LES ROIS DE SPARTE
Hérodote, livre VI (ERATO)
Prérogatives en temps de guerre
LVI. Γέρεά τε δὴ τάδε τοῖσι βασιλεῦσι Σπαρτιῆται δεδώκασι ἱρωσύνας δύο, Διός τε Λακεδαίμονος καὶ Διὸς οὐρανίου, καὶ πόλεμον ἐκφέρειν ἐπ' ἣν ἂν βούλωνται χώρην, τούτου δὲ μηδένα εἶναι Σπαρτιητέων διακωλυτήν εἰ δὲ μὴ αὐτὸν ἐν τῷ ἄγεϊ ἐνέχεσθαι, στρατευομένων δὲ πρώτους ἰέναι τοὺς βασιλέας ὑστάτους δὲ ἀπιέναι· ἑκατὸν δὲ ἄνδρας λογάδας ἐπὶ στρατιῆς φυλάσσειν αὐτούς· προβάτοισι δὲ χρᾶσθαι ἐν τῇσι ἐξοδίῃσι ὁκόσοισι ἂν ὦν ἐθέλωσι, τῶν δὲ θυομένων πάντων τὰ δέρματά τε καὶ τὰ νῶτα λαμβάνειν σφεας.
LVI. Les Spartiates ont accordé à leurs rois les prérogatives suivantes : deux sacerdoces, celui de Jupiter Lacédémonien, et celui de Jupiter Uranien ; le privilège de porter la guerre partout où ils le souhaiteraient, sans qu'aucun Spartiate puisse y apporter d'obstacle, sinon il encourt l'anathème. Lorsque l'armée se met en campagne, les rois marchent à la tête des troupes, et lorsqu'elle se retire, leur poste est au dernier rang. Ils ont à l'armée cent hommes d'élite pour leur garde; dans leurs expéditions, ils prennent autant de bétail qu'ils en veulent, et ils ont pour eux les peaux et le dos de tous les animaux qu'on immole. Tels sont les priviléges dont ils jouissent en temps de guerre.
Prérogatives en temps de paix
LVII.
Ταῦτα
μὲν τὰ ἐμπολέμια, τὰ δὲ ἄλλα τὰ
εἰρηναῖα κατὰ τάδε σφι δέδοται. ἢν θυσίη
τις δημοτελὴς ποιέηται, πρώτους ἐπὶ τὸ
δεῖπνον ἵζειν τοὺς βασιλέας, καὶ ἀπὸ
τούτων πρῶτον ἄρχεσθαι διπλήσια
νέμοντας ἑκατέρῳ τὰ πάντα ἢ τοῖσι
ἄλλοισι δαιτυμόνεσι καὶ σπονδαρχίας
εἶναι τούτων καὶ τῶν τυθέντων τὰ
δέρματα.
[2] Νεομηνίας δὲ πάσας καὶ ἑβδόμας
ἱσταμένου τοῦ μηνὸς δίδοσθαι ἐκ τοῦ
δημοσίου ἱρήιον τέλεον ἑκατέρῳ ἐς
᾿Απόλλωνος καὶ μέδιμνον ἀλφίτων καὶ
οἴνου τετάρτην Λακωνικήν, καὶ ἐν τοῖσι
ἀγῶσι πᾶσι προεδρίας ἐξαιρέτους· καὶ
προξείνους ἀποδεικνύναι τούτοισι
προσκεῖσθαι τοὺς ἂν ἐθέλωσι τῶν ἀστῶν,
καὶ Πυθίους αἱρέεσθαι δύο ἑκάτερον. Οἱ
δὲ Πύθιοι εἰσὶ θεοπρόποι ἐς Δελφούς
σιτεόμενοι μετὰ τῶν βασιλέων τὰδημόσια.
