Enneade VI, livre I - Ennéade VI, livre III
LES ENNÉADES
SIXIÈME ENNÉADE.
246 LIVRE DEUXIÈME.
DES GENRES DE L'ÊTRE, II.
I. Ἐπεὶ δὲ περὶ τῶν λεγομένων δέκα γενῶν ἐπέσκεπται, εἴρηται δὲ καὶ περὶ τῶν εἰς ἓν ἀγόντων γένος τὰ πάντα τέτταρα ὑπὸ τὸ ἓν οἷον εἴδη τιθεμένων, ἀκόλουθον ἂν εἴη εἰπεῖν, τί ποτε ἡμῖν περὶ τούτων φαίνεται τὰ δοκοῦντα ἡμῖν πειρωμένοις εἰς τὴν Πλάτωνος ἀνάγειν δόξαν. Εἰ μὲν οὖν ἓν ἔδει τίθεσθαι τὸ ὄν, οὐδὲν ἂν ἔδει ζητεῖν, οὔτ´ εἰ γένος ἓν ἐπὶ πᾶσιν, οὔτε εἰ γένη μὴ ὑφ´ ἕν, οὔτ´ εἰ ἀρχάς, οὔτε εἰ τὰς ἀρχὰς καὶ γένη τὰς αὐτὰς δεῖ τίθεσθαι, οὔτε εἰ τὰ γένη καὶ ἀρχὰς τὰ αὐτά, ἢ τὰς μὲν ἀρχὰς ἁπάσας καὶ γένη, τὰ δὲ γένη οὐκ ἀρχάς, ἢ ἀνάπαλιν, ἢ ἐφ´ ἑκατέρων τινὰς μὲν ἀρχὰς καὶ γένη καί τινα γένη καὶ ἀρχάς, ἢ ἐπὶ μὲν τῶν ἑτέρων πάντα καὶ θάτερα, ἐπὶ δὲ τῶν ἑτέρων τινὰ καὶ θάτερα. Ἐπεὶ δὲ οὐχ ἕν φαμεν τὸ ὄν— διότι δέ, εἴρηται καὶ τῷ Πλάτωνι καὶ ἑτέροις—ἀναγκαῖον ἴσως γίγνεται καὶ περὶ τούτων ἐπισκέψασθαι πρότερον εἰς μέσον θέντας, τίνα ἀριθμὸν λέγομεν καὶ πῶς. Ἐπεὶ οὖν περὶ τοῦ ὄντος ἢ τῶν ὄντων ζητοῦμεν, ἀναγκαῖον πρῶτον παρ´ αὑτοῖς διελέσθαι τάδε, τί τε τὸ ὂν λέγομεν, περὶ οὗ ἡ σκέψις ὀρθῶς γίνοιτο νυνί, καὶ τί δοκεῖ μὲν ἄλλοις εἶναι ὄν, γινόμενον δὲ αὐτὸ λέγομεν εἶναι, ὄντως δὲ οὐδέποτε ὄν. Δεῖ δὲ νοεῖν ταῦτα ἀπ´ ἀλλήλων διῃρημένα οὐχ ὡς γένους τοῦ τὶ εἰς ταῦτα διῃρημένου, οὐδ´ οὕτως οἴεσθαι τὸν Πλάτωνα πεποιηκέναι. Γελοῖον γὰρ ὑφ´ ἓν θέσθαι τὸ ὂν τῷ μὴ ὄντι, ὥσπερ ἂν εἴ τις Σωκράτη ὑπὸ τὸ αὐτὸ θεῖτο καὶ τὴν τούτου εἰκόνα. Τὸ γὰρ «διελέσθαι» ἐνταῦθά ἐστι τὸ ἀφορίσαι καὶ χωρὶς θεῖναι, καὶ τὸ δόξαν ὂν εἶναι εἰπεῖν οὐκ εἶναι ὄν, ὑποδείξαντα αὐτοῖς ἄλλο τὸ ὡς ἀληθῶς ὂν εἶναι. Καὶ προστιθεὶς τῷ ὄντι τὸ «ἀεὶ» ὑπέδειξεν, ὡς δεῖ τὸ ὂν τοιοῦτον εἶναι, οἷον μηδέποτε ψεύδεσθαι τὴν τοῦ ὄντος φύσιν. Περὶ δὴ τούτου τοῦ ὄντος λέγοντες καὶ περὶ τούτου ὡς οὐχ ἑνὸς ὄντος σκεψόμεθα· ὕστερον δέ, εἰ δοκεῖ, καὶ περὶ γενέσεως καὶ τοῦ γινομένου καὶ κόσμου αἰσθητοῦ τι ἐροῦμεν. |
I. Après avoir discuté la doctrine des dix catégories [d'Aristote], et parlé des [Stoïciens] qui ramènent toutes choses à un seul genre en les distribuant en quatre espèces, il nous reste à exposer notre propre opinion sur ce sujet, en nous efforçant toutefois de nous conformer à la doctrine de Platon (1). Si nous devions poser l'être comme un, nous n'aurions pas à rechercher s'il n'y a qu'un seul genre pour toutes choses, si les genres ne peuvent se ramener tous à un seul, s'ils sont des principes, si les principes sont en même temps des genres, si les genres sont en même temps des principes, ou bien si tous les principes sont des genres, sans qu'on puisse dire réciproquement que tous les genres sont des principes, ou bien s'il faut distinguer entre eux et dire que quelques principes sont en même temps genres, quelques genres principes, ou enfin si tous les principes sont genres sans que tous les genres soient des principes, et réciproquement (2). Mais, puisque nous n'admettons pas que l'être soit un, ce dont Platon et d'autres philosophes ont exposé les raisons (3), nous nous trouvons dans l'obli- 206 gation de traiter toutes ces questions, et d'abord de dire combien nous reconnaissons de genres d'êtres, et pourquoi nous nous arrêtons à ce nombre. Traitant de l'être ou des êtres, nous devons avant tout bien déterminer ce que nous entendons par l'être, dont nous nous occupons en ce moment, et le distinguer de ce que d'autres appellent l'être, mais que nous au contraire nous appelons ce qui devient, ce qui n'est jamais véritablement être. Et encore faut-il bien comprendre qu'en faisant cette distinction, nous ne prétendons pas diviser un genre en espèces de même nature ; ce ne peut être là ce que Platon a voulu faire (4) : car il serait ridicule de réunir dans un même genre l'être et le non-être, Socrate, par exemple, et l'image de Socrate. La division que nous établissons ici ne consiste donc qu'à séparer des choses essentiellement différentes, qu'à expliquer que l'être apparent n'est pas l'être véritable, en démontrant que l'être véritable a une tout autre nature. Pour bien préciser cette nature, il faut ajouter à l'idée d'être celle d'éternité (ἀεί), et faire voir ainsi que l'être a une nature telle qu'elle ne saurait jamais tromper. C'est de l'être ainsi conçu [c'est-à-dire de l'être intelligible] que nous allons traiter, en admettant qu'il n'est pas un. Ensuite [dans le livre III], nous parlerons de la génération, de ce qui devient et du monde sensible. |
II. Ἐπεὶ οὖν οὐχ ἕν φαμεν, ἆρα ἀριθμόν τινα ἢ ἄπειρον; Πῶς γὰρ δὴ τὸ οὐχ ἕν; Ἢ ἓν ἅμα καὶ πολλὰ λέγομεν, καί τι ποικίλον ἓν τὰ πολλὰ εἰς ἓν ἔχον. Ἀνάγκη τοίνυν τοῦτο τὸ οὕτως ἓν ἢ τῷ γένει ἓν εἶναι, εἴδη δ´ αὐτοῦ τὰ ὄντα, οἷς πολλὰ καὶ ἕν, ἢ πλείω ἑνὸς γένη, ὑφ´ ἓν δὲ τὰ πάντα, ἢ πλείω μὲν γένη, μηδὲν δὲ ἄλλο ὑπ´ ἄλλο, ἀλλ´ ἕκαστον περιεκτικὸν τῶν ὑπ´ αὐτό, εἴτε καὶ αὐτῶν γενῶν ἐλαττόνων ὄντων ἢ εἰδῶν καὶ ὑπὸ τούτοις ἀτόμων, συντελεῖν ἅπαντα εἰς μίαν φύσιν καὶ ἐκ πάντων τῷ νοητῷ κόσμῳ, ὃν δὴ λέγομεν τὸ ὄν, τὴν σύστασιν εἶναι. Εἰ δὴ τοῦτο, οὐ μόνον γένη ταῦτα εἶναι, ἀλλὰ καὶ ἀρχὰς τοῦ ὄντος ἅμα ὑπάρχειν· γένη μέν, ὅτι ὑπ´ αὐτὰ ἄλλα γένη ἐλάττω καὶ εἴδη μετὰ τοῦτο καὶ ἄτομα· ἀρχὰς δέ, εἰ τὸ ὂν οὕτως ἐκ πολλῶν καὶ ἐκ τούτων τὸ ὅλον ὑπάρχει. Εἰ μέντοι πλείω μὲν ἦν ἐξ ὧν, συνελθόντα δὲ τὰ ὅλα ἐποίει τὸ πᾶν ἄλλο οὐκ ἔχοντα ὑπ´ αὐτά, ἀρχαὶ μὲν ἂν ἦσαν, γένη δὲ οὐκ ἄν· οἷον εἴ τις ἐκ τῶν τεσσάρων ἐποίει τὸ αἰσθητόν, πυρὸς καὶ τῶν τοιούτων· ταῦτα γὰρ ἀρχαὶ ἂν ἦσαν, γένη δὲ οὔ· εἰ μὴ ὁμωνύμως τὸ γένος. Λέγοντες τοίνυν καὶ γένη τινὰ εἶναι, τὰ δ´ αὐτὰ καὶ ἀρχάς, ἆρα τὰ μὲν γένη, ἕκαστον μετὰ τῶν ὑπ´ αὐτά, ὁμοῦ μιγνύντες ἀλλήλοις τὰ πάντα, τὸ ὅλον ἀποτελοῦμεν καὶ σύγκρασιν ποιοῦμεν ἁπάντων; Ἀλλὰ δυνάμει, οὐκ ἐνεργείᾳ ἕκαστον οὐδὲ καθαρὸν αὐτὸ ἕκαστον ἔσται. Ἀλλὰ τὰ μὲν γένη ἐάσομεν, τὰ δὲ καθέκαστον μίξομεν; Τίνα οὖν ἔσται ἐφ´ αὑτῶν τὰ γένη; ἢ ἔσται κἀκεῖνα ἐφ´ αὑτῶν καὶ καθαρά, καὶ τὰ μιχθέντα οὐκ ἀπολεῖ αὐτά. Καὶ πῶς; Ἢ ταῦτα μὲν εἰς ὕστερον· νῦν δ´ ἐπεὶ συγκεχωρήκαμεν καὶ γένη εἶναι καὶ προσέτι καὶ τῆς οὐσίας ἀρχὰς καὶ τρόπον ἕτερον ἀρχὰς καὶ σύνθεσιν, πρῶτον λεκτέον πόσα λέγομεν γένη καὶ πῶς διίσταμεν ἀπ´ ἀλλήλων αὐτὰ καὶ οὐχ ὑφ´ ἓν ἄγομεν, ὥσπερ ἐκ τύχης συνελθόντα καὶ ἕν τι πεποιηκότα· καίτοι πολλῷ εὐλογώτερον ὑφ´ ἕν. Ἤ, εἰ μὲν εἴδη οἷόν τε ἦν τοῦ ὄντος ἅπαντα εἶναι καὶ ἐφεξῆς τούτοις τὰ ἄτομα καὶ μηδὲν τούτων ἔξω, ἦν ἂν ἴσως ποιεῖν οὕτως. Ἐπειδὴ δὲ ἡ τοιαύτη θέσις ἀναίρεσίς ἐστιν αὐτῆς—οὐδὲ γὰρ τὰ εἴδη εἴδη ἔσται, οὐδ´ ὅλως πολλὰ ὑφ´ ἕν, ἀλλὰ πάντα ἕν, μὴ ἑτέρου ἢ ἑτέρων ἔξω ἐκείνου τοῦ ἑνὸς ὄντων· πῶς γὰρ ἂν πολλὰ ἐγένετο τὸ ἕν, ὥστε καὶ εἴδη γεννῆσαι, εἰ μή τι ἦν παρ´ αὐτὸ ἄλλο; Οὐ γὰρ ἑαυτῷ πολλά, εἰ μή τις ὡς μέγεθος κερματίζει· ἀλλὰ καὶ οὕτως ἕτερον τὸ κερματίζον. Εἰ δ´ αὑτὸ κερματιεῖ ἢ ὅλως διαιρήσει, πρὸ τοῦ διαιρεθῆναι ἔσται διῃρημένον. Ταύτῃ μὲν οὖν καὶ δι´ ἄλλα πολλὰ ἀποστατέον τοῦ «γένος ἕν», καὶ ὅτι οὐχ οἷόν τε ἕκαστον ὁτιοῦν ληφθὲν ἢ ὂν ἢ οὐσίαν λέγειν. Εἰ δέ τις λέγοι ὄν, τῷ συμβεβηκέναι φήσει, οἷον εἰ λευκὸν λέγοι [τὴν οὐσίαν]· οὐ γὰρ ὅπερ λευκὸν λέγει 〈τὴν οὐσίαν〉. |
II. Puis donc que l'être n'est pas un, nous admettons que la conséquence est qu'il y a un nombre d'êtres déterminé ou infini. Dire en effet que l'être n'est pas un, n'est-ce pas dire qu'il est à la fois un et multiple, qu'il est une unité variée qui embrasse une multitude? Or, il est nécessaire ou que l'un ainsi conçu soit un en tant que formant un seul genre, ayant pour espèces les êtres par lesquels il est à la fois un et multiple; ou qu'il y ait plusieurs genres, mais que 207 tous ces genres se rangent sous un seul; ou bien qu'il y ait encore plusieurs genres, mais qui ne se subordonnent pas les uns aux autres et dont chacun, indépendant des autres, contienne ce qui est au-dessous de lui, soit des genres moins étendus, soit des espèces après lesquelles il n'y a plus que des individus; en sorte que toutes ces choses concourent à constituer une seule nature, et forment par leur ensemble la substance du monde intelligible, que nous appelons l'être. S'il en est ainsi, les divisions que nous établissons ne sont plus seulement des genres, elles sont en même temps les principes mêmes de l'être : elles sont des genres, parce qu'elles contiennent des genres moins étendus, et au-dessous de ces genres des espèces, puis des individus ; elles sont aussi des principes, puisque l'être se compose d'éléments multiples et que ces éléments constituent la totalité de l'être. Si l'on admettait seulement que l'être se compose de plusieurs éléments et que par leur concours ces éléments constituent le tout, sans ajouter qu'ils ont au-dessous d'eux certaines espèces, on aurait encore il est vrai des principes, mais ce ne seraient plus des genres : c'est ainsi que quand on dit que le monde sensible se compose de quatre éléments, du feu et des autres, on a bien dans ces éléments des principes, mais nullement des genres, à moins qu'on ne leur donne ce nom seulement par homonymie. Admettant donc qu'il existe certaine genres, qui sont en même temps des principes, nous avons encore à rechercher s'ils doivent être conçus de telle sorte que ces genres, avec les choses que contient chacun d'eux» se mélangent, se confondent et forment le tout par leur ensemble. S'il en était ainsi, les genres n'existeraient qu'en puissance et nullement en acte; ils n'auraient plus chacun quelque chose de propre. — Ou bien, laissant les genres subsister, pourra-t-on ne mélanger que les individus? Que seront donc alors les genres en eux-mêmes? Subsisteront-ils par eux-mêmes 208 et resteront-ils purs, sans que les choses qui seront mêlées les détruisent ? Comment cela aura-t-il lieu ? Mais nous traiterons ces questions plus tard. Maintenant, puisque nous avons reconnu qu'il existe des genres qui sont en outre les principes de l'essence, qu'il y a à un autre point de vue des principes [ou éléments] et des composés, il faut que nous disions d'abord par rapport à quoi nous constituons les genres comme genres, comment nous les distinguons les uns des autres, au lieu de les réduire à un seul (comme s'ils étaient réunis par hasard), quoiqu'il semble plus raisonnable de les réduire à un seul. On pourrait les réduire ainsi s'il était possible que toutes choses fussent des espèces de l'être, que tous les individus fussent contenus dans ces espèces et qu'il n'y eût rien en dehors d'elles. Mais une pareille supposition détruit les espèces (car alors les espèces ne seraient plus des espèces), et dès ce moment il n'y aurait plus lieu de réduire la pluralité à l'unité, mais tout ne ferait qu'un ; en sorte que, toutes choses appartenant à cet un, aucun autre être n'existerait en tant qu'autre hors de l'un. Comment en effet l'un serait-il devenu multiple et aurait-il pu engendrer les espèces s'il n'existait rien d'autre que lui? Car il ne serait pas multiple s'il n'y avait quelque chose pour le diviser, comme une grandeur; or ce qui divise est autre que ce qui est divisé. S'il se divise lui-même ou se partage, c'est qu'il était déjà avant la division susceptible d'être divisé (5). Il faut donc, pour cette raison et pour plusieurs autres, se garder de reconnaître un seul genre (6) : car il serait impossible d'appliquer à tout les dénominations d'être et 209 d'essence. S'il y a des objets fort divers qu'on appelle êtres, ce n'est que par accident, comme si par exemple on faisait du blanc une substance : car on ne donne pas le nom de substance au blanc considéré seul (7). |
III.Πλείω μὲν δὴ λέγομεν εἶναι καὶ οὐ κατὰ τύχην πλείω. Οὐκοῦν ἀφ´ ἑνός. Ἤ, εἰ καὶ ἀφ´ ἑνός, οὐ κατηγορουμένου δὲ κατ´ αὐτῶν ἐν τῷ εἶναι, οὐδὲν κωλύει ἕκαστον οὐχ ὁμοειδὲς ὂν ἄλλῳ χωρὶς αὐτὸ εἶναι γένος. Ἆρ´ οὖν ἔξωθεν τοῦτο τῶν γενομένων γενῶν τὸ αἴτιον μέν, μὴ κατηγορούμενον δὲ τῶν ἄλλων ἐν τῷ τί ἐστιν; Ἢ τὸ μὲν ἔξω· ἐπέκεινα γὰρ τὸ ἕν, ὡς ἂν μὴ συναριθμούμενον τοῖς γένεσιν, εἰ δι´ αὐτὸ τὰ ἄλλα, ἃ ἐπίσης ἀλλήλοις εἰς τὸ γένη εἶναι. Καὶ πῶς ἐκεῖνο οὐ συνηρίθμηται; Ἢ τὰ ὄντα ζητοῦμεν, οὐ τὸ ἐπέκεινα. Τοῦτο μὲν οὖν οὕτως· τί δὲ τὸ συναριθμούμενον; Ἐφ´ οὗ καὶ θαυμάσειεν ἄν τις, πῶς συναριθμούμενον τοῖς αἰτιατοῖς. Ἤ, εἰ μὲν ὑφ´ ἓν γένος αὐτὸ καὶ τὰ ἄλλα, ἄτοπον· εἰ δὲ οἷς αἴτιον συναριθμεῖται, ὡς αὐτὸ τὸ γένος καὶ τὰ ἄλλα ἐφεξῆς—καὶ ἔστι διάφορα τὰ ἐφεξῆς πρὸς αὐτό, καὶ οὐ κατηγορεῖται αὐτῶν ὡς γένος οὐδ´ ἄλλο τι κατ´ αὐτῶν—ἀνάγκη καὶ αὐτὰ γένη εἶναι ἔχοντα ὑφ´ αὑτά. Οὐδὲ γάρ, εἰ σὺ τὸ βαδίζειν ἐγέννας, ὑπὸ σὲ ὡς γένος τὸ βαδίζειν ἦν ἄν· καὶ εἰ μηδὲν ἦν πρὸ αὐτοῦ ἄλλο ὡς γένος αὐτοῦ, ἦν δὲ τὰ μετ´ αὐτό, γένος ἂν ἦν τὸ βαδίζειν ἐν τοῖς οὖσιν. Ὅλως δὲ ἴσως οὐδὲ τὸ ἓν φατέον αἴτιον τοῖς ἄλλοις εἶναι, ἀλλ´ οἷον μέρη αὐτοῦ καὶ οἷον στοιχεῖα αὐτοῦ καὶ πάντα μίαν φύσιν μεριζομένην ταῖς ἡμῶν ἐπινοίαις, αὐτὸ δὲ εἶναι ὑπὸ δυνάμεως θαυμαστῆς ἓν εἰς πάντα καὶ φαινόμενον πολλὰ καὶ γινόμενον πολλά, οἷον ὅταν κινηθῇ· καὶ τὸ πολύχνουν τῆς φύσεως ποιεῖν τὸ ἓν μὴ ἓν εἶναι, ἡμᾶς τε οἷον μοίρας αὐτοῦ προφέροντας ταύτας ἓν ἕκαστον τίθεσθαι καὶ γένος λέγειν ἀγνοοῦντας ὅτι μὴ ὅλον ἅμα εἴδομεν, ἀλλὰ κατὰ μέρος προφέροντες πάλιν αὐτὰ συνάπτομεν οὐ δυνάμενοι ἐπὶ πολὺν χρόνον αὐτὰ κατέχειν σπεύδοντα πρὸς αὐτά. Διὸ πάλιν μεθίεμεν εἰς τὸ ὅλον καὶ ἐῶμεν ἓν γενέσθαι, μᾶλλον δὲ ἓν εἶναι. Ἀλλὰ ἴσως σαφέστερα ταῦτα ἔσται κἀκείνων ἐγνωσμένων, ἢν τὰ γένη λάβωμεν ὁπόσα· οὕτω γὰρ καὶ τὸ πῶς. Ἀλλ´ ἐπεὶ δεῖ λέγοντα μὴ ἀποφάσεις λέγειν, ἀλλὰ καὶ εἰς ἔννοιαν καὶ νόησιν ἰέναι τῶν λεγομένων, ὡδὶ ποιητέον. |
