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LES MYTHES DE PLATON

Le mythe de l'Atlantide

DIODORE DE SICILE

XV. D'une grande île de l'Océan. L'auteur ne donne point de nom à cette île mais on voit que c'est l'île Atlantide de Platon.

APRÈS avoir parlé des îles de la Méditerranée nous allons parcourir celles qui sont dans l'Océan et au-delà des colonnes d'Hercule. Á l'occident de l'Afrique on trouve une île distante de cette partie du monde de plusieurs journées de navigation.  Son terroir fertile est entrecoupé de montagnes et de vallées. Cette île est traversée par plusieurs fleuves navigables. Ses jardins sont remplis de toutes sortes d'arbres et arrosés par des sources d'eau douce. On y voit quantité de maisons de plaisance, toutes meublées magnifiquement, et dont les parterres sont ornés de berceaux couverts de fleurs. C'est là que les habitants du pays se retirent pendant l'été, pour y jouir des biens que la campagne leur fournit en abondance. Les montagnes de cette île sont couvertes d'épaisses forêts d'arbres fruitiers, et ses vallons sont entrecoupés par des sources d'eaux vives qui contribuent non seulement au plaisir des insulaires, mais encore à leur santé et à leur force. La chasse leur fournit un nombre infini d'animaux différents qui ne leur laisse rien à désirer dans leurs festins ni pour l'abondance ni pour la délicatesse. Outre cela, la mer qui environne cette île, est féconde en poissons de toute espèce, ce qui est une propriété générale de l'océan. D'ailleurs, on respire là un air si tempéré que les arbres portent des fruits et des feuilles pendant la plus grande partie de l'année. En un mot, cette île est si délicieuse qu'elle paraît plutôt le séjour des dieux que des hommes. Autrefois, elle était inconnue à cause de son grand éloignement, et les Phéniciens furent les premiers qui la découvrirent. Ils étaient de tout temps en possession de trafiquer dans toutes les mers, ce qui leur donna lieu d'établir plusieurs  colonies dans l'Afrique et dans les pays occidentaux de l'Europe. Tout leur succédant à souhait et étant devenus extrêmement puissants, ils tentèrent de passer les colonnes d'Hercule et d'entrer dans l'océan. Ils bâtirent d'abord une ville dans une presqu'île de l'Europe voisine des colonnes d'Hercule, et ils l'appelèrent Cadix. Ils y construisirent tous les édifices qu'ils jugèrent convenables au lieu. Entre autres ils y élevèrent un temple superbe qu'ils dédièrent à Hercule, où ils instituèrent de pompeux sacrifices à la manière de leur pays. Ce temple est encore à présent en fort grande vénération. Plusieurs Romains que leurs exploits ont rendu illustres y sont venus rendre hommage à Hercule du succès de leurs entreprises. Au reste, les Phéniciens ayant passé le détroit et voguant le long de l'Afrique, furent portés par les vents fort loin dans l'océan. La tempête ayant duré plusieurs jours, ils furent enfin jetés dans l'île dont nous parlons. Ayant connu les premiers sa beauté et sa fertilité, ils la firent connaître aux autres nations. Les Toscans, devenus les maîtres de la mer, voulurent aussi y envoyer une colonie, mais ils en furent empêchés par les Carthaginois. Ces derniers craignaient déjà qu'un trop grand nombre de leurs compatriotes, attirés par les charmes de ce nouveau pays, ne désertassent leur patrie. D'un autre côté, ils le regardaient comme un asile pour eux, si jamais il arrivait quelque désastre à la ville de Carthage. Car ils espéraient, qu'étant maîtres de la mer, comme ils l'étaient alors, ils pourraient aisément se retirer dans cette île, sans que leurs vainqueurs qui ignoreraient sa situation pussent aller les inquiéter là. Revenons maintenant en Europe.  

Livre V.

 

Timée

Solon et le prêtre de Saïs

ἔστιν τις κατ' Αἴγυπτον, ἦ δ' ὅς, ἐν τῷ Δέλτα, περὶ ὃν κατὰ κορυφὴν σχίζεται τὸ τοῦ Νείλου ῥεῦμα Σαϊτικὸς ἐπικαλούμενος νομός, τούτου δὲ τοῦ νομοῦ μεγίστη πόλις Σάις - ὅθεν δὴ καὶ ῎Αμασις ἦν ὁ βασιλεύς - οἷς τῆς πόλεως θεὸς ἀρχηγός τίς ἐστιν, Αἰγυπτιστὶ μὲν τοὔνομα Νηίθ, ῾Ελληνιστὶ δέ, ὡς ὁ ἐκείνων λόγος, ᾿Αθηνᾶ· μάλα δὲ φιλαθήναιοι καί τινα τρόπον οἰκεῖοι τῶνδ' εἶναί φασιν. Οἷ δὴ Σόλων ἔφη πορευθεὶς σφόδρα τε γενέσθαι παρ' αὐτοῖς ἔντιμος, καὶ δὴ καὶ τὰ παλαιὰ ἀνερωτῶν ποτε τοὺς μάλιστα περὶ ταῦτα τῶν ἱερέων ἐμπείρους, σχεδὸν οὔτε αὑτὸν οὔτε ἄλλον ῞Ελληνα οὐδένα οὐδὲν ὡς ἔπος εἰπεῖν εἰδότα περὶ τῶν τοιούτων ἀνευρεῖν.

Timée 21e-22a

« Il y a en Égypte, dit Critias, dans le Delta, à la pointe duquel le Nil se partage, un nome appelé saïtique, dont la principale ville est Saïs, patrie du roi Amasis. Les habitants honorent comme fondatrice de leur ville une déesse dont le nom égyptien est Neith et le nom grec, à ce qu’ils disent, Athéna. Ils aiment beaucoup les Athéniens et prétendent avoir avec eux une certaine parenté. Son voyage l’ayant amené dans cette ville, Solon m’a raconté qu’il y fut reçu avec de grands honneurs, puis qu’ayant un jour interrogé sur les antiquités les prêtres les plus versés dans cette matière, il avait découvert que ni lui, ni aucun autre Grec n’en avait pour ainsi dire aucune connaissance.

Un autre jour, voulant engager les prêtres à parler de l’antiquité, il se mit à leur raconter ce que l’on sait chez nous de plus ancien. Il leur parla de Phoroneus, qui fut, dit-on, le premier homme, et de Niobé, puis il leur conta comment Deucalion et Pyrrha survécurent au déluge ; il fit la généalogie de leurs descendants et il essaya, en distinguant les générations, de compter combien d’années s’étaient écoulées depuis ces événements. Alors un des prêtres, qui était très vieux, lui dit : 

"ὦ Σόλων, Σόλων, ῞Ελληνες ἀεὶ παῖδές ἐστε, γέρων δὲ ῞Ελλην οὐκ ἔστιν." ἀκούσας οὖν, 'πῶς τί τοῦτο λέγεις;' φάναι. 'νέοι ἐστέ,' εἰπεῖν, 'τὰς ψυχὰς πάντες· οὐδεμίαν γὰρ ἐν αὐταῖς ἔχετε δι' ἀρχαίαν ἀκοὴν παλαιὰν δόξαν οὐδὲ μάθημα χρόνῳ πολιὸν οὐδέν.
« Ah ! Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants, et il n’y a point de vieillard en Grèce. » A ces mots : « Que veux-tu dire par là ? demanda Solon. — Vous êtes tous jeunes d’esprit, répondit le prêtre ; car vous n’avez dans l’esprit aucune opinion ancienne fondée sur une vieille tradition et aucune science blanchie par le temps.

 Et en voici la raison. Il y a eu souvent et il y aura encore souvent des destructions d’hommes causées de diverses manières, les plus grandes par le feu et par l’eau, et d’autres moindres par mille autres choses. Par exemple, ce qu’on raconte aussi chez vous de Phaéton, fils du Soleil, qui, ayant un jour attelé le char de son père et ne pouvant le maintenir dans la voie paternelle, embrasa tout ce qui était sur la terre et périt lui-même frappé de la foudre, a, il est vrai, l’apparence d’une fable ; mais la vérité qui s’y recèle, c’est que les corps qui circulent dans le ciel autour de la terre dévient de leur course et qu’une grande conflagration qui se produit à de grands intervalles détruit ce qui est sur la surface de la terre. Alors tous ceux qui habitent dans les montagnes et dans les endroits élevés et arides périssent plutôt que ceux qui habitent au bord des fleuves et de la mer. Nous autres, nous avons le Nil, notre sauveur ordinaire, qui, en pareil cas aussi, nous préserve de cette calamité par ses débordements. Quand, au contraire, les dieux submergent la terre sous les eaux pour la purifier, les habitants des montagnes, bouviers et pâtres, échappent à la mort, mais ceux qui résident dans vos villes sont emportés par les fleuves dans la mer, tandis que chez nous, ni dans ce cas, ni dans d’autres, l’eau ne dévale jamais des hauteurs dans les campagnes ; c’est le contraire, elles montent naturellement toujours d’en bas. Voilà comment et pour quelles raisons on dit que c’est chez nous que se sont conservées les traditions les plus anciennes. Mais en réalité, dans tous les lieux où le froid ou la chaleur excessive ne s’y oppose pas, la race humaine subsiste toujours plus ou moins nombreuse. Aussi tout ce qui s’est fait de beau, de grand ou de remarquable sous tout autre rapport, soit chez vous, soit ici, soit dans tout autre pays dont nous ayons entendu parler, tout cela se trouve ici consigné par écrit dans nos temples depuis un temps immémorial et s’est ainsi conservé. Chez vous, au contraire, et chez les autres peuples, à peine êtes-vous pourvus de l’écriture et de tout ce qui est nécessaire aux cités que de nouveau, après l’intervalle de temps ordinaire, des torrents d’eau du ciel fondent sur vous comme une maladie et ne laissent survivre de vous que les illettrés et les ignorants, en sorte que vous vous retrouvez au point de départ comme des jeunes, ne sachant rien de ce qui s’est passé dans les temps anciens, soit ici, soit chez vous. Car ces généalogies de tes compatriotes que tu récitais tout à l’heure, Solon, ne diffèrent pas beaucoup de contes de nourrices. Tout d’abord vous ne vous souvenez que d’un seul déluge terrestre, alors qu’il y en a eu beaucoup auparavant ; ensuite vous ignorez que la plus belle et la meilleure race qu’on ait vue parmi les hommes a pris naissance dans votre pays, et que vous en descendez, toi et toute votre cité actuelle, grâce à un petit germe échappé au désastre. Vous l’ignorez, parce que les survivants, pendant beaucoup de générations, sont morts sans rien laisser par écrit. Oui, Solon, il fut un temps où, avant la plus grande des destructions opérées par les eaux, la cité qui est aujourd’hui Athènes fut la plus vaillante à la guerre et sans comparaison la mieux policée à tous égards c’est elle qui, dit-on, accomplit les plus belles choses et inventa les plus belles institutions politiques dont nous ayons entendu parler sous le ciel. » Solon m’a rapporté qu’en entendant cela, il fut saisi d’étonnement et pria instamment les prêtres de lui raconter exactement et de suite tout ce qui concernait ses concitoyens d’autrefois. Alors le vieux prêtre lui répondit : « Je n’ai aucune raison de te refuser, Solon, et je vais t’en faire un récit par égard pour toi et pour ta patrie, et surtout pour honorer la déesse qui protège votre cité et la nôtre et qui les a élevées et instruites, la vôtre, qu’elle a formée la première, mille ans avant la nôtre, d’un germe pris à la terre et à Héphaïstos, et la nôtre par la suite. Depuis l’établissement de la nôtre, il s’est écoulé huit mille années : c’est le chiffre que portent nos livres sacrés. C’est donc de tes concitoyens d’il y a neuf mille ans que je vais t’exposer brièvement les institutions et le plus glorieux de leurs exploits. Nous reprendrons tout en détail et de suite, une autre fois, quand nous en aurons le loisir, avec les textes à la main. Compare d’abord leurs lois avec les nôtres. Tu verras qu’un bon nombre de nos lois actuelles ont été copiées sur celles qui étaient alors en vigueur chez vous. C’est ainsi d’abord que la classe des prêtres est séparée des autres ; de même celle des artisans, où chaque profession a son travail spécial, sans se mêler à une autre, et celle des bergers, des chasseurs, des laboureurs. Pour la classe des guerriers, tu as sans doute remarqué qu’elle est chez nous également séparée de toutes les autres ; car la loi leur interdit de s’occuper d’aucune autre chose que de la guerre. Ajoute à cela la forme des armes, boucliers et lances, dont nous nous sommes servis, avant tout autre peuple de l’Asie, en ayant appris l’usage de la déesse qui vous l’avait d’abord enseigné. Quant à la science, tu vois sans doute avec quel soin la loi s’en est occupée ici dès le commencement, ainsi que de l’ordre du monde. Partant de cette étude des choses divines, elle a découvert tous les arts utiles à la vie humaine, jusqu’à la divination et à la médecine, qui veille à notre santé, et acquis toutes les connaissances qui s’y rattachent.
C’est cette constitution même et cet ordre que la déesse avait établis chez vous d’abord, quand elle fonda votre ville, ayant choisi l’endroit où vous êtes nés, parce qu’elle avait prévu que son climat heureusement tempéré y produirait des hommes de haute intelligence. Comme elle aimait à la fois la guerre et la science, elle a porté son choix sur le pays qui devait produire les hommes les plus semblables à elle-même et c’est celui-là qu’elle a peuplé d’abord. Et vous vous gouverniez par ces lois et de meilleures encore, surpassant tous les hommes dans tous les genres de mérite, comme on pouvait l’attendre de rejetons et d’élèves des dieux. Nous gardons ici par écrit beaucoup de grandes actions de votre cité qui provoquent l’admiration, mais il en est une qui les dépasse toutes en grandeur et en héroïsme.

