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Démosthène, PREMIER PLAIDOYER CONTRE APHOBUS.

 

Démosthène dépouillé par des tuteurs

 

 

 


Démosthène était fort jeune lorsque son père mourut. Il avait une soeur aussi en bas âge : leur père les avait laissés tous deux sous la tutelle d'Aphobus, de Démophon et de Thérippide. Les deux premiers étaient ses neveux, le troisième était son ami dès l'enfance. Il avait légué à Thérippide la jouissance de soixante et dix mines, jusqu'à ce que son fils eût pris la robe virile ; à Démophon, sa fille, avec une dot de deux talents ; et à Aphobus, sa femme, avec une dot de quatre-vingts mines et la jouissance de tous les meubles et ustensiles de la maison, jusqu'à ce que le fils fût parvenu à l'âge viril. Suivant Démosthène, la fortune de son père était de quatorze talents. Ses tuteurs, après dix ans de tutelle, auraient dû lui rapporter, avec les intérêts, trente talents ; ils ne lui avaient remis que la valeur de soixante et dix mines. Il attaque Aphobus seul, se réservant d'attaquer les autres ensuite ; il l'attaque en son propre nom, au nom de sa soeur et de sa mère, et conclut à des intérêts considérables. Il prétend que les biens de son père étaient au moins de quatorze talents; il le prouve par la conduite même des tuteurs, par leurs propres aveux, par l'énumération exacte des articles qui ont été laissés; il détruit tous les moyens de défense des adversaires, anime les juges contre Aphobus, et tâche de les intéresser en sa faveur.

[4] Δημοσθένης γὰρ, ὁ ἐμὸς πατήρ, ὦ ἄνδρες δικασταί, κατέλιπεν οὐσίαν μὲν σχεδὸν τεττάρων καὶ δέκα ταλάντων, ἐμὲ δ' ἕπτ' ἐτῶν ὄντα, καὶ τὴν ἀδελφὴν πέντε, ἔτι δὲ τὴν ἡμετέραν μητέρα πεντήκοντα μνᾶς εἰς τὸν οἶκον εἰσενηνεγμένην. Βουλευσάμενος δὲ περὶ ἡμῶν, ὅτ' ἔμελλε τελευτᾷν, ἅπαντα ταῦτα ἐνεχείρισεν Ἀφόβῳ τε τούτῳ, καὶ Δημοφῶντι, τῷ Δήμωνος υἱεῖ, τούτοιν μὲν ἀδελφιδοῖν ὄντοιν, τῷ μὲν ἐξ ἀδελφοῦ, τῷ δ' ἐξ ἀδελφῆς γεγονότοιν, ἔτι δὲ Θηριππίδῃ τῷ Παιανιεῖ, γένει μὲν οὐδὲν προσήκοντι, φίλῳ δ' ἐκ παιδὸς ὑπάρχοντι. [5] Κᾀκείνῳ μὲν ἔδωκεν ἐκ τῶν ἐμῶν ἑβδομήκοντα μνᾶς καρπώσασθαι τοσοῦτον χρόνον, ἕως ἐγὼ ἀνὴρ εἶναι δοκιμασθείην, ὅπως μὴ δι' ἐπιθυμίαν χρημάτων χεῖρόν τι τῶν ἐμῶν διοικήσειεν· Δημοφῶντι δὲ τὴν ἐμὴν ἀδελφὴν, καὶ δύο τάλαντα εὐθὺς ἔδωκεν ἔχειν· αὐτῷ δὲ τούτῳ τὴν μητέρα τὴν ἐμὴν καὶ προῖκα ὀγδοήκοντα μνᾶς, καὶ τὴν οἰκίαν, καὶ σκεύεσι χρῆσθαι τοῖς ἐμοῖς, ἡγούμενος, εἰ καὶ τούτους ἔτι οἰκειοτέρους ἐμοὶ ποιήσειεν, οὐκ ἂν χεῖρόν ἐμὲ ἐπιτροπευθῆναι, ταύτης τῆς οἰκειότητος προσγενομένης. [6] Λαβόντες δ' οὗτοι ταῦτα πρῶτον σφίσιν αὐτοῖς ἐκ τῶν χρημάτων, καὶ τὴν ἄλλην οὐσίαν ἅπασαν διαχειρίσαντες, καὶ δέκα ἔτη ἡμᾶς ἐπιτροπεύσαντες, τὰ μὲν ἄλλα πάντ' ἀπεστερήκασιν, τὴν οἰκίαν δὲ καὶ ἀνδράποδα τέτταρα καὶ δέκα, καὶ ἀργυρίου μνᾶς τριάκοντα, μάλιστα σύμπαντα ταῦτα εἰς ἑβδομήκοντα μνᾶς, παραδεδώκασι.

