Athénée : les deipnosophistes
De l'amour
Livre XIII
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Sophocle et le jeune échanson.
81. Φιλομεῖραξ δὲ ἦν ὁ Σοφοκλῆς, ὡς Εὐριπίδης φιλογύνης. ῎Ιων γοῦν ὁ ποιητὴς ἐν ταῖς ἐπιγραφομέναις ᾿Επιδημίαις γράφει οὓτως·
«
Σοφοκλεῖ τῷ ποιητῇ ἐν Χίῳ συνήντησα, ὅτε ἔπλει εἰς Λέσβον στρατηγός, ἀνδρὶ παιδιώδει παρ'οἶνον καὶ δεξιῷ. ῾Ερμησίλεω δὲ ξένου οἱ ἐόντος καὶ προξένου ᾿Αθηναίων ἐστιῶντος αὐτόν, ἐπεὶ παρὰ τὸ πῦρ
ἑστεὼς ὁ τὸν οἶνον ἐγχέων παῖς... ἐὼν δῆλος ἦν εἶπέ τε·
« Βούλει με ἡδέως πίνειν;
» φάντος δ' αὐτοῦ
« Βραδέως τοίνυν καὶ ἀπόγερε τὴν κύλικα.» ῎Ετι πολὺ μᾶλλον ἐρυθριάσαντος τοῦ παιδὸς εἶπε πρὸς τὸν συγκατακείμενον·
« Ὡς καλῶς Φρύνιχος ἐποίησεν εἴπας·
λάμπει δ' ἐπί πορφυρέαις παρῇσι φῶς ἔρωτος.
»
Καὶ πρὸς τόδε ἠμείφθη ὁ ᾿Ερετριεὺς
ἢ
᾿Ερυθραῖος γραμμάτων ἐὼν διδάσκαλος·
« Σοφὸς μὲν δὴ σύ γε εἶ, ὦ Σοφόκλεις, ἐν ποιήσει·
ὅμως μέντοι γε οὐκ εὖ εἴρηκε Φρύνιχος πορφυρέας εἰπὼν τὰς γνάθους τοῦ καλοῦ. Εἰ γὰρ ὁ ζωγράφος χρώματι πορφυρέῳ ἐναλείψειε τουδὶ τοῦ παιδὸς τὰς γνάθους, οὐκ
ἂν
ἔτι καλὸς φαίνοιτο. Oὐ κάρτα δεῖ τὸ καλὸν τῶ μὴ καλῷ φαινομένῳ εἰκάζειν ἄν.» Γελάσας ἐπὶ τῷ ᾿Ερετριεῖ Σοφοκλῆς ;
« Οὐδὲ τόδε σοι ἀρέσκει ἄρα, ῷ ξένε, τὸ Σιμωνίδειον, κάρτα δοκέον τοῖς ῞Ελλησιν εὖ εἰρῆσθαι·
πορφυρέου ἀπὸ στόματος ἰεῖσα φωνὰν παρθένος,
οὐδ' ὁ ποιητής, ἔφη <ὁ> λέγων χρυσοκόμαν ᾿Απόλλωνα·
Χρυσέας γὰρ εἰ ἐποίησεν ὁ ζωγράφος τὰς τοῦ θεοῦ κόμας καὶ μὴ μελαίνας, χεῖρον
ἂν
ἦν τὸ ζωγράφημα. Οὐδὲ ὁ φὰς ῥοδοδάκτυλον· εἰ γάρ τις εἰς ῥόδεον χρῶμα βάψειε τοὺς δακτύλους, πορφυροβάφου
χεῖρας καὶ οὐ γυναικὸς καλῆς ποιήσειεν <ἄν>.
» Γελασάντων δὲ ὁ μὲν ᾿Ερετριεὺς ἐνωπήθη τῇ ἐπιραπὶζει, ὃ δὲ πάλιν τοῦ παιδὸς τῷ λόγῳ εἴχετο. Εἴρετο γάρ μιν ἀπὸ τῆς κύλικος κάρφος τῷ μικρῷ δακτύλῳ ἀφαιρετέοντα, εἰ καθορᾷ τὸ κάρφος. Φάντος δὲ καθορᾶν
« Ἄπο τοίνυν φύσησον αὐτὸ, ἵνα μὴ πλύνοιντο ὁ δάκτυλός σευ.
» Προσαγαγόντος δ' αὐτοῦ τὸ πρόσωπον πρὸς τὴν κύλικα ἐγγυτέρω τὴν κύλικα τοῦ ἑαυτοῦ στόματος ἤγεν, ἵνα δὴ ἡ κεφαλὴ τῇ κεφαλῇ ἀσσοτέρα γένηται.