III. Nous disons donc qu'il existe plusieurs genres, et que cette pluralité n'est pas accidentelle. Ces divers genres ne dépendent-ils pas de l'Un? Sans doute. Mais s'ils dépendent de l'Un, et que l'Un ne soit pas quelque chose qui s'affirme de chacun d'eux considéré dans son essence, alors rien n'empêche que chacun d'eux, n'ayant rien de conforme aux autres, ne constitue un genre à part. — Est-ce que l'Un, existant ainsi en dehors des genres qui naissent de lui, n'est pas leur cause sans être affirmé cependant des autres êtres considérés dans leur essence? Sans doute : l'Un est en dehors des autres êtres. Bien plus, il est au-dessus d'eux, de telle sorte qu'il n'est pas compté au nombre des genres : car c'est par lui qu'existent les autres êtres, lesquels sont égaux les uns aux autres en tant que genres. Mais, pourra-t-on demander alors, de quelle nature est cet Un qu'on ne compte pas au nombre des genres ? Ce n'est pas ce que nous avons à examiner dans ce moment : nous considérons les êtres, et non Celui qui est au-dessus de l'être. Laissons donc l'Un absolu, et cherchons ce qu'est l'Un que l'on compte au nombre des genres. D'abord [en considérant l'Un à ce point de vue], on s'étonnera de voir la cause additionnée avec les choses causées. Il serait déraisonnable en effet de faire entrer dans un même genre les choses supérieures et les inférieures. Si cependant, en additionnant l'Un avec les êtres dont il est la cause, on fait de lui un genre auquel les autres êtres soient subordonnés et dont ils différent, si en outre on n'affirme point l'Un des autres êtres soit comme genre, soit à quelque autre titre, il est encore nécessaire que les 210 genres qui possèdent l'être aient sous eux des espèces : car, par exemple, si en te mouvant tu produis la marche, on ne peut faire de la marche on genre qui te soit subordonné ; mais s'il n'existait au-dessus de la marche rien autre chose qui pût par rapport à elle remplir le rôle de genre, et qu'il existât cependant des choses au-dessous d'elle, la marche serait par rapport à celles-ci un genre des êtres. Peut-être, au lieu de dire que l'Un est la cause des autres choses, faudrait-il admettre que ces choses sont comme des parties et des éléments de l'Un, et que toutes choses forment une substance unique dans laquelle notre pensée seule établit des divisions ; de sorte qu'en vertu de son admirable puissance cette substance soit l'Unité distribuée en toutes choses, paraissant et devenant multiple, comme si elle était en mouvement et que par l'effet de la fécondité de sa nature l'Un cessât d'être un. En énonçant successivement les parties d'une telle substance, nous accorderions à chacune d'elles une existence à part, ignorant que nous n'avons pas vu l'ensemble. Mais après avoir ainsi séparé les parties, nous les rapprocherions bientôt, ne pouvant retenir longtemps isolés des éléments qui tendent à se réunir ; c'est pourquoi nous reviendrions à en faire un tout; nous les laisserions redevenir unité, ou plutôt être unité. Du reste, cela sera plus facile à comprendre quand nous saurons ce que sont les êtres et combien il y a de genres d'êtres : car il nous sera possible alors de concevoir leur mode d'existence. Et comme, en ces matières, il ne faut pas se borner à des négations, mais viser à la connaissance positive et à la pleine intelligence du sujet qu'on traite, nous allons entreprendre cette recherche. |
IV.Εἰ τὴν σώματος φύσιν ἰδεῖν ἐβουλόμεθα, οἷόν τί ἐστιν ἐν τῷδε τῷ ὅλῳ ἡ τοῦ σώματος αὐτοῦ φύσις, ἆρ´ οὐ καταμαθόντες ἐπί τινος τῶν μερῶν αὐτοῦ, ὡς ἔστι τὸ μὲν ὡς ὑποκείμενον αὐτοῦ, οἷον ἐπὶ λίθου, τὸ δὲ ὁπόσον αὐτοῦ, τὸ μέγεθος, τὸ δὲ ὁποῖον, οἷον τὸ χρῶμα, καὶ ἐπὶ παντὸς ἄλλου σώματος εἴποιμεν ἄν, ὡς ἐν τῇ σώματος φύσει τὸ μέν ἐστιν οἷον οὐσία, τὸ δέ ἐστι ποσόν, τὸ δὲ ποιόν, ὁμοῦ μὲν πάντα, τῷ δὲ λόγῳ διαιρεθέντα εἰς τρία, καὶ σῶμα ἂν ἦν ἓν τὰ τρία; Εἰ δὲ καὶ κίνησις αὐτοῦ παρῆν σύμφυτος τῇ συστάσει, καὶ τοῦτο ἂν συνηριθμήσαμεν, καὶ τὰ τέτταρα ἦν ἂν ἕν, καὶ τὸ σῶμα τὸ ἓν ἀπήρτιστο πρὸς τὸ ἓν καὶ τὴν αὐτοῦ φύσιν τοῖς ἅπασι. Τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον, ἐπειδὴ περὶ οὐσίας νοητῆς καὶ τῶν ἐκεῖ γενῶν καὶ ἀρχῶν ὁ λόγος ἐστίν, ἀφελόντας χρὴ τὴν ἐν τοῖς σώμασι γένεσιν καὶ τὴν δι´ αἰσθήσεως κατανόησιν καὶ τὰ μεγέθη—οὕτω γὰρ καὶ τὸ χωρὶς καὶ τὸ διεστηκότα ἀπ´ ἀλλήλων εἶναι—λαβεῖν τινα νοητὴν ὑπόστασιν καὶ ὡς ἀληθῶς ὂν καὶ μᾶλλον ἕν. Ἐν ᾧ καὶ τὸ θαῦμα πῶς πολλὰ καὶ ἓν τὸ οὕτως ἕν. Ἐπὶ μὲν γὰρ τῶν σωμάτων συγκεχώρηται τὸ αὐτὸ ἓν καὶ πολλὰ εἶναι· καὶ γὰρ εἰς ἄπειρα τὸ αὐτό, καὶ ἕτερον τὸ χρῶμα καὶ τὸ σχῆμα ἕτερον· καὶ γὰρ χωρίζεται. Εἰ δέ τις λάβοι ψυχὴν μίαν ἀδιάστατον ἀμεγέθη ἁπλούστατον, ὡς δόξει τῇ πρώτῃ τῆς διανοίας ἐπιβολῇ, πῶς ἄν τις ἐλπίσειε πολλὰ εὑρήσειν πάλιν αὖ; Καίτοι νομίσας εἰς τοῦτο τελευτᾶν, ὅτε διῃρεῖτο τὸ ζῷον εἰς σῶμα καὶ ψυχήν, καὶ σῶμα μὲν πολυειδὲς καὶ σύνθετον καὶ ποικίλον, τὴν δὲ ψυχὴν ἐθάρρει ὡς ἁπλοῦν εὑρὼν καὶ ἀναπαύσασθαι τῆς πορείας ἐλθὼν ἐπ´ ἀρχήν. Ταύτην τοίνυν τὴν ψυχήν, ἐπειδήπερ ἐκ τοῦ νοητοῦ τόπου προεχειρίσθη ἡμῖν, ὡς ἐκεῖ τὸ σῶμα ἐκ τοῦ αἰσθητοῦ, λάβωμεν, πῶς τὸ ἓν τοῦτο πολλά ἐστι, καὶ πῶς τὰ πολλὰ ἕν ἐστιν, οὐ σύνθετον ἓν ἐκ πολλῶν, ἀλλὰ μία φύσις πολλά· διὰ γὰρ τούτου ληφθέντος καὶ φανεροῦ γενομένου καὶ τὴν περὶ τῶν γενῶν τῶν ἐν τῷ ὄντι ἔφαμεν ἀλήθειαν φανερὰν ἔσεσθαι. |
IV. Si, nous occupant de ce monde sensible, nous voulions déterminer quelle est la nature des corps, ne commencerions-nous pas par en étudier quelque partie, une pierre par exemple? Nous y distinguerions la substance, puis la quantité, comme sa dimension, la qualité, comme 211 sa couleur, et» après avoir retrouvé dans les autres corps ces mêmes éléments, nous dirions que la nature corporelle a pour éléments la substance, la quantité, la qualité, mais que ces trois choses coexistent, et que, bien que la pensée les sépare, toutes les trois ne font qu'un seul et même corps. Et si nous reconnaissions en outre que le mouvement est propre à cette même substance, ne l'ajouterions-ftous pas aux trois éléments déjà reconnus? Ces quatre éléments ne feraient encore qu'un, et le corps, bien qu'un, serait constitué, dans son essence et dans son unité, par la réunion de tous les quatre (8). Il faut procéder de la même manière à l'égard du sujet dont nous traitons ici, c'est-à-dire de la substance intelligible, de ses genres et de ses principes. Seulement il faut, dans cette comparaison, faire abstraction de ce qui est propre aux corps et qu'on nomme génération, des perceptions des sens, enfin de l'étendue. Après avoir établi cette séparation et avoir ainsi distingué des choses essentiellement différentes, nous arriverons à concevoir la substance intelligible, qui possède l'être, l'existence véritable, et l'unité à un plus haut degré encore. A cette vue, on s'étonne que la substance qui est ainsi une puisse être à la fois une et multiple. A l'égard des corps, on s'accorde à reconnaître que la même chose est une et multiple ; le corps peut en effet se diviser à l'infini ; la couleur, la figure, par exemple» sont en lui des propriétés bien différentes l'une de l'autre, puisqu'un bas elles sont séparées; Mais à l'égard de l'âme, si on la conçoit comme une, sans étendue, sans grandeur, absolument simple, ainsi que cela apparaît à la première vue, comment croire que l'âme elle-même puisse après cela se trouver multiple? On devait d'autant plus penser arriver ici à l'unité, qu'après avoir divisé l'animal en corps et en âme et avoir démontré que le corps est multiforme, composé, divers, 212 on pouvait compter trouver au contraire l'âme simple et s'arrêter à cette conclusion, comme au terme de ses recherches. Après avoir ainsi considéré cette âme que nous avons prise comme un échantillon du monde intelligible, de même que le corps représente le monde sensible, examinons comment cette unité peut être multiple; comment le multiple peut à son tour être unité, non un composé formé de parties séparables, mais une seule nature à la fois une et multiple. Car, nous l'avons déjà dit, c'est en partant de ce point et en le démontrant que nous établirons solidement la vérité au sujet des genres de l'être. |
V. Πρῶτον δὲ τοῦτο ἐνθυμητέον ὡς, ἐπειδὴ τὰ σώματα, οἷον τῶν ζῴων καὶ τῶν φυτῶν, ἕκαστον αὐτῶν πολλά ἐστι καὶ χρώμασι καὶ σχήμασι καὶ μεγέθεσι καὶ εἴδεσι μερῶν καὶ ἄλλο ἄλλοθι, ἔρχεται δὲ τὰ πάντα ἐξ ἑνός, ἢ παντάπασιν ἐξ ἑνὸς ἢ ἐξ ἔτι πάντη [πάντως] ἑνὸς ἢ μᾶλλον μὲν ἑνὸς ἢ οἷον τὸ ἐξ αὐτοῦ, ὥστε καὶ μᾶλλον ὄντος ἢ τὸ γενόμενον—ὅσῳ γὰρ πρὸς ἓν ἡ ἀπόστασις, τόσῳ καὶ πρὸς ὄν—ἐπεὶ οὖν ἐξ ἑνὸς μέν, οὐχ οὕτω δὲ ἑνός, ὡς πάντη ἓν ἢ αὐτοέν—οὐ γὰρ ἂν διεστηκὸς πλῆθος ἐποίει—λείπεται εἶναι ἐκ πλήθους ἑνός. Τὸ δὲ ποιοῦν ἦν ψυχή· τοῦτο ἄρα πλῆθος ἕν. Τί οὖν; τὸ πλῆθος οἱ λόγοι τῶν γινομένων; Ἆρ´ οὖν αὐτὸ μὲν ἄλλο, οἱ λόγοι δὲ ἄλλοι; Ἢ καὶ αὐτὴ λόγος καὶ κεφάλαιον τῶν λόγων, καὶ ἐνέργεια αὐτῆς κατ´ οὐσίαν ἐνεργούσης οἱ λόγοι· ἡ δὲ οὐσία δύναμις τῶν λόγων. Πολλὰ μὲν δὴ οὕτω τοῦτο τὸ ἓν ἐξ ὧν εἰς ἄλλα ποιεῖ δεδειγμένον. Τί δ´ εἰ μὴ ποιοῖ, ἀλλά τις αὐτὴν μὴ ποιοῦσαν λαμβάνοι ἀναβαίνων αὐτῆς εἰς τὸ μὴ ποιοῦν; Οὐ πολλὰς καὶ ἐνταῦθα εὑρήσει δυνάμεις; Εἶναι μὲν γὰρ αὐτὴν πᾶς ἄν τις συγχωρήσειεν· ἆρα δὲ ταὐτὸν ὡς εἰ καὶ λίθον ἔλεγεν εἶναι; Ἢ οὐ ταὐτόν. Ἀλλ´ ὅμως κἀκεῖ ἐπὶ τοῦ λίθου τὸ εἶναι τῷ λίθῳ ἦν οὐ τὸ εἶναι, ἀλλὰ τὸ λίθῳ εἶναι· οὕτω καὶ ἐνταῦθα τὸ εἶναι ψυχῇ μετὰ τοῦ εἶναι ἔχει τὸ ψυχῇ εἶναι. Ἆρ´ οὖν ἄλλο τὸ εἶναι, ἄλλο δὲ τὸ λοιπόν, ὃ συμπληροῖ τὴν τῆς ψυχῆς οὐσίαν, καὶ τὸ μὲν ὄν, διαφορὰ δὲ ποιεῖ τὴν ψυχήν; Ἤ τι ὂν μὲν ἡ ψυχή, οὐ μέντοι οὕτως, ὡς ἄνθρωπος λευκός, ἀλλ´ ὥς τις οὐσία μόνον· τοῦτο δὲ ταὐτὸν τῷ μὴ ἔξωθεν τῆς οὐσίας ἔχειν ὃ ἔχει. |
V. La première considération qui se présente à notre esprit, c'est que chaque corps soit d'animal soit de plante est multiple par les couleurs, les formes, les grandeurs, les espèces des parties, la diversité de leur position, et que toutes ces choses cependant proviennent de l'unité, soit de l'Un absolument simple, soit de l'habitude de l'unité universelle, soit d'un principe qui ait plus d'unité, par conséquent plus d'être que les choses qu'il produit, parce que, plus on s'éloigne de l'unité, plus on s'éloigne aussi de l'être. Le principe qui forme les corps doit donc être un sans être absolument un ni identique à l'Un ; sinon, il ne produirait pas une pluralité qui fût aussi éloignée de l'unité : reste qu'il soit unité-pluralité (πλῆθος ἕν). Or ce principe, c'est l'âme: elle est donc unité-pluralité. Et en quoi consiste celte pluralité? Dans les raisons [séminales] des choses qui procèdent de l'âme. Les raisons ne sont pas autres que l'âme : car l'âme est elle-même raison, principe des raisons ; les raisons sont l'acte de l'âme qui agit selon son essence, et cette essence est la puissance des raisons (9). L'âme est donc pluralité en même temps qu'unité : l'action qu'elle exerce sur les autres choses le démontre clairement. Mais qu'est l'âme si on la considère en dehors de toute 213 action, si on examine en elle la partie qui ne travaille pas à former les corps (10)? N'y trouvera-t-on pas encore pluralité de puissances? Quant à l'être, il n'est personne qui le refuse à l'âme. Mais l'être qu'on lui accorde est-il celui qu'on accorde à une pierre? Non sans doute. D'ailleurs, même dans l'être de la pierre, être et être pierre sont choses inséparables; ainsi, être et être âme ne sont qu'une seule et même chose dans l'âme. Faut-il donc en elle regarder comme différents d'un côté l'être et de l'autre ce qui constitue l'essence, en sorte que ce soit la différence [propre à l'essence] qui en s'ajoutant à l'être fasse l'âme? Non : l'âme est sans doute un être déterminé, non comme homme blanc, mais seulement comme essence particulière (ὥς τις οὐσία) : en d'autres termes, ce qu'elle a, elle l'a par son essence même (11). |
VI.Ἀλλ´ ἆρα οὐκ ἔξωθεν μὲν ἔχει τῆς ἑαυτοῦ οὐσίας, ἵνα ἡ μὲν κατὰ τὸ εἶναι ᾖ, ἡ δὲ κατὰ τὸ τοιόνδε εἶναι; Ἀλλ´ εἰ κατὰ τὸ τοιόνδε εἶναι καὶ ἔξωθεν τὸ τοιόνδε, οὐ τὸ ὅλον καθὸ ψυχὴ ἔσται οὐσία, ἀλλὰ κατά τι, καὶ μέρος αὐτῆς οὐσία, ἀλλ´ οὐ τὸ ὅλον οὐσία. Ἔπειτα τὸ εἶναι αὐτῇ τί ἔσται ἄνευ τῶν ἄλλων ἢ λίθος; Ἢ δεῖ τοῦτο τὸ εἶναι αὐτῆς ἐντὸς εἶναι οἷον πηγὴν καὶ ἀρχήν, μᾶλλον δὲ πάντα, ὅσα αὐτή· καὶ ζωὴν τοίνυν· καὶ συνάμφω ἓν τὸ εἶναι καὶ τὴν ζωήν. Ἆρ´ οὖν οὕτως ἕν, ὡς ἕνα λόγον; Ἢ τὸ ὑποκείμενον ἕν, οὕτω δὲ ἕν, ὡς αὖ δύο ἢ καὶ πλείω, ὅσα ἐστὶν ἡ ψυχὴ τὰ πρῶτα. Ἢ οὖν οὐσία καὶ ζωή, ἢ ἔχει ζωήν. Ἀλλ´ εἰ ἔχει, τὸ ἔχον καθ´ αὑτὸ οὐκ ἐν ζωῇ, ἥ τε ζωὴ οὐκ ἐν οὐσίᾳ· ἀλλ´ εἰ μὴ ἔχει θάτερον τὸ ἕτερον, λεκτέον ἓν ἄμφω. Ἢ ἓν καὶ πολλὰ καὶ τοσαῦτα, ὅσα ἐμφαίνεται ἐν τῷ ἑνί· καὶ ἓν ἑαυτῷ, πρὸς δὲ τὰ ἄλλα πολλά· καὶ ἓν μὲν ὄν, ποιοῦν δὲ ἑαυτὸ ἐν τῇ οἷον κινήσει πολλά· καὶ ὅλον ἕν, οἷον δὲ θεωρεῖν ἐπιχειροῦν ἑαυτὸ πολλά· ὥσπερ γὰρ οὐκ ἀνέχεται ἑαυτοῦ τὸ ὂν ἓν εἶναι πάντα δυνάμενον, ὅσα ἐστίν. Ἡ δὲ θεωρία αἰτία τοῦ φανῆναι αὐτὸ πολλά, ἵνα νοήσῃ· ἐὰν γὰρ ἓν φανῇ, οὐκ ἐνόησεν, ἀλλ´ ἔστιν ἤδη ἐκεῖνο. |
VI. Mais ne peut-on pas dire que l'âme n'a point par son essence tout ce qu'elle a, en ce sens qu'on doit distinguer en elle d'un côté l'être et de l'autre telle manière d'être? — Si l'âme a telle manière d'être, et que cette manière d'être lui vienne du dehors, le tout ne sera plus en effet l'essence de l'âme en tant qu'âme; il ne sera l'essence de l'âme que partiellement et non en totalité. Ensuite, que sera l'être de l'âme sans les autres choses qui constituent son essence? L'être sera-t-il pour l'âme le même que pour la pierre? Ne faut-il pas plutôt admettre que cet être de l'âme tient à son essence même, qu'il en est comme la source et le principe, ou plutôt qu'il est tout ce qu'est l'âme, et par conséquent vie, enfin que dans l'âme l'être et la vie ne font qu'un? Dirons-nous que cette unité ressemble à celle d'une 214 raison [d'une forme (12)] ? Non, La substance de l'âme est une ; mats cette unité n'exclut pas la dualité, la pluralité même: car elle admet tous les attributs essentiels de l'âme. Doit-on dire que l'âme est à la fois essence et vie, ou bien qu'elle possède la vie? Dire que l'âme possède la vie, ce serait dire que ce qui possède n'est pas par essence doué de vie, ou que la vie n'est pas dans son essence. Si l'on ne peut dire que l'une des deux possède l'autre, il faut reconnaître que les deux ne font qu'un, ou que l'âme est une et multiple, embrassant dans son unité tout ce qui apparaît en elle; qu'elle est une en elle-même, mais multiple par rapport aux autres choses; que, bien qu'étant une par elle-même, elle se fait elle-même multiple par son mouvement ; que, bien que formant un tout qui est un, elle cherche à sa considérer dans sa multiplicité. C'est ainsi que l'Être ne reste pas un, parce que sa puissance embrasse toutes choses comme son existence, C'est la contemplation qui le fait apparaître comme multiple, parce qu'il doit être multiple pour penser. S'il n'apparaît que comme un, c'est qu'il n'a pas encore pensé et qu'il n'est encore réellement qu'un (13). |
VII.Τίνα οὖν ἐστι καὶ πόσα τὰ ἐνορώμενα; Ἐπειδὴ ἐν ψυχῇ εὕρομεν οὐσίαν ἅμα καὶ ζωήν—καὶ τοῦτο κοινὸν ἡ οὐσία ἐπὶ πάσης ψυχῆς, κοινὸν δὲ καὶ ἡ ζωή, ζωὴ δὲ καὶ ἐν νῷ—ἐπεισαγαγόντες καὶ τὸν νοῦν καὶ τὴν τούτου ζωήν, κοινὸν τὸ ἐπὶ πάσῃ ζωῇ τὴν κίνησιν ἕν τι γένος θησόμεθα. Οὐσίαν δὲ καὶ κίνησιν τὴν πρώτην ζωὴν οὖσαν δύο γένη θησόμεθα. Καὶ γὰρ εἰ ἕν, χωρίζει αὐτὰ τῇ νοήσει ὁ ἓν οὐχ ἓν εὑρών· ἢ οὐκ ἂν δυνηθείη χωρίσαι. Ὅρα δὲ καὶ ἐν ἄλλοις σαφῶς τοῦ εἶναι τὴν κίνησιν ἢ τὴν ζωὴν χωριζομένην, εἰ καὶ μὴ ἐν τῷ ἀληθινῷ εἶναι, ἀλλὰ τῇ σκιᾷ καὶ τῷ ὁμωνύμῳ τοῦ εἶναι. Ὡς γὰρ ἐν τῇ εἰκόνι τοῦ ἀνθρώπου πολλὰ ἐλλείπει καὶ μάλιστα τὸ κύριον, ἡ ζωή, οὕτω καὶ ἐν τοῖς αἰσθητοῖς τὸ εἶναι σκιὰ τοῦ εἶναι ἀφῃρημένον τοῦ μάλιστα εἶναι, ὃ ἐν τῷ ἀρχετύπῳ ἦν ζωή. Ἀλλ´ οὖν ἔσχομεν ἐντεῦθεν χωρίσαι τοῦ ζῆν τὸ εἶναι καὶ τοῦ εἶναι τὸ ζῆν. Ὄντος μὲν δὴ εἴδη πολλὰ καὶ γένος· κίνησις δὲ οὔτε ὑπὸ τὸ ὂν τακτέα οὔτ´ ἐπὶ τῷ ὄντι, ἀλλὰ μετὰ τοῦ ὄντος, εὑρεθεῖσα ἐν αὐτῷ οὐχ ὡς ἐν ὑποκειμένῳ· ἐνέργεια γὰρ αὐτοῦ καὶ οὐδέτερον ἄνευ τοῦ ἑτέρου ἢ ἐπινοίᾳ, καὶ αἱ δύο φύσεις μία· καὶ γὰρ ἐνεργείᾳ τὸ ὄν, οὐ δυνάμει. Καὶ εἰ χωρὶς μέντοι ἑκάτερον λάβοις, καὶ ἐν τῷ ὄντι κίνησις φανήσεται καὶ ἐν τῇ κινήσει τὸ ὄν, οἷον καὶ ἐπὶ τοῦ ἑνὸς ὄντος ἑκάτερον χωρὶς εἶχε θάτερον, ἀλλ´ ὅμως ἡ διάνοια δύο φησὶ καὶ εἶδος ἑκάτερον διπλοῦν ἕν. Κινήσεως δὲ περὶ τὸ ὂν φανείσης οὐκ ἐξιστάσης τὴν ἐκείνου φύσιν, μᾶλλον δ´ ἐν τῷ εἶναι οἷον τέλειον ποιούσης, ἀεί τε τῆς τοιαύτης φύσεως ἐν τῷ οὕτω κινεῖσθαι μενούσης, εἴ τις μὴ στάσιν ἐπεισάγοι, ἀτοπώτερος ἂν εἴη τοῦ μὴ κίνησιν διδόντος· προχειροτέρα γὰρ ἡ τῆς στάσεως περὶ τὸ ὂν ἔννοια καὶ νόησις τῆς περὶ τὴν κίνησιν οὔσης· τὸ γὰρ κατὰ ταὐτὰ καὶ ὡσαύτως καὶ ἕνα λόγον ἔχον ἐκεῖ.
