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 Athénée : Les philosophes. 

texte français seul mis en page par Philippe Renault

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Livre XIII

Je hais les cyniques.

 

 

93. Συνελόντι δὲ εἰπεῖν κατὰ τὸν Σολέα Κλέαρχον οὐ καρτερικὸν βίον ἀσκεῖτε, κυνικὸν δὲ τῷ ὄντι ζῆτε · καίτοι τοῦ ζῴου τούτου ἐν τέτταρσι τὴν φύσιν περιττὴν ἔχοντος, ὧνπερ ὑμεῖς τὰ χείρω μερισάμενοι τηρεῖτε. Αἰσθήσει τε γὰρ τῇ πρὸς ὄσφρανσιν καὶ πρὸς τὸ οἰκεῖον καὶ ἀλλότριον θαυμαστὸν καὶ τῷ συνανθρωπίζον οἰκουρὸν εἶναι καὶ φυλακτικὸν τοῦ τῶν εὖ δρώντων βίου πάντων περιττότατον · ὧν οὐδέτερον πρόσεστιν ὑμῖν τοῖς τὸν κυνικὸν βίον μιμουμένοις · οὔτε γὰρ συνανθρωπίζετε οὔτε διαγινώσκετε οὐδένα τῶν ὁμιλούντων, αἰσθήσει τε πολλῷ ὑστεροῦντες ἀργῶς καὶ ἀφυλάκτως ζῆτε. Λοιδόρου δὲ καὶ παμφάγου τοῦ ζῴου πεφυκότος. ῎Ετι δὲ ταλαιπώρου καὶ γυμνοῦ τὸν βίον, ἄμφω ταῦτα μελετᾶτε, κακολόγοι καὶ βοροὶ πρός τε τούτοις ἄνοικοι καὶ ἀνέστοι βιοῦντες. ᾿Εξ ὧν ἁπάντων ἀλλότριοι μὲν ἀρετῆς, μάταιοι δὲ <ἐστὲ> εἰς τὸ τοῦ βίου χρήσιμον. Οὐδὲν γάρ ἐστι τῶν καλουμένων φιλοσόφων ἀφιλοσοφώτερον. Τίς γὰρ ἤλπισεν <ν> Αἰσχίνην τὸν Σωκρατικὸν τοιοῦτον γεγενῆσθαι τοὺς τρόπους ὁποῖίον φησι Λυσίας ὁ ῥήτωρ ἐν τοῖς τῶν Συμβολαίων λόγοις ; ὃν ἐκ τῶν φερομένων ὡς αὐτοῦ διαλόγων θαυμάζομεν ὡς ἐπιεικῇ καὶ μέτριον, πλήν εἰ μὴ ὡς ἀληθῶς τοῦ σοφοῦ Σωκράτους ἐστὶν συγγράμματα, ἐχαρίσθη δὲ αὐτῷ ὑπὸ Ξανθίππης τῆς Σωκράτους γυναικὸς μετὰ τὸν ἐκείνου θάνατον, ὡς οἱ ἀμφὶ τὸν ᾿Ιδομενέα φασίν.

93. Pour parler bref, comme Cléarchos de Soli, je dirai que vous menez une vie sans courage, comme des chiens : entendez bien ! le chien, lui, est d’une nature exceptionnelle, doté de quatre qualités avec lesquelles vous n’avez en commun avec lui que la plus détestable. Pour ce qui est du flair et de la faculté de reconnaître ce qui est familier de ce qui ne l'est pas, le chien est infaillible : en tant que compagnon de l’homme et gardien vigilant de la maison, sur son regard porté envers ceux qui le soignent tout au long de sa vie, il est sans égal. Hélas, aucune de ces deux dernières qualités ne vous sont propres, vous qui vous targuez pourtant d’imiter la vie des chiens. Vous n’êtes pas les amis des hommes, et ne cherchez nullement à les comprendre ; en outre, contrairement au chien, vous n’avez aucune sensation, vous vivez dans la facilité et la mollesse.
Certes, le chien est par nature coléreux et vorace, et qui est plus, il passe une vie sans intérêt et sans but, deux caractéristiques qui vous vont à merveille, vous, si prompts aux abus de toutes sortes, qui êtes gloutons comme pas un, qui n’avez ni toit, ni d’esprit. Aussi la vertu vous est-elle parfaitement étrangère ; votre vie est absurde. À la vérité, il n'y a rien de moins philosophes que ces prétendus philosophes-là !
Qui a jamais espéré qu'Eschine, le disciple de Socrate ait le caractère que l'orateur Lysias décrit dans ses discours sur les Proverbes ? Nous admirons Eschine comme un homme bon et mesuré, à en juger par ses dialogues édités sous son nom, à moins que nous ayons affaire aux écrits du sage Socrate, car Xanthippe, l'épouse de Socrate, eut des complaisances à son égard, après la mort de celui-ci, comme l'affirment les disciples d'Idoménèe. 