Λέγει γὰρ τὰ γεγραμμένα ὅσην ἡ πόλις ὑμῶν ἔπαυσέν ποτε δύναμιν ὕβρει πορευομένην μα ἐπὶ πᾶσαν Εὐρώπην καὶ ᾿Ασίαν, ἔξωθεν ὁρμηθεῖσαν ἐκ τοῦ ᾿Ατλαντικοῦ πελάγους. Τότε γὰρ πορεύσιμον ἦν τὸ ἐκεῖ πέλαγος· νῆσον γὰρ πρὸ τοῦ στόματος εἶχεν ὃ καλεῖτε, ὥς φατε, ὑμεῖς ῾Ηρακλέους στήλας, ἡ δὲ νῆσος μα Λιβύης ἦν καὶ ᾿Ασίας μείζων, ἐξ ἧς ἐπιβατὸν ἐπὶ τὰς ἄλλας νήσους τοῖς τότε ἐγίγνετο πορευομένοις, ἐκ δὲ τῶν νήσων ἐπὶ τὴν καταντικρὺ πᾶσαν ἤπειρον τὴν περὶ τὸν ἀληθινὸν ἐκεῖνον πόντον. Τάδε μὲν γάρ, ὅσα ἐντὸς τοῦ στόματος οὗ λέγομεν, φαίνεται λιμὴν στενόν τινα ἔχων εἴσπλουν· ἐκεῖνο δὲ πέλαγος ὄντως ἥ τε περιέχουσα αὐτὸ γῆ παντελῶς ἀληθῶς ὀρθότατ' ἂν λέγοιτο ἤπειρος. ἐν δὲ δὴ τῇ ᾿Ατλαντίδι νήσῳ ταύτῃ μεγάλη συνέστη καὶ θαυμαστὴ δύναμις βασιλέων, κρατοῦσα μὲν ἁπάσης τῆς νήσου, πολλῶν δὲ ἄλλων νήσων καὶ μερῶν τῆς ἠπείρου· πρὸς δὲ τούτοις ἔτι τῶν ἐντὸς τῇδε Λιβύης μὲν ἦρχον μέχρι πρὸς Αἴγυπτον, τῆς δὲ Εὐρώπης μέχρι Τυρρηνίας. Αὕτη δὴ πᾶσα συναθροισθεῖσα εἰς ἓν ἡ δύναμις τόν τε παρ' ὑμῖν καὶ τὸν παρ' ἡμῖν καὶ τὸν ἐντὸς τοῦ στόματος πάντα τόπον μι ποτὲ ἐπεχείρησεν ὁρμῇ δουλοῦσθαι τότε οὖν ὑμῶν, ὦ Σόλων, τῆς πόλεως ἡ δύναμις εἰς ἅπαντας ἀνθρώπους διαφανὴς ἀρετῇ τε καὶ ῥώμῃ ἐγένετο· πάντων γὰρ προστᾶσα εὐψυχίᾳ καὶ τέχναις ὅσαι κατὰ πόλεμον, τὰ μὲν τῶν ῾Ελλήνων ἡγουμένη, τὰ δ' αὐτὴ μονωθεῖσα ἐξ ἀνάγκης τῶν ἄλλων ἀποστάντων, ἐπὶ τοὺς ἐσχάτους ἀφικομένη κινδύνους, κρατήσασα μὲν τῶν ἐπιόντων τρόπαιον ἔστησεν, τοὺς δὲ μήπω δεδουλωμένους διεκώλυσεν δουλωθῆναι, τοὺς δ' ἄλλους ὅσοι κατοικοῦμεν ἐντὸς ὅρων ῾Ηρακλείων ἀφθόνως ἅπαντας ἠλευθέρωσεν. ὑστέρῳ δὲ χρόνῳ σεισμῶν ἐξαισίων καὶ κατακλυσμῶν γενομένων, μιᾶς ἡμέρας καὶ νυκτὸς χαλεπῆς ἐπελθούσης, τό τε παρ' ὑμῖν μάχιμον πᾶν ἁθρόον ἔδυ κ ατὰ γῆς, ἥ τε ᾿Ατλαντὶς νῆσος ὡσαύτως κατὰ τῆς θαλάττης δῦσα ἠφανίσθη· διὸ κ αὶ νῦν ἄπορον καὶ ἀδιερεύνητον γέγονεν τοὐκεῖ πέλαγος, πηλοῦ κάρτα βραχέος ἐμποδὼν ὄντος, ὃν ἡ νῆσος ἱζομένη παρέσχετο. 

En effet, les monuments écrits disent que votre cité détruisit jadis une immense puissance qui marchait insolemment sur l’Europe et l’Asie tout entières, venant d’un autre monde situé dans l’océan Atlantique. On pouvait alors traverser cet Océan ; car il s’y trouvait une île devant ce détroit que vous appelez, dites-vous, les colonnes d’Héraclès. Cette île était plus grande que la Libye et l’Asie réunies. De cette île on pouvait alors passer dans les autres îles et de celles-ci gagner tout le continent qui s’étend en face d’elles et borde cette véritable mer. Car tout ce qui est en deçà du détroit dont nous parlons ressemble à un port dont l’entrée est étroite, tandis que ce qui est au-delà forme une véritable mer et que la terre qui l’entoure a vraiment tous les titres pour être appelée continent. Or dans cette île Atlantide, des rois avaient formé une grande et admirable puissance, qui étendait sa domination sur l’île entière et sur beaucoup d’autres îles et quelques parties du continent. En outre, en deçà du détroit, de notre côté, ils étaient maîtres de la Libye jusqu’à l’Égypte, et de l’Europe jusqu’à la Tyrrhénie. Or, un jour, cette puissance, réunissant toutes ses forces, entreprit d’asservir d’un seul coup votre pays, le nôtre et tous les peuples en deçà du détroit. Ce fut alors, Solon, que la puissance de votre cité fit éclater aux yeux du monde sa valeur et sa force. Comme elle l’emportait sur toutes les autres par le courage et tous les arts de la guerre, ce fut elle qui prit le commandement des Hellènes ; mais, réduite à ses seules forces par la défection des autres et mise ainsi dans la situation la plus critique, elle vainquit les envahisseurs, éleva un trophée, préserva de l’esclavage les peuples qui n’avaient pas encore été asservis, et rendit généreusement à la liberté tous ceux qui, comme nous, habitent à l’intérieur des colonnes d’Héraclès. Mais dans le temps qui suivit, il y eut des tremblements de terre et des inondations extraordinaires, et, dans l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit néfastes, tout ce que vous aviez de combattants fut englouti d’un seul coup dans la terre, et l’île Atlantide, s’étant abîmée dans la mer, disparut de même. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, cette mer-là est impraticable et inexplorable, la navigation étant gênée par les bas fonds vaseux que l’île a formés en s’affaissant. »

Critias

πάντων δὴ πρῶτον μνησθῶμεν ὅτι τὸ κεφάλαιον ἦν ἐνακισχίλια ἔτη, ἀφ' οὗ γεγονὼς ἐμηνύθη πόλεμος τοῖς θ' ὑπὲρ ῾Ηρακλείας στήλας ἔξω κατοικοῦσιν καὶ τοῖς ἐντὸς πᾶσιν· ὃν δεῖ νῦν διαπεραίνειν. τῶν μὲν οὖν ἥδε ἡ πόλις ἄρξασα καὶ πάντα τὸν πόλεμον διαπολεμήσασα ἐλέγετο, τῶν δ' οἱ τῆς ᾿Ατλαντίδος νήσου βασιλῆς, ἣν δὴ Λιβύης καὶ ᾿Ασίας μείζω νῆσον οὖσαν ἔφαμεν εἶναί ποτε, νῦν δὲ ὑπὸ σεισμῶν δῦσαν ἄπορον πηλὸν τοῖς ἐνθένδε ἐκπλέουσιν
[109α] ἐπὶ τὸ πᾶν πέλαγος, ὥστε μηκέτι πορεύεσθαι, κωλυτὴν παρασχεῖν. Τὰ μὲν δὴ πολλὰ ἔθνη βάρβαρα, καὶ ὅσα ῾Ελλήνων ἦν γένη τότε, καθ' ἕκαστα ἡ τοῦ λόγου διέξοδος οἷον ἀνειλλομένη τὸ προστυχὸν ἑκασταχοῦ δηλώσει· τὸ δὲ ᾿Αθηναίων τε τῶν τότε καὶ τῶν ἐναντίων, οἷς διεπολέμησαν ἀνάγκη κατ' ἀρχὰς διελθεῖν, πρῶτα τήν τε δύναμιν ἑκατέρων καὶ τὰς πολιτείας. Αὐτῶν δὲ τούτων τὰ τῇδε ἔμπροσθεν προτιμητέον εἰπεῖν.