 

Ὁ γὰρ πατήρ, ὦ ἄνδρες δικασταί, κατέλιπεν δύο ἐργαστήρια, τέχνης οὐ μικρᾶς ἑκάτερον· μαχαιροποιοὺς μὲν τριάκοντα καὶ δύο, ἢ τρεῖς, ἀνὰ πέντε μνᾶς καὶ ἕξ, τοὺς δ' οὐκ ἐλάττονος ἢ τριῶν μνῶν ἀξίους, ἀφ' ὧν τριάκοντα μνᾶς ἀτελεῖς ἐλάμβανεν τοῦ ἐνιαυτοῦ τὴν πρόσοδον· κλινοποιοὺς δ' εἴκοσι τὸν ἀριθμόν, τετταράκοντα μνῶν ὑποκειμένους, οἳ δώδεκα μνᾶς ἀτελεῖς αὐτῷ προσέφερον· ἀργυρίου δ' εἰς τάλαντον ἐπὶ δραχμῇ δεδανεισμένου, οὗ τόκος ἐγίγνετο τοῦ ἐνιαυτοῦ ἑκάστου πλεῖν ἢ ἑπτὰ μναῖ. [10] Καὶ ταῦτα μὲν ἐνεργὰ κατέλιπεν, ὡς καὶ αὐτοὶ οὗτοι ὁμολογήσουσιν. Ὧν γίγνεται, τοῦ μὲν ἀρχαίου κεφάλαιον τέτταρα τάλαντα καὶ πεντακισχίλιαι, τὸ δ' ἔργον αὐτῶν, πεντήκοντα μναῖ τοῦ ἐνιαυτοῦ ἑκάστου· χωρὶς δὲ τούτων ἐλέφαντα μὲν καὶ σίδηρον, ὃν κατηργάζοντο, καὶ ξύλα κλίνεια, εἰς ὀγδοήκοντα μνᾶς ἄξια, κηκῖδα δὲ καὶ χαλκὸν, ἑβδομήκοντα μνῶν ἐωνημένα, ἔτι δ' οἰκίαν τρισχιλίων, ἔπιπλα δὲ, καὶ ἐκπώματα, καὶ χρυσία, καὶ ἱμάτια, καὶ κόσμον τῆς μητρός, ἄξια σύμπαντα ταῦτ' εἰς μυρίας δραχμάς, ἀργυρίου δ' ἔνδον ὀγδοήκοντα μνᾶς· [11] καὶ ταῦτα μὲν οἴκοι κατέλιπεν πάντα· ναυτικὰ δ' ἑβδομήκοντα μνᾶς, ἔκδοσιν παρὰ Ξούθῳ, τετρακοσίας δὲ καὶ δισχιλίας ἐπὶ τῇ τραπέζῃ τῇ Πασίωνος, ἑξακοσίας δ' ἐπὶ τῇ Πυλάδου, παρὰ Δημομέλει δὲ τῷ Δήμωνος υἱεῖ χιλίας καὶ ἑξακοσίας, κατὰ διακοσίας δὲ καὶ τριακοσίας ὁμοῦ τι τάλαντον διακεχρημένον. Καὶ τούτων αὖ τῶν χρημάτων τὸ κεφάλαιον πλέον ἢ ὀκτὼ τάλαντα καὶ πεντήκοντα μναῖ γίγνονται· συμπάντων δ' εἰς τέτταρα καὶ δέκα τάλανθ' εὑρήσετε σκοποῦντες.

