Denys d'Halicarnasse
Antiquités Romaines
livre II
L'enlèvement des Sabines
+ Tite-Live
XXX. 1.
Αἱ δὲ ἄλλαι πράξεις αἵ τε κατὰ τοὺς πολέμους
ὑπὸ τοῦ ἀνδρὸς γενόμεναι καὶ αἱ κατὰ {τὴν}
πόλιν, ὧν ἄν τις καὶ λόγον ποιήσαιτ´ ἐν ἱστορίας
γραφῇ, τοιαῦταί τινες παραδίδονται.
2. πολλῶν περιοικούντων
τὴν Ῥώμην ἐθνῶν μεγάλων τε καὶ τὰ πολέμια
ἀλκίμων, ὧν οὐδὲν ἦν τοῖς Ῥωμαίοις φίλιον,
οἰκειώσασθαι ταῦτα βουληθεὶς ἐπιγαμίαις, ὅσπερ ἐδόκει
τοῖς παλαιοῖς τρόπος εἶναι βεβαιότατος τῶν συναπτόντων
φιλίας, ἐνθυμούμενος δὲ ὅτι βουλόμεναι
μὲν αἱ πόλεις οὐκ ἂν συνέλθοιεν αὐτοῖς ἄρτι τε συνοικιζομένοις
καὶ οὔτε χρήμασι δυνατοῖς οὔτε λαμπρὸν
ἔργον ἐπιδεδειγμένοις οὐδέν, βιασθεῖσαι δὲ εἴξουσιν
εἰ μηδεμία γένοιτο περὶ τὴν ἀνάγκην ὕβρις, γνώμην
ἔσχεν, ᾗ καὶ Νεμέτωρ ὁ πάππος αὐτοῦ προσέθετο,
δι´ ἁρπαγῆς παρθένων ἀθρόας γενομένης ποιήσασθαι
τὰς ἐπιγαμίας.
3. γνοὺς δὲ ταῦτα θεῷ μὲν εὐχὰς τίθεται
πρῶτον ἀπορρήτων βουλευμάτων ἡγεμόνι, ἐὰν
ἡ πεῖρα αὐτῷ χωρήσῃ κατὰ νοῦν θυσίας καὶ ἑορτὰς
ἄξειν καθ´ ἕκαστον ἐνιαυτόν· ἔπειτα τῷ συνεδρίῳ
τῆς γερουσίας ἀνενέγκας τὸν λόγον, ἐπειδὴ κἀκείνοις
τὸ βούλευμα ἤρεσκεν, ἑορτὴν προεῖπε καὶ πανήγυριν
ἄξειν Ποσειδῶνι καὶ περιήγγελλεν εἰς τὰς ἔγγιστα
πόλεις καλῶν τοὺς βουλομένους ἀγορᾶς τε μεταλαμβάνειν
καὶ ἀγώνων· καὶ γὰρ ἀγῶνας ἄξειν ἔμελλεν
ἵππων τε καὶ ἀνδρῶν παντοδαπούς.
4. συνελθόντων δὲ
πολλῶν ξένων εἰς τὴν ἑορτὴν γυναιξὶν ἅμα καὶ τέκνοις,
ἐπειδὴ τάς τε θυσίας ἐπετέλεσε τῷ Ποσειδῶνι καὶ
τοὺς ἀγῶνας, τῇ τελευταίᾳ τῶν ἡμερῶν, ᾗ διαλύσειν
ἔμελλε τὴν πανήγυριν, παράγγελμα δίδωσι τοῖς νέοις,
ἡνίκ´ ἂν αὐτὸς ἄρῃ τὸ σημεῖον ἁρπάζειν τὰς παρούσας
ἐπὶ τὴν θέαν παρθένους, αἷς ἂν ἐπιτύχωσιν ἕκαστοι,
καὶ φυλάττειν ἁγνὰς ἐκείνην τὴν νύκτα, τῇ δ´
ἑξῆς ἡμέρᾳ πρὸς ἑαυτὸν ἄγειν.