Ἔστω δὴ καὶ στάσις ἓν γένος ἕτερον ὂν κινήσεως,
ὅπου καὶ ἐναντίον ἂν φανείη. Τοῦ δὲ ὄντος ὡς ἕτερον, πολλαχῆ δῆλον ἂν εἴη καὶ
διότι, εἰ τῷ ὄντι ταὐτὸν εἴη, οὐ μᾶλλον τῆς κινήσεως ταὐτὸ τῷ ὄντι. Διὰ τί γὰρ ἡ
μὲν στάσις τῷ ὄντι ταὐτόν, ἡ δὲ κίνησις οὔ, ζωή τις αὐτοῦ καὶ ἐνέργεια καὶ τῆς
οὐσίας καὶ αὐτοῦ τοῦ εἶναι; Ἀλλ´ ὥσπερ ἐχωρίζομεν τὴν κίνησιν αὐτοῦ ὡς ταὐτόν τε
καὶ οὐ ταὐτὸν αὐτῷ καὶ ὡς δύο ἄμφω ἐλέγομεν καὶ αὖ ἕν, τὸν αὐτὸν τρόπον καὶ τὴν
στάσιν χωριοῦμεν αὐτοῦ καὶ αὖ οὐ χωριοῦμεν τοσοῦτον χωρίζοντες τῷ νῷ, ὅσον ἄλλο
γένος θέσθαι ἐν τοῖς οὖσιν. Ἢ εἰ συνάγοιμεν πάντη εἰς ἓν τὴν στάσιν καὶ τὸ ὂν
μηδὲν μηδαμῇ διαφέρειν λέγοντες, τό τε ὂν τῇ κινήσει ὡσαύτως, τὴν στάσιν καὶ τὴν
κίνησιν διὰ μέσου τοῦ ὄντος εἰς ταὐτὸν συνάξομεν, καὶ ἔσται ἡμῖν ἡ κίνησις καὶ ἡ
στάσις ἕν. |
VII. Quelles sont donc les choses que l'on voit dans l'âme et quel en est le nombre? Puisque nous avons trouvé dans l'âme à la fois essence et vie, que l'essence et la vie sont ce qu'il y a de commun 215 dans toute âme, que la vie réside dans l'intelligence, en reconnaissant qu'il y s [outre l'âme et son essence] l'intelligence et sa vie, nous poserons comme un genre ce qu'il y a de commun dans toute vie, savoir le mouvement; par conséquent, l'essence et le mouvement, qui est la vie première, feront pour nous deux genres. Quoiqu'ils ne fassent qu'une seule chose [dans l'existence], ils sont séparés par la pensée qui considère comme n'étant pas un ce qui est un; sinon, elle ne saurait rien séparer. D'ailleurs, tu peux dans les autres objets voir clairement l'être séparé du mouvement ou de la vie, quoique leur être ne soit pas l'être véritable, qu'il n'en soit que l'ombre et l'homonyme. De même que dans l'image d'un homme il manque plusieurs choses, entre autres la plus importante, la vie; de même, dans les objets sensibles, l'être n'est qu'une ombre de l'être véritable, parce qu'il y manque le plus haut degré de l'être, degré qui dans l'archétype est la vie. Ne voyons-nous pas ainsi qu'il est facile de séparer d'un côté la vie d'avec l'être, de l'autre l'être d'avec la vie? L'être est un genre et renferme plusieurs espèces : or le mouvement doit être placé non sous l'être, ni dans l'être, mais sur la même ligne que l'être; s'il se trouve en lui, ce n'est pas qu'il Tait pour sujet, c'est qu'il en est l'acte ; aucun des deux ne peut exister sans l'autre que par la pensée. Ces deux natures n'en font qu'une: car l'être n'est pas en puissance, mais en acte ; et si l'on conçoit ces deux genres séparés l'un de l'autre, on verra encore que le mouvement est dans l'être et que l'être est dans le mouvement. Dans l'unité de l'être, les deux éléments se supposent réciproquement quand on les considère chacun séparément; mais la pensée affirme leur dualité, et montre que chacune des deux espèces est une unité double. Puisque c'est dans la sphère de l'être qu'apparaît le mouvement, qu'il en manifeste la perfection bien loin d'en diviser l'essence, puisqu'enfin l'être doit persévérer tou- 216 jours dans le mouvement en vertu de la nature que nous lui reconnaissons (14), il serait encore plus absurde de ne pas lui attribuer la stabilité (ou le repos (15), στάσις) que de lui refuser le mouvement. La notion et la conception de stabilité sont encore plus en harmonie avec la nature de l'être que ne le sont celles de mouvement: car c'est dans l'être qu'on trouve ce qu'on appelle rester dans le même état, exister de la même manière, être uniforme. Admettons donc que la stabilité est un genre différent du mouvement, dont elle parait être l'opposé. Que la stabilité soit également différente de l'être, c'est ce que prouvent mille raisons. D'abord, si elle est identique à l'être, pourquoi l'est-elle plutôt que le mouvement, qui est la vie, l'acte de l'essence et de l'être même? Puisque nous avons séparé le mouvement d'avec l'être, que nous avons dit qu'il lui est identique et qu'en même temps il en diffère, que l'être et le mouvement sont sous un point de vue deux choses, et une seule sous un autre, nous devons aussi séparer [par la pensée] la stabilité d'avec l'être sans l'en séparer [dans l'existence] : en l'en séparant par la pensée, nous en ferons un genre distinct (16). En effet, si nous confondions ensemble dans une unité parfaite la stabilité et l'être, si nous ne leur reconnaissions aucune différence, 217 nous serions également obligés d'identifier la stabilité avec le mouvement par l'intermédiaire de l'être : de cette manière, le mouvement et la stabilité ne feraient plus qu'une seule et même chose (17). |
VIII. Ἀλλὰ χρὴ τρία ταῦτα τίθεσθαι, εἴπερ ὁ νοῦς χωρὶς ἕκαστον νοεῖ· ἅμα δὲ νοεῖ καὶ τίθησιν, εἴπερ νοεῖ, καὶ ἔστιν, εἴπερ νενόηται. Οἷς μὲν γὰρ τὸ εἶναι μετὰ ὕλης ἐστί, τούτων οὐκ ἐν τῷ νῷ τὸ εἶναι· [ἀλλ´ ἔστιν ἄϋλα] ἃ δ´ ἔστιν ἄϋλα, εἰ νενόηται, τοῦτ´ ἔστιν αὐτοῖς τὸ εἶναι. Ἴδε δὲ νοῦν καὶ καθαρὸν καὶ βλέψον εἰς αὐτὸν ἀτενίσας, μὴ ὄμμασι τούτοις δεδορκώς. Ὁρᾷς δὴ οὐσίας ἑστίαν καὶ φῶς ἐν αὐτῷ ἄυπνον καὶ ὡς ἕστηκεν ἐν αὐτῷ καὶ ὡς διέστηκεν, ὁμοῦ ὄντα καὶ ζωὴν μένουσαν καὶ νόησιν οὐκ ἐνεργοῦσαν εἰς τὸ μέλλον, ἀλλ´ εἰς τὸ ἤδη, μᾶλλον δὲ «ἤδη καὶ ἀεὶ ἤδη», καὶ τὸ παρὸν ἀεί, καὶ ὡς νοῶν ἐν ἑαυτῷ καὶ οὐκ ἔξω. Ἐν μὲν οὖν τῷ νοεῖν ἡ ἐνέργεια καὶ ἡ κίνησις, ἐν δὲ τῷ ἑαυτὸν ἡ οὐσία καὶ τὸ ὄν· ὢν γὰρ νοεῖ καὶ ὄντα ἑαυτόν, καὶ εἰς ὃ οἷον ἐπερείδετο, ὄν. Ἡ μὲν γὰρ ἐνέργεια ἡ εἰς αὐτὸν οὐκ οὐσία, εἰς ὃ δὲ καὶ ἀφ´ οὗ, τὸ ὄν· τὸ γὰρ βλεπόμενον τὸ ὄν, οὐχ ἡ βλέψις· ἔχει δὲ καὶ αὕτη τὸ εἶναι, ὅτι ἀφ´ οὗ καὶ εἰς ὅν, ὄν. Ἐνεργείᾳ δὲ ὄν, οὐ δυνάμει, συνάπτει πάλιν αὖ τὰ δύο καὶ οὐ χωρίζει, ἀλλὰ ποιεῖ ἑαυτὸν ἐκεῖνο κἀκεῖνο ἑαυτόν. Ὃ δὲ τὸ πάντων ἑδραιότατον καὶ περὶ ὃ τὰ ἄλλα, τὴν στάσιν ὑπεστήσατο καὶ ἔχει οὐκ ἐπακτόν, ἀλλ´ ἐξ αὐτοῦ καὶ ἐν αὐτῷ. Ἔστι δὲ καὶ εἰς ὃ λήγει ἡ νόησις οὐκ ἀρξαμένη στάσις, καὶ ἀφ´ οὗ ὥρμηται οὐχ ὁρμήσασα στάσις· οὐ γὰρ ἐκ κινήσεως κίνησις οὐδ´ εἰς κίνησιν. Ἔτι δὲ ἡ μὲν ἰδέα ἐν στάσει πέρας οὖσα νοῦ, ὁ δὲ νοῦς αὐτῆς ἡ κίνησις. Ὥστε ὂν πάντα καὶ κίνησις καὶ στάσις, καὶ δι´ ὅλων ὄντα γένη, καὶ ἕκαστον τῶν ὕστερόν τι ὂν καί τις στάσις καί τις κίνησις. Τρία δὴ ταῦτα ἰδών τις, ἐν προσβολῇ τῆς τοῦ ὄντος φύσεως γεγενημένος, καὶ τῷ παρ´ αὑτῷ ὄντι τὸ ὂν καὶ τοῖς ἄλλοις ἰδὼν τὰ ἄλλα, τὴν κίνησιν τὴν ἐν αὐτῷ τῇ ἐν ἑαυτῷ κινήσει, καὶ τῇ στάσει τὴν στάσιν, καὶ ταῦτα ἐκείνοις ἐφαρμόσας, ὁμοῦ μὲν γενομένοις καὶ οἷον συγκεχυμένοις συμμίξας οὐ διακρίνων, οἷον δ´ ὀλίγον διαστήσας καὶ ἐπισχὼν καὶ διακρίνας εἰσιδὼν ὂν καὶ στάσιν καὶ κίνησιν, τρία ταῦτα καὶ ἕκαστον ἕν, ἆρ´ οὐχ ἕτερα ἀλλήλων εἴρηκε καὶ διέστησεν ἐν ἑτερότητι καὶ εἶδε τὴν ἐν τῷ ὄντι ἑτερότητα τρία τιθεὶς καὶ ἓν ἕκαστον, πάλιν δὲ ταῦτα εἰς ἓν καὶ ἐν ἑνὶ καὶ πάντα ἕν, εἰς ταὐτὸν αὖ συνάγων καὶ βλέπων ταὐτότητα εἶδε γενομένην καὶ οὖσαν; Οὐκοῦν πρὸς τρισὶν ἐκείνοις ἀνάγκη δύο ταῦτα προστιθέναι, ταὐτόν, θάτερον, ὥστε τὰ πάντα γένη γίγνεσθαι πέντε πᾶσι, καὶ ταῦτα διδόντα τοῖς μετὰ ταῦτα τὸ ἑτέροις καὶ ταὐτοῖς εἶναι· καί τι γὰρ ταὐτὸν καί τι ἕτερον ἕκαστον· ἁπλῶς γε ταὐτὸν καὶ ἕτερον ἄνευ τοῦ «τι» ἐν γένει ἂν εἴη.
Καὶ πρῶτα δὲ γένη, ὅτι μηδὲν αὐτῶν κατηγορήσεις ἐν
τῷ τί ἐστι. Τὸ γὰρ ὂν κατηγορήσεις αὐτῶν· ὄντα γάρ· ἀλλ´ οὐχ ὡς γένος· οὐ γὰρ
ὅπερ ὄν τι. Οὐδ´ αὖ τῆς κινήσεως οὐδὲ τῆς στάσεως· οὐ γὰρ εἴδη τοῦ ὄντος· ὄντα
γὰρ τὰ μὲν ὡς εἴδη αὐτοῦ, τὰ δὲ μετέχοντα αὐτοῦ. Οὐδ´ αὖ τὸ ὂν μετέχον τούτων ὡς
γενῶν αὐτοῦ· οὐδὲ γὰρ ἐπαναβέβηκεν αὐτῷ οὐδὲ πρότερα τοῦ ὄντος. |
VIII. Nous admettrons donc ces trois genres [l'Être, le Mouvement, la Stabilité] parce que l'Intelligence pense chacun d'eux séparément. En les pensant, elle les pose ; et, dès qu'elle les pense, ils existent (18). En effet, si les choses dont l'existence suppose la matière n'ont pas leur existence dans l'Intelligence (sinon elles seraient immatérielles), tout au contraire, pour les choses immatérielles, être pensées, c'est exister. Contemple donc l'Intelligence pure, appliques-y ton regard intérieur au lieu de la chercher avec les yeux du corps : alors tu vois en elle le foyer de l'essence, où brille une lumière vigilante; tu vois comment les êtres subsistent en elle unis et divisés; tu vois en elle la vie permanente, la pensée qui s'applique non à l'avenir, mais au présent, qui le possède déjà, le possède toujours, qui enfin pense ce qui lui est intime et non ce qui lui est extérieur. L'Intelligence pense, voilà l'acte et le mouvement ; elle pense ce qui est en elle, voilà l'essence et l'être : car, en tant qu'existant l'Intelligence pense, elle se pense comme existant, et l'objet auquel elle applique sa pensée existe également. L'acte de l'Intelligence sur elle-même n'est pas l'Essence; mais l'objet auquel il se rapporte, le principe dont il provient, c'est l'Être. L'Être est en effet l'objet de 218 l'intuition, non l'intuition même; celle-ci ne possède l'existence que parce qu'elle part de l'Être, et qu'elle se rapporte à lui. Or, comme l'être est en acte et non en puissance, il réunit les deux termes [l'existence et l'intuition, l'objet et le sujet] et, sans les séparer, il fait que l'intuition soit lui-même, que lui-même soit l'intuition. Fondement inébranlable de toutes choses, soutien de leur existence, l'Être ne tient ce qu'il possède de rien d'étranger; il l'a de lui et en lui. Il est à la fois le terme auquel aboutit la pensée parce qu'il est la Stabilité qui n'a pas eu de commencement, et le principe dont la pensée est née parce qu'il est la Stabilité qui n'est point née : par le Mouvement ne peut ni paître du mouvement ni aboutir au mouvement, l'idée (ἰδέα) aussi appartient au genre de la Stabilité parce qu'elle est le terme auquel aboutit l'Intelligence ; mais l'acte intellectuel par lequel elle est pensée constitue le Mouvement. Ainsi toutes ces choses ne font qu'un ; et le Mouvement, la Stabilité, les choses qui existent dans tous les êtres, constituent des genres. Chacun des êtres postérieurs à ces genres est à son tour aussi être, stabilité, mouvement. Quand on voit ces trois choses en jetant un regard sur la nature de l'Être, quand on contemple l'Être par l'être qu'on a en soi, et les autres genres, le Mouvement et la Stabilité, par le mouvement et la stabilité qu'on a aussi en soi et qu'on met en harmonie avec ces intelligibles; quand, unissant, confondant, mêlant les trois genres, on ne les discerne plus ; et que, peu après, on les divise, on les démêle, on les distingue, qu'on voit ainsi l'Être, le Mouvement, la Stabilité, trois choses dont chacune existe à part : n'arrive-t-il pas alors que, d'un côté, on les regarde comme différentes, qu'on les discerne par leur différence, qu'on reconnaît la différence dans l'Être en posant trois choses dont chacune existe à part ; et que, d'un autre côté, si on les considère dans leur relation avec l'unité et dans l'unité, si on les ramène toutes à être une chose une et identique, on 219 voit l'identité naître, disons pieux, exister ? II est donc nécessaire d'ajouter aux trois genres déjà reconnus l'identité et la différence ou bien le même et l'autre (ταὐτόν, θάτερον), deux genres nouveaux qui joints eux trois autres font en tout cinq genres pour toutes choses (19). L'Identité et la Différence communiquent aussi leur caractère aux êtres inférieurs ; car chacun d'eux a quelque chose d'identique et quelque chose de différent. C'est ainsi que l'Identité et la Différence, prises dans leur simplicité, sans que nul accident leur soit uni, se trouvent au nombre des genres. Les cinq genres que nous reconnaissons sont premiers, parce que l'on ne peut rien affirmer d'eux dans la catégorie de l'essence (ἐν τῷ τί ἐστι). On peut sans doute en affirmer l'être parce qu'ils sont des êtres; mais on n'en affirme pas l'être comme genre, parce que l'essence n'est pas un être particulier. L'Être ne s'affirme pas non plus du Mouvement ni de la Stabilité, parce que ce ne sont pas là des espèces de l'Être, Il n'y a que les êtres particuliers qui puissent se rapporter à l'Être, les uns comme espèces de l'Être, les autres comme participant à l'existence. L'Être ne participe pas non plus de ces quatre genres comme s'ils étaient des genres supérieurs dans lesquels il serait compris lui-même : car la Stabilité, le Mouvement, l'Identité et la Différence ne dépassent pas la sphère de l'Être et ne lui sont pas antérieurs. |
IX. Ἀλλ´ ὅτι μὲν ταῦτα γένη πρῶτα, ἐκ τούτων ἄν τις, ἴσως δὲ καὶ ἄλλων, βεβαιώσαιτο· ὅτι δὲ μόνα ταῦτα καὶ οὐκ ἄλλα πρὸς τούτοις, πῶς ἄν τις πιστεύσειε; Διὰ τί γὰρ οὐ καὶ τὸ ἕν; Διὰ τί δ´ οὐ τὸ ποσὸν καὶ τὸ ποιὸν δέ, τὸ δὲ πρός τι καὶ τὰ ἄλλα, ἅπερ ἤδη ἕτεροι κατηρίθμηνται; Τὸ μὲν οὖν ἕν, εἰ μὲν τὸ πάντως ἕν, [ἐν] ᾧ μηδὲν ἄλλο πρόσεστι, μὴ ψυχή, μὴ νοῦς, μὴ ὁτιοῦν, οὐδενὸς ἂν κατηγοροῖτο τοῦτο, ὥστε οὐδὲ γένος. Εἰ δὲ τὸ προσὸν τῷ ὄντι, ἐφ´ οὗ τὸ ἓν ὂν λέγομεν, οὐ πρώτως ἓν τοῦτο. Ἔτι ἀδιάφορον ὂν αὐτοῦ πῶς ἂν ποιήσειεν εἴδη; Εἰ δὲ τοῦτο μή, οὐ γένος. Πῶς γὰρ καὶ διαιρήσεις; Διαιρῶν γὰρ πολλὰ ποιήσεις· ὥστε αὐτὸ τὸ ἓν πολλὰ ἔσται καὶ ἀπολεῖ ἑαυτό, εἰ ἐθέλοι γένος εἶναι. Ἔπειτά τι προσθήσεις διαιρῶν εἰς εἴδη· οὐ γὰρ ἂν εἶεν διαφοραὶ ἐν τῷ ἕν, ὥσπερ εἰσὶ τῆς οὐσίας. Ὄντος μὲν γὰρ δέχεται ὁ νοῦς εἶναι διαφοράς, ἑνὸς δὲ πῶς; Εἶτα ἑκάστοτε μετὰ τῆς διαφορᾶς δύο τιθεὶς ἀναιρεῖς τὸ ἕν, ἐπείπερ πανταχοῦ ἡ μονάδος προσθήκη τὸ πρότερον ποσὸν ἀφανίζει. Εἰ δέ τις λέγοι τὸ ἐπὶ τῷ ὄντι ἓν καὶ τὸ ἐπὶ κινήσει ἓν καὶ τοῖς ἄλλοις κοινὸν εἶναι, εἰς μὲν ταὐτὸν ἄγων τὸ ὂν καὶ τὸ ἕν, ἐν ᾧ λόγῳ τὸ ὂν οὐκ ἐποίει τῶν ἄλλων γένος, ὅτι μὴ ὅπερ ὄντα, ἀλλ´ ἕτερον τρόπον ὄντα, οὕτως οὐδὲ τὸ ἓν κοινὸν ἐπ´ αὐτῶν ἔσται, ἀλλὰ τὸ μὲν πρώτως, τὰ δὲ ἄλλως. Εἰ δὲ μὴ πάντων λέγοι ποιεῖν, ἀλλὰ ἕν τι ἐφ´ αὑτοῦ, ὥσπερ τὰ ἄλλα, εἰ μὲν ταὐτὸν αὐτῷ τὸ ὂν καὶ τὸ ἕν, ἤδη τοῦ ὄντος ἠριθμημένου ἐν τοῖς γένεσιν ὄνομα εἰσάγει. Εἰ δὲ ἓν ἑκάτερον, τινὰ φύσιν λέγει, καὶ εἰ μὲν προστίθησί 〈«τι»〉, τι ἓν λέγει, εἰ δὲ μηδέν, ἐκεῖνο, ὃ οὐδενὸς κατηγορεῖται, πάλιν αὖ λέγει· εἰ δὲ τὸ τῷ ὄντι συνόν, εἴπομεν μὲν ὅτι οὐ πρώτως ἓν λέγει. Ἀλλὰ τί κωλύει πρώτως εἶναι τοῦτο ἐξῃρημένου ἐκείνου τοῦ παντελῶς ἕν; Καὶ γὰρ τὸ ὂν μετ´ ἐκεῖνο λέγομεν ὂν καὶ ὂν πρώτως ὄν. Ἢ ὅτι οὐκ ἦν τὸ πρὸ αὐτοῦ ὂν ἤ, εἴπερ ἦν, οὐκ ἂν ἦν πρώτως· τούτου δὲ τὸ πρὸ αὐτοῦ ἕν. Ἔπειτα χωρισθὲν τῇ νοήσει τοῦ ὄντος διαφορὰς οὐκ ἔχει· ἔπειτα ἐν τῷ ὄντι, εἰ μὲν ἐπακολούθημα αὐτοῦ, καὶ πάντων καὶ ὕστερον· πρότερον δὲ τὸ γένος. Εἰ δὲ ἅμα, καὶ πάντων· τὸ δὲ γένος οὐχ ἅμα. Εἰ δὲ πρότερον, ἀρχή τις καὶ αὐτοῦ μόνον· εἰ δὲ ἀρχὴ αὐτοῦ, οὐ γένος αὐτοῦ· εἰ δὲ μὴ αὐτοῦ, οὐδὲ τῶν ἄλλων· ἢ δέοι ἂν καὶ τὸ ὂν καὶ τῶν ἄλλων πάντων. Ὅλως γὰρ ἔοικε τὸ ἓν ἐν τῷ ὄντι πλησιάζον τῷ ἑνὶ καὶ οἷον συνεκπῖπτον τῷ ὄντι, τοῦ ὄντος τὸ μὲν πρὸς ἐκείνῳ ἓν ὄντος, τὸ δὲ μετ´ ἐκεῖνο ὄντος, ᾧ δύναται καὶ πολλὰ εἶναι, μένον αὐτὸ ἓν καὶ οὐ θέλον μερίζεσθαι οὐδὲ γένος εἶναι βούλεσθαι. |