Avant tout, rappelons-nous qu’en somme il s’est écoulé neuf mille ans depuis la guerre qui, d’après les révélations des prêtres égyptiens, éclata entre les peuples qui habitaient au-dehors par-delà les colonnes d’Héraclès et tous ceux qui habitaient en deçà. C’est cette guerre qu’il me faut maintenant raconter en détail. En deçà, c’est notre ville, dit-on, qui eut le commandement et soutint toute la guerre ; au-delà, ce furent les rois de l’île Atlantide, île qui, nous l’avons dit, était autrefois plus grande que la Libye et l’Asie, mais qui, aujourd’hui, engloutie par des tremblements de terre, n’a laissé qu’un limon infranchissable, qui barre le passage à ceux qui cinglent d’ici vers la grande mer. Quant aux nombreux peuples barbares et à toutes les tribus grecques qui existaient alors, la suite de mon discours, en se déroulant, si je puis dire, les fera connaître au fur et à mesure qu’il les rencontrera ; mais il faut commencer par les Athéniens de ce temps-là et par les adversaires qu’ils eurent à combattre et décrire les forces et le gouvernement des uns et des autres. Et entre les deux, c’est à celui de notre pays qu’il faut donner la priorité.

Les dieux se sont partagé la terre : Héphaistos et Athéna ont reçu "notre pays".  Mais le tirage au sort a donné à Poseidon l'Atlantide.

Les amours de Poseidon et de Clito

Καθάπερ ἐν τοῖς πρόσθεν ἐλέχθη περὶ τῆς τῶν θεῶν λήξεως, ὅτι κατενείμαντο γῆν πᾶσαν ἔνθα μὲν μείζους [113c] λήξεις, ἔνθα δὲ καὶ ἐλάττους, ἱερὰ θυσίας τε αὑτοῖς κατασκευάζοντες, οὕτω δὴ καὶ τὴν νῆσον Ποσειδῶν τὴν ᾿Ατλαντίδα λαχὼν ἐκγόνους αὑτοῦ κατῴκισεν ἐκ θνητῆς γυναικὸς γεννήσας ἔν τινι τόπῳ τοιῷδε τῆς νήσου. Πρὸς θαλάττης μέν, κατὰ δὲ μέσον πάσης πεδίον ἦν, ὃ δὴ πάντων πεδίων κάλλιστον ἀρετῇ τε ἱκανὸν γενέσθαι λέγεται, πρὸς τῷ πεδίῳ δὲ αὖ κατὰ μέσον σταδίους ὡς πεντήκοντα ἀφεστὸς ἦν ὄρος βραχὺ πάντῃ. Τούτῳ δ' ἦν ἔνοικος τῶν ἐκεῖ κατὰ ἀρχὰς ἐκ [113d] γῆς ἀνδρῶν γεγονότων Εὐήνωρ μὲν ὄνομα, γυναικὶ δὲ συνοικῶν Λευκίππῃ· Κλειτὼ δὲ μονογενῆ θυγατέρα ἐγεννησάσθην. ἤδη δ' εἰς ἀνδρὸς ὥραν ἡκούσης τῆς κόρης ἥ τε μήτηρ τελευτᾷ καὶ ὁ πατήρ, αὐτῆς δὲ εἰς ἐπιθυμίαν Ποσειδῶν ἐλθὼν συμμείγνυται, καὶ τὸν γήλοφον, ἐν ᾧ κατῴκιστο, ποιῶν εὐερκῆ περιρρήγνυσιν κύκλῳ, θαλάττης γῆς τε ἐναλλὰξ ἐλάττους μείζους τε περὶ ἀλλήλους ποιῶν τροχούς, δύο μὲν γῆς, θαλάττης δὲ τρεῖς οἷον τορνεύων ἐκ μέσης τῆς νήσου, [113e] πάντῃ ἴσον ἀφεστῶτας, ὥστε ἄβατον ἀνθρώποις εἶναι· πλοῖα γὰρ καὶ τὸ πλεῖν οὔπω τότε ἦν. Αὐτὸς δὲ τήν τε ἐν μέσῳ νῆσον οἷα δὴ θεὸς εὐμαρῶς διεκόσμησεν, ὕδατα μὲν διττὰ ὑπὸ γῆς ἄνω πηγαῖα κομίσας, τὸ μὲν θερμόν, ψυχρὸν δὲ ἐκ κρήνης ἀπορρέον ἕτερον, τροφὴν δὲ παντοίαν καὶ ἱκανὴν ἐκ τῆς γῆς ἀναδιδούς. Παίδων δὲ ἀρρένων πέντε γενέσεις διδύμους γεννησάμενος ἐθρέψατο, καὶ τὴν νῆσον τὴν ᾿Ατλαντίδα πᾶσαν δέκα μέρη κατανείμας τῶν μὲν πρεσβυτάτων τῷ προτέρῳ [114a] γενομένῳ τήν τε μητρῴαν οἴκησιν καὶ τὴν κύκλῳ λῆξιν, πλείστην καὶ ἀρίστην οὖσαν, ἀπένειμε, βασιλέα τε τῶν ἄλλων κατέστησε, τοὺς δὲ ἄλλους ἄρχοντας, ἑκάστῳ δὲ ἀρχὴν πολλῶν ἀνθρώπων καὶ τόπον πολλῆς χώρας ἔδωκεν. ὀνόματα δὲ πᾶσιν ἔθετο, τῷ μὲν πρεσβυτάτῳ καὶ βασιλεῖ τοῦτο οὗ δὴ καὶ πᾶσα ἡ νῆσος τό τε πέλαγος ἔσχεν ἐπωνυμίαν, ᾿Ατλαντικὸν λεχθέν, ὅτι τοὔνομ' ἦν τῷ πρώτῳ βασιλεύσαντι [114b] τότε ῎Ατλας· τῷ δὲ διδύμῳ μετ' ἐκεῖνόν τε γενομένῳ, λῆξιν δὲ ἄκρας τῆς νήσου πρὸς ῾Ηρακλείων στηλῶν εἰληχότι ἐπὶ τὸ τῆς Γαδειρικῆς νῦν χώρας κατ' ἐκεῖνον τὸν τόπον ὀνομαζομένης, ῾Ελληνιστὶ μὲν Εὔμηλον, τὸ δ' ἐπιχώριον ὅπερ τ' ἦν ἐπίκλην ταύτῃ ὄνομ' ἂν παράσχοι. Τοῖν δὲ δευτέροιν γενομένοιν τὸν μὲν ᾿Αμφήρη, τὸν δὲ Εὐαίμονα Γάδειρον, ἐκάλεσεν· τρίτοις δέ, Μνησέα μὲν τῷ προτέρῳ γενομένῳ, [114c] τῷ δὲ μετὰ τοῦτον Αὐτόχθονα· τῶν δὲ τετάρτων ᾿Ελάσιππον μὲν τὸν πρότερον, Μήστορα δὲ τὸν ὕστερον· ἐπὶ δὲ τοῖς πέμπτοις τῷ μὲν ἔμπροσθεν ᾿Αζάης ὄνομα ἐτέθη, τῷ δ' ὑστέρῳ Διαπρέπης. Οὗτοι δὴ πάντες αὐτοί τε καὶ ἔκγονοι τούτων ἐπὶ γενεὰς πολλὰς ᾤκουν ἄρχοντες μὲν πολλῶν ἄλλων κατὰ τὸ πέλαγος νήσων, ἔτι δέ ὥσπερ καὶ πρότερον ἐρρήθη, μέχρι τε Αἰγύπτου καὶ Τυρρηνίας τῶν ἐντὸς δεῦρο ἐπάρχοντες.

Et maintenant voici à peu près de quelle manière commença ce long récit. Nous avons déjà dit, au sujet du tirage au sort que firent les dieux, qu’ils partagèrent toute la terre en lots plus ou moins grands suivant les pays et qu’ils établirent en leur honneur des temples et des sacrifices. C’est ainsi que Poséidon, ayant eu en partage l’île Atlantide, installa des enfants qu’il avait eus d’une femme mortelle dans un endroit de cette île que je vais décrire. Du côté de la mer, s’étendait, par le milieu de l’île entière, une plaine qui passe pour avoir été la plus belle de toutes les plaines et fertile par excellence. Vers le centre de cette plaine, à une distance d’environ cinquante stades, on voyait une montagne qui était partout de médiocre altitude. Sur cette montagne habitait un de ces hommes qui, à l’origine, étaient, en ce pays, nés de la terre. Il s’appelait Événor et vivait avec une femme du nom de Leucippe. Ils engendrèrent une fille unique, Clito, qui venait d’atteindre l’âge nubile, quand son père et sa mère moururent. Poséidon, s’en étant épris, s’unit à elle et fortifia la colline où elle demeurait, en en découpant le pourtour par des enceintes faites alternativement de mer et de terre, les plus grandes enveloppant les plus petites. Il en traça deux de terre et trois de mer et les arrondit en partant du milieu de l’île, dont elles étaient partout à égale distance, de manière à rendre le passage infranchissable aux hommes ; car on ne connaissait encore en ce temps-là ni vaisseaux ni navigation. Lui-même embellit l’île centrale, chose aisée pour un dieu. Il fit jaillir du sol deux sources d’eau, l’une chaude et l’autre froide, et fit produire à la terre des aliments variés et abondants. Il engendra cinq couples de jumeaux mâles, les éleva, et, ayant partagé l’île entière de l’Atlantide en dix portions, il attribua au premier né du couple le plus vieux la demeure de sa mère et le lot de terre alentour, qui était le plus vaste et le meilleur ; il l’établit roi sur tous ses frères et, de ceux-ci, fit des souverains, en donnant à chacun d’eux un grand nombre d’hommes à gouverner et un vaste territoire. Il leur donna des noms à tous. Le plus vieux, le roi, reçut le nom qui servit à désigner l’île entière et la mer qu’on appelle Atlantique, parce que le premier roi du pays à cette époque portait le nom d’Atlas. Le jumeau né après lui, à qui était échue l’extrémité de l’île du côté des colonnes d’Héraclès, jusqu’à la région qu’on appelle aujourd’hui Gadirique en ce pays, se nommait en grec Eumélos et en dialecte indigène Gadire, mot d’où la région a sans doute tiré son nom. Les enfants du deuxième couple furent appelés, l’un Amphérès, l’autre Evaimon. Du troisième couple, l’aîné reçut le nom de Mnéseus, le cadet celui d’Autochthon. Du quatrième, le premier né fut nommé Elasippos, le deuxième Mestor ; à l’aîné du cinquième groupe on donna le nom d’Azaès, au cadet celui de Diaprépès. Tous ces fils de Poséidon et leurs descendants habitèrent ce pays pendant de longues générations. Ils régnaient sur beaucoup d’autres îles de l’Océan et, comme je l’ai déjà dit, ils étendaient en outre leur empire, de ce côté-ci, à l’intérieur du détroit, jusqu’à l’Égypte et à la Tyrrhénie.