5. οἱ μὲν δὴ νέοι διαστάντες
κατὰ συστροφάς, ἐπειδὴ τὸ σύνθημα ἀρθὲν
εἶδον τρέπονται πρὸς τὴν τῶν παρθένων ἁρπαγήν,
ταραχὴ δὲ τῶν ξένων εὐθὺς ἐγένετο καὶ φυγὴ μεῖζόν
τι κακὸν ὑφορωμένων. τῇ δ´ ἑξῆς ἡμέρᾳ προαχθεισῶν
τῶν παρθένων, παραμυθησάμενος αὐτῶν τὴν
ἀθυμίαν ὁ Ῥωμύλος, ὡς οὐκ ἐφ´ ὕβρει τῆς ἁρπαγῆς
ἀλλ´ ἐπὶ γάμῳ γενομένης, Ἑλληνικόν τε καὶ ἀρχαῖον
ἀποφαίνων τὸ ἔθος καὶ τρόπων συμπάντων καθ´ οὓς
συνάπτονται γάμοι ταῖς γυναιξὶν ἐπιφανέστατον, ἠξίου
στέργειν τοὺς δοθέντας αὐταῖς ἄνδρας ὑπὸ τῆς τύχης·
6. καὶ μετὰ τοῦτο διαριθμήσας τὰς κόρας ἑξακοσίας τε
καὶ ὀγδοήκοντα καὶ τρεῖς εὑρεθείσας κατέλεξεν αὖθις
ἐκ τῶν ἀγάμων ἄνδρας ἰσαρίθμους, οἷς αὐτὰς συνήρμοττε
κατὰ τοὺς πατρίους ἑκάστης ἐθισμούς, ἐπὶ
κοινωνίᾳ πυρὸς καὶ ὕδατος ἐγγυῶν τοὺς γάμους, ὡς
καὶ μέχρι τῶν καθ´ ἡμᾶς ἐπιτελοῦνται χρόνων.
XXX.
1. Voici rapportées par la tradition les autres activités de cet homme, dans les guerres et à Rome, qui peuvent mériter d’être mentionnées dans une histoire.
2. Puisque beaucoup de nations puissantes et belliqueuses demeuraient aux environs de Rome et qu’aucune d'elles n’était amicale aux Romains, il désira se les concilier par des mariages, - selon l'opinion des anciens, c’était la méthode la plus sûre de cimenter des amitiés; mais il considéra que les villes en question
ne s’uniraient pas avec les Romainsde leur plein gré, parce qu’ils s’étaient installés depuis peu de temps dans la ville, et qu’ils n'étaient puissants ni par leur richesses ni par quelque brillant exploit, mais qu'elles céderaient à la force si aucun offense n'accompagnait une telle
contrainte. Il détermina, avec l'approbation de Numitor, son grand-père, de provoquer les mariages désirés par un enlèvement de vierges.
3. Après avoir pris cette résolution, il fit d’abord le vœu au dieu qui préside les desseins secrets de célébrer des sacrifices et des fêtes chaque année si son entreprise réussissait. Puis, après avoir dévoilé son plan au sénat et reçu
son approbation, il annonça qu'il ferait une fête et une assemblée générale en l'honneur de Neptune, et il envoya une invitation aux villes des environs les plus proches, invitant tous ce qui le souhaitaient de venir au rassemblement et de participer aux festivités; il proposait toutes les sortes de concours avec participation de chevaux et d’hommes
4. Et quand beaucoup d'étrangers arrivèrent avec leurs épouses et leurs enfants aux festivités, il offrit des sacrifices à Neptune et commença les jeux: puis, le dernier jour, - celui où devait se terminer la réunion - il commanda aux jeunes gens, quand il donnerait lui-même le signal, de saisir toutes les vierges qui étaient venues au spectacle, chacun prenant la première qu’il rencontrait, de les garder la nuit sans les violer et de les lui amener le jour suivant.
5. Donc les jeunes gens se divisèrent en plusieurs groupes, et dès qu'ils virent le signal convenu, ils entreprirent de se saisir des vierges; et immédiatement ce fut le tumulte chez les étrangers qui redoutaient de plus grands dommages. Le jour suivant, quand les vierges furent amenées devant Romulus, il apaisa leur désespoir en les assurant qu’elles avaient saisies, non pour être violées mais pour se marier; il précisa que c'était une coutume grecque ancienne et que c’était pour des femmes la plus illustre de toutes les façons de contracter mariage, et il leur demanda d'aimer ceux que la fortune leur avait donnés pour maris.
