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ORIBASE.

COLLECTION MÉDICALE. (livre VI)

Contre le trac

 

 


 

Τίς ὁ τῆς ἀναφωνήσεως τρόπος ;

Δεῖ δὲ τὸν μέλλοντα ἀναφωνεῖν, κοιλίας ἀποδεδωκυίας τριψάμενον ἡσυχῆ, καὶ μάλιστα τὰ κάτω μέρη, τό τε πρόσωπον ἀποσπογλισάμενον ἢ ἀπονιψάμενον, ἠρέμα τε προλαλήσαντα, καὶ μέτρια διαστήσαντα, βέλτιον δὲ καὶ προπεριπατήσαντα οὕτως ἐπὶ τὴν ἀναφώνησιν ἔρχεται. ᾿Αναφωνείτω δὲ ὁ μὲν οὐκ ἄπειρος παιδείας μέμνηται, καὶ δοκεῖ γλαφυρὰ εἶναι, καὶ ὅσα πολλὰς μεταβολὰς ἔχει λειότητός τε καὶ τραχύτητος. Εἰ δὲ ἀνεπιστήμων ἐπῶν εἴη, ἰαμβεῖα λεγέτω · τρίτην δὲ χὼραν ἐλεγεῖα ἐχέτω · τετὰρτην δὲ μέλη. ῎Αμεινον δὲ ἀποστοματίζειν ἤπερ ἀναγινώσκειν τὸν ἀναφωνοῦντα. Δεῖ δὲ πρῶτα μὲν ἐπὶ τῶν βαρυτάτων φθόγγων ἀναφωνεῖν, ὡς οἷόν τε μάλιστα κατασπάσαντα τὴν φωνὴν, εἶτα ἐπὶ τοὺς ὀξυτάτους φθόγγους ἀνάγειν, κἄπειτα μὴ ἐπὶ πολὺ διατρίψαντας ἐπὶ τῆς ὀξύτητος, αὖθις ἀνακάπτειν ὀπίσω, κατὰ βραχὺ ποιουμένους τὴν ὕφεσιν τῆς φωνῆς, ἄχρις ἄν ἐπὶ τὴν βαρυτάτην ἔλθωμεν, ἀπὸ ἧς ἠρξάμεθα. Μέτρον δὲ παρά τε τῆς δυνάμεως καὶ τῆς πτοθυμίας καὶ τοῦ ἔθους ληπτέον.

9. QUELLE EST LA MEILLEURE MÉTHODE DE DÉCLAMATION.

Quand on veut déclamer, on doit auparavant aller à la selle, subir une friction douce, surtout aux parties inférieures, essuyer sa figure avec une éponge ou la laver, causer auparavant doucement et attendre ensuite quelques instants, ou, ce qui vaut mieux encore, se promener auparavant et passer ensuite à la déclamation. Celui qui ne manque pas d'éducation littéraire doit réciter un morceau qu'il sait par coeur, qui lui paraît beau et qui passe fréquemment du langage doux au langage âpre. Si on ne sait pas de vers épiques, on récitera des ïambes ; les élégies occupent le troisième rang, et la poésie lyrique le quatrième. Il vaut mieux, pour celui qui déclame, réciter par coeur que de lire. Il faut d'abord déclamer, en se tenant dans les notes les plus basses, faisant descendre la voix autant que possible, ensuite on montera aux notes les plus élevées, et, après cela, ne s'arrêtant pas longtemps à ces notes élevées, on reviendra au point de départ, en faisant descendre peu à peu la voix, jusqu'à ce qu'on arrive à la note la plus basse, par laquelle on avait commencé. La durée de la déclamation se détermine d'après les forces, le plaisir qu'on y trouve et l'habitude.