[3] Μὴ ἐλθοῦσι δὲ τοῖσι βασιλεῦσι ἐπὶ τὸ
δεῖπνον ἀποπέμπεσθαί σφι ἐς τὰ οἰκία
ἀλφίτων τε δύο χοίνικας ἑκατέρῳ καὶ
οἴνου κοτύλην, παρεοῦσι δὲ διπλήσια
πάντα δίδοσθαι· τὠυτὸ δὲ τοῦτο καὶ πρὸς
ἰδιωτέων κληθέντας ἐπὶ δεῖπνον
τιμᾶσθαι.
[4] Τὰς δὲ μαντηίας τὰς γινομένας τούτους
φυλάσσειν, συνειδέναι δὲ καὶ τοὺς
Πυθίους. Δικάζειν δὲ μούνους τοὺς
βασιλέας τοσάδε μοῦνα, πατρούχου τε
παρθένου πέρι, ἐς τὸν ἱκνέεται ἔχειν, ἢν
μή περ ὁ πατὴρ αὐτὴν ἐγγυήσῃ, καὶ ὁδῶν
δημοσιέων πέρι·
[5] καὶ ἤν τις θετὸν παῖδα ποιέεσθαι
ἐθέλῃ, βασιλέων ἐναντίον ποιέεσθαι. Καὶ
παρίζειν βουλεύουσι τοῖσι γέρουσι ἐοῦσι
δυῶν δέουσι τριήκοντα· ἢν δὲ μὴ ἔλθωσι
τοὺς μάλιστά σφι τῶν γερόντων
προσήκοντας ἔχειν τὰ τῶν βασιλέων γέρεα,
δύο ψήφους τιθεμένους, τρίτην δὲ τὴν
ἑωυτῶν.
LVII. 1. Voici maintenant
ceux qu'ils ont en temps de paix. S'il se fait un sacrifice au nom de la ville,
les rois sont assis au festin à la première place, on les sert les premiers,
et on leur donne à chacun le double de ce qu'ont les autres convives. Ils font
aussi les premiers les libations, et les peaux des animaux qu'on immole leur
appartiennent.
2. On leur donne à chacun tous les mois, le 1er et le 7, aux frais publics, une
victime parfaite, qu'ils sacrifient dans le temple d'Apollon. On y joint aussi
une médimne de farine d'orge et une quarte de vin, mesure de Lacédémone. Dans
tous les jeux ils ont la place d'honneur, et ils nomment à la dignité de proxènes,
qui bon leur semble parmi les citoyens. C'est une de leurs prérogatives. Ils
choisissent aussi chacun deux Pythiens, qui sont nourris avec eux aux dépens de
l'État. Tel est le nom qu'on donne aux députés qu'on envoie à Delphes
consulter le dieu.
3. Lorsque les rois ne se trouvent point au repas public, on leur envoie à
chacun deux chénices de farine d'orge avec une cotyle de vin. Lorsqu'ils y
vont, on leur sert une double portion. Si un particulier les invite à un repas,
il leur rend les même honneurs.
4. Ils sont les dépositaires des oracles rendus ; mais les Pythiens doivent en
avoir aussi communication. Les affaires suivantes sont les seules qui soient
soumises à la décision des rois, et ils sont les seuls qui puissent les juger.
Si une héritière n'a point encore été fiancée par son père, ils décident
à qui elle doit être mariée. Les chemins publics les regardent;
5. et si quelqu'un veut adopter un enfant, il ne peut le faire qu'en leur présence.
Ils assistent aux délibérations du sénat, qui est composé de vingt-huit sénateurs.
S'ils n'y vont point, ceux d'entre les sénateurs qui sont leurs plus proches
parents y jouissent des prérogatives des rois; c'est-à-dire qu'ils ont deux
voix, sans compter la leur.
Honneurs après la mort
LVIII.
Ταῦτα
μὲν ζῶσι τοῖσι βασιλεῦσι δέδοται ἐκ τοῦ
κοινοῦ τῶν Σπαρτιητέων, ἀποθανοῦσι δὲ
τάδε. ἱππέες περιαγγέλλουσι τὸ γεγονὸς
κατὰ πᾶσαν τὴν Λακωνικήν, κατὰ δὲ τὴν
πόλιν γυναῖκες περιιοῦσαι λέβητα
κροτέουσι. ἐπεὰν ὦν τοῦτο γίνηται
τοιοῦτο, ἀνάγκη ἐξ οἰκίης ἑκάστης
ἐλευθέρους δύο καταμιαίνεσθαι, ἄνδρα τε
καὶ γυναῖκα· μὴ ποιήσασι δὲ τοῦτο
ζημίαι μεγάλαι ἐπικέαται.
