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ARISTOTE
Politique livre VI

(Ordinairement placé le quatrième.)

livre XIII

Différentes sortes de démocraties

 

CHAPITRE IV.

§ 1. Φανερὸν δὲ τοῦτο καὶ ἐκ τῶν εἰρημένων. Εἴδη γὰρ πλείω τοῦ τε δήμου καὶ τῶν λεγομένων γνωρίμων ἔστιν, οἷον δήμου μὲν εἴδη ἓν μὲν οἱ γεωργοί, ἕτερον δὲ τὸ περὶ τὰς τέχνας, ἄλλο δὲ τὸ ἀγοραῖον τὸ περὶ ὠνὴν καὶ πρᾶσιν διατρῖβον, ἄλλο δὲ τὸ περὶ τὴν θάλατταν, καὶ τούτου τὸ μὲν πολεμικὸν τὸ δὲ χρηματιστικὸν τὸ δὲ πορθμευτικὸν τὸ δ' ἁλιευτικόν νπολλαχοῦ γὰρ ἕκαστα τούτων πολύοχλα, οἷον ἁλιεῖς μὲν ἐν Τάραντι καὶ Βυζαντίῳ, τριηρικὸν δὲ Ἀθήνησιν, ἐμπορικὸν δὲ ἐν Αἰγίνῃ καὶ Χίῳ, πορθμευτικὸν δ' ἐν Τενέδῳῳ, πρὸς δὲ τούτοις τὸ χερνητικὸν καὶ τὸ μικρὰν ἔχον οὐσίαν ὥστε μὴ δύνασθαι σχολάζειν, ἔτι τὸ μὴ ἐξ ἀμφοτέρων πολιτῶν ἐλεύθερον, κἂν εἴ τι τοιοῦτον ἕτερον πλήθους εἶδος· τῶν δὲ γνωρίμων πλοῦτος εὐγένεια ἀρετὴ παιδεία καὶ τὰ τούτοις λεγόμενα κατὰ τὴν αὐτὴν διαφοράν.

§2. Δημοκρατία μὲν οὖν ἐστι πρώτη μὲν ἡ λεγομένη μάλιστα κατὰ τὸ ἴσον. Ἴσον γάρ φησιν ὁ νόμος ὁ τῆς τοιαύτης δημοκρατίας τὸ μηδὲν μᾶλλον ὑπερέχειν τοὺς ἀπόρους ἢ τοὺς εὐπόρους, μηδὲ κυρίους εἶναι ὁποτερουσοῦν, ἀλλ' ὁμοίους ἀμφοτέρους. Εἴπερ γὰρ ἐλευθερία μάλιστ' ἔστιν ἐν δημοκρατίᾳ, καθάπερ ὑπολαμβάνουσί τινες, καὶ ἰσότης, οὕτως ἂν εἴη μάλιστα, κοινωνούτων ἁπάντων μάλιστα τῆς πολιτείας ὁμοίως. Ἐπεὶ δὲ πλείων ὁ δῆμος, κύριον δὲ τὸ δόξαν τοῖς πλείοσιν, ἀνάγκη δημοκρατίαν εἶναι ταύτην.

§ 3. Ἓν μὲν οὖν εἶδος δημοκρατίας τοῦτο, τὸ τὰς ἀρχὰς ἀπὸ τιμημάτων εἴναι, βραχέων δὲ τούτων ὄντων· δεῖ δὲ τῷ κτωμένῳ ἐξουσίαν εἶναι μετέχειν καὶ τὸν ἀποβάλλοντα μὴ μετέχειν·  1292a ἕτερον εἶδος δημοκρατίας τὸ μετέχειν ἅπαντας τοὺς πολίτας ὅσοι ἀνυπεύθυνοι, ἄρχειν δὲ τὸν νόμον· ἕτερον δὲ εἶδος δημοκρατίας τὸ παντὶ μετεῖναι τῶν ἀρχῶν, ἐὰν μόνον ᾖ πολίτης, ἄρχειν δὲ τὸν νόμον· ἕτερον δὲ εἶδος δημοκρατίας τἆλλα μὲν εἶναι ταὐτά, κύριον δ' εἶναι τὸ πλῆθος καὶ μὴ τὸν νόμον.