10. DE LA DÉCLAMATION SALUTAIRE.

Ayant appris par l'expérience que l'exercice de la voix, exécuté selon la règle, est le plus efficace de tous les moyens qu'on ordonne pour raffermir et pour conserver la santé, je me suis efforcé, autant qu'il m'était possible , de décrire la nature de ce mode de traitement et les diverses manières de l'employer. Il est temps maintenant de dire quelle est la véritable méthode d'exercer la voix pour raffermir la santé du corps et prolonger la vie. Toute voix doit son origine à l'air qui se répartit pendant l'inspiration et l'expiration et qui est façonné (articulation et timbre) par le moyen des organes que la nature a construits à cet effet; ainsi la matière de la voix est l'air qu'on respire, et l'art (moyens expressifs) de la voix, s'il faut s'exprimer de cette façon, réside dans les parties du corps qui donnent une forme à l'air. Les bonnes ou les mauvaises qualités de la voix tiennent donc indispensablement soit à l'air soit aux organes qui lui donnent sa forme ; or ces organes sont la partie supérieure de la trachée, celle qu'on appelle épiglotte, et les diverses parties de la bouche, la langue, le palais, les dents, les lèvres, toutes parties qui sont, construites dans une harmonie et une proportion parfaites avec les fonctions. Il faut donc examiner dans quel état et dans quelles conditions de distribution l'air produit la meilleure voix. Pendant les tons très aigus, il arrive que le cou et la région hyoïdienne sont comprimés et rétrécis , la partie postérieure de la langue étant appuyée fortement vers le haut contre les parties qui environnent la luette, que le reste du tronc éprouve un resserrement proportionné à celui des parties susdites, et que le volume de l'air qui parcourt les organes de la voix est en raison du degré de dilatation de ces parties; au contraire, si on émet ou si on chante les notes les plus graves, le cou se dilate et s'aplatit autant que possible, les parties postérieures de la langue s'éloignent fortement des parties voisines de la luette, beaucoup d'air est poussé à travers ces parties pendant la production de la voix, et tout le reste du corps est détendu et relâché par l'effet de la raréfaction. Il faut donc renoncer sans hésiter à l'émission des notes aiguës, à l'exercice inutile qui consiste à remonter peu à peu depuis les notes les plus graves, et de lutter en forçant sa voix sur les notes aiguës; sous quel rapport, en effet, la beauté du chant et de la voix contribuera-t-elle à raffermir la santé du corps? mais ce sont les notes graves qu'il faut cultiver, car la source principale et la plus importante des bienfaits de la voix, c'est l'air attiré à l'intérieur par l'inspiration en aussi grande quantité que possible, à travers la trachée et les conduits imperceptibles qui s'ouvrent à la surface du corps; on y arrivera surtout par une dilatation considérable des canaux qui attirent l'air; or cette dilatation est opérée par un exercice fait avec soin, qui consiste à faire des efforts pour élargir et pour dilater ces conduits, et à les forcer peu à peu à admettre [par l'inspiration], et à rejeter de nouveau [par l'expiration] autant d'air que possible; car on trouvera que presque tous les bienfaits de la voix viennent de l'abondance de l'air; en effet, on n'émettra jamais une voix forte sans un air puissant par sa quantité, jamais de voix étendue sans disposer d'un air abondant; jamais on ne soutiendra sa voix pendant un long espace de temps, si la quantité de l'air ne suffit pas à la durée de la voix ; il n'y aura pas de voix corsée, claire ou pleine, si l'air par la petitesse et la faiblesse de son émission ne produit qu'un son creux, sourd et mat; les mots ne seront ni entiers ni clairs, s'ils sont dérobés et coupés à cause de la petite quantité d'air qui ne peut suffire à leur émission; [en un mot] ou ne tirera jamais rien de bon de la voix, à moins de mettre en mouvement un air abondant et copieux. Ainsi, puisque la quantité de l'air qu'on respire paraît être le point le plus important sous le rapport des bonnes qualités de la voix, c'est à cela que doivent, avant tout, s'appliquer ceux qui exercent leur voix ; mais quelle est la manière de s'exercer fructueusement? c'est ce qui reste à dire. Or, comme l'attraction de l'air dans l'intérieur du corps se fait par la dilatation de la poitrine, du ventre et des conduits disséminés partout dans la chair (car l'air est poussé forcément dans l'espace vide formé par la dilatation, en vertu de la nécessité qu'impose la nature de remplir le vide), nous admettrons des flots d'air par la bouche, le nez, et aussi une grande quantité par les conduits répandus sur toute la surface, et nous introduirons dans notre intérieur une quantité d'autant plus grande de l'air ambiant, que nous aurons agrandi davantage l'espace vide des parties qui doivent l'attirer. Voilà pourquoi les gens dont la chair est dense et pourvue de pores étroits ont la voix grêle et produisent des sons faibles, tandis que ceux qui ont la chair rare et les pores dilatés ont la voix forte; par conséquent, à cause de l'étroitesse des pores, les enfants, les femmes et les eunuques ont la voix plus faible que les hommes, et les malades plus faible que ceux qui se portent bien. Puisque nous avons prouvé que l'utilité des exercices de la voix dépend de l'abondance de l'air attiré par la respiration et que cette abondance tient à son tour à la dilatation et à l'élargissement des pores, il nous reste à rechercher comment ce dernier effet se produit. Comme tout espace vide et toute cavité dans le corps s'étendent et se dilatent de deux manières, soit que les membranes qui limitent les cavités soient refoulées peu à peu [de l'intérieur] dans l'espace qui les environne de tous côtés, soit que les parties qui enveloppent ces cavités en augmentant peu à peu de volume [augmentent en même temps le leur], nous devons, avec un soin égal, dilater les conduits à l'aide de ces deux moyens. Il faut donc éviter tout resserrement et tout ce qui peut