le premier combat que je livrerai.

LE CHOEUR.

Et que gagneras-tu, si tu remportes la victoire ?

HERCULE.

J'amènerai les coursiers au roi de Tirynthe (17).

LE CHOEUR.

Il n'est pas facile de leur mettre un frein.

HERCULE

À moins quêteurs naseaux ne lancent des flammes.

LE CHOEUR.

Mais ils déchirent les hommes de leurs dents voraces.

HERCULE.

Cette pâture est celle des bêtes féroces, mais non des chevaux.

LE CHOEUR.

Tu verras leurs étables toutes dégouttantes de sang.

HERCULE.

Celui qui les nourrit, de quel père tire-t-il son origine ?

LE CHOEUR.

De Mars ; il est roi de la Thrace riche et belliqueuse.

HERCULE.

Voilà une entreprise digne de ma destinée ; celle-ci est laborieuse, et tend toujours à un but élevé ; elle me donne à combattre des fils de Mars : d'abord Lycaon, puis Cycnus ; enfin pour cette troisième lutte, Diomède et ses coursiers. Mais personne ne verra jamais le fils d'Alcmène trembler devant des ennemis.

LE CHOEUR.

Mais voici le roi de cette contrée, Admète lui-même, qui sort du palais.

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ΑΔΜΗΤΟΣ

Χαῖρ΄͵ ὦ Διὸς παῖ Περσέως τ΄ ἀφ΄ αἵματος.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Ἄδμητε͵ καὶ σὺ χαῖρε͵ Θεσσαλῶν ἄναξ. 525

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Θέλοιμ΄ ἄν· εὔνουν δ΄ ὄντα σ΄ ἐξεπίσταμαι.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Τί χρῆμα κουρᾶι τῆιδε πενθίμωι πρέπεις;

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Θάπτειν τιν΄ ἐν τῆιδ΄ ἡμέραι μέλλω νεκρόν.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Ἀπ΄ οὖν τέκνων σῶν πημονὴν εἴργοι θεός.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ζῶσιν κατ΄ οἴκους παῖδες οὓς ἔφυσ΄ ἐγώ. 530

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Πατήρ γε μὴν ὡραῖος͵ εἴπερ οἴχεται.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Κἀκεῖνος ἔστι χἠ τεκοῦσά μ΄͵ Ἡράκλεις.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Οὐ μὴν γυνή γ΄ ὄλωλεν Ἄλκηστις σέθεν;

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Διπλοῦς ἐπ΄ αὐτῆι μῦθος ἔστι μοι λέγειν.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Πότερα θανούσης εἶπας ἢ ζώσης ἔτι; 535

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἔστιν τε κοὐκέτ΄ ἔστιν͵ ἀλγύνει δέ με.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Οὐδέν τι μᾶλλον οἶδ΄· ἄσημα γὰρ λέγεις.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Οὐκ οἶσθα μοίρας ἧς τυχεῖν αὐτὴν χρεών;

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Οἶδ΄͵ ἀντὶ σοῦ γε κατθανεῖν ὑφειμένην.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Πῶς οὖν ἔτ΄ ἔστιν͵ εἴπερ ἤινεσεν τάδε;

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Ἆ͵ μὴ πρόκλαι΄ ἄκοιτιν͵ ἐς τότ΄ ἀμβαλοῦ. 540

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Τέθνηχ΄ ὁ μέλλων κἀνθάδ΄ ὢν οὐκ ἔστ΄ ἔτι.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Χωρὶς τό τ΄ εἶναι καὶ τὸ μὴ νομίζεται.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Σὺ τῆιδε κρίνεις͵ Ἡράκλεις͵ κείνηι δ΄ ἐγώ.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Τί δῆτα κλαίεις; τίς φίλων ὁ κατθανών; 545

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Γυνή· γυναικὸς ἀρτίως μεμνήμεθα.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Ὀθνεῖος ἢ σοὶ συγγενὴς γεγῶσά τις;

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ὀθνεῖος͵ ἄλλως δ΄ ἦν ἀναγκαία δόμοις.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Πῶς οὖν ἐν οἴκοις σοῖσιν ὤλεσεν βίον;

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Πατρὸς θανόντος ἐνθάδ΄ ὠρφανεύετο. 550

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Φεῦ.
 εἴθ΄ ηὕρομέν σ΄͵ Ἄδμητε͵ μὴ λυπούμενον.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ὡς δὴ τί δράσων τόνδ΄ ὑπορράπτεις λόγον;

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Ξένων πρὸς ἄλλων ἑστίαν πορεύσομαι.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Οὐκ ἔστιν͵ ὦναξ· μὴ τοσόνδ΄ ἔλθοι κακόν.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Λυπουμένοις ὀχληρός͵ εἰ μόλοι͵ ξένος.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Τεθνᾶσιν οἱ θανόντες· ἀλλ΄ ἴθ΄ ἐς δόμους.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Αἰσχρόν γε παρὰ κλαίουσι θοινᾶσθαι ξένους.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Χωρὶς ξενῶνές εἰσιν οἷ σ΄ ἐσάξομεν.

 ΗΡΑΚΛΗΣ

Μέθες με καί σοι μυρίαν ἕξω χάριν. 560

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Οὐκ ἔστιν ἄλλου σ΄ ἀνδρὸς ἑστίαν μολεῖν.
 Ἡγοῦ σὺ τῶιδε δωμάτων ἐξωπίους
 ξενῶνας οἴξας τοῖς τ΄ ἐφεστῶσιν φράσον
 σίτων παρεῖναι πλῆθος͵ εὖ δὲ κλήισατε
 θύρας μεταύλους· οὐ πρέπει θοινωμένους 565
 κλύειν στεναγμῶν οὐδὲ λυπεῖσθαι ξένους.
 