Le paradis sur terre

[114d] ῎Ατλαντος δὴ πολὺ μὲν ἄλλο καὶ τίμιον γίγνεται γένος, βασιλεὺς δὲ ὁ πρεσβύτατος ἀεὶ τῷ πρεσβυτάτῳ τῶν ἐκγόνων παραδιδοὺς ἐπὶ γενεὰς πολλὰς τὴν βασιλείαν διέσῳζον, πλοῦτον μὲν κεκτημένοι πλήθει τοσοῦτον, ὅσος οὔτε πω πρόσθεν ἐν δυναστείαις τισὶν βασιλέων γέγονεν οὔτε ποτὲ ὕστερον γενέσθαι ῥᾴδιος κατεσκευασμένα δὲ πάντ' ἦν αὐτοῖς ὅσα ἐν πόλει καὶ ὅσα κατὰ τὴν ἄλλην χώραν ἦν ἔργον κατασκευάσασθαι. Πολλὰ μὲν γὰρ διὰ τὴν ἀρχὴν αὐτοῖς προσῄειν [114e] ἔξωθεν, πλεῖστα δὲ ἡ νῆσος αὐτὴ παρείχετο εἰς τὰς τοῦ βίου κατασκευάς, πρῶτον μὲν ὅσα ὑπὸ μεταλλείας ὀρυττόμενα στερεὰ καὶ ὅσα τηκτὰ γέγονε, καὶ τὸ νῦν ὀνομαζόμενον μόνον - τότε δὲ πλέον ὀνόματος ἦν τὸ γένος ἐκ γῆς ὀρυττόμενον ὀρειχάλκου κατὰ τόπους πολλοὺς τῆς νήσου, πλὴν χρυσοῦ τιμιώτατον ἐν τοῖς τότε ὄν - καὶ ὅσα ὕλη πρὸς τὰ τεκτόνων διαπονήματα παρέχεται, πάντα φέρουσα ἄφθονα, τά τε αὖ περὶ τὰ ζῷα ἱκανῶς ἥμερα καὶ ἄγρια τρέφουσα. Καὶ δὴ καὶ ἐλεφάντων ἦν ἐν αὐτῇ γένος πλεῖστον· νομὴ γὰρ τοῖς τε ἄλλοις ζῴοις, ὅσα καθ' ἕλη καὶ λίμνας καὶ ποταμούς ὅσα [115a] τ' αὖ κατ' ὄρη καὶ ὅσα ἐν τοῖς πεδίοις νέμεται, σύμπασιν παρῆν ἅδην καὶ τούτῳ κατὰ ταὐτὰ τῷ ζῴῳ, μεγίστῳ πεφυκότι καὶ πολυβορωτάτῳ. Πρὸς δὲ τούτοις, ὅσα εὐώδη τρέφει που γῆ τὰ νῦν ῥιζῶν ἢ χλόης ἢ ξύλων ἢ χυλῶν στακτῶν εἴτε ἀνθῶν ἢ καρπῶν ἔφερέν τε ταῦτα καὶ ἔτρεφεν εὖ· ἔτι δὲ τὸν ἥμερον καρπόν, τόν τε ξηρόν, ὃς ἡμῖν τῆς τροφῆς ἕνεκά ἐστιν, καὶ ὅσοις χάριν τοῦ σίτου προσχρώμεθα - καλοῦμεν δὲ αὐτοῦ [115b] τὰ μέρη σύμπαντα ὄσπρια - καὶ τὸν ὅσος ξύλινος, πώματα καὶ βρώματα καὶ ἀλείμματα φέρων, παιδιᾶς τε ὃς ἕνεκα ἡδονῆς τε γέγονε δυσθησαύριστος ἀκροδρύων καρπός, ὅσα τε παραμύθια πλησμονῆς μεταδόρπια ἀγαπητὰ κάμνοντι τίθεμεν, ἅ παντα ταῦτα ἡ τότε [ ποτὲ] οὖσα ὑφ' ἡλίῳ νῆσος ἱερὰ καλά τε καὶ θαυμαστὰ καὶ πλήθεσιν ἄπειρ' ἔφερεν. Ταῦτα οὖν λαμβάνοντες πάντα παρὰ τῆς γῆς κατεσκευάζοντο τά τε [115c] ἱερὰ καὶ τὰς βασιλικὰς οἰκήσεις καὶ τοὺς λιμένας καὶ τὰ νεώρια καὶ σύμπασαν τὴν ἄλλην χώραν, τοιᾷδ' ἐν τάξει διακοσμοῦντες.

La race d’Atlas devint nombreuse et garda les honneurs du pouvoir. Le plus âgé était roi, et, comme il transmettait toujours le sceptre au plus âgé de ses fils, ils conservèrent la royauté pendant de nombreuses générations. Ils avaient acquis des richesses immenses, telles qu’on n’en vit jamais dans aucune dynastie royale et qu’on n’en verra pas facilement dans l’avenir. Ils disposaient de toutes les ressources de leur cité et de toutes celles qu’il fallait tirer de la terre étrangère. Beaucoup leur venaient du dehors, grâce à leur empire, mais c’est l’île elle-même qui leur fournissait la plupart des choses à l’usage de la vie, en premier lieu tous les métaux, solides ou fusibles, qu’on extrait des mines, et en particulier une espèce dont nous ne possédons plus que le nom, mais qui était alors plus qu’un nom et qu’on extrayait de la terre en maint endroit de l’île, l’orichalque, le plus précieux, après l’or, des métaux alors connus. Puis tout ce que la forêt fournit de matériaux pour les travaux des charpentiers, l’île le produisait aussi en abondance. Elle nourrissait aussi abondamment les animaux domestiques et sauvages. On y trouvait même une race d’éléphants très nombreuse ; car elle offrait une plantureuse pâture non seulement à tous les autres animaux qui paissent au bord des marais, des lacs et des rivières, ou dans les forêts, ou dans les plaines, mais encore également à cet animal, qui par nature est le plus gros et le plus vorace. En outre, tous les parfums que la terre nourrit à présent, en quelque endroit que ce soit, qu’ils viennent de racines ou d’herbes ou de bois, ou de sucs distillés par les fleurs ou les fruits, elle les produisait et les nourrissait parfaitement, et aussi les fruits cultivés et les secs, dont nous usons pour notre nourriture, et tous ceux dont nous nous servons pour compléter nos repas, et que nous désignons par le terme général de légumes, et ces fruits ligneux qui nous fournissent des boissons, des aliments et des parfums, et ce fruit à écailles et de conservation difficile, fait pour notre amusement et notre plaisir, et tous ceux que nous servons après le repas pour le soulagement et la satisfaction de ceux qui souffrent d’une pesanteur d’estomac, tous ces fruits, cette île sacrée qui voyait alors le soleil, les produisait magnifiques, admirables, en quantités infinies. Avec toutes ces richesses qu’ils tiraient de la terre, les habitants construisirent les temples, les palais des rois, les ports, les chantiers maritimes, et ils embellirent tout le reste du pays dans l’ordre que je vais dire.

τοὺς τῆς θαλάττης τροχούς, οἳ περὶ τὴν ἀρχαίαν ἦσαν μητρόπολιν, πρῶτον μὲν ἐγεφύρωσαν, ὁδὸν ἔξω καὶ ἐπὶ τὰ βασίλεια ποιούμενοι. τὰ δὲ βασίλεια ἐν ταύτῃ τῇ τοῦ θεοῦ καὶ τῶν προγόνων κατοικήσει κατ' ἀρχὰς ἐποιήσαντο εὐθύς, ἕτερος δὲ παρ' ἑτέρου δεχόμενος, κεκοσμημένα κοσμῶν, [115d] ὑπερεβάλλετο εἰς δύναμιν ἀεὶ τὸν ἔμπροσθεν, ἕως εἰς ἔκπληξιν μεγέθεσιν κάλλεσίν τε ἔργων ἰδεῖν τὴν οἴκησιν ἀπηργάσαντο. διώρυχα μὲν γὰρ ἐκ τῆς θαλάττης ἀρχόμενοι τρίπλεθρον τὸ πλάτος, ἑκατὸν δὲ ποδῶν βάθος, μῆκος δὲ πεντήκοντα σταδίων, ἐπὶ τὸν ἐξωτάτω τροχὸν συνέτρησαν, καὶ τὸν ἀνάπλουν ἐκ τῆς θαλάττης ταύτῃ πρὸς ἐκεῖνον ὡς εἰς λιμένα ἐποιήσαντο, διελόντες στόμα ναυσὶν ταῖς μεγίσταις ἱκανὸν εἰσπλεῖν. καὶ δὴ καὶ τοὺς τῆς γῆς τροχούς, οἳ τοὺς [115e] τῆς θαλάττης διεῖργον, κατὰ τὰς γεφύρας διεῖλον ὅσον μιᾷ τριήρει διέκπλουν εἰς ἀλλήλους, καὶ κατεστέγασαν ἄνωθεν ὥστε τὸν ὑπόπλουν κάτωθεν εἶναι· τὰ γὰρ τῶν τῆς γῆς τροχῶν χείλη βάθος εἶχεν ἱκανὸν ὑπερέχον τῆς θαλάττης. ἦν δὲ ὁ μὲν μέγιστος τῶν τροχῶν, εἰς ὃν ἡ θάλαττα συνετέτρητο, τριστάδιος τὸ πλάτος, ὁ δ' ἑξῆς τῆς γῆς ἴσος ἐκείνῳ· τοῖν δὲ δευτέροιν ὁ μὲν ὑγρὸς δυοῖν σταδίοιν πλάτος, ὁ δὲ ξηρὸς ἴσος αὖ πάλιν τῷ πρόσθεν ὑγρῷ· σταδίου δὲ ὁ [116α] περὶ αὐτὴν τὴν ἐν μέσῳ νῆσον περιθέων. ἡ δὲ νῆσος, ἐν ᾗ τὰ βασίλεια ἦν, πέντε σταδίων τὴν διάμετρον εἶχεν. ταύτην δὴ κύκλῳ καὶ τοὺς τροχοὺς καὶ τὴν γέφυραν πλεθριαίαν τὸ πλάτος οὖσαν ἔνθεν καὶ ἔνθεν λιθίνῳ περιεβάλλοντο τείχει, πύργους καὶ πύλας ἐπὶ τῶν γεφυρῶν κατὰ τὰς τῆς θαλάττης διαβάσεις ἑκασταχόσε ἐπιστήσαντες· τὸν δὲ λίθον ἔτεμνον ὑπὸ τῆς νήσου κύκλῳ τῆς ἐν μέσῳ καὶ ὑπὸ τῶν τροχῶν ἔξωθεν καὶ ἐντός, τὸν μὲν λευκόν, τὸν δὲ μέλανα,
[116β] τὸν δὲ ἐρυθρὸν ὄντα, τέμνοντες δὲ ἅμ' ἠργάζοντο νεωσοίκους κοίλους διπλοῦς ἐντός, κατηρεφεῖς αὐτῇ τῇ πέτρᾳ. καὶ τῶν οἰκοδομημάτων τὰ μὲν ἁπλᾶ, τὰ δὲ μειγνύντες τοὺς λίθους ποικίλα ὕφαινον παιδιᾶς χάριν, ἡδονὴν αὐτοῖς σύμφυτον ἀπονέμοντες· καὶ τοῦ μὲν περὶ τὸν ἐξωτάτω τροχὸν τείχους χαλκῷ περιελάμβανον πάντα τὸν περίδρομον, οἷον ἀλοιφῇ προσχρώμενοι, τοῦ δ' ἐντὸς καττιτέρῳ περιέτηκον, τὸν δὲ
[116ψ] περὶ αὐτὴν τὴν ἀκρόπολιν ὀρειχάλκῳ μαρμαρυγὰς ἔχοντι πυρώδεις.