le produire, relâcher autant que possible en maintenant le corps, non pas étendu en longueur, mais ramassé en largeur. On doit, en outre, augmenter la quantité d'air, en s'efforçant tour à tour d'en attirer peu à peu, pendant l'inspiration, plus que de coutume, par la dilatation préalable et volontaire des cavités qui doivent l'admettre, et d'en expulser graduellement autant d'air qu'il est possible à l'extérieur, d'exprimer et d'évacuer avec plus ou moins de force celui qui était entré auparavant; car le relâchement et la diffluence de la chair élargiront les conduits, l'inspiration forcée d'une plus grande quantité d'air les dilatera toujours de plus en plus, et les efforts qu'on fait pendant l'expiration pour rejeter autant d'air que possible, élargissent considérablement les conduits; en effet, la quantité d'air dont on aura besoin pour remplacer celui dont on a usé est d'autant plus grande, qu'un se sera efforcé de vider plus exactement la poitrine d'air pendant l'expiration. Par conséquent, l'exercice de la voix raréfie le corps par la dilatation des conduits, tandis que tous les autres exercices foulent les chairs, les condensent et les épaississent; il rend le corps léger par la dilatation des conduits qui sont au milieu des chairs, les autres le rendent lourd, pesant et épais. On peut voir que la chair façonnée par l'exercice de la voix , au moyen de la raréfaction qu'elle entraîne, cède et prête facilement à toutes les fonctions possibles, tandis que, par les autres exercices, elle devient résistante, dure et insensible ; voilà pourquoi la plupart des athlètes ont l'intelligence plus stupide que le commun des hommes. Il faut donc donner la préférence à l'exercice de la voix, car d'abord elle amène, pendant la lecture et la prononciation même une excrétion manifeste d'humeurs surabondantes; pour ceux qui lisent avec effort, cette excrétion est plus considérable et se fait par là sueur; pour ceux qui y mettent moins d'action, elle se fait par la perspiration insensible, laquelle s'effectue par tout le corps; pour les uns et les autres, elle est produite par les humeurs abondantes rejetées en soufflant pendant l'expiration qui accompagne l'émission des mots, et par les superfluités abondantes expulsées en raclant pendant l'atténuation et l'éréthisme causés par l'émission de la voix aussi bien que par les crachats, le mucus et la pituite qui s'évacuent [ en même temps]. Il se fait aussi, pendant la respiration intense produite à dessein par l'exercice de la voix, à la suite de la dilatation des canaux, une grande dépense d'humeurs, soit qu'elles s'échappent imperceptiblement à la surface du corps, soit qu'on les rejette en soufflant par le nez et par la bouche. Quel autre remède serait plus utile que l'activité produite pendant l'exercice intelligent de la respiration à ceux qui demandent à être échauffés pour cause de froideur? car le souffle, au moyen de son mouvement de progression très varié, excite et allume en nous, pendant le frottement, la chaleur interne, et cause, par la continuité de son action, un tel incendie dans notre corps, que , si nous ne nous rafraîchissions pas à chaque instant par le refroidissement inhérent à l'inspiration, il nous arriverait, sans que nous nous en fussions aperçus, la même chose qu'a ceux qui sont surpris par un accès de chaleur. Nous venons de démontrer que ceux qui exercent convenablement la voix dépensent l'excès d'humidité qui est en eux et corrigent l'excès de refroidissement. Quand, au contraire, le sec ou le chaud semble prédominer outre mesure dans le corps, la grande quantité d'air qui entre pendant l'inspiration, par suite de la dilatation des conduits, humectera fortement les parties desséchées, et ramollira la dureté causée par la sécheresse, car l'air est plus subtil et plus humide que toute espèce d'eau. Est-il encore besoin de dire que rien ne refroidira et n'éteindra mieux la chaleur démesurée du corps que l'air attiré incessamment pendant l'inspiration? Il faut, par conséquent, lire et déclamer souvent, en relâchant tout le corps, et, quand la chair est devenue assez diffluente pour se raréfier, on doit, en s'efforçant de dilater la trachée et les autres conduits de l'air, déclamer dans les notes les plus graves de la voix et renoncer sans hésiter aux sons qui montent graduellement, avec une recherche artistique, à la note de la dernière corde, car l'acuité de la voix est ce qu'il y a de plus contraire à la force, à la puissance et à la dilatation des conduits, tandis qu'elle est favorable à la beauté du chant, à la variété des sons ainsi qu'aux modulations bien ménagées dans le chant, mais on trouvera qu'aucune de ces choses n'est bonne pour raffermir la santé du corps ; il faut étendre, autant que possible, l'émission de la voix dans les notes graves en forçant le son; car il se fait une dépense très évidente de l'humidité intérieure chez ceux qui lisent ou qui parlent tout haut. Ceci se reconnaît par la vapeur abondante qu'on voit sortir de la bouche chez ceux qui lisent, par l'excrétion des superfluités retenues depuis longtemps et qui s'échappent à travers les conduits qui leur sont respectivement destinés, non seulement par ce, qu'on appelle l'expiration, mais aussi, immédiatement, d'une manière perceptible aux sens, par les crachats, le mucus et la pituite pendant l'expuition ; et par tous ces moyens le corps se débarrasse des causes morbifiques. Il ne faut pas employer au hasard et imprudemment les exercices de la voix dont nous venons de parler, recommandation qui s'applique surtout à ceux qui se livrent à cet exercice sans y être accoutumés; on ne doit donc pas s'y livrer ni quand on est rempli d'humeurs mauvaises et corrompues, ni quand on souffre d'une indigestion considérable et évidente, de peur qu'il ne se fasse dans le corps une distribution trop forte de vapeurs corrompues causée par l'activité de l'inspiration et de l'expiration devenue plus intense et plus forcée pendant qu'augmentent la grandeur et l'étendue de la voix.