ADMÈTE.

Salut, fils de Jupiter issu du sang de Persée (18), sois heureux (19).

HERCULE.

Sois heureux aussi, Admète, roi des Thessaliens.

ADMÈTE.

Je le voudrais ; je connais ta bienveillance pour moi.

HERCULE.

Pourquoi ces cheveux coupés, et ces signes de deuil ?

ADMÈTE.

Je dois aujourd'hui ensevelir un mort.

HERCULE.

Qu'un dieu écarte ce malheur de tes enfants !

ADMÈTE.

Mes enfants sont vivants dans ma maison.

HERCULE.

Ton père est avancé en âge, peut-être est-il mort ?

ADMÈTE.

Il vit aussi, Hercule, ainsi que ma mère.

HERCULE.

Ce n'est pas ton épouse Alceste qui est morte ?

ADMÈTE.

Sur elle je puis faire deux réponses.

HERCULE.

Est-elle morte ou vivante ?

ADMÈTE.

Elle est, et n'est plus : mais elle me désole.

HERCULE.

Je n'en suis pas plus instruit ; car tes paroles ne sont pas claires.

ADMÈTE.

Ne sais-tu pas la destinée qu'elle doit subir ?

HERCULE.

Je sais qu'elle a consenti à mourir pour toi.

ADMÈTE.

Comment donc existe-t-elle encore, si elle a pris cet engagement ?

HERCULE.

Ah ! ne pleure pas ton épouse d'avance ; attends le moment fatal.

ADMÈTE.

Être sur le point de mourir, c'est être mort ; et celui qui est mort n'est plus.

HERCULE.

Être et n'être pas sont cependant des choses différentes.

ADMÈTE.

Tu en juges ainsi, Hercule, et moi autrement.

HERCULE.

Pourquoi donc pleures-tu ? Lequel de tes amis est mort ?

ADMÈTE.

Une femme : c'est d'une femme que je parlais tout à l'heure.

HERCULE.

Est-elle étrangère, ou tient-elle à ta famille ?

ADMÈTE.

Étrangère ; cependant elle appartenait à ma maison.

HERCULE.

Comment donc est-elle morte dans ton palais ?

ADMÈTE.

Après la mort de son père, elle y fut élevée comme orpheline.

HERCULE.

Hélas ! je voudrais, Admète, ne t'avoir pas trouvé dans l'affliction.

ADMÈTE.

Dans quelle intention dis-tu ces paroles ?

HERCULE.

Je vais chercher l'hospitalité ailleurs.

ADMÈTE.

Cela ne se peut, Hercule : ne m'accable pas de ce nouveau malheur.

HERCULE.

Au sein de l'affliction, la présence d'un étranger est importune.

ADMÈTE.

Les morts sont morts. Entre dans ma maison.

HERCULE.

Mais il est honteux de faire des festins chez des amis qui sont dans la douleur.

ADMÈTE.

La chambre des hôtes, où je te ferai entrer, est séparée du reste de la maison.

HERCULE.

Laisse-moi partir, et je t'en aurai une grande reconnaissance.

ADMÈTE.

Il ne t'est pas permis d'aller au foyer d'un autre. ( À un de ses esclaves. ) Toi, prends les devants, et va ouvrir la chambre des hôtes, séparée de ces appartements ; et dis à ceux qui en ont le soin, de préparer un festin abondant. — Vous, fermez la porte intérieure (20) : il ne convient pas de troubler la joie du festin par des gémissements, ni d'attrister nos hôtes par des larmes. (Hercule entre dans le palais. )

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ΧΟΡΟΣ

Τί δρᾶις; τοσαύτης συμφορᾶς προσκειμένης͵
 Ἄδμητε͵ τολμᾶις ξενοδοκεῖν; τί μῶρος εἶ;

 ΑΔΜΗΤΟΣ

ἀλλ΄ εἰ δόμων σφε καὶ πόλεως ἀπήλασα
ξένον μολόντα͵ μᾶλλον ἄν μ΄ ἐπήινεσας; 570
οὐ δῆτ΄͵ ἐπεί μοι συμφορὰ μὲν οὐδὲν ἂν
μείων ἐγίγνετ΄͵ ἀξενώτερος δ΄ ἐγώ.
Καὶ πρὸς κακοῖσιν ἄλλο τοῦτ΄ ἂν ἦν κακόν͵
δόμους καλεῖσθαι τοὺς ἐμοὺς ἐχθροξένους.
Αὐτὸς δ΄ ἀρίστου τοῦδε τυγχάνω ξένου͵ 575
ὅταν ποτ΄ Ἄργους διψίαν ἔλθω χθόνα.

 ΧΟΡΟΣ

Πῶς οὖν ἔκρυπτες τὸν παρόντα δαίμονα͵
φίλου μολόντος ἀνδρὸς ὡς αὐτὸς λέγεις;

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Οὐκ ἄν ποτ΄ ἠθέλησεν εἰσελθεῖν δόμους͵
εἰ τῶν ἐμῶν τι πημάτων ἐγνώρισεν. 580
Καὶ τῶι μέν͵ οἶμαι͵ δρῶν τάδ΄ οὐ φρονεῖν δοκῶ
οὐδ΄ αἰνέσει με· τἀμὰ δ΄ οὐκ ἐπίσταται
μέλαθρ΄ ἀπωθεῖν οὐδ΄ ἀτιμάζειν ξένους.