IX. Ces arguments et peut-être d'autres encore établis- 220 sent bien que ce sont là des genres premiers; mais comment prouver que ce sont les seuls et qu'il n'y en a pas d'autres à ajouter? Pourquoi par exemple n'y ajouterait-on pas l'un, la quantité, la qualité, la relation et les autres catégories qu'ont admises certains philosophes (20)? Quant à l'un, si l'on entend par là l'Un absolu, ce à quoi il ne s'ajoute rien, ni âme, ni intelligence, ni quoi que ce soit, il ne peut s'affirmer d'aucune chose à titre d'attribut, et par conséquent il ne peut être un genre. Mais s'il s'agit de cette unité que nous attribuons à l'Être quand nous disons que l'Être est un, ce n'est plus là l'Un premier. Comment d'ailleurs l'Un absolu, qui n'admet en lui aucune différence, pourrait-il engendrer des espèces? S'il ne le peut, il n'est pas un genre. Comment en effet diviser l'Un? En le divisant, vous le multiplieriez : ainsi l'Un en soi serait multiple, et en aspirant à devenir genre, il s'anéantirait lui-même. En outre, pour diviser ce genre en espèces, il vous faudrait ajouter quelque chose à l'Un : car il n'y a pas en lui de différences comme il y en a dans l'Essence. L'intelligence peut bien admettre des différences dans l'Être, mais il ne saurait en être de même pour l'Un. Dès que vous ajoutez une seule différence, vous posez la dualité, et par conséquent vous détruisez l'Un : car partout l'addition d'une seule unité fait disparaître le nombre posé antérieurement. On nous objectera que l'un qui est dans l'Être, dans le Mouvement et dans le reste est commun à toutes ces choses, et qu'on peut par conséquent identifier l'un avec l'être (21). 291 Nous répondrons alors que, de même qu'on n'a pas fait de l'être un genre des autres choses parce qu'elles n'étaient pas ce qu'est l'Être, mais qu'elles étaient appelées êtres dans un autre sens (22), de même ici l'un ne saurait être un attribut commun des autres choses, parce qu'il doit y avoir l'Un premier et l'un pris dans un autre sens. — Si l'on dit que l'on ne fait pas de l'un un genre de toutes choses, mais une chose qui existe en soi comme les autres, si ensuite on identifie l'un avec l'être ; alors, comme l'être a déjà été mis au nombre des genres, on ne fera qu'introduire inutilement un nom de plus (23). Si l'on distingue l'un de l'être (24), on avoue que chacun d'eux a sa nature à part; si l'on ajoute le mot quelque chose à celui d'un, on a un certain 222 un; si l'on n'ajoute rien, on retient à l'Un absolu, qui ne peut s'affirmer de rien. Si l'on persiste à identifier l'un avec l'être, bous remarquerons que ce n'est plus l'Un premier. — Mais qui empêche que cet un ne soit l'Un premier, en faisant abstraction de l'Un absolu, puisqu'en parlant de l'Être qui est au-dessous de l'Un absolu nous disons qu'il est l'Être premier ?—C'est que le principe antérieur à l'Être premier [c'est-à-dire l'Un premier et absolu] n'est pas être ; sinon, l'Être qui est au-dessous de lui ne serait plus l'Être premier; ici au contraire, l'Un qui est au-dessus de cet un est l'Un absolu. D'ailleurs, cet un qu'on ne séparerait de l'être que par la pensée n'admettrait pas de différences. Ensuite, ou cet un que l'on suppose exister dans l'être sera une conséquence de l'existence de l'être ainsi que de tous les êtres, et par suite, il leur sera postérieur : mais le genre doit être antérieur ; ou bien il sera contemporain de l'Être et des autres choses: mais le genre ne peut être contemporain des choses dont il est le genre; ou bien enfin il sera antérieur à l'Être : mais alors il ne sera plus par rapport à l'Être que son principe, et s'il est son principe, il n'est pas un genre qui le contienne. S'il n'est pas genre par rapport à l'être, il ne l'est pas davantage par rapport aux autres choses ; autrement, il faudrait dire de l'Être aussi qu'il est Un genre qui embrasse tous les autres. L'un considéré dans l'Être paraît se rapprocher tout à fait de l'Un absolu et pour ainsi dire coïncider avec lui : car l'Être, en tant qu'il tend à l'Un, a un être qui est un ; mais en tant qu'il est postérieur à l'Un, il est toutes les choses qu'il peut être, il devient multiple. Or, tant que l'Être demeure un et ne se divise pas, il ne saurait constituer un genre. |
X. Πῶς οὖν ἕκαστον τοῦ ὄντος ἕν; Ἢ τῷ τι ἓν οὐχ ἕν—πολλὰ γὰρ ἤδη τῷ τι ἕν—ἀλλ´ ὁμωνύμως ἓν ἕκαστον τῶν εἰδῶν· τὸ γὰρ εἶδος πλῆθος, ὥστε ἓν ἐνταῦθα ὡς στρατὸς ἢ χορός. Οὐ τοίνυν τὸ ἐκεῖ ἓν ἐν τούτοις, ὥστε οὐ κοινὸν τὸ ἓν οὐδ´ ἐθεωρεῖτο ἐν τῷ ὄντι καὶ τοῖς τι οὖσι τὸ αὐτό. Ὥστε οὐ γένος τὸ ἕν· ἐπεὶ πᾶν γένος καθ´ οὗ ἀληθεύεται, οὐκέτι καὶ τὰ ἀντικείμενα· καθ´ οὗ δὲ παντὸς ὄντος ἀληθεύεται τὸ ἓν καὶ τὰ ἀντικείμενα [καθ´ οὗ ἀληθεύσεται τὸ ἓν ὡς γένος], κατὰ τούτου ἔσται οὐχ ὡς γένος. Ὥστε οὔτε τῶν πρώτων γενῶν ἀληθεύσεται ὡς γένος, ἐπείπερ καὶ τὸ ἓν ὂν οὐ μᾶλλον ἓν ἢ πολλὰ οὐδέ τι τῶν ἄλλων γενῶν οὕτως ἓν ὡς μὴ πολλά, οὔτε κατὰ τῶν ἄλλων τῶν ὑστέρων ἃ πάντως πολλά. Τὸ δ´ ὅλον γένος οὐδὲν ἕν· ὥστε, εἰ τὸ ἓν γένος, ἀπολεῖ τὸ εἶναι ἕν. Οὐ γὰρ ἀριθμὸς τὸ ἕν. ἀριθμὸς δ´ ἔσται γενόμενον γένος. Ἔτι τὸ ἓν ἀριθμῷ ἕν· εἰ γὰρ γένει ἕν, οὐ κυρίως ἕν. Ἔτι ὥσπερ ἐν τοῖς ἀριθμοῖς τὸ ἓν οὐχ ὡς γένος κατ´ αὐτῶν, ἀλλ´ ἐνυπάρχειν μὲν λέγεται, οὐ γένος δὲ λέγεται, οὕτως οὐδ´ εἰ ἐν τοῖς οὖσι τὸ ἕν, γένος ἂν εἴη οὔτε τοῦ ὄντος οὔτε τῶν ἄλλων οὔτε τῶν πάντων. Ἔτι ὥσπερ τὸ ἁπλοῦν ἀρχὴ μὲν ἂν εἴη τοῦ οὐχ ἁπλοῦ, οὐ μὴν τούτου καὶ γένος—ἁπλοῦν γὰρ ἂν εἴη καὶ τὸ μὴ ἁπλοῦν—οὕτω καὶ ἐπὶ τοῦ ἑνός, εἰ τὸ ἓν ἀρχή, οὐκ ἔσται τῶν μετ´ αὐτὸ γένος. Ἔσται οὖν οὔτε τοῦ ὄντος οὔτε τῶν ἄλλων. Ἀλλ´ εἴπερ ἔσται, τῶν «ἓν» ἑκάστων, οἷον εἴ τις ἀξιώσειε χωρίσαι ἀπὸ τῆς οὐσίας τὸ ἕν. Τινῶν οὖν ἔσται. Ὥσπερ γὰρ τὸ ὂν οὐ πάντων γένος, ἀλλὰ τῶν «ὂν» εἰδῶν, οὕτω καὶ τὸ ἓν τῶν «ἓν» ἑκάστων εἰδῶν. Τίς οὖν διαφορὰ ἄλλου πρὸς ἄλλο καθὸ ἓν, ὥσπερ ἄλλου πρὸς ἄλλο ὄντος διαφορά; Ἀλλ´ εἰ συμμερίζεται τῷ ὄντι καὶ τῇ οὐσίᾳ, καὶ τὸ ὂν τῷ μερισμῷ καὶ τῷ ἐν πολλοῖς θεωρεῖσθαι τὸ αὐτὸ γένος, διὰ τί οὐ καὶ τὸ ἓν τοσαῦτα φαινόμενον ὅσα ἡ οὐσία καὶ ἐπὶ τὰ ἴσα μεριζόμενον οὐκ ἂν εἴη γένος; Ἢ πρῶτον οὐκ ἀνάγκη, εἴ τι ἐνυπάρχει πολλοῖς, γένος εἶναι οὔτε αὐτῶν, οἷς ἐνυπάρχει, οὔτε ἄλλων· οὐδ´ ὅλως, εἴ τι κοινόν, πάντως γένος. Τὸ γοῦν σημεῖον ἐνυπάρχον ταῖς γραμμαῖς οὐ γένος οὔτε αὐτῶν οὔτε ὅλως, οὐδέ γε, ὥσπερ ἐλέγετο, τὸ ἐν τοῖς ἀριθμοῖς ἓν οὔτε τῶν ἀριθμῶν οὔτε τῶν ἄλλων. Δεῖ γὰρ τὸ κοινὸν καὶ 〈ἓν〉 ἐν πολλοῖς καὶ διαφοραῖς οἰκείαις χρῆσθαι καὶ εἴδη ποιεῖν καὶ ἐν τῷ τί ἐστι. Τοῦ δὲ ἑνὸς τίνες ἂν εἶεν διαφοραὶ ἢ ποῖα γεννᾷ εἴδη; Εἰ δὲ τὰ αὐτὰ εἴδη ποιεῖ, ἃ περὶ τὸ ὄν, καὶ τὸ αὐτὸ ἂν εἴη τῷ ὄντι, καὶ ὄνομα μόνον θάτερον, καὶ ἀρκεῖ τὸ ὄν. |
X. En quel sens donc chacun des éléments de l'Être peut-il être dit un? En ce qu'il est quelque chose d'un sans être l'Un même : car ce qui est quelque chose d'un est déjà 223 multiple; chaque espèce n'est une que par homonymie ; en elle-même elle est multiple. C'est dans le même sens que, dans ce monde sensible, nous disons qu'une armée, un chœur sont quelque chose d'un ; or l'Un absolu ne se trouve pas dans ces choses ; on ne peut donc dire que l'un soit quelque chose de commun. L'un ne se trouve pas plus daris l'Être même ni dans les êtres individuels ; il n'est donc pas un genre. Quand un genre s'affirme d'une chose, on ne pourrait affirmer de cette même chose des propriétés contraires : or on peut dire que chacun des éléments de l'Être universel est un sous un rapport et on peut également en affirmer le contraire; il en résulte qu'après avoir affirmé d'un être l'un en sa qualité de genre, on affirmerait ensuite au sujet du même être que l'un n'est pas un genre. L'un de saurait donc être affirmé des genres premiers comme genre : car l'Être n'est pas plus un que multiple. Quant aux autres genres, aucun d'eux n'est un sans être multiple; on pourrait bien moins encore affirmer l'un des genres du dernier ordre dont chacun est tout à fait multiple. Au reste, aucun genre pris dans sa totalité n'est un ; en sorte que si l'un était genre, il cesserait par cela même d'être un: car l'un n'est pas un nombre, et cependant en devenant genre il deviendrait nombre. Il y a bien dans les nombres ce qu'on appelle l'unité, mais si l'on veut en faire un genre, ce n'est plus l'Un proprement dit. Dans les nombres, l'unité n'est pas affirmée d'eux comme un genre : on dit de l'unité qu'elle se trouve dans les nombres, mais non qu'elle en est un genre; de même, si l'un était parmi les êtres, il n'y serait pas comme genre de l'être, ni des autres choses, ni de toutes les choses. De même encore que le simple est le principe du composé sans être genre par rapport à lui (car alors il faudrait qu'il fut à la fois simple et composé), de même, si l'un est considéré comme principe (25), il ne pourra être genre par 224 rapport aux choses qui sont au-dessous de lut; il ne sera donc ni genre de l'Être, ni genre des autres choses. Si l'on faisait de l'un un genre, il ne pourrait l'être que par rapport aux choses dont chacune est dite une (26), comme si, par exemple, on séparait de l'essence l'unité qui s'y trouve. L'un serait alors le genre de certaines choses : car de même que l'Être est genre, non par rapport à toutes choses, mais par rapport aux espèces qui possèdent l'être, de même l'un serait genre par rapport aux espèces qui possèdent l'unité. Or cela ne se peut : car il n'y a pas une différence entre une chose et une autre par rapport à l'unité, comme il y en a une par rapport à l'être. — Si l'on applique à l'un [dira-ton] les mêmes divisions qu'à l'être, et si l'être est un genre parce qu'il se divise et qu'il se manifeste le même dans une pluralité de choses, pourquoi l'un, qui nous apparaît dans autant de choses que l'être et qui se divise comme lui, ne serait-il pas aussi un genre? — C'est que lorsqu'une chose se retrouve dans plusieurs êtres, il ne s'ensuit nullement qu'elle soit un genre, soit par rapport aux êtres dans lesquels elle se trouve, soit par rapport à d'autres ; ce qui est commun à plusieurs êtres ne constitue pas nécessairement un genre. Le point se trouve dans toutes les lignes : est-il un genre pour les lignes ou pour quoi que ce soit? L'unité, nous l'avons déjà dit, se trouve dans tout nombre, et cependant elle n'est point un genre pour les nombres ni pour aucune autre chose. Pour former un genre, il faut que ce qui est commun et un dans plusieurs choses admette des différences spécifiques, constitue des espèces et s'affirme de l'essence. Mais quelles différences spécifiques trouve-t-on dans l'un? Quelles espèces forme-t-il? Si l'on répondait qu'il forme les mêmes espèces que l'être, c'est qu'alors il se confond avec l'être; 225 ce n'est plus [comme nous l'avons déjà dit] qu'un autre nom de l'être ; or l'être suffit. |
XI. Ἐπισκεπτέον δέ, πῶς ἐν τῷ ὄντι τὸ ἕν, καὶ πῶς ὁ λεγόμενος μερισμὸς καὶ ὅλως ὁ τῶν γενῶν, καὶ εἰ ὁ αὐτὸς ἢ ἄλλος ἑκάτερος. Πρῶτον οὖν, πῶς ὅλως ἓν ἕκαστον ὁτιοῦν λέγεται καὶ ἔστιν, εἶτα εἰ ὁμοίως καὶ ἐν τῷ ἑνὶ ὄντι λέγομεν καὶ ὡς ἐκεῖ λέγεται. Τὸ μὲν οὖν ἐπὶ πάντων ἓν οὐ ταὐτόν· οὔτε γὰρ ἐπὶ τῶν αἰσθητῶν ὁμοίως καὶ τῶν νοητῶν—ἀλλὰ γὰρ οὐδὲ τὸ ὄν—οὔτ´ ἐπὶ τῶν αἰσθητῶν πρὸς ἄλληλα ὁμοίως· οὐ γὰρ ταὐτὸν ἐν χορῷ καὶ στρατοπέδῳ καὶ νηὶ καὶ οἰκίᾳ οὐδ´ αὖ ἐν τούτοις καὶ ἐν τῷ συνεχεῖ. Ἀλλ´ ὅμως πάντα τὸ αὐτὸ μιμεῖται, τυγχάνει δὲ τὰ μὲν πόρρωθεν, τὰ δὲ μᾶλλον, ἤδη δὲ καὶ ἀληθέστερον ἐν τῷ νῷ· ψυχὴ γὰρ μία καὶ ἔτι μᾶλλον νοῦς εἷς καὶ τὸ ὂν ἕν. Ἆρ´ οὖν ἐν ἑκάστῳ τὸ ὂν αὐτοῦ λέγοντες ἓν λέγομεν καὶ ὡς ἔχει ὄντος, οὕτω καὶ τοῦ ἑνός; Ἢ συμβέβηκε μὲν τοῦτο, οὐ μέντοι, καθὸ ὄν, καὶ ἕν, ἀλλ´ ἔστι μὴ ἧττον ὂν ὑπάρχον ἧττον εἶναι ἕν. Οὐ γὰρ ἧττον στρατὸς ἢ χορὸς οἰκίας, ἀλλ´ ὅμως ἧττον ἕν. Ἔοικεν οὖν τὸ ἐν ἑκάστῳ ἓν πρὸς ἀγαθὸν μᾶλλον βλέπειν, καὶ καθόσον τυγχάνει ἀγαθοῦ, κατὰ τοσοῦτον καὶ ἕν, καὶ τὸ μᾶλλον καὶ ἧττον τοῦ ἓν ἐν τούτῳ· εἶναι γὰρ θέλει ἕκαστον οὐχ ἁπλῶς, ἀλλὰ μετὰ τοῦ ἀγαθοῦ. Διὰ τοῦτο καὶ τὰ μὴ ἓν ὡς δύναται σπεύδει ἓν γενέσθαι, τὰ μὲν φύσει αὐτῇ τῇ φύσει συνιόντα εἰς ταὐτὸν ἑνοῦσθαι αὐτοῖς θέλοντα· οὐ γὰρ ἀπ´ ἀλλήλων σπεύδει ἕκαστα, ἀλλ´ εἰς ἄλληλα καὶ εἰς αὐτά· καὶ ψυχαὶ πᾶσαι εἰς ἓν ἂν βούλοιντο ἰέναι μετὰ τὴν αὐτῶν οὐσίαν. Καὶ ἀμφοτέρωθεν δὲ τὸ ἕν· καὶ γὰρ τὸ ἀφ´ οὗ καὶ τὸ εἰς ὅ· καὶ γὰρ ἄρχεται ἀπὸ τοῦ ἓν καὶ σπεύδει εἰς τὸ ἕν. Οὕτω γὰρ καὶ τὸ ἀγαθόν· οὔτε γὰρ ὑπέστη ἐν τοῖς οὖσιν ὁτιοῦν ὑποστάν τε οὐκ ἂν ἀνέχοιτο μὴ πρὸς τὸ ἓν τὴν σπουδὴν ἔχον. Τὰ μὲν δὴ φύσει οὕτω· τὰ δὲ ἐν ταῖς τέχναις αὐτὴ ἑκάστη ἕκαστον πρὸς τοῦτο καθόσον δύναται καὶ ὡς δύναται ἐκεῖνα οὕτως ἄγει. Τὸ δὲ ὂν μάλιστα πάντων τούτου τυγχάνει· ἐγγὺς γάρ. Ὅθεν τὰ μὲν ἄλλα λέγεται ὃ λέγεται μόνον, οἷον ἄνθρωπος· καὶ γάρ, εἴ ποτε λέγοιμεν εἷς, πρὸς δύο λέγομεν· εἰ δὲ καὶ ἄλλως τὸ ἓν λέγομεν, ἀπ´ αὐτοῦ προστιθέντες λέγομεν. Ἐπὶ δὲ τοῦ ὄντος λέγομεν τὸ ὅλον τοῦτο ἓν ὂν καὶ ἀξιοῦμεν ὡς ἓν ἐνδεικνύμενοι τὴν σφόδρα αὐτοῦ πρὸς τὸ ἀγαθὸν συνουσίαν. Γίγνεται οὖν τὸ ἓν καὶ ἐν αὐτῷ ὡς ἀρχὴ καὶ τέλος, οὐχ ὡσαύτως δέ, ἀλλὰ ἄλλως, ὥστε καὶ τὸ πρότερον καὶ τὸ ὕστερον καὶ ἐν τῷ ἕν. Τί οὖν τὸ ἐν αὐτῷ ἕν; Οὐχὶ ὁμοίως ἐν ἅπασι τοῖς μέρεσι καὶ κοινὸν θεωρούμενον; Ἢ πρῶτον μὲν καὶ ἐν ταῖς γραμμαῖς κοινὸν τὸ σημεῖον καὶ οὐ γένος τῶν γραμμῶν· καὶ ἐν τοῖς ἀριθμοῖς κοινὸν τὸ ἓν δὴ ἴσως τοῦτο καὶ οὐ γένος· οὐδὲ γὰρ ταὐτὸν τὸ ἓν τὸ ἐπ´ αὐτοῦ τοῦ ἓν τῷ ἐπὶ μονάδος καὶ δυάδος καὶ τῶν ἄλλων ἀριθμῶν. Ἔπειτα καὶ ἐν τῷ ὄντι οὐδὲν κωλύει τὰ μὲν πρῶτα, τὰ δ´ ὕστερα εἶναι, καὶ τὰ μὲν ἁπλᾶ, τὰ δὲ σύνθετα εἶναι. Καὶ εἰ ταὐτὸν δὲ ἐν πᾶσι τὸ ἓν τοῖς τοῦ ὄντος, διαφορὰ οὐκ οὖσα αὐτοῦ οὐδὲ εἴδη ποιεῖ· εἰ δὲ μὴ εἴδη, οὐδὲ γένος αὐτὸ δύναται εἶναι. |