6. Alors il les compta et arriva au nombre de six cent quatre-vingt-trois, il choisit un nombre égal d'hommes célibataires à qui il les unit selon les coutumes du pays de chaque femme, basant les mariages sur une communion du feu et de l'eau, de la même manière que les mariages se font encore aujourd’hui.
TITE-LIVE
[1,9] Iam res Romana adeo erat ualida, ut cuilibet finitimarum ciuitatum bello par esset; sed penuria mulierum hominis aetatem duratura magnitudo erat, quippe quibus nec domi spes prolis nec cum finitimis conubia essent. (1,9,2) Tum ex consilio patrum Romulus legatos circa uicinas gentes misit, qui societatem conubiumque nouo populo peterent: (1,9,3) urbes quoque, ut cetera, ex infimo nasci; dein, quas sua uirtus ac di iuuent, magnas opes sibi magnumque nomen facere; (1,9,4) satis scire origini Romanae et deos adfuisse et non defuturam uirtutem; proinde ne grauarentur homines cum hominibus sanguinem ac genus miscere. (1,9,5) Nusquam benigne legatio audita est; adeo simul spernebant, simul tantam in medio crescentem molem sibi ac posteris suis metuebant. A plerisque rogitantibus dimissi, ecquod feminis quoque asylum aperuissent; id enim demum conpar conubium fore. (1,9,6) Aegre id Romana pubes passa, et haud dubie ad uim spectare res coepit. Cui tempus locumque aptum ut daret Romulus aegritudinem animi dissimulans ludos ex industria parat Neptuno equestri sollemnis; Consualia uocat. (1,9,7) Indici deinde finitimis spectaculum iubet, quantoque apparatu tum sciebant aut poterant, concelebrant, ut rem claram exspectatamque facerent. (1,9,8) Multi mortales conuenere, studio etiam uidendae nouae urbis, maxime proximi quique, Caeninenses, Crustumini, Antemnates; (1,9,9) iam Sabinorum omnis multitudo cum liberis ac coniugibus uenit. Inuitati hospitaliter per domos cum situm moeniaque et frequentem tectis urbem uidissent, mirantur tam breui rem Romanam creuisse. (1,9,10) Vbi spectaculi tempus uenit deditaeque eo mentes cum oculis erant, tum ex composito orta uis, signoque dato iuuentus Romana ad rapiendas uirgines discurrit. (1,9,11) Magna pars forte, in quem quaeque inciderat, raptae; quasdam forma excellentes primoribus patrum destinatas ex plebe homines, quibus datum negotium erat, domos deferebant; (1,9,12) unam longe ante alias specie ac pulchritudine insignem a globo Thalassi cuiusdam raptam ferunt, multisque sciscitantibus, cuinam eam ferrent, identidem, ne quis uiolaret, Thalassio ferri clamitatum: inde nuptialem hanc uocem factam. (1,9,13) Turbato per metum ludicro maesti parentes uirginum profugiunt, incusantes uiolati hospitii scelus deumque inuocantes, cuius ad sollemne ludosque per fas ac fidem decepti uenissent. (1,9,14) Nec raptis aut spes de se melior aut indignatio est minor. Sed ipse Romulus circumibat docebatque patrum id superbia factum, qui conubium finitimis negassent; illas tamen in matrimonio, in societate fortunarum omnium ciuitatisque et, quo nihil carius humano generi sit, liberum fore; (1,9,15) mollirent modo iras et, quibus fors corpora dedisset, darent animos. Saepe ex iniuria postmodum gratiam ortam, eoque melioribus usuras uiris, quod adnisurus pro se quisque sit, ut, cum suam uicem functus officio sit, parentium etiam patriaeque expleat desiderium. (1,9,16) Accedebant blanditiae uirorum, factum purgantium cupiditate atque amore, quae maxime ad muliebre ingenium efficaces preces sunt.