 ΧΟΡΟΣ

Ὦ πολύξεινος καὶ ἐλευθέρου ἀνδρὸς ἀεί ποτ΄
οἶκος͵ 585
σέ τοι καὶ ὁ Πύθιος εὐλύρας Ἀπόλλων
ἠξίωσε ναίειν͵
ἔτλα δὲ σοῖσι μηλονόμας
ἐν νομοῖς γενέσθαι͵
δοχμιᾶν διὰ κλειτύων 590
βοσκήμασι σοῖσι συρίζων
ποιμνίτας ὑμεναίους.
Σὺν δ΄ ἐποιμαίνοντο χαρᾶι μελέων βαλιαί τε
λύγκες͵
ἔβα δὲ λιποῦσ΄ Ὄθρυος νάπαν λεόντων 595
ἁ δαφοινὸς ἴλα·
χόρευσε δ΄ ἀμφὶ σὰν κιθάραν͵
Φοῖβε͵ ποικιλόθριξ
νεβρὸς ὑψικόμων πέραν
βαίνουσ΄ ἐλατᾶν σφυρῶι κούφωι͵ 600
χαίρουσ΄ εὔφρονι μολπᾶι.
Τοιγὰρ πολυμηλοτάταν
ἑστίαν οἰκεῖ παρὰ καλλίναον
Βοιβίαν λίμναν. Ἀρότοις δὲ γυᾶν
καὶ πεδίων δαπέδοις ὅρον ἀμφὶ μὲν 605
ἀελίου κνεφαίαν
ἱππόστασιν αἰθέρα τὰν Μολοσ
σῶν τίθεται͵
πόντιον δ΄ Αἰγαῖον ἐπ΄ ἀκτὰν
ἀλίμενον Πηλίου κρατύνει. 610
Καὶ νῦν δόμον ἀμπετάσας
δέξατο ξεῖνον νοτερῶι βλεφάρωι͵
τᾶς φίλας κλαίων ἀλόχου νέκυν ἐν
δώμασιν ἀρτιθανῆ· τὸ γὰρ εὐγενὲς
ἐκφέρεται πρὸς αἰδῶ. 615
Ἐν τοῖς ἀγαθοῖσι δὲ πάντ΄ ἔνε
στιν· σοφίας ἄγαμαι.
Πρὸς δ΄ ἐμᾶι ψυχᾶι θράσος ἧσται
θεοσεβῆ φῶτα κεδνὰ πράξειν.

LE CHOEUR.

Que fais-tu, Admète ? Dans le malheur qui t'accable, comment peux-tu recevoir un hôte ? As-tu perdu le sens ?

ADMÈTE.

Mais si j'avais repoussé cet hôte de mon palais et de la ville, m'approuverais-tu davantage ? Non certes. Mon malheur n'en serait pas moindre, et j'aurais manqué aux lois de l'hospitalité. À mes maux se joindrait cet autre mal, de voir ma maison appelée inhospitalière. Mais moi, j'ai en lui un hôte dévoué, quand je vais dans l'aride contrée d'Argos.

LE CHOEUR.

Comment donc lui as-tu caché le malheur qui t'arrive, si, comme tu le dis, c'est un ami qui viεnt chez toi ?

ADMÈTE.

Jamais il n'aurait voulu entrer dans ma maison, s'il avait su quelque chose de mes malheurs. Il en est peut-être à qui je ne parais pas raisonnable en agissant ainsi, et qui ne m'approuveront pas. Mais ma maison ne sait ni repousser ni mal accueillir les étrangers. (Il quitte la scène. )

LE CHOEUR.

Ô maison hospitalière et libérale d'Admète, Apollon Pythien, à la lyre harmonieuse, daigna t'habiter ; il ne rougit pas de devenir berger sous ton toit, et, conduisant tes troupeaux sur le penchant des collines, il leur sifflait, sur sa flûte champêtre, les airs par lesquels les pâtres les invitent à l'amour. Attirés par ses accents, on vit paître auprès d'eux les lynx tachetés ; on vit accourir des bocages du mont Othrys (21) la troupe fauve des lions ; autour de ta lyre, ô Phébus, bondissait le faon à la peau nuancée, s'élançant, d'un pied léger, au delà des sapins à la haute chevelure, pour venir entendre tes doux accords.

Grâce à toi, Admète habite un domaine riche en troupeaux, qui errent sur les bords riants du lac de Bœbé (22) ; et, par ses champs cultivés et ses vastes plaines, il marque ses limites, du côté du soleil couchant, sous le ciel des Molosses ; et vers les bords orageux de la mer Égée, il est maître du Pélion.

Et maintenant, ouvrant sa maison, il y reçoit un hôte, l'œil encore humide, et pleurant une tendre épouse, morte récemment dans ce palais ; car les naturels généreux sont portés à respecter autrui. Tous les dons de la nature sont le partage des gens de bien ; et mon cœur a la ferme confiance que le mortel pieux doit prospérer.

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ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἀνδρῶν Φεραίων εὐμενὴς παρουσία͵ 620
νέκυν μὲν ἤδη πάντ΄ ἔχοντα πρόσπολοι
φέρουσιν ἄρδην πρὸς τάφον τε καὶ πυράν·
ὑμεῖς δὲ τὴν θανοῦσαν͵ ὡς νομίζεται͵
προσείπατ΄ ἐξιοῦσαν ὑστάτην ὁδόν.