῾Ως δ' ἦν οἱ κάρτα πλησίον, περιλαβὼν τῇ χειρὶ ἐφίλησεν. ᾿Επικροτησάντων δὲ πάντων σύν γέλωτι καὶ βοῇ ὡς εὖ ὑπηγάγετο τὸν παῖδα,
« Μελετῶ, εἶπεν, στρατηγεῖν, ὦ ἄνδρες· ἐπειδήπερ Περικλῆς ποιεῖν μέν <με> ἔφη, στρατηγεῖν δ' οὐκ ἐπιστασθαι. ᾿Αρ' οῦν οὐ κατ' ὀρθόν μοι πέπτωκεν τὸ στρατήγημα ;
» Τοιαῦτα πολλὰ δεξιῶς ἔλεγέν τε καὶ ἔπρησσεν ὅτε πίνοι [ἢ πράσσοι]. Τὰ μέντοι πολιτικὰ οὔτε σοφὸς οὔτε ῥεκτήριος ἦν, ἀλλ' ὡς ἄν τις εἷς τῶν χρηστῶν ᾿Αθηναίων.
»
81.
Si
Euripide aimait beaucoup les femmes, Sophocle, de son côté, trouvait son
plaisir chez les garçons. Dans son livre intitulé les Séjours, le poète
Ion nous dit ceci :
« J'ai
rencontré Sophocle le poète à Chios : en qualité de général, il naviguait
vers Lesbos. Quand il avait bu, c'était un homme fort enjoué autant que
spirituel. Un jour, un ami de Chios, Hermésilaos, proxène d'Athènes, le
convia à un banquet. À un moment, debout près du feu, un jeune garçon lui
versa du vin ; comme il rougissait, Sophocle lui dit ces mots :
-
« Veux-tu que je boive avec plaisir ? »
-
« Alors, donne-moi ma coupe puis reprends-la moi avec une infinie lenteur. »
-
« Comme Phrynichos a trouvé les mots justes : « Sur ses joues écarlates
brille la lumière de l'amour. »
Aussitôt,
un homme venu d'Érétrie, expert en littérature, lui rétorqua :
-
« Tu es certainement fort versé dans la poésie, Sophocle, mais je pense
que Phrynichos ne s'est pas bien exprimé en qualifiant d'écarlates les joues
du beau garçon. Si un peintre enduisait d'une couleur rouge les joues de ce
personnage, il perdrait sa beauté. Non, il ne faut pas faire la confusion entre
le beau et le laid ! »
En
riant fort, Sophocle répondit à l’Érétréen :
-
« Alors, étranger, tu ne vas pas aimer ce vers de Simonide, que les
Grecs, pourtant, trouvent sublime : « De sa bouche écarlate, la jeune
fille fit retentir sa voix » ; ni celui-ci, d’un autre poète : « Apollon
à l'éclatante chevelure dorée. » En effet, si un artiste avait d'un or
très vif coloré la chevelure du dieu au lieu de la peindre en noir, l'œuvre
aurait été fort laide, si l'on te suit. Tu dois détester aussi : « Les
doigts de rose » ; si l'on plongeait ses doigts dans de la peinture rose,
on obtiendrait des mains de teinturier, pas celles d'une jolie femme. »
Au
milieu des rires, l'Érétréen ne sut quoi répondre à la brillante répartie
de Sophocle, qui reprit sa conversation avec le jeune échanson. Alors que
celui-ci tentait d'enlever un brin de paille avec le petit doigt, le poète
demanda au garçon s'il distinguait la paille. Et comme il disait « oui »,
Sophocle lui répondit :
-
« Souffle dessus pour le sortir, je ne veux pas que tu te mouilles les
doigts ! »
Le
garçon se pencha sur la coupe et, soudain, Sophocle approcha ses lèvres des
siennes, si bien que leurs deux têtes furent l'une à côté de l'autre. Et
quand il fut tout près du gamin, il le prit dans ses bras et l'embrassa. Tout
le monde se mit à applaudir le poète qui avait agi d’une manière si
subtile. Sophocle leur dit alors :
-
« Mes chers hôtes, je m'exerce à la stratégie, depuis que Périclès
m'a déclaré en qu'en poésie je suis génial mais qu'en matière stratégique,
je suis nul. Ne pensez-vous pas que mon stratagème avait du bon ? »
Notre
poète parlait et agissait avec esprit, tant dans les moments de fête que dans
l'intimité. Cependant, en politique, il faut bien convenir qu'il n'était pas
très efficace, et qu'il se comportait comme n'importe quel représentant des
classes supérieures.