XI. Il nous faut rechercher comment l'un subsiste dans l'être, comment ils se divisent tous deux, et en général comment se divisent les genres, et si ces deux divisions sont identiques ou différentes. Pour résoudre ces questions, demandons-nous d'abord comment en général une chose quelconque est dite une et est une, ensuite si l'on dit dans le même sens que l'être est un et dans quel sens on le dit alors. Évidemment, un n'est pas le même pour tout : car on ne peut l'entendre de la même manière quand il s'agit des choses sensibles et quand il s'agit des choses intelligibles, pas plus que l'être n'est identique pour ces deux ordres de choses ou même pour les choses sensibles comparées entre elles. L'idée d'un n'est pas la même quand il s'agit d'un chœur, d'une armée, d'un vaisseau ou d'une maison ; elle l'est encore moins quand il s'agit d'une de ces choses et quand il s'agit d'objets continus. Et cependant, toutes choses imitent par leur unité le même archétype, les unes de plus loin, les autres de plus près ; l'Intelligence est assurément ce qui se rapproche le plus de l'Un absolu: car bien que déjà l'Ame soit une, l'Intelligence l'est beaucoup plus: elle est l'Être un. Est-ce donc qu'en exprimant l'être de chaque chose nous exprimons en même temps l'unité qu'elle possède, de telle sorte qu'autant elle peut avoir d'être, autant elle a d'unité? Ou bien cela a-t-il lieu sans qu'une chose ait toujours l'unité en proportion de l'être? Oui : car il est possible qu'une chose ait moins d'unité sans avoir pour cela moins d'être: une armée, un chœur n'ont pas moins d'être qu'une maison et cependant on y trouve moins d'unité. L'un qui est dans chaque chose paraît donc aspirer au Bien, qui a plus d'unité (27) ; plus une chose se rapproche du 226 Bien, plus en même temps elle est une; c'est de là que dépend en elle le plus ou le moins d'unité. En effet, chaque être désire, non pas simplement exister, mais aussi jouir du bien. C'est pourquoi ce qui n'est pas un s'efforce autant qu'il se peut de le devenir, et les êtres qui par essence possèdent l'unité y tendent également par leur nature en voulant s'unir à eux-mêmes: car les êtres ne cherchent pas à s'écarter les uns des autres, mais ils tendent au contraire les uns vers les autres et vers eux-mêmes. C'est ainsi que toutes les âmes voudraient ne former qu'une seule âme, tout en conservant leur propre nature (28). Partout, dans le monde sensible comme dans le monde intelligible, règne l'Un: c'est de lui que tout part, c'est vers lui que tout tend ; tous les êtres ont en lui leur principe et leur fin : car ce n'est qu'en lui qu'ils trouvent le bien ; ce n'est que par là que chaque être subsiste et occupe sa place dans l'univers; une fois existant, chaque être ne saurait s'empêcher de tendre vers l'Un. Et cela n'a pas lieu seulement dans les êtres; il en est de même dans les œuvres de Fart: chaque art cherche à conformer ses œuvres à l'unité autant qu'il se peut et autant que ses œuvres elles-mêmes le comportent. Mais ce qui y réussit le mieux, c'est l'Être même: car il est tout près de l'Un. II en résulte qu'en parlant des êtres autres que l'Être même, de l'homme, par exemple, nous disons simplement homme [sans y ajouter l'idée d'unité] (29); si nous disons quelquefois un homme, c'est pour le distinguer de deux; si nous employons encore dans un autre sens le mot «n, c'est en y ajoutant quelque [quelqu'un] (30). Il n'en est pas de même pour l'Être : nous disons l'Être un en concevant l'Être et un comme formant un seul tout, et en posant l'Être 227 comme un, nous faisons ressortir son étroite affinité avec le Bien. L'Être ainsi conçu devient un; il a dans l'Un son principe et sa fin (31); cependant il n'est pas un comme l'Un même, mais plutôt d'une manière différente, en ce sens que l'unité de l'Être admet l'antériorité et la postériorité. Qu'est donc l'unité de l'Être ? Ne doit-elle pas être envisagée comme semblable dans toutes les parties de l'Être, comme quelque chose de commun à toutes? [et par conséquent comme formant un genre]? — Mais d'abord, le point est aussi quelque chose de commun à toutes les lignes, et cependant il n'est pas un genre ; dans les nombres, l'un est également quelque chose de commun à tous, et il n'est pas plus un genre. En effet, l'un qui se retrouve dans la monade, dans la dyade et dans les autres nombres, ne peut être confondu avec l'Un en soi. Ensuite, rien n'empêche qu'il n'y ait dans l'Être des parties antérieures et d'autres postérieures, de simples et de composées [or il n'en peur être ainsi pour l'Un en soi]. Et lors même que l'unité que l'on retrouve dans tontes les parties de l'Être serait partout identique , par cela même qu'elle n'offrirait aucune différence, elle ne pourrait engendrer des espèces, par conséquent elle ne saurait être un genre. |
XII. Καὶ ταῦτα μὲν οὕτω. Πῶς δὲ τοῖς ἀριθμοῖς τὸ ἀγαθὸν ἐν τῷ ἓν εἶναι ἕκαστον ἀψύχοις οὖσιν; Ἢ κοινὸν τοῦτο καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων ἀψύχων. Εἰ δέ τις λέγοι μὴ εἶναι ὅλως αὐτούς, ἡμεῖς περὶ ὄντων εἴπομεν, καθὸ ἓν ἕκαστον. Εἰ δὲ τὸ σημεῖον ζητοῖεν πῶς ἀγαθοῦ μετέχει, εἰ μὲν καθ´ αὑτὸ φήσουσιν εἶναι, εἰ μὲν ἄψυχον φήσουσι, τὸ αὐτὸ ὅπερ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων ζητοῦσιν· εἰ δ´ ἐν ἄλλοις, οἷον ἐν κύκλῳ, τὸ ἀγαθὸν τὸ ἐκείνου τοῦτο, καὶ ἡ ὄρεξις πρὸς τοῦτο καὶ σπεύδει ὡς δύναται διὰ τούτου ἐκεῖ. Ἀλλὰ πῶς τὰ γένη ταῦτα; Ἆρα καὶ τὰ κερματιζόμενα ἕκαστα; Ἢ ὅλον ἐν ἑκάστῳ ὧν γένος. Καὶ πῶς ἔτι ἕν; Ἢ τὸ γένει ἓν ὡς ἐν πολλοῖς ὅλον. Ἆρ´ οὖν μόνον ἐν τοῖς μετέχουσιν; Ἢ οὔ, ἀλλὰ καὶ καθ´ αὑτὸ καὶ ἐν τοῖς μετέχουσιν. Ἀλλ´ ἴσως σαφέστερον ἔσται ὕστερον. |
XII. Nous admettons qu'en tendant vers l'Un tout tend vers le Bien. Mais comment se peut-il que, pour le nombre, qui est inanimé, le bien consiste aussi à être un (32)? Et cette question peut se faire également au sujet de tous les autres êtres inanimés. Si l'on nous disait que de tels êtres ne possèdent pas l'existence, nous répondrions que nous traitons ici des êtres en tant que chacun d'eux est un. Si l'on nous demandait comment le point peut partici- 228 per du bien, nous demanderions à notre tour s'il s'agit du point en soi, et alors nous répondrions que c'est la même question que pour les autres choses de la même espèce ; mais s'il s'agit du point considéré comme existant dans quelque objet, dans le cercle par exemple, nous dirons qu'alors pour lui le bien est le bien du cercle même ; que c'est là le but auquel il aspire, et qu'il y tend autant qu'il le peut par l'intermédiaire du cercle. Mais comment se représenter de tels genres? Ces genres sont-ils tous susceptibles d'être divisés, ou bien sont-ils tout entiers dans chacun des objets qu'ils comprennent, et alors comment l'un s'y trouve-t-il? L'un s'y trouve comme genre, de même que le tout se trouve dans une pluralité. — L'un ne se trouve-t-il donc que dans les objets qui participent de lui? Il se trouve non-seulement dans ces objets, mais encore en soi. Ce point sera d'ailleurs éclairci plus tard. |
XIII. Νῦν δέ, πῶς τὸ ποσὸν οὐκ ἐν τοῖς γένεσι τοῖς πρώτοις, καὶ αὖ τὸ ποιόν; Ἢ ποσὸν μὲν οὐ πρῶτον μετὰ τῶν ἄλλων, ὅτι ἐκεῖνα μὲν ἅμα μετὰ τοῦ ὄντος. Κίνησις γὰρ μετὰ τοῦ ὄντος ἐνέργεια ὄντος ζωὴ αὐτοῦ οὖσα· καὶ στάσις ἐν αὐτῇ τῇ οὐσίᾳ συνεισῄει· μᾶλλον δὲ συνῆν τὸ εἶναι τούτοις ἑτέροις καὶ τοῖς αὐτοῖς, ὥστε συνορᾶσθαι καὶ ταῦτα. Ἀριθμὸς δὲ ὕστερός τε ἐκείνων καὶ ἑαυτοῦ, καὶ τὸ «ὕστερος» παρὰ τοῦ προτέρου, καὶ ἐφεξῆς ἀλλήλοις, καὶ ἐνυπάρχει τὰ ὕστερα ἐν προτέροις· ὥστε ἐν μὲν τοῖς πρώτοις οὐκ ἂν καταριθμοῖτο· ζητητέον δέ, εἰ ὅλως γένος. Τὸ μέντοι μέγεθος ἔτι μᾶλλον ὕστερον καὶ σύνθετον· ἀριθμὸς γὰρ ἐν τῷδε καὶ γραμμὴ δύο τινὰ καὶ ἐπίπεδον τρία. Εἰ μὲν οὖν παρὰ τοῦ ἀριθμοῦ ἔχει καὶ τὸ συνεχὲς μέγεθος τὸ ποσόν, τοῦ ἀριθμοῦ οὐκ ὄντος γένους πῶς ἂν τοῦτο ἔχοι; Ἔνι δὲ καὶ ἐν τοῖς μεγέθεσι τὸ πρότερον καὶ τὸ ὕστερον. Εἰ δὲ κοινὸν ἐπ´ ἀμφοῖν τὸ ποσοῖς, τί τοῦτό ἐστι ληπτέον, καὶ εὑρόντας θετέον γένος ὕστερον, οὐκ ἐν τοῖς πρώτοις· καὶ εἰ γένος μὴ ἐν τοῖς πρώτοις, εἴς τι ἀνακτέον τῶν πρώτων ἢ τῶν εἰς τὰ πρῶτα. Δῆλον τοίνυν ἴσως, ὅτι ὅσον τι δηλοῖ ἡ τοῦ ποσοῦ φύσις καὶ μετρεῖ τὸ ὅσον ἑκάστου αὐτή τε ὅσον τι. Ἀλλ´ εἰ κοινὸν ἐπ´ ἀριθμοῦ καὶ μεγέθους τὸ ὅσον, ἢ ὁ ἀριθμὸς πρῶτος, τὸ δὲ μέγεθος ἀπ´ ἐκείνου, ἢ ὅλως ὁ μὲν ἀριθμὸς ἐν μίξει κινήσεως καὶ στάσεως, τὸ δὲ μέγεθος κίνησίς τις ἢ ἐκ κινήσεως, τῆς μὲν κινήσεως εἰς ἀόριστον προϊούσης, τῆς δὲ στάσεως ἐν τῇ ἐποχῇ τοῦ προϊόντος μονάδα ποιούσης. Ἀλλὰ περὶ γενέσεως ἀριθμοῦ καὶ μεγέθους, μᾶλλον δὲ ὑποστάσεως ὕστερον καὶ ἐπινοίας θεωρητέον. Τάχα γὰρ ὁ μὲν ἀριθμὸς ἐν τοῖς πρώτοις γένεσι, τὸ δὲ μέγεθος ὕστερον ἐν συνθέσει· καὶ ὁ μὲν ἀριθμὸς ἑστώτων, τὸ δὲ μέγεθος ἐν κινήσει. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν ὕστερον, ὥς φαμεν. |
XIII. Maintenant, pourquoi ne mettons-nous pas la quantité au nombre des genres premiers? Pourquoi n'y mettons-nous pas non plus la qualité (33) ? La quantité n'est pas un genre premier comme les autres que nous avons admis, parce que les genres premiers coexistent avec l'être [ce qui n'a pas lieu pour la quantité]. En effet, le mouvement est inséparable de l'être : il en est l'acte, il en est la vie; la stabilité est impliquée dans l'essence; l'identité, la différence sont encore plus inséparables de l'être ; de sorte que toutes ces choses s'aperçoivent à la fois. Quant au nombre [qui est la quantité discrète], il est quelque chose de postérieur. Bien plus, le nombre est postérieur à la fois à ces genres et à lui-même : car les 229 nombres se suivent les uns les autres ; le second dépend du premier et ainsi de suite ; les derniers sont contenus dans les premiers. On ne saurait donc mettre le nombre au rang des genres premiers. On peut même douter que la quantité puisse être genre à aucun titre. En effet, l'étendue [qui est la quantité continue] offre plus encore que le nombre les caractères de composition, de postériorité. Dans l'idée d'étendue il entre, avec le nombre, la ligne, ce qui fait deux éléments, et de plus la surface, ce qui fait trois (34). Si donc c'est du nombre que la grandeur continue tient d'être une quantité, comment cette grandeur serait-elle un genre quand le nombre ne l'est pas? D'un autre côté, dans les grandeurs comme dans les nombres, il y a antériorité et postériorité. Mais si les deux sortes de quantités ont cela de commun d'être des quantités, il faut rechercher ce que c'est que la quantité, et quand nous l'aurons trouvé, nous pourrons en faire un genre secondaire ; mais elle ne saurait prendre rang parmi les genres premiers. Et si la quantité est un genre sans être un des genres premiers, il nous reste à chercher auquel des genres soit premiers, soit inférieurs, il faut la ramener. Il est évident que la quantité nous fait connaître le quantum d'une chose, nous permet de mesurer le quantum de chaque chose; elle est elle-même un certain quantum. Or c'est là ce qu'on trouve de commun entre le nombre [qui est la grandeur discrète] et la grandeur continue (35). Mais le nombre est antérieur, et la grandeur continue en procède; le nombre consiste dans un certain mélange du mouvement et du repos ; la grandeur continue est un certain mouvement ou provient du mouvement : le mouvement la produit en s'avançant à l'infini, mais le repos l'arrête dans sa marche, le limite et crée l'unité. Au reste, nous expliquerons dans la suite la génération du 230 nombre et de la grandeur, et plus encore leur mode d'existence et l'idée qu'on doit s'en faire (36). Peut-être trouverons-nous que le nombre doit être placé dans les genres premiers, et la grandeur continue dans les genres postérieurs, en tant que composée ; que le nombre doit être rangé parmi les choses stables [en repos], et la grandeur parmi les choses en mouvement. Hais, encore une fois, nous aurons à traiter plus tard toutes ces questions. |
XIV. Περὶ δὲ τοῦ ποιοῦ, διὰ τί οὐκ ἐν τοῖς πρώτοις; Ἢ ὅτι καὶ τοῦτο ὕστερον καὶ μετὰ τὴν οὐσίαν. Δεῖ δὲ τὴν οὐσίαν παρακολουθοῦντα ταῦτα ἔχειν τὴν πρώτην, μὴ ἐκ τούτων δὲ τὴν σύστασιν ἔχειν μηδὲ διὰ τούτων συμπληροῦσθαι· ἢ εἴη ἂν ὑστέρα ποιότητος καὶ ποσότητος. Ἐν μὲν οὖν ταῖς συνθέταις οὐσίαις καὶ ἐκ πολλῶν, ἐν αἷς καὶ ἀριθμοὶ καὶ ποσότητες διαλλαγὴν ἐποίησαν αὐτῶν, καὶ ποιότητες εἶεν ἂν καὶ κοινότης τις ἐν αὐταῖς θεωρηθήσεται· ἐν δὲ τοῖς πρώτοις γένεσι τὴν διαίρεσιν οὐχ ἁπλῶν καὶ συνθέτων δεῖ ποιεῖσθαι, ἀλλ´ ἁπλῶν καὶ τῶν τὴν οὐσίαν συμπληρούντων, οὐ τὴν τινὰ οὐσίαν. Τὴν μὲν γὰρ τινὰ οὐσίαν συμπληροῦσθαι καὶ ἐκ ποιότητος οὐδὲν ἴσως ἄτοπον, ἐχούσης ἤδη τὴν οὐσίαν πρὸ τῆς ποιότητος, τὸ δὲ τοιόνδε ἔξωθεν, αὐτὴν δὲ τὴν οὐσίαν ἃ ἔχει οὐσιώδη ἔχειν. Καίτοι ἐν ἄλλοις ἠξιοῦμεν τὰ μὲν τῆς οὐσίας συμπληρωτικὰ ὁμωνύμως ποιὰ εἶναι, τὰ δ´ ἔξωθεν μετὰ τὴν οὐσίαν ὑπάρχοντα ποιά, καὶ τὰ μὲν ἐν ταῖς οὐσίαις ἐνεργείας αὐτῶν, τὰ δὲ μετ´ αὐτὰς ἤδη πάθη. Νῦν δὲ λέγομεν οὐκ οὐσίας ὅλως εἶναι συμπληρωτικὰ τὰ τῆς τινὸς οὐσίας· οὐ γὰρ οὐσίας προσθήκη γίνεται τῷ ἀνθρώπῳ καθὸ ἄνθρωπος εἰς οὐσίαν· ἀλλ´ ἔστιν οὐσία ἄνωθεν, πρὶν ἐπὶ τὴν διαφορὰν ἐλθεῖν, ὥσπερ καὶ ζῷον ἤδη, πρὶν ἐπὶ τὸ λογικὸν ἥκειν. |
XIV. Passons à la qualité. Pourquoi ne figure-t-elle pas non plus parmi les genres premiers? — C'est qu'elle aussi leur est postérieure : elle vient en effet après l'essence. L'Essence première doit avoir pour conséquences ces choses [la quantité et la qualité] (37), mais elle n'est ni constituée ni complétée par elles : autrement, elle serait postérieure à la qualité et à la quantité. Pour les essences composées, formées de plusieurs éléments, dans lesquelles il y a des nombres et des qualités, elles sont différenciées par ces divers éléments qui constituent alors des qualités, et en même temps elles ont entre elles quelque chose de commun. Mais pour les genres premiers, la distinction à établir ne se tire pas de ce qui n'est pas simple et du composé (38), mais du simple et de ce qui complète l'essence (39). Remarquez que je ne dis pas ce qui complète une certaine essence : car s'il s'agissait d'une certaine essence, il n'y aurait rien de déraisonnable à admettre qu'une telle essence fut complétée par une qualité, puisque cette essence 231 subsisterait déjà avant d'avoir la qualité et ne recevrait du dehors que la propriété d'être telle ou telle. L'Essence absolue doit au contraire posséder essentiellement tout ce qui la constitue. Au reste, nous avons reconnu ailleurs (40) que ce qui est complément de l'essence n'est appelé qualité que par homonymie, que ce qui vient du dehors et après l'essence est proprement qualité; que ce qui appartient en propre à l'essence en est l'acte, que ce qui vient après elle est passion [modification passive]. Nous ajoutons maintenant que ce qui se rapporte à une certaine essence ne peut à aucun titre être complément de l'essence. Il n'est besoin d'aucune addition d'essence à l'homme, en tant qu'homme, pour qu'il soit une essence. L'essence existe déjà dans une région supérieure avant qu'on descende à la différence spécifique : ainsi l'animal existe [comme essence] avant qu'on descende à la propriété de raisonnable [comme différence spécifique, quand on dit : l'homme est un animal raisonnable] (41). |
XV. Πῶς οὖν τὰ τέτταρα γένη συμπληροῖ τὴν οὐσίαν οὔπω ποιὰν οὐσίαν ποιοῦντα; Οὐδὲ γὰρ τινά. Ὅτι μὲν οὖν τὸ ὂν πρῶτον, εἴρηται, καὶ ὡς ἡ κίνησις οὐκ ἂν εἴη ἄλλο οὐδ´ ἡ στάσις οὐδὲ θάτερον οὐδὲ ταὐτόν, δῆλον· καὶ ὅτι οὐ ποιότητα ἐνεργάζεται ἡ κίνησις αὕτη, ἴσως μὲν φανερόν, λεχθὲν δὲ μᾶλλον ποιήσει σαφέστερον. Εἰ γὰρ ἡ κίνησις ἐνέργειά ἐστιν αὐτῆς, ἐνεργείᾳ δὲ τὸ ὂν καὶ ὅλως τὰ πρῶτα, οὐκ ἂν συμβεβηκὸς εἴη ἡ κίνησις, ἀλλ´ ἐνέργεια οὖσα ἐνεργείᾳ ὄντος οὐδ´ ἂν συμπληρωτικὸν ἔτι λέγοιτο, ἀλλ´ αὐτή· ὥστε οὐκ ἐμβέβηκεν εἰς ὕστερόν τι οὐδ´ εἰς ποιότητα, ἀλλ´ εἰς τὸ ἅμα τέτακται. Οὐ γὰρ ἔστιν ὄν, εἶτα κεκίνηται, οὐδὲ ἔστιν ὄν, εἶτα ἔστη· οὐδὲ πάθος ἡ στάσις· καὶ ταὐτὸν δὲ καὶ θάτερον οὐχ ὕστερα, ὅτι μὴ ὕστερον ἐγένετο πολλά, ἀλλ´ ἦν ὅπερ ἦν ἓν πολλά· εἰ δὲ πολλά, καὶ ἑτερότης, καὶ εἰ ἓν πολλά, καὶ ταὐτότης. Καὶ ταῦτα εἰς τὴν οὐσίαν ἀρκεῖ· ὅταν δὲ μέλλῃ πρὸς τὰ κάτω προιέναι, τότε ἄλλα, ἃ οὐκέτι οὐσίαν ποιεῖ, ἀλλὰ ποιὰν οὐσίαν καὶ ποσὴν οὐσίαν, καὶ γιγνέσθω γένη οὐ πρῶτα. |