 ΧΟΡΟΣ

Καὶ μὴν ὁρῶ σὸν πατέρα γηραιῶι ποδὶ 625
στείχοντ΄͵ ὀπαδούς τ΄ ἐν χεροῖν δάμαρτι σῆι
κόσμον φέροντας͵ νερτέρων ἀγάλματα.

 ΦΕΡΗΣ

Ἥκω κακοῖσι σοῖσι συγκάμνων͵ τέκνον·
ἐσθλῆς γάρ͵ οὐδεὶς ἀντερεῖ͵ καὶ σώφρονος
γυναικὸς ἡμάρτηκας. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν 630
φέρειν ἀνάγκη καίπερ ὄντα δύσφορα.
Δέχου δὲ κόσμον τόνδε καὶ κατὰ χθονὸς
ἴτω. Τὸ ταύτης σῶμα τιμᾶσθαι χρεών͵
ἥτις γε τῆς σῆς προύθανε ψυχῆς͵ τέκνον͵
καί μ΄ οὐκ ἄπαιδ΄ ἔθηκεν οὐδ΄ εἴασε σοῦ 635
στερέντα γήραι πενθίμωι καταφθίνειν͵
πάσαις δ΄ ἔθηκεν εὐκλεέστερον βίον
γυναιξίν͵ ἔργον τλᾶσα γενναῖον τόδε.
Ὦ τόνδε μὲν σώσασ΄͵ ἀναστήσασα δὲ
ἡμᾶς πίτνοντας͵ χαῖρε͵ κἀν Ἅιδου δόμοις 640
εὖ σοι γένοιτο. Φημὶ τοιούτους γάμους
λύειν βροτοῖσιν͵ ἢ γαμεῖν οὐκ ἄξιον.

ΑΔΜΗΤΟΣ

Οὔτ΄ ἦλθες ἐς τόνδ΄ ἐξ ἐμοῦ κληθεὶς τάφον
οὔτ΄ ἐν φίλοισι σὴν παρουσίαν λέγω.
Κόσμον δὲ τὸν σὸν οὔποθ΄ ἥδ΄ ἐνδύσεται· 645
οὐ γάρ τι τῶν σῶν ἐνδεὴς ταφήσεται.
Τότε ξυναλγεῖν χρῆν σ΄ ὅτ΄ ὠλλύμην ἐγώ·
σὺ δ΄ ἐκποδὼν στὰς καὶ παρεὶς ἄλλωι θανεῖν
νέωι γέρων ὢν τόνδ΄ ἀποιμώξηι νεκρόν;
οὐκ ἦσθ΄ ἄρ΄ ὀρθῶς τοῦδε σώματος πατήρ͵ 650
οὐδ΄ ἡ τεκεῖν φάσκουσα καὶ κεκλημένη
μήτηρ μ΄ ἔτικτε͵ δουλίου δ΄ ἀφ΄ αἵματος
μαστῶι γυναικὸς σῆς ὑπεβλήθην λάθραι.
Ἔδειξας εἰς ἔλεγχον ἐξελθὼν ὃς εἶ͵
καί μ΄ οὐ νομίζω παῖδα σὸν πεφυκέναι. 655
Ἦ τἄρα πάντων διαπρέπεις ἀψυχίαι͵
ὃς τηλικόσδ΄ ὢν κἀπὶ τέρμ΄ ἥκων βίου
οὐκ ἠθέλησας οὐδ΄ ἐτόλμησας θανεῖν
τοῦ σοῦ πρὸ παιδός͵ ἀλλὰ τήνδ΄ εἰάσατε
γυναῖκ΄ ὀθνείαν͵ ἣν ἐγὼ καὶ μητέρα 660
καὶ πατέρ΄ ἂν ἐνδίκως ἂν ἡγοίμην μόνην.
Καίτοι καλόν γ΄ ἂν τόνδ΄ ἀγῶν΄ ἠγωνίσω
τοῦ σοῦ πρὸ παιδὸς κατθανών͵ βραχὺς δέ σοι
πάντως ὁ λοιπὸς ἦν βιώσιμος χρόνος.
[Κἀγώ τ΄ ἂν ἔζων χἤδε τὸν λοιπὸν χρόνον͵ 665
κοὐκ ἂν μονωθεὶς ἔστενον κακοῖς ἐμοῖς.]
Καὶ μὴν ὅσ΄ ἄνδρα χρὴ παθεῖν εὐδαίμονα
πέπονθας· ἥβησας μὲν ἐν τυραννίδι͵
παῖς δ΄ ἦν ἐγώ σοι τῶνδε διάδοχος δόμων͵
ὥστ΄ οὐκ ἄτεκνος κατθανὼν ἄλλοις δόμον 670
λείψειν ἔμελλες ὀρφανὸν διαρπάσαι.
Οὐ μὴν ἐρεῖς γέ μ΄ ὡς ἀτιμάζοντα σὸν
γῆρας θανεῖν προύδωκας͵ ὅστις αἰδόφρων
πρὸς σ΄ ἦ μάλιστα· κἀντὶ τῶνδέ μοι χάριν
τοιάνδε καὶ σὺ χἠ τεκοῦσ΄ ἠλλαξάτην. 675
Τοιγὰρ φυτεύων παῖδας οὐκέτ΄ ἂν φθάνοις͵
οἳ γηροβοσκήσουσι καὶ θανόντα σε
περιστελοῦσι καὶ προθήσονται νεκρόν.
Οὐ γάρ σ΄ ἔγωγε τῆιδ΄ ἐμῆι θάψω χερί·
τέθνηκα γὰρ δὴ τοὐπὶ σ΄. Εἰ δ΄ ἄλλου τυχὼν 680
σωτῆρος αὐγὰς εἰσορῶ͵ κείνου λέγω
καὶ παῖδά μ΄ εἶναι καὶ φίλον γηροτρόφον.
Μάτην ἄρ΄ οἱ γέροντες εὔχονται θανεῖν͵
γῆρας ψέγοντες καὶ μακρὸν χρόνον βίου·
ἢν δ΄ ἐγγὺς ἔλθηι θάνατος͵ οὐδεὶς βούλεται 685
θνήισκειν͵ τὸ γῆρας δ΄ οὐκέτ΄ ἔστ΄ αὐτοῖς βαρύ.