Ils commencèrent par jeter des ponts sur les fossés d’eau de mer qui entouraient l’antique métropole, pour ménager un passage vers le dehors et vers le palais royal. Ce palais, ils l’avaient élevé des l’origine à la place habitée par le dieu et par leurs ancêtres. Chaque roi, en le recevant de son prédécesseur, ajoutait à ses embellissements et mettait tous ses soins à le surpasser, si bien qu’ils firent de leur demeure un objet d’admiration par la grandeur et la beauté de leurs travaux. Ils creusèrent depuis la mer jusqu’à l’enceinte extérieure un canal de trois plèthres de large, de cent pieds de profondeur et de cinquante stades de longueur, et ils ouvrirent aux vaisseaux venant de la mer une entrée dans ce canal, comme dans un port, en y ménageant une embouchure suffisante pour que les plus grands vaisseaux y pussent pénétrer. En outre, à travers les enceintes de terre qui séparaient celles d’eau de mer, vis-à-vis des ponts, ils ouvrirent des tranchées assez larges pour permettre à une trière de passer d’une enceinte à l’autre, et par-dessus ces tranchées ils mirent des toits pour qu’on pût naviguer dessous ; car les parapets des enceintes de terre étaient assez élevés au-dessus de la mer. Le plus grand des fossés circulaires, celui qui communiquait avec la mer, avait trois stades de largeur, et l’enceinte de terre qui lui faisait suite en avait autant. Des deux enceintes suivantes, celle d’eau avait une largeur de deux stades et celle de terre était encore égale à celle d’eau qui la précédait ; celle qui entourait l’île centrale n’avait qu’un stade. Quant à l’île où se trouvait le palais des rois, elle avait un diamètre de cinq stades. Ils revêtirent d’un mur de pierre le pourtour de cette île, les enceintes et les deux côtés du pont, qui avait une largeur d’un plèthre. Ils mirent des tours et des portes sur les ponts et à tous les endroits où passait la mer. Ils tirèrent leurs pierres du pourtour de l’île centrale et de dessous les enceintes, à l’extérieur et à l’intérieur ; il y en avait des blanches, des noires et des rouges. Et tout en extrayant les pierres, ils construisirent des bassins doubles creusés dans l’intérieur du sol, et couverts d’un toit par le roc même. Parmi ces constructions les unes étaient d’une seule couleur ; dans les autres, ils entremêlèrent les pierres de manière à faire un tissu varié de couleurs pour le plaisir des yeux, et leur donnèrent ainsi un charme naturel. Ils revêtirent d’airain, en guise d’enduit, tout le pourtour du mur qui entourait l’enceinte la plus extérieure ; d’étain fondu celui de l’enceinte intérieure, et celle qui entourait l’acropole elle-même d’orichalque aux reflets de feu.

τὰ δὲ δὴ τῆς ἀκροπόλεως ἐντὸς βασίλεια κατεσκευασμένα ὧδ' ἦν. ἐν μέσῳ μὲν ἱερὸν ἅγιον αὐτόθι τῆς τε Κλειτοῦς καὶ τοῦ Ποσειδῶνος ἄβατον ἀφεῖτο, περιβόλῳ χρυσῷ περιβεβλημένον, τοῦτ' ἐν ᾧ κατ' ἀρχὰς ἐφίτυσαν καὶ ἐγέννησαν τὸ τῶν δέκα βασιλειδῶν γένος· ἔνθα καὶ κατ' ἐνιαυτὸν ἐκ πασῶν τῶν δέκα λήξεων ὡραῖα αὐτόσε ἀπετέλουν ἱερὰ ἐκείνων ἑκάστῳ. τοῦ δὲ Ποσειδῶνος αὐτοῦ νεὼς ἦν, σταδίου [116d] μὲν μῆκος, εὖρος δὲ τρίπλεθρος, ὕψος δ' ἐπὶ τούτοις σύμμετρον ἰδεῖν, εἶδος δέ τι βαρβαρικὸν ἔχοντος. πάντα δὲ ἔξωθεν περιήλειψαν τὸν νεὼν ἀργύρῳ, πλὴν τῶν ἀκρωτηρίων, τὰ δὲ ἀκρωτήρια χρυσῷ· τὰ δ' ἐντός, τὴν μὲν ὀροφὴν ἐλεφαντίνην ἰδεῖν πᾶσαν χρυσῷ καὶ ἀργύρῳ καὶ ὀρειχάλκῳ πεποικιλμένην, τὰ δὲ ἄλλα πάντα τῶν τοίχων τε καὶ κιόνων καὶ ἐδάφους ὀρειχάλκῳ περιέλαβον. χρυσᾶ δὲ ἀγάλματα ἐνέστησαν, τὸν μὲν θεὸν ἐφ' ἅρματος ἑστῶτα ἓξ ὑποπτέρων [116e] ἵππων ἡνίοχον, αὐτόν τε ὑπὸ μεγέθους τῇ κορυφῇ τῆς ὀροφῆς ἐφαπτόμενον, Νηρῇδας δὲ ἐπὶ δελφίνων ἑκατὸν κύκλῳ τοσαύτας γὰρ ἐνόμιζον αὐτὰς οἱ τότε εἶναι πολλὰ δ' ἐντὸς ἄλλα ἀγάλματα ἰδιωτῶν ἀναθήματα ἐνῆν. περὶ δὲ τὸν νεὼν ἔξωθεν εἰκόνες ἁπάντων ἕστασαν ἐκ χρυσοῦ, τῶν γυναικῶν καὶ αὐτῶν ὅσοι τῶν δέκα ἐγεγόνεσαν βασιλέων, καὶ πολλὰ ἕτερα ἀναθήματα μεγάλα τῶν τε βασιλέων καὶ ἰδιωτῶν ἐξ αὐτῆς τε τῆς πόλεως καὶ τῶν ἔξωθεν ὅσων ἐπῆρχον. βωμός [117a] τε δὴ συνεπόμενος ἦν τὸ μέγεθος καὶ τὸ τῆς ἐργασίας ταύτῃ τῇ κατασκευῇ, καὶ τὰ βασίλεια κατὰ τὰ αὐτὰ πρέποντα μὲν τῷ τῆς ἀρχῆς μεγέθει, πρέποντα δὲ τῷ περὶ τὰ ἱερὰ κόσμῳ.

Le palais royal, à l’intérieur de l’acropole, avait été agencé comme je vais dire. Au centre même de l’acropole il y avait un temple consacré à Clito et à Poséidon. L’accès en était interdit et il était entouré d’une clôture d’or. C’est là qu’à l’origine ils avaient engendré et mis au jour la race des dix princes. C’est là aussi qu’on venait chaque année des dix provinces qu’ils s’étaient partagées offrir à chacun d’eux les sacrifices de saison. Le temple de Poséidon lui-même était long d’un stade, large de trois plèthres et d’une hauteur proportionnée à ces dimensions ; mais il avait dans son aspect quelque chose de barbare. Le temple tout entier, à l’extérieur, était revêtu d’argent, hormis les acrotères, qui l’étaient d’or ; à l’intérieur, la voûte était tout entière d’ivoire émaillé d’or, d’argent et d’orichalque ; tout le reste, murs, colonnes et pavés, était garni d’orichalque. On y avait dressé des statues d’or, en particulier celle du dieu, debout sur un char, conduisant six chevaux ailés, et si grand que sa tête touchait la voûte, puis, en cercle autour de lui, cent Néréides sur des dauphins ; car on croyait alors qu’elles étaient au nombre de cent ; mais il y avait aussi beaucoup d’autres statues consacrées par des particuliers. Autour du temple, à l’extérieur, se dressaient les statues d’or de toutes les princesses et de tous les princes qui descendaient des dix rois et beaucoup d’autres grandes statues dédiées par les rois et les particuliers, soit de la ville même, soit des pays du dehors soumis à leur autorité. Il y avait aussi un autel dont la grandeur et le travail étaient en rapport avec tout cet appareil, et tout le palais de même était proportionné à la grandeur de l’empire, comme aussi aux ornements du temple.