XV. Comment quatre des genres complètent-ils donc l'essence, sans toutefois constituer telle essence (ποιὰ οὐσία) ? car ils ne forment pas une certaine essence. — Nous avons déjà parlé de l'Être premier et montré que ni le mouvement, ni la stabilité, ni la différence, ni l'identité ne sont rien d'autre que lui. Il est clair que le mouvement n'introduit pas davantage dans l'Être une qualité ; cependant il sera bon de s'arrêter à cette proposition pour l'éclaircir. Si le mouvement est l'acte de l'essence, si l'Être et en général tout ce qui est au premier rang est essentiellement en acte, le mouvement ne peut être considéré comme un accident; mais, étant l'acte de l'Être qui est en acte, il ne 232 peut plus être appelé un simple complément de l'essence, il est l'essence elle-même. Il ne doit être rangé ni parmi les choses postérieures à l'essence, ni parmi les qualités; il est contemporain de l'essence : car il ne faut pas croire que l'Être existât d'abord, puis qu'il se soit mû [ces deux choses sont contemporaines] ; il en est de même de la stabilité : on ne peut dire que l'Être était, puis qu'il est devenu stable. l'identité, la différence ne sont pas davantage postérieures à l'Être : l'Être n'a pas été d'abord un pour devenir ensuite multiple, mais il est par son essence un-multiple; en tant que multiple il implique différence ; en tant qu'un-multiple il implique identité. Ces choses suffisent donc pour constituer l'essence (42). Quand du monde intelligible on descend aux choses inférieures, on rencontre d'autres éléments qui ne constituent plus l'Essence absolue, mais une certaine essence possédant telle qualité, telle quantité : ce sont bien des genres, mais des genres inférieurs aux genres premiers. |
XVI. Τὸ δὲ «πρός τι» παραφυάδι ἐοικὸς πῶς ἂν ἐν πρώτοις; Ἑτέρου γὰρ πρὸς ἕτερον καὶ οὐ πρὸς αὐτὸ ἡ σχέσις [καὶ πρὸς ἄλλο]. «Ποῦ» δὲ καὶ «πότε» ἔτι πόρρω. Τό τε γὰρ «ποῦ» ἄλλο ἐν ἄλλῳ, ὥστε δύο· τὸ δὲ γένος ἓν δεῖ εἶναι, οὐ σύνθεσιν· καὶ οὐδὲ τόπος ἐκεῖ· νῦν δὲ ὁ λόγος περὶ τῶν ὄντων κατ´ ἀλήθειαν. Ὅ τε χρόνος εἰ ἐκεῖ, σκεπτέον· μᾶλλον δὲ ἴσως οὔ. Εἰ δὲ καὶ μέτρον καὶ οὐχ ἁπλῶς μέτρον, ἀλλὰ κινήσεως, δύο καὶ σύνθετον τὸ ὅλον καὶ κινήσεως ὕστερον, ὥστε οὐχ ὅπου κίνησις ἐν ἴσῃ διαιρέσει. Τὸ δὲ «ποιεῖν» καὶ τὸ «πάσχειν» ἐν κινήσει, εἰ ἄρα ἐκεῖ τὸ πάσχειν· καὶ τὸ ποιεῖν δὲ δύο· ὁμοίως καὶ τὸ πάσχειν· οὐδέτερον οὖν ἁπλοῦν. Καὶ τὸ «ἔχειν» δύο καὶ τὸ «κεῖσθαι» ἄλλο ἐν ἄλλῳ οὕτως, ὥστε τρία. |
XVI. Quant à la relation, qui n'est pour ainsi dire qu'un rejeton accessoire (43), comment pourrait-on songer à la placer parmi les genres premiers ? II n'y a de relation qu'entre une chose et une autre : ce n'est rien qui existe par soi; toute relation suppose quelque chose d'étranger. Les catégories de lieu et de temps sont tout aussi éloignées de pouvoir figurer parmi les genres premiers. Être dans un lieu, c'est être dans quelque chose d'autre que soi, ce qui suppose deux choses (44); or un genre doit être un et n'ad- 233 met pas une telle composition. Le lieu n'est donc pas un genre premier. Ici en effet nous ne nous occupons que des êtres véritables. — Nous en disons autant du temps. Le temps a-t-il le caractère d'être véritable, ou plutôt n'est-il pas évident qu'il ne l'a pas? Si le temps est une mesure, et non pas une mesure purement et simplement, mais la mesure du mouvement (45), il est quelque chose de double et par conséquent de composé [or, nous venons de le dire, les genres premiers sont simples] ; c'est en outre quelque chose de postérieur au mouvement; de sorte qu'on ne saurait le mettre au même rang que le mouvement. L'action et la passion dépendent également du mouvement. Or, comme l'action et la passion sont chacune quelque chose de double, elles sont aussi chacune par conséquent quelque chose de composé (46). La possession est également double. La situation, qui consiste en ce qu'une chose est de telle manière dans une autre, comprend trois éléments. [Donc la possession et la situation, étant composées, ne sont pas plus des genres premiers que l'action et la passion.] |
XVII. Ἀλλὰ τὸ καλὸν καὶ τὸ ἀγαθὸν καὶ αἱ ἀρεταὶ διὰ τί οὐκ ἐν τοῖς πρώτοις, ἐπιστήμη, νοῦς; Ἢ τὸ μὲν ἀγαθόν, εἰ τὸ πρῶτον, ἣν δὴ λέγομεν τὴν τοῦ ἀγαθοῦ φύσιν, καθ´ ἧς οὐδὲν κατηγορεῖται, ἀλλ´ ἡμεῖς μὴ ἔχοντες ἄλλως σημῆναι οὕτω λέγομεν, γένος οὐδενὸς ἂν εἴη. Οὐ γὰρ κατ´ ἄλλων λέγεται ἢ ἦν ἂν καθ´ ὧν λέγεται ἕκαστον ἐκεῖνο λεγόμενον. Καὶ πρὸ οὐσίας δὲ ἐκεῖνο, οὐκ ἐν οὐσίᾳ. Εἰ δ´ ὡς ποιὸν τὸ ἀγαθόν, ὅλως τὸ ποιὸν οὐκ ἐν τοῖς πρώτοις. Τί οὖν ἡ τοῦ ὄντος φύσις οὐκ ἀγαθόν; Ἢ πρῶτον μὲν ἄλλως καὶ οὐκ ἐκείνως ὡς τὸ πρῶτον· καὶ ὧς ἐστιν ἀγαθὸν οὐχ ὡς ποιόν, ἀλλ´ ἐν αὐτῷ. Ἀλλὰ καὶ τὰ ἄλλα ἔφαμεν γένη ἐν αὐτῷ, καὶ διότι κοινόν τι ἦν ἕκαστον καὶ ἐν πολλοῖς ἑωρᾶτο, γένος. Εἰ οὖν καὶ τὸ ἀγαθὸν ὁρᾶται ἐφ´ ἑκάστῳ μέρει τῆς οὐσίας ἢ τοῦ ὄντος ἢ ἐπὶ τοῖς πλείστοις, διὰ τί οὐ γένος καὶ ἐν τοῖς πρώτοις; Ἢ ἐν ἅπασι τοῖς μέρεσιν οὐ ταὐτόν, ἀλλὰ πρώτως καὶ δευτέρως καὶ ὑστέρως· ἢ γὰρ ὅτι θάτερον παρὰ θατέρου, τὸ ὕστερον παρὰ τοῦ προτέρου, ἢ ὅτι παρ´ ἑνὸς πάντα τοῦ ἐπέκεινα, ἄλλα δ´ ἄλλως κατὰ φύσιν τὴν αὐτῶν μεταλαμβάνει. Εἰ δὲ δὴ καὶ γένος ἐθέλει τις θέσθαι, ὕστερον· ὕστερον γὰρ τῆς οὐσίας καὶ τοῦ τί ἐστι τὸ εἶναι αὐτὸ ἀγαθόν, κἂν ἀεὶ συνῇ, ἐκεῖνα δὲ ἦν τοῦ ὄντος ᾗ ὂν καὶ εἰς τὴν οὐσίαν. Ἐντεῦθεν γὰρ καὶ τὸ ἐπέκεινα τοῦ ὄντος, ἐπειδὴ τὸ ὂν καὶ ἡ οὐσία οὐ δύναται μὴ πολλὰ εἶναι, ἀλλὰ ἀνάγκη αὐτῷ ἔχειν ταῦτα, ἠριθμημένα γένη, καὶ εἶναι ἓν πολλά. Εἰ μέντοι τὸ ἀγαθὸν τὸ ἓν τὸ ἐν τῷ ὄντι—μὴ ὀκνοῖμεν λέγειν τὴν ἐνέργειαν αὐτοῦ τὴν κατὰ φύσιν πρὸς τὸ ἓν τοῦτο εἶναι τὸ ἀγαθὸν αὐτοῦ, ἵν´ ἐκεῖθεν ἀγαθοειδὲς ᾖ—ἔσται τὸ ἀγαθὸν τούτῳ ἐνέργεια πρὸς τὸ ἀγαθόν· τοῦτο δὲ ἡ ζωὴ αὐτοῦ· τοῦτο δὲ ἡ κίνησις, ἣ ἤδη ἐστὶν ἕν τι τῶν γενῶν. |
XVII. Mais pourquoi le bien, le beau, les vertus, la science, l'intelligence ne seraient-ils pas des genres premiers? Si par bien on entend le Premier que nous appelons le Bien même, ce dont nous ne saurions rien affirmer, mais que nous nommons ainsi, ne pouvant exprimer autrement l'idée que nous en avons, ce n'est pas un genre : car on ne peut l'affirmer d'aucune autre chose; s'il y avait des choses dont on pût l'affirmer, chacune d'elles serait le Bien 234 même. En outre, le Bien ne consiste pas dans l'essence ; il est donc au-dessus de l'essence. Mais si par bien on entend une qualité [la bonté], on sait que la qualité ne peut être mise au rang des genres premiers. — Quoi donc? L'Être n'est-il pas bon ? — Oui, sans doute; mais il n'est pas bon de la même manière que le Premier, qui est bon, non par une qualité, mais par lui-même. — Mais, nous objectera-t-on, vous avez dit que l'Être renferme les autres genres en lui-même, et que chacun de ceux-ci est un genre parce qu'il est quelque chose de commun et qu'on le trouve en plusieurs choses. Si donc on aperçoit aussi le bien dans chacune des parties de l'Essence ou de l'Être, ou du moins dans le plus grand nombre, pourquoi le bien ne serait-il pas aussi un genre et un des genres premiers? — C'est qu'il n'est pas le même dans toutes les parties de l'Être, qu'il y est ou au premier degré ou au second, et ainsi de suite ; que ces divers biens sont tous subordonnés les uns aux autres, le dernier dépendant du premier (47) et tous dépendant d'un seul, qui est le Bien suprême; c'est enfin que si tous participent du bien, ce n'est que d'une manière qui varie suivant la nature de chacun. Si l'on veut encore que le bien soit un genre, ce sera un genre postérieur : car il sera postérieur à l'essence. Or l'être de l'Essence (τοῦ τί ἐστι τὸ εἶναι), quoiqu'il soit toujours uni à l'Essence, est le Bien même, tandis que les genres premiers appartiennent à l'Être en tant qu'être et forment l'Essence. C'est de là qu'on s'élève au Bien absolu, qui est supérieur à l'Être : car il est impossible que l'Être et l'Essence ne soient pas multiples ; l'Être renferme nécessairement en lui-même les genres premiers que nous avons énumérés; il est l'un-multiple. Mais si par bien on entend ici l'unité qui est dans l'Être (et nous n'hésitons pas à reconnaître que l'acte par lequel 235 l'Être aspire à l'Un est son vrai bien, que c'est par là qu'il reçoit la forme du Bien), alors le bien de l'Être est l'acte par lequel il aspire au Bien ; cet acte constitue sa vie ; or cet acte est un mouvement, et nous avons déjà mis le mouvement au nombre des genres premiers. [Il est donc inutile de faire du bien ainsi conçu un nouveau genre.] |
XVIII. Περὶ δὲ τοῦ καλοῦ, εἰ μὲν ἐκεῖνο ἡ πρώτη καλλονή, τὰ αὐτὰ ἂν καὶ παραπλήσια λέγοιτο τοῖς ἐπὶ τοῦ ἀγαθοῦ λόγοις· καὶ εἰ τὸ ἐπὶ τῇ ἰδέᾳ οἷον ἀποστίλβον, ὅτι μὴ τὸ αὐτὸ ἐν πᾶσι, καὶ ὅτι ὕστερον τὸ ἐπιστίλβειν. Εἰ δὲ οὐκ ἄλλο τι τὸ καλὸν ἢ ἡ οὐσία αὐτή, ἐν τῇ οὐσίᾳ εἴρηται. Εἰ δὲ πρὸς ἡμᾶς τοὺς ὁρῶντας τῷ τοιόνδε πάθος ποιεῖν ἐστι, τοῦτο τὸ ἐνεργεῖν κίνησις, καὶ εἰ πρὸς ἐκεῖνο ἡ ἐνέργεια, κίνησις. Ἔστι δὲ καὶ ἡ ἐπιστήμη αὐτοκίνησις ὄψις οὖσα τοῦ ὄντος καὶ ἐνέργεια, ἀλλ´ οὐχ ἕξις· ὥστε καὶ αὐτὴ ὑπὸ τὴν κίνησιν, εἰ δὲ βούλει, ὑπὸ τὴν στάσιν, ἢ καὶ ὑπ´ ἄμφω· εἰ δὲ ὑπ´ ἄμφω, ὡς μικτόν· εἰ τοῦτο, ὕστερον τὸ μικτόν. Ὁ δὲ νοῦς ὂν νοοῦν καὶ σύνθετον ἐκ πάντων, οὐχ ἕν τι τῶν γενῶν· καὶ ἔστιν ὁ ἀληθινὸς νοῦς ὂν μετὰ πάντων καὶ ἤδη πάντα τὰ ὄντα, τὸ δὲ ὂν [μόνον] ψιλὸν εἰς γένος λαμβανόμενον στοιχεῖον αὐτοῦ. Δικαιοσύνη δὲ καὶ σωφροσύνη καὶ ὅλως ἀρετὴ ἐνέργειαί τινες νοῦ πᾶσαι· ὥστε οὐκ ἐν πρώτοις καὶ ὕστερα γένους καὶ εἴδη. |
XVIII. Quant au beau, si par là on entend la Beauté première, la beauté suprême, nous répondrons comme au sujet du bien, ou du moins nous ferons une réponse fort analogue. Si l'on veut seulement parler de cette splendeur dont brille l'idée, nous dirons que cette splendeur n'est pas la même partout, et que d'ailleurs elle est quelque chose de postérieur (48). Si l'on considère le beau comme étant l'Essence absolue, il est alors compris dans l'Essence dont nous avons déjà traité [et par conséquent ne forme pas un genre à part] (49). Si on le considère par rapport à nous autres, spectateurs, et qu'on le fasse consister à produire en nous une certaine émotion, un tel acte est un mouvement; si on considère au contraire la tendance qui nous entraine vers le beau, il y a encore là mouvement. La science est le mouvement par excellence : car elle est l'intuition de l'Être; elle est un acte et non une simple habitude. Elle doit donc aussi être rapportée au mouvement (50). On peut encore la rapporter à la stabilité [si on la considère comme un acte durable], ou plutôt elle appartient aux deux genres. Mais si elle appartient à deux genres différents, elle est quelque chose de mélangé ; or ce qui est mélangé est nécessairement postérieur [aux éléments qui entrent dans le mélange et ne peut être genre premier]. L'Intelligence, c'est l'Être pensant, comprenant tous les genres, et non un genre unique. L'Intelligence véri- 236 table est en effet l'Être avec toutes choses; elle est par conséquent tous les êtres. Quant à l'Être considéré seul, il constitue un genre et est un élément de l'Intelligence. Enfin, la justice, la tempérance et en général toutes les vertus sont autant d'actes de l'Intelligence. Elles ne sauraient donc figurer parmi les genres premiers. Elles sont postérieures à un genre (51) et constituent des espèces. |
XIX. Γένη δὴ ὄντα τὰ τέτταρα ταῦτα καὶ πρῶτα ἆρα καθ´ αὑτὸ ἕκαστον εἴδη ποιεῖ; Οἷον τὸ ὂν διαιροῖτο ἂν ἤδη ἐφ´ ἑαυτοῦ ἄνευ τῶν ἄλλων; Ἢ οὔ· ἐπειδὴ ἔξωθεν τοῦ γένους λαβεῖν δεῖ τὰς διαφοράς, καὶ εἶναι μὲν τοῦ ὄντος διαφορὰς ᾗ ὄν, οὐ μέντοι τὰς διαφορὰς αὐτό. Πόθεν οὖν ἕξει; Οὐ γὰρ δὴ ἐκ τῶν οὐκ ὄντων. Εἰ δὴ ἐξ ὄντων, ἦν δὲ τὰ γένη τὰ τρία τὰ λοιπά, δῆλον ὅτι ἐκ τούτων καὶ μετὰ τούτων προστιθεμένων καὶ συνδυαζομένων καὶ ἅμα γινομένων. Ἀλλὰ ἅμα γινόμενα τοῦτο δὴ ἐποίει τὸ ἐκ πάντων. Πῶς οὖν τὰ ἄλλα ἐστὶ μετὰ τὸ ἐκ πάντων; Καὶ πῶς γένη πάντα ὄντα εἴδη ποιεῖ; Πῶς δὲ ἡ κίνησις εἴδη κινήσεως καὶ ἡ στάσις καὶ τὰ ἄλλα; Ἐπεὶ κἀκεῖνο δεῖ παραφυλάττειν, ὅπως μὴ ἀφανίζοιτο ἕκαστον ἐν τοῖς εἴδεσι, μηδ´ αὖ τὸ γένος κατηγορούμενον ᾖ μόνον ὡς ἐν ἐκείνοις θεωρούμενον, ἀλλ´ ᾖ ἐκείνοις ἅμα καὶ ἐν αὑτῷ καὶ μιγνύμενον αὖ καθαρὸν καὶ μὴ μιγνύμενον ὑπάρχῃ, μηδ´ ἄλλως συντελοῦν εἰς οὐσίαν αὐτὸ ἀπολλύῃ. Περὶ μὲν δὴ τούτων σκεπτέον. Ἐπεὶ δὲ ἔφαμεν τὸ ἐκ πάντων τῶν ὄντων νοῦν εἶναι ἕκαστον, πρὸ δὲ πάντων ὡς εἰδῶν καὶ μερῶν τὸ ὂν καὶ τὴν οὐσίαν τιθέμεθα [νοῦν εἶναι], τὸν ἤδη νοῦν ὕστερον λέγομεν εἶναι. Καὶ δὴ ταύτην τὴν ἀπορίαν χρήσιμον πρὸς τὸ ζητούμενον ποιησώμεθα καὶ οἷον παραδείγματι χρησάμενοι εἰς γνῶσιν τῶν λεγομένων αὐτοὺς ἐμβιβάζωμεν. |
XIX. Puisque ces quatre choses [qui complètent l'essence (52), savoir, le mouvement, la stabilité, l'identité et la différence] constituent [avec l'Être] les genres premiers, il reste à examiner si chacun d'eux pris à part engendre des espèces, si, par exemple, l'Être pris en lui-même pourrait admettre des divisions dans lesquelles les autres genres n'entreraient pour rien. — Non, sans doute : car, pour engendrer des espèces, il faut que le genre admette des différences venues du dehors ; que ces différences soient des propriétés appartenant à l'Être en tant qu'être, sans être cependant lui-même. Mais alors d'où l'Être les tient-il? Ce ne peut être assurément de ce qui n'existe pas. Si c'est nécessairement de ce qui existe, comme il ne reste que trois genres d'êtres, il est évident que l'Être tient ses différences de ces genres, qui s'associent à lui et ont une existence simultanée. Mais par cela même que ces genres ont une existence simultanée [avec l'Être], ils servent à le constituer, puisqu'il se compose de tous ces éléments réunis. Comment alors peuvent-ils être autres que le tout qu'ils constituent? Comment ces genres font-ils de tous les êtres des espèces? Comment par exemple le mouvement pur peut-il former des espèces du mouvement? La stabilité et les autres genres donnent lieu aux mêmes questions. Il faut 237 d'ailleurs prendre garde de perdre chaque genre dans les espèces, et, d'un autre côté, de le réduire à l'état d'un simple prédicat en ne le considérant que dans ses espèces. Il faut que le genre existe à la fois dans les espèces et en lui-même, que tout en se mêlant [aux espèces] il reste en lui-même pur et sans mélange : car, en concourant à l'essence autrement [par son mélange avec les espèces], il s'anéantirait lui-même. Telles sont les questions que nous avons à examiner. Maintenant, comme nous avons dit précédemment que ce qui comprend en soi tous les êtres, c'est l'Intelligence et même chaque intelligence, que nous avons placé l'Être ou l'Essence au-dessus de toutes les espèces qui en sont les parties, et que nous avons dit que l'Être n'est pas encore l'Intelligence (53), nous reconnaissons par là même que l'Intelligence déjà développée est quelque chose de postérieur. Nous allons mettre à profit l'étude de cette question afin d'atteindre le but que nous nous sommes proposé [pour déterminer le rapport du genre avec les espèces qu'il contient] ; nous nous servirons de l'Intelligence comme d'exemple pour approfondir la connaissance des choses dont nous nous occupons. |