[I, 9] (1) Déjà Rome était assez puissante pour ne redouter aucune des cités voisines; mais elle manquait de femmes, et une génération devait emporter avec elle toute cette grandeur : sans espoir de postérité au sein de la ville, les Romains étaient aussi sans alliances avec leurs voisins. (2) C'est alors que, d'après l'avis du sénat, Romulus leur envoya des députés, avec mission de leur offrir l'alliance du nouveau peuple par le sang et par les traités. (3) "Les villes, disaient-ils, comme toutes les choses d'ici-bas, sont chétives à leur naissance; mais ensuite, si leur courage et les dieux leur viennent en aide, elles se font une grande puissance et un grand nom. (4) Vous ne l'ignorez pas, les dieux ont présidé à la naissance de Rome, et la valeur romaine ne fera pas défaut à cette céleste origine; vous ne devez donc pas dédaigner de mêler avec des hommes comme eux votre sang et votre race." (5) Nulle part la députation ne fut bien accueillie, tant ces peuples méprisaient et redoutaient à la fois pour eux et leurs descendants cette puissance qui s'élevait menaçante au milieu d'eux. La plupart demandèrent aux députés en les congédiant : "Pourquoi ils n'avaient pas ouvert aussi un asile pour les femmes ? Qu'au fond c'était le seul moyen d'avoir des mariages sortables." (6) La jeunesse romaine ressentit cette injure, et tout sembla dès lors faire présager la violence. Mais, dans la pensée de ménager une circonstance et un lieu favorables, Romulus dissimule son ressentiment et prépare, en l'honneur de Neptune Équestre, des jeux solennels, sous le nom de Consualia. (7) Il fait annoncer ce spectacle dans les cantons voisins, et toute la pompe que comportaient l'état des arts et la puissance romaine se déploie dans les préparatifs de la fête, afin de lui donner de l'éclat et d'éveiller la curiosité. (8) Les spectateurs y accourent en foule, attirés aussi par le désir de voir la nouvelle ville, surtout les peuples les plus voisins : les Céniniens, les Crustuminiens, les Antemnates. (9) La nation entière des Sabins vint aussi avec les femmes et les enfants. L'hospitalité leur ouvrit les demeures des Romains, et à la vue de la ville, de son heureuse situation, de ses remparts, du grand nombre de maisons qu'elle renfermait, déjà ils s'émerveillaient de son rapide accroissement. (10) Arrive le jour de la célébration des jeux. Comme ils captivaient les yeux et les esprits, le projet concerté s'exécute : au signal donné, la jeunesse romaine s'élance de toutes parts pour enlever les jeunes filles. (11) Le plus grand nombre devient la proie du premier ravisseur. Quelques-unes des plus belles, réservées aux principaux sénateurs, étaient portées dans leurs maisons par des plébéiens chargés de ce soin. (12) Une entre autres, bien supérieure à ses compagnes par sa taille et sa beauté, était, dit-on, entraînée par la troupe d'un sénateur nommé Talassius; comme on ne cessait de leur demander à qui ils la conduisaient, pour la préserver de toute insulte, ils criaient en marchant : 'à Talassius'. C'est là l'origine de ce mot consacré dans la cérémonie des noces. (13) La terreur jette le trouble dans la fête, les parents des jeunes filles s'enfuient frappés de douleur; et, se récriant contre cette violation des droits de l'hospitalité, invoquent le dieu dont le nom, en les attirant à la solennité de ces jeux, a couvert un perfide et sacrilège guet-apens. (14) Les victimes du rapt partagent ce désespoir et cette indignation; mais Romulus lui-même, les visitant l'une après l'autre, leur représente "que cette violence ne doit être imputée qu'à l'orgueil de leurs pères, et à leur refus de s'allier, par des mariages, à un peuple voisin; que cependant c'est à titre d'épouses qu'elles vont partager avec les Romains leur fortune, leur patrie, et s'unir à eux par le plus doux noeud qui puisse attacher les mortels, en devenant mères. (15) Elles doivent donc adoucir leur ressentiments, et donner leurs coeurs à ceux que le sort a rendus maîtres de leurs personnes. Souvent le sentiment de l'injure fait place à de tendres affections. Les gages de leur bonheur domestique sont d'autant plus assurés, que leurs époux, non contents de satisfaire aux devoirs qu'impose ce titre, s'efforceront encore de remplacer auprès d'elles la famille et la patrie qu'elles regrettent." (16) À ces paroles se joignaient les caresses des ravisseurs, qui rejetaient la violence de leur action sur celle de leur amour, excuse toute puissante sur l'esprit des femmes.