ADMÈTE.

Citoyens de Phères, dont la présence témoigne l'affection, déjà mes serviteurs portent le corps d'Alceste, paré de tous ses ornements, à sa sépulture et au bûcher. Vous, selon la coutume, adressez vos adieux à l'infortunée qui fait son dernier voyage.

LE CHOEUR.

Je vois ton père qui s'avance d'un pas appesanti par la vieillesse, et les serviteurs portant dans leurs mains des ornements pour ton épouse, présents agréables aux morts.

PHÉRÈS.

Je partage tes peines, mon fils ; tu as perdu une épouse vertueuse et chaste, personne ne le niera ; mais il faut supporter ce malheur, tout accablant qu'il est. Recois ces vêtements précieux, et dépose-les dans la tombe. C'est un devoir d'honorer celle qui est morte pour te sauver la vie, qui m'a conservé un fils, et qui n'a pas permis que ma vieillesse abandonnée se consumât dans le deuil. Par cette action généreuse, elle a laissé à toutes les femmes une vie glorieuse à imiter. Ô toi qui as sauvé mon fils et relevé.ma vieillesse abattue, adieu : sois heureuse dans le séjour de Pluton. Voilà les mariages profitables aux mortels ; autrement, se marier est inutile.

ADMÈTE.

Ce n'est point appelé par moi que tu es venu à ces funérailles ; et, je le dis, ta présence ne m'est pas agréable. Jamais Alceste ne revêtira les ornements que tu lui offres ; elle n'a besoin de rien qui vienne de toi, pour être ensevelie. Il fallait pleurer, alors que j'allais mourir. Mais tu te tins à l'écart, laissant mourir une autre plus jeune, vieux comme tu es ; et maintenant tu viens gémir sur ce cadavre. Non, tu n'es pas réellement mon père, et celle qui dit m'avoir enfanté, et qu'on appelle ma mère, ne m'a pas enfanté ; mais, issu d'un sang esclave, j'ai été furtivement attaché au sein de ta femme. Par les effets tu as prouvé qui tu es, et je crois fermement que je ne suis pas ton fils. Certes, il faut que tu sois le plus lâche des hommes, toi qui, si avancé en âge, et touchant au terme de la vie, n'as pas voulu, n'as pas osé mourir pour ton fils, mais as laissé cet honneur à une femme, à une étrangère, que seule aujourd'hui j'ai droit de regarder comme ma mère et comme mon père. Certes, c'eût été pour toi une glorieuse épreuve, de mourir pour ton fils : le temps qui te restait à vivre était bien court ; Alceste et moi nous aurions passé sans crainte le reste de nos jours, et je n'aurais pas à pleurer mon veuvage. Cependant tu avais eu en partage tout le bonheur permis à un homme ; ta jeunesse s'est passée sur le trône ; tu avais en moi un fils, héritier de tes états ; tu n'avais donc pas à craindre de mourir sans enfants, et de laisser ta maison en proie à des étrangers. Et ne me dis pas que, méprisant ta vieillesse, je t'ai livré à la mort, moi qui eus toujours tant de respect pour toi ; et telle est la reconnaissance que toi et ma mère vous m'en avez témoignée ! Aussi tu ne peux trop te hâter d'engendrer des enfants qui nourrissent ta vieillesse, et qui, à ta mort, t'ensevelissent et prennent soin de tes funérailles ; car, pour moi, ma main ne t'ensevelira pas ; je suis mort pour toi ; et si j'ai rencontré un autre sauveur à qui je dois la lumière, je suis son fils, et je dois être le soutien de sa vieillesse. C'est donc faussement que les vieillards invoquent la mort, se plaignent de la vieillesse et de la longue durée de la vie ; si la mort approche, aucun d'eux ne veut plus mourir, et la vieillesse n'est plu« pour eux un si pesant fardeau.

 ΧΟΡΟΣ

Παύσασθ΄͵ ἅλις γὰρ ἡ παροῦσα συμφορά·
 ὦ παῖ͵ πατρὸς δὲ μὴ παροξύνηις φρένας.