XX. Λάβωμεν οὖν τὸν μὲν εἶναι νοῦν οὐδὲν ἐφαπτόμενον τῶν ἐν μέρει οὐδ´ ἐνεργοῦντα περὶ ὁτιοῦν, ἵνα μὴ τὶς νοῦς γίγνοιτο, ὥσπερ ἐπιστήμη πρὸ τῶν ἐν μέρει εἰδῶν, καὶ ἡ ἐν εἴδει δὲ ἐπιστήμη πρὸ τῶν ἐν αὐτῇ μερῶν· πᾶσα μὲν οὐδὲν τῶν ἐν μέρει δύναμις πάντων, ἕκαστον δὲ ἐνεργείᾳ ἐκεῖνο, καὶ δυνάμει δὲ πάντα, καὶ ἐπὶ τῆς καθόλου ὡσαύτως· αἱ μὲν ἐν εἴδει, αἳ ἐν τῇ ὅλῃ δυνάμει κεῖνται, αἱ δὴ τὸ ἐν εἴδει λαβοῦσαι, δυνάμει εἰσὶν ἡ ὅλη· κατηγορεῖται γὰρ ἡ πᾶσα, οὐ μόριον τῆς πάσης· αὐτήν γε μὴν δεῖ ἀκέραιον ἐφ´ αὑτῆς εἶναι. Οὕτω δὴ ἄλλως μὲν νοῦν τὸν ξύμπαντα εἰπεῖν εἶναι, τὸν πρὸ τῶν καθέκαστον ἐνεργείᾳ ὄντων, ἄλλως δὲ ἐκδέ〈χεσθαι〉 ἑκάστους, τοὺς μὲν ἐν μέρει ἐκ πάντων πληρωθέντας, τὸν δ´ ἐπὶ πᾶσι νοῦν χορηγὸν μὲν τοῖς καθέκαστα, δύναμιν δὲ αὐτῶν εἶναι καὶ ἔχειν ἐν τῷ καθόλου ἐκείνους, ἐκείνους τε αὖ ἐν αὐτοῖς ἐν μέρει οὖσιν ἔχειν τὸν καθόλου, ὡς ἡ τὶς ἐπιστήμη τὴν ἐπιστήμην. Καὶ εἶναι καὶ καθ´ αὑτὸν τὸν μέγαν νοῦν καὶ ἑκάστους αὖ ἐν αὐτοῖς ὄντας, καὶ ἐμπεριέχεσθαι αὖ τοὺς ἐν μέρει τῷ ὅλῳ καὶ τὸν ὅλον τοῖς ἐν μέρει, ἑκάστους ἐφ´ ἑαυτῶν καὶ ἐν ἄλλῳ καὶ ἐφ´ ἑαυτοῦ ἐκεῖνον καὶ ἐν ἐκείνοις, καὶ ἐν ἐκείνῳ μὲν πάντας ἐφ´ ἑαυτοῦ ὄντι δυνάμει, ἐνεργείᾳ ὄντι τὰ πάντα ἅμα, δυνάμει δὲ ἕκαστον χωρίς, τοὺς δ´ αὖ ἐνεργείᾳ μὲν ὅ εἰσι, δυνάμει δὲ τὸ ὅλον. Καθόσον μὲν γὰρ τοῦτο ὃ λέγονταί εἰσιν, ἐνεργείᾳ εἰσὶν ἐκεῖνο ὃ λέγονται· ᾗ δ´ ἐν γένει ἐκεῖνο, δυνάμει ἐκεῖνο. Ὃ δ´ αὖ, ᾗ μὲν γένος, δύναμις πάντων τῶν ὑπ´ αὐτὸ εἰδῶν καὶ οὐδὲν ἐνεργείᾳ ἐκείνων, ἀλλὰ πάντα ἐν αὐτῷ ἥσυχα· ᾗ δὲ ὅ ἐστι πρὸ τῶν εἰδῶν ἐνεργείᾳ, τῶν οὐ καθέκαστα. Δεῖ δή, εἴπερ ἐνεργείᾳ ἔσονται οἱ ἐν εἴδει, τὴν ἀπ´ αὐτοῦ ἐνέργειαν αἰτίαν γίγνεσθαι. |
XX. Supposons donc l'Intelligence dans un état tel qu'elle ne s'attache encore à rien de particulier, qu'elle ne s'applique à rien, afin de ne pas devenir une intelligence particulière; concevons-la semblable à la science prise en soi avant les notions des espèces particulières, ou bien encore à la science d'une espèce prise avant les notions des parties qu'elle contient. La science universelle, sans être [en acte] aucune notion particulière, est en puissance toutes les notions, et réciproquement, chaque notion 238 particulière est une seule chose en acte, mais est toutes choses en puissance ; il en est de même de la science universelle. Les notions qui se rapportent ainsi à une espèce existent en puissance dans la science universelle, parce que, tout en s'appliquant à une espèce, elles sont aussi en puissance la science universelle. La science universelle est affirmée de chaque notion particulière, sans que la notion particulière soit affirmée de la science universelle; cependant la science universelle n'en doit pas moins subsister en elle-même et sans mélange (54). Il en est de même pour l'Intelligence. Autre est le mode d'existence de l'Intelligence universelle placée au-dessus des intelligences qui sont particulières en acte, autre est le mode d'existence de ces intelligences particulières. Celles-ci sont remplies par les notions universelles : l'Intelligence universelle fournit aux intelligences particulières les notions qu'elles possèdent ; elle est en puissance ces intelligences qu'elle contient toutes dans son universalité; celles-ci de leur côté contiennent dans leur particularité l'Intelligence universelle comme une science particulière implique la science universelle. La grande Intelligence existe en elle-même et les intelligences particulières existent également en elles-mêmes ; elles sont impliquées dans l'Intelligence universelle, comme celle-ci est impliquée dans les intelligences particulières. Chacune des intelligences particulières existe à la fois en elle-même et dans autre chose [dans l'Intelligence universelle], de même que l'Intelligence universelle existe à la fois en elle-même et dans toutes les autres. Dans l'Intelligence universelle, qui existe en elle-même, toutes les intelligences particulières existent en puissance, parce que celle -ci est en acte toutes les intelligences ensemble et en puissance chacune d'elles sépa- 239 rément. Au contraire, celles-ci sont en acte des intelligences particulières et en puissance l'Intelligence universelle : en effet, en tant qu'elles sont ce qu'on affirme d'elles, elles sont en acte ce qu'on affirme; en tant qu'elles existent dans le genre qui les contient, elles sont ce genre en puissance (55). Le genre, en tant que genre, est en puissance toutes les espèces qu'il contient : il n'est aucune d'elles en acte, mais toutes sont en lui implicitement ; en tant que le genre est en acte ce qui existe avant les espèces, il est l'acte des choses qui ne sont pas particulières ; pour que ces choses particulières arrivent à être en acte (comme cela a lieu dans l'espèce), il faut qu'elles y soient amenées par l'acte qui émane du genre et qui joue à leur égard le rôle de cause (56). |
XXI. Πῶς οὖν μένων αὐτὸς ἓν τῷ λόγῳ τὰ ἐν μέρει ποιεῖ; Τοῦτο δὲ ταὐτὸν πῶς ἐκ τῶν τεττάρων ἐκείνων τὰ λεγόμενα ἐφεξῆς. Ὅρα τοίνυν ἐν τούτῳ τῷ μεγάλῳ νῷ καὶ ἀμηχάνῳ, οὐ πολυλάλῳ ἀλλὰ πολύνῳ νῷ, τῷ πάντα νῷ καὶ ὅλῳ καὶ οὐ μέρει οὐδὲ τινὶ νῷ, ὅπως ἔνι τὰ πάντα ἐξ αὐτοῦ. Ἀριθμὸν δὴ πάντως ἔχει ἐν τούτοις οἷς ὁρᾷ, καὶ ἔστι δὲ ἓν καὶ πολλά, καὶ ταῦτα δὲ δυνάμεις καὶ θαυμασταὶ δυνάμεις οὐκ ἀσθενεῖς, ἀλλ´ ἅτε καθαραὶ οὖσαι μέγισταί εἰσι καὶ οἷον σφριγῶσαι καὶ ἀληθῶς δυνάμεις, οὐ τὸ μέχρι τινὸς ἔχουσαι· ἄπειροι τοίνυν καὶ ἀπειρία καὶ τὸ μέγα. Τοῦτο τοίνυν τὸ μέγα σὺν τῷ ἐν αὐτῷ καλῷ τῆς οὐσίας καὶ τῇ περὶ αὐτὸ ἀγλαΐᾳ καὶ τῷ φωτὶ ὡς ἐν νῷ ὄντα ἰδὼν ὁρᾷς καὶ τὸ ποιὸν ἤδη ἐπανθοῦν, μετὰ δὲ τοῦ συνεχοῦς τῆς ἐνεργείας μέγεθος προφαινόμενον τῇ σῇ προσβολῇ ἐν ἡσύχῳ κείμενον, ἑνὸς δὲ καὶ δύο ὄντων καὶ τριῶν καὶ τὸ μέγεθος τριττὸν ὂν καὶ τὸ ποσὸν πᾶν. Τοῦ δὲ ποσοῦ ἐνορωμένου καὶ τοῦ ποιοῦ καὶ ἄμφω εἰς ἓν ἰόντων καὶ οἷον γινομένων καὶ σχῆμα ὅρα. Εἰσπίπτοντος δὲ τοῦ θατέρου καὶ διαιροῦντος καὶ τὸ ποσὸν καὶ τὸ ποιὸν σχημάτων τε διαφοραὶ καὶ ποιότητος ἄλλαι. Καὶ ταὐτότης μὲν συνοῦσα ἰσότητα ποιεῖ εἶναι, ἑτερότης δὲ ἀνισότητα ἐν ποσῷ ἔν τε ἀριθμῷ ἔν τε μεγέθει, ἐξ ὧν καὶ κύκλους καὶ τετράγωνα καὶ τὰ ἐξ ἀνίσων σχήματα, ἀριθμούς τε ὁμοίους καὶ ἀνομοίους, περιττούς τε καὶ ἀρτίους. Οὖσα γὰρ ἔννους ζωὴ καὶ ἐνέργεια οὐκ ἀτελὴς οὐδὲν παραλείπει ὧν εὑρίσκομεν νῦν νοερὸν ἔργον ὄν, ἀλλὰ πάντα ἔχει ἐν τῇ αὐτῆς δυνάμει ὄντα αὐτὰ ἔχουσα ὡς ἂν νοῦς ἔχοι. Ἔχει δὲ νοῦς ὡς ἐν νοήσει, νοήσει δὲ οὐ τῇ ἐν διεξόδῳ· παραλέλειπται δὲ οὐδὲν τῶν ὅσα λόγοι, ἀλλ´ ἔστιν εἷς οἷον λόγος, μέγας, τέλειος, πάντας περιέχων, ἀπὸ τῶν πρώτων αὐτοῦ ἐπεξιών, μᾶλλον δὲ ἀεὶ ἐπεξελθών, ὥστε μηδέποτε τὸ ἐπεξιέναι ἀληθὲς εἶναι. Ὅλως γὰρ πανταχοῦ, ὅσα ἄν τις ἐκ λογισμοῦ λάβοι ἐν τῇ φύσει ὄντα, ταῦτα εὑρήσει ἐν νῷ ἄνευ λογισμοῦ ὄντα, ὥστε νομίζειν τὸ ὂν νοῦν λελογισμένον οὕτω ποιῆσαι, οἷον καὶ ἐπὶ τῶν λόγων τῶν τὰ ζῷα ποιούντων· ὡς γὰρ ἂν ὁ ἀκριβέστατος λογισμὸς λογίσαιτο ὡς ἄριστα, οὕτως ἔχει πάντα ἐν τοῖς λόγοις πρὸ λογισμοῦ οὖσι. Τί χρὴ προσδοκᾶν ἐν τοῖς πρὸ φύσεως καὶ τῶν λόγων τῶν ἐν αὐτῇ [ἐν τοῖς ἀνωτέρω] εἶναι; Ἐν οἷς γὰρ ἡ οὐσία οὐκ ἄλλο τι ἢ νοῦς, καὶ οὐκ ἐπακτὸν οὔτε τὸ ὂν αὐτοῖς οὔτε ὁ νοῦς, ἀμογητὶ ἂν εἴη ἄριστα ἔχον, εἴπερ κατὰ νοῦν κείσεται, καὶ τοῦτο ὄν, ὃ θέλει νοῦς καὶ ἔστι· διὸ καὶ ἀληθινὸν καὶ πρῶτον· εἰ γὰρ παρ´ ἄλλου, ἐκεῖνο νοῦς. Σχημάτων δὴ πάντων ὀφθέντων ἐν τῷ ὄντι καὶ ποιότητος ἁπάσης—ἦν γὰρ οὔ τις· οὐδὲ γὰρ ἦν εἶναι μίαν τῆς θατέρου φύσεως ἐνούσης, ἀλλὰ μία καὶ πολλαί· καὶ γὰρ ταὐτότης ἦν· ἓν δὲ καὶ πολλά, καὶ ἐξ ἀρχῆς τὸ τοιοῦτον ὄν, ὥστε ἐν πᾶσιν εἴδεσι τὸ ἓν καὶ πολλά· μεγέθη δὴ διάφορα καὶ σχήματα διάφορα καὶ ποιότητες διάφοροι· οὐ γὰρ ἦν οὐδὲ θεμιτὸν ἦν παραλελεῖφθαι οὐδέν· τέλειον γὰρ ἐκεῖ τὸ πᾶν ἢ οὐκ ἂν ἦν πᾶν—καὶ ζωῆς ἐπιθεούσης, μᾶλλον δὲ συνούσης πανταχοῦ, πάντα ἐξ ἀνάγκης ζῷα ἐγίνετο, καὶ ἦν καὶ σώματα ὕλης καὶ ποιότητος ὄντων. Γενομένων δὲ πάντων ἀεὶ καὶ μενόντων καὶ ἐν τῷ εἶναι αἰῶνι περιληφθέντων, χωρὶς μὲν ἕκαστον ὅ ἐστιν ὄντων, ὁμοῦ δ´ αὖ ἐν ἑνὶ ὄντων, ἡ πάντων ἐν ἑνὶ ὄντων οἷον συμπλοκὴ καὶ σύνθεσις νοῦς ἐστι. Καὶ ἔχων μὲν τὰ ὄντα ἐν αὐτῷ ζῷόν ἐστι παντελὲς καὶ ὅ ἐστι ζῷον, τῷ δ´ ἐξ αὐτοῦ ὄντι παρέχων ἑαυτὸν ὁρᾶσθαι νοητὸν γενόμενος ἐκείνῳ δίδωσιν ὀρθῶς λέγεσθαι. |
XXI. Comment l'Intelligence, tout en restant une, pro¬duit-elle par la raison les choses particulières? C'est demander comment des quatre genres (57) proviennent les genres inférieurs. Contemple donc cette grande et ineffable Intelligence, qui ne se sert pas de la parole, mais qui est toute intelligence, intelligence de tout, intelligence universelle et non intelligence particulière ou individuelle; considère comment s'y trouvent toutes les choses qui en procèdent. — En contemplant les essences qu'elle contient, elle a le nombre, elle est une et plusieurs ; elle est plusieurs, c'est-à-dire plusieurs puissances, puissances admirables, pleines de force et de grandeur, parce qu'elles sont pures ; puissances vigoureuses, véritables, parce qu'elles n'ont pas de terme auquel elles soient forcées de s'arrêter, infinies par conséquent, infinité et grandeur suprêmes. — Si tu considères cette grandeur et cette beauté de l'essence, si par l'éclat 240 et par la lumière qui l'environnent tu distingues ce que renferme l'Intelligence, tu vois s'épanouir la qualité. — Avec la continuité de l'acte apparaît à ton regard la grandeur à l'état de repos. Comme il y a un et deux et par suite trois, la grandeur se présente comme la troisième chose avec la quantité universelle (58).—Or, dès que la qualité et la quantité se montrent à nous, et s'unissent, se fondent en quelque sorte en une seule chose, tu vois la figure.— Alors vient la Différence qui divise la qualité et la quantité: de là les diverses qualités et les différences de figure. — La présence de l'Identité fait l'égalité, et celle de la Différence l'inégalité, dans la quantité, dans le nombre, dans la grandeur en général : de là le cercle, le quadrilatère et les figures composées de choses inégales; de là les nombres semblables et différents, pairs et impairs. Ainsi la Vie intellectuelle, l'acte parfait, embrasse toutes les choses que notre esprit conçoit maintenant, toutes les œuvres intellectuelles ; elle contient dans sa puissance toutes choses à titre d'essences et de la manière dont les possède l'Intelligence. Or celle-ci les possède par la pensée, pensée qui n'est pas discursive [mais intuitive]. La Vie intellectuelle possède donc toutes les choses dont il y a des raisons [des idées] ; elle est elle-même une Raison unique, grande, parfaite, qui renferme toutes les raisons (59), qui les parcourt avec ordre en commençant par les premières, ou plutôt qui les a parcourues de tout temps, en sorte qu'on ne peut jamais dire avec vérité qu'elle les parcourt (60): car toutes les choses que le raisonnement nous fait saisir en quelque partie que ce soit de l'univers, on trouve que l'Intelligence les possède sans raisonnement; il semble que ce soit l'Être même qui [étant identique à l'Intelligence] ait fait raisonner ainsi l'Intelligence [ait produit ses con- 241 ceptions (61)], comme cela parait arriver dans les raisons séminales qui produisent les animaux (62). Dans les raisons qui sont antérieures au raisonnement [dans les idées], toutes choses se trouvent avoir la constitution que l'intelligence la plus pénétrante serait amenée par le raisonnement à juger la meilleure (63). Que ne doivent donc pas être ces idées supérieures et antérieures à la Nature et aux raisons? L'Intelligence y est identique avec l'Essence (64); l'existence n'y est pas adventice, non plus que l'intelligence ; tout y est parfait, puisque tout y est conforme à l'intelligence. L'Être est ce qu'exige l'Intelligence ; il est par conséquent être véritable et premier : car s'il procédait d'un autre être, c'est cet autre qui serait l'Intelligence. Puisque l'Être nous montre ainsi en lui toutes les figures et la qualité universelle (elle ne pouvait être particulière : car elle ne devait pas être unique, la double présence de la Différence et de l'Identité exigeant qu'elle fût à la fois une et plusieurs) ; puisque l'Être est dès l'origine un et plusieurs, que toutes les espèces qu'il comprend doivent par conséquent renfermer à la fois unité et pluralité, offrir des grandeurs, des qualités, des figures différentes (car il est impossible que quelque chose manque à l'Être, qu'il ne soit pas l'universalité complète, parce qu'il ne serait plus universel s'il n'était pas complet) ; puisqu'enfin la Vie y pénètre tout, y est présente partout, il en résulte que de lui ont dû naître tous les animaux (car les corps mêmes n'y manquent pas puisqu'on y trouve matière et qualité). Or, comme tous les animaux y sont nés et y subsistent de tout temps, étant par leur être embrassés dans l'éternité, que pris séparément ils sont chacun une des différentes essences, que 242 pris ensemble ils forment une unité, il en résulte que l'ensemble complexe et synthétique de tous ces animaux est l'Intelligence, qui, ayant ainsi en soi tous les êtres, est l'Animal parfait, l'Animal par essence. En se laissant contempler par ce qui tient d'elle l'existence, l'Intelligence devient pour lui l'Intelligible, et reçoit cette qualification avec vérité (65). |
XXII. Καὶ ᾐνιγμένως Πλάτωνι τὸ ᾗπερ οὖν νοῦς ἐνούσας ἰδέας ἐν τῷ παντελεῖ ζῴῳ οἷαί τε ἔνεισι καὶ ὅσαι καθορᾷ. Ἐπεὶ καὶ ψυχὴ μετὰ νοῦν, καθόσον ψυχὴ ἔχουσα ἐν αὑτῇ, ἐν τῷ πρὸ αὐτῆς βέλτιον καθορᾷ· καὶ ὁ νοῦς ἡμῶν ἔχων ἐν τῷ πρὸ αὐτοῦ βέλτιον καθορᾷ· ἐν μὲν γὰρ αὐτῷ καθορᾷ μόνον, ἐν δὲ τῷ πρὸ αὐτοῦ καὶ καθορᾷ ὅτι καθορᾷ. Ὁ δὴ νοῦς οὗτος, ὅν φαμεν καθορᾶν, οὐκ ἀπαλλαγεὶς τοῦ πρὸ αὐτοῦ ἐξ αὐτοῦ ὤν, ἅτε ὢν ἐξ ἑνὸς πολλὰ καὶ τὴν τοῦ θατέρου φύσιν συνοῦσαν ἔχων, εἷς πολλὰ γίνεται. Εἷς δὲ νοῦς καὶ πολλὰ ὢν καὶ τοὺς πολλοὺς νοῦς ποιεῖ ἐξ ἀνάγκης τῆς τοιαύτης. Ὅλως δὲ οὐκ ἔστι τὸ ἓν ἀριθμῷ λαβεῖν καὶ ἄτομον· ὅ τι γὰρ ἂν λάβῃς, εἶδος· ἄνευ γὰρ ὕλης. Διὸ καὶ τοῦτο αἰνιττόμενος ὁ Πλάτων εἰς ἄπειρά φησι κατακερματίζεσθαι τὴν οὐσίαν. Ἕως μὲν γὰρ εἰς ἄλλο εἶδος, οἷον ἐκ γένους, οὔπω ἄπειρον· περατοῦται γὰρ τοῖς γεννηθεῖσιν εἴδεσι· τὸ δ´ ἔσχατον εἶδος ὃ μὴ διαιρεῖται εἰς εἴδη, μᾶλλον ἄπειρον. Καὶ τοῦτό ἐστι τὸ τότε δὲ ἤδη εἰς τὸ ἄπειρον μεθέντα ἐᾶν χαίρειν. Ἀλλ´ ὅσον μὲν ἐπ´ αὐτοῖς, ἄπειρα· τῷ δὲ ἑνὶ περιληφθέντα εἰς ἀριθμὸν ἔρχεται ἤδη. Νοῦς μὲν οὖν ἔχει τὸ μεθ´ ἑαυτὸν ψυχήν, ὥστε ἐν ἀριθμῷ εἶναι, καὶ ψυχὴν μέχρι τοῦ ἐσχάτου αὐτῆς, τὸ δὲ ἔσχατον αὐτῆς ἤδη ἄπειρον παντάπασι. Καὶ ἔστι νοῦς μὲν ὁ τοιοῦτος μέρος, καίπερ τὰ πάντα ἔχων, καὶ ὁ πᾶς 〈μέρος〉 καὶ οἱ αὐτοῦ μέρη ἐνεργείᾳ ὄντος αὐτοῦ ὄντες [μέρος], ψυχὴ δὲ μέρος μέρους, ἀλλ´ ὡς ἐνέργεια ἐξ αὐτοῦ. Ὅτε μὲν γὰρ ἐν αὐτῷ ἐνεργεῖ, τὰ ἐνεργούμενα οἱ ἄλλοι νοῖ, ὅτε δὲ ἐξ αὐτοῦ, ψυχή. Ψυχῆς δὲ ἐνεργούσης ὡς γένους ἢ εἴδους αἱ ἄλλαι ψυχαὶ ὡς εἴδη. Καὶ τούτων αἱ ἐνέργειαι διτταί· ἡ μὲν πρὸς τὸ ἄνω νοῦς, ἡ δὲ πρὸς τὸ κάτω αἱ ἄλλαι δυνάμεις κατὰ λόγον, ἡ δὲ ἐσχάτη ὕλης ἤδη ἐφαπτομένη καὶ μορφοῦσα. Καὶ τὸ κάτω αὐτῆς τὸ ἄλλο πᾶν οὐ κωλύει εἶναι ἄνω. Ἢ καὶ τὸ κάτω λεγόμενον αὐτῆς ἴνδαλμά ἐστιν αὐτῆς, οὐκ ἀποτετμημένον δέ, ἀλλ´ ὡς τὰ ἐν τοῖς κατόπτροις, ἕως ἂν τὸ ἀρχέτυπον παρῇ ἔξω. Δεῖ δὲ λαβεῖν, πῶς τὸ ἔξω.