§ 4. Τοῦτο δὲ γίνεται ὅταν τὰ ψηφίσματα κύρια ᾖ ἀλλὰ μὴ ὁ νόμος· συμβαίνει δὲ τοῦτο διὰ τοὺς δημαγωγούς. Ἐν μὲν γὰρ ταῖς κατὰ νόμον δημοκρατουμέναις οὐ γίνεται δημαγωγός, ἀλλ' οἱ βέλτιστοι τῶν πολιτῶν εἰσιν ἐν προεδρίᾳ· ὅπου δ' οἱ νόμοι μή εἰσι κύριοι, ἐνταῦθα γίνονται δημαγωγοί. Μόναρχος γὰρ ὁ δῆμος γίνεται, σύνθετος εἷς ἐκ πολλῶν· οἱ γὰρ πολλοὶ κύριοί εἰσιν οὐχ ὡς ἕκαστος ἀλλὰ πάντες. Ὅμηρος δὲ ποίαν λέγει οὐκ ἀγαθὸν εἶναι πολυκοιρανίην, πότερον ταύτην ἢ ὅταν πλείους ὦσιν οἱ ἄρχοντες ὡς ἕκαστος, ἄδηλον. Ὁ δ' οὖν τοιοῦτος δῆμος, ἅτε μόναρχος ὤν, ζητεῖ μοναρχεῖν διὰ τὸ μὴ ἄρχεσθαι ὑπὸ νόμου, καὶ γίνεται δεσποτικός, ὥστε οἱ κόλακες ἔντιμοι,

§ 5. καὶ ἔστιν ὁ τοιοῦτος δῆμος ἀνάλογον τῶν μοναρχιῶν τῇ τυραννίδι. Διότι καὶ τὸ ἦθος τὸ αὐτό, καὶ ἄμφω δεσποτικὰ τῶν βελτιόνων, καὶ τὰ ψηφίσματα ὥσπερ ἐκεῖ τὰ ἐπιτάγματα, καὶ ὁ δημαγωγὸς καὶ ὁ κόλαξ οἱ αὐτοὶ καὶ ἀνάλογον. Καὶ μάλιστα δ' ἑκάτεροι παρ' ἑκατέροις ἰσχύουσιν, οἱ μὲν κόλακες παρὰ τοῖς τυράννοις, οἱ δὲ δημαγωγοὶ παρὰ τοῖς δήμοις τοῖς τοιούτοις.

§ 6. Αἴτιοι δέ εἰσι τοῦ εἶναι τὰ ψηφίσματα κύρια ἀλλὰ μὴ τοὺς νόμους οὗτοι, πάντα ἀνάγοντες εἰς τὸν δῆμον· συμβαίνει γὰρ αὐτοῖς γίνεσθαι μεγάλοις διὰ τὸ τὸν μὲν δῆμον πάντων εἶναι κύριον, τῆς δὲ τοῦ δήμου δόξης τούτους· πείθεται γὰρ τὸ πλῆθος τούτοις. Ἔτι δ' οἱ ταῖς ἀρχαῖς ἐγκαλοῦντες τὸν δῆμόν φασι δεῖν κρίνειν, ὁ δὲ ἀσμένως δέχεται τὴν πρόκλησιν· ὥστε καταλύονται πᾶσαι αἱ ἀρχαί.

§ 7. Εὐλόγως δὲ ἂν δόξειεν ἐπιτιμᾶν ὁ φάσκων τὴν τοιαύτην εἶναι δημοκρατίαν οὐ πολιτείαν. Ὅπου γὰρ μὴ νόμοι ἄρχουσιν, οὐκ ἔστι πολιτεία. Δεῖ γὰρ τὸν μὲν νόμον ἄρχειν πάντων τῶν δὲ καθ' ἕκαστα τὰς ἀρχάς, καὶ ταύτην πολιτείαν κρίνειν. Ὥστ' εἴπερ ἐστὶ δημοκρατία μία τῶν πολιτειῶν, φανερὸν ὡς ἡ τοιαύτη κατάστασις, ἐν ᾗ ψηφίσμασι πάντα διοικεῖται, οὐδὲ δημοκρατία κυρίως· οὐθὲν γὰρ ἐνδέχεται ψήφισμα εἶναι καθόλου.

§ 8. Τὰ μὲν οὖν τῆς δημοκρατίας εἴδη διωρίσθω τὸν τρόπον τοῦτον.