Tαῖς δὲ δὴ κρήναις, τῇ τοῦ ψυχροῦ καὶ τῇ τοῦ θερμοῦ νάματος, πλῆθος μὲν ἄφθονον ἐχούσαις, ἡδονῇ δὲ καὶ ἀρετῇ τῶν ὑδάτων πρὸς ἑκατέρου τὴν χρῆσιν θαυμαστοῦ πεφυκότος, ἐχρῶντο περιστήσαντες οἰκοδομήσεις καὶ δένδρων φυτεύσεις πρεπούσας [117b] ὕδασι, δεξαμενάς τε αὖ τὰς μὲν ὑπαιθρίους, τὰς δὲ χειμερινὰς τοῖς θερμοῖς λουτροῖς ὑποστέγους περιτιθέντες, χωρὶς μὲν βασιλικάς, χωρὶς δὲ ἰδιωτικάς, ἔτι δὲ γυναιξὶν ἄλλας καὶ ἑτέρας ἵπποις καὶ τοῖς ἄλλοις ὑποζυγίοις, τὸ πρόσφορον τῆς κοσμήσεως ἑκάστοις ἀπονέμοντες. τὸ δὲ ἀπορρέον ἦγον ἐπὶ τὸ τοῦ Ποσειδῶνος ἄλσος, δένδρα παντοδαπὰ κάλλος ὕψος τε δαιμόνιον ὑπ' ἀρετῆς τῆς γῆς ἔχοντα, καὶ ἐπὶ τοὺς ἔξω κύκλους δι' ὀχετῶν κατὰ τὰς γεφύρας [117c] ἐπωχέτευον· οὗ δὴ πολλὰ μὲν ἱερὰ καὶ πολλῶν θεῶν, πολλοὶ δὲ κῆποι καὶ πολλὰ γυμνάσια ἐκεχειρούργητο, τὰ μὲν ἀνδρῶν, τὰ δὲ ἵππων χωρὶς ἐν ἑκατέρᾳ τῇ τῶν τροχῶν νήσῳ, τά τε ἄλλα καὶ κατὰ μέσην τὴν μείζω τῶν νήσων ἐξῃρημένος ἱππόδρομος ἦν αὐτοῖς, σταδίου τὸ πλάτος ἔχων, τὸ δὲ μῆκος περὶ τὸν κύκλον ὅλον ἀφεῖτο εἰς ἅμιλλαν τοῖς ἵπποις. δορυφορικαὶ δὲ περὶ αὐτὸν ἔνθεν τε καὶ ἔνθεν οἰκήσεις ἦσαν [117d] τῷ πλήθει τῶν δορυφόρων· τοῖς δὲ πιστοτέροις ἐν τῷ μικροτέρῳ τροχῷ καὶ πρὸς τῆς ἀκροπόλεως μᾶλλον ὄντι διετέτακτο ἡ φρουρά, τοῖς δὲ πάντων διαφέρουσιν πρὸς πίστιν ἐντὸς τῆς ἀκροπόλεως περὶ τοὺς βασιλέας αὐτοὺς ἦσαν οἰκήσεις δεδομέναι. τὰ δὲ νεώρια τριήρων μεστὰ ἦν καὶ σκευῶν ὅσα τριήρεσιν προσήκει, πάντα δὲ ἐξηρτυμένα ἱκανῶς. καὶ τὰ μὲν δὴ περὶ τὴν τῶν βασιλέων οἴκησιν οὕτω κατεσκεύαστο·

Les deux sources, l’une d’eau froide et l’autre d’eau chaude, avaient un débit considérable et elles étaient, chacune, merveilleusement adaptées aux besoins des habitants par l’agrément et la vertu de leurs eaux. Ils les avaient entourées de bâtiments et de plantations d’arbres appropriées aux eaux. Ils avaient construit tout autour des bassins, les uns à ciel ouvert, les autres couverts, destinés aux bains chauds en hiver. Les rois avaient les leurs à part, et les particuliers aussi ; il y en avait d’autres pour les femmes et d’autres pour les chevaux et les autres bêtes de somme, chacun d’eux étant disposé suivant sa destination. Ils conduisaient l’eau qui s’en écoulait dans le bois sacré de Poséidon, où il y avait des arbres de toutes essences, d’une grandeur et d’une beauté divines, grâce à la qualité du sol ; puis ils la faisaient écouler dans les enceintes extérieures par des aqueducs qui passaient sur les ponts. Là, on avait aménagé de nombreux temples dédiés à de nombreuses divinités, beaucoup de jardins et beaucoup de gymnases, les uns pour les hommes, les autres pour les chevaux, ces derniers étant construits à part dans chacune des deux îles formées par les enceintes circulaires. Entre autres, au milieu de la plus grande île, on avait réservé la place d’un hippodrome d’un stade de large, qui s’étendait en longueur sur toute l’enceinte, pour le consacrer aux courses de chevaux. Autour de l’hippodrome, il y avait, de chaque côté, des casernes pour la plus grande partie de la garde. Ceux des gardes qui inspiraient le plus de confiance tenaient garnison dans la plus petite des deux enceintes, qui était aussi la plus près de l’acropole, et à ceux qui se distinguaient entre tous par leur fidélité on avait assigné des quartiers à l’intérieur de l’acropole autour des rois mêmes.
Les arsenaux étaient pleins de trières et de tous les agrès nécessaires aux trières, le tout parfaitement apprêté. Et voilà comment tout était disposé autour du palais des rois.

διαβάντι δὲ τοὺς λιμένας ἔξω τρεῖς ὄντας ἀρξάμενον ἀπὸ [117e] τῆς θαλάττης ᾔειν ἐν κύκλῳ τεῖχος, πεντήκοντα σταδίους τοῦ μεγίστου τροχοῦ τε καὶ λιμένος ἀπέχον πανταχῇ, καὶ συνέκλειεν εἰς ταὐτὸν πρὸς τὸ τῆς διώρυχος στόμα τὸ πρὸς θαλάττης. τοῦτο δὴ πᾶν συνῳκεῖτο μὲν ὑπὸ πολλῶν καὶ πυκνῶν οἰκήσεων, ὁ δὲ ἀνάπλους καὶ ὁ μέγιστος λιμὴν ἔγεμεν πλοίων καὶ ἐμπόρων ἀφικνουμένων πάντοθεν, φωνὴν καὶ θόρυβον παντοδαπὸν κτύπον τε μεθ' ἡμέραν καὶ διὰ νυκτὸς ὑπὸ πλήθους παρεχομένων.
τὸ μὲν οὖν ἄστυ καὶ τὸ περὶ τὴν ἀρχαίαν οἴκησιν σχεδὸν ὡς τότ' ἐλέχθη νῦν διεμνημόνευται· τῆς δ' ἄλλης χώρας
[118a] ὡς ἡ φύσις εἶχεν καὶ τὸ τῆς διακοσμήσεως εἶδος, ἀπομνημονεῦσαι πειρατέον. πρῶτον μὲν οὖν ὁ τόπος ἅπας ἐλέγετο σφόδρα τε ὑψηλὸς καὶ ἀπότομος ἐκ θαλάττης, τὸ δὲ περὶ τὴν πόλιν πᾶν πεδίον, ἐκείνην μὲν περιέχον, αὐτὸ δὲ κύκλῳ περιεχόμενον ὄρεσιν μέχρι πρὸς τὴν θάλατταν καθειμένοις, λεῖον καὶ ὁμαλές, πρόμηκες δὲ πᾶν, ἐπὶ μὲν θάτερα τρισχιλίων σταδίων, κατὰ δὲ μέσον ἀπὸ θαλάττης ἄνω δισχιλίων. [118b] ὁ δὲ τόπος οὗτος ὅλης τῆς νήσου πρὸς νότον ἐτέτραπτο, ἀπὸ τῶν ἄρκτων κατάβορρος. τὰ δὲ περὶ αὐτὸν ὄρη τότε ὑμνεῖτο πλῆθος καὶ μέγεθος καὶ κάλλος παρὰ πάντα τὰ νῦν ὄντα γεγονέναι, πολλὰς μὲν κώμας καὶ πλουσίας περιοίκων ἐν ἑαυτοῖς ἔχοντα, ποταμοὺς δὲ καὶ λίμνας καὶ λειμῶνας τροφὴν τοῖς πᾶσιν ἡμέροις καὶ ἀγρίοις ἱκανὴν θρέμμασιν, ὕλην δὲ καὶ πλήθει καὶ γένεσι ποικίλην σύμπασίν τε τοῖς ἔργοις καὶ πρὸς ἕκαστα ἄφθονον.

Quand on avait traversé les trois ports extérieurs, on trouvait un mur circulaire commençant à la mer et partout distant de cinquante stades de la plus grande enceinte et de son port. Ce mur venait fermer au même point l’entrée du canal du côté de la mer. Il était tout entier couvert de maisons nombreuses et serrées les unes contre les autres, et le canal et le plus grand port étaient remplis de vaisseaux et de marchands venus de tous les pays du monde et de leur foule s’élevaient jour et nuit des cris, du tumulte et des bruits de toute espèce.
Je viens de vous donner un rapport assez fidèle de ce que l’on m’a dit jadis de la ville et du vieux palais. A présent il me faut essayer de rappeler quel était le caractère du pays et la forme de son organisation. Tout d’abord, on m’a dit que tout le pays était très élevé et à pic sur la mer, mais que tout autour de la ville s’étendait une plaine qui l’entourait et qui était elle-même encerclée de montagnes descendant jusqu’à la mer ; que sa surface était unie et régulière, qu’elle était oblongue en son ensemble, qu’elle mesurait sur un côté trois mille stades et à son centre, en montant de la mer, deux mille. Cette région était, dans toute la longueur de l’île, exposée au midi et à l’abri des vents du nord. On vantait alors les montagnes qui l’entouraient, comme dépassant en nombre, en grandeur et en beauté toutes celles qui existent aujourd’hui. Elles renfermaient un grand nombre de riches villages peuplés de périèques, des rivières, des lacs et des prairies qui fournissaient une pâture abondante à tous les animaux domestiques et sauvages et des bois nombreux et d’essences variées amplement suffisants pour toutes les sortes d’ouvrages de l’industrie.

ὧδε οὖν τὸ πεδίον φύσει [118c] καὶ ὑπὸ βασιλέων πολλῶν ἐν πολλῷ χρόνῳ διεπεπόνητο. τετράγωνον μὲν αὔθ' ὑπῆρχεν τὰ πλεῖστ' ὀρθὸν καὶ πρόμηκες, ὅτι δὲ ἐνέλειπε, κατηύθυντο τάφρου κύκλῳ περιορυχθείσης· τὸ δὲ βάθος καὶ πλάτος τό τε μῆκος αὐτῆς ἄπιστον μὲν λεχθέν, ὡς χειροποίητον ἔργον, πρὸς τοῖς ἄλλοις διαπονήμασι τοσοῦτον εἶναι, ῥητέον δὲ ὅ γε ἠκούσαμεν· πλέθρου μὲν γὰρ βάθος ὀρώρυκτο, τὸ δὲ πλάτος ἁπάντῃ σταδίου, [118d] περὶ δὲ πᾶν τὸ πεδίον ὀρυχθεῖσα συνέβαινεν εἶναι τὸ μῆκος σταδίων μυρίων. τὰ δ' ἐκ τῶν ὀρῶν καταβαίνοντα ὑποδεχομένη ῥεύματα καὶ περὶ τὸ πεδίον κυκλωθεῖσα, πρὸς τὴν πόλιν ἔνθεν τε καὶ ἔνθεν ἀφικομένη, ταύτῃ πρὸς θάλατταν μεθεῖτο ἐκρεῖν. ἄνωθεν δὲ ἀπ' αὐτῆς τὸ πλάτος μάλιστα ἑκατὸν ποδῶν διώρυχες εὐθεῖαι τετμημέναι κατὰ τὸ πεδίον πάλιν εἰς τὴν τάφρον τὴν πρὸς θαλάττης ἀφεῖντο, ἑτέρα δὲ ἀφ' ἑτέρας αὐτῶν σταδίους ἑκατὸν ἀπεῖχεν· ᾗ δὴ τήν [118e] τε ἐκ τῶν ὀρῶν ὕλην κατῆγον εἰς τὸ ἄστυ καὶ τἆλλα δὲ ὡραῖα πλοίοις κατεκομίζοντο, διάπλους ἐκ τῶν διωρύχων εἰς ἀλλήλας τε πλαγίας καὶ πρὸς τὴν πόλιν τεμόντες. καὶ δὶς δὴ τοῦ ἐνιαυτοῦ τὴν γῆν ἐκαρποῦντο, χειμῶνος μὲν τοῖς ἐκ Διὸς ὕδασι χρώμενοι, θέρους δὲ ὅσα γῆ φέρει τὰ ἐκ τῶν διωρύχων ἐπάγοντες νάματα.