Καὶ μέχρι τοῦ πρὸ τοῦ εἰδώλου ὁ νοητὸς κόσμος ἅπας
τέλεος ἐκ πάντων νοητῶν, ὥσπερ ὅδε μίμημα ὢν ἐκείνου, καθόσον οἷόν τε ἀποσῴζειν
εἰκόνα ζῴου ζῷον αὐτό, ὡς τὸ γεγραμμένον ἢ τὸ ἐν ὕδατι φάντασμα τοῦ πρὸ ὕδατος
καὶ γραφῆς δοκοῦντος εἶναι. Τὸ δὲ μίμημα τὸ ἐν γραφῇ καὶ ὕδατι οὐ τοῦ
συναμφοτέρου, ἀλλὰ τοῦ ἑτέρου τοῦ μορφωθέντος ὑπὸ θατέρου. Νοητοῦ τοίνυν εἰκὼν
ἔχουσα ἰνδάλματα οὐ τοῦ πεποιηκότος, ἀλλὰ τῶν περιεχομένων ἐν τῷ πεποιηκότι, ὧν
καὶ ἄνθρωπος καὶ ἄλλο πᾶν ζῷον· ζῷον δὲ καὶ τοῦτο καὶ τὸ πεποιηκός, ἄλλως
ἑκάτερον καὶ ἄμφω ἐν νοητῷ. |
XXII. C'est ce qu'a voulu faire entendre Platon quand il a dit, d'une manière énigmatique : « L'Intelligence contemple les idées comprises dans l'Animal parfait (66) ; elle voit ce qu'elles sont et en quel nombre elles sont. » En effet, l'Ame [universelle], qui vient immédiatement après l'Intelligence, possède les idées en elle en tant qu'âme, mais elle les voit mieux dans l'Intelligence qui est au-dessus d'elle (67). De même, notre intelligence propre, qui possède aussi en elle les idées, les voit mieux quand elle les contemple dans l'Intelligence supérieure : car en elle-même, elle voit seulement; dans l'Intelligence supérieure, elle voit en outre qu'elle voit (68). Or cette Intelligence qui contemple les idées n'est pas séparée de l'Intelligence supérieure ( car elle en procède) ; mais comme elle est la pluralité sortie de l'unité, parce que [à l'identité] elle unit la différence, elle devient unité-pluralité. Étant à la fois unité et pluralité, l'Intelligence en vertu de sa nature multiple produit la pluralité [des essences] (69). On ne saurait d'ailleurs trouver en elle rien 243 qui soit numériquement un, rien de ce qu'on nomme un individu. Quelle que soit la chose que l'on contemple en elle, c'est toujours une forme : car il n'y a pas en elle de matière. C'est pourquoi Platon a dit encore, en faisant allusion à cette vérité, que l'essence est divisée à l'infini (70). Quand on descend du genre aux espèces, on n'arrive pas encore à l'infini (71) : car ce qui naît ainsi est défini par les espèces qui ont été engendrées par le genre; le nom d'infini s'applique mieux à la dernière espèce, qui ne se divise plus en espèces. C'est pourquoi [comme l'enseigne Platon], quand on est arrivé aux individus, il faut les abandonner à l'infini (72). Ainsi, les individus sont infinis en tant qu'ils sont pris en eux-mêmes ; mais en tant qu'ils sont embrassés par l'unité, ils sont ramenés à un nombre. — L'Intelligence embrasse donc ce qui vient après elle, l'Ame, en sorte que l'Ame, jusqu'à la dernière de ses puissances, est contenue par un nombre ; pour cette dernière puissance, elle est tout à fait infinie (73). Considérée dans cet état [où, se tournant vers ce qui est au-dessous d'elle, elle engendre l'Ame], l'Intelligence est une partie [parce qu'elle s'applique à une chose particulière], quoiqu'elle possède toutes choses et qu'elle soit par elle-même universelle ; les intelligences qui sont ses parties sont chacune une partie [constituent chacune une intelligence particulière] en vertu de l'acte de l'Intelligence qui est [qui existe en elle-même] (74). Quant à l'Ame, 244 elle est une partie d'une partie [c'est-à-dire une partie de l'Intelligence qui est elle-même une partie, comme il vient d'être dit], mais elle existe en vertu de l'acte de l'Intelligence qui agit hors d'elle-même. En effet, quand l'Intelligence agit en elle-même, les actes qu'elle produit sont les autres intelligences ; quand elle agit hors d'elle, elle produit l'Ame. Quand l'Ame agit à son tour comme genre ou espèce, elle engendre les autres âmes qui sont ses espèces. Ces âmes ont elles-mêmes deux actes: l'un, dirigé vers ce qui est au-dessus d'elles, constitue leur intelligence; l'autre, dirigé vers ce qui est au-dessous d'elles, donne naissance aux autres puissances rationnelles, et même à une dernière puissance qui est en contact avec la matière et la façonne (75). La partie inférieure de l'âme n'empêche pas tout le reste de demeurer dans la région supérieure (76). D'ailleurs, cette partie inférieure n'est que l'image même de l'âme; elle n'en est pas séparée (77), mais elle ressemble à l'image réfléchie par un miroir, image qui persiste tant que le modèle est placé devant le miroir.
— Mais comment doit-on concevoir que le modèle est placé ainsi devant le miroir?
— Le voici : jusqu'à ce qui est immédiatement au-dessus de l'image [c'est-à-dire
jusqu'a l'âme], c'est le monde intelligible, composé de tous les intelligibles,
et tout parfait. Le monde sensible n'est que l'imitation de celui-là, et il
l'imite autant qu'il lui est possible, en ce qu'il est lui-même un animal qui
est l'image de l'Animal parfait; il l'imite comme le portrait obtenu par la
peinture ou réfléchi par la surface de l'eau reproduit la personne placée
au-dessus de l'eau ou devant le peintre. Ce portrait obtenu par la peinture ou
réfléchi par la surface de l'eau n'est pas l'image du composé qui constitue
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l'homme [de l'âme et du corps], mais de l'une des deux parties seulement, du
corps qui a été façonné par l'âme. De même par conséquent, le monde sensible,
qui est fait àla ressemblance du monde intelligible, nous offre des images, non
de son créateur, mais des essences qui sont contenues dans son créateur, au
nombre desquelles se trouve l'homme avec tout autre animal; or chaque animal a
cela de commun avec son créateur de posséder la vie, mais chacun d'eux la
possède d'une manière différente ; tous deux en outre font également partie du
monde intelligible (78). |
(1) Après avoir dans le livre ι examiné les dix catégories d'Aristote et les quatre catégories des Stoïciens, Plotin expose dans le livre II la première partie de sa propre théorie, savoir, les Genres de l'être intelligible. Elle se trouve en germe dans le Sophiste de Platon, dont notre auteur invoque ici l'autorité. Pour les autres Remarques générales, Voy. les Éclaircissements sur ce livre à la fin du volume. (2) Voy. ci-après le § 2. (3) Voy. ci-après les livres iv, v, vi, ix. (4) Voy. les passages du Sophiste de Platon, que nous citons ci-après p. 216-219. (5) Ficin ajoute dans sa traduction vel indivisibile, ce qui n'est pas dans le texte grec de Creuzer, et qui ne semble nullement justifié. (6) Au lieu d'ὑποστατέον, que portent les premières éditions, il faut évidemment lire ἀποστατέον, comme le fait M. Kirchhoff. (7) Voy. ci-après liv. III, § 6. (8) Voy. ci-après liv. III § 3. (9) Voy. sur ce point Enn. III, liv. ii, § 16; t. II, p. 60. (10) Sur la distinction des deux parties de l'Ame universelle, savoir, la Puissance principale de l'Ame qui reçoit de l'Intelligence les formes, la Puissance naturelle de l'Âme qui les transmet à la matière en la façonnant par les raisons séminales, Voy. Enn. II, liv. iii, § 17-18; t. II, p. 191-193. (11) Voy. sur cette question Enn. I, liv. i, § 2; t. I, p. 36-37. (12) " L'unité se dit de ce dont la notion est une, ce qui a lieu quand il y a l'unité de pensée, qui est la pensée indivisible. Or, la pensée indivisible, c'est la pensée de ce qui est indivisible soit sous le rapport de la forme, soit sous le rapport du nombre. L'être particulier est indivisible numériquement; l'indivisible sous le rapport de la forme, c'est ce qui est indivisible sous le rapport de la connaissance et de la science. L'unité primitive est, par conséquent, celle qui est la cause de l'unité des substances. » (Aristote, Métaphysique, X, ch. 1; trad. de MM. Pierron et Zévort, 1.11, p. 119.) (13) Voy. les mêmes idées plus développées dans l'Ennéade III, liv, viii, § 7-8; t. II, p. 223-229. (14) « Mais quoi, par Jupiter, nous persuadera-t-on si facilement que, dans la réalité, le mouvement, la vie, l'âme, l'intelligence, ne conviennent pas à l'être absolu? que cet être ne vit ni ne pense, et qu'il demeure immobile, immuable, sans avoir part à l'auguste et sainte intelligence?... Il faut donc accorder que le mouvement et ce qui est mû existent. Car, si tout est immobile, il ne peut y avoir aucune connaissance d'aucune chose.» (Platon, Sophiste; trad. de M. Cousin, t. XI, p. 261-262.) (15) Plotin établit plus loin une différence entre la stabilité et le repos proprement dit. Voy. ci-après le livre m, § 27. (16) « Et pourtant, si nous reconnaissons que tout est livré à un perpétuel mouvement, nous retranchons du nombre des êtres, par le même raisonnement, cela même que nous venons d'établir... Penses-tu que sans stabilité il puisse y avoir rien qui soit le même dans ses modes, dans sa durée, dans ses rapports? Et vois-tu que sans cela quelque connaissance au monde puisse être ou paraître, etc. » (Platon, Sophiste; trad. de M. Cousin, t. XI, p. 262.) (17) « Ainsi l'être n'est pas le mouvement et le repos pris ensemble; c'est quelque chose qui est différent, etc. » (Platon, Sophiste; trad. de M. Cousin, t. XI, p. 266.) (18) Nous lisons ici avec Creuzer εἴπερ νοεῖ καὶ ἔστιν, mots qui se trouvent dans les meilleurs manuscrits et qui manquent dans la traduction de Ficin. (19) « De tous les genres dont nous avons parlé tout à l'heure, les plus grands sont l'être lui-même, le repos et le mouvement. Nous avons dit que les deux derniers ne peuvent pas être mêlés l'un avec l'autre. Mais l'être peut être mêlé avec tous les deux : car tous deux ils sont. Ainsi cela fait trois. Et chacun d'eux est autre que les deux autres et le même que soi. Mais qu'est-ce que nous venons de dire encore, l'autre et le même? Sont-ce deux genres différents de ces trois-là, et qui pourtant soient toujours nécessairement mêlés avec eux, et cela fait-il en tout cinq genres au lieu de trois? etc.» (Platon, Sophiste; trad. de M. Cousin, t. XI, p. 379-280.) (20) Toute la discussion qui suit est dirigée contre Aristote. (21) C'est la doctrine d'Aristote : « Si, d'un autre côté, l'être et l'unité sont la même chose, sont une seule et même nature, puisqu'ils s'accompagnent toujours l'un l'autre comme principe et comme cause, sans être cependant compris sous une même notion, peu importera que nous traitions simultanément de l'être et de l'essence : ce sera même un avantage. En effet, un homme, être homme et homme signifient la même chose; on ne change rien à l'expression : L'homme est, par ce redoublement : L'homme est homme, ou : L'homme est un homme. Il est évident que l'être ne se sépare de l'unité ni dans la production ni dans la destruction. De même, l'unité naît et périt avec l'être. On voit assez, par conséquent, que l'unité n'ajoute rien à l'être par son adjonction, enfin que l'unité n'est rien en dehors de l'être. De plus, la substance de chaque chose est une en soi, et non accidentellement : il en est de même de l'essence ; de sorte qu'autant ii y a d'espèces dans l'unité, autant il y a dans l'être d'espèces correspondantes. » (Métaphysique, liv. IV, § 2; trad. de MM. Pierron et Zévort, t. I, p. 105.) (22) Plotin a dit ci-dessus, à la fin du § 8, que le Mouvement, la Stabilité, l'Identité et la Différence ne sont pas des espèces de l'Être. Voy. aussi le commencement du § 7. (23) « Ce que vous appelez être, n'est-ce pas quelque chose? Et ce quelque chose, n'est-ce pas ce que vous appelez aussi un, donnant deux noms à une même chose? » (Platon, Sophiste; trad. de M. Cousin, t. XI, p. 246.) (24) Les textes imprimés portent les mots ἓν ἑκάτερον, qui ne donnent pas de sens. Creuzer a trouvé dans un des meilleurs ma¬nuscrits le mot ἕτερον ajouté entre ces deux mots. Nous avons suivi cette leçon, que Ficin parait avoir eue sous les yeux en faisant sa traduction : « Quod si unum ipsum esse alterum dicat, utrumque » certe naturam quamdam dicit. » (25) Nous lisons avec M. Kirchhoff ἓν ἀρχή au lieu de ἐν ἀρχῇ. (26) Voy. le passage d'Aristote cité ci-dessus p. 220, note 2. (27) Voy. ci-après le livre ix, § 1. (28) Voy. ci-après le livre iv. (29) Voy. le passage d'Aristote cité ci-dessus p. 220, note 2. (30) Creuzer donne ἀπ' αὐτοῦ, ce qui n'offre aucun sens. Nous lisons avec Kirchhoff ἐπ' αὐτοῦ. (31) Nous lisons avec Greuzer : καὶ ἓν αὐτῷ ὡς ἀρχὴ καὶ τέλος, que donnent tous les manuscrits, au lieu de : καὶ ἐν αὐτῷ, leçon suivie par Ficin dans sa traduction. Le sens est d'ailleurs le même. (32) Voy. Aristote, Métaphysique, liv. XIV, ch. 6. (33) Dans cette discussion, Plotin a pour but d'établir que la qualité, la quantité, et les autres catégories d'Aristote ne s'appliquent pas à l'être intelligible, mais seulement à l'être sensible. Sur ce dernier point, Voy. le livre suivant. (34) Voy. ci-après p. 240. (35) Voy. ci-dessus p. 155, note 3. (36) Voy. ci-après § 21, p. 239, et le livre vi. (37) Voy. ci-dessus p. 11, et ci-après p. 239-240. (38) Ficin traduit en ajoutant une négation au texte : « Non decet divisionem rerum non simplicium compositarumque efficere. » Nous avons suivi Ficin, parce que cette addition est conforme au sens général de ce passage, comme Creuzer le reconnaît dans ses notes. (39) On voit par le § 15 que, pour Plotin, ce qui complète l'essence, ce sont les quatre genres premiers qui viennent après celui de l'être, savoir le mouvement, la stabilité, l'identité, la différence. (40) Voy. Enn. II, liv. VI, § 2; t. II, p. 240. (41) Pour le développement de cette idée, Voy. ci-après, liv. vii, § 3-6. (42) Ficin, dans l'argument placé en tête du § 15, éclaircit la pensée de Plotin par une ingénieuse comparaison : « Sicut non est prius ignis, deinde lux ejus, et calor, et siccitas atque levitas ; sed quatuor haec, simul cum ignis essentia, sunt tanquam et proprietates et actus comites ejus existentis in actu; ita ad ipsum ens se habent motus ejus inlimus, atque status, et identitas pariter et alteritas. » (43) Cette expression est empruntée à Aristote, Éthique à Nicomaque, liv. I, ch. vi, § 2. (44) Voy. ci-dessus le livre i, § 14, p. 178. Tout ce paragraphe est évidemment dirigé contre Aristote, (45) Voy. Enn. III, liv. vii, § 11 ; t. II, p. 203. (46) Kirchhoff suppose ici une lacune sans aucune nécessité. Il faut évidemment sous-entendre l'argumentation faite à l'égard du temps quelques lignes plus haut. La concision de cette phrase s'explique d'ailleurs par ce fait que Plotin a déjà traité longuement ce sujet ci-dessus dans le livre i, p. 179-193. (47) Ficin ajoute dans sa traduction : Rursumque inde posterius. (48) Voy. Enn. I, liv. vi. (49) Voy. Enn. V, liv. vii. (50) Voy. le passage du Sophiste de Platon que nous avons cité ci-dessus p. 216, note 1. (51) Nous lisons avec Ficin ὕστέρα γένους, au lieu de γένος, que donnent les manuscrits, niais qui n'offre pas de sens satisfaisant, comme Creuzer le reconnaît dans ses notes. (52) Voy. ci-dessus le début du § 15, p. 231. (53) μήπω νοῦν εἶναι. Kirchhoff a retranché ici, et sans en donner le motif, l'adverbe μήπω, qui se trouve dans les éditions, et que Ficin a traduit: Nondum tamen intellectum. (54) Voy. la même comparaison plus développée dans l'Ennéade IV, liv. ix, § 5; t. III, p. 501. (55) Voy. la même idée plus développée dans l'Ennéade IV, liv. viii, § 3; t. II, p. 483.. (56) L'acte qui émane du genre est ici l'Ame qui procède de l'Intelligence et réalise les idées contenues dans l'Intelligence. Voy. ci-après § 22 (57) Voy. ci-dessus la note 2 de la page 236. (58) Voy. ci-dessus p. 229. (59) Voy. Enn. III, liv. II, § 16; t. Il, p. 60. (60) Voy. Enn. IV, liv. viii, § 8 ; t. II, p. 228. (61) Voy. Enn. III, liv. viii § 7; t. II, p. 223. (62) « Être ce qu'elle est et produire ce qu'elle produit sont dans la Nature une seule et même chose, etc. » (Ibid, § 2; t. II, p. 214.) (63) Voy. Enn. III, liv. ii, § 2; t. II, p. 23-24. (64)Voy. Enn. III, liv. viii, § 7; t. II, p. 223. (65) « En contemplant l'Intelligible, l'Intelligence lui devient semblable, et elle en est l'Intelligence parce quelle le pense. En le pensant, elle est d'une manière l'Intelligence, et d'une autre manière l'intelligible, parce qu'elle l'imite. » (Εnn. III, liv. ix, § 1 ; t. II, p. 210. (66) Il y a dans Platon l'Animal qui est. Ce passage a déjà été cité et commenté par Plotin, Enn. III, liv. ix, § 1; t. II, p. 238. (67) Pour le développement de cette théorie, Voy. Enn. II, liv. ix, § 1; t. II, p. 210. (68) Voy. Enn v, liv. iii, § 4; t. II, p. 38. (69) Si on lit avec M. Kirchhoff τοὺς πολλοὺς νοῦς, au lieu de τὰ πολλά, il faut traduire : la pluralité des intelligences. Ficin ajoute à la fin de la phrase atque vicissim, mots auxquels rien ne correspond dans le texte grec et dont on ne volt pas la nécessité. (70) Plotin paraît faire ici allusion au passage de Platon que nous citons ci-après p. 247, note 1. (71) Infini signifie ici indéfini, indéterminé. (72) Plotin paraît faire ici allusion à un passage du Philèbe de Platon, que M. Cousin traduit littéralement de la manière suivante (t. II, p. 308, note) : « L'infinité des individus et la multitude qui se trouve en eux est cause que tu es d'ordinaire dépourvu d'intelligence. (73) Cette puissance est la matière. Voy. Enn. 111, liv. iv, § 1 ; t. II, p. 89. (74) Cette phrase est expliquée par ce qui suit: «Quand l'Intelligence agit en elle-même, les actes qu'elle produit sont les autres intelligences. » (75) Pour l'explication de tout ce que Plotin dit ici sur l'Intelligence et l'Ame, Voy. Enn. IV, liv. viii, § 3-7; t. II p. 482-492. (76)Voy. Enn. IV, liv. viii, § 8; t. II, p. 492. (77) Voy. Enn. IV, liv. iv, § 29; t. II, p. 377. (78) Voici comment Ficin commente la fin de ce livre : « Prima Essentia ex se viva nominatur ipsum vivens ipsumque Animal; hujus actus in se reflexus appellatur Intellectus, qui in hac ipsa substantia sui viva tot ideas inspicit quot species fabricaturus est in mundo. — Sensus in se sentit tantum, in imaginatione vero persentit insuper se sentire. Similiter imaginatio imaginatur in se; in ratione imaginari se percipit. Ratio in se argumentatur; in intellectu animadvertit se argumentari. Intellectus noster in se intelligit, in divino intelligentiam suam animadvertit. Divinus Intellectus in sua essentia viva possidet et invenit omnia. Est autem vivens haec Essentia uniformis simul et omniformis; ideoque mundus hic inde talis intelligitur atque generatur. Sunt vero ibi formœ rerum usque ad species ultimas tantum multiplicatœ ; in Anima vero mundi inde nata, multiplicatœ magis ; maxime vero in Natura genitali, quœ hujus Animae postremum est. Omnes quidem ideas appellat hic intellectus, generalem vero animarum ideam nominat quum Intellectum, tum etiam Animam, quatenus sursum aspicit vel deorsum ; similiterque animam nostram triplici ratione dignam censet triplici cognomento. » |