 ΦΕΡΗΣ

Ὦ παῖ͵ τίν΄ αὐχεῖς͵ πότερα Λυδὸν ἢ Φρύγα
 κακοῖς ἐλαύνειν ἀργυρώνητον σέθεν; 690
 οὐκ οἶσθα Θεσσαλόν με κἀπὸ Θεσσαλοῦ
 πατρὸς γεγῶτα γνησίως ἐλεύθερον;
 ἄγαν ὑβρίζεις καὶ νεανίας λόγους
 ῥίπτων ἐς ἡμᾶς οὐ βαλὼν οὕτως ἄπει.
 Ἐγὼ δέ σ΄ οἴκων δεσπότην ἐγεινάμην 695
 κἄθρεψ΄͵ ὀφείλω δ΄ οὐχ ὑπερθνήισκειν σέθεν·
 οὐ γὰρ πατρῶιον τόνδ΄ ἐδεξάμην νόμον͵
 παίδων προθνήισκειν πατέρας͵ οὐδ΄ Ἑλληνικόν.
 Σαυτῶι γὰρ εἴτε δυστυχὴς εἴτ΄ εὐτυχὴς
 ἔφυς· ἃ δ΄ ἡμῶν χρῆν σε τυγχάνειν ἔχεις. 700
 Πολλῶν μὲν ἄρχεις͵ πολυπλέθρους δέ σοι γύας
 λείψω· πατρὸς γὰρ ταὔτ΄ ἐδεξάμην πάρα.
 Τί δῆτά σ΄ ἠδίκηκα; τοῦ σ΄ ἀποστερῶ;
 μὴ θνῆισχ΄ ὑπὲρ τοῦδ΄ ἀνδρός͵ οὐδ΄ ἐγὼ πρὸ σοῦ.
 Χαίρεις ὁρῶν φῶς· πατέρα δ΄ οὐ χαίρειν δοκεῖς; 705
 ἦ μὴν πολύν γε τὸν κάτω λογίζομαι
 χρόνον͵ τὸ δὲ ζῆν σμικρὸν ἀλλ΄ ὅμως γλυκύ.
 Σὺ γοῦν ἀναιδῶς διεμάχου τὸ μὴ θανεῖν
 καὶ ζῆις παρελθὼν τὴν πεπρωμένην τύχην͵
 ταύτην κατακτάς· εἶτ΄ ἐμὴν ἀψυχίαν 710
 λέγεις͵ γυναικός͵ ὦ κάκισθ΄͵ ἡσσημένος͵
 ἣ τοῦ καλοῦ σοῦ προύθανεν νεανίου;
 σοφῶς δ΄ ἐφηῦρες ὥστε μὴ θανεῖν ποτε͵
 εἰ τὴν παροῦσαν κατθανεῖν πείσεις ἀεὶ
 γυναῖχ΄ ὑπὲρ σοῦ· κἆιτ΄ ὀνειδίζεις φίλοις 715
 τοῖς μὴ θέλουσι δρᾶν τάδ΄͵ αὐτὸς ὢν κακός;
 σίγα· νόμιζε δ΄͵ εἰ σὺ τὴν σαυτοῦ φιλεῖς
 ψυχήν͵ φιλεῖν ἅπαντας· εἰ δ΄ ἡμᾶς κακῶς
 ἐρεῖς͵ ἀκούσηι πολλὰ κοὐ ψευδῆ κακά.

 ΧΟΡΟΣ

Πλείω λέλεκται νῦν τε καὶ τὸ πρὶν κακά· 720
 παῦσαι δέ͵ πρέσβυ͵ παῖδα σὸν κακορροθῶν.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Λέγ΄͵ ὡς ἐμοῦ λέξαντος· εἰ δ΄ ἀλγεῖς κλύων
 τἀληθές͵ οὐ χρῆν σ΄ εἰς ἔμ΄ ἐξαμαρτάνειν.

 ΦΕΡΗΣ

Σοῦ δ΄ ἂν προθνήισκων μᾶλλον ἐξημάρτανον.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ταὐτὸν γὰρ ἡβῶντ΄ ἄνδρα καὶ πρέσβυν θανεῖν;

 ΦΕΡΗΣ

Ψυχῆι μιᾶι ζῆν͵ οὐ δυοῖν͵ ὀφείλομεν. 725

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Καὶ μὴν Διός γε μείζονα ζώηις χρόνον.

 ΦΕΡΗΣ

Ἀρᾶι γονεῦσιν οὐδὲν ἔκδικον παθών;

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Μακροῦ βίου γὰρ ἠισθόμην ἐρῶντά σε.

 ΦΕΡΗΣ

Ἀλλ΄ οὐ σὺ νεκρὸν ἀντὶ σοῦ τόνδ΄ ἐκφέρεις; 730

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Σημεῖα τῆς σῆς γ΄͵ ὦ κάκιστ΄͵ ἀψυχίας.

 ΦΕΡΗΣ

Οὔτοι πρὸς ἡμῶν γ΄ ὤλετ΄· οὐκ ἐρεῖς τόδε.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Φεῦ·

 Εἴθ΄ ἀνδρὸς ἔλθοις τοῦδέ γ΄ ἐς χρείαν ποτέ.

 ΦΕΡΗΣ

Μνήστευε πολλάς͵ ὡς θάνωσι πλείονες. 735

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Σοὶ τοῦτ΄ ὄνειδος· οὐ γὰρ ἤθελες θανεῖν.

 ΦΕΡΗΣ

Φίλον τὸ φέγγος τοῦτο τοῦ θεοῦ͵ φίλον.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Κακὸν τὸ λῆμα κοὐκ ἐν ἀνδράσιν τὸ σόν.

 ΦΕΡΗΣ

Οὐκ ἐγγελᾶις γέροντα βαστάζων νεκρόν.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Θανῆι γε μέντοι δυσκλεής͵ ὅταν θάνηις. 740

 ΦΕΡΗΣ

Κακῶς ἀκούειν οὐ μέλει θανόντι μοι.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Φεῦ φεῦ· τὸ γῆρας ὡς ἀναιδείας πλέων.

 ΦΕΡΗΣ

Ἥδ΄ οὐκ ἀναιδής· τήνδ΄ ἐφηῦρες ἄφρονα.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἄπελθε κἀμὲ τόνδ΄ ἔα θάψαι νεκρόν.