Or cette plaine avait été, grâce à la nature et aux travaux d’un grand nombre de rois au cours de longues générations, aménagée comme je vais dire. Elle avait la forme d’un quadrilatère généralement rectiligne et oblong ; ce qui lui manquait en régularité avait été corrigé par un fossé creusé sur son pourtour. En ce qui regarde la profondeur, la largeur et la longueur de ce fossé, il est difficile de croire qu’il ait eu les proportions qu’on lui prête, si l’on considère que c’était un ouvrage fait de main d’homme, ajouté aux autres travaux. Il faut cependant répéter ce que nous avons ouï dire : il avait été creusé à la profondeur d’un plèthre, sa largeur était partout d’un stade, et, comme sa longueur embrassait toute la plaine, elle montait à dix mille stades. Il recevait les cours d’eau qui descendaient des montagnes, faisait le tour de la plaine, aboutissait à la ville par ses deux extrémités, d’où on le laissait s’écouler dans la mer. De la partie haute de la ville partaient des tranchées d’environ cent pieds de large, qui coupaient la plaine en ligne droite et se déchargeaient dans le fossé près de la mer ; de l’une à l’autre il y avait un intervalle de cent stades. Elles servaient au flottage des bois descendus des montagnes vers la ville et au transport par bateaux des autres productions de chaque saison, grâce à des canaux qui partaient des tranchées et les faisaient communiquer obliquement les unes avec les autres et avec la ville. Notez qu’il y avait tous les ans deux récoltes, parce que l’hiver on utilisait les pluies de Zeus, et en été, les eaux qui jaillissent de la terre, qu’on amenait des tranchées.

πλῆθος δέ, τῶν μὲν ἐν τῷ πεδίῳ χρησίμων πρὸς πόλεμον ἀνδρῶν ἐτέτακτο τὸν [119a] κλῆρον ἕκαστον παρέχειν ἄνδρα ἡγεμόνα, τὸ δὲ τοῦ κλήρου μέγεθος εἰς δέκα δεκάκις ἦν στάδια, μυριάδες δὲ συμπάντων τῶν κλήρων ἦσαν ἕξ· τῶν δ' ἐκ τῶν ὀρῶν καὶ τῆς ἄλλης χώρας ἀπέραντος μὲν ἀριθμὸς ἀνθρώπων ἐλέγετο, κατὰ δὲ τόπους καὶ κώμας εἰς τούτους τοὺς κλήρους πρὸς τοὺς ἡγεμόνας ἅπαντες διενενέμηντο. τὸν οὖν ἡγεμόνα ἦν τεταγμένον εἰς τὸν πόλεμον παρέχειν ἕκτον μὲν ἅρματος πολεμιστηρίου μόριον εἰς μύρια ἅρματα, ἵππους δὲ δύο καὶ [119b] ἀναβάτας, ἔτι δὲ συνωρίδα χωρὶς δίφρου καταβάτην τε μικράσπιδα καὶ τὸν ἀμφοῖν μετ' ἐπιβάτην τοῖν ἵπποιν ἡνίοχον ἔχουσαν, ὁπλίτας δὲ δύο καὶ τοξότας σφενδονήτας τε ἑκατέρους δύο, γυμνῆτας δὲ λιθοβόλους καὶ ἀκοντιστὰς τρεῖς ἑκατέρους, ναύτας δὲ τέτταρας εἰς πλήρωμα διακοσίων καὶ χιλίων νεῶν. τὰ μὲν οὖν πολεμιστήρια οὕτω διετέτακτο τῆς βασιλικῆς πόλεως, τῶν δὲ ἐννέα ἄλλα ἄλλως, ἃ μακρὸς ἂν χρόνος εἴη λέγειν.

En ce qui regarde le nombre de soldats que devait fournir la plaine en cas de guerre, on avait décidé que chaque district fournirait un chef. La grandeur du district était de dix fois dix stades et il y en avait en tout six myriades. Quant aux hommes à tirer des montagnes et du reste du pays, leur nombre, à ce qu’on m’a dit, était infini ; ils avaient tous été répartis par localités et par villages entre ces districts sous l’autorité des chefs. Or le chef avait ordre de fournir pour la guerre la sixième partie d’un char de combat, en vue d’en porter l’effectif à dix mille ; deux chevaux et leurs cavaliers ; en outre un attelage de deux chevaux, sans char, avec un combattant armé d’un petit bouclier et un conducteur des deux chevaux porté derrière le combattant, plus deux hoplites, des archers et des frondeurs au nombre de deux pour chaque espèce, des fantassins légers lanceurs de pierres et de javelots au nombre de trois pour chaque espèce, et quatre matelots pour remplir douze cents navires. C’est ainsi qu’avait été réglée l’organisation militaire de la ville royale. Pour les neuf autres provinces, chacune avait son organisation particulière, dont l’explication demanderait beaucoup de temps.

[119c] τὰ δὲ τῶν ἀρχῶν καὶ τιμῶν ὧδ' εἶχεν ἐξ ἀρχῆς διακοσμηθέντα. τῶν δέκα βασιλέων εἷς ἕκαστος ἐν μὲν τῷ καθ' αὑτὸν μέρει κατὰ τὴν αὑτοῦ πόλιν τῶν ἀνδρῶν καὶ τῶν πλείστων νόμων ἦρχεν, κολάζων καὶ ἀποκτεινὺς ὅντιν' ἐθελήσειεν· ἡ δὲ ἐν ἀλλήλοις ἀρχὴ καὶ κοινωνία κατὰ ἐπιστολὰς ἦν τὰς τοῦ Ποσειδῶνος, ὡς ὁ νόμος αὐτοῖς παρέδωκεν καὶ γράμματα ὑπὸ τῶν πρώτων ἐν στήλῃ γεγραμμένα [119d] ὀρειχαλκίνῃ, ἣ κατὰ μέσην τὴν νῆσον ἔκειτ' ἐν ἱερῷ Ποσειδῶνος, οἷ δὴ δι' ἐνιαυτοῦ πέμπτου, τοτὲ δὲ ἐναλλὰξ ἕκτου, συνελέγοντο, τῷ τε ἀρτίῳ καὶ τῷ περιττῷ μέρος ἴσον ἀπονέμοντες, συλλεγόμενοι δὲ περί τε τῶν κοινῶν ἐβουλεύοντο καὶ ἐξήταζον εἴ τίς τι παραβαίνοι, καὶ ἐδίκαζον. ὅτε δὲ δικάζειν μέλλοιεν, πίστεις ἀλλήλοις τοιάσδε ἐδίδοσαν πρότερον. ἀφέτων ὄντων ταύρων ἐν τῷ τοῦ Ποσειδῶνος ἱερῷ, μόνοι γιγνόμενοι δέκα ὄντες, ἐπευξάμενοι τῷ θεῷ τὸ κεχαρισμένον [119e] αὐτῷ θῦμα ἑλεῖν, ἄνευ σιδήρου ξύλοις καὶ βρόχοις ἐθήρευον, ὃν δὲ ἕλοιεν τῶν ταύρων, πρὸς τὴν στήλην προσαγαγόντες κατὰ κορυφὴν αὐτῆς ἔσφαττον κατὰ τῶν γραμμάτων. ἐν δὲ τῇ στήλῃ πρὸς τοῖς νόμοις ὅρκος ἦν μεγάλας ἀρὰς ἐπευχόμενος τοῖς ἀπειθοῦσιν. ὅτ' οὖν κατὰ τοὺς [120a] αὑτῶν νόμους θύσαντες καθαγίζοιεν πάντα τοῦ ταύρου τὰ μέλη, κρατῆρα κεράσαντες ὑπὲρ ἑκάστου θρόμβον ἐνέβαλλον αἵματος, τὸ δ' ἄλλ' εἰς τὸ πῦρ ἔφερον, περικαθήραντες τὴν στήλην· μετὰ δὲ τοῦτο χρυσαῖς φιάλαις ἐκ τοῦ κρατῆρος ἀρυτόμενοι, κατὰ τοῦ πυρὸς σπένδοντες ἐπώμνυσαν δικάσειν τε κατὰ τοὺς ἐν τῇ στήλῃ νόμους καὶ κολάσειν εἴ τίς τι πρότερον παραβεβηκὼς εἴη, τό τε αὖ μετὰ τοῦτο μηδὲν τῶν γραμμάτων ἑκόντες παραβήσεσθαι, μηδὲ ἄρξειν μηδὲ ἄρχοντι  [120β] πείσεσθαι πλὴν κατὰ τοὺς τοῦ πατρὸς ἐπιτάττοντι νόμους. ταῦτα ἐπευξάμενος ἕκαστος αὐτῶν αὑτῷ καὶ τῷ ἀφ' αὑτοῦ γένει, πιὼν καὶ ἀναθεὶς τὴν φιάλην εἰς τὸ ἱερὸν τοῦ θεοῦ, περὶ τὸ δεῖπνον καὶ τἀναγκαῖα διατρίψας, ἐπειδὴ γίγνοιτο σκότος καὶ τὸ πῦρ ἐψυγμένον τὸ περὶ τὰ θύματα εἴη, πάντες οὕτως ἐνδύντες ὅτι καλλίστην κυανῆν στολήν, ἐπὶ τὰ τῶν ὁρκωμοσίων καύματα χαμαὶ καθίζοντες, νύκτωρ, [120ψ] πᾶν τὸ περὶ τὸ ἱερὸν ἀποσβεννύντες πῦρ, ἐδικάζοντό τε καὶ ἐδίκαζον εἴ τίς τι παραβαίνειν αὐτῶν αἰτιῷτό τινα· δικάσαντες δέ, τὰ δικασθέντα, ἐπειδὴ φῶς γένοιτο, ἐν χρυσῷ πίνακι γράψαντες μετὰ τῶν στολῶν μνημεῖα ἀνετίθεσαν. νόμοι δὲ πολλοὶ μὲν ἄλλοι περὶ τὰ γέρα τῶν βασιλέων ἑκάστων ἦσαν ἴδιοι, τὰ δὲ μέγιστα, μήτε ποτὲ ὅπλα ἐπ' ἀλλήλους οἴσειν βοηθήσειν τε πάντας, ἄν πού τις αὐτῶν ἔν τινι πόλει τὸ βασιλικὸν καταλύειν ἐπιχειρῇ γένος, κοινῇ
[120δ] δέ, καθάπερ οἱ πρόσθεν, βουλευόμενοι τὰ δόξαντα περὶ πολέμου καὶ τῶν ἄλλων πράξεων, ἡγεμονίαν ἀποδιδόντες τῷ ᾿Ατλαντικῷ γένει. θανάτου δὲ τὸν βασιλέα τῶν συγγενῶν μηδενὸς εἶναι κύριον, ὃν ἂν μὴ τῶν δέκα τοῖς ὑπὲρ ἥμισυ δοκῇ.