 

§ 1. Cette multiplicité d'espèces dans la démocratie et l'oligarchie est une conséquence évidente des raisonnements qui précèdent, puisque nous avons reconnu que la classe inférieure a bien des nuances, et que ce qu'on appelle la classe distinguée n'en a pas moins. Dans la classe inférieure, on peut reconnaître les laboureurs, les artisans, les commerçants, qu'ils vendent ou qu'ils achètent; les gens de mer, qu'ils soient militaires ou spéculateurs, caboteurs ou pêcheurs. Souvent ces professions diverses renferment une foule d'individus. Byzance et Tarente sont peuplées de pêcheurs; Athènes, de matelots; Égine et Chios, de négociants ; Ténédos, de caboteurs. On peut encore comprendre dans la classe inférieure les manoeuvres, les gens de fortune trop médiocre pour vivre sans travailler, ceux qui ne sont citoyens et libres que de père ou de mère seulement, et enfin tous les hommes dont les moyens d'existence se rapprochent de ceux que nous venons d'énumérer. Dans la classe élevée, les distinctions se fondent sur la fortune, la noblesse, le mérite, les lumières et sur d'autres avantages analogues.

§ 2. La première espèce de démocratie est caractérisée par l'égalité; et l'égalité, fondée par la loi dans cette démocratie, signifie que les pauvres n'auront pas de droits plus étendus que les riches, que ni les uns ni les autres ne seront exclusivement souverains, mais qu'ils le seront dans une proportion pareille. Si donc la liberté et l'égalité sont, comme parfois on l'assure, les deux bases fondamentales de la démocratie, plus cette égalité des droits politiques sera complète, plus la démocratie existera dans toute sa pureté ; car le peuple y étant le plus nombreux, et l'avis de la majorité y faisant loi, cette constitution est nécessairement une démocratie. Voilà donc une première espèce.

§ 3. Après elle, en vient une autre où les fonctions publiques sont à la condition d'un cens qui d'ordinaire est fort modique. Les emplois y doivent être accessibles à tous ceux qui possèdent le cens fixé, et fermés à ceux qui ne le possèdent pas. Dans une troisième espèce de démocratie, tous les citoyens dont le titre n'est pas contesté, arrivent aux magistratures; mais la loi règne souverainement. Dans une autre, il suffit pour être magistrat d'être citoyen à un titre quelconque, la souveraineté restant encore à la loi. Une cinquième espèce admet d'ailleurs les mêmes conditions; mais on transporte la souveraineté à la multitude, qui remplace la loi.

§ 4. C'est qu'alors ce sont les décrets populaires, et non plus la loi, qui décident. Ceci se fait, grâce à l'influence des démagogues. En effet, dans les démocraties où la loi gouverne, il n'y a point de démagogues; et les citoyens les plus respectés ont la direction des affaires. Les démagogues ne se montrent que là où la loi a perdu la souveraineté. Le peuple alors est un vrai monarque, unique mais composé par la majorité, qui règne, non point individuellement, mais en corps. Homère a blâmé la multiplicité des chefs; mais l'on ne saurait dire s'il prétendait parler, comme nous le faisons ici, d'un pouvoir exercé en masse, ou d'un pouvoir réparti entre plusieurs chefs qui l'exercent chacun en particulier. Dès que le peuple est monarque, il prétend agir en monarque, parce qu'il rejette le joug de la loi, et il se fait despote; aussi, les flatteurs sont-ils bientôt en honneur.

§ 5. Cette démocratie est dans son genre ce que la tyrannie est à la royauté. De part et d'autre, mêmes vices, même oppression des bons citoyens : ici les décrets, là les ordres arbitraires. De plus, le démagogue et le flatteur, ont une ressemblance frappante. Tous deux ils ont un crédit sans bornes, l'un sur le tyran, l'autre sur le peuple ainsi corrompu.

§ 6. Les démagogues, pour substituer la souveraineté des décrets à celle des lois, rapportent toutes les affaires au peuple; car leur propre puissance ne peut que gagner à la souveraineté du peuple, dont ils disposent eux-mêmes souverainement par la confiance qu'ils savent lui surprendre. D'un autre côté, tous ceux qui croient avoir à se plaindre des magistrats ne manquent pas d'en appeler au jugement exclusif du peuple; celui-ci accueille volontiers la requête, et tous les pouvoir légaux sont alors anéantis.

§ 7. C'est là, on peut le dire avec raison, une déplorable démagogie. On peut lui reprocher de n'être plus réellement une constitution. Il n'y a de constitution qu'à la condition de la souveraineté des lois. Il faut que la loi décide des affaires générales, comme le magistrat décide des affaires particulières, dans les formes prescrites par la constitution. Si donc la démocratie est une des deux espèces principales de gouvernement, l'État où tout se fait à coups de décrets populaires, n'est pas même à vrai dire une démocratie, puisque les décrets ne peuvent jamais statuer d'une manière générale.

§ 8. Voilà, du reste, ce que nous avions à dire sur les formes diverses de la démocratie.