 ΦΕΡΗΣ

Ἄπειμι· θάψεις δ΄ αὐτὸς ὢν αὐτῆς φονεύς͵ 745
 δίκας δὲ δώσεις σοῖσι κηδεσταῖς ἔτι·
 ἦ τἄρ΄ Ἄκαστος οὐκέτ΄ ἔστ΄ ἐν ἀνδράσιν͵
 εἰ μή σ΄ ἀδελφῆς αἷμα τιμωρήσεται.

 ΑΔΜΗΤΟΣ

Ἔρρων νυν αὐτὸς χἠ ξυνοικήσασά σοι͵
 ἄπαιδε παιδὸς ὄντος͵ ὥσπερ ἄξιοι͵ 750
 γηράσκετ΄· οὐ γὰρ τῶιδ΄ ἔτ΄ ἐς ταὐτὸν στέγος
 νεῖσθ΄· εἰ δ΄ ἀπειπεῖν χρῆν με κηρύκων ὕπο
 τὴν σὴν πατρώιαν ἑστίαν͵ ἀπεῖπον ἄν.
 Ἡμεῖς δέ͵ τοὐν ποσὶν γὰρ οἰστέον κακόν. 755
 Στείχωμεν͵ ὡς ἂν ἐν πυρᾶι θῶμεν νεκρόν.

 ΧΟΡΟΣ

Ἰὼ ἰώ. Σχετλία τόλμης͵
 ὦ γενναία καὶ μέγ΄ ἀρίστη͵
 χαῖρε· πρόφρων σε χθόνιός θ΄ Ἑρμῆς
 Ἅιδης τε δέχοιτ΄. Εἰ δέ τι κἀκεῖ
 πλέον ἔστ΄ ἀγαθοῖς͵ τούτων μετέχουσ΄
 Ἅιδου νύμφηι παρεδρεύοις. 760

suite

LE CHOEUR.

Cessez vos débats : il suffit du malheur présent, mon fils ; n'aigris pas le cœur de ton père.

PHÉRÈS.

Mon fils, qui prétends-tu invectiver ainsi ? Est-ce quelque esclave lydien ou phrygien acheté à prix d'argent ? Ne sais-tu pas que je suis Thessalien, fils d'un père thessalien, et né libre ? Tes outrages passent les bornes ; tu lances contre moi d'insolents propos de jeune homme ; mais ce ne sera pas impunément. Je t'ai donné le jour et je t'ai élevé, pour être après moi  le maître de ma maison ; mais rien ne m'oblige à mourir pour toi. Ni les coutumes de nos ancêtres, ni les lois de la Grèce, n'imposent aux pères de mourir pour leurs enfants : chacun vit pour soi, heureux ou malheureux. Tout ce que je devais te donner, tu l'as reçu de moi : tu commandes à un grand nombre d'hommes, et je te laisserai de vastes domaines : je les ai reçus de mon père. En quoi t'ai-je fait tort ? de quoi t'ai-je privé ? Ne meurs pas pour moi, ni moi pour toi. Tu aimes à jouir de la lumière ; et crois- tu que ton père ne l'aime pas ? Je songe que le temps de notre séjour dans les enfers sera long, et que cette vie est courte, mais douce. Toi-même tu as bataillé sans honte pour ne pas mourir, et tu vis, tu as franchi le terme fatal, en sacrifiant ton épouse. Et tu me reproches ma lâcheté, infâme, vaincu par une femme qui est morte pour toi, beau jeune homme ! Tu as trouvé là un heureux moyen de ne jamais mourir, si tu peux toujours persuader à I'épouse que tu auras, de mourir pour toi. Et ensuite tu fais un reproche à tes amis qui se refusent à le faire, quand toi-même tu n'en as pas le courage. Tais-toi : songe que si tu tiens à la vie, les autres y tiennent de même ; et si tu m'outrages, tu entendras de moi des vérités peu agréables.

LE CHOEUR.

C'est trop d'outrages de part et d'autre : cesse, vieillard, d'injurier ton fils.

ADMÈTE.

Dis tes griefs, puisque j'ai dit les miens ; mais, si la vérité te blesse, il ne fallait pas avoir de tort envers moi. •

 PHÉRÈS.

Si j'étais mort pour toi, mon tort eût été plus grand.

ADMÈTE.

Est-ce donc la même chose, de mourir jeune ou vieux ?

PHÉRÈS.

Nous n'avons qu'une vie, et non deux.

ADMÈTE.

Puisses-tu donc vivre plus que Jupiter !

PHÉRÈS.

Quoi ! tu lances des imprécations contre des parents qui ne t'ont fait aucun mal !

ADMÈTE.

Ne sais-je pas que tu désires une longue vie ?

PHÉRÈS.

Et toi, n'as-tu pas livré au tombeau ce cadavre à la place ?

ADMÈTE.

Méchant, c'est une preuve de ta lâcheté.

PHÉRÈS.

Du moins ce n'est pas pour moi qu'elle est morte ; tu ne pourras pas le dire.

ADMÈTE.

Ah ! puisses-tu avoir un jour besoin de moi !

PHÉRÈS.

Prends plusieurs épouses, afin qu'un plus grand nombre meurent pour toi.

ADMÈTE.

Sur toi tombe le reproche, car tu as refusé de mourir.

PHÉRÈS.

Il est doux de voir la lumière du soleil ; oui, c'est bien doux.

ADMÈTE.

Sentiments bas, et indignes d'un homme !

PHÉRÈS.

Tu n'as pas la joie de porter un vieillard au tombeau.

ADMÈTE.

Tu n'en mourras pas moins, mais sans gloire.

PHÉRÈS.

Qu'on parle mal de moi, peu m'importe après ma mort.