[4] Démosthène, mon père, a laissé en mourant un bien d'environ quatorze talents. Je n'avais que sept ans, ma soeur n'en avait que cinq, et la dot qu'avait apportée ma mère, n'était que de cinquante mines. Se voyant près de sa fin, et voulant pourvoir à nos intérêts, il confia nos fortunes et nos personnes à Aphobus, contre lequel je plaide, et à Démophon, fils de Démon, tous deux ses neveux, fils, l'un de son frère et l'autre de sa soeur. Il leur associa Thérippide du bourg de Péanée, son ami dès l'enfance; sans être son parent. [5] Il donna à celui-ci sur mon patrimoine, la jouissance de soixante et dix mines, jusqu'à ce que je fusse parvenu à l'âge viril; et cela pour qu'il ne fût point tenté, par esprit d'intérêt, de s'approprier une partie des biens de la tutelle. Il légua ma soeur à Démophon, avec deux talents, qu'il devait recevoir sur-le-champ. Pour Aphobus, il lui légua ma mère avec une dot de quatre-vingts mines, l'usufruit de tous les meubles et ustensiles de la maison dont il me conservait la propriété. Il pensait que ce nouveau degré de parenté serait, pour ces deux derniers, en faveur de leur pupille, un nouveau motif d'exactitude. [6] Mais, après avoir commencé tous trois par prélever sur mes biens ce qui leur était légué par mon père, chargés d'administrer mon patrimoine, en qualité de tuteurs, ils ont tout soustrait à leur profit, et ne m'ont remis que la maison, quatorze esclaves et trente mines d'argent, objets qui, tous ensemble, ne composent pas un total de plus de soixante et dix mines.

 

Mon père a laissé deux manufactures, toutes deux assez considérables. Il y avait dans l'une trente-deux ou trente-trois esclaves fourbisseurs, dont les uns étaient estimés cinq ou six mines, les autres au moins trois mines. Ils donnaient par an un revenu de trente mines, tous frais déduits. Dans l'autre manufacture étaient vingt esclaves, ouvriers en lits, que mon père avait reçus pour gage d'une créance de quarante mines; ces esclaves produisaient net douze mines, Il a de plus laissé un talent d'argent prêté, dont l'intérêt, à une drachme par mine chaque mois, était de sept mines chaque année. [10] Tels sont les biens, en rapport, qu'a laissés mon père, de l'aveu même de nies tuteurs. Le fonds était de quatre talents cinq mille drachmes, et le revenu chaque année d'environ cinquante mines. Il a laissé, outre cela, de l'ivoire et du fer pour être travaillés, et du bois pour des lits; ces objets étaient estimés environ quatre-vingts mines. Il avait acheté pour soixante et dix mines de noix de gale et d'airain. La maison était de trois mille drachmes : on estimait environ dix mille, les meubles, vases, coupes, bijoux, habits et joyaux de ma mère. On a trouvé quatre-vingts mines d'argent comptant. [11] Tels sont les biens que mon père a laissés dans sa maison. Il avait placé soixante et dix mines sur le vaisseau de Xuthus, deux mille quatre cents drachmes à la banque de Pasion; six cents à celle de Pylade, mille six cents chez Démomèle, fils de Démon. Il avait prêté de divers côtés des sommes de deux cents ou trois cents drachmes : cet objet composait environ un talent. Le total de toutes ces sommes passe huit talents cinquante mines. Tout compté, on trouvera que les biens de mon père montaient à plus de quatorze talents. Tel est le patrimoine qui m'a été laissé.