ESCHINE (Socrate et ses disciples)
Traduction Robert Genaille, 1933

Eschine, fils du charcutier Charinos ou, dit-on encore, de Lysinios, originaire d’Athènes, fut dès l’enfance laborieux : aussi ne quitta-t-il point Socrate, qui disait de lui : « Seul a su m’estimer le fils d’un charcutier. » Idoménée (Livre de la Prison) dit que c’est lui et non pas Criton qui conseilla à Socrate de s’enfuir. Si Platon attribue le fait à Criton, c’est qu’Eschine était plutôt l’ami d’Aristippe. Eschine fut accusé, particulièrement par Ménédème d’Érétrie, d’avoir fait passer pour siens des discours de Socrate qu’il avait reçus de Xanthippe. De ces discours, ceux qui sont appelés Aképhaloi sont d’un style tout à fait lâche et fort étranger à la vigueur socratique. Pisistrate d’Éphèse dit qu’ils ne sont pas d’Eschine. Des sept dialogues, Persée nous dit qu’ils sont de Pasiphon d’Érétrie, qui les inséra indûment dans les oeuvres d’Eschine. Il aurait fait aussi passer pour siens des ouvrages d’Antisthène, comme le Petit Cyrus, le Petit Héraclès, l’Alcibiade et d’autres. Quoi qu’il en soit, les discours d’Eschine écrits dans la manière de Socrate sont au nombre de sept : Miltiade, le premier, et à cause de cela le plus faible, puis Callias, Axiochos, Aspasie, Alcibiade, Télaugès, Rhinon. Sa pauvreté le fit aller, dit-on, en Sicile auprès de Denys. Ce voyage lui valut le mépris de Platon et la louange d’Aristippe. Il offrit au tyran quelques-uns de ses dialogues, il obtint des présents. Revenu à Athènes, il n’osa pas enseigner la philosophie, parce que Platon, Aristippe et leurs disciples y étaient trop en faveur. Il donna des cours payants, écrivit des plaidoyers pour les plaignants, ce qui fit dire à Timon : « La force d’Eschine, si faible à persuader. » On dit que, fort pressé par la pauvreté, il reçut de Socrate le conseil de se donner en gage pour avoir de quoi manger. Aristippe fut aussi d’avis qu’il était un plagiaire, car il lui disait, un jour où il lisait ses dialogues aux gens de Mégare : « D’où prends-tu tout cela, brigand ? » Polycrite de Mendée, dans son premier livre sur Denys, dit qu’il vécut avec ce tyran jusqu’à la déchéance de celui-ci et jusqu’au retour de Dion à Syracuse. Il affirme que Sarcinos le Tragique était du voyage. On a d’ailleurs une lettre qu’il écrivit à Denys. Il était un orateur moyen, si l’on en juge par son apologie du père du stratège Phéax et de Dion. Il imite de fort près Gorgias de Léontinie. Lysias a écrit un discours contre lui intitulé le Sycophante, d’après quoi on peut voir qu’il fut aussi un orateur. On rapporte qu’il eut un ami nommé Aristote Mythus. De tous les dialogues socratiques, Panétios dit que seuls sont authentiques ceux de Platon, de Xénophon, d’Antisthène, d’Eschine. Ceux de Phédon et d’Euclide lui paraissent douteux ; enfin, il rejette les autres.

 

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