ADMÈTE.

Hélas ! hélas ! que la vieillesse a d'impudence !

PHÉRÈS.

Alceste ne fut pas impudente, mais elle fut insensée.

ADMÈTE.

Va-t'en, et laisse-moi ensevelir ce corps.

PHÉRÈS.

Je m'en vais : ensevelis-la, toi qui es son meurtrier. Mais tu seras puni par les parents de ta femme ; certes, Acaste ne comptera plus pour un homme, s'il ne venge sur toi le sang de sa sœur.

ADMÈTE. Va donc, toi et ta femme ; vieillissez comme vous le méritez, sans enfants, quoique je vive encore. Car vous n'habiterez plus avec moi sous le même toit ; et s'il m'était possible de déclarer publiquement par des hérauts que je renonce à mes droits sur la maison paternelle, je le ferais. Mais nous (puisqu'il faut supporter le malheur), allons porter ce corps sur le bûcher.

LE CHOEUR.

Ô victime de ton courage, ô la plus généreuse et la meilleure des épouses, adieu. Que Mercure infernal et Pluton t'accueillent avec bienveillance ; et, s'il v a là-bas des récompenses pour les justes, puisses-tu y participer, et prendre place à côté de l'épouse de Pluton (23) !

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suite

(1) On sait qu'en grec le nom de la Mort est masculin. — Macrobe. le traduit en latin par Orcus (Saturnal., V, )

(2) Le père et la mère dAdmète.

(3) Σοφὸς, dans le sens de σοφιστὴς, raisonneur subtil.

(4) Il était usité dans les sacrifices, chez les Grecs, de couper d'abord des poils sur le front de la victime, et de les faire brûler sur l'autel. Ainsi dans l'Enéide, VI,  :

Et summas carpens media inter cornua setas,
Ignibus imponit sacris, libamina prima.

(5) Virgile, Énéide, IV,, dit de Proserpine ce qu'Euripide applique ici à la Mort :

nondum illi flauum Proserpina uertice crinem
abstulerat Stygioque caput damnauerat Orco.
ergo Iris croceis per caelum roscida pennis
mille trahens uarios aduerso sole colores
deuolat et supra caput astitit : Hunc ego Diti
sacrum iussa fero teque isto corpore soluo.
Sic ait et dextra crinem secat, omnis et una
dilapsus calor atque in uentos uita recessit.

(6) Il y avait un temple d'Apollon, où l'on rendait des oracles, à Patare ville de Lycie. Virgile, En., IV,  :

Qualis ubi hibernam Lyciam Xanthique fluenta
Deserit, et Delum materna invisit Apollo.

(7) Esculape.

(8)  Ceci a été parodié par Aristophane, dans les Chevaliers, v. , page  de ma traduction.

(9) Iolcos, ville de Thessalie, où avait régné Pélias, père d'Alceste.

(10) Racine, dans la préface de son Iphigénie, a traduit ainsi ce passage :

Je vois déjà la rame, et la barque fatale ;
J'entends le vieux nocher sur la rive infernale.
Impatient . il crie : On t'attend ici-bas,
Tout est prêt ; descends, viens, ne me retarde pas.

(11) Brumoy pensait que ceci se rapporte au délai d'un ou deux jours que les créanciers laissaient à leurs débiteurs pour s'acquitter. Il est plus probable que cela faisait allusion à  l'usage établi, dans les condamnations capitales,  de laisser au condamné un délai de trois jours pour l'exécution de la sentence.

(12) Il y a ici une lacune de quelques mots dans le texte. Barnès a essayé de la restituer, pour compléter la strophe.

(13) C'était un usage de couper les crins des chevaux en signe de deuil. Voir Hérodote, IX,, Plutarque, Vie de Pélopidas et d'Alexandre.

(14)  Le mois appelé à Sparte carnéen répondait au mois thargélion des Athéniens, et au mois d'avril des Romains. Les fêtes dont parle ici le Chœur étaient des jeux et des combats de musique qui se célébraient à Sparte et à Athènes le septième jour de ce mois jusqu'au seizième, lorsque la lune était dans son plein. Comme ces combats poétiques se faisaient en l'honneur d'Apollon, on les appelait carnêens, du nom de Carnus, fameux poète et musicien, fils de Jupiter et d'Europe, favori d'Apollon.

(15) Il y a ici dans le texte une lacune de trois mots, que M. Boissonade a suppléés

(16) Bistonie, contrée de la Thrace, entre l'Hébre et le fleuve Nésius.

(17) Eurysthée.

(18)Jupiter eut Persée de Danaé ; Persée fut père d'Alcée, qui eut pour fils Amphitryon, mari d'Alcmène. Ce fut d'elle et de Jupiter que naquit Hercule.

(19) Il faut exprimer ici le double sens du mot χαῖρε, à cause des vers suivants.

(20) Θύρας μεσαύλους, la porte qui séparait les deux corps de logis des maisons, et qui conduisait de la cour a l'appartement des femmes. La porte extérieure, qui ouvrait sur la rue, s'appelait αὔλειος.

(21) Montagne de la Thessalie.

(22) Voici un passage de l'Iliade, II, H-I, qui n'est pas étranger à notre sujet : « Ceux qui possédaient Phères, près du lac Bœbéis, et Bœbé, et Glaphyre, et la riche lolcos, ont suivi sur onze vaisseaux le fils chéri  d'Admète, Eumèle, qu'enfanta l'épouse d'Admète, Alceste, la plus noble des femmes, elle qui par sa beauté l'emportait sur toutes les filles de Pélias. »