[2] Νόμος δὲ τοῖσι Λακεδαιμονίοισι κατὰ
τῶν βασιλέων τοὺς θανάτους ἐστὶ ὡυτὸς
καὶ τοῖσι βαρβάροισι τοῖσι ἐν τῇ
᾿Ασίῃ· τῶν γὰρ ὦν βαρβάρων οἱ πλεῦνες
τῷ αὐτῷ νόμῳ χρέωνται κατὰ τοὺς
θανάτους τῶν βασιλέων. ἐπεὰν γὰρ
ἀποθάνῃ βασιλεὺς Λακεδαιμονίων ἐκ
πάσης δεῖ Λακεδαίμονος, χωρὶς
Σπαρτιητέων ἀριθμῷ τῶν περιοίκων
ἀναγκαστοὺς ἐς τὸ κῆδος ἰέναι.
[3] Τούτων ὦν καὶ τῶν εἱλωτέων καὶ αὐτῶν
Σπαρτιητέων ἐπεὰν συλλεχθέωσι ἐς τὠυτὸ
πολλαὶ χιλιάδες σύμμιγα τῇσι γυναιξί,
κόπτονταί τε τὰ μέτωπα προθύμως καὶ
οἰμωγῇ διαχρέωνται ἀπλέτῳ φάμενοι, τὸν
ὕστατον αἰεὶ ἀπογενόμενον τῶν βασιλέων,
τοῦτον δὴ γενέσθαι ἄριστον. ὃς δ' ἂν ἐν
πολέμῳ τῶν βασιλέων ἀποθάνῃ, τούτῳ δὲ
εἴδωλον σκευάσαντες ἐν κλίνῃ εὖ
ἐστρωμένῃ ἐκφέρουσι. ἐπεὰν δὲ θάψωσι,
ἀγορὴ δέκα ἡμερέων οὐκ ἵσταταί σφι οὐδ'
ἀρχαιρεσίη συνίζει, ἀλλὰ πενθέουσι
ταύτας τὰς ἡμέρας.
LVIII. Tels sont les honneurs que la république de Sparte rend à ses rois pendant leur vie. Passons maintenant à ceux qu'elle leur rend après leur mort. À peine ont-ils terminé leurs jours, qu'on dépêche des cavaliers par toute la Laconie, pour annoncer cette nouvelle ; et des femmes à Sparte parcourent la ville en frappant sur des chaudrons. À ce signal, deux personnes de condition libre, un homme et une femme, prennent dans chaque maison un extérieur sale et malpropre. Ils ne peuvent s'en dispenser, et s'ils y manquaient, ils seraient punis très grièvement. Les usages que pratiquent les Lacédémoniens à la mort de leurs rois ressemblent à ceux des barbares de l'Asie. La plupart de ceux-ci observent en effet les mêmes cérémonies en pareille occasion. Lorsqu'un roi de Lacédémone est mort, un certain nombre de Lacédémoniens, indépendamment des Spartiates, est obligé de se rendre à ses funérailles de toutes les parties de la Laconie. Lorsqu'ils se sont assemblés dans le même endroit avec les Ilotes et les Spartiates eux-mêmes, au nombre de plusieurs milliers, ils se frappent le front à grands coups, hommes et femmes ensemble, en poussant des cris lamentables, et ne manquent jamais de dire que le dernier mort des rois était le meilleur. Si l'un des rois meurt à la guerre, on en fait faire une figure qu'on porte an lieu de la sépulture, sur un lit richement orné. Quand on l'a mis en terre, le peuple cesse ses assemblées, les tribunaux vaquent pendant dix jours, et durant ce temps le deuil est universel.