Anatolius

PHILON D'ALEXANDRIE

 

 LÉGATION A CAÏUS  ou  DES VERTUS.   -   ΑΡΕΤΩΝ ΠΡΩΤΟΝ Ο ΕΣΤΙ ΤΗΣ ΑΥΤΟΥ ΠΡΕΣΒΕΙΑΣ ΠΡΟΣ ΓΑΙΟΝ.

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 


PHILON D'ALEXANDRIE

 

LÉGATION A CAÏUS  ou  DES VERTUS.   -   ΑΡΕΤΩΝ ΠΡΩΤΟΝ Ο ΕΣΤΙ ΤΗΣ ΑΥΤΟΥ ΠΡΕΣΒΕΙΑΣ ΠΡΟΣ ΓΑΙΟΝ.

 

 

 

 LÉGATION A CAÏUS  ou  DES VERTUS.  

[1] Jusqu’à quand nous autres vieillards serons-nous enfants? En vain l’âge a blanchi notre tête; le corps a vieilli, l’âme est restée naïve, abandonnée à l’inexpérience de la jeunesse; la fortune, qui est de toutes les choses la plus inconstante, nous paraît stable; la nature au contraire, qui est immuable, nous semble inconstante. Comme au jeu des osselets, nous renversons les objets et bouleversons la réalité en nous persuadant que ce qui vient de la fortune dure plus que ce qui vient de la nature, et que l’ordre de la nature est moins assuré que le cours de la fortune.

[2] La cause de cet aveuglement, c’est que nous jugeons seulement d’après le présent, que nous ne portons pas nos regards sur l’avenir, que nous nous arrêtons plus à un sens abusé qu’à la raison cachée des choses. Les yeux, en effet, perçoivent ce qui est en évidence ou à notre portée, tandis que la raison, montant plus haut, passe au travers des choses invisibles et découvre l’avenir. Mais cette vue de l’âme, plus perçante que celle du corps, nous l’offusquons ou par la chère ou par le vin, ou par l’ignorance, qui est le plus grand des maux.

[3] Notre époque cependant et les événements qui l’ont marquée nous font assez connaître que Dieu veille sur les affaires humaines,[1] et surtout sur la nation pieuse;[2] le roi suprême, l’auteur de tout bien et le père de l’univers la traite comme son propre héritage et la reconnait pour son peuple. [4] Cette nation, en chaldéen,[3] se nomme Israël, c’est-à-dire qui voit Dieu. Ce privilège me paraît au-dessus de n’importe quel avantage public ou privé.

[5] Si la présence des vieillards, des maîtres, des magistrats, de nos parents, nous porte au respect, à la modestie, à l’amour de la sagesse, quel mobile de vertu et d’honnêteté ne devons-nous pas nous attendre à trouver dans les âmes qui, dédaignant les créatures, ont appris à contempler Dieu, l’Etre incréé, le souverain bien, la beauté, la félicité suprêmes, et, s’il faut dire la vérité, Celui qui surpasse toute bonté, toute beauté, tout bonheur, toute félicité, enfin toutes les perfections que la parole peut exprimer?

[6] Le langage en effet ne peut s’élever jusqu’à Dieu: pour lui Dieu est inaccessible, insaisissable; il recule et fuit. Les mots nous manquent pour atteindre à Dieu, comme par des degrés, et arriver à l’expression, non pas de Celui qui est (car le ciel entier fût-il transformé en une parole immense n’aurait pas de termes convenables et adéquats), mais seulement pour atteindre à l’expression des Puissances qui l’entourent,[4] telles que la Puissance créatrice, la Puissance royale,[5] la Puissance providentielle, et enfin de toutes celles qui dispensent la récompense ou le châtiment, [7] il faut ranger en effet les Puissances vengeresses parmi les bienfaitrices, non seulement parce qu’elles font partie du Droit et de la Loi (car la loi est fondée sur une double sanction, l’honneur rendu aux bons, la peine infligée aux méchants), mais encore parce que le châtiment redresse et corrige les coupables, ou du moins ceux qui sont sur le point de le devenir. Il y en a beaucoup que la punition d’autrui rend meilleurs, par la crainte d’en subir une pareille.[6]

[8] Quel est l’homme qui, voyant Caïus, après la mort de Tibère César, en possession de l’empire de la terre et des mers, maître d’un pouvoir tranquille, bien organisé, tendant de toutes parts à la concorde, associant le Nord au Midi, l’Orient à l’Occident, les Grecs aux Barbares et les Barbares aux Grecs, unissant les soldats et les citoyens dans les liens d’une heureuse paix, [9] n’aurait été frappé d’admiration et de stupeur en songeant à cette immense fortune que lui mettait tout à coup aux mains l’héritage de Tibère: trésors remplis de richesses, d’or et d’argent, soit en lingots, soit en monnaies, soit en coupes, et autres objets fabriqués pour la montre? Ajoutez à cela les troupes de pied, la cavalerie, les forces de mer, des tributs affluant comme d’une source intarissable. [10] Son pouvoir s’étendait aux principales contrées de la partie du globe qu’on appelle habitable, depuis l’Euphrate jusqu’au Rhin, celui-ci qui borne la Germanie et d’autres peuples sauvages, celui-là qui sépare les Parthes des Sarmates et des Scythes aussi féroces que les Germains; il comprenait tous les pays situés en-deçà et au-delà de l’Océan, toute la terre de l’Orient à l’Occident.

Le peuple romain, l’Italie entière, les nations d’Europe et les nations d’Asie étaient dans l’allégresse. [11] Jamais sous aucun autre empereur on n’avait ressenti une joie si universelle; ce n’était pas la possession et l’usage des biens publics et privés qu’on espérait: on s’imaginait tenir, par la faveur du Ciel, la plénitude de toutes les prospérités. [12] Dans chaque ville on ne voyait que des autels, des victimes, des sacrifices, des hommes vêtus de blanc portant des couronnes sur la tête et montrant le bonheur peint sur leurs traits; on ne voyait que fêtes, réjouissances, concours de musique, jeux du cirque, banquets; ce n’étaient partout que concerts de flûtes et de cithares, amusements, chômages, plaisirs de toute sorte. [13] Riches et pauvres, grands et petits, créanciers et débiteurs, maîtres et esclaves, étaient confondus; cet événement semblait avoir effacé toutes les distinctions. Le règne de Saturne, chanté par les poètes, ne paraissait plus une fiction de la fable telles étaient la félicité et la prospérité publiques, telles étaient jour et nuit l’allégresse et la sécurité au sein des familles et des peuples.[7]

Tout d’abord ce bonheur dura sept mois sans interruption.

[14] Le huitième mois une grave maladie saisit Caïus, qui avait subitement changé en un genre de vie somptueux le régime frugal et, par conséquent plus sain, qu’il suivait du vivant de Tibère.[8] Il s’abandonna sans mesure au vin et à la gloutonnerie; il avait beau se gorger, ses appétits restaient inassouvis; il prenait des bains à contretemps; les vomissements qui survenaient étaient suivis de nouvelles orgies où le vin et la chère s’offraient de mutuels excitants; puis venaient les débauches où il se vautrait parmi les femmes et les jeunes garçons, enfin tous les excès nuisibles au corps et à l’âme et capables de briser leurs liens.[9] Le prix de la sobriété, c’est la santé et la force; le châtiment de l’intempérance, c’est l’infirmité et la maladie qui conduisent à la mort.

[15] La nouvelle de cette maladie se répandit bientôt: la mer était alors propice à la navigation, car l’automne commençait; c’était le dernier voyage des trafiquants qui des différents marchés reviennent dans leurs ports, surtout de ceux qui ne veulent point passer l’hiver en pays étranger. Aussitôt l’allégresse se changea en deuil; les maisons et les villes prirent un aspect de tristesse, la douleur égala la joie qui venait de s’évanouir. [16] Les provinces de la terre entière souffrirent du mal de Caïus et en souffrirent plus gravement que lui,[10] car, chez l’Empereur, c’était le corps seul qui était malade, chez les peuples c’était l’âme. Plus d’espérance ! C’en était fait, pensait-on, de la paix, de la liberté, de la prospérité publiques; l’image des calamités qui naissent de l’anarchie se présentait à tous, [17] la famine, la guerre, les champs ravagés, les villes saccagées, les pays dévastés, les biens mis au pillage, la terreur, la captivité, la mort. Il n’y avait qu’un remède à tous ces maux, c’était la guérison de Caïus.

[18] Aussitôt que la maladie commença à décroître, le bruit s’en répandit en peu de temps jusqu’aux frontières les plus reculées, car rien n’est plus rapide que la renommée: toutes les villes étaient, pour ainsi dire, debout, prêtant une oreille avide aux nouvelles rassurantes. Enfin, quand les courriers annoncèrent le complet rétablissement de l’Empereur, on revint à l’allégresse première; les habitants des continents et des îles s’imaginaient avoir recouvré la santé. [19] Jamais, de mémoire d’homme, chez aucun peuple, en aucun pays, la guérison d’un prince n’avait causé une joie pareille à celle qui éclata dans le monde entier lorsque Caïus revint à la santé. Il sembla qu’on échangeait les rigueurs d’une vie grossière et sauvage contre les douceurs de la vie civilisée, qu’on abandonnait les solitudes et les cavernes pour émigrer dans les murs des villes; [20]  on se réjouissait de passer d’une vie errante et vagabonde sous les lois d’un bon pasteur auquel il serait doux d’obéir. On ignorait la vérité. [21] L’esprit humain s’aveugle et ne discerne pas ce qui est réellement utile, car, au lieu d’user des lumières de la raison, il s’attache aux apparences et aux conjectures.

[22] Bientôt après, celui que toutes les espérances avaient accueilli comme un sauveur et un protecteur,[11] qui devait répandre sur l’Europe et sur l’Asie des torrents de félicité nouvelle, et leur prodiguer tous les biens publics et privés, se changea en un tyran cruel[12] ou plutôt montra ouvertement des penchants qu’il avait jusqu’alors couverts du voile de l’hypocrisie.[13]

[23] Son cousin, héritier comme lui de l’empire, le plus proche successeur de Tibère, puisqu’il était son petit-fils par le sang, tandis que Caïus ne l’était que par adoption, fut sa première victime.[14]

Il prétendit qu’il conspirait contre lui:[15] son âge ne permettait pas cette accusation, l’infortuné sortait à peine de l’enfance pour entrer dans l’adolescence. [24] Il y en a qui disent que si Tibère eût vécu quelque temps encore, il aurait écarté Caïus, qui lui était devenu suspect, et que son petit-fils légitime aurait été déclaré seul successeur de l’empire. [25] Mais la mort le surprit et l’enleva avant qu’il pût accomplir son dessein.[16]

Caïus, voulant exclure son parent de la participation au pouvoir, participation à laquelle il avait droit, et prévenir les accusations, imagina cette ruse. [26] Il réunit les grands: « Je voudrais, leur dit-il, suivant la dernière volonté de Tibère, associer à l’empire celui dont la nature m’a fait le cousin et dont l’amitié m’a fait le frère; mais vous voyez qu’il est encore bien jeune, il lui faut des gouverneurs, des précepteurs, des maîtres. [27] Rien ne peut m’arriver de plus heureux que d’être soulagé de l’énorme fardeau de l’empire, trop pesant pour les épaules et la tête d’un seul. Eh bien, ajouta-t-il, je déclare que je prétends être désormais pour cet enfant plus qu’un précepteur, plus qu’un gouverneur, plus qu’un maître; je veux qu’on m’appelle son père et qu’on le nomme mon fils.[17] » [28] Quand il eut trompé par ces paroles le sénat et le jeune prince (car cette adoption, loin de l’appeler au pouvoir, l’en éloignait), se trouvant à couvert, et libre désormais de tout obstacle; il se mit à dresser des embûches à son collègue, à son cohéritier. La loi romaine met le fils sous la toute puissance du père; d’ailleurs la dignité impériale confère tous les droits et donne un pouvoir absolu que personne n’ose et ne peut contrôler.

[29] Caïus traita cet enfant comme un adversaire que l’on terrasse dans une lutte, sans égard pour le souvenir d’une éducation commune, sans pitié pour sa tendre jeunesse, sans respect pour les droits qu’il avait comme lui à l’héritage de Tibère, dont il était le plus proche descendant et auquel on avait espéré le voir seul succéder; en effet, le petit-fils, après la mort du père, est toujours réputé fils par son aïeul.[18]

[30] Caïus exigea, dit-on, que l’enfant se tuât de ses propres mains, en présence des centurions et des tribuns, auxquels on avait défendu de faciliter ce crime; car il eût été sacrilège qu’une main étrangère se portât sur un fils des Césars. Ainsi il attestait le droit en consommant l’iniquité, il attestait le respect des choses saintes en commettant cet attentat, il bafouait la vérité !

Le pauvre enfant, ne sachant ce qu’on voulait de lui, car il n’avait jamais vu de meurtre ni manié d’armes, et ne s’amusait pas comme les jeunes princes, en temps de paix, à des simulacres de combats, tendit le cou à ceux qui venaient vers lui. [31] Voyant qu’on le repoussait, il prit un poignard, et, dans son innocence, demanda quel endroit il fallait frapper pour faire une blessure mortelle et terminer des jours infortunés, il obtint qu’on lui rendît ce triste service: le suicide, auquel on le força, fut la première et la dernière leçon qu’il reçut de ses maîtres ![19]

[32] Lorsque Caïus eut terminé cette première et redoutable lutte, quand il ne resta plus personne de la famille impériale autour duquel pussent se rallier ses ennemis et ceux qu’il tenait en défiance, il entama une seconde lutte contre Macron, qui lui avait non seulement rendu des services après son élévation (car c’est le propre d’un flatteur de ne servir que les heureux), mais aussi avant qu’il fût parvenu à l’empire.

[33] Tibère était doué d’une pénétration profonde, et l’homme, de tous ceux qui l’entouraient, le plus habile à percer les secrètes pensées:[20] sa finesse n’avait d’égale que sa puissance. Souvent il soupçonna Caïus d’être hostile à toute la famille Claudia et favorable exclusivement à sa famille maternelle; [34] il craignait que son petit-fils, qu’il laissait en bas âge, ne lui survécût pas longtemps; d’ailleurs il jugeait incapable de gouverner un si grand empire, un homme de mœurs sauvages, insociable et d’un caractère inconstant. Ses manières s’écartaient parfois des convenances et trahissaient un germe de folie;[21] son langage et sa conduite semblaient se contredire.

[35] Macron employait tous ses efforts à pallier tout cela; il combattait les soupçons de Tibère, les inquiétudes que lui inspirait son petit-fils adoptif et qui le tenaient sans cesse en émoi. [36] « Caïus, disait-il, serait bienveillant et docile; il était entièrement dévoué à son cousin au point de lui abandonner volontiers tout l’empire; mais il était retenu par la crainte de paraître chercher la popularité; c’était pourquoi, malgré la suite et la sincérité de sa conduite, on l’accusait de mobilité et d’incohérence. » [37] Quand Macron sentait qu’on ne se laissait pas prendre à la vraisemblance de ses raisons, il mettait en avant sa garantie personnelle: « Je réponds de lui, je promets qu’il sera tel que je le montre: j’ai précédemment donné assez de preuves de mon dévouement aux Césars et en particulier à Tibère, lors de la conspiration de Séjan, que j’ai découverte et étouffée.[22] » [38] Ainsi Macron faisait l’éloge de Caïus, si toutefois c’était faire son éloge que le défendre contre des motifs vagues de soupçon et des accusations secrètes. Tout le zèle qu’on peut employer pour un frère ou un fils, et même davantage peut-être, il le mettait en œuvre pour Caïus auprès de Tibère.

[39] Il faut, selon l’opinion générale, attribuer ce dévouement d’abord aux égards de Caïus pour Macron, dont l’influence fut à ce moment prépondérante et même souveraine dans le gouvernement, et aussi à la femme de Macron, pour un motif que le silence doit couvrir. Chaque jour elle excitait son mari à ne perdre aucune occasion de servir le jeune prince. Rien n’est habile à conduire et maîtriser la volonté d’un homme comme la femme, et surtout la femme impudique, qui se rend d’autant plus séduisante qu’elle se sent coupable.

[40] Macron ignorait[23] la honte de sa femme et le déshonneur de sa maison; il croyait inspirées par l’affection les caresses qu’il recevait; ces manœuvres le séduisirent et le trompèrent; il se dévoua à des ennemis acharnés qu’il prenait pour ses meilleurs amis.

[41] Enhardi par la conscience qu’il avait d’avoir mille fois sauvé la vie à l’Empereur, il l’avertissait librement, sans feinte, comme tout bon ouvrier qui met sa gloire dans la durée de son œuvre, et craint de la laisser périr d’elle-même ou détruire par autrui.

[42] Voyait-il Caïus dormir à table, il l’éveillait, dans la pensée que ce n’était ni honnête ni sûr: s’abandonner dans cette situation au sommeil, c’est se livrer aux embûches. Quand il le voyait se passionner à la vue des danseurs, au point de se mettre à danser; quand, au lieu de sourire décemment aux bouffonneries des mimes, il les accueillait par des éclats puérils; quand il se laissait entrainer à la mélodie des joueurs de flûte et des chœurs au point de les accompagner de son chant, Macron le poussait du coude (car il se tenait toujours à ses côtés) et s’efforçait de le contenir.[24]

[43] Souvent, se penchant vers lui, il lui parlait doucement à l’oreille, de façon à n’être entendu de personne: « Il ne faut, disait-il, ni écouter, ni regarder, ni rien faire comme les assistants et le commun des hommes; ta manière de vivre doit les surpasser autant que ta dignité et ta fortune t’élèvent au-dessus d’eux. [44] Et il n’est pas séant que le souverain de la terre et des mers soit mis hors de lui par des chants, des danses, des bouffonneries et autres futilités de ce genre. Il doit partout et toujours se souvenir qu’il porte la majesté du commandement; il ressemble à un pasteur chargé d’un troupeau: toutes ses paroles, toutes ses actions, doivent avoir un but utile. [45] Chaque fois, ajoutait Macron, que tu assisteras à des représentations scéniques, à des luttes d’athlètes, à des courses de chevaux, oublie le plaisir, songe à l’art, fais-toi ces réflexions: [46] Voilà des choses qui ne servent en rien à la vie, qui ne tendent qu’à l’agrément et à l’amusement des spectateurs; il y a pourtant des gens qui s’y appliquent afin d’obtenir les éloges et l’admiration de la foule, afin de se voir décerner, au son des trompettes, des prix, des honneurs, des couronnes. [47] Que ne doit donc pas faire celui qui pratique un art beaucoup plus élevé, le plus grand de tous, l’art de régner? C’est par lui que le sol fertile et profond est cultivé dans les plaines et sur les montagnes, c’est par lui que la mer entière est sillonnée avec sécurité de grands vaisseaux par lesquels s’échangent les productions des diverses contrées, car chacune reçoit ce qui lui manque et donne en retour ce dont elle a abondance. [48] La haine, grâce à lui, ne saurait envahir le monde entier ou même ses plus grandes parties, l’Asie et l’Europe; pareille aux serpents venimeux, elle se tient tapie dans son trou; son action, resserrée dans d’étroites limites, s’exerce sur un homme, sur une maison, et, dans ses plus grandes fureurs, peut au plus s’étendre à une ville; elle ne désole jamais de grandes contrées, de grands peuples, surtout depuis que ton auguste famille a établi son pouvoir en tous lieux. [49] Les maux qui s’étaient établis et allaient s’aggravant au sein des Etats, ont été relégués aux abîmes du Tartare les plus éloignés; les biens, qui étaient bannis, ont été ramenés des extrémités du monde dans nos pays. Telle est la situation qu’on t’a laissée à maintenir.

[50] La nature t’a placé au sommet de la poupe et t’a donné le gouvernail; conduis, de manière à la préserver du péril, le vaisseau du genre humain; mets ton premier plaisir à faire du bien à tes sujets. [51] Les tributs que dans les villes on retire des particuliers sont de différente sorte; ce que, en retour, les sujets attendent d’un prince, ce qui lui est propre, ce sont de sages desseins, bien exécutés; on aime à le voir prodiguer généreusement ses richesses? réservant seulement ce que la prévoyance lui ordonne de ménager, pour parer aux coups incertains du sort.[25] »

[52] C’est en lui répétant ses avis que l’infortuné tâchait de rendre Caïus meilleur, mais la pétulance de celui-ci et sa méchanceté l’entraînaient sur une pente opposée; il repoussait brutalement ce sage conseiller. Quand il le voyait venir de loin, il disait à ceux qui l’entouraient:

[53] «Voici le maître qui n’a plus besoin de leçons, le pédagogue de celui qui n’est plus un enfant, le conseiller d’un homme plus avisé que lui. Il prétend soumettre à l’un de ses sujets un empereur versé dans l’art du gouvernement. Il se proclame maître dans cet art; je ne sais qui l’a initié à ses secrets. [54] Mais moi, n’ai-je pas eu pour éducateur depuis mon berceau, cette illustre lignée de pères, de frères, d’oncles, de cousins, d’aïeux, d’ancêtres, aussi bien du côté de ma famille paternelle que du côté de ma famille maternelle, qui ont eu le maniement de l’empire. Je ne parle pas des vertus royales[26] qui doivent, dans le principe, exister dans les races de princes; [55] mais puisque les descendants rappellent leurs ancêtres par les formes du corps comme par le caractère, l’aspect, le geste, les desseins, les actes, n’est-il pas vraisemblable qu’il y ait dans la semence elle-même les propriétés qui forment le prince? Et un ignorant me viendra, à moi qui dans le sein de ma mère et par les mains de la nature fus fait empereur avant de voir le jour, enseigner l’art du commandement, que certes, je connais mieux que lui[27]! [56] N’est-ce pas une honte que celui qui n’était tout à l’heure qu’un simple particulier veuille se mêler aux pensées d’une âme royale? Il y en a cependant d’assez impudents et audacieux pour profaner ces mystères et enseigner l’art sublime du gouvernement, dont ils possèdent à peine les premières notions ! »

[57] De la sorte il cherchait à s’éloigner peu à peu de Macron, inventant contre lui des prétextes d’accusation mensongers, mais toutefois vraisemblables, car il y a des gens habiles à forger des mensonges qui paraissent l’expression de la vérité. [58] Macron fut accusé de tenir ces propos: « Caïus est mon ouvrage; il m’appartient sinon plus, au moins tout autant qu’à son père; trois fois mes instances l’ont arraché aux soupçons de Tibère qui voulait le faire périr. Après la mort de Tibère, je lui ai livré les prétoriens que j’avais sous mes ordres, en faisant entendre qu’on n’avait besoin que d’un prince, que c’était le moyen d’assurer l’intégrité et la paix de l’Empire. »

[59] Il y en eut qui crurent ces fausses accusations: on ne connaissait pas encore la fourberie de celui qui les portait; son caractère faux et mobile ne s’était point révélé. Peu de jours après le malheureux périssait avec sa femme, expiant ainsi cruellement l’excès de son zèle. [60] C’est la récompense que les ingrats accordent aux services qu’on leur rend: ils les font tourner à la ruine de leurs bienfaiteurs. C’est ainsi que Macron, qui avait certainement tout fait, qui n’avait épargné ni les soins les plus persévérants, ni l’amitié la plus dévouée, d’abord pour sauver Caïus, ensuite pour lui assurer le pouvoir sans partage, fut payé de ses services. [61] On rapporte que l’infortuné fut contraint de se tuer de ses propres mains et que sa femme eut le même sort,[28] malgré les relations qu’elle entretenait, dit-on avec César. Il n’y a dans l’amour aucun motif d’affection solide, la passion satisfaite amène le dégoût[29] et le besoin de changement.

[62] Lorsque Macron eût été immolé avec toute sa maison, Caïus entama une troisième lutte, où il déploya plus de ruse encore. Il avait eu pour beau-père Marcus Silanus,[30] homme d’un grand cœur et d’une illustre race. Bien que celui-ci eût perdu sa fille,[31] enlevée par une mort prématurée, il ne cessa d’entourer son gendre d’une affection de père; il espérait en recevoir des égards pour l’avoir traité, non en gendre mais en fils. [63] Vain espoir ! Trompeuse attente ! Il l’entretenait sans cesse de quoi il pouvait l’améliorer, corriger son caractère, régler sa vie, lui apprendre à gouverner. Il ne manquait pas d’occasions sérieuses qui l’autorisaient à cette liberté; n’avait-il pas d’ailleurs son haut rang et des liens de famille? Sa fille n’était pas morte depuis assez longtemps pour que les droits de parenté fussent éteints: à peine avait-elle rendu le dernier soupir, son corps devait conserver des restes de vie, quelques-uns des tressaillements suprêmes.

[64] Les conseils de Silanus parurent à Caïus un outrage: il se trouvait plus magnanime, plus sage, plus courageux, plus juste que personne; il haïssait moins ses ennemis déclarés que ceux qui essayaient de le diriger. [65] Il sentit que Silanus serait aussi un obstacle à la violence de ses passions: il le chargea de saluer les mânes de la défunte,[32] il fit tuer le père de sa femme, son beau-père.

[66] Ce criminel coup d’audace fut publié avec le meurtre des autres principaux personnages de l’Empire; le bruit de ces forfaits était dans toutes les bouches: [67] il se colporta d’abord timidement, à voix basse, puis on changea d’attitude avec la mobilité que le vulgaire porte en toute chose, dans ses opinions, dans son langage, dans ses actions. On ne pouvait croire que Caïus qui avait, peu auparavant, la réputation d’un prince affable, humain, juste et doux, eût sitôt changé. On lui trouva des excuses; on force d’en chercher, on lui en trouva.

[68] Pour ce qui regardait son cousin et cohéritier, on disait que, selon le droit immuable de la nature, le pouvoir n’admettait point de partage. La mort du jeune Tibère avait prévenu l’assassinat de Caïus, qu’il aurait commis s’il eût été le plus fort. C’était moins un meurtre qu’un dessein de la Providence qui avait supprimé ce jeune prince pour le bien du genre humain tout entier; sans cela des partis se seraient formés autour des deux rivaux et auraient provoqué des guerres intestines et intérieures. La paix n’était-elle pas le plus grand des biens? Or elle résultait d’un bon gouvernement, et il n’y avait de bon gouvernement que celui qui, supprimant les contestations et les querelles des princes, maintenait tout dans l’ordre.

[69] On disait de Macron que l’excès de son orgueil l’avait perdu, qu’il avait méconnu le précepte de l’oracle de Delphes: Connais-toi. La connaissance de soi-même, ajoutait-on, procure le bonheur, comme au contraire l’ignorance de soi-même cause l’infortune. Dans quel but voulait-il changer les rôles, se substituer, lui sujet, au prince et mettre Caïus, l’Empereur, dans la situation d’un sujet? Il n’appartenait qu’au prince de commander et Macron s’arrogeait ce privilège; c’était au sujet d’obéir, et il voulait soumettre Caïus à ses volontés.

[70] Insensés ! qui appelaient commandement une simple remontrance, qui confondaient le conseiller avec le souverain; gens aveugles, flatteurs détestables accoutumés à tout défigurer, même à changer le nom des choses.[33]

[71] On se moquait de Silanus: il avait été ridicule de s’imaginer que l’autorité d’un beau-père sur son gendre égalait celle d’un père sur son propre fils. Cependant, chez les simples particuliers, quand un père voit son fils arriver aux grandes charges et à la puissance, il abandonne son autorité sur lui et consent volontiers à se mettre après lui. C’était à Silanus, qui n’était plus même le beau-père de l’Empereur, trop de naïveté que de prendre souci de choses qui ne le regardaient pas. Ne comprenait-il point que les liens de parenté étaient rompus par la mort de sa fille? [72] Entre deux familles, étrangères jusque-là l’une à l’autre, le lien établi par le mariage se brise en même temps que l’union, surtout lorsque, par un malheur irrémédiable, la femme qui a passé dans une autre famille vient à mourir.

[73] Tel était le sens de tous les entretiens; car chacun repoussait l’idée que l’Empereur pût être aussi cruel; on pensait que la bonté d’âme, l’humanité, étaient plus grandes chez Caïus que chez aucun de ses prédécesseurs; on ne pouvait s’imaginer qu’en si peu de temps il fût survenu en lui un tel changement.

[74] Quand il eut terminé contre les trois ordres de l’Etat les luttes que nous venons de raconter, après avoir remporté deux victoires sur l’ordre des chevaliers et celui du sénat, qui étaient les premiers de l’empire, et une troisième sur un membre de sa famille, il pensa, qu’ayant abattu les plus nobles têtes, il serait désormais redoutable à tous, aux sénateurs, [75] parmi lesquels Silanus jouissait d’une haute considération, aux chevaliers, parmi lesquels Macron avait acquis une dignité et des honneurs qui le plaçaient au premier rang, enfin à toute sa famille, par le meurtre de son cousin et cohéritier.

Alors il ne se contint plus dans les bornes de la nature et aspira à se faire passer pour un dieu. [76] Voici, dit-on, le raisonnement dont il usa au commencement de cette folle entreprise: « Si les bergers d’un troupeau, si les chevriers et les bouviers ne sont point des brebis, des bœufs, mais des hommes d’une nature et d’une condition supérieures, il faut penser de même que moi, pasteur du premier des troupeaux, c’est-à-dire du genre humain, je ne ressemble pas au reste des mortels, mais que je suis d’une condition supérieure et plus divine.[34] »

[77] L’insensé se pénétra de cette idée et finit par prendre pour des réalités les fictions des poètes. Il s’enhardit au point d’oser produire en public cette impie divinisation de sa personne; il s’appliqua à faire tout ce qui en était la conséquence logique, et à monter peu à peu, comme par degrés, de plus en plus haut. [78] D’abord il affecta de se rendre semblable à ceux qu’on nomme demi-dieux, Bacchus, Hercule, les Dioscures,[35] Trophonius, Amphiarans, Amphiloque et les autres. Il se moqua de leurs oracles et de leurs fêtes, qu’il comparait à l’éclat de sa propre puissance. [79] Puis, comme les acteurs sur la scène, il revêtit successivement les attributs de ces divinités. Tantôt c’était la massue et la peau du lion, mais toutes deux en or, qu’il prenait pour se déguiser en Hercule; tantôt, pour représenter les Dioscures, il se coiffait du bonnet phrygien; tantôt il figurait Bacchus avec une couronne de lierre, un thyrse et la dépouille d’un faon.