Le gouvernement et les charges publiques avaient été réglés à l’origine de la manière suivante. Chacun des dix rois dans son district et dans sa ville avait tout pouvoir sur les hommes et sur la plupart des lois : il punissait et faisait mettre à mort qui il voulait. Mais leur autorité l’un sur l’autre et leurs relations mutuelles étaient réglées sur les instructions de Poséidon, telles qu’elles leur avaient été transmises par la loi, et par les inscriptions gravées par les premiers rois sur une colonne d’orichalque, placée au centre de l’île dans le temple de Poséidon. C’est dans ce temple qu’ils s’assemblaient tous les cinq ans ou tous les six ans alternativement, accordant le même honneur au pair et à l’impair. Dans cette assemblée, ils délibéraient sur les affaires communes, ils s’enquéraient si l’un d’eux enfreignait la loi et le jugeaient. Au moment de porter leur jugement, ils se donnaient d’abord les uns aux autres des gages de leur foi de la manière suivante. Il y avait dans l’enceinte du temple de Poséidon des taureaux en liberté. Les dix rois, laissés seuls, priaient le dieu de leur faire capturer la victime qui lui serait agréable, après quoi ils se mettaient en chasse avec des bâtons et des noeuds coulants, sans fer. Ils amenaient alors à la colonne le taureau qu’ils avaient pris, l’égorgeaient à son sommet et faisaient couler le sang sur l’inscription. Sur la colonne, outre les lois, un serment était gravé, qui proférait de terribles imprécations contre ceux qui désobéiraient. Lors donc qu’ils avaient sacrifié suivant leurs lois, ils consacraient tout le corps du taureau, puis, remplissant de vin un cratère, ils y jetaient au nom de chacun d’eux un caillot de sang et portaient le reste dans le feu, après avoir purifié le pourtour de la colonne. Puisant ensuite dans le cratère avec des coupes d’or, ils faisaient une libation sur le feu en jurant qu’ils jugeraient conformément aux lois inscrites sur la colonne et puniraient quiconque les aurait violées antérieurement, qu’à l’avenir ils n’enfreindraient volontairement aucune des prescriptions écrites et ne commanderaient et n’obéiraient à un commandement que conformément aux lois de leur père. Lorsque chacun d’eux avait pris cet engagement pour lui-même et sa descendance, il buvait et consacrait sa coupe dans le temple du dieu ; puis il s’occupait du dîner et des cérémonies nécessaires. Quand l’obscurité était venue et que le feu des sacrifices était refroidi, chacun d’eux revêtait une robe d’un bleu sombre de toute beauté, puis ils s’asseyaient à terre dans les cendres du sacrifice où ils avaient prêté serment, et, pendant la nuit, après avoir éteint tout le feu dans le temple, ils étaient jugés ou jugeaient, si quelqu’un en accusait un autre d’avoir enfreint quelque prescription. Leurs jugements rendus, ils les inscrivaient, au retour de la lumière, sur une table d’or, et les dédiaient avec leurs robes, comme un mémorial. Il y avait en outre beaucoup d’autres lois particulières relatives aux prérogatives de chacun des rois, dont les plus importantes étaient de ne jamais porter les armes les uns contre les autres, de se réunir pour se prêter main-forte, dans le cas où l’un d’eux entreprendrait de détruire l’une des races royales dans son État, de délibérer en commun, comme leurs prédécesseurs, sur les décisions à prendre touchant la guerre et les autres affaires, mais en laissant l’hégémonie à la race d’Atlas. Le roi n’était pas maître de condamner à mort aucun de ceux de sa race, sans l’assentiment de plus de la moitié des dix rois.

ταύτην δὴ τοσαύτην καὶ τοιαύτην δύναμιν ἐν ἐκείνοις τότε οὖσαν τοῖς τόποις ὁ θεὸς ἐπὶ τούσδε αὖ τοὺς τόπους συντάξας ἐκόμισεν ἔκ τινος τοιᾶσδε, ὡς λόγος, προφάσεως. [120e] ἐπὶ πολλὰς μὲν γενεάς, μέχριπερ ἡ τοῦ θεοῦ φύσις αὐτοῖς ἐξήρκει, κατήκοοί τε ἦσαν τῶν νόμων καὶ πρὸς τὸ συγγενὲς θεῖον φιλοφρόνως εἶχον· τὰ γὰρ φρονήματα ἀληθινὰ καὶ πάντῃ μεγάλα ἐκέκτηντο, πρᾳότητι μετὰ φρονήσεως πρός τε τὰς ἀεὶ συμβαινούσας τύχας καὶ πρὸς ἀλλήλους χρώμενοι, διὸ πλὴν ἀρετῆς πάντα ὑπερορῶντες μικρὰ ἡγοῦντο [121a] τὰ παρόντα καὶ ῥᾳδίως ἔφερον οἷον ἄχθος τὸν τοῦ χρυσοῦ τε καὶ τῶν ἄλλων κτημάτων ὄγκον, ἀλλ' οὐ μεθύοντες ὑπὸ τρυφῆς διὰ πλοῦτον ἀκράτορες αὑτῶν ὄντες ἐσφάλλοντο, νήφοντες δὲ ὀξὺ καθεώρων ὅτι καὶ ταῦτα πάντα ἐκ φιλίας τῆς κοινῆς μετ' ἀρετῆς αὐξάνεται, τῇ δὲ τούτων σπουδῇ καὶ τιμῇ φθίνει ταῦτά τε αὐτὰ κἀκείνη συναπόλλυται τούτοις. ἐκ δὴ λογισμοῦ τε τοιούτου καὶ φύσεως θείας παραμενούσης πάντ' αὐτοῖς ηὐξήθη ἃ πρὶν διήλθομεν. ἐπεὶ δ' ἡ τοῦ θεοῦ μὲν μοῖρα ἐξίτηλος ἐγίγνετο ἐν αὐτοῖς πολλῷ τῷ θνητῷ καὶ [121b] πολλάκις ἀνακεραννυμένη, τὸ δὲ ἀνθρώπινον ἦθος ἐπεκράτει, τότε ἤδη τὰ παρόντα φέρειν ἀδυνατοῦντες ἠσχημόνουν, καὶ τῷ δυναμένῳ μὲν ὁρᾶν αἰσχροὶ κατεφαίνοντο, τὰ κάλλιστα ἀπὸ τῶν τιμιωτάτων ἀπολλύντες, τοῖς δὲ ἀδυνατοῦσιν ἀληθινὸν πρὸς εὐδαιμονίαν βίον ὁρᾶν τότε δὴ μάλιστα πάγκαλοι μακάριοί τε ἐδοξάζοντο εἶναι, πλεονεξίας ἀδίκου καὶ δυνάμεως ἐμπιμπλάμενοι. θεὸς δὲ ὁ θεῶν Ζεὺς ἐν νόμοις βασιλεύων, ἅτε δυνάμενος καθορᾶν τὰ τοιαῦτα, ἐννοήσας γένος ἐπιεικὲς ἀθλίως διατιθέμενον, δίκην αὐτοῖς [121ψ] ἐπιθεῖναι βουληθείς, ἵνα γένοιντο ἐμμελέστεροι σωφρονισθέντες, συνήγειρεν θεοὺς πάντας εἰς τὴν τιμιωτάτην αὐτῶν οἴκησιν, ἣ δὴ κατὰ μέσον παντὸς τοῦ κόσμου βεβηκυῖα καθορᾷ πάντα ὅσα γενέσεως μετείληφεν, καὶ συναγείρας εἶπεν ...

Telle était la formidable puissance qui existait alors en cette contrée, et que le dieu assembla et tourna contre notre pays, pour la raison que voici. Pendant de nombreuses générations, tant que la nature du dieu se fit sentir suffisamment en eux, ils obéirent aux lois et restèrent attachés au principe divin auquel ils étaient apparentés. Ils n’avaient que des pensées vraies et grandes en tout point, et ils se comportaient avec douceur et sagesse en face de tous les hasards de la vie et à l’égard les uns des autres. Aussi, n’ayant d’attention qu’à la vertu, faisaient-ils peu de cas de leurs biens et supportaient-ils aisément le fardeau qu’était pour eux la masse de leur or et de leurs autres possessions. Ils n’étaient pas enivrés par les plaisirs de la richesse et, toujours maîtres d’eux-mêmes, ils ne s’écartaient pas de leur devoir. Tempérants comme ils étaient, ils voyaient nettement que tous ces biens aussi s’accroissaient par l’affection mutuelle unie à la vertu, et que, si on s’y attache et les honore, ils périssent eux-mêmes et la vertu avec eux. Tant qu’ils raisonnèrent ainsi et gardèrent leur nature divine, ils virent croître tous les biens dont j’ai parlé. Mais quand la portion divine qui était en eux s’altéra par son fréquent mélange avec un élément mortel considérable et que le caractère humain prédomina, incapables dès lors de supporter la prospérité, ils se conduisirent indécemment, et à ceux qui savent voir, ils apparurent laids, parce qu’ils perdaient les plus beaux de leurs biens les plus précieux, tandis que ceux qui ne savent pas discerner ce qu’est la vraie vie heureuse les trouvaient justement alors parfaitement beaux et heureux, tout infectés qu’ils étaient d’injustes convoitises et de l’orgueil de dominer. Alors le dieu des dieux, Zeus, qui règne suivant les lois et qui peut discerner ces sortes de choses, s’apercevant du malheureux état d’une race qui avait été vertueuse, résolut de les châtier pour les rendre plus modérés et plus sages. A cet effet, il réunit tous les dieux dans leur demeure, la plus précieuse, celle qui, située au centre de tout l’univers, voit tout ce qui participe à la génération, et, les ayant rassemblés, il leur dit :...