[80] Il s’arrogeait cependant une prérogative; car chacune de ces divinités se contente des honneurs qui lui sont propres et n’empiète pas sur ceux des autres: Caïus voulait accumuler sur sa personne les attributs de tous les demi-dieux, afin de surpasser ceux qu’il jalousait. Il ne prétendait point, à l’instar de Géryon, le monstre au triple corps,[36] surprendre par sa masse les spectateurs; mais par un raffinement plus incroyable, il faisait successivement subir à un seul et même corps différentes métamorphoses, comme jadis l’Égyptien Protée, qu’Homère nous montre prenant tous les aspects des forces de la nature, tour à tour flamme rapide, bête effrayante, fleuve transparent.[37]

[81] Mais Caïus, qu’avais-tu besoin de prendre les attributs de ces idoles? Il fallait imiter leurs vertus, Hercule purgeait la terre et les mers; il engageait des luttes utiles et nécessaires au genre humain, pour détruire les monstres nuisibles de l’un et l’autre élément. [82] Bacchus cultiva la vigne et en exprima cette suave liqueur qui est bienfaisante à l’âme et au corps; à l’âme, elle inspire la sérénité, l’oubli des souffrances, l’espoir du bonheur; elle rend le corps plus sain, plus agile et plus fort. [83] Et ce n’est pas seulement aux individus, mais aux familles, aux cités, que le vin procure ces bienfaits; aux labeurs de la vie il fait succéder de douces jouissances; comme d’une source inépuisable il verse indistinctement aux Grecs et aux Barbares la gaieté et l’allégresse des jours de fête. Voilà ce que nous devons au vin. [84] Quant aux fils jumeaux de Jupiter, on rapporte qu’ils partagèrent ensemble l’immortalité: l’un des deux, qui seul était immortel, ne trouva pas raisonnable de s’aimer lui-même au point d’oublier son frère et de ne pas lui témoigner l’affection qu’il lui devait; [85] il réfléchit qu’il ne mourrait jamais, que son frère mourrait pour toujours, que cette immortalité ne ferait qu’éterniser sa douleur; par un merveilleux échange, il obtint pour lui-même de participer à la condition mortelle, et pour son frère de participer à la condition immortelle; il corrigea ainsi l’inégalité, qui est le principe de l’injustice, par l’égalité, qui est la source de toute justice.[38]

[86] C’est par leurs bienfaits que tous ces demi-dieux, ô Caïus ! ont excité et excitent encore l’admiration; c’est pour cela qu’on les vénère et qu’on leur rend même des honneurs divins. Mais toi, qu’as-tu fait pour nous de semblable, dont tu puisses t’enorgueillir et te vanter? As-tu, pour commencer par là, imité l’affection fraternelle des fils de Jupiter? Ton frère, ton cohéritier, un enfant à la fleur de l’âge, ne l’as-tu pas cruellement égorgé, cœur de fer, âme sans pitié? N’as-tu pas, peu après, dans la crainte qu’elles ne t’arrachassent l’empire, envoyé tes sœurs en exil[39]?

[88] As-tu imité Bacchus? Tu as sans doute imaginé de nouveaux bienfaits et, comme lui, rempli d’allégresse le monde entier ! sans doute l’Europe et l’Asie ne suffisent plus à contenir tes faveurs! [89] Oui assurément, tu t’es signalé par de nouvelles inventions, mais en fléau public, en scélérat. N’as-tu pas changé la joie en douleur et le plaisir en deuil? De toutes parts tu as rendu à tous la vie amère; tu t’es approprié les richesses et les biens d’autrui, poussé par une insatiable convoitise qui ravage la terre de l’orient à l’occident, du nord au midi.[40] En retour de leurs biens engloutis, tu envoies aux provinces désolées les abominables semences de ton âme malfaisante, qui sont la ruine du genre humain. C’est ainsi que tu nous apparais comme un autre Bacchus.

[90] As-tu, par des travaux sans trêve et des hauts faits éclatants, imité Hercule? As-tu rempli le continent et les îles de bonnes lois, de jugements équitables, d’abondance, enfin de tous les bienfaits d’une paix heureuse, toi le plus lâche et le plus tremblant des hommes, toi qui as ravi à toutes les régions de l’Empire la tranquillité et la prospérité, qui les as remplies de troubles et de séditions et, par conséquent, rendues misérables? [91] Dis, Caïus, est-ce pour nous avoir affligés de tous ces désastres que tu prétends à l’immortalité? C’est sans doute afin de ne pas borner à quelques jours les calamités dont tu nous accables, mais de les prolonger sans fin. Moi, je pense au contraire, eusses-tu été pris pour un dieu, que ta perversité te réduirait à la condition mortelle; [92] car, si la vertu immortalise, le vice rend périssable. Ne te mets donc pas au rang des fils de Jupiter, illustrés par l’amour fraternel, toi l’assassin et le bourreau de ton frère et de tes sœurs; n’ambitionne pas les honneurs d’Hercule et de Bacchus, qui ont adouci la vie humaine, toi dont les scélératesses ont empoisonné leurs bienfaits.

[93] Mais telles étaient sa démence et sa frénésie, que, s’élevant au-dessus des demi-dieux, il aspira aux honneurs des grands dieux, de Mercure, d’Apollon et de Mars. [94] D’abord il prit le caducée, les talonnières et la chlamyde de Mercure, montrant de l’ordre dans ce bouleversement, de la suite dans ce désordre, de la logique dans cette folie. [95] Puis bientôt, cédant à une autre fantaisie, il laissait ces insignes et se transformait en Apollon; il se ceignait la tête d’une couronne rayonnante, ayant dans sa main gauche l’arc et les flèches, et de sa main droite présentant les Grâces. Il voulait ainsi faire entendre qu’il fallait tenir toujours prêts à les répandre les bienfaits, en leur donnant la première place, qui est à la droite, qu’il fallait écarter les peines ou du moins leur assigner une place inférieure, à la gauche. [96] Derrière lui venaient des chœurs qui chantaient le Péan en l’honneur de celui qu’on avait peu auparavant célébré sous les noms de Bacchus, d’Evius et de Lyaeus,[41] quand il avait revêtu les attributs de ce dieu.

Souvent aussi il paraissait avec une cuirasse, un casque, un bouclier, l’épée à la main, et se faisait appeler Mars. [97] A ses côtés marchait un cortège de Saliens d’un nouveau genre, troupe d’assassins dressés à remplir auprès de lui le rôle de bourreaux, et à assouvir sa soif de sang humain.

[98] Cette conduite étrange remplissait d’étonnement ceux qui en étaient témoins; on se demandait pourquoi, faisant le contraire de ceux aux honneurs desquels il prétendait, il dédaignait d’imiter leurs vertus et n’usurpait que leurs attributs. Et pourtant les insignes et les attributs, dont on entoure les images et les statues, ne sont que des symboles qui rappellent les services rendus au genre humain par ceux qu’on vénère.

[99] Pourquoi a-t-on mis des ailes aux talons de Mercure, sinon pour le rendre agile? Cette agilité convient au messager, à l’interprète des dieux, comme l’indique son nom d’Hermès,[42] dont l’office est d’annoncer de bonnes nouvelles. Si l’homme sage ne peut être un messager de mal, à plus forte raison Dieu. C’est pourquoi il convient que Mercure soit agile et vole en quelque sorte pour hâter ses messages; si la vitesse est naturelle quand il, s’agit de porter d’heureuses nouvelles, la lenteur est ordinaire quand il s’agit d’en porter de fâcheuses. [100] On lui donne aussi le caducée, comme symbole de son rôle de pacificateur. En effet, les guerres se suspendent ou se terminent par l’entremise des hérauts,[43] qui rétablissent la paix. Sans leurs bons offices on ne verrait point de terme aux luttes que provoque l’attaque et que nécessite la défense.

[101] Mais quel besoin Caïus avait-il de talonnières? Était-ce afin que ses scélératesses, qu’un silence éternel aurait dû couvrir, fussent rapidement publiées de toutes parts? Qu’avait-il besoin de célérité? Il pouvait, restant toujours dans le même lieu et y produisant forfaits sur forfaits, inonder, comme une source intarissable, les diverses contrées du monde habité. [102] Pourquoi ce caducée, à lui dont pas une parole, pas un acte n’ont servi la paix? Au contraire il n’y a pas de famille, pas de cité, chez les Grecs et les Barbares, qu’il n’ait remplies de troubles et de guerres civiles. Qu’il laisse donc les attributs de Mercure et n’usurpe pas un nom auquel il n’a pas le moindre droit.

[103] Quel rapport y a-t-il entre lui et Apollon? Il porte une couronne où l’artiste a merveilleusement imité les rayons du soleil, comme si c’était le soleil, la lumière, et non la nuit et les plus noires ténèbres, qui lui fussent nécessaires pour accomplir ses forfaits ! Les bonnes actions veulent être faites en plein jour, afin d’être vues de chacun; quant aux actions honteuses, on convient qu’il les faut reléguer au fond du Tartare, digne réceptacle de tout ce qui doit demeurer caché.

[104] Qu’il remette chaque chose à sa place et change de main les attributs du dieu; qu’il prenne dans sa droite l’arc et les flèches: n’est-il pas habitué à exterminer par des coups trop assurés les hommes, les femmes, des familles entières et des cités populeuses? Qu’il retienne dans sa gauche les Grâces, ou plutôt qu’il les abandonne: [105] n’a-t-il pas à la face du monde, souillé leur beauté par sa soif insatiable de richesses? N’a-t-il pas égorgé, non content de les dépouiller, les possesseurs de ces richesses, infortunés ! dont l’opulence a causé la ruine?

[106] Quant aux bienfaits de l’art médical d’Apollon, ils n’ont rien que d’opposé aux méchancetés de Caïus. Apollon inventa des remèdes salutaires qui rendent la santé aux hommes; telles étaient sa douceur et sa bonté qu’il voulut guérir les maladies envoyées par les autres dieux.[44] [107] Mais Caïus a porté la maladie chez ceux qui jouissaient de la santé, il a mutilé ceux qui avaient tous leurs membres, il a infligé aux vivants une mort violente avant le terme fixé par la nature; il amassait des poisons,[45] avec lesquels, s’il n’eût été prévenu et enlevé par la justice divine, il aurait détruit ce qu’il y avait de plus illustre dans chaque ville. [108] Il faisait ces préparatifs contre les gens en charge et les personnages les plus riches, principalement contre ceux de Rome et du reste de l’Italie, possesseurs de telles quantités d’or et d’argent, qu’on ne pourrait les égaler en rassemblant ce qu’en contient tout le inonde habité, depuis les limites les plus reculées.

Ainsi ce fut dans sa patrie, la dernière contrée à laquelle il eût dû toucher,[46] qu’il commença à étouffer les germes de la paix et à se montrer ennemi des villes, bourreau, peste et fléau des peuples.

[109] Une autre gloire d’Apollon, c’est de joindre à la science médicale le don de prophétie, d’annoncer aux hommes, pour leur utilité, l’avenir par ses oracles. De la sorte les ténèbres de l’incertitude sont dissipées dans l’âme, on ne peut craindre de trébucher dans sa marche comme un aveugle et, en cherchant la bonne voie, de prendre par ignorance la mauvaise. Celui qui connaît l’avenir a les veux attachés sur lui comme s’il était présent; cette prescience le protège, de même que le ministère des yeux préserve le corps de tout accident.[47] [110] Faut-il mettre en regard de ces prédictions les infâmes oracles de Caïus annonçant aux princes et aux grands de tous les pays les confiscations, l’exil, la mort? Qu’a-t-il donc de commun avec Apollon? Il n’a jamais rien fait qui l’en rapproche. Qu’on fasse taire ce faux péan composé à l’imitation du vrai. On n’a pas plus le droit de contrefaire l’image de la Divinité que de fausser la monnaie.

[111] Mais qui se fût attendu à le voir, avec un tel corps, avec une telle âme, tous deux également lâches et sans vigueur, affecter la puissance et le courage de Mars? Cependant, comme il arrive sur la scène d’un acteur qui change de rôle, il abusa par un nouveau déguisement les yeux des spectateurs. [112] Ne nous arrêtons pas à l’examen du corps et de l’âme qui offraient chez Caïus tout l’opposé de ce qu’on rapporte des mouvements et de l’attitude de ce Génie. Je ne parle pas du Mars de la fable, mais de celui qui a été doué de la force naturelle et est devenu le protecteur et le sauveur des opprimés, ainsi que son nom grec Arès le montre; [113] ce nom me semble venir en effet du verbe arêguein, dont le sens est secourir, parce qu’il empêche la guerre et fait la paix; au contraire celui des poètes trouble le calme et hait la paix autant que le vrai Mars hait la guerre.

[114] Nous savons maintenant[48] que Caïus ne peut être assimilé à aucun des dieux ou même des demi-dieux, ni pour le caractère, ni pour la nature, ni pour la conduite. Il faut croire qu’il obéit en cette circonstance à une aveugle ambition, à un orgueil insensé. Malheureusement il avait, pour se satisfaire, un pouvoir sans limites dont nous autres, misérables, fûmes les premiers à sentir les coups. [115] Il soupçonnait que les Juifs seraient les seuls qui ne se prêteraient point à ses projets: dès le berceau leurs parents, leurs précepteurs, leurs maîtres, et par-dessus tout leurs saintes lois et même les usages qui ne sont pas écrits, tout leur enseigne à croire en un seul Dieu, père et créateur du monde.

[116] Le reste du genre humain, hommes, femmes, villes, nations, et, pour ainsi dire, toutes les contrées de la terre, bien qu’en gémissant de ce qui se passait, acclamèrent cette démence et, par des honneurs excessifs, gonflèrent encore son orgueil. Quelques-uns aussi, ayant introduit en Italie l’usage barbare de l’adoration,[49] corrompaient la noble fierté romaine. [117] Le peuple juif seul lui était suspect, à cause de la résistance qu’il allait lui opposer. Nous acceptons la mort avec joie, comme si nous recevions l’immortalité, plutôt que de laisser toucher à aucun des usages de nos ancêtres, persuadés qu’il en arriverait comme de ces édifices auxquels on arrache une pierre, et qui, tout en paraissant rester fermes, s’affaissent peu à peu et tombent en ruines.

[118] Il ne s’agissait pas d’ailleurs d’une chose sans portée, mais de la plus grave de toutes: faire d’un homme, d’un être engendré et périssable l’image de l’être incréé, éternel ! Les Juifs jugeaient que c’était le comble de l’impiété et de la profanation:

Dieu se changerait plutôt en homme[50] que l’homme en Dieu. En outre il en résulterait les deux plus grands maux, c’est-à-dire l’infidélité et l’ingratitude envers le bienfaiteur de toutes les créatures, celui dont la puissance s’étend à toutes les parties de l’univers pour les combler de biens.

[119] C’était une guerre terrible, sans merci, qui se déchaînait contre notre nation. Quel plus grand malheur peut survenir à un esclave que l’inimitié de son maître? Or, les sujets de l’Empereur sont ses esclaves; s’il en avait été autrement jusque-là sous le gouvernement paternel des empereurs précédents, telle était du moins notre condition sous Caïus, qui avait banni de son cœur tout sentiment de clémence, et foulait aux pieds tous les droits. La loi, pensait-il, c’était lui-même;[51] il bravait, comme de vaines paroles, tout ce que la législation avait consacré. Nous fûmes donc mis moins au rang des esclaves qu’au rang des valets les plus infimes; au lieu d’un prince nous eûmes un maître.

[120] Lorsque la populace désordonnée et séditieuse d’Alexandrie s’en aperçut, elle crut avoir trouvé une bonne occasion de donner cours à la haine qu’elle nous portait depuis longtemps; elle remplit la ville d’épouvante et de trouble. [121] Comme si l’Empereur nous eût abandonnés à sa barbarie pour souffrir les plus grandes misères, comme si le sort des armes nous eût livrés entre ses mains, elle se jeta sur nous avec une fureur sauvage. Nos maisons furent pillées; on eu chassa les maitres avec leurs femmes et leurs enfants, au point qu’elles restèrent désertes; [122] on en arracha les meubles et ce qu’il y avait de plus précieux, non pas comme le font les voleurs, qui, dans la crainte d’être pris, cherchent l’obscurité de la nuit, mais en plein jour et publiquement. Chacun montrait son butin aux passants, comme une chose acquise par héritage ou à prix d’argent. Quelques-uns, qui s’étaient associés pour le pillage, partageaient leur prise dans la place publique, souvent sous les yeux des malheureux qu’ils avaient dépouillés et qu’ils insultaient de leurs railleries, ce qui était plus dur que tout le reste.

[123] Tout cela était bien assez triste sans y rien ajouter. Qui n’eût trouvé affreux en effet de voir ces infortunés tomber de la richesse dans la pauvreté, de l’opulence dans la misère, sans avoir commis le moindre mal; de les voir chassés de leurs foyers déserts, errants à travers les rues, exposés à succomber aux ardeurs d’un soleil torride, aux rigueurs de nuits glaciales? [124] C’était cependant moins affreux que ce qui suivit.

On chassa les Juifs de la ville entière; des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, acculés dans un quartier étroit, pareil à une caverne, furent entassés comme de vils troupeaux, dans l’espoir qu’en peu de jours ils ne seraient plus qu’un monceau de cadavres. On comptait qu’ils périraient de faim, faute de provisions dont ils n’avaient pu se munir dans cette attaque imprévue et soudaine, [125] ou bien que, resserrés dans un espace étroit et brûlant, ils succomberaient à la corruption de l’air environnant et à l’épuisement des principes vitaux que cet air contenait. Il faut ajouter que l’haleine aussi de ces malheureux était corrompue, car elle sortait par la bouche et les narines d’un corps chaud et fiévreux, et, selon l’expression proverbiale, ajoutait du feu à l’incendie. [126] En effet la nature des viscères intérieurs est très chaude, et, quand ils sont doucement rafraîchis par l’air extérieur, les organes de la respiration se trouvent bien de cette fraîcheur; mais, si l’atmosphère dépasse le degré voulu de température, cet excès produit nécessairement un malaise: le feu s’ajoute au feu.[52] [127] Quand il leur fut devenu impossible de supporter plus longtemps les souffrances de cet entassement, ils se répandirent dans les solitudes au bord de la mer et jusque dans les tombeaux, cherchant du moins à respirer un air pur et inoffensif.

Ceux qui étaient surpris dans les autres quartiers de la ville, ceux qui arrivaient de la campagne, ignorant le malheur de leurs frères, étaient en butte à toutes sortes de mauvais traitements: on les blessait à coups de pierres, de briques ou de fragments de vases; on les frappait avec des bâtons à la tête et partout où les blessures peuvent être mortelles, jusqu’à ce qu’on les eût tués.

[128] La partie oisive de la populace d’Alexandrie s’était postée tout autour de l’étroit quartier dans lequel on avait refoulé les Juifs; elle les tenait assiégés comme dans les murs d’une ville et veillait à ce qu’aucun ne pût furtivement s’évader. On prévoyait.que beaucoup, pressés par la famine, braveraient la mort pour ne pas voir périr d’inanition leur famille, et se résoudraient à sortir. Leurs ennemis leur fermaient rigoureusement toute issue; ceux qu’on arrêtait s’échappant étaient tués après d’affreux supplices.

[129] Une autre troupe, sur les quais du fleuve, avait tendu une embuscade pour piller les Juifs qui abordaient, et s’emparer des marchandises qu’ils apportaient. On montait sur leurs vaisseaux, on s’emparait du chargement sous les yeux du maître, on le garrottait, puis on le brûlait vif; les rames, les vergues, les planches et le pont du vaisseau servaient à lui construire un bûcher.[53]

[130] D’autres furent brûlés dans la ville avec un raffinement de cruauté épouvantable: comme le gros bois manquait, on entassa sur eux des branchages auxquels on mit le feu; ils furent plutôt étouffés par la fumée que consumés; car c’était une flamme de peu de durée qui s’élevait de ces matériaux trop légers pour pouvoir se réduire en charbons.

[131] Il y en eut aussi que l’on prit vivants; on leur mit aux talons des lanières et des courroies; ils furent ainsi traînés à travers les places et foulés aux pieds par la plèbe qui ne respecta pas même leurs cadavres. Leurs corps, mis en pièces connue l’eussent pu faire des bêtes féroces transportées de rage, perdirent toute forme, au point qu’il n’en resta pas même des débris pour la sépulture.

[132] Le gouverneur de la contrée, qui à lui seul, s’il l’avait voulu, pouvait en un moment dompter cette foule déchainée, feignait de ne rien voir et de ne rien entendre;[54] il nous laissait avec indifférence en butte aux vexations et aux outrages, et permettait ainsi que l’ordre et la paix fussent troublés. Alors les séditieux enhardis se portèrent, à des forfaits plus atroces. Ils se réunirent en bandes nombreuses et dévastèrent nos proseuques (il y en a plusieurs dans chaque quartier de la ville), soit en abattant les arbres qui les entouraient, soit en renversant de fond en comble les constructions. Il y en eut où l’on mit le feu[55] avec tant de furie et d’aveuglement, qu’on ne songea point à préserver les maisons voisines, et on sait que rien n’est plus rapide que l’incendie, quand il s’est emparé d’une matière.

[133] Je ne parle pas des objets dédiés aux empereurs, boucliers, couronnes d’or, colonnes avec leurs inscriptions qui furent détruits dans cet incendie;[56] et pourtant le respect dû aux princes n’eût-il pas dû arrêter cette fureur? Si l’on porta aussi loin l’audace, c’est qu’on n’avait à redouter de Caïus aucun châtiment: on savait qu’il était très hostile aux Juifs, et qu’on ne pouvait rien lui faire de plus agréable que de nous affliger de toutes sortes de maux.

[134] Pour consommer notre ruine en se mettant eux-mêmes à l’abri, pour se concilier sa faveur par une flatterie nouvelle, que firent-ils? Toutes les proseuques qu’ils n’avaient pu incendier ou détruire, à cause de la multitude des Juifs qui habitaient autour, furent souillées et déshonorées d’une autre façon, au mépris de nos institutions et de nos lois. Ils placèrent dans toutes des statues de Caïus.

Dans la plus grande et la plus apparente, ils mirent une statue de l’Empereur sur un quadrige d’airain. [135] Ils y apportèrent un tel empressement, une telle précipitation que, n’ayant pas de quadrige neuf, ils en tirèrent du gymnase un qui était vieux et rouillé, et dont les chevaux avaient les oreilles, la queue et les pieds mutilés. Il avait été dédié autrefois, dit-on, à Cléopâtre, bisaïeule de la dernière reine de ce nom. [136] Ce fut là une grande et criminelle irrévérence, la chose est pour tous évidente. Convenait-il de consacrer à l’Empereur un quadrige qui avait été dédié à une femme, eût-il été neuf? Et eût-il appartenu précédemment à un homme, n’était-il pas souillé par sa vétusté? Ce quadrige enfin, quel qu’il fût, appartenait et avait été dédié à un autre. Ne craignaient-ils point d’offenser, par de tels présents, un empereur qui voulait les honneurs les plus éclatants? [137] Bien au contraire, ils attendaient un surcroît d’éloges et de faveur pour avoir fait de nos proseuques de nouveaux temples de Caïus. Ils cherchaient moins du reste à honorer le prince qu’à assouvir leur haine en nous accablant de toutes sortes de maux. [138] En voici des preuves irrécusables.

Durant les trois cents ans qu’ont régné les Ptolémées au nombre de plus de dix, les Egyptiens ne leur ont érigé ni statues ni images dans nos proseuques; et cependant ils appartenaient à la dynastie du pays, ils passaient pour dieux; les inscriptions leur en donnaient le titre; ils le portaient constamment. [139] Ils étaient hommes après tout, et comment leurs sujets leur auraient-ils refusé un tel honneur, quand ils mettent au rang des dieux les chiens, les loups, les lions, les crocodiles et la plupart des bêtes terrestres, aquatiques ou volatiles, dont les temples, les autels, les bois sacrés remplissent la contrée?

[140] Ils allégueront peut-être ce qu’autrefois ils n’auraient pas osé dire (car c’est plutôt à la fortune des princes qu’à leur personne qu’ils rendent hommage), ils diront que la puissance des Césars les élève bien au-dessus des Ptolémées et qu’on leur doit par conséquent de plus grands honneurs.

[141] Mais alors vous êtes, pour me servir d’un terme radouci, les plus insensés des hommes. Pourquoi, avant Caïus, n’avez-vous pas décerné les mêmes honneurs à Tibère, qui lui a transmis le pouvoir, qui, pendant les vingt-trois années qu’il fut souverain des terres et des mers, ne laissa subsister dans la Grèce et dans la Barbarie aucun principe de guerre, en étouffa la moindre étincelle et maintint avec tant de constance et d’énergie la paix et toutes les prospérités dont elle est la source? [142] Etait-il d’une moins noble race? Il sortait des deux familles les plus illustres. Lui était-il inférieur en savoir? Et qui, de son temps, le surpassa en sagesse et en éloquence? Lui était-il inférieur par l’âge? Aucun roi, aucun empereur n’est parvenu si heureusement à la vieillesse; même pendant qu’il était jeune, on le disait vieux, tant était grande la modestie qu’il portait dans la sagesse. Voilà l’homme, le grand homme[57] que vous avez oublié et dédaigné!

[143] Que dire de celui qui, dans toutes les vertus, surpassa la nature humaine, à qui l’éclat de sa fortune et la grandeur de sa puissance méritèrent le premier le nom d’Auguste? Car il ne le reçut pas de l’héritage de ses ancêtres, il l’inaugura dans sa famille et le transmit à ses descendants. Il prit le gouvernail de l’Etat au milieu des troubles et des discordes, [144] dans un moment où les îles et les continents, sous la conduite de ce que Rome avait de plus illustre, se disputaient l’empire. L’Asie et l’Europe alors soulevées entrechoquaient, dans une mêlée immense, furieuse, sur terre et sur mer, les peuples arrachés des frontières les plus reculées. Cette lutte menaçait d’anéantir tout le genre humain, n’eût été l’intervention d’un seul homme, le chef de la famille des Augustes qui mérita ainsi le titre de Génie tutélaire. [145] Ce César illustre, conjurant les tempêtes amoncelées de tous les points de l’horizon, ramena la sérénité, remédia aux calamités publiques qui, chez les Grecs et les Barbares, de l’orient à l’occident, du nord au midi, avaient désolé, rempli de maux, les terres et les mers.  [146] Il n’a pas seulement relâché, mais brisé les liens qui enserraient le monde. Il a mis un terme aux guerres ouvertes et cachées du brigandage, il a purgé les mers des pirates et les a couvertes de vaisseaux de transport, [147] il a donné la liberté à toutes les villes, fait régner l’ordre à la place de l’anarchie. C’est lui qui a façonné aux douceurs de la civilisation les nations sauvages qui vivaient dans l’isolement, qui a reculé les limites de la Grèce et fait une nouvelle Grèce des plus belles contrées du monde barbare. Il fut le gardien de la paix, l’équitable dispensateur des lois, et, tant qu’il vécut, la source et le canal de toutes les prospérités.

[148] Voilà le bienfaiteur illustre que vous avez négligé d’honorer pendant les quarante-trois années qu’il a tenu l’Egypte sous son pouvoir, car vous ne lui avez consacré ni statues, ni images, ni inscriptions dans les proseuques. [149] Si des honneurs nouveaux et extraordinaires étaient dûs à quelqu’un, n’était-ce pas à lui, non seulement parce qu’il était le chef et le fondateur de la maison des Augustes, mais encore parce qu’il avait été le premier et le plus grand bienfaiteur de l’humanité, en réunissant dans ses mains tous les pouvoirs, en prenant à lui seul le gouvernail du vaisseau de l’Etat? Cet homme admirable était d’ailleurs un profond politique; on l’a dit avec raison: « Il n’est pas bon que le pouvoir appartienne à plusieurs,[58] car la diversité des vues est la source de tous maux. » [150] S’il fallait imaginer des honneurs nouveaux, n’était-ce pas pour celui à qui le monde entier avait décerné les honneurs de l’Olympe, consacré des temples, des sanctuaires, des bocages, des portiques, qui, dans toutes les villes et surtout à Alexandrie, surpassent par leur beauté et leur grandeur tous les édifices anciennement ou récemment dédiés aux Césars? [151] Rien, en effet, de comparable au temple appelé Sébastion, érigé dans cette cité à Auguste, protecteur de la navigation. Ce monument est situé en face du port, sur une élévation;[59] il est immense, magnifique, sans rival; il est, plus qu’aucun autre, rempli d’offrandes, de tableaux, de statues, et orné tout autour d’or et d’argent; il est spacieux, embelli de portiques, de bibliothèques, de parvis, de plantations, de vestibules, de péristyles, de galeries; tout y est d’une somptuosité admirable. C’est là que repose l’espoir des voyageurs qui partent; c’est là qu’est la protection de ceux qui débarquent.

[152] Bien qu’on eût tant d’occasions d’honorer Auguste, au sein de cet accord éclatant manifesté par les peuples, on respecta nos proseuques. Est-ce à dire qu’on ait manqué de rendre à César les honneurs qu’il méritait? Nul homme sensé ne le pourra prétendre. Et pourquoi nos proseuques furent-elles alors respectées? Je le dirai sans rien cacher.

[153] On connaissait le bon gouvernement de l’Empereur, on savait qu’il n’était pas moins attentif à maintenir les institutions particulières aux provinces que les institutions romaines. Il pensait avec raison que les honneurs excessifs qu’il recevait des flatteurs, au lieu d’être un prétexte pour abolir les institutions des peuples, devaient uniquement servir à rehausser l’éclat de son pouvoir, qui semblait tirer de là quelque lustre. [154] Jamais il ne se laissa enivrer par les louanges: la preuve la plus claire en est qu’il ne souffrit point qu’on l’appelât dieu ou seigneur. Ces titres lui répugnaient. En agissant ainsi, il approuvait implicitement les Juifs qui ont de telles abominations en horreur.

[155] Sans cela, leur eût-il permis d’occuper une bonne partie de Rome, au-delà du Tibre? La plupart des prisonniers de guerre amenés en Italie,[60] ayant été affranchis, étaient devenus citoyens romains; ils avaient reçu de leurs maîtres la liberté, sans qu’on les forçât de renoncer à aucun des usages de leur pays. [156] L’Empereur savait qu’ils avaient des proseuques où ils se réunissaient, surtout les saints jours de sabbat, et faisaient publiquement profession de la religion de leurs pères; il savait qu’ils recueillaient des prémices et envoyaient des sommes d’argent à Jérusalem, par des députés qui les offraient pour les sacrifices. [157] Cependant il ne les chassa pas de Rome, il ne les dépouilla pas du droit de citoyens; il voulut que leurs institutions fussent maintenues, aussi bien dans ce pays qu’en Judée; il ne fit aucune innovation contre nos proseuques, il n’empêcha pas les assemblées où s’enseignent nos lois, il ne s’opposa pas à ce qu’on recueillit les prémices. Enfin, il montra tant de déférence pour nos usages religieux que notre temple fut non seulement enrichi des dons de tous les gens de sa maison, mais encore qu’il leur enjoignit d’y faire sacrifier chaque jour, à ses frais, des victimes entières et des holocaustes au Dieu Très Haut. Ces sacrifices se font maintenant encore et resteront comme un monument éternel des vertus de l’Empereur.[61] [158] A Rome, chaque fois que le peuple reçut des distributions mensuelles d’argent et de blé, il voulut qu’on n’oubliât point les Juifs; si cette largesse tombait un jour de sabbat, jour où nos coreligionnaires ne peuvent ni donner, ni recevoir, ni faire quoi que ce soit qui concerne la vie, rien surtout en vue du gain, les distributeurs avaient l’ordre de remettre, pour les Juifs, le don public au lendemain. [159] Aussi, tous les peuples de l’Empire, même ceux qui nous étaient naturellement hostiles,[62] se gardaient de toucher à la moindre de nos lois.

Il en fut de même sous Tibère, malgré la persécution provoquée contre nous dans toute l’Italie par Séjan.

[160] L’Empereur, après la chute de celui-ci, reconnut que les accusations portées par lui contre les Juifs de Rome étaient mensongères, que c’étaient des calomnies inventées pour détruire notre nation; car cet ambitieux savait que nous serions les seuls ou certainement les plus dévoués à combattre les criminelles tentatives qui mettraient l’Empereur en danger.[63] [161] Tibère manda à tous les gouverneurs des provinces d’épargner dans chaque ville notre nation, de ne rechercher que les coupables, qui étaient en petit nombre, de ne faire aucune innovation dans nos usages, d’avoir pour nous les égards dûs à des gens d’humeur pacifique, de respecter nos lois, comme contribuant à l’ordre public.[64]

[162] ………………. Caïus s’enorgueillit au point de ne pas seulement se proclamer dieu, mais de se croire tel.[65] Il ne trouva point chez les Grecs et les Barbares d’hommes plus portés que les Alexandrins à encourager cette prétention monstrueuse qui dépassait les bornes de la nature humaine. Les Alexandrins sont en effet de grands artisans de flatteries, de jongleries et de mensonges, prodigues de discours séducteurs, habitués à tout bouleverser avec leur langue effrénée. [163] En hommes très religieux ils ont voué au nom de Dieu le plus grand respect; ils jugent les ibis, les serpents venimeux de leur pays et beaucoup d’autres bêtes, dignes de le porter. Comme ils prodiguent ce nom, ils peuvent bien tromper les gens simples et ceux qui ne connaissent pas l’impiété égyptienne,[66] mais n’en imposent point à ceux qui savent leur démence ou plutôt leur criminelle effronterie.

[164] Caïus, ignorant cela, s’imaginait que les Alexandrins le croyaient dieu sérieusement, puisqu’ils lui prodiguaient sans détour les titres dont ils honorent leurs autres divinités. [165] Il pensait d’ailleurs que la profanation des proseuques leur avait été inspirée sans arrière-pensée, par un zèle ardent pour sa personne. Il en était arrivé là, soit en lisant les récits journaliers qu’on lui envoyait d’Alexandrie et auxquels il s’intéressait tellement qu’il ne trouvait plus de goût aux écrits des historiens et des poètes, soit en écoutant des esclaves qui renchérissaient sur ses plaisanteries et sur ses critiques.

[166] La plupart étaient des Egyptiens, race méchante, dont l’âme est pénétrée du venin des serpents et des crocodiles de leur pays. Le chef de la bande égyptienne était un certain Hélicon, esclave scélérat, qui s’était glissé dans le palais par d’infâmes moyens. L’affection de son premier maître, qui l’avait donné à Tibère, lui avait valu d’être initié aux arts libéraux; [167] mais il était resté sans crédit, car Tibère haïssait les flatteries puériles, et dès sa jeunesse avait montré du penchant à la gravité et à la sévérité.

[168] Tibère mort et remplacé au pouvoir par Caïus, Hélicon s’accommoda aux goûts de son nouveau maître, qu’il voyait avide de voluptés et de jouissances. Il se dit: « Voici une occasion pour toi, Hélicon: debout ! Tu as, pour te produire, l’auditeur et le spectateur le meilleur qui se puisse trouver. Tu as l’esprit souple, tu n’as pas ton égal pour les bons mots et les lazzis; tu connais les passe temps et les amusements folâtres de la jeunesse; tu n’es pas étranger aux arts libéraux; tu es expert dans les plus vils métiers et possèdes quelque agrément de langage; [169] tes plaisanteries ont un aiguillon dont tu piques malicieusement, en sorte que tu ne fais pas seulement rire, mais que tu irrites par le soupçon. Tu as tout entier en ton pouvoir un maître qui se plaît à écouter ses sarcasmes bouffons; il tient, tu le sais, ses oreilles toujours ouvertes et attentives pour ceux qui s’étudient aux délations, aux injures, aux médisances ! [170] Ne va pas plus loin chercher matière à t’exercer: les Juifs et leurs usages t’offrent de quoi incriminer. N’as-tu pas appris à le faire dès ton enfance, non d’un seul homme, mais de la partie la plus bavarde du peuple d’Alexandrie? Montre ce qu’on t’a appris. »

[171] Cédant à ces pensées, aussi insensées que coupables, il s’attacha à l’Empereur, ne le quittant ni jour ni nuit. Il profitait même, pour noircir les Juifs, de ses moments de solitude et de loisir. Afin de nous frapper plus sûrement, il déployait toute son adresse à l’amuser de ses quolibets. Il ne se déclarait pas ouvertement notre accusateur; il ne le pouvait pas, d’après son plan qui était d’user de détours et de ruse, mais il nous faisait ainsi beaucoup plus de mal que ceux qui manifestaient ouvertement leur hostilité.

[172] Les députés d’Alexandrie qui, dit-on, savaient cela, lui firent secrètement des présents considérables; non seulement il reçut d’eux des sommes d’argent, mais on lui fit espérer que des honneurs lui seraient décernés dans un avenir prochain, lors du voyage de Caïus à Alexandrie. [173] Hélicon, rêvant à ce moment fortuné où il serait comblé d’honneurs, sous les yeux de son maître, à la face du monde entier (car on ne pouvait douter que tout ce qu’il y avait de plus illustre dans l’Empire ne vint des frontières les plus lointaines, autant pour faire cortège à l’Empereur que pour visiter cette grande et fameuse cité), Hélicon promit tout ce qu’on demandait.

[174] Nous ignorâmes quelque temps cet ennemi secret, car nous ne prenions garde qu’à ceux du dehors. Quand nous l’eûmes découvert, nous cherchâmes par tous les moyens à adoucir, à apaiser cet homme dont les traits assurés nous frappaient de toutes parts et de toutes les façons. [175] Il était avec l’Empereur à la paume, à la palestre, au bain, à table; il assistait même à son coucher, car il était chambellan. Cette charge, qu’il ne partageait avec personne, tenait toujours ouvertes pour lui seul les oreilles de l’Empereur. Caïus négligeait les affaires pour accueillir les bouffonneries d’Hélicon, qui le réjouissaient beaucoup. [176] Les délations contre nous se trouvaient adroitement mêlées à ces bouffonneries, afin d’amuser le prince et de nous nuire en même temps. Les plaisanteries, qui paraissaient sa principale préoccupation, n’étaient qu’un prétexte, tandis que les accusations, qui semblaient survenir par incident, étaient son unique préoccupation. [177] Pareil au vaisseau délivré de ses amarres, poussé par un vent favorable qui le prend en poupe et gonfle ses voiles déployées, il voguait à son aise, accumulant contre nous les accusations: elles s’enracinèrent si bien dans l’esprit de l’Empereur qu’il n’en put désormais chasser le souvenir.

[178] Dans cet embarras, ne sachant quel parti prendre, nous remuons tout[67] pour apaiser Hélicon. Nous ne pouvons obtenir accès auprès de lui: telle était l’arrogance dont il usait envers tout le monde qu’on n’osait ni l’approcher ni l’entretenir. Enfin, comme nous ignorions s’il avait contre les Juifs quelque motif de haine personnelle, pour exciter ainsi sans relâche son maître contre eux, nous cessâmes de diriger de ce côté nos efforts; nous les tournâmes vers une nécessité plus pressante.

Nous résolûmes de présenter à Caïus un mémoire qui contiendrait le récit sommaire des maux que nous avions endurés, et où nous le supplierions de les faire cesser. [179] C’était à peu près l’abrégé de la requête détaillée que peu auparavant nous lui avions envoyée par le roi Agrippa, qui, s’en allant en Syrie prendre possession du royaume que l’Empereur lui avait donné, passa par hasard à Alexandrie.[68]

[180] Nous ignorions alors combien nous nous faisions illusion: depuis le moment où nous avions pris la mer, nous nous étions flattés de trouver un juge qui nous rendrait justice; au contraire, nous trouvâmes un ennemi mortel. [181] Cependant il nous caressait et nous abusait par un air gracieux et des paroles bienveillantes. En effet, la première fois qu’il nous rencontra (ce fut au Champ de Mars, au sortir des jardins de sa mère), il nous rendit notre salut, et nous fit de la main un signe favorable;[69] il nous envoya Homilus, introducteur des ambassades, nous dire: « J’entendrai votre cause à la première occasion. » Tous ceux qui nous entouraient se réjouirent de ces paroles comme si nous eussions déjà remporté la victoire, et avec eux tous les nôtres qui jugeaient des choses sur l’aspect et la contenance de Caïus.

[182] Quant à moi, que l’étude et les ans ont peut-être rendu plus sage,[70] je trouvais des motifs d’inquiétude dans ce qui réjouissait les autres. « D’où vient, me disais-je, que, dans un moment où affluent les ambassadeurs de toutes les parties du globe,[71] il dit qu’il n’entendra que nous? Ignore-t-il que nous sommes Juifs, et que nous nous contenterions d’être traités comme tout le monde? [183] Espérer un privilège d’un jeune homme qui n’est pas de notre nation, et qui dispose d’un pouvoir absolu, ne serait-ce pas folie? Il n’y a pas de doute qu’il est favorable aux Alexandrins, et qu’il a déjà préjugé la cause à leur avantage. Plaise au ciel qu’il se conduise en juge envers les parties et ne se montre point l’avocat de nos adversaires ! »

[184] Je roulais ces pensées au sein de l’angoisse, ne goûtant plus, ni jour ni nuit, aucun repos. Toutefois je cachais ma tristesse, j’étouffais mes gémissements: la prudence l’ordonnait !

Soudain un malheur nouveau et imprévu,[72] qui menaçait non pas seulement une fraction des Juifs, mais la nation entière, vint m’assaillir. [185] Nous étions allés de Rome à Putéoli à la suite de Caïus; l’Empereur était descendu vers la mer et visitait l’une après l’autre les villas nombreuses et splendides du golfe.[73] [186] Nous songions à notre défense (car nous attendions toujours qu’on nous appelât), lorsque survint l’un des nôtres, tout éploré, le regard plein d’épouvante, la poitrine haletante. Comme nous étions au milieu de la foule, il nous tira un peu à l’écart:

« Savez-vous, nous dit-il, la nouvelle?... » Il voulut parler, mais il resta muet, suffoqué par les larmes qu’il versait en abondance. [187] Trois fois il voulut commencer son récit sans y parvenir.

L’épouvante nous gagnait. Nous le supplions de nous raconter l’affaire pour laquelle il était ainsi accouru car ce n’était pas sans doute pour nous rendre témoins de ses gémissements qu’il venait; si la chose était déplorable, nous demandions à partager sa douleur; nous étions d’ailleurs endurcis à l’infortune.

[188] Enfin, avec effort et d’une voix entrecoupée par les sanglots, il s’écria: « C’en est fait du temple ! Caïus ordonne qu’on lui élève une statue colossale au plus profond du sanctuaire et qu’on la lui dédie sous le nom de Jupiter. » [189] Stupéfaits de ce qu’on nous rapportait, nous restons cloués sur place par le saisissement, muets, sentant le cœur nous manquer et les forces nous échapper. D’autres survinrent, qui nous confirmèrent ces tristes nouvelles.

[190] Alors nous nous enfermons tous ensemble pour déplorer, par les plaintes que l’angoisse nous suggérait, notre infortune et celle de la nation. Rien n’inspire plus le besoin de s’épancher que la douleur. Quel ennui, quel regret d’avoir, en plein hiver,[74] traversé la mer avec l’espoir de mettre un terme aux maux dont on nous accablait, sans nous douter qu’une tempête plus terrible que les coups de la mer nous attendait sur terre ! C’est d’ailleurs l’ordre de la nature qui veut les mauvais temps et distingue les saisons, et cet ordre et salutaire, tandis que cette autre tempête était soulevée par un homme dont le cœur n’avait aucun sentiment humain, par un jeune fou avide d’innovations, abandonné à tous les dérèglements de la tyrannie, à toute la fougue de la jeunesse, exalté de plus par la toute puissance. C’était là un mal sans remède possible. [191] Qui oserait l’aborder pour lui ouvrir la bouche de nos proseuques, quand il profanait le plus vénéré des temples? Il était évident qu’il se souciait peu des lieux saints ordinaires, puisqu’il ne respectait pas le sanctuaire illustre que, du couchant à l’aurore, on vénère religieusement comme l’astre du jour? [192] Si l’on obtenait audience, il fallait s’attendre à une mort certaine. Eh bien! Mourons; c’est vivre que de mourir glorieusement pour les lois de son pays. Mais cette mort inutile, quand même nous la chercherions pour remplir notre mission, ne serait-ce pas de la démence? Notre perte ne serait-elle pas plus fatale encore à ceux qui nous ont envoyés qu’à nous-mêmes? [193] Il ne manquera pas, même parmi les nôtres, de gens malicieux qui nous accuseront d’impiété pour avoir, au fort de la tempête, abandonné l’intérêt général menacé et prêté l’oreille aux suggestions de l’égoïsme. Les petites choses doivent le céder aux grandes; l’intérêt privé passe après l’intérêt public: car de la défense de ce dernier dépendent tous nos droits; si on l’abandonne, ces droits périssent. [194] C’était le seul parti qu’il fût convenable et possible de prendre dans cette lutte, car nous étions Alexandrins, et sur nous seuls pesait le danger qui menaçait les droits de la nation juive entière.[75] Il était à craindre en effet que ce terrible et méchant novateur, après avoir détruit le temple, ne voulût effacer jusqu’au nom de notre peuple. — [195] Mais, puisqu’il ne s’agissait plus des deux choses[76] qui concernaient votre députation, ne pouviez-vous, dira-t-on peut-être, songer au retour et vous mettre en sûreté? A celui qui tiendrait ce langage je dirais: « Ou tu n’es pas un homme de cœur, ou tu n’as pas été élevé et instruit dans la connaissance des saintes Écritures. L’espoir n’abandonne jamais les gens de cœur, l’espoir habite toujours en ceux qui ne se contentent pas d’effleurer du bout des lèvres nos lois sacrées. [196] Qui sait si Dieu ne frappe pas ainsi notre génération pour éprouver sa vertu et voir si nous avons appris, par une raison assurée, à supporter l’adversité? Toutes les ressources humaines nous manquent; disons leur adieu; affermissons dans nos âmes une confiance inébranlable en Dieu, notre sauveur, qui souvent a délivré notre nation des crises les plus terribles. »

[197] C’est ainsi que nous déplorions les coups imprévus[77] qui nous accablaient et que nous nous encouragions mutuellement à espérer quelque revirement favorable. Après un moment de silence, nous dîmes aux messagers: « Pourquoi restez-vous ainsi tranquillement assis? Vous n’avez fait que jeter dans nos oreilles le charbon qui nous brûle; il faut nous découvrir les motifs qui ont poussé Caïus. — [198] Le premier et le plus puissant de ces motifs, vous le savez, nous dirent-ils, aussi bien que le reste du genre humain, c’est qu’il veut se faire passer pour dieu. Il est convaincu que les Juifs seuls lui résisteront, et qu’on ne peut leur faire de plus grand mal que de profaner la majesté de leur temple. On lui a raconté que c’était le plus beau du monde et qu’à travers les âges il a été successivement et sans relâche embelli à grands frais. Caïus, qui est opiniâtre et querelleur, prétend se l’approprier.

[199] « Il a d’ailleurs été récemment irrité par une lettre du questeur Capiton, qui est en Judée chargé de la rentrée des impôts et déteste les Juifs. Capiton est parti pauvre, ses rapines l’ont enrichi; il craint d’être mis en accusation, et il a imaginé un moyen perfide de prévenir les plaintes de ceux qu’il a pressurés.

[200] Voici le fait qui lui en a fourni l’occasion: Iamnia est une des villes les plus peuplées de la Judée; sa population est mélangée de Juifs, qui y sont en majorité, et d’étrangers en moins grand nombre qui, pour notre malheur, sont venus des contrées voisines. Ces étrangers suscitent toujours des embarras aux indigènes et s’attaquent continuellement aux usages des Juifs. [201] Ils ont appris par les voyageurs avec quelle passion Caïus poursuit l’œuvre de sa divinisation, et combien il hait toute la nation juive; il leur a paru que c’était une bonne occasion de nous nuire. Aussitôt ils érigent un autel avec les plus vils matériaux, avec de la boue dont ils font des briques, dans l’unique but de molester leurs concitoyens. Ils s’attendaient bien que les Juifs ne pourraient souffrir cette violation de leurs usages. C’est ce qui est arrivé.

[202] « A cette vue, en effet, les Juifs indignés qu’on foule ainsi aux pieds les coutumes vénérables de la Terre Sainte, accourent et renversent l’autel. Leurs ennemis vont aussitôt trouver Capiton qui avait arrangé toute cette comédie. Le questeur, pensant avoir trouvé l’occasion qu’il cherchait depuis longtemps, écrit à Caïus en exagérant et amplifiant ce qui s’est passé. [203] L’Empereur, à cette nouvelle, veut en place de l’autel de briques violemment renversé à Iamnia quelque chose de plus riche et de plus magnifique; il ordonne qu’on lui dresse une statue colossale en or dans le temple de la métropole.

« Les sages et honnêtes conseillers qu’il a écoutés sont Hélicon, l’illustre Hélicon, cet esclave bavard et scélérat; Apelle, un comédien qui jadis trafiqua, dit-on, de la beauté de sa jeunesse et qui, après l’avoir perdue, se mit à la scène. [204] Les gens qui font ce métier et se donnent en spectacle sur les théâtres ne gardent aucune pudeur et s’adonnent à toutes les débauches, à toutes les turpitudes.[78] Voilà les talents qui ont mis Apelle au rang des conseillers de l’Empereur. Caïus peut de la sorte, sans souci de rendre à ses sujets la justice qu’il leur doit, sans souci de maintenir la paix, apprendre de l’un à chanter, de l’autre à plaisanter. [205] C’est ainsi qu’un valet, Hélicon, pareil au scorpion, a lancé contre les Juifs son venin d’Egypte, et Apelle son venin d’Ascalon: car il est né dans cette ville; or les Ascalonites, et les Juifs de la Terre Sainte, leurs voisins, ont entre eux une haine ancienne, indestructible. »

[206] Nous écoutions ce récit dont chaque détail, chaque mot nous frappait au cœur. Quelque temps après, ces habiles donneurs de bons conseils reçurent le prix de leur impiété. Apelle fut chargé par Caïus de chaînes de fer, à cause de ses autres crimes, et mis à la torture de la roue avec des suspensions fréquentes pour imiter ces maladies qui reviennent à jour fixe.[79] Quant à Hélicon, il fut mis à mort par Claudius César Germanicus, aussi pour d’autres fautes que sa frénésie lui avait fait commettre.[80] Mais ces événements furent postérieurs.

[207] La lettre qui ordonnait la dédicace de la statue fut écrite non simplement mais avec toutes les précautions qui devaient en assurer l’exécution.[81] Caïus commandait à Petronius,[82] gouverneur de toute la Svrie, auquel cette lettre était adressée, de prendre la moitié de l’armée cantonnée près de l’Euphrate et chargée d’arrêter les invasions des rois et des nations de l’Orient, et de la conduire en Judée. Elle devait accompagner la statue, non pour en rendre la dédicace plus solennelle, mais pour mettre à mort quiconque oserait résister.

[208] Qu’est-ce à dire, seigneur? Tu prévois que les Juifs ne souffriront pas cette profanation, qu’ils combattront jusqu’à la mort pour leurs lois, pour la patrie, et tu leur déclares la guerre? On ne dira pas que tu ignorais le soulèvement qui devait avoir lieu si on tentait de souiller le temple: tu prévois exactement ce qui doit se passer, comme si c’était présent; tu ordonnes d’amener l’armée; tu veux qu’au lieu des saints sacrifices qui s’offraient dans le lieu sacré, ta statue y soit arrosée du sang d’une foule de malheureux, du sang des hommes et même de celui des femmes !

[209] Quand Petronius eut pris connaissance de la lettre de l’Empereur, il ne sut à quoi se résoudre. Il n’osait désobéir; il savait qu’on ne lui pardonnerait pas l’hésitation ou même le retard dans l’exécution des ordres reçus. D’un autre côté l’entreprise était difficile: Petronius savait que les Juifs souffriraient non pas une fois, mais mille fois, s’il était possible, la mort plutôt que de permettre une infraction à leurs lois. [210] Toutes les nations sont attachées aux usages de leur pays, mais les Juifs plus qu’aucune autre. Ils croient que leurs lois ont été révélées de Dieu, ils les étudient dès l’enfance, ils en impriment, en quelque sorte, dans leur âme l’image qu’ils contemplent sans cesse, [211] et dont ils s’appliquent à pénétrer le sens profond; ils traitent avec les mêmes égards que leurs compatriotes ceux des étrangers qui observent ces lois, tandis qu’ils regardent comme ennemis ceux qui les abolissent ou les critiquent. Telle est l’horreur qu’ils ressentent pour les choses défendues que toutes les grandeurs, toutes les voluptés du monde ne les amèneraient pas à la transgression.[83] [212] Rien n’est plus sacré pour eux que leur temple, et à ce point qu’on punit de mort impitoyablement ceux qui franchissent l’enceinte intérieure: car c’est dans l’enceinte extérieure qu’on reçoit les membres de la nation qui viennent de toutes les parties du monde.

[213] Petronius réfléchissait à cela et ne se hâtait point d’agir, pensant combien l’aventure était grande et dangereuse. Après avoir évoqué dans son esprit, comme dans une assemblée, toutes les réflexions que suggérait la circonstance, après avoir consulté chacune d’elles, il les trouva toutes d’accord pour ne rien innover dans l’ordre antique de la religion; d’abord parce que la piété et la justice le voulaient ainsi, ensuite parce que c’était assumer un péril non seulement de la part de Dieu, mais aussi de la part des hommes, que cette innovation offenserait et irriterait.

[214] Petronius songeait aussi combien cette nation est nombreuse, qu’elle n’est pas comme les autres renfermé dans les limites d’une seule contrée, mais répandu dans le monde presque entier. Elle est, en effet, disséminée dans toutes les îles, dans toutes les provinces du continent, et n’est pas loin d’égaler en nombre les indigènes. [215] N’était-ce pas affronter un terrible danger que de soulever tant de milliers d’hommes? S’ils conspiraient par toute la terre, si, pour repousser la violence, ils accouraient en foule, n’en résulterait-il pas une guerre insurmontable? D’ailleurs la Judée était remplie d’une multitude immense d’hommes au corps robuste, à l’âme vaillante, tous prêts à chercher une mort glorieuse plutôt que d’abandonner les usages de la patrie, tous remplis de ce fier courage qui les fait traiter de barbares par nos calomniateurs et qui cependant est le signe d’une nature noble et généreuse.[84]

[216] Petronius redoutait aussi les troupes d’au-delà de l’Euphrate; Babylone et beaucoup d’autres satrapies ont des colonies de Juifs. Il le savait aussi bien par le témoignage de ses yeux que de ses oreilles: chaque année les Hébreux de ces pays envoyaient des messagers porter au temple des sommes considérables en or et en argent, provenant des prémices et des offrandes qu’ils recueillaient. Loin d’être arrêtés par des routes longues et impraticables, ils les trouvaient courtes et commodes, car elles conduisaient au service de Dieu. [217] Petronius craignait avec raison que la nouvelle de cette dédicace inouïe ne les poussât à une expédition soudaine[85] et que, se soulevant de toutes parts, ils n’enfermassent, comme dans un cercle, les troupes romaines, pour les tailler en pièces.

[218] Telles étaient les réflexions qui arrêtaient Petronius. D’autres pensées l’entraînaient en sens opposé. « L’ordre, se disait-il, vient d’un maître jeune, jugeant utile tout ce qui lui sourit, prétendant accomplir coûte que coûte sa volonté, dont l’orgueil et l’audace l’ont jeté hors des bornes de la nature humaine, puisqu’il se met au rang des dieux. Il y va pour moi de la vie à désobéir aussi bien qu’à obéir. L’obéissance avec la guerre me ménage les ressources et les chances de la lutte, tandis que la résistance me vaut, de la part de Caïus, la mort la plus certaine. » [219] La plupart des Romains qui se partageaient sous lui le gouvernement de la Syrie, sachant qu’ils seraient victimes les premiers de la colère de l’Empereur, qu’on les accuserait de complicité dans la désobéissance, se ralliaient à l’avis qu’il fallait faire la guerre.

[220] Le délai nécessaire à préparer la statue donnait le temps de réfléchir plus mûrement: car elle n’avait pas été envoyée d’Italie, et cela, je pense, par une secrète faveur de Dieu dont le bras s’étendait sur les opprimés. On n’avait pas non plus ordonné à Petronius de prendre la plus belle statue de toute la Syrie; dans ce cas la profanation eût été consommée de suite et aurait provoqué un soulèvement soudain, [221] avant qu’on pût mettre en œuvre les utiles suggestions de la prudence; car les événements précipités paralysent les efforts de la raison. Caïus avait commandé qu’on préparât la statue dans quelque pays voisin. [222] Petronius fit donc venir de Phénicie les meilleurs ouvriers et leur donna la matière. Ces ouvriers travaillaient à Sidon.

Cela fait, il convoqua les principaux d’entre les Juifs, les prêtres et les magistrats, pour leur annoncer les ordres de Caïus, les exhorter à en souffrir patiemment l’exécution et leur mettre sous les yeux le danger qui les menaçait: la Syrie était remplie de forces immenses qui allaient couvrir la Judée de cadavres. [223] Il pensait qu’il parviendrait à les faire fléchir, et pourrait par eux amener le peuple à la soumission. Mais il se trompait bien.

Aux premiers mots qu’il prononça, ils témoignèrent, dit-on, de l’étonnement, puis quand ils connurent la réalité de leur malheur, ils restèrent muets; enfin leurs larmes jaillirent en abondance, ils s’arrachèrent les cheveux et la barbe en s’écriant:  [224] « Nous étions trop heureux ! Hélas ! n’avons-nous tant souffert avant d’atteindre cette heureuse vieillesse que pour voir un spectacle épargné à tous nos ancêtres! Nous nous arracherons les yeux, et avec eux une vie misérable et douloureuse, plutôt que de supporter la vue d’un forfait qu’on ne peut ni entendre ni concevoir ! » [225] C’est ainsi qu’ils se lamentèrent.

Cependant ceux de Jérusalem et du reste du pays ayant appris ce qu’on voulait tenter, comme s’ils eussent obéi à un mot d’ordre que la douleur publique avait donné, partirent en une troupe immense, abandonnant les villes, les bourgades, les maisons, et sans s’arrêter allèrent jusqu’en Phénicie, où se trouvait alors Petronius. [226] Les Romains, ayant aperçu au loin cette foule qui se précipitait avec une sorte de furie, accoururent prévenir leur général de se mettre sur ses gardes, car ils pensaient qu’il faudrait livrer bataille.

Pendant qu’ils parlaient encore et avant que Petronius pût prendre ses précautions, tout à coup la multitude des Juifs, pareille à une nuée, survint et envahit la Phénicie entière.[86] Ceux qui ne savaient pas combien notre nation est nombreuse furent saisis d’effroi. [227] D’abord une clameur mêlée de gémissements et du bruit qu’ils faisaient en se frappant la poitrine s’éleva, si immense qu’elle assourdit les assistants elle avait cessé qu’on l’entendait encore. Elle fut suivie de prières et de supplications telles que cette malheureuse circonstance pouvait les inspirer.

Les Juifs étaient groupés en six ordres: d’un côté, ceux des vieillards, des hommes et des enfants; de l’autre, ceux des vieilles femmes, des femmes et des jeunes filles. [228] Quand Petronius fut aperçu sur l’éminence où il se tenait, tous les ordres, comme s’ils eussent obéi au même commandement, se prosternèrent terre, suppliants et poussant des cris lamentables. On leur dit de se lever et d’approcher. Ils se relevèrent enfin couverts de poussière, baignés de larmes et s’approchèrent comme des criminels condamnés, les mains liées derrière le dos.

[229] Alors les anciens, debout, parlèrent ainsi: « Nous nous présentons, tu le vois, sans armes; personne ne pourra nous accuser d’être venus en ennemis. Les mains même, dont la nature nous a armés, nous les avons ramenées en arrière; là où elles sont elles ne peuvent rien faire et livrent nos corps sans défense aux coups assurés de ceux qui voudraient nous tuer.

[230] « Nous avons amené avec nous nos femmes, nos enfants, nos familles, pour nous mettre à tes genoux et à ceux de Caïus que tu représentes. Nous n’avons laissé personne au pays, afin que vous nous épargniez tous ou que vous nous fassiez périr tous ensemble. Nous sommes, Petronius, pacifiques de notre nature; notre passé le prouve; le soin que nous mettons à élever nos enfants nous fait aimer la paix.

[231] Lorsque Caïus est parvenu à l’empire, nous avons été les premiers de toute la Syrie à nous en réjouir. Ce fut dans notre ville que Vitellius, ton prédécesseur, reçut la lettre qui lui annonçait cet événement; ce fut de chez nous que la renommée porta cette bonne nouvelle aux autres villes. [232] Notre temple fut le premier où on immola des victimes pour l’empire de Caïus; est-ce une raison pour qu’il soit le premier ou le seul que l’on dépouille de la religion du pays?

« Nous vous abandonnons nos villes et tous les biens que nos maisons renferment; nos trésors, nos richesses et ce que nous avons de plus précieux, nous vous l’offrons, et de si bon cœur qu’il nous semble recevoir et non donner. Nous vous demandons en retour une seule grâce, c’est de ne pas faire d’innovation dans le temple, de le conserver tel que nos pères nous l’ont laissé. [233] Si cette grâce nous est refusée, nous voulons mourir; nous ne verrons pas un spectacle plus affreux pour nous que la mort.

« On nous a dit qu’on rassemblait contre nous de la cavalerie, et de l’infanterie au cas où nous voudrions empêcher qu’on place la statue dans le temple. Nous ne sommes pas assez insensés pour imiter l’esclave qui résiste à son maître: nous nous laisserons égorger. Qu’on nous tue, qu’on nous coupe par morceaux, il n’y aura ni lutte ni péril pour nos bourreaux. Qu’on nous fasse tout ce qu’on peut faire à des ennemis vaincus, [234] qu’est-il besoin pour cela d’armée? Nous-mêmes donnerons l’exemple et serons les premiers prêtres de ce beau sacrifice. Nous amènerons au temple nos épouses pour les immoler, nous y conduirons de même nos frères et nos sœurs, nous y égorgerons enfin nos fils et nos filles, de pauvres innocents ! Nous deviendrons assassins de nos femmes, de nos frères et de nos enfants; il faut dans des calamités tragiques se servir de mots tragiques. [235] Puis, debout, au milieu de cet holocauste, arrosés du sang de nos proches (c’est la purification qui convient à ceux qui vont mourir), nous mêlerons notre sang à celui de nos victimes, [236] nous nous immolerons sur leurs cadavres. Dieu nous pardonnera, car nous aurons accompli un double devoir, en accordant à l’Empereur l’obéissance qu’on lui doit, en respectant nos lois sacrées, pour lesquelles nous devons sans regret sacrifier notre vie.

[237] « Nous savons une ancienne fable tirée des livres grecs, et suivant laquelle la puissance de la tête de la Gorgone aurait été telle que sa vue changeait les hommes en pierre. Bien que la chose soit une fiction, on ne peut nier cependant que les coups terribles et imprévus n’opèrent quelque chose d’analogue.[87] La colère du Seigneur[88] donne la mort, ou peu s’en faut. [238] Crois-tu, Petronius, que si tu envoyais (ce dont Dieu nous préserve !) quelqu’un de nous dans le temple pour y trouver une statue, crois-tu que cette vue ne le changerait pas en pierre; que le saisissement et l’effroi ne le cloueraient pas sur place et ne paralyseraient pas tous ses mouvements?

[239] « Nous te ferons, Petronius, une dernière prière, elle est équitable. Nous ne prétendons pas t’empêcher d’exécuter tes ordres, nous demandons seulement un délai. Qu’il nous soit permis, nous t’en conjurons, d’envoyer une ambassade au seigneur. [240]  Peut-être l’amènerons-nous ainsi, soit à respecter Dieu, soit à maintenir nos lois, et à ne pas nous mettre au-dessous des nations les plus lointaines, dont on conserve les usages. [241] Peut-être, en nous écoutant, s’adoucira-t-il: les volontés des grands ne sont pas immuables, leur colère s’évanouit à la longue. On nous calomnie, permets-nous de nous défendre; il nous serait dur d’être condamnés sans avoir été entendus. [242] Si nous échouons, rien ne t’empêchera d’exécuter tes ordres. Jusqu’à ce que nous ayons envoyé une députation, ne détruis pas l’espoir de tant de milliers d’hommes. Ce n’est pas l’intérêt, c’est la piété qu’ils ont à cœur. Mais non, c’est l’intérêt qui les pousse, le plus puissant, le plus noble de tous, le respect des choses saintes[89] ! »

[243] Ainsi parlèrent, d’une voix entrecoupée par les sanglots, ces vénérables vieillards baignés de larmes et souillés de sueur. Petronius et les assistants en furent touchés de compassion; car le gouverneur était d’un naturel doux et bon. Ce discours et ce spectacle l’avaient ému; ce qu’ils avaient dit lui paraissait très juste, et c’était grande pitié que de les voir.

[244] Il se leva pour délibérer avec ceux qui l’entouraient sur le parti qu’il fallait prendre; il vit que les uns, qui peu auparavant s’étaient avec rigueur prononcés contre les Juifs, hésitaient; que les autres, qui étaient pour la justice et la pitié, ralliaient le plus grand nombre à leur avis; il s’en réjouit. Il connaissait pourtant le caractère de l’Empereur et savait que sa colère était implacable; [245] mais il semblait avoir en lui quelque étincelle de la sagesse et de la religion des Juifs, soit qu’il eût autrefois puisé quelque chose de cette sagesse dans nos livres, soit qu’il les eût étudiés depuis qu’il avait le gouvernement de Syrie et d’Asie où les Juifs habitent en grand nombre les villes,[90] soit enfin qu’il fût porté à étudier et à comprendre de lui-même les choses dignes d’attention. Dieu, d’ailleurs, inspire aux gens de bien des desseins excellents, salutaires autant aux autres qu’à eux-mêmes. C’est ce qui arriva.

[246] Il fut résolu qu’on ne presserait pas les ouvriers, mais qu’on les exhorterait à donner au travail de la statue, qui devait reproduire les formes des plus beaux modèles, tout leur soin, afin qu’elle fût plus durable; car les œuvres hâtives périssent tôt, tandis que les ouvrages soignés bravent le temps. [247] Toutefois on n’accorda pas aux Juifs l’ambassade qu’ils demandaient: il eût été dangereux pour eux-mêmes de s’en remettre de leurs affaires à la décision du souverain. On ne voulut ni repousser ni accueillir complètement leur requête, ce qui eût été également périlleux. [248] On convint d’écrire à Caïus, sans mettre les Juifs en cause, sans découvrir la réalité, c’est-à-dire leurs supplications et leur résistance; on devait rejeter les causes du retard sur les délais nécessaires aux ouvriers pour préparer la statue.

[249] La saison, du reste, fournissait de bonnes occasions d’obliger Caïus, sans l’irriter, à traîner l’affaire en longueur. Les moissons et les autres récoltes étaient mûres, et il était à craindre que, voyant leur religion anéantie, les Juifs n’en vinssent à mépriser la vie, ne dévastassent les champs et ne livrassent leurs récoltes aux flammes, dans les plaines et sur les montagnes. Or, il fallait prendre soin de ces récoltes, aussi bien des moissons que des fruits des arbres, [250] car on disait que l’Empereur avait dessein d’aller à Alexandrie, en Egypte; et il ne paraissait pas probable qu’un si grand prince s’exposât en pleine mer aux périls d’une longue traversée, soit à cause de la grandeur de la flotte qui devrait l’accompagner, soit à cause du soin que réclamait sa personne. C’était une route plus facile de suivre le littoral d’Asie et de Syrie; [251] Caïus aurait ainsi chaque jour la possibilité de débarquer et de s’embarquer, surtout s’il avait à sa suite des vaisseaux longs et non des vaisseaux de transport: les premiers, en effet, suivent les côtes avec plus d’avantage que les vaisseaux de transport qui ont de leur côté, en pleine mer, la supériorité. [252] Il était donc nécessaire de préparer dans toutes les villes de Syrie, principalement dans les villes maritimes, une abondance de provisions pour les hommes et de fourrages pour les bêtes. On s’attendait qu’une grande multitude viendrait par terre et par mer, non seulement de Rome et de l’Italie, mais des autres provinces, sans compter la foule des officiers du palais, des chefs militaires, des troupes de pied, des cavaliers, des forces navales, des valets dont le nombre serait égal à celui des soldats. [253] Ce n’était pas assez qu’on trouvât partout l’abondance, Caïus voulait tout à profusion.

« Lorsque l’Empereur aura lu cette lettre, il approuvera, pensait Petronius, ma prévoyance, car il croira que je me suis résolu à ce retard, non par intérêt pour les Juifs,[91] mais afin de laisser recueillir les fruits et les moissons. »

[254] Ceux qui l’entouraient ayant accueilli ce plan, Petronius fit écrire la lettre, qui fut remise à des messagers accoutumés à franchir rapidement de grandes distances.

A leur arrivée, les messagers remirent la lettre à Caïus. En la lisant il s’emporta; sa colère se manifestait à chaque mot. [255] Quand il eut achevé de la lire, il frappa ses mains l’une contre l’autre: « C’est bien, Petronius ! s’écria-t-il: tu n’as pas appris à obéir à l’Empereur; tu t’enorgueillis des charges que l’on t’a jusqu’ici continuées;[92] tu ne connais pas même de réputation Caïus, à ce qu’il paraît; tu le connaîtras bientôt. [256] Tu t’intéresses aux lois des Juifs, d’une nation qui m’abhorre et que je hais, tu méprises les ordres souverains de ton prince ! Tu as eu peur de la multitude; n’avais-tu pas dans les mains des troupes redoutées de l’Orient, des rois parthes eux-mêmes? Tu t’es laissé aller à la pitié; [257] Caïus a donc eu moins de pouvoir sur toi que la pitié! Tu prétextes la moisson ! Bientôt le fer moissonnera ta tête sans merci. Tu allègues la nécessité de faire des approvisionnements pour notre arrivée! Est-ce à dire que si la famine envahissait la Judée, les provinces voisines manqueraient à me fournir des vivres, et ne suppléeraient point par leurs produits à la disette d’une seule contrée? [258] Mais pourquoi retarder le châtiment? Pourquoi révéler aux autres ma volonté? Petronius recevra son salaire, et sera le premier à sentir sa ruine: cessons nos menaces, poursuivons notre vengeance. »

[259] Peu de temps après, il dicte à l’un de ses secrétaires une réponse à Petronius, approuve en apparence sa sagesse, sa prudence, sa sagacité à prévoir l’avenir. Caïus craignait beaucoup les gouverneurs; car il leur était facile de provoquer des séditions, surtout dans les provinces importantes, où il y avait de grandes armées, comme dans la Syrie, qui touche au pays de l’Euphrate. [260] Il le caressa donc dans cette lettre, couvrant de termes flatteurs son ressentiment implacable, jusqu’au moment propice pour le faire éclater.

Quelques jours étaient à peines écoulés que l’Empereur écrivit de nouveau à Petronius d’abandonner tout pour la dédicace de sa statue; que la moisson devait être faite, que les grains devaient être rentrés, et que son excuse, vraie ou feinte, n’existait plus.

[261] Peu après entra le roi Agrippa,[93] qui venait, comme à l’ordinaire, saluer Caïus. Il ne savait rien, ni de ce que Petronius avait écrit, ni de la première et de la seconde réponse de César; cependant, au désordre de ses mouvements, à l’égarement de ses yeux, il devina qu’il couvait une sourde colère. Il se mit à réfléchir en lui-même, et à repasser les plus petites circonstances, pour savoir s’il avait dit ou fait quelque chose qui pût offenser Caïus, [262] et, ne trouvant rien de tel, il songea naturellement que sa colère s’adressait à d’autres.

Toutefois, remarquant que c’était sur lui seul que se dirigeaient les regards courroucés de Caïus, il fut saisi de crainte. Plusieurs fois il voulut l’interroger et s’arrêta pour ne pas attirer sur soi, par une curiosité téméraire, des menaces dont il n’était pas assuré d’être l’objet. [263] Caïus, qui était habile à lire sur le visage de ceux qui l’approchaient leurs pensées secrètes et leurs sentiments, l’ayant vu dans cette hésitation et cette crainte: « Agrippa, lui dit-il, je vais te tirer d’embarras. [264] Toi qui as vécu dans ma familiarité si longtemps, ignores-tu que je m’exprime aussi bien par les yeux que par la voix? [265] Tes bons, tes honnêtes compatriotes, qui, seuls de tout le genre humain, refusent de considérer Caïus comme un dieu, veulent assurément s’attirer la mort par leur insolence. Sur l’ordre que j’ai donné de consacrer dans leur temple une statue à Jupiter, ils sont accourus en foule de la ville et du reste du pays, sous l’aspect de suppliants, mais en réalité pour braver ma volonté.[94] »

[266] Il allait en dire davantage, mais le saisissement fit changer le roi de couleur; il devint successivement rouge, pâle, livide; [267] un frisson le parcourut des pieds à la tête, accompagné d’un tremblement qui agitait tous ses membres. Les forces l’abandonnaient; il était sur le point de s’évanouir, et serait tombé si quelques-uns des assistants ne l’eussent soutenu. Suivant l’ordre qu’ils reçurent, ils le rapportèrent chez lui, privé de sentiment, plongé par ce coup terrible et soudain dans un assoupissement léthargique.

[268] L’irritation de Caïus contre les Juifs ne fit que s’accroître: « Si Agrippa, se dit-il, l’un de mes familiers et de mes meilleurs amis, que des bienfaits sans nombre m’ont attaché, se montre si soumis aux usages de son pays, qu’en entendant parler contre eux il tombe dans un anéantissement voisin de la mort, que faut-il attendre de ses compatriotes, qui n’ont aucune des raisons du roi pour céder à mes volontés? »

[269] Agrippa resta tout ce premier jour et la plus grande partie du jour suivant plongé dans un engourdissement profond, sans avoir conscience de ce qui se passait. Enfin, vers le soir, il souleva la tête, entrouvrit peine les paupières, et, promenant autour de lui des regards obscurcis, ne reconnut qu’imparfaitement ceux qui l’entouraient. [270] Il retomba dans sa torpeur, mais parut soulagé, car le repos qu’il prit était plus salutaire que le précédent, comme on put le juger sa respiration et à son aspect.

[271] Quelque temps après il s’éveilla, et dit: « Où suis-je? N’est-ce pas en présence de Caïus? L’Empereur n’est-il pas là? — [272] Rassure-toi, lui répondit-on, tu es chez toi. Caïus n’est pas là. Tu as assez dormi; accoude-toi sur ton lit; reconnais ceux qui t’entourent; ce sont tous des gens de ta maison, des amis, des affranchis, des serviteurs, des personnes qui te chérissent et que tu aimes. »

[273] Il commença à revenir à lui, et aperçut sur le visage des assistants la douleur qu’il leur inspirait. Les médecins firent retirer la foule afin de réparer les forces du roi par des onctions[95] et la nourriture dont il avait besoin. [274] « Pourquoi, dit-il, vous occuper de me préparer des mets raffinés? Ne suffit-il pas à un malheureux de chasser la faim par l’usage des aliments les plus vils? Je refuserais même ceux-ci, si je ne songeais à tenter un effort suprême en faveur de cette nation infortunée. » [275] Et il versa des larmes. Il prit quelque nourriture sans assaisonnement, refusa le vin, même trempé, et ne but que de l’eau. « Maintenant, ajouta-t-il, que ce misérable ventre a ce qu’il demandait, que me reste-t-il à faire, sinon à adresser d’humbles supplications à Caïus sur les affaires présentes? »

[276] Il prit des tablettes et écrivit ce qui suit:

« Si je ne m’adresse pas à toi de vive voix, seigneur, c’est que la crainte et le respect m’arrêtent; je fuis la menace, je suis ébloui de tant de majesté. [277] Cette lettre te fera donc mieux connaître les prières que je t’offre, suppliant, en place de rameau d’olivier.[96]

« Tous les hommes, ô Empereur, ont imprimés au cœur par la nature l’amour de leur pays et le respect des lois de leur patrie. Je n’ai pas besoin d’insister là-dessus: tu aimes ton pays, tu vénères religieusement ses institutions. Chacun, pour sa part, a ces choses à cœur et les considère, quand il n’en serait rien, comme ce qu’il y a de plus parfait et de meilleur au monde. C’est plutôt l’affection que la raison qui nous inspire de tels sentiments.

[278] « Comme tu le sais, je suis Juif d’origine; ma patrie, c’est Jérusalem, où est situé le temple vénéré du Dieu très Haut. J’ai eu pour aïeux et pour bisaïeux des rois dont la plupart exercèrent le souverain pontificat. Ils mettaient cette dignité au-dessus de celle du roi, dans la pensée qu’autant Dieu l’emporte sur l’homme, autant le pontificat l’emporte sur la royauté; l’un en effet regarde le service de Dieu, l’autre le gouvernement des hommes. [279] A cette nation, à cette patrie, à ce temple, pour lesquels je t’implore, des liens étroits me rattachent.

« Je t’implore pour la nation: ne la force pas d’abandonner ses sentiments sincères de dévouement pour des dispositions contraires. Elle a dès le commencement affectionné très fidèlement toute votre famille. [280] Autant que cela a été compatible avec le respect de nos lois, elle ne l’a cédé à aucune nation d’Europe ou d’Asie en empressement à offrir des prières et des dons, à immoler de nombreuses victimes, non seulement dans les fêtes publiques, mais encore chaque jour. Ce n’est pas des lèvres et de la langue que les Juifs témoignent leur vénération, ils produisent les sentiments les plus sincères et les plus profonds de leur cœur; ils ne disent pas qu’ils sont les amis des Césars; ils se montrent tels en réalité.

[281] « Il faut maintenant que je te parle de la ville sainte. C’est, comme je l’ai dit, ma patrie; elle est la métropole non pas d’une seule contrée, la Judée, mais de beaucoup d’autres, car elle a envoyé des colonies dans les pays environnants, l’Egypte, la Phénicie, la Syrie, la Coelé-Syrie, ou des pays plus éloignés, la Pamphylie, la Cilicie et la plupart des autres provinces de l’Asie, jusque dans la Bithynie et les parties les plus reculées du Pont. Elle en a même envoyé en Europe, dans la Thessalie, la Béotie, la Macédoine, l’Etolie, l’Attique, Corinthe et les principales contrées du Péloponnèse. [282] Et ce n’est pas seulement les provinces du continent qui sont, semées de nombreuses colonies juives, mais aussi les îles les plus célèbres, l’Eubée, Chypre, la Crète. Je ne parle pas de celles qui sont au-delà de l’Euphrate: à part une légère fraction de la Babylonie et de quelques autres satrapies, toutes les villes de ces contrées, qui ont un sol fertile, sont habitées par des Juifs.[97] [283] C’est pourquoi, si ma patrie peut obtenir ta grâce, tu auras acquis, en même temps que sa reconnaissance, des droits à celle d’un grand nombre de villes situées par tous pays, en Asie, en Afrique, en Europe, dans les îles, sur les côtes, dans les terres. [284] Il convient à la grandeur de ta fortune de t’attacher une foule de villes par les bienfaits que tu répandras sur une seule, de faire célébrer ta gloire dans toutes les parties du monde, de faire tout retentir des actions de grâces et des louanges que l’on te décernera.[98]

[285] « Tu as accordé aux compatriotes à quelques-uns de tes amis le droit de cité; les esclaves d’hier sont devenus aujourd’hui maîtres; ceux qui ont conféré ce bienfait s’en réjouissent autant que ceux à qui il a été accordé. [286] Moi aussi, je sais que j’ai un maître et seigneur, qui me compte au nombre de ses amis; pour la dignité, je ne le cède pas à beaucoup; pour l’affection que je lui porte, si je ne suis pas au premier rang, je ne sais pas à qui je pourrais le céder, [287] et cette affection est autant le résultat de la nature que des bienfaits dont tu m’as comblé. Cependant je ne pousse pas l’audace jusqu’à demander pour ma patrie le droit de cité, la liberté, l’exemption des impôts ou rien d’analogue. Ce que j’implore pour elle, ta bienveillance, te sera facile à donner et lui rendra le plus inappréciable des services. Quel plus grand bonheur peut-il survenir à des sujets que d’obtenir la faveur de leur prince?

[288] « C’est à Jérusalem que d’abord on apprit, ô Empereur, ton avènement tant souhaité. De la ville sainte la nouvelle se répandit aux provinces voisines. Jérusalem mérite d’obtenir ta faveur: [289] de même que, dans les familles, les aînés jouissent d’un privilège pour avoir les premiers donné à leurs parents les doux noms de père et de mère, de même aussi, puisque c’est la première des villes d’Orient qui te salua empereur, il est équitable de la traiter avec plus de bonté, ou du moins de ne pas la maltraiter plus que les autres.

[290] « Après t’avoir adressé des supplications que je crois légitimes pour ma patrie, j’arrive en dernier lieu à t’implorer pour le temple. Ce temple, seigneur Caïus, n’a jamais, depuis qu’il existe, admis une image fabriquée de main d’homme, car c’est la maison de Dieu. Les œuvres des peintres et des statuaires présentent les images de dieux qui tombent sous les sens,[99] mais nos ancêtres ont cru qu’il ne devait pas être permis de peindre ou de figurer l’Etre invisible.

 [291] « Agrippa, ton aïeul, a visité le temple et l’a honoré; Auguste a ordonné dans une lettre d’y laisser envoyer les prémices de toutes parts, il y a institué un sacrifice quotidien. [292] Julie, ta bisaïeule, l’a honoré également.[100] » Ni Grec, ni Barbare, ni satrape, ni roi, aucun ennemi, quelle qu’ait été sa rage, nulle sédition, nulle guerre, nulle captivité, nulle dévastation, nulle calamité, rien n’a pu, en violation de l’usage antique, faire entrer dans le temple une image fabriquée de main d’homme. [293] Nos voisins pourtant nous haïssent, mais le respect et la crainte ont toujours empêché qu’on ait violé une seule des anciennes coutumes qui intéressent l’honneur du Dieu, père et créateur de l’univers. On savait, d’ailleurs, qu’une telle violation ne pouvait attirer du ciel que des malheurs et d’affreux désastres; on redoutait, en semant l’impiété, de récolter la ruine.

[294] « Qu’ai-je besoin d’alléguer des témoignages étrangers lorsque j’en trouve dans ta propre famille? Marcus Agrippa, ton aïeul maternel,[101] vint en Judée, sous le règne d’Hérode, mon grand-père. Il ne dédaigna pas de quitter le littoral pour se rendre dans notre ville, située dans l’intérieur des terres. [295] Quand il eut vu le temple, les belles cérémonies sacerdotales, la sainteté des habitants, il trouva que c’était un spectacle merveilleux et supérieur à tout ce qu’on en pouvait dire. Dans ses entretiens avec ses familiers, il ne faisait que louer le temple et ce qui le concernait. [296] Aussi longtemps qu’Agrippa resta pour plaire à Hérode, il alla chaque jour au temple et se plut à contempler les pompes et l’ordonnance des sacrifices, la majesté du grand pontife, lorsque, revêtu de la robe sacrée, il marche à la tête des prêtres. [297] Après qu’il eut honoré le temple de tous les dons qu’il pouvait faire, après qu’il eut répandu sur les habitants les bienfaits que l’intérêt public permettait, il dit adieu à Hérode, lui adressa des félicitations et en fut comblé à son tour. Il fut reconduit à la mer par les populations, non pas de Jérusalem seulement, mais de toute la contrée, qui le couvraient de feuillage et de fleurs et célébraient sa piété.

[298] « Tibère César, ton autre aïeul, manifesta à notre égard les mêmes dispositions. On ne peut contester que, pendant les vingt-trois années de son règne, il maintint l’antique religion du temple sans changement, sans la moindre innovation. [299] Je dois le rappeler à sa louange, bien que sous son règne j’aie eu à souffrir mille maux; mais j’aime la vérité et je sais qu’elle t’est chère.

« Pilate, qui était procurateur de Judée, consacra à l’intérieur de Jérusalem, dans le palais d’Hérode, des boucliers d’or, moins pour honorer Tibère que pour déplaire au peuple. Ils ne portaient aucune image, ni rien qui fût expressément interdit, mais seulement une inscription contenant les noms de celui qui les avait dédiés et de celui auquel ils étaient consacrés. [300] La nouvelle s’en étant répandue, le peuple se rassembla et députa au procurateur les quatre fils du Roi qui, pour la dignité et le rang, ne le cédaient en rien aux rois;[102] on leur adjoignit les autres membres de la famille royale et tout ce qu’il y avait de hauts personnages pour le prier de renoncer à cette innovation et d’enlever les boucliers, de ne pas violer les usages de nos ancêtres, jusqu’alors respectés par les rois[103] et les empereurs. [301] Pilate opposa à ces prières un refus plein de raideur, car il était d’un caractère dur et opiniâtre.

« Alors on s’écria: « Ne nous provoque pas à la révolte et à la guerre; ne cherche pas à troubler la paix; ce n’est pas honorer l’Empereur que de violer des lois depuis longtemps établies; que ce ne soit pas un prétexte pour toi de persécuter la nation.

« Tibère ne veut rien changer à nos usages. Si tu le prétends, montre-nous de lui un édit, une lettre ou quelque chose de pareil. Dans ce cas nous ne nous adresserons pas à toi, nous enverrons des députés porter une supplique au seigneur. »

[302] « Cette dernière parole accrut son irritation plus que tout le reste. Il craignit que, si on envoyait des députés, on ne vint à découvrir les autres méfaits de son gouvernement, ses vexations, ses rapines, ses injustices, ses outrages, les citoyens qu’il avait fait périr sans jugement, enfin son insupportable cruauté. [303] Blessé au vif, Pilate ne savait que résoudre; il connaissait la fermeté de Tibère en de telles circonstances; il n’osait enlever les objets consacrés, et ne voulait pas d’ailleurs se rendre agréable à ses sujets.

« Les grands le devinèrent, et s’aperçurent qu’il se repentait de sa conduite, sans vouloir le témoigner. Ils écrivirent à Tibère une lettre remplie d’humbles prières. [304] L’Empereur, ayant appris la réponse de Pilate et ses menaces, bien qu’il fût peu enclin à la colère, s’irrita si violemment qu’il est à peine utile de le dire, tant l’événement le prouva. [305] Sur le champ, sans vouloir remettre l’affaire au lendemain, il lui écrivit pour blâmer énergiquement son audace et lui ordonner de faire aussitôt enlever les boucliers. De la métropole on les transporta à Césarée, à laquelle ton bisaïeul Auguste avait donné son nom,[104] et on les lui consacra dans son temple. De la sorte on accorda le respect dû au prince avec l’observance des mœurs antiques du pays.[105]

[306] C’était alors de boucliers sur lesquels il n’y avait aucune effigie qu’il s’agissait, aujourd’hui il s’agit d’une statue colossale; on avait placé ces boucliers dans la maison du procurateur, et l’on dit que la statue sera érigée au fond du sanctuaire, où le grand prêtre ne pénètre qu’une fois l’an, au temps du jeûne, uniquement pour brûler des parfums et faire, selon l’usage, des vœux afin que l’année soit bonne, qu’il y ait abondance de biens et que la paix règne sur toute la terre.[106] [307] Si quelque Juif, je ne dis pas du peuple, mais de la tribu sacerdotale, fût-il même proche du rang suprême, y entrait avec ou après le pontife, si le pontife lui-même une seconde fois dans l’année ou bien trois ou quatre fois dans ce jour solennel, franchissait l’enceinte sacrée, il serait impitoyablement puni de mort. [308] Le législateur a voulu entourer le sanctuaire d’un profond respect en le conservant intact, en le rendant inaccessible.

« Combien donc ne dois-tu pas penser que tu trouveras des gens qui, par respect pour le saint lieu, braveront volontairement la mort s’ils voient apporter dans le temple une statue? Je suis persuadé qu’après avoir égorgé leurs femmes et leurs enfants, ils s’immoleront eux-mêmes sur les cadavres de leurs victimes.

[309] « Je t’ai parlé des décrets de Tibère, mais que dirai-je de ceux de ton bisaïeul, le meilleur des empereurs, le premier qui, par ses vertus autant que par sa fortune, a mérité et obtenu le surnom d’Auguste, lui qui fit régner la paix sur terre et sur mer jusqu’aux extrémités du monde? [310] Ayant ouï dire de ce temple qu’il ne contenait aucun simulacre fabriqué de main d’homme, image visible de l’Etre invisible, il conçut pour lui une religieuse admiration. C’est qu’il n’avait pas effleuré du bout des lèvres la philosophie; il ne se passait point de jour qu’il ne nourrit son esprit de quelques-uns de ses préceptes, soit en se remémorant ce qu’il avait autrefois appris dans les écrits des philosophes, soit par la conversation des hommes savants avec lesquels il vivait. La plus grande partie du temps du repas était consacrée par lui à des conversations de cette sorte, afin de donner en même temps au corps et à l’âme leur nourriture propre. [311] Je pourrais rapporter plusieurs exemples qui témoignent de la bienveillance d’Auguste, ton bisaïeul, envers nous: je me contenterai d’en citer deux.

« Voici le premier: il apprit qu’on ne respectait pas les prémices sacrées. Il écrivit aux gouverneurs de la province d’Asie de laisser les Juifs, par exception, se rassembler dans leurs proseuques, [312] car ces réunions n’avaient pas pour but l’ivrognerie, l’orgie; ce n’étaient pas non plus de rassemblements séditieux faits pour troubler la paix, mais au contraire des écoles de sagesse et de justice où les hommes s’exercent à la vertu, recueillent chaque année des prémices destinées à offrir des sacrifices et les envoient à Jérusalem par l’intermédiaire d’une sainte députation. [313] Il voulut donc qu’on n’empêchât point les Juifs de pratiquer ces réunions, de faire ces collectes et de les envoyer, selon l’usage de leurs pères, à Jérusalem.

[314] « Si ce ne sont pas les propres termes de la lettre, telle en est du moins la pensée. Je transcris le texte d’une seule lettre qui te donnera, seigneur, foi en mes paroles; elle est de Caïus Norbanus Flaccus, et rapporte les recommandations d’Auguste:

[315] « C. Norbanus Flaccus, proconsul, aux magistrats d’Ephèse, salut.

« César m’a écrit de laisser les Juifs, en quelque lieu que ce soit, pratiquer leurs réunions suivant leurs anciens usages, et ramasser des sommes d’argent, pour les envoyer à Jérusalem. Il veut qu’on ne les entrave point. Je vous fais savoir que j’ordonne que cela soit exécuté. »

[316] « N’est-ce pas là, ô Empereur, la preuve manifeste de la bienveillance de César envers nous et des sentiments pieux qu’il avait pour le temple, puisqu’il autorise les Juifs à célébrer publiquement leurs réunions pour la collecte des prémices et les autres devons de la dévotion?

[317] «Voici le second témoignage, non moins important, de la pensée d’Auguste. Il voulut que sur ses propres revenus on offrit chaque jour en holocauste et suivant les rites des victimes au Dieu très Haut. On les offre encore aujourd’hui: ces victimes sont un taureau et deux agneaux, que César destina à notre autel; il savait bien pourtant qu’il n’y avait là aucun simulacre, ni apparent, ni caché. [318] Ce grand prince, que personne ne surpassa en science et en sagesse, avait compris la nécessité qu’il existât sur la terre un temple dédié au Dieu invisible, ne contenant aucune image, où les hommes viendraient chercher l’espérance et la jouissance des plus grands biens.

[319] « Ta bisaïeule, Julia Augusta,[107] suivit cet exemple de piété et orna le temple de vases, de coupes d’or et d’autres présents sans nombre et très précieux. Pourquoi cela? Il n’y avait cependant en ce lieu nul simulacre, et les esprits relativement faibles des femmes ne peuvent rien concevoir que ce qui tombe sous les sens. [320] C’est que, si elle surpassait son sexe en tout, elle le surpassait surtout en sagesse et avait acquis par l’étude et la contemplation ce que la nature semblait lui refuser; c’est qu’elle s’était formé une raison virile et en était arrivée à ce point de lucidité qu’elle percevait plutôt les choses de l’intelligence que les choses des sens, considérant celles-ci comme les ombres des premières.

[321] « Puisque tu as, seigneur, dans ta famille tant d’exemples des bonnes dispositions de tes ancêtres à notre égard, toi leur descendant, l’héritier de leur souveraine puissance, tu maintiendras ce qu’ils ont tous sans exception maintenu. [322] Ceux qui intercèdent pour nos lois, ce sont des Empereurs auprès d’un Empereur, des Augustes auprès d’un Auguste, des aïeux et des bisaïeux auprès d’un petit-fils. Les voici tous devant toi pour te dire: « N’abolis pas les usages des Juifs que nous avons maintenus jusqu’à présent dans nos édits; il se peut que rien de funeste ne suive la violation de leurs lois, néanmoins l’incertitude de l’avenir doit enlever l’assurance aux plus hardis, s’ils n’ont pas renoncé à toute crainte de Dieu! »

[323] « Si je voulais énumérer les bienfaits dont tu m’as comblé, le reste du jour ne me suffirait pas; d’ailleurs il ne serait pas convenable qu’un incident prit la place du sujet principal. Je me tairai donc là-dessus: les faits parlent assez haut d’eux-mêmes. [324] Tu m’as arraché des fers; qui l’ignore? Ne me charge pas, ô Empereur, de chaînes plus lourdes encore: les premières n’accablaient qu’une partie de mon corps, mais celles que je redoute s’appesantiraient sur mon âme tout entière. [325] Tu m’as délivré de l’appréhension de la mort que j’avais sans cesse sous les yeux; la crainte m’avait mis, pour ainsi dire, au tombeau; tu m’as rendu à la vie et tiré du sépulcre. O Empereur, continue-moi ta faveur si tu veux que ton Agrippa ne renonce pas à la vie. Autrement il semblera que j’aurai été sauvé, non pour vivre, mais pour arriver à travers de cruelles infortunes à une ruine plus éclatante. [326] Tu m’as donné un trône et porté au faite des grandeurs humaines; mon royaume n’excédait pas d’abord les limites d’une seule contrée; tu m’en as donné bientôt une seconde plus grande, la Trachonitide et la Galilée. Seigneur, tu as accru mon royaume d’une domination superflue, ne m’enlève pas ce qui m’est nécessaire; tu m’as rendu à l’éclat éblouissant du jour, ne me replonge pas au plus profond des ténèbres.

[327] « J’abandonne ces splendeurs, je reprends mon ancienne condition, je consens à tout et ne demande en retour qu’une seule chose, c’est qu’on respecte les institutions de ma patrie.

« Et que diront de moi ceux de ma nation et tous les autres hommes? Il arrivera de deux choses l’une, ou que je trahirai les miens, ou que je ne serai plus compté au nombre de tes amis. [328] Quel malheur plus grand que l’une ou l’autre de ces deux extrémités peut me survenir?

« Si je reste au nombre de tes amis, on m’accusera de trahison, pour n’avoir pas défendu mon pays et préservé le temple de la profanation: car, vous autres puissants, vous servez d’ordinaire les intérêts de vos amis qui ont recours à votre souveraine influence.

 [329] « Si tu te courrouces en ton cœur contre moi, ne m’enchaîne pas comme l’a fait Tibère, délivre-moi pour toujours de la crainte de porter de nouveau des fers, fais-moi tuer tout de suite. Quel charme trouverai-je désormais à la vie? Je n’ai plus qu’un espoir de salut, c’est ton amitié.[108] »

[330] Cette lettre fut scellée et envoyée à Caïus. Agrippa, renfermé chez lui, attendait dans les transes de l’angoisse, l’issue de sa tentative. Le danger était immense: il y allait de la vie, de la destruction, de l’anéantissement, non seulement des Juifs qui habitent la Terre Sainte, mais encore de tous ceux qui sont dispersés dans le monde entier.

[331] Caïus, ayant reçu la lettre, se mit à la lire, et, à chaque passage, tantôt il s’irritait de la résistance qu’il rencontrait, tantôt se laissait fléchir au bon droit de la cause et aux supplications. Il louait et blâmait tour à tour Agrippa; [332] il le blâmait d’aimer à l’excès ses compatriotes qui étaient de tous les hommes les seuls à lui refuser les honneurs divins; il le louait d’exprimer librement sa pensée et trouvait là, disait-il, l’indice d’un caractère généreux.

[333] Il parut s’apaiser et donna une réponse favorable. Il accorda à Agrippa (c’était la plus grande faveur qu’il pût attendre) qu’on ne ferait pas la dédicace de la statue. Il donna ordre d’écrire à Publius Petronius, gouverneur de Syrie, de ne faire aucune innovation dans le temple des Juifs. [334] Sa grâce toutefois ne fut pas complète, il la mélangea de terreur en ajoutant à la lettre « Si dans les villes de la contrée, à l’exception de la métropole, quelqu’un empêchait ceux qui voudraient élever à moi et aux miens des autels, des temples, des statues, qu’il soit sur le champ puni ou envoyé à mon tribunal. »

[335] Ce n’était rien moins qu’un brandon de révolte et de guerre civile; c’était détruire, par une voie détournée, la faveur qu’ouvertement on affectait de nous accorder. On calculait en effet que nos ennemis, bien plus en haine des Juifs qu’en l’honneur de Caïus, rempliraient tout le pays de dédicaces, que les Juifs de leur côté, de quelque patience qu’ils fussent armés, ne souffriraient point qu’on violât sous leurs yeux les usages de leur patrie, et qu’enfin un acte de résistance attirerait un sévère châtiment de l’Empereur et ferait renouveler l’ordre de lui dédier une statue dans le temple.

[336] Mais, grâce à la Providence, à la protection de Celui qui veille à tout et gouverne avec justice, aucun de nos voisins ne fit contre nous de tentative, en sorte que les Juifs purent se rassurer sur les terribles calamités qui semblaient, à la première dénonciation, prêtes à fondre sur eux pour les accabler.

[337] « Mais en quoi, dira-t-on, cette tranquillité de vos voisins vous fut-elle profitable? Caïus, lui, ne s’apaisa point ! » — Il se repentit en effet d’avoir cédé, et revint à son premier désir. Il fit faire à Rome[109] une autre statue colossale d’airain doré et abandonna celle de Sidon, dans la crainte d’un mouvement populaire. Il voulait profiter du moment où les Juifs seraient paisibles, sans défiance, dans le plus grand calme, pour la transporter en secret sur des vaisseaux et la placer soudain dans le temple, avant qu’on se doutât de rien. [338] Il devait mettre ce plan à exécution dans le voyage qu’il ferait en Egypte, car il était pris d’une vive passion pour Alexandrie, il avait le plus grand désir de la visiter et d’y faire un long séjour. Il se persuadait qu’il suffisait de cette grande cité, si heureusement située, pour consacrer et affermir la divinisation qu’il rêvait; que le culte qu’elle ne manquerait pas de lui rendre passerait de là dans les autres cités moins importantes, les petites villes d’ordinaire se modelant sur les grandes, comme il arrive chez les hommes.

[339] Telles étaient, en toute chose, sa fourberie et sa trahison que, quand il avait fait une grâce, il s’en repentait toujours, et cherchait à la détruire de manière à rendre le mal pire qu’auparavant. [340] Ainsi il lui arriva de donner la liberté à des prisonniers, puis, bientôt après, sans le moindre prétexte, de les replonger dans les fers, les affligeant d’un malheur plus affreux que le premier, puisqu’il leur ôtait l’espérance.

[341] Il y en eut qu’il condamna à l’exil tandis qu’ils s’attendaient à mourir, non qu’ils eussent commis un crime capital, ou même rien qui méritât la peine la plus légère, mais parce que la cruauté de leur juge leur avait enlevé tout espoir. Infortunés, qui considéraient l’exil comme un adoucissement imprévu à leurs maux, et s’en réjouissaient autant que s’ils fussent rentrés dans leur patrie, pensant avoir échappé à la mort qu’ils avaient redoutée! [342] Mais peu de temps après, sans qu’ils songeassent à conspirer, Caïus envoya secrètement des soldats pour tuer les plus nobles et les plus illustres dans les îles où ils vivaient comme dans leur pays, portant courageusement leur misère. Ce fut à Rome un deuil inattendu au sein des plus grandes familles.[110]

[343] Il y en eut auxquels il fit présent de sommes d’argent qu’il leur réclama ensuite, non point seulement comme les ayant prêtées, et avec tous les profits de l’usure, mais comme un vol, dont ils étaient punis sévèrement.[111] Il ne lui suffisait pas de faire rendre aux malheureux ce qu’il leur avait donné, il les obligeait, en outre, à se dépouiller de tous les biens acquis par leur propre industrie ou que leurs parents, leurs proches, leurs amis, leur avaient légués. [344] Quant à ceux qui se croyaient le plus avant dans ses bonnes grâces, ils avaient à supporter d’agréables vexations d’une autre sorte: sous prétexte d’amitié ou leur imposait des frais énormes pour subvenir à des voyages sans motif, insensés, soudains, ou à des banquets. Telle était la somptuosité exigée qu’un seul souper dévorait une fortune et qu’il fallait recourir à des prêts usuraires. [345] Aussi arriva-t-il que bien des gens redoutaient sa faveur non seulement comme inutile, mais comme un appât dangereux, une embûche qui couvrait les plus grands malheurs.

[346] L’inconstance dont il usa envers notre nation ne fut donc pas exceptionnelle. Mais il est vrai de dire qu’il détestait les Juifs par-dessus tout. Pour satisfaire cette haine, il s’appropria les proseuques qu’ils avaient dans les villes, en commençant par celles d’Alexandrie,[112] et les remplit d’images et de statues à son effigie. Nul n’osant lui résister, il s’abandonna sans frein à l’entraînement de sa puissance. Un seul temple, entouré du plus profond respect, était resté jusque-là sans profanation, le temple de la ville sainte; il voulut se l’approprier également et qu’on le lui dédiât avec cette inscription: A CAIUS, LE NOUVEAU JUPITER ÉPIPHANE.[113]

[347] Qu’est-ce à dire? toi qui n’es qu’un homme il te faut l’espace éthéré, le ciel? Tu n’as pas assez d’un empire qui s’étend sur tant de provinces, tant d’îles, tant de peuples? Ne daigneras-tu pas laisser à Dieu le moindre endroit ici-bas? Si tu lui refuses une contrée, une ville, accorde-lui du moins le modeste sanctuaire qu’il a consacré et sanctifié par sa propre parole. Il ne restera donc sur le globe aucun vestige, aucun monument de la piété et du respect qui sont dus au Dieu véritable? [348] Quelle belle espérance tu fais concevoir de toi au genre humain ! Ne sais-tu pas que tu ouvres la source de tous les maux, en voulant accomplir ce qu’il est criminel de faire et même d’imaginer?

[349] ……………. [114]Il nous semble à propos de raconter ce que nous avons vu et entendu lors de l’ambassade dont nous fûmes chargés pour défendre nos droits politiques.

En l’abordant, à son regard, à ses mouvements, nous reconnûmes que nous étions en présence non pas d’un juge, mais d’un accusateur et d’un ennemi plus acharné que tous les autres. [350] Le devoir d’un juge, en effet, eût été de siéger au milieu des grands, formant son conseil, afin d’y examiner le débat solennel qui, pour la première fois depuis un intervalle de quatre cents ans, s’élevait sur nos droits jusque-là incontestés et intéressait tant de milliers de Juifs alexandrins; le devoir eût été d’appeler les deux parties, d’entendre successivement l’accusation et la défense, en leur mesurant également le temps à la clepsydre, puis de se lever, de prendre l’avis du conseil pour arrêter la sentence équitable qu’il fallait publiquement prononcer. [351] Loin de là, Caïus se conduisit avec une insolence tyrannique et une arrogance outrageante; il dédaigna toutes les mesures dont je viens de parler.

Caïus fit venir les deux intendants des jardins de Mécène et de Lamia, qui sont voisins l’un de l’autre et proches de la ville. Il demeura trois ou quatre jours en ce lieu. C’était là que, nous présents, devait se jouer le drame qui allait décider du sort de toute la nation. L’Empereur avait donné l’ordre qu’on lui ouvrit toutes les villas; il avait l’intention de les visiter soigneusement l’une après l’autre.

[352] On nous mena vers lui. Aussitôt que nous fûmes en sa présence, nous nous prosternâmes à terre avec les marques du plus grand respect; nous le saluâmes des noms d’empereur et d’Auguste. Il nous rendit notre salut avec tant d’aménité que ce ne fut pas de notre cause, mais bien de notre vie elle-même, qu’il nous fallut désespérer. [353] Ce fut en grinçant des dents du ton de l’insulte qu’il nous dit:

« N’êtes-vous pas ces gens, ennemis des dieux, qui, seuls, quand tous les hommes reconnaissent ma divinité, me méprisez et préférez à mon culte celui de votre Dieu sans nom? » En même temps il leva les mains au ciel et proféra un blasphème qu’il n’est pas permis d’entendre, à plus forte raison de répéter.

[354] Ce fut une grande joie pour les députés, nos adversaires, qui, sur ce premier mot de Caïus, pressentirent leur triomphe. Transportés de joie, ils lui prodiguent tous les noms des dieux. [355] Isidore, âpre calomniateur, le voyant enivré de ces titres qui l’élevaient au-dessus de l’humanité: « Seigneur, lui dit-il, tu les détesterais encore davantage, eux et leurs pareils, si tu connaissais toute leur haine et leur irrévérence envers toi. Lorsque tout le genre humain offrait des victimes pour ta guérison, eux seuls ont refusé de faire des sacrifices. Je ne dis point cela seulement de ceux-ci, je parle de tous les Juifs. »

[356] Tous d’une voix nous nous écriâmes « Seigneur Caïus, on nous calomnie ! nous avons sacrifié et immolé des hécatombes dont le sang a été répandu autour de l’autel, bien que nous n’ayons pas, selon la coutume de certaines gens,[115] rapporté les chairs dans nos maisons pour les faire servir à nos repas, et que nous ayons abandonné entièrement les victimes au feu sacré, et cela non pas une fois, mais à trois reprises: d’abord à ton avènement, ensuite lorsque tu as échappé à cette grave maladie qui répandit le deuil sur toute la terre, enfin pour obtenir que tu revinsses triomphant des Germains. — [357] Soit, répondit-il, la chose est vraie; vous avez fait des sacrifices, mais à un autre, et ce n’était pas pour moi. Que m’importent vos sacrifices, s’ils ne s’adressaient pas à moi? » Un frisson, parti du fond du cœur, nous monta par tout le corps en entendant pour la première fois un tel langage.

[358] En parlant ainsi il parcourait les villas, visitant les appartements destinés aux hommes, les pièces réservées aux femmes, examinant les planchers, les plafonds, critiquant les défauts de certaines constructions, demandant qu’on refit avec plus de splendeur ce qui n’était point à son gré. [359] Nous le suivions en haut, nous le suivions en bas, en butte aux plaisanteries et aux outrages de nos adversaires, comme dans une farce de théâtre. N’était-ce pas là, d’ailleurs, une sorte de comédie où le juge avait pris le rôle d’accusateur, où les accusateurs jouaient le rôle d’un mauvais juge, qui oublie l’équité pour ne songer qu’à sa rancune?

[360] Or, quand c’est le juge, et un juge tout puissant qui accuse, le silence est une nécessité; il devient même un système de défense. C’était le seul praticable pour nous; car nous n’avions rien à répondre aux accusations dont il cherchait à nous charger, la crainte de voir nos lois et notre peuple anéantis enchaînait notre langue et nous fermait la bouche.

[361] Quand il eut donné les ordres relatifs aux constructions, il nous fit une grande et grave question:

« Pourquoi ne mangez-vous pas de porc? » Cela souleva un grand éclat de rire chez nos adversaires, dont les uns se réjouissaient, dont les autres, mendiant la faveur du maître, applaudissaient comme à un mot spirituel et piquant. Ce fut au point que des officiers du palais se montrèrent fâchés de cette attitude irrespectueuse auprès de l’Empereur, devant lequel il était à peine permis de sourire, même aux familiers les plus intimes. [362] Nous répondîmes que les usages variaient avec les pays, et qu’à nos adversaires comme à nous l’usage de certaines choses était interdit. Quelqu’un ajouta que beaucoup de personnes ne mangent pas de la viande d’agneau, qui est pourtant si commune. [363] « C’est avec raison, dit Caïus en riant, car elle ne vaut rien. » En nous voyant ainsi le jouet du sarcasme et de l’outrage, nous demeurâmes interdits.

A la fin sa colère éclate: « Nous voulons, nous dit-il, connaître vos droits et savoir quelle est votre organisation politique. » [364] Nous commençons à lui donner l’explication qu’il demande; mais, sentant la justice de nos raisons et qu’il lui en faudrait tenir compte, sans nous laisser le temps de lui en alléguer de plus graves encore, il nous interrompt pour se précipiter dans une vaste maison, il en fait le tour et ordonne d’en fermer de tous côtés les baies avec du verre blanc, semblable aux pierres spéculaires[116] qui laissent passer la lumière et arrêtent le vent et l’ardeur du soleil. [365] Puis il revient à nous plus calme, et d’un ton radouci nous demande: « Que disiez-vous? »

Pour la seconde fois nous nous mettons à lui exposer l’affaire en la résumant, pour la seconde fois il nous quitte et s’élance dans une maison où il commande de placer d’anciennes peintures. [366] Voyant notre plaidoyer ainsi traîné en longueur, interrompu, morcelé, nous fûmes gagnés par la lassitude et le désespoir; nous nous attendions à la mort, nous étions hors de nous-mêmes. L’angoisse alors monta de notre cœur comme un appel suprême vers le vrai Dieu pour le supplier d’apaiser la colère de ce faux dieu. Le Seigneur eut pitié de nous et tourna son âme à la clémence. [367] Caïus se radoucit et dit: « Ces imbéciles me semblent plus à plaindre qu’à blâmer, de ne vouloir pas croire que je participe à la nature divine. » Là-dessus il nous quitta et ordonna de nous laisser aller.

[368] Nous sortons de ce lieu où nous avions trouvé en place d’un tribunal un théâtre et une prison; car, comme sur un théâtre, nous avions été en proie au persiflage, au sarcasme, aux plaisanteries outrageantes, comme dans une prison nous avions reçu des coups qui nous avaient traversé les entrailles, nous avions subi des tortures dont toute notre âme était meurtrie en entendant l’Empereur proférer contre Dieu des blasphèmes, et contre nous de terribles menaces. Il fût aisément revenu à d’autres sentiments, si l’unique motif de sa haine contre nous n’avait été la persuasion où il était que les Juifs seuls n’applaudiraient point à son désir de divinisation et ne pouvaient y souscrire.

[369] Nous respirions, à peine !

Ce n’était pas que, par amour de la vie, il nous eût répugné de mourir. Au contraire, nous eussions accueilli avec joie la mort comme une immortalité si nous avions pensé qu’elle profitât en quelque chose à nos lois. Mais nous savions que notre perte eût été inutile, et plus qu’inutile, ignominieuse au judaïsme; car l’échec des ambassadeurs retombe toujours sur ceux qui les envoient. Nous pûmes donc voir là un allégement à nos maux.

[370] Pour le reste nous demeurions sous le coup de la frayeur et de l’inquiétude; nous nous disions:

« Prendra-t-il connaissance de l’affaire? Quel sera son avis? Quelle sentence prononcera-t-il? Loin d’avoir entendu la cause entière, il a même refusé d’en écouter un petit nombre de détails. Quel souci de songer que sur nous seuls, les cinq députés d’Alexandrie, pèse d’un poids immense le danger qui menace tous les Juifs en tous lieux ! [371] S’il se déclare pour nos ennemis, aucune ville ne sera sans troubles; il n’y en aura pas une seule où l’on ne persécute les colonies juives, où l’on ne souille les proseuques. C’est la ruine des droits qui protègent quiconque vit selon les lois juives,[117] c’est la destruction, le naufrage, l’anéantissement des privilèges que notre nation possède dans chaque cité. » [372] Telles étaient les tristes pensées dont nous étions, pour ainsi dire, submergés.

Ceux qui jusque-là avaient paru se mêler de nos affaires nous avaient abandonnés, et n’avaient pas attendu la fin de l’audience pour sortir,[118] dans la crainte que faisait naître en eux la certitude que Caïus se déclarerait en faveur de ceux qui confessaient sa divinité.

[373] Nous avons exposé brièvement la cause de la haine que Caïus portait à toute la nation juive; il nous reste à dire la défense que nous employâmes auprès de lui.[119]……………………………………………...………….


 


 

 ΑΡΕΤΩΝ ΠΡΩΤΟΝ Ο ΕΣΤΙ ΤΗΣ ΑΥΤΟΥ ΠΡΕΣΒΕΙΑΣ ΠΡΟΣ ΓΑΙΟΝ.

[1] Ἄχρι τίνος ἡμεῖς οἱ γέροντες ἔτι παῖδές ἐσμεν, τὰ μὲν σώματα χρόνου μήκει πολιοί, τὰς δὲ ψυχὰς ὑπ´ ἀναισθησίας κομιδῇ νήπιοι, νομίζοντες τὸ μὲν ἀσταθμητότατον, τὴν τύχην, ἀκλινέστατον, τὸ δὲ παγιώτατον, τὴν φύσιν, ἀβεβαιότατον; Ὑπαλλαττόμεθα γὰρ καθάπερ ἐν ταῖς πεττείαις τὰς πράξεις μετατιθέντες, οἰόμενοι τὰ μὲν τυχηρὰ μονιμώτερα εἶναι τῶν φύσει, τὰ δὲ κατὰ φύσιν ἀβεβαιότερα τῶν τυχηρῶν.

[2] Αἴτιον δὲ τὸ τὰ παρόντα βραβεύειν ἀπροοράτως τῶν μελλόντων ἔχοντας, αἰσθήσει πεπλανημένῃ χρωμένους πρὸ διανοίας ἀπλανοῦς· ὀφθαλμοῖς μὲν γὰρ τὰ ἐν φανερῷ καὶ ἐν χερσὶ καταλαμβάνεται, λογισμὸς δὲ φθάνει καὶ πρὸς τὰ ἀόρατα καὶ μέλλοντα, οὗ τὴν ὄψιν ὀξυωπεστέραν οὖσαν τῆς δι´ ὀμμάτων σώματος ἀμαυροῦμεν, οἱ μὲν ἀκράτῳ καὶ πλησμοναῖς ὑποσυγχέοντες, οἱ δὲ τῷ μεγίστῳ τῶν κακῶν, ἀμαθίᾳ.

[3] Πλὴν ὁ παρὼν καιρὸς καὶ αἱ κατ´ αὐτὸν κριθεῖσαι πολλαὶ καὶ μεγάλαι ὑποθέσεις, κἂν εἰ ἄπιστοι γεγόνασί τινες τοῦ προνοεῖν τὸ θεῖον ἀνθρώπων, καὶ μάλιστα τοῦ ἱκετικοῦ γένους, ὃ τῷ πατρὶ καὶ βασιλεῖ τῶν ὅλων καὶ πάντων αἰτίῳ προσκεκλήρωται, ἱκαναὶ {τοῦ} πεῖσαι αὐτούς. [4] Τοῦτο δὲ τὸ γένος Χαλδαϊστὶ μὲν Ἰσραὴλ καλεῖται, Ἑλληνιστὶ δὲ ἑρμηνευθέντος τοῦ ὀνόματος « Ὁρῶν θεόν » , ὅ μοι δοκεῖ πάντων χρημάτων ἰδίων τε καὶ κοινῶν εἶναι τιμιώτατον.

[5] Εἰ γὰρ πρεσβυτέρων ἢ ὑφηγητῶν ἢ ἀρχόντων ἢ γονέων ὄψις κινεῖ τοὺς βλέποντας πρὸς αἰδῶ καὶ εὐκοσμίαν καὶ σώφρονος βίου ζῆλον, πόσον τι νομίζομεν ἀρετῆς ἕρμα καὶ καλοκαγαθίας ἀνευρήσειν ἐν ψυχαῖς, αἳ τὸ γενητὸν πᾶν ὑπερκύψασαι τὸ ἀγένητον καὶ θεῖον ὁρᾶν πεπαίδευνται, τὸ πρῶτον ἀγαθὸν καὶ καλὸν καὶ εὔδαιμον καὶ μακάριον, εἰ δὲ δεῖ τἀληθὲς εἰπεῖν, τὸ κρεῖττον μὲν ἀγαθοῦ, κάλλιον δὲ καλοῦ, καὶ μακαριότητος μὲν μακαριώτερον, εὐδαιμονίας δὲ αὐτῆς εὐδαιμονέστερον, καὶ εἰ δή τι τῶν εἰρημένων τελειότερον.

[6] Οὐ γὰρ φθάνει προσαναβαίνειν ὁ λόγος ἐπὶ τὸν ἄψαυστον καὶ ἀναφῆ πάντῃ θεόν, ἀλλ´ ὑπονοστεῖ καὶ ὑπορρεῖ κυρίοις ὀνόμασιν ἀδυνατῶν ἐπιβάθρᾳ χρῆσθαι πρὸς δήλωσιν, οὐ λέγω τοῦ ὄντος - οὐδὲ γὰρ ὁ σύμπας οὐρανὸς ἔναρθρος φωνὴ γενόμενος εὐθυβόλων καὶ εὐσκόπων εἰς τοῦτο ἂν εὐποροίη ῥημάτων - ἀλλὰ τῶν δορυφόρων αὐτοῦ δυνάμεων, κοσμοποιητικῆς τε καὶ βασιλικῆς καὶ προνοητικῆς καὶ τῶν ἄλλων ὅσαι εὐεργέτιδές τε καὶ κολαστήριοι, [7] εἰ καὶ τὰς κολαστηρίους ἐν εὐεργέτισι τακτέον, οὐ μόνον ἐπειδὴ νόμων καὶ θεσμῶν εἰσι μοῖραι - νόμος γὰρ ἐκ δυοῖν συμπληροῦσθαι πέφυκε, τιμῆς ἀγαθῶν καὶ πονηρῶν κολάσεως - , ἀλλ´ ὅτι καὶ ἡ κόλασις νουθετεῖ καὶ σωφρονίζει πολλάκις μὲν καὶ τοὺς ἁμαρτάνοντας, εἰ δὲ μή, πάντως γοῦν τοὺς πλησιάζοντας· αἱ γὰρ ἑτέρων τιμωρίαι βελτιοῦσι τοὺς πολλοὺς φόβῳ τοῦ μὴ παραπλήσια παθεῖν.

[8] Τίς γὰρ ἰδὼν Γάιον μετὰ τὴν Τιβερίου Καίσαρος τελευτὴν παρειληφότα τὴν ἡγεμονίαν πάσης γῆς καὶ θαλάσσης ἀστασίαστον καὶ εὔνομον καὶ πᾶσι τοῖς μέρεσιν ἡρμοσμένην εἰς τὸ σύμφωνον, ἑῴοις, ἑσπερίοις, μεσημβρινοῖς, ἀρκτικοῖς - τοῦ μὲν βαρβαρικοῦ γένους τῷ Ἑλληνικῷ, τοῦ δ´ Ἑλληνικοῦ τῷ βαρβαρικῷ, καὶ τοῦ μὲν στρατιωτικοῦ τῷ κατὰ πόλεις, τοῦ δὲ πολιτικοῦ τῷ στρατευομένῳ συμφρονήσαντος εἰς μετουσίαν καὶ ἀπόλαυσιν εἰρήνης - [9] οὐκ ἐθαύμασε καὶ κατεπλάγη τῆς ὑπερφυοῦς καὶ παντὸς λόγου κρείττονος εὐπραγίας, ἐξ ἑτοίμου τἀγαθὰ ἀθρόα σωρηδὸν κεκληρονομηκότα, παμπληθεῖς θησαυροὺς χρημάτων, ἄργυρον καὶ χρυσόν, τὸν μὲν ὡς ὕλην, τὸν δὲ ὡς νόμισμα, τὸν δὲ ὡς προκόσμημα δι´ ἐκπωμάτων καί τινων ἑτέρων ἃ πρὸς ἐπίδειξιν τεχνιτεύεται, παμπληθεῖς δυνάμεις, πεζάς, ἱππικάς, ναυτικάς, προσόδους ὥσπερ ἐκ πηγῶν ἀενάῳ τινὶ φορᾷ χορηγουμένας. [10] Ἀρχὴν οὐχὶ τῶν πλείστων καὶ ἀναγκαιοτάτων μερῶν τῆς οἰκουμένης, ἃ δὴ καὶ κυρίως ἄν τις οἰκουμένην εἴποι, δυσὶ ποταμοῖς ὁριζομένην, Εὐφράτῃ τε καὶ Ῥήνῳ, τῷ μὲν ἀποτεμνομένῳ Γερμανίαν καὶ ὅσα θηριωδέστερα ἔθνη, Εὐφράτῃ δὲ Παρθυηνὴν καὶ τὰ Σαρματῶν γένη καὶ Σκυθῶν, ἅπερ οὐχ ἧττον ἐξηγρίωται τῶν Γερμανικῶν, ἀλλ´, ὡς εἶπον ἤδη, τὴν ἀφ´ ἡλίου ἀνιόντος ἄχρι δυομένου τήν τε ἐντὸς ὠκεανοῦ καὶ ὑπερωκεάνιον;

Ἐφ´ οἷς ὅ τε Ῥωμαίων δῆμος ἐγεγήθει καὶ πᾶσα Ἰταλία τά τε Ἀσιανὰ καὶ Εὐρωπαῖα ἔθνη. [11] Ὡς γὰρ ἐπ´ οὐδενὶ τῶν πώποτε γενομένων αὐτοκρατόρων ἅπαντες ἠγάσθησαν, κτῆσιν καὶ χρῆσιν ἰδίων τε καὶ κοινῶν ἀγαθῶν οὐκ ἐλπίζοντες ἕξειν, ἀλλ´ ἔχειν ἤδη νομίζοντες πλήρωμά τινος εὐτυχίας, ἐφεδρευούσης εὐδαιμονίας. [12] Οὐδὲν γοῦν ἦν ἰδεῖν ἕτερον κατὰ πόλεις ἢ βωμούς, ἱερεῖα, θυσίας, λευχειμονοῦντας, ἐστεφανωμένους, φαιδρούς, εὐμένειαν ἐξ ἱλαρᾶς τῆς ὄψεως προφαίνοντας, ἑορτάς, πανηγύρεις, μουσικοὺς ἀγῶνας, ἱπποδρομίας, κώμους, παννυχίδας μετ´ αὐλῶν καὶ κιθάρας, τέρψεις, ἀνέσεις, ἐκεχειρίας, παντοίας ἡδονὰς διὰ πάσης αἰσθήσεως. [13] Τότε οὐ πλούσιοι πενήτων προύφερον, οὐκ ἔνδοξοι ἀδόξων, οὐ δανεισταὶ χρεωστῶν, οὐ δεσπόται δούλων περιῆσαν, ἰσονομίαν τοῦ καιροῦ διδόντος, ὡς τὸν παρὰ ποιηταῖς ἀναγραφέντα Κρονικὸν βίον μηκέτι νομίζεσθαι πλάσμα μύθου διά τε τὴν εὐθηνίαν καὶ εὐετηρίαν τό τε ἄλυπον καὶ ἄφοβον καὶ τὰς πανοικίας ὁμοῦ καὶ πανδήμους μεθ´ ἡμέραν τε καὶ νύκτωρ εὐφροσύνας, αἳ μέχρι μηνῶν ἑπτὰ τῶν πρώτων ἄπαυστοι καὶ συνεχεῖς ἐγένοντο.

[14] Τῷ δὲ ὀγδόῳ κατασκήπτει βαρεῖα νόσος τῷ Γαΐῳ τὴν πρὸ μικροῦ δίαιταν, ὅτε ἔζη Τιβέριος, εὐκολωτέραν καὶ διὰ τοῦτο ὑγιεινοτέραν οὖσαν εἰς πολυτέλειαν μεθαρμοσαμένῳ. Πολὺς γὰρ ἄκρατος καὶ ὀψοφαγίαι καὶ ἐπὶ πλήρεσι τοῖς ὄγκοις ἀπλήρωτοι ἐπιθυμίαι θερμολουσίαι τε ἄκαιροι καὶ ἔμετοι καὶ εὐθὺς πάλιν οἰνοφλυγίαι καὶ ἔφεδροι γαστριμαργίαι, λαγνεῖαι διὰ παίδων καὶ γυναικῶν, καὶ ὅσα ἄλλα καθαιρετικὰ ψυχῆς καὶ σώματος καὶ τῶν ἐν ἑκατέρῳ δεσμῶν συνεπέθετο. Τὰ δὲ ἐπίχειρα ἐγκρατείας μὲν ὑγεία καὶ ἰσχύς, ἀκρασίας δὲ ἀσθένεια καὶ νόσος γειτνιῶσα θανάτῳ.

[15] Διαγγελείσης οὖν τῆς ὅτι νοσεῖ φήμης, ἔτι πλοΐμων ὄντων - ἀρχὴ γὰρ ἦν μετοπώρου, τελευταῖος πλοῦς τοῖς θαλαττεύουσιν, ἀπὸ τῶν πανταχόθεν ἐμπορίων εἰς τοὺς οἰκείους λιμένας καὶ ὑποδρόμους ἐπανιοῦσι, καὶ μάλιστα οἷς πρόνοια τοῦ μὴ διαχειμάζειν ἐπὶ ξένης ἐστί - μεθέμενοι τὸν ἁβροδίαιτον βίον ἐσκυθρώπαζον, συννοίας τε καὶ κατηφείας πᾶσα οἰκία καὶ πόλις γεγένητο μεστή, ἰσορρόπῳ λύπῃ τῆς πρὸ μικροῦ χαρᾶς ἀμφικλινοῦς γενομένης. [16] Τὰ γὰρ μέρη πάντα τῆς οἰκουμένης αὐτῷ συνενόσησε, βαρυτέρᾳ νόσῳ χρησάμενα τῆς κατασχούσης Γάιον· ἐκείνη μὲν γὰρ σώματος ἦν αὐτὸ μόνον, ἡ δὲ τῶν πανταχοῦ πάντων, ψυχικῆς εὐσθενείας, εἰρήνης, ἐλπίδων, μετουσίας καὶ ἀπολαύσεως ἀγαθῶν. Ἀνεπόλουν γὰρ ὅσα καὶ ἡλίκα κακὰ ἐξ ἀναρχίας φύεται· [17] λιμόν, πόλεμον, δενδροτομίας, δῃώσεις χωρίων, στερήσεις χρημάτων, ἀπαγωγάς, τοὺς περὶ δουλείας καὶ θανάτου φόβους ἀνηκέστους, ὧν ἰατρὸς ἦν οὐδείς, μίαν ἐχόντων θεραπείαν τὸ ῥωσθῆναι Γάιον.

[18] Ὅτε γοῦν ἤρξατο λωφᾶν ἡ νόσος, ἐν βραχεῖ καὶ οἱ μέχρι περάτων συνῄσθοντο - φήμης γὰρ οὐδὲν ὠκύτερον - , καὶ μετέωρος πᾶσα πόλις ἦν ἀκοῆς ἀεὶ διψῶσα βελτίονος, ἕως διὰ τῶν ἐπιφοιτώντων παντελὴς ῥῶσις εὐηγγελίσθη, δι´ ἣν πάλιν ἐξ ὑπαρχῆς ἐπὶ τὰς αὐτὰς ἐτρέποντο θυμηδίας, ἰδίαν ἑαυτῶν νομίζουσαι σωτηρίαν πᾶσαι μὲν ἤπειροι πᾶσαι δὲ νῆσοι. [19] Μέμνηται γὰρ οὐδεὶς τοσαύτην μιᾶς χώρας ἢ ἑνὸς ἔθνους γενέσθαι χαρὰν ἐπὶ σωτηρίᾳ καὶ καταστάσει ἡγεμόνος, ὅσην ἐπὶ Γαΐῳ συμπάσης τῆς οἰκουμένης καὶ παραλαβόντι τὴν ἀρχὴν καὶ ῥωσθέντι ἐκ τῆς ἀσθενείας. [20] Ὥσπερ γὰρ ἐκ νομάδος βίου καὶ θηριώδους νῦν πρῶτον ἀρχόμενοι μεταβάλλειν πρὸς τὸ σύννομον καὶ ὁμοδίαιτον καὶ ἐξ ἐρημίας καὶ σηκῶν καὶ ὑπωρειῶν εἰσοικίζεσθαι πόλεσι τειχήρεσι καὶ ἐξ ἀνεπιτροπεύτου ζωῆς ὑπὸ ἐπιτρόπῳ τάττεσθαι νομεῖ τινι καὶ ἀγελάρχῃ τῆς ἡμερωτέρας ἀγέλης ἐγεγήθεσαν ἀγνοίᾳ τῆς ἀληθείας· [21] τυφλώττει γὰρ ὁ ἀνθρώπινος νοῦς πρὸς τὴν τοῦ συμφέροντος ὄντως αἴσθησιν εἰκασίᾳ καὶ στοχασμῷ μᾶλλον ἢ ἐπιστήμῃ χρῆσθαι δυνάμενος.

[22] Εὐθὺς γοῦν οὐκ εἰς μακρὰν ὁ σωτὴρ καὶ εὐεργέτης εἶναι νομισθεὶς καί τινας ἀγαθῶν πηγὰς νέας ἐπομβρήσειν Ἀσίᾳ τε καὶ Εὐρώπῃ πρὸς εὐδαιμονίαν ἀκαθαίρετον, ἰδίᾳ τε ἑκάστῳ καὶ πᾶσι κοινῇ, τὸ λεγόμενον δὴ τοῦτο « Ἀφ´ ἱερᾶς » ἤρξατο μεταβαλὼν πρὸς τὸ ἀτίθασον, μᾶλλον δὲ ἣν συνεσκίαζεν ἀγριότητα τῷ πλάσματι τῆς ὑποκρίσεως ἀναφήνας.

[23] Τὸν γὰρ ἀνεψιὸν καὶ κοινωνὸν ἀπολειφθέντα τῆς ἀρχῆς καὶ οἰκειότερον αὐτοῦ διάδοχον - ὁ μὲν γὰρ θέσει υἱωνὸς ἦν, ὁ δὲ φύσει Τιβερίου - κτείνει

προφασισάμενος ἐπιβουλήν, μηδὲ τῆς ἡλικίας χωρούσης ἔγκλημα τοιοῦτον· ἄρτι γὰρ ἐκ παίδων εἰς μειράκιον ὁ δύστηνος μετῄει. [24] Καὶ ὥς γέ φασί τινες, εἰ βραχὺν ἐπεβίω χρόνον Τιβέριος, ὁ μὲν ἂν ἐκποδὼν ἐγεγένητο Γάιος, δι´ ὑποψιῶν κεχωρηκὼς ἀνηκέστων, ὁ δὲ γνήσιος υἱωνὸς μόνος ἀπεδέδεικτο ἡγεμὼν καὶ κληρονόμος τῆς παππῴας ἀρχῆς. [25] Ἀλλ´ ὁ μὲν ὑπὸ τῆς εἱμαρμένης ἔφθη συναρπασθείς, πρὶν ἐπὶ τέλος ἀγαγεῖν τὰ βουλεύματα·

Γάιος δὲ τὴν ἐκ τοῦ παραβαίνειν τὰ πρὸς τὸν κοινωνὸν δίκαια διαβολὴν ἐνόμιζεν ἀποδράσεσθαι καταστρατηγῶν. Τὸ δὲ σόφισμα τοιοῦτον ἦν· [26] συναγαγὼν τοὺς ἐν τέλει « Βούλομαι μὲν » ἔφη « Τὸν γένει μὲν ἀνεψιὸν εὐνοίᾳ δὲ ἀδελφόν, ἑπόμενος καὶ τῇ τοῦ τετελευτηκότος Τιβερίου γνώμῃ, κοινοπραγεῖν τῆς αὐτοκρατοῦς ἐξουσίας· ὁρᾶτε δὲ καὶ αὐτοὶ νήπιον ἔτι ὄντα κομιδῇ καὶ χρῄζοντα ἐπιτρόπων καὶ διδασκάλων καὶ παιδαγωγῶν. [27] Ἐπεὶ τί ἂν ἦν μεῖζον ἀγαθὸν ἢ τὰ τοσαῦτα βάρη τῆς ἡγεμονίας μὴ μίαν ψυχὴν ἢ σῶμα ἓν ἐπηχθίσθαι, ἀλλ´ ἔχειν τὸν δυνησόμενον ἐπελαφρίζειν καὶ συνεπικουφίζειν; Ἐγὼ δὲ » ἔφη « παιδαγωγοὺς καὶ διδασκάλους καὶ ἐπιτρόπους ὑπερβαλὼν ἐμαυτὸν μὲν ἤδη γράφω πατέρα, υἱὸν δὲ ἐκεῖνον. » [28] Τούτοις καὶ τοὺς παρόντας ἀπατήσας καὶ τὸ μειράκιον - δέλεαρ γὰρ ἦν ἡ θέσις οὐκ ἐλπιζομένης ἡγεμονίας, ἀλλ´ ἀφαιρέσεως ἧς εἶχεν ἤδη - τῷ συγκληρονόμῳ καὶ κοινωνῷ δικαίῳ μετὰ πολλῆς ἀδείας οὐδενὸς ἔτι πεφροντικὼς ἐπεβούλευεν. Ἡ γὰρ υἱοῦ παντελὴς ἐξουσία κατὰ τοὺς τῶν Ῥωμαίων νόμους ἀνάκειται πατρί, δίχα τοῦ καὶ ἀνυπεύθυνον ἀρχὴν εἶναι τὴν αὐτοκράτορα, μηδενὸς ἐπὶ τοῖς ὁπωσοῦν πεπραγμένοις λόγον ἀπαιτεῖν τολμῶντος ἢ δυναμένου.

[29] Τοῦτον μὲν δὴ καθάπερ ἐν τοῖς ἀγῶσιν ἔφεδρον ὑπολαβὼν εἶναι καταπαλαίει, μήτε συντροφίας μήτε οἰκειότητος μήτε ἡλικίας οἶκτον λαβών, δύστηνον, ὠκύμορον, συνάρχοντα, συγκληρονόμον, τὸν ἐλπισθέντα ποτὲ καὶ μόνον αὐτοκράτορα διὰ τὴν πρὸς Τιβέριον ἐγγυτάτω συγγένειαν· υἱωνοὶ γὰρ πατέρων ἀποθανόντων ἐν υἱῶν τάξει παρὰ πάπποις καταριθμοῦνται.

[30] Λέγεται δὲ ὅτι καὶ κελευσθεὶς αὐτοχειρίᾳ κτείνειν ἑαυτόν, ἐφεστώτων ἑκατοντάρχου καὶ χιλιάρχου, οἷς εἴρητο μὴ συνεφάψασθαι τοῦ ἄγους, ὡς οὐκ ἐξὸν αὐτοκρατόρων ἀπογόνους πρὸς ἑτέρων ἀναιρεῖσθαι - νόμων γὰρ ἐν ἀνομίαις καὶ ὁσιότητος ἐν ἀνοσιουργίαις ἐμέμνητο κατειρωνευόμενος τὴν φύσιν τῆς ἀληθείας .

Ἀπείρως ἔχων - οὐδὲ γὰρ ἕτερόν τινα κτεινόμενον εἶδεν οὐδὲ ἤσκητό πω ταῖς ὁπλομαχίαις, αἳ μελέται καὶ προγυμνάσματα παίδων ἐφ´ ἡγεμονίᾳ τρεφομένων εἰσὶ διὰ τοὺς ἐνισταμένους πολέμους - τὸ μὲν πρῶτον τοὺς ἥκοντας παρεκάλει τὸν αὐχένα προτείνας ἀνελεῖν. [31] Ὡς δ´ οὐχ ὑπέμενον, αὐτὸς λαβὼν τὸ ξίφος ἐπυνθάνετο τὸν καιριώτατον τόπον ὑπ´ ἀγνοίας καὶ ἀηθείας, ἵνα εὐσκόπῳ πληγῇ τὴν ἀθλίαν ζωὴν ἀπορρήξῃ. Καὶ οἱ μὲν οἷα διδάσκαλοι κακοδαιμονίας ὑφηγοῦντό τε καὶ ἐδείκνυσαν τὸ μέρος, ᾧ χρὴ τὸ ξίφος ἐπενεγκεῖν· ὁ δὲ πρώτην καὶ ὑστάτην μάθησιν ἀναδιδαχθεὶς ἀνδροφόνος αὐτὸς αὑτοῦ γίνεται βιασθείς, ὁ δύστηνος.

[32] Ἐπεὶ δὲ ὁ πρῶτος καὶ μέγιστος ἆθλος οὗτος Γαΐῳ κατείργαστο, μηδενὸς ἔτι λειπομένου κοινωνοῦ τῆς ἡγεμονίας πρὸς ὃν ἀποκλινοῦσί τινες τῶν ἐθελοκακούντων καὶ ἐν ὑποψίαις ὄντων, ἐπὶ δεύτερον εὐθὺς ἐκονίετο τὸν Μάκρωνος, ἀνδρὸς εἰς πάντα αὐτῷ συναγωνισαμένου τὰ τῆς ἀρχῆς, οὐ μόνον ἀποδειχθέντι ἡγεμόνι - κολακείας γὰρ ἴδιον τὰς εὐπραγίας θεραπεύειν - ἀλλὰ καὶ πρότερον εἰς τὸ τυχεῖν τῆς ἡγεμονίας.

[33] Ὁ γὰρ Τιβέριος φρονήσει βαθείᾳ χρώμενος καὶ τῶν κατ´ αὐτὸν ἁπάντων δεινότατος ὢν ἀφανὲς ἀνθρώπου βούλημα συνιδεῖν καὶ ἐπὶ τοσοῦτον συνέσει διενεγκών, ἐφ´ ὅσον καὶ εὐτυχίᾳ, πολλάκις ὑπεβλέπετο τὸν Γάιον ὡς κακόνουν μὲν ἅπαντι τῷ Κλαυδίων οἴκῳ, προσκείμενον δὲ μόνῳ τῷ μητρῴῳ γένει - [34] καὶ ἐδεδίει περὶ τοῦ υἱωνοῦ, μὴ νέος ἀπολειφθεὶς παραπόληται - , πρὸς δὲ ἀρχὴν καὶ τοσαύτην ἀνεπιτηδείως ἔχοντα διά τε τὸ τῆς φύσεως ἄμικτον καὶ ἀκοινώνητον καὶ τὴν τῶν ἠθῶν ἀνωμαλίαν· ἀλλόκοτα γὰρ αὐτῷ καὶ ἐπιμανῆ κατεφαίνετο, μηδεμιᾶς σῳζομένης ἀκολουθίας, μήτε ἐν λόγοις μήτε ἐν ἔργοις.

[35] Ἃ παντὶ σθένει κατὰ τὸ παρεῖκον ὁ Μάκρων ἐθεράπευε, τὰς μὲν ὑπονοίας τοῦ Τιβερίου καὶ ἐν οἷς μάλιστ´ ἐδόκει τὴν διάνοιαν ἑλκοῦσθαι διὰ τὸν ἄληκτον ἐπὶ τῷ υἱωνῷ φόβον ἐξιώμενος. [36] Εὔνουν γὰρ καὶ πειθαρχικὸν ἀπέφαινε τὸν Γάιον καὶ σφόδρα ἡττημένον τοῦ ἀνεψιοῦ, ὡς ἕνεκα φιλοστοργίας καὶ μόνῳ ἂν ἐθελῆσαι τῆς ἀρχῆς ὑπεκστῆναι· τὴν δὲ αἰδῶ μὴ λυσιτελῆσαι πολλοῖς, ὑφ´ ἧς καὶ Γάιον ἁπλοῦν ὄντα ποικίλον νομίζεσθαι. [37] Καὶ ὁπότε μὴ πείθοι τὰ εἰκότα διεξιών, τὴν ἀπὸ συνθηκῶν πίστιν ἐπέφερεν, « Ἐγγυῶμαι » λέγων, « ἀξιόχρεώς εἰμι πρὸς πίστιν· ἱκανὰς ἀποδείξεις δέδωκα τοῦ φιλόκαισαρ ἰδίως καὶ φιλοτιβέριος εἶναι, τὴν ἐπίθεσιν καὶ καθαίρεσιν ἐγχειρισθεὶς Σηιανοῦ. » [38] Καὶ συνόλως δὲ ἱκανὸς ἦν ἐν τοῖς εἰς Γάιον ἐπαίνοις, εἰ δεῖ καλεῖν ἀξίως ἐπαίνους τὰς ἀπολογίας, αἳ πρὸς τὰς ἐξ ὑπονοιῶν αἰτίας καὶ κατηγορίας ἀδήλους καὶ ἀσαφεῖς ἐγίνοντο· συνόλως γὰρ ὅσα περὶ ἀδελφῶν εἴποι τις ἂν ἢ υἱῶν γνησίων ἐγκώμια, τοσαῦτα καὶ ἔτι πλείω Μάκρων ὑπὲρ Γαΐου διεξῄει πρὸς Τιβέριον. [39] Αἴτιον δέ, ὡς ὁ τῶν πολλῶν λόγος, οὐ μόνον τὸ ἀντιθεραπεύεσθαι πρὸς αὐτοῦ τὸν Μάκρωνα, πλεῖστον ἢ καὶ σύμπαν ἐν τῇ ἡγεμονίᾳ δυνάμενον, ἀλλὰ καὶ ἡ Μάκρωνος γυνὴ διὰ σιωπωμένην αἰτίαν, ἣ καθ´ ἑκάστην ἡμέραν ἤλειφε καὶ συνεκρότει τὸν ἄνδρα μηδὲν ἀνιέναι σπουδῆς καὶ βοηθείας τῆς ὑπὲρ τοῦ νεανίσκου. Δεινὸν δὲ γυνὴ γνώμην ἀνδρὸς παραλῦσαι καὶ παραγαγεῖν, καὶ μάλιστα μαχλάς· ἕνεκα γὰρ τοῦ συνειδότος κολακικωτέρα γίνεται.

[40] Ὁ δὲ τὴν διαφθορὰν μὲν τοῦ γάμου καὶ τῆς οἰκίας ἀγνοῶν, τὴν δὲ κολακείαν εὔνοιαν ἀκραιφνεστάτην εἶναι νομίζων, ἀπατᾶται καὶ λανθάνει τοῖς στρατηγήμασι τοὺς ἐχθίστους ὡς φιλτάτους προσιέμενος.

[41] Εἰδὼς οὖν, ὅτι παρὰ μικρὸν ἐλθόντα μυριάκις αὐτὸν ἀπολέσθαι διέσωσεν, ἀνυπούλοις καὶ πεπαρρησιασμέναις ἐχρῆτο ταῖς νουθεσίαις· ἐβούλετο γάρ, ὡς ἀγαθὸς δημιουργός, ἀκαθαίρετον διαμεῖναι τὸ οἰκεῖον ἔργον, μήτε ὑπ´ αὐτοῦ διαλυθὲν μήτε ὑφ´ ἑτέρου.

[42] Ὁπότε οὖν ἢ καταδαρθόντα ἐν συμποσίῳ θεάσαιτο, περιανίστη στοχαζόμενος ἅμα μὲν τοῦ πρέποντος ἅμα δὲ καὶ τῆς ἀσφαλείας - εὐεπιβούλευτον γὰρ ὁ κοιμώμενος - , ἤ τινας ἐκμανῶς ὀρχηστὰς ὁρῶντα ἢ ἔστιν ὅτε συνορχούμενον ἢ ἐπὶ μίμοις αἰσχρῶν καὶ σκωμμάτων μὴ ὑπομειδιῶντα σεμνότερον ἀλλὰ μειρακιωδέστερον καγχάζοντα ἢ κιθαρῳδῶν ἢ χορῶν τῆς ἐμμελείας ἡττώμενον, ἔστιν ὅπου καὶ συνᾴδοντα, ἔνυττε πλησίον καθεζόμενος ἢ κατακεκλιμένος καὶ ἐπέχειν ἐπειρᾶτο.

[43] Πολλάκις δὲ καὶ ἐπικλίνας πρὸς οὖς, ἵνα μὴ κατακούοι τις ἕτερος, ἡσυχῇ καὶ πρᾴως ἐνουθέτει φάσκων· « Οὐδενὶ τῶν παρόντων ἀλλ´ οὐδὲ τῶν ἄλλων ἀνθρώπων ὅμοιον εἶναί σε δεῖ, οὔτε ἐν θεάμασιν οὔτε ἐν ἀκούσμασιν οὔτε ἐν τοῖς ἄλλοις ἅπασιν ὅσα κατὰ τὰς αἰσθήσεις, ἀλλὰ προφέρειν ἐπὶ τοσοῦτον ἐν ἑκάστῳ τῶν περὶ τὸν βίον, ἐφ´ ὅσον καὶ ταῖς εὐτυχίαις διενήνοχας. [44] Ἄτοπον γὰρ τὸν ἡγεμόνα γῆς καὶ θαλάττης νικᾶσθαι πρὸς ᾠδῆς ἢ ὀρχήσεως ἢ χλευαστικοῦ σκώμματος ἤ τινος τῶν ὁμοιοτρόπων, ἀλλὰ μὴ ἀεὶ καὶ πανταχοῦ μεμνῆσθαι τῆς ἡγεμονίας, καθάπερ ποιμένα τινὰ καὶ ἐπιστάτην ἀγέλης, τὰ πρὸς βελτίωσιν ἀπὸ παντὸς οὑτινοσοῦν ἐφ´ ἑαυτὸν ἕλκοντα καὶ λόγου καὶ πράγματος. » [45] Εἶτα ἔφασκεν· « Ὅταν παρατυγχάνῃς σκηνικοῖς ἀγῶσιν ἢ γυμνικοῖς ἢ τοῖς κατὰ τὰς ἱπποδρομίας, μὴ σκόπει τὰ ἐπιτηδεύματα, ἀλλὰ τὴν ἐν τοῖς ἐπιτηδεύμασι κατόρθωσιν, καὶ λάμβανε τὸν τοιοῦτον λογισμόν· [46] εἰ τὰ μηδὲν ὠφελοῦντα τὸν ἀνθρώπινον βίον, τέρψιν δὲ καὶ ἡδονὴν αὐτὸ μόνον παρέχοντα θεαταῖς, ἐκπονοῦσιν οὕτω τινές, ὡς ἐπαινεῖσθαί τε καὶ θαυμάζεσθαι καὶ γέρα καὶ τιμὰς καὶ στεφάνους μετὰ κηρυγμάτων λαμβάνειν, τί χρὴ πράττειν τὸν τῆς ἀνωτάτω καὶ μεγίστης τέχνης ἐπιστήμονα; [47] Μεγίστη δὲ καὶ ἀρίστη τέχνη πασῶν ἐστιν ἡ ἡγεμονία, δι´ ἧς πᾶσα μὲν ἡ ἀγαθὴ καὶ βαθεῖα πεδιάς τε καὶ ὀρεινὴ γεωργεῖται, πᾶσα δὲ θάλαττα φορτηγοῖς ὁλκάσιν ἀκινδύνως διαπλεῖται κατὰ τὰς ἀντιδόσεις ὧν ἀλλήλαις ἀγαθῶν ἀντεκτίνουσιν αἱ χῶραι κοινωνίας ἱμέρῳ, τὰ μὲν ἐνδέοντα λαμβάνουσαι, ὧν δ´ ἄγουσι περιουσίαν ἀντιπέμπουσαι. [48] Φθόνος γὰρ οὐδέποτε πᾶσαν τὴν οἰκουμένην ἐκράτησεν, ἀλλ´ οὐδὲ τὰς μεγάλας αὐτῆς ἀποτομάς, ὅλην Εὐρώπην ἢ ὅλην Ἀσίαν· ἀλλ´ ἰοβόλου τρόπον ἑρπετοῦ φωλεύει βραχέσιν εἰσερπύσας χωρίοις ἀνδρὶ ἑνὶ ἢ οἴκῳ ἑνὶ ἤ, εἴ ποτε πολὺς ἄγαν πνέοι, πόλει μιᾷ· πρὸς δὲ μείζονα κύκλον ἔθνους ἢ χώρας οὐ πρόσεισι, καὶ μάλιστα ἀφ´ οὗ τὸ ὑμέτερον γένος τὸ Σεβαστὸν ὄντως ἤρξατο πρυτανεύειν τῶν πανταχοῦ πάντων. [49] Ὅσα μὲν γὰρ εὐημέρει τῶν βλαβερῶν καὶ ἐν μέσοις ἐξητάζετο, πρὸς ἐσχατιὰς ὑπερόρια καὶ Ταρτάρου μυχοὺς ἤλασε, τὰ δὲ τρόπον τινὰ φυγαδευθέντα τῶν λυσιτελῶν καὶ ὠφελίμων κατήγαγεν ἀπὸ περάτων γῆς καὶ θαλάττης εἰς τὴν καθ´ ἡμᾶς οἰκουμένην.

[50] Ἃ πάντα μιᾷ χειρὶ σῇ κυβερνᾶν ἐπιτέτραπται. παραπεμφθεὶς γοῦν ὑπὸ τῆς φύσεως ἐπὶ πρύμναν ἀνωτάτω καὶ τοὺς οἴακας ἐγχειρισθεὶς πηδαλιούχει τὸ κοινὸν ἀνθρώπων σκάφος σωτηρίως, ἐπὶ μηδενὶ μᾶλλον χαίρων καὶ τερπόμενος ἢ τῷ τοὺς ὑπηκόους εὐεργετεῖν. [51] Ἄλλοι μὲν γὰρ ἄλλων ἔρανοι, οὓς ἀναγκαίως εἰσφέρουσιν ἰδιῶται κατὰ πόλεις· ἄρχοντι δὲ οἰκειότατος ἔρανος, βουλὰς ἀγαθὰς εἰσηγεῖσθαι περὶ τῶν ὑποτεταγμένων καὶ πράττειν τὰ βουλευθέντα ὀρθῶς καὶ ἀταμίευτα προφέρειν τὰ ἀγαθὰ πλουσίᾳ χειρὶ καὶ γνώμῃ, πλὴν ὅσα κατὰ πρόνοιαν τῆς εἰς τὸ μέλλον ἀδηλότητος ἄξιον παραφυλάττειν. »

[52] Τοιούτοις κατεπῇδεν ὁ δυστυχής, ὥστε βελτιῶσαι τὸν Γάιον. Ὁ δὲ φίλερις καὶ φιλόνεικος ὢν ἐπὶ τἀναντία τὴν διάνοιαν ἔτρεπεν, ὥσπερ εἰς ἐκεῖνα παρακληθείς, καὶ τὸν σωφρονιστὴν ἄντικρυς ἀπεθάρρει δυσωπεῖν, ἔστι δὲ ὅτε καὶ πόρρωθεν ἀφικνούμενον ὁρῶν πρὸς τοὺς πλησίον ταυτὶ διελάλει·

[53] « Πάρεστιν ὁ διδάσκαλος τοῦ μηκέτι μανθάνειν ὀφείλοντος, ὁ παιδαγωγὸς τοῦ μηκέτι παιδὸς ὄντος, ὁ νουθετητὴς τοῦ φρονιμωτέρου, ὁ τὸν αὐτοκράτορα τῷ ὑπηκόῳ πειθαρχεῖν ἀξιῶν, ἐθάδα τῆς ἡγεμονικῆς ἐπιστήμης καὶ παιδευτὴν ἑαυτὸν γράφει, παρὰ τίνι μαθὼν τὰ ἀρχικὰ ἔγωγε οὐκ οἶδα. [54] Ἐμοὶ μὲν γὰρ ἐξ ἔτι σπαργάνων μυρίοι διδάσκαλοι γεγόνασι, πατέρες, ἀδελφοί, θεῖοι, ἀνεψιοί, πάπποι, πρόγονοι μέχρι τῶν ἀρχηγετῶν, οἱ ἀφ´ αἵματος πάντες καθ´ ἑκάτερον γένος τό τε πατρῷον καὶ μητρῷον, αὐτοκρατεῖς ἐξουσίας περιποιησάμενοι, χωρὶς τοῦ κἀν ταῖς πρώταις τῶν σπερμάτων καταβολαῖς εἶναί τινας δυνάμεις βασιλικὰς τῶν ἡγεμονικῶν. [55] Ὡς γὰρ αἱ τοῦ σώματος καὶ τῆς ψυχῆς ὁμοιότητες κατά τε τὴν μορφὴν καὶ σχέσεις καὶ κινήσεις βουλάς τε καὶ πράξεις ἐν τοῖς σπερματικοῖς σῴζονται λόγοις, οὕτως εἰκὸς ἐν τοῖς αὐτοῖς ὑπογράφεσθαι τυπωδέστερον καὶ τὴν πρὸς ἡγεμονίαν ἐμφέρειαν. [56] Εἶτα ἐμὲ τὸν καὶ πρὸ τῆς γενέσεως ἔτι κατὰ γαστρὸς ἐν τῷ τῆς φύσεως ἐργαστηρίῳ διαπλασθέντα αὐτοκράτορα τολμᾷ τις διδάσκειν, ἀνεπιστήμων ἐπιστήμονα; Ποῦ γὰρ τοῖς ἰδιώταις πρὸ μικροῦ θέμις εἰς ἡγεμονικῆς ψυχῆς παρακύψαι βουλεύματα; Τολμῶσι δὲ ὑπ´ ἀναισχύντου θράσους ἱεροφαντεῖν καὶ τελεῖν τὰ ἡγεμονικὰ μόλις ἂν ἐν μύσταις ἀναγραφέντες. »

[57] Ἐκ δὲ τοῦ κατ´ ὀλίγον μελετῶν ἀλλοτριοῦσθαι τοῦ Μάκρωνος ἤρχετο καὶ ψευδεῖς μὲν πιθανὰς δὲ καὶ εὐπαραγώγους κατ´ αὐτοῦ πλάττειν αἰτίας· δειναὶ γὰρ αἱ εὔθικτοι καὶ μεγάλαι φύσεις εἰκοτολογῆσαι. [58] Τοιαῦται δὲ ἦσαν αἱ προφάσεις· « Ἐμόν ἐστι τοῦ Μάκρωνος ἔργον Γάιος· μᾶλλον αὐτὸν ἢ οὐχ ἧττον τῶν γονέων γεγέννηκα· τρίς, οὐχ ἅπαξ, ἀνήρπαστο ἂν ἐπ´ αὐτῷ Τιβερίου φονῶντος, εἰ μὴ δι´ ἐμὲ καὶ τὰς ἐμὰς παρηγορίας· ἀλλὰ καὶ τελευτήσαντος ἔχων ὑπηκόους τὰς στρατιωτικὰς δυνάμεις εὐθὺς εἰς τὴν ἐκείνου παρέπεμψα τάξιν, ἀναδιδάσκων ὅτι ἀνδρὸς ἑνὸς γέγονεν ἔνδεια· μένει δὲ ἄρτιος καὶ πλήρης ἡ ἡγεμονία. »

[59] Τούτοις συνεπείθοντό τινες ὡς ἀψευδέσιν ἀγνοοῦντες τὸν φένακα τρόπον τοῦ λέγοντος· οὔπω γὰρ ἦν τὸ πεπλασμένον αὐτοῦ καὶ ποικίλον τῶν ἠθῶν ἐμφανές. Ἀλλὰ γὰρ οὐ πολλαῖς ὕστερον ἡμέραις ἐκποδὼν ὁ κακοδαίμων γίνεται σὺν τῇ γυναικί, τῆς περιττῆς εὐνοίας ἀμοιβὰς τὰς ἀνωτάτω τιμωρίας ἀντιλαβών. [60] Τοιοῦτόν ἐστιν ἡ εἰς τοὺς ἀχαρίστους χάρις· ἀντὶ γὰρ ὧν ὠφελήθησαν, παρέχουσι τὰς μεγίστας ζημίας τοῖς εὐεργετήσασιν. Ὁ γοῦν Μάκρων πάντα ἐπ´ ἀληθείας πραγματευσάμενος μετ´ ἐκτενεστάτης σπουδῆς καὶ φιλοτιμίας, τὸ μὲν πρῶτον ὑπὲρ τοῦ σῶσαι Γάιον, ἔπειτα δὲ ὑπὲρ τοῦ μόνον τὴν ἡγεμονίαν διαδέξασθαι, τοιαῦτα εὕρατο τὰ ἐπίχειρα. [61] Λέγεται γάρ, ὅτι ἠναγκάσθη ὁ δείλαιος αὐτοχειρίᾳ κτεῖναι ἑαυτὸν καὶ τὴν αὐτὴν ἀνεδέξατο συμφορὰν ἡ γυνή, καίτοι ποτὲ νομισθεῖσα διὰ συνηθείας αὐτῷ γενέσθαι· βέβαιον δὲ οὐδέν φασι τῶν ἐν ἔρωτι φίλτρων εἶναι διὰ τὸ τοῦ πάθους ἁψίκορον.

[62] Ἐπειδὴ δὲ καὶ ὁ Μάκρων πανοίκιος ἱέρευτο, τρίτῳ ἐπαπεδύετο δόλῳ βαρυτέρῳ. Πενθερὸς ἐγεγένητο αὐτῷ Μάρκος Σιλανός, μεστὸς φρονήματος ἀνὴρ καὶ γένει λαμπρός. Οὗτος ὠκυμόρου τῆς θυγατρὸς ἀποθανούσης ἔτι περιεῖπε τὸν Γάιον, εὔνοιαν προσφερόμενος οὐ πενθεροῦ μᾶλλον ἢ γνησίου πατρός, ἧς ἐνόμιζεν ἀντιλήψεσθαι κατὰ νόμον ἰσότητος μεθαρμοσάμενος τὸν γαμβρὸν εἰς υἱόν. [63] Ἐλελήθει δὲ ἄρα ψευδοδοξῶν καὶ ἀπατώμενος. Ὁ μὲν γὰρ τοὺς τοῦ κηδεμόνος λόγους ἀεὶ διεξῄει μηδὲν ἐπικρυπτόμενος τῶν εἰς βελτίωσιν καὶ ὠφέλειαν ἠθῶν καὶ βίου καὶ ἡγεμονίας, ἔχων εἰς παρρησίαν καὶ μεγάλας ἀφορμὰς ὑπερβάλλουσάν τε εὐγένειαν καὶ τὴν κατ´ ἐπιγαμίαν οἰκειότητα· καὶ γὰρ ἡ θυγάτηρ οὐ πρὸ πολλῶν ἐτεθνήκει χρόνων, ὡς ἀμαυρωθῆναι τὰ δίκαια τῶν κηδεστῶν, ἀλλὰ μόνον οὐκ ἤσπαιρεν, ἔτι λειψάνων τινῶν ὑστάτων τοῦ ψυχικοῦ πνεύματος ἐνυπαρχόντων καὶ ἐγκατειλημμένων τῷ σώματι.

[64] Ὁ δὲ πρὸς ὕβρεως τὰς νουθεσίας λαμβάνων τῷ πάντων οἴεσθαι φρονιμώτατος καὶ σωφρονέστατος ἔτι δὲ ἀνδρειότατος εἶναι καὶ δικαιότατος ἤχθαιρε μᾶλλον τῶν ὁμολογουμένων πολεμίων τοὺς διδάσκοντας. [65] Ὑπολαβὼν οὖν καὶ τοῦτον εἶναι παρενόχλημα, τὴν πολλὴν αὐτοῦ ῥύμην τῶν ἐπιθυμιῶν ἐφέξοντα, πολλὰ χαίρειν φράσας τοῖς δαίμοσι τῆς ἀποθανούσης γυναικός, εἰ πατέρα μὲν ἐκείνης ἑαυτοῦ δὲ γενόμενον πενθερὸν μεταστήσεται, δολοφονεῖ.

[66] Καὶ τὸ πρᾶγμα ἤδη περιβόητον τοῖς ἐπαλλήλοις τῶν πρώτων ἀνδρῶν φόνοις ἐγεγένητο, ὡς διὰ παντὸς στόματος δυσκάθαρτα ἄγη συνηχεῖσθαι, φανερῶς μὲν οὐ διὰ δέος, ἠρεμαιοτέρᾳ δὲ τῇ φωνῇ. [67] Κἄπειτα ἐκ μεταβολῆς - ὄχλος γὰρ ἀνίδρυτον ἐν ἅπασι, καὶ βουλαῖς καὶ λόγοις καὶ πράγμασιν - ἀπιστοῦντες, εἰ οὕτως ἀθρόαν ἐνδέδεκται τροπὴν ὁ πρὸ μικροῦ χρηστὸς καὶ φιλάνθρωπος ἴσος τε καὶ κοινωνικὸς εἶναι νομισθεὶς Γάιος, ἀπολογίας ἐσκόπουν καὶ διερευνῶντες εὕρισκον,

[68] ἐπὶ μὲν τῷ ἀνεψιῷ καὶ συγκληρονόμῳ τοιαῦτα φάσκοντες· « Ἀκοινώνητον ἀρχή, θεσμὸς φύσεως ἀκίνητος » . Οὗτος ἃ παθεῖν ἐμέλλησεν ἂν ὑπ´ ἀδυνατωτέρου προδιέθηκεν ἰσχυρότερος ὤν· ἄμυνα τοῦτ´ ἔστιν, οὐκ ἀνδροφονία. Τάχα δὲ καὶ προνοητικῶς ἐπ´ ὠφελείᾳ τοῦ σύμπαντος ἀνθρώπων γένους τὸ μειράκιον ἐκποδὼν γεγένηται, τῶν μὲν τούτῳ τῶν δὲ ἐκείνῳ προσκληρουμένων, ἐξ ὧν ταραχαὶ ἐμφύλιοί τε καὶ ξενικοὶ πόλεμοι συνίστανται. Τί δὲ ἄμεινον εἰρήνης; Εἰρήνη δὲ ἐξ ἡγεμονίας ὀρθῆς φύεται· ἡγεμονία δὲ ἀφιλόνεικος καὶ ἀνερίθευτος ὀρθὴ μόνη, δι´ ἧς καὶ τἄλλα πάντα κατορθοῦται. »

[69] Ἐπὶ δὲ Μάκρωνι· « Πλέον ἐφυσήθη τοῦ μετρίου· τὸ Δελφικὸν γράμμα οὐ διανέγνω, τὸ ‘γνῶθι σαυτόν’· φασὶ δὲ τὴν μὲν ἐπιστήμην εὐδαιμονίας τὴν δὲ ἄγνοιαν κακοδαιμονίας αἰτίαν εἶναι. Τί παθὼν ὑπηλλάττετο καὶ μετετίθει τὸν μὲν ὑπήκοον αὑτὸν εἰς τάξιν ἄρχοντος, τὸν δὲ αὐτοκράτορα Γάιον εἰς ὑπηκόου χώραν; Οἰκειότατον ἡγεμόνι μὲν τὸ προστάττειν, ὅπερ ἐποίει Μάκρων, ὑπηκόῳ δὲ τὸ πειθαρχεῖν, ὅπερ ὑπομένειν ἠξίου Γάιον. »

[70] Ἐκάλουν γὰρ οἱ ἀνεξέταστοι τὴν παραίνεσιν πρόσταξιν καὶ τὸν σύμβουλον ἄρχοντα, ἤτοι μὴ συνιέντες ὑπ´ ἀναισθησίας ἢ διὰ κολακείαν τὰς φύσεις τῶν ὀνομάτων ὁμοῦ καὶ πραγμάτων μεταχαράττοντες.

[71] Ἐπὶ δὲ Σιλανῷ· « Χλεύης ἄξιον ὁ Σιλανὸς ἔπαθεν, οἰηθεὶς πενθερὸν τοσοῦτον παρὰ γαμβρῷ δύνασθαι, ὅσον πατέρα γνήσιον παρ´ υἱῷ. Καίτοι πατέρες ἰδιῶται γενομένων ἐν ἀρχαῖς μεγάλαις καὶ ἐξουσίαις υἱῶν ὑποστέλλουσιν, ἀγαπητῶς φερόμενοι δευτερεῖα. Ὁ δὲ ἠλίθιος, οὐδὲ πενθερὸς ὢν ἔτι, τὰ μὴ καθ´ ἑαυτὸν προσπεριειργάζετο μὴ συνιείς, ὅτι θανάτῳ τῆς θυγατρὸς συνετεθνήκει καὶ ἡ κατ´ ἐπιγαμίαν οἰκειότης· [72] δεσμὸς γὰρ οἴκων ὀθνείων αἱ ἐπιγαμίαι τὴν ἀλλοτριότητα εἰς οἰκειότητα συνάγων, οὗ λυθέντος λέλυται καὶ τὰ τῆς κοινωνίας, καὶ μάλιστα ὅταν ἀνεπανορθώτῳ πράγματι λυθῇ, τελευτῇ τῆς εἰς ἀλλότριον οἶκον δεδομένης ἐπὶ γάμῳ. »

[73] Τοιαῦτα ἐν ἅπασι τοῖς συλλόγοις ἐθρύλουν πλεῖστον διδόντες μέρος τῷ μὴ βούλεσθαι δοκεῖν ὠμὸν εἶναι τὸν αὐτοκράτορα· χρηστότητα γὰρ καὶ φιλανθρωπίαν ἐλπίσαντες ὅσην παρ´ οὐδενὶ τῶν προτέρων ἐνιδρύσθαι τῇ Γαΐου ψυχῇ σφόδρα ἄπιστον ἐνόμιζον, εἰ τοσαύτην καὶ οὕτως ἀθρόαν ἐνδέδεκται μεταβολὴν πρὸς τἀναντία.

[74] Κατεργασάμενος οὖν τρεῖς τοὺς εἰρημένους ἄθλους ἐκ τριῶν τῶν ἀναγκαιοτάτων μερῶν, δυοῖν μὲν ἐκ τῆς πατρίδος τοῦ τε βουλευτικοῦ καὶ τοῦ τῆς ἱππικῆς τάξεως, τρίτου δὲ τοῦ συγγενικοῦ, καὶ ὑπολαβὼν τῶν ἰσχυροτάτων καὶ δυνατωτάτων περιγεγενημένος καταπληκτικώτατον δέος ἐνειργάσθαι τοῖς ἄλλοις ἅπασι, διὰ μὲν τῆς Σιλανοῦ σφαγῆς τοῖς βουλευταῖς - [75] ἦν γὰρ οὐδενὸς τῶν ἐν συγκλήτῳ δεύτερος - , διὰ δὲ τῆς Μάκρωνος τοῖς ἱππικοῖς - οἷα γὰρ χοροῦ τινος ἡγεμὼν ἐγεγένητο φερόμενος τὰ πρωτεῖα τιμῆς καὶ εὐδοξίας - , διὰ δὲ τῆς τοῦ ἀνεψιοῦ καὶ συγκληρονόμου τοῖς ἀφ´ αἵματος ἅπασιν.

Οὐκέτι ἠξίου μένειν ἐν τοῖς τῆς ἀνθρωπίνης φύσεως ὅροις, ἀλλ´ ὑπερέκυπτε σπουδάζων θεὸς νομίζεσθαι. [76] Καὶ ἐν ἀρχῇ ταύτης τῆς παραπληξίας φασὶν αὐτὸν χρήσασθαι τοιούτῳ λογισμῷ· καθάπερ γὰρ οἱ τῶν ἄλλων ζῴων ἀγελάρχαι, βουκόλοι καὶ αἰπόλοι καὶ νομεῖς, οὔτε βόες εἰσὶν οὔτε αἶγες οὔτε ἄρνες, ἀλλ´ ἄνθρωποι κρείττονος μοίρας καὶ κατασκευῆς ἐπιλαχόντες, τὸν αὐτὸν τρόπον ἀγελαρχοῦντα κἀμὲ τῆς ἀρίστης ἀνθρώπων γένους ἀγέλης νομιστέον διαφέρειν καὶ μὴ κατ´ ἄνθρωπον εἶναι, μείζονος δὲ καὶ θειοτέρας μοίρας τετυχηκέναι.

[77] Ταύτην τὴν ὑπόληψιν ἐνσφραγισάμενος τῇ διανοίᾳ περιέφερεν ὁ ἠλίθιος ἐν ἑαυτῷ μυθικὸν πλάσμα ὡς ἀψευδεστάτην ἀλήθειαν. Καὶ ἐπειδὴ ἅπαξ ἐθρασύνατο καὶ ἀπετόλμησεν εἰς τοὺς πολλοὺς ἐξενεγκεῖν τὴν ἀθεωτάτην ἐκθέωσιν αὑτοῦ, τὰ ἀκόλουθα καὶ συνῳδὰ πράττειν ἐπεχείρει καὶ οἷα δι´ ἀναβαθμῶν ἐκ τοῦ κατ´ ὀλίγον εἰς τὸ ἄνω προῄει. [78] Ἤρχετο γὰρ ἐξομοιοῦν τὸ πρῶτον τοῖς λεγομένοις ἡμιθέοις ἑαυτόν, Διονύσῳ καὶ Ἡρακλεῖ καὶ Διοσκούροις, Τροφώνιον καὶ Ἀμφιάραον καὶ Ἀμφίλοχον καὶ τοὺς ὁμοίους χρηστηρίοις αὐτοῖς καὶ ὀργίοις χλεύην τιθέμενος κατὰ σύγκρισιν τῆς ἰδίας δυνάμεως. [79] Εἶθ´ ὥσπερ ἐν θεάτρῳ σκευὴν ἄλλοτε ἀλλοίαν ἀνελάμβανε, τοτὲ μὲν λεοντῆν καὶ ῥόπαλον, ἀμφότερα ἐπίχρυσα, διακοσμούμενος εἰς Ἡρακλέα, τοτὲ δὲ πίλους ἐπὶ τῆς κεφαλῆς, ὁπότε ἀσκοῖτο εἰς Διοσκούρους· ἔστι δὲ ὅτε κιττῷ καὶ θύρσῳ καὶ νεβρίσιν εἰς Διόνυσον ἠσκεῖτο.

[80] Καὶ ταύτῃ διαφέρειν ἀξιῶν, ὅτι ἐκείνων μὲν ἕκαστος ἰδίας ἔχων τιμὰς οὐ μετεποιεῖτο ὧν ἐκοινώνουν ἕτεροι, ὁ δὲ τὰς πάντων ἀθρόων ἐσφετερίζετο φθόνῳ καὶ πλεονεξίᾳ, μᾶλλον δὲ καὶ αὐτοὺς ἐκείνους, οὐκ εἰς Γηρυόνην τὸν τρισώματον μεταβαλών, ἵνα τῷ πλήθει παραγάγῃ τοὺς ὁρῶντας, ἀλλ´, ὃ δὴ παραδοξότατον ἦν, ἑνὸς σώματος οὐσίαν μετασχηματίζων καὶ μεταχαράττων εἰς πολυτρόπους μορφάς, Αἰγυπτίου τρόπον Πρωτέως, ὃν εἰσήγαγεν Ὅμηρος μεταβολὰς παντοίας ἐνδεχόμενον εἴς τε τὰ στοιχεῖα καὶ τὰ ἐκ τούτων ζῷα καὶ φυτά.

[81] Καίτοι τί παρασήμων ἔδει σοι, Γάιε, οἷς ἔθος ἀσκεῖσθαι τὰ τῶν εἰρημένων ἀφιδρύματα; Ἐχρῆν γὰρ ζηλοῦν τὰς ἐκείνων ἀρετάς. Ἡρακλῆς ἐκάθηρε γῆν καὶ θάλατταν ἄθλους ἀναγκαιοτάτους καὶ ὠφελιμωτάτους ἅπασιν ἀνθρώποις ὑποστὰς ἕνεκα τοῦ τὰ βλαβερὰ καὶ κακωτικὰ φύσεως ἑκατέρας ἀνελεῖν. [82] Διόνυσος ἡμερώσας ἄμπελον καὶ ποτὸν ἐξ αὐτῆς ἀναχέας ἥδιστον ὁμοῦ καὶ ὠφελιμώτατον ψυχαῖς τε καὶ σώμασι τὰς μὲν ἄγει πρὸς εὐθυμίαν, κακῶν λήθην καὶ ἀγαθῶν ἐλπίδας ἐνεργαζόμενος, τὰ δὲ σώματα ὑγιεινότερα καὶ κραταιότερα καὶ εὐκινητότερα παρασκευάζει. [83] Καὶ ἰδίᾳ τε ἕκαστον ἀνθρώπων βελτίονα ποιεῖ καὶ πολυανθρώπους οἰκίας καὶ συγγενείας ἐξ αὐχμηροῦ καὶ ἐπιπόνου βίου μεθαρμόζεται πρὸς ἀνειμένης σχῆμα καὶ ἱλαρᾶς διαίτης καὶ πάσαις πόλεσιν Ἑλληνικαῖς τε καὶ βαρβαρικαῖς εὐωχίας, εὐφροσύνας, θαλίας, ἑορτὰς ἐπαλλήλους παρέχει· πάντων γὰρ τῶν λεχθέντων αἴτιος ἄκρατος. [84] Πάλιν Διοσκούρους λόγος ἔχει κοινώσασθαι τὴν ἀθανασίαν. Ἐπειδὴ γὰρ ὁ μὲν θνητὸς ὁ δὲ ἀθάνατος ἦν, οὐκ ἐδικαίωσεν ὁ τῆς κρείττονος μοίρας ἀξιωθεὶς φιλαυτῆσαι μᾶλλον ἢ πρὸς τὸν ἀδελφὸν εὔνοιαν ἐπιδείξασθαι. [85] Φαντασιωθεὶς γὰρ τὸν ἄπειρον αἰῶνα καὶ λογισάμενος, ὅτι αὐτὸς μὲν ἀεὶ βιώσεται, ὁ δὲ ἀδελφὸς ἀεὶ τεθνήξεται, καὶ μετὰ τῆς ἀθανασίας ἀθάνατον τὸ ἐπ´ ἐκείνῳ πένθος ἀναδέξεται, θαυμαστὴν ἐμεγαλούργησεν ἀντίδοσιν ἀνακερασάμενος αὑτῷ μὲν τὸ θνητόν, τῷ δὲ ἀδελφῷ τὸ ἄφθαρτον, καὶ ἀνισότητα, τὴν ἀδικίας ἀρχήν, ἐνηφάνισεν ἰσότητι, ἥτις ἐστὶ πηγὴ δικαιοσύνης.

[86] Οὗτοι πάντες, ὦ Γάιε, διὰ τὰς ὑπηργμένας εὐεργεσίας ἐθαυμάσθησαν καὶ ἔτι νῦν θαυμάζονται καὶ σεβασμοῦ τε καὶ τῶν ἀνωτάτω τιμῶν ἠξιώθησαν. Εἰπὲ δὴ καὶ αὐτὸς ἡμῖν, ἐπὶ τίνι γαυριᾷς καὶ πεφύσησαι τῶν παραπλησίων; [87] Ἐμιμήσω τοὺς Διοσκούρους εἰς φιλαδελφίαν; Ἵνα ἐντεῦθεν ἄρξωμαι. Τὸν μὲν ἀδελφὸν καὶ συγκληρονόμον ἐν ἀκμῇ τῆς πρώτης ἡλικίας, ὦ σιδήρειε καὶ ἀνηλεέστατε, ὠμῶς ἀπέσφαξας, τὰς δ´ ἀδελφὰς ὕστερον ἐφυγάδευσας· μὴ καὶ αὗται τὸν περὶ ἀφαιρέσεως ἀρχῆς φόβον εἰργάζοντό σοι;

[88] Ἐμιμήσω Διόνυσον; Εὑρετὴς καινῶν γέγονας χαρίτων ὡς ἐκεῖνος; Εὐφροσύνης κατέπλησας τὴν οἰκουμένην; Ἀσία καὶ Εὐρώπη τὰς ἐκ σοῦ γεγενημένας δωρεὰς οὐ χωρεῖ; [89] Καινὰς μὲν οὖν τέχνας καὶ ἐπιστήμας ἀνεῦρες ὡς κοινὸς λυμεὼν καὶ παλαμναῖος, αἷς μεταβάλλεις τὰ ἡδέα καὶ χαρτὰ πρὸς ἀηδίας καὶ λύπας καὶ ἀβίωτον βίον τοῖς πανταχοῦ πᾶσι, τὰ μὲν παρ´ ἑτέροις ἀγαθὰ καὶ καλὰ πάντα σφετεριζόμενος ἀπλήστοις καὶ ἀκορέστοις ταῖς ἐπιθυμίαις, τὰ ἀπὸ τῶν ἑῴων, τὰ ἀπὸ τῶν ἑσπερίων, τὰ ἀπὸ τῶν ἄλλων τοῦ παντὸς κλιμάτων, εἴ τινα ἢ κατὰ μεσημβρίαν ἦν ἢ πρὸς ἄρκτον, τὰ δὲ ἀπὸ τῆς σαυτοῦ πικρίας καὶ ὅσα ταῖς ἐπαράτοις καὶ ἰοβόλοις ψυχαῖς γεννᾶν ἔθος βλαβερὰ καὶ ἐπιζήμια ἀντιδιδοὺς καὶ ἀντιπέμπων· διὰ ταῦτα ὁ νέος Διόνυσος ἡμῖν ἀνεφάνης;

[90] Ἀλλὰ καὶ Ἡρακλέα ἐζήλωσας τοῖς ἀκαμάτοις σαυτοῦ πόνοις καὶ ταῖς ἀτρύτοις ἀνδραγαθίαις, εὐνομίας καὶ εὐδικίας εὐθηνίας τε καὶ εὐετηρίας καὶ τῆς τῶν ἄλλων ἀγαθῶν ἀφθονίας, ὧν ἡ βαθεῖα εἰρήνη δημιουργός, ἀναπλήσας ἠπείρους τε καὶ νήσους, ὁ ἀγεννέστατος, ὁ δειλίας μεστός, ὁ τῶν μὲν εἰς εὐστάθειαν καὶ εὐδαιμονίαν ἁπάντων κενώσας τὰς πόλεις, μεστὰς δὲ τῶν εἰς ταραχὰς καὶ θορύβους καὶ τὴν ἀνωτάτω βαρυδαιμονίαν ἀναφήνας; [91] Ἐπὶ δὲ ταῖς τοσαύταις φοραῖς, ἃς ἤνεγκας ἐπ´ ὀλέθρῳ, εἰπέ μοι, Γάιε, ζητεῖς ἀθανασίας μεταλαχεῖν, ἵνα μὴ ὀλιγοχρονίους καὶ ἐφημέρους ἀλλὰ ἀθανάτους ἀπεργάσῃ συμφοράς; Ἐγὼ δὲ νομίζω τοὐναντίον, εἰ καί τις ἔδοξας γεγενῆσθαι θεός, πάντως ἄν σε μεταβαλεῖν ἕνεκα τῶν πονηρῶν ἐπιτηδευμάτων εἰς θνητὴν φύσιν· [92] εἰ γὰρ ἀθανατίζουσιν ἀρεταί, πάντως φθείρουσι κακίαι. Μήτε οὖν ἐν Διοσκούροις γράφου τοῖς φιλαδελφοτάτοις, ὁ σφαγεὺς καὶ λυμεὼν τῶν ἀδελφῶν γεγονώς, μήτε Ἡρακλέους ἢ Διονύσου τιμῆς κοινοπράγει τῶν τὸν βίον ὀνησάντων, ὁ κακωτὴς καὶ διαφθορεὺς ὧν ἔδρασαν ἐκεῖνοι.

[93] Τοσαύτη δέ τις περὶ αὐτὸν ἦν λύττα καὶ παράφορος καὶ παράκοπος μανία, ὥστε καὶ τοὺς ἡμιθέους ὑπερβὰς ἐπανῄει καὶ ἐπαπεδύετο τοῖς τῶν μειζόνων καὶ ἀμφιθαλῶν εἶναι δοκούντων σεβασμοῖς Ἑρμοῦ καὶ Ἀπόλλωνος καὶ Ἄρεως. [94] Ἑρμοῦ τὸ πρῶτον, κηρυκείοις καὶ πεδίλοις καὶ χλαμύσιν ἐνσκευαζόμενος τάξιν τε ἐν ἀταξίᾳ καὶ τὸ ἀκόλουθον ἐν συγχύσει καὶ λογισμὸν ἐν φρενοβλαβείᾳ παρεπιδεικνύμενος· [95] εἶτα, ὁπότε δόξειεν αὐτῷ, τὰ μὲν ἀπετίθετο, εἰς δὲ Ἀπόλλωνα μετεμορφοῦτο καὶ μετεσκευάζετο, στεφάνοις μὲν ἀκτινοειδέσι τὴν κεφαλὴν ἀναδούμενος, τόξον δὲ τῇ εὐωνύμῳ καὶ βέλη κρατῶν χειρί, Χάριτας δὲ τῇ δεξιᾷ προτείνων, ὡς δέον τὰ μὲν ἀγαθὰ ὀρέγειν ἐξ ἑτοίμου καὶ τετάχθαι τὴν βελτίονα τάξιν τὴν ἐπὶ δεξιά, τὰς δὲ κολάσεις ὑποστέλλειν καὶ τὴν καταδεεστέραν χώραν κεκληρῶσθαι τὴν ἐπ´ εὐώνυμα. [96] Χοροί τε εὐθὺς εἱστήκεσαν συγκεκροτημένοι, παιᾶνας εἰς αὐτὸν ᾄδοντες, οἱ πρὸ μικροῦ Βάκχον καὶ Εὐήιον καὶ Λυαῖον ὀνομάζοντες καὶ ὕμνοις γεραίροντες, ἡνίκα τὴν Διονυσιακὴν ἀνελάμβανε σκευήν.

Πολλάκις δὲ καὶ θώρακα ἐνδυόμενος ξιφήρης προῄει μετὰ κράνους καὶ ἀσπίδος, Ἄρης ἀνακαλούμενος. [97] Καὶ παρ´ ἑκάτερα οἱ Ἄρεως τοῦ καινοῦ {καὶ νέου} θεραπευταὶ συμπροῄεσαν, ἀνδροφόνων καὶ δημοκοίνων θίασος, ὑπηρετήσοντες κακὰς ὑπηρεσίας φονῶντι καὶ διψῶντι ἀνθρωπείου αἵματος.

[98] Εἶτα τοῖς ταῦτα ὁρῶσι κατάπληξις ἦν ἐπὶ τῷ παραλόγῳ, καὶ ἐθαύμαζον, πῶς ὁ τἀναντία δρῶν οἷς ἰσότιμος εἶναι προαιρεῖται τὰς μὲν ἀρετὰς αὐτῶν ἐπιτηδεύειν οὐκ ἀξιοῖ, τοῖς δὲ παρασήμοις εἰς ἕκαστον σκευάζεται. Καίτοι τὰ περίαπτα ταῦτα καὶ προκοσμήματα ξοάνοις καὶ ἀγάλμασι προσκαθίδρυται, διὰ συμβόλων μηνύοντα τὰς ὠφελείας, ἃς παρέχονται τῷ γένει τῶν ἀνθρώπων οἱ τιμώμενοι.

[99] Πέδιλα Ἑρμῆς ὑποδεῖται πτερῶν ταρσοὺς ἔχοντα· διὰ τί; Ἆρα οὐχ ὅτι προσήκει τὸν ἑρμηνέα καὶ προφήτην τῶν θείων, ἀφ´ οὗ καὶ Ἑρμῆς ὠνόμασται, τὰ ἀγαθὰ διαγγέλλοντα - κακοῦ γὰρ οὐχ ὅτι θεὸς ἀλλ´ οὐδὲ σοφὸς ἀνὴρ γίνεται μηνυτής - ποδωκέστατόν τε εἶναι καὶ μόνον οὐ πτηνὸν φέρεσθαι διὰ σπουδὴν ἀνυπέρθετον; Ἐπειδὴ τὰ λυσιτελῆ φθάνοντας εὐαγγελίζεσθαι προσήκει, καθάπερ τὰ παλίμφημα μέλλοντας, εἰ μὴ ἐπιτρέποι τις αὐτὰ ἡσυχάζεσθαι. [100] Πάλιν κηρύκειον ἀναλαμβάνει δεῖγμα συμβατηρίων σπονδῶν· πόλεμοι γὰρ ἀνοχὰς καὶ διαλύσεις λαμβάνουσι διὰ κηρύκων εἰρήνην καθισταμένων· οἱ δὲ ἀκήρυκτοι συμφορὰς ἀτελευτήτους ἀπεργάζονται καὶ τοῖς ἐπιφέρουσι καὶ τοῖς ἀμυνομένοις.

[101] Γάιος δὲ πρὸς τίνα χρείαν πέδιλα ἀνελάμβανεν; Ἢ ἵνα τὰ δύσφημα καὶ δυσώνυμα, δέον ἡσυχάζεσθαι, βοηδρομῆται τάχει συντόνῳ πάντῃ συνηχοῦντα; Καίτοι τί κινήσεως ἐπεσπευσμένης ἔδει; Μένων γὰρ κακὰ ἐπὶ κακοῖς ἀμύθητα ὥσπερ ἐξ ἀενάων πηγῶν εἰς ἅπαντα τὰ μέρη τῆς οἰκουμένης ὤμβρει. [102] Τί δὲ δεῖ κηρυκείου τῷ μηδὲν εἰρηναῖόν ποτε μήτε εἰπόντι μήτε δράσαντι, πᾶσαν δὲ οἰκίαν καὶ πόλιν ἐμφυλίων ἀναπλήσαντι πολέμων κατά τε τὴν Ἑλλάδα καὶ βάρβαρον; Ἀποθέσθω δὴ τὸν Ἑρμῆν, ἀφοσιωσάμενος τὴν ἀνοίκειον κλῆσιν, ὁ ψευδώνυμος.

[103] Τί δὲ τῶν Ἀπολλωνιακῶν ἐμφερές ἐστι παρ´ αὐτῷ; Στέφανον ἀκτινωτὸν φορεῖ, εὖ πως ἀπομαξαμένου τὰς ἡλιακὰς ἀκτῖνας τοῦ τεχνίτου. Ἐκείνῳ δὲ ἥλιος ἢ φῶς συνόλως ἀσπαστόν ἐστιν, ἀλλ´ οὐχὶ νὺξ καὶ σκότος καὶ εἴ τι σκότους ἀφεγγέστερον εἰς τὴν τῶν ἐκνόμων ἔργων διάθεσιν; Ἐπειδὴ τὰ μὲν καλὰ περιαυγείας μεσημβρινῆς δεῖται πρὸς ἐπίδειξεν, τὰ δὲ αἰσχρά φασιν ἐσχατιᾶς Ταρτάρου, εἰς ὃν ἄξιον συνωθεῖσθαι δεόντως ἐπικρυφθησόμενα.

[104] Μεταθέτω καὶ τὰ ἐν ἑκατέρᾳ χειρὶ καὶ μὴ κιβδηλευέτω τὴν τάξιν. Τὰ μὲν βέλη καὶ τόξα τῇ δεξιᾷ προφερέτω· βάλλειν γὰρ καὶ τοξεύειν εὐσκόπως οἶδεν ἄνδρας, γυναῖκας, συγγενείας ὅλας, εὐανδρούσας πόλεις, ἐπ´ ὀλέθρῳ παντελεῖ. Τὰς δὲ Χάριτας ἢ ῥιψάτω θᾶττον ἢ τῇ εὐωνύμῳ συσκιαζέτω· [105] τὸ γὰρ κάλλος ᾔσχυνεν αὐτῶν, προσοφθαλμιῶν καὶ προσκεχηνὼς ταῖς μεγάλαις οὐσίαις εἰς ἁρπαγὰς ἀδίκους, αἷς ἐπικατεσφάττοντο οἱ δεσπόται τῆς εὐτυχίας ἕνεκα κακοδαιμονοῦντες.

[106] Ἀλλὰ καὶ τὴν ἰατρικὴν Ἀπόλλωνος εὖ πως μετεχάραξεν. Ὁ μὲν γὰρ σωτηρίων φαρμάκων εὑρετὴς ἐγένετο πρὸς ὑγείαν ἀνθρώπων, ἀξιῶν καὶ τὰς ὑφ´ ἑτέρων ἐγγινομένας νόσους αὐτὸς ἰᾶσθαι διὰ τὴν ἐκ φύσεως καὶ ἐπιτηδεύσεως ὑπερβάλλουσαν ἡμερότητα. [107] Ὁ δὲ ἔμπαλιν νόσους μὲν τοῖς ὑγιαίνουσι, πηρώσεις δὲ τοῖς ὁλοκλήροις, καὶ συνόλως θανάτους τοῖς ζῶσι χειροποιήτους πρὸ τοῦ μοιριδίου χαλεποὺς ἐπέφερε, πάντα τὰ φθοροποιὰ χορηγίαις ἀφθόνοις παρεσκευασμένος, οἷς, εἰ μὴ ἔφθασε προαναιρεθεὶς ὑπὸ τῆς δίκης {χρήσασθαι}, κἂν τὸ ἐν ἑκάστῃ πόλει δοκιμώτατον ἤδη διέφθαρτο. [108] Πρὸς τοὺς γὰρ ἐν τέλει καὶ πλουσίους εὐτρεπεῖς ἦσαν αἱ παρασκευαί, καὶ μάλιστα τοὺς ἐν Ῥώμῃ καὶ τῇ ἄλλῃ Ἰταλίᾳ, παρ´ οἷς ἄργυρος καὶ χρυσὸς τεθησαύρισται τοσοῦτος, ὥστε, εἰ σύμπας ὁ ἐξ ἁπάσης τῆς ἄλλης οἰκουμένης ἀπὸ περάτων αὐτῶν συνενεχθείη, πολλῷ καταδεέστερος ἂν εὑρεθῆναι.

Διὰ τοῦτο ἀπὸ τῆς πατρίδος ὥσπερ ἀφ´ ἱερᾶς ἤρχετο τὰ σπέρματα τῆς εἰρήνης ἀπορρίπτειν, ὁ μισόπολις, ὁ δημοβόρος, ἡ λύμη, τὸ φθοροποιὸν κακόν.

[109] Λέγεται μὴ μόνον ἰατρὸς ἀλλὰ καὶ μάντις ἀγαθὸς Ἀπόλλων εἶναι, χρησμοῖς προλέγων τὰ μέλλοντα πρὸς ὠφέλειαν ἀνθρώπων, ἵνα μή τις ἐπισκιασθεὶς αὐτῶν περὶ τὸ ἄδηλον ἀπροοράτως καθάπερ τυφλὸς τοῖς ἀβουλήτοις ὡς λυσιτελεστάτοις ἐπιτρέχων ἐπεμπίπτῃ, προμαθὼν δὲ τὸ μέλλον ὡς ἤδη παρὸν καὶ βλέπων αὐτὸ τῇ διανοίᾳ οὐχ ἧττον ἢ τὰ ἐν χερσὶν ὀφθαλμοῖς σώματος φυλάττηται, προνοούμενος τοῦ μηδὲν ἀνήκεστον παθεῖν. [110] Ἆρα ἄξιον τούτοις ἀντιθεῖναι τὰ παλίμφημα Γαΐου λόγια, δι´ ὧν πενίαι καὶ ἀτιμίαι καὶ φυγαὶ καὶ θάνατοι προεμηνύοντο τοῖς πανταχοῦ τῶν ἐν τέλει καὶ δυνατῶν; Τίς οὖν κοινωνία πρὸς Ἀπόλλωνα τῷ μηδὲν οἰκεῖον ἢ συγγενὲς ἐπιτετηδευκότι; Πεπαύσθω καὶ ὁ ψευδώνυμος Παιὰν τὸν ἀληθῆ Παιᾶνα μιμούμενος· οὐ γὰρ ὥσπερ τὸ νόμισμα παράκομμα καὶ θεοῦ μορφὴ γίνεται.

[111] Πάντα γε μὴν ἐλπίσειεν ἄν τις μᾶλλον ἢ τοιοῦτον σῶμα καὶ ψυχήν, ἄμφω μαλακὰ καὶ κατεαγότα, τῇ περὶ ἑκάτερον Ἄρεως ἀλκῇ δυνηθῆναί ποτε ἐξομοιωθῆναι· ὁ δὲ ὥσπερ ἐπὶ σκηνῆς ἐναλλάττων πολυειδῆ προσωπεῖα φαντασίαις ψευδέσιν ἠπάτα τοὺς ὁρῶντας. [112] Φέρε δ´ οὖν, μηδὲν τῶν περὶ σῶμα καὶ ψυχὴν ἐξεταζέσθω διὰ τὴν ἐν πάσαις σχέσεσι καὶ κινήσεσιν ἀλλοτριότητα πρὸς τὸν εἰρημένον δαίμονα· τὴν Ἄρεως οὖν, οὐχὶ τοῦ μεμυθευμένου, τοῦ δὲ ἐν τῇ φύσει λόγου, ὃν ἀνδρεία κεκλήρωται, δύναμιν οὐκ ἴσμεν ἀλεξίκακον οὖσαν καὶ βοηθὸν καὶ παραστάτιν ἀδικουμένων, ὡς καὶ αὐτό που δηλοῖ τοὔνομα; [113] Παρὰ γὰρ τὸ ἀρήγειν, ὅπερ βοηθεῖν ἐστι, κατὰ γλῶτταν Ἄρης ὠνομάσθαι μοι δοκεῖ, καθαιρετικὸς πολέμων, δημιουργὸς εἰρήνης, ἧς ἐχθρὸς μὲν ἦν ἕτερος, ἑταῖρος δὲ πολέμων, τὴν εὐστάθειαν εἰς ταραχὰς καὶ στάσεις μεθαρμοζόμενος.

114] Ἆρά γε ἤδη μεμαθήκαμεν ἐκ τούτων, ὅτι οὐδενὶ θεῶν ἀλλ´ οὐδὲ ἡμιθέων ἐξομοιοῦσθαι δεῖ Γάιον, μήτε φύσεως μήτε οὐσίας ἀλλὰ μηδὲ προαιρέσεως τετυχηκότα τῆς αὐτῆς; Τυφλὸν δέ, ὡς ἔοικεν, ἡ ἐπιθυμία, καὶ μάλισθ´ ὅταν προσλάβῃ κενοδοξίαν ὁμοῦ καὶ φιλονεικίαν μετὰ τῆς μεγίστης ἐξουσίας, ὑφ´ ἧς ἡμεῖς οἱ πρότερον εὐτυχεῖς ἐπορθούμεθα. [115] Μόνους γὰρ Ἰουδαίους ὑπεβλέπετο, ὡς δὴ μόνους τἀναντία προῃρημένους καὶ δεδιδαγμένους ἐξ αὐτῶν τρόπον τινὰ σπαργάνων ὑπὸ γονέων καὶ παιδαγωγῶν καὶ ὑφηγητῶν καὶ πολὺ πρότερον τῶν ἱερῶν νόμων καὶ ἔτι τῶν ἀγράφων ἐθῶν ἕνα νομίζειν τὸν πατέρα καὶ ποιητὴν τοῦ κόσμου θεόν.

[116] Οἱ μὲν γὰρ ἄλλοι πάντες, ἄνδρες, γυναῖκες, πόλεις, ἔθνη, χῶραι, κλίματα γῆς, ὀλίγου δέω φάναι πᾶσα ἡ οἰκουμένη, καίτοι στένοντες ἐπὶ τοῖς γινομένοις, οὐδὲν ἧττον ἐκολάκευον αὐτὸν ἀποσεμνύνοντες πλέον τοῦ μετρίου καὶ τὸν τῦφον συναύξοντες. Ἔνιοι δὲ καὶ τὸ βαρβαρικὸν ἔθος εἰς Ἰταλίαν ἤγαγον, τὴν προσκύνησιν, τὸ εὐγενὲς τῆς Ῥωμαϊκῆς ἐλευθερίας παραχαράττοντες. [117] Ἕν δὲ μόνον ἔθνος ἐξαίρετον τῶν Ἰουδαίων ὕποπτον ἦν ἀντιπράξειν, εἰωθὸς ἑκουσίους ἀναδέχεσθαι θανάτους ὥσπερ ἀθανασίαν, ὑπὲρ τοῦ μηδὲν τῶν πατρίων περιιδεῖν ἀναιρούμενον, εἰ καὶ βραχύτατον εἴη, διὰ τὸ καθάπερ ἐπὶ τῶν οἰκοδομημάτων ὑφαιρέσει ἑνὸς καὶ τὰ ἔτι παγίως ἑστάναι δοκοῦντα συμπίπτειν πρὸς τὸ κενωθὲν χαλώμενα καὶ καταρρέοντα.

[118] Μικρὸν δὲ οὐκ ἦν τὸ κινούμενον, ἀλλὰ τὸ μέγιστον τῶν ὄντων, ἀνθρώπου γενητὴν καὶ φθαρτὴν φύσιν εἰς ἀγένητον καὶ ἄφθαρτον ὅσα τῷ δοκεῖν θεοπλαστῆσαι, ὅπερ ἀσεβημάτων ἔκρινεν εἶναι χαλεπώτατον

- θᾶττον γὰρ ἂν εἰς ἄνθρωπον θεὸν ἢ εἰς θεὸν ἄνθρωπον μεταβαλεῖν - , δίχα τοῦ καὶ τὰς ἄλλας τὰς ἀνωτάτω κακίας ἀναδέξασθαι, ἀπιστίαν ὁμοῦ καὶ ἀχαριστίαν πρὸς τὸν τοῦ κόσμου παντὸς εὐεργέτην, ὃς τῇ αὑτοῦ δυνάμει τοῖς μέρεσι πᾶσι τοῦ παντὸς ἀφθόνους περιουσίας ἀγαθῶν ἐκδίδωσιν.

[119] Μέγιστος οὖν καὶ ἀκήρυκτος πόλεμος ἐπὶ τῷ ἔθνει συνεκροτεῖτο. Τί γὰρ ἂν εἴη δούλῳ βαρύτερον κακὸν ἢ δεσπότης ἐχθρός; Δοῦλοι δὲ αὐτοκράτορος οἱ ὑπήκοοι, καὶ εἰ μηδενὸς ἑτέρου τῶν προτέρων διὰ τὸ σὺν ἐπιεικείᾳ καὶ μετὰ νόμων ἄρχειν, ἀλλά τοι Γαΐου πᾶσαν ἐκτετμημένου τῆς ψυχῆς ἡμερότητα καὶ παρανομίαν ἐζηλωκότος - νόμον γὰρ ἡγούμενος ἑαυτὸν τοὺς τῶν ἑκασταχοῦ νομοθετῶν ὡς κενὰς ῥήσεις ἔλυεν - · ἡμεῖς δὲ οὐ μόνον ἐν δούλοις ἀλλὰ καὶ δούλων τοῖς ἀτιμοτάτοις ἐγραφόμεθα τοῦ ἄρχοντος τρέποντος εἰς δεσπότην.

[120] Ὅπερ συναισθόμενος ὁ Ἀλεξανδρέων μιγὰς καὶ πεφορημένος ὄχλος ἐπέθετο ἡμῖν, καιρὸν ἐπιτηδειότατον παραπεπτωκέναι ὑπολαβών, καὶ τὸ τυφόμενον ἐκ μακρῶν χρόνων μῖσος ἀνέφηνε πάντα κυκῶν καὶ συνταράττων. [121] Ὡς γὰρ ἐκδοθέντας εἰς ὁμολογουμένας καὶ τὰς ἀνωτάτω συμφορὰς ὑπὸ τοῦ αὐτοκράτορος ἢ πολέμῳ κατακρατηθέντας ἐκμανέσι καὶ θηριωδεστάταις ὀργαῖς κατειργάζοντο, ταῖς οἰκίαις ἐπιτρέχοντες, τοὺς δεσπότας αὐταῖς γυναιξὶ καὶ τέκνοις ἐλαύνοντες, ὡς κενὰς οἰκητόρων ἀποφῆναι. [122] Ἔπιπλα καὶ κειμήλια οὐκέτι ὡς λῃσταὶ νύκτα καὶ σκότος ἐπιτηροῦντες διὰ φόβον ἁλώσεως ἔκλεπτον, ἀλλὰ φανερῶς μεθ´ ἡμέραν ἐξεφόρουν ἐπιδεικνύμενοι τοῖς ἀπαντῶσιν, ὥσπερ οἱ κεκληρονομηκότες ἢ πριάμενοι παρὰ τῶν κυρίων. Εἰ δὲ καὶ πλείους συνέθεντο κοινοπραγῆσαι τῶν ἁρπαγῶν, τὴν λείαν ἐν ἀγορᾷ μέσῃ διενέμοντο, πολλάκις ἐν ὄψεσι τῶν δεσποτῶν, κατακερτομοῦντες καὶ ἐπιχλευάζοντες. Δεινὰ μὲν οὖν καθ´ ἑαυτὰ καὶ ταῦτα.

[123] Πῶς γὰρ οὔ; Πένητας ἐκ πλουσίων καὶ ἀπόρους ἐξ εὐπόρων γεγενῆσθαι μηδὲν ἀδικοῦντας ἐξαίφνης καὶ ἀνοίκους καὶ ἀνεστίους, ἐξεωσμένους καὶ πεφυγαδευμένους τῶν ἰδίων οἰκιῶν, ἵνα μεθ´ ἡμέραν καὶ νύκτωρ ὕπαιθροι διατελοῦντες ἢ ταῖς ἀφ´ ἡλίου φλογώσεσιν ἢ νυκτεριναῖς περιψύξεσι διαφθαρῶσι. [124] Κουφότερα δὲ τῶν μελλόντων λέγεσθαι ταῦτα.

Συνελάσαντες γὰρ τοσαύτας μυριάδας ἀνδρῶν ὁμοῦ καὶ γυναικῶν καὶ τέκνων καθάπερ βοσκήματα καὶ θρέμματα ἐξ ἁπάσης τῆς πόλεως εἰς μοῖραν ἐλαχίστην οἷά τινα σηκόν, ᾠήθησαν ὀλίγαις ἡμέραις σωροὺς ἀθρόων νεκρῶν ἐφευρήσειν ἢ λιμῷ διαφθαρέντων διὰ σπάνιν τῶν ἀναγκαίων, οὐ προευτρεπισμένων τὰ ἐπιτήδεια κατὰ μαντείαν τῶν ἐξαπιναίων κακοπραγιῶν, [125] ἢ δι´ ὠθισμὸν καὶ πνῖγος, μηδεμιᾶς εὐρυχωρίας προσφερομένης, ἀλλὰ καὶ τοῦ πέριξ ἀέρος κακωθέντος καὶ ὅσον ἦν ἐν αὐτῷ ζωτικὸν ταῖς ἀναπνοαῖς, εἰ δὲ δεῖ τὸ ἀληθὲς εἰπεῖν, τοῖς ἐκπνεόντων ἄσθμασιν ὑποβαλόντος, ὑφ´ ὧν φλεγόμενος καὶ τρόπον τινὰ καταβολῇ πυρετοῦ πιεσθεὶς θερμὸν καὶ ἄτοπον πνεῦμα διὰ μυκτήρων καὶ στόματος εἰσέπεμπε, τὸ λεγόμενον κατὰ τὴν παροιμίαν πῦρ ἐπιφέρων πυρί. [126] Τῶν γὰρ ἐντὸς σπλάγχνων ἡ δύναμις ἐκ φύσεως φλογωδεστάτη καθέστηκεν, ἣν ὅταν μὲν αἱ θύραθεν αὖραι μετρίως ψυχραὶ καταπνέωσιν, εὐοδεῖ τὰ τῆς ἀναπνοῆς ὄργανα ταῖς εὐκρασίαις, ὅταν δὲ μεταβάλωσι πρὸς τὸ θερμότερον, ἀνάγκη δυσοδεῖν πυρὸς ἐπεισρέοντος πυρί. [127] Μηκέτι οὖν ὑπομένειν τὴν δυσχωρίαν οἷοί τε ὄντες ἐξεχέοντο εἰς ἐρημίας καὶ αἰγιαλοὺς καὶ μνήματα, γλιχόμενοι σπάσαι καθαροῦ καὶ ἀβλαβοῦς ἀέρος.

Εἰ δέ τινες ἢ προκατελήφθησαν ἐν τοῖς ἄλλοις μέρεσι τῆς πόλεως ἢ ἀγνοίᾳ τῶν κατασκηψάντων κακῶν ἀγρόθεν παρεγένοντο, πολυτρόπων ἀπέλαυον συμφορῶν, ἢ καταλευόμενοι ἢ κεράμῳ τιτρωσκόμενοι ἢ πρίνου κλάδοις καὶ δρυὸς τὰ καιριώτατα μέρη τοῦ σώματος καὶ μάλιστα κεφαλὴν ἄχρι θανάτου καταγνύμενοι.

[128] Περικαθήμενοι δὲ ἐν κύκλῳ τινὲς τῶν ἀργεῖν καὶ σχολάζειν εἰωθότων τοὺς συνεληλαμένους καὶ συνεωσμένους εἰς ἐσχατιᾶς βραχύ τι μέρος, ὡς ἔφην, καθάπερ τοὺς τειχήρεις γεγονότας ἐπετήρουν, μή τις ὑπεξέλθῃ λαθών. Ἔμελλον δὲ ἄρα οὐκ ὀλίγοι διὰ σπάνιν τῶν ἀναγκαίων ἀλογήσαντες τῆς ἰδίας ἀσφαλείας ἐξιέναι, δέει τοῦ μὴ λιμῷ πανοίκιοι παραπολέσθαι. Τούτων τὰς διαλύσεις καραδοκοῦντες ἐπετήρουν καὶ τοὺς συλληφθέντας εὐθὺς διέφθειρον αἰκιζόμενοι πάσαις αἰκίαις.

[129] Ἔτερος δὲ λόχος ἦν ἐφεδρεύων τοῖς τοῦ ποταμοῦ λιμέσι πρὸς ἁρπαγὴν τῶν καταγομένων Ἰουδαίων καὶ ὧν κατ´ ἐμπορίαν ἐκόμιζον· ἐπεισβαίνοντες γὰρ ταῖς ναυσὶ τὸν φόρτον ἐν ὄψεσι τῶν κυρίων ἐξεφόρουν καὶ αὐτοὺς ἐξαγκωνίζοντες ἐνεπίμπρασαν, ὕλῃ χρώμενοι πηδαλίοις, οἴαξι, κοντοῖς καὶ ταῖς ἐπὶ τῶν καταστρωμάτων σανίσι.

[130] Τοῖς δὲ ἐν μέσῃ τῇ πόλει κατακαιομένοις οἰκτρότατος ἦν ὄλεθρος· σπάνει γὰρ ἔστιν ὅτε ξύλων φρύγανα συνεφόρουν καὶ ταῦτα ἀνάψαντες ἐπερρίπτουν τοῖς ἀθλίοις· οἱ δὲ ἡμίφλεκτοι καπνῷ τὸ πλέον ἢ πυρὶ διεφθείροντο, τῆς φρυγανώδους ὕλης πῦρ μὲν ἀμενηνὸν καὶ καπνῶδες ἐξαπτούσης καὶ αὐτίκα σβεννυμένης, ἀνθρακοῦσθαι δὲ διὰ κουφότητα μὴ δυναμένης.

[131] Πολλοὺς δὲ ἔτι ζῶντας ἱμάσι καὶ βρόχοις περιβαλόντες καὶ ἐπισφίγξαντες τὰ σφυρὰ διὰ μέσης κατέσυρον ἀγορᾶς ἐναλλόμενοι καὶ μηδὲ νεκρῶν ἀπεχόμενοι τῶν σωμάτων· διαρτῶντες γὰρ αὐτὰ κατὰ μέλη καὶ μέρη καὶ πατοῦντες οἱ καὶ τῶν ἀτιθάσων θηρίων ὠμότεροι καὶ ἀγριώτεροι πᾶσαν ἰδέαν ἐξανήλισκον, ὡς μηδὲ λείψανον γοῦν ὃ δυνήσεται ταφῆς ἐπιλαχεῖν ὑπολιπέσθαι.

[132] Τοῦ δὲ ἐπιτρόπου τῆς χώρας, ὃς μόνος ἐδύνατο βουληθεὶς ὥρᾳ μιᾷ τὴν ὀχλοκρατίαν καθελεῖν, προσποιουμένου ἅ τε ἑώρα μὴ ὁρᾶν καὶ ὧν ἤκουε μὴ ἐπακούειν, ἀλλ´ ἀνέδην ἐφιέντος πολεμοποιεῖν καὶ τὴν εἰρήνην συγχέοντος, ἔτι μᾶλλον ἐξοτρυνόμενοι πρὸς ἀναισχύντους καὶ θρασυτέρας ὥρμησαν ἐπιβουλὰς καὶ συνταξάμενοι στίφη πολυανθρωπότατα τὰς προσευχάς - πολλαὶ δέ εἰσι καθ´ ἕκαστον τμῆμα τῆς πόλεως - τὰς μὲν ἐδενδροτόμησαν τὰς δὲ αὐτοῖς θεμελίοις κατέσκαψαν, εἰς ἃς δὲ καὶ πῦρ ἐμβαλόντες ἐνέπρησαν, ὑπὸ λύττης καὶ μανίας ἔκφρονος ἀλογήσαντες καὶ τῶν πλησίον οἰκιῶν· πυρὸς γάρ, ὁπότε λάβοιτο ὕλης, οὐδὲν ὠκύτερον.

[133] Καὶ σιωπῶ τὰς συγκαθαιρεθείσας καὶ συμπρησθείσας τῶν αὐτοκρατόρων τιμὰς ἀσπίδων καὶ στεφάνων ἐπιχρύσων καὶ στηλῶν καὶ ἐπιγραφῶν, δι´ ἃ καὶ τῶν ἄλλων ὤφειλον ἀνέχειν· ἀλλ´ ἐθάρρουν ἅτε τὴν ἐκ Γαΐου τίσιν οὐ δεδιότες, ὃν εὖ ἠπίσταντο μῖσος ἄλεκτον ἔχοντα πρὸς Ἰουδαίους, ὡς ὑπονοεῖν, ὅτι οὐδεὶς οὐδὲν αὐτῷ χαρίζοιτο μεῖζον ἢ πάσας κακῶν ἰδέας ἐπιφέρων τῷ ἔθνει.

[134] Βουλόμενοι δὲ καινοτέραις κολακείαις ὑπελθόντες αὐτὸν ἀνυπευθύνοις χρῆσθαι κατὰ τὸ παντελὲς ταῖς εἰς ἡμᾶς ἐπηρείαις τί ποιοῦσι; Προσευχὰς ὅσας μὴ ἐδυνήθησαν ἐμπρήσεσι καὶ κατασκαφαῖς ἀφανίσαι διὰ τὸ πολλοὺς καὶ ἀθρόους πλησίον οἰκεῖν Ἰουδαίους ἕτερον τρόπον ἐλυμήναντο μετὰ τῆς τῶν νόμων καὶ ἐθῶν ἀνατροπῆς·

εἰκόνας γὰρ ἐν ἁπάσαις μὲν ἱδρύοντο Γαΐου, ἐν δὲ τῇ μεγίστῃ καὶ περισημοτάτῃ καὶ ἀνδριάντα χαλκοῦν ἐποχούμενον τεθρίππῳ. [135] Καὶ τοσοῦτον ἦν τὸ τάχος καὶ τὸ σύντονον τῆς σπουδῆς, ὥστε οὐκ ἔχοντες ἐν ἑτοίμῳ καινὸν τέθριππον ἐκ τοῦ γυμνασίου παλαιότατον ἐκόμιζον ἰοῦ γέμον, ἠκρωτηριασμένον ὦτα καὶ οὐρὰς καὶ βάσεις καὶ ἕτερα οὐκ ὀλίγα, ὡς δέ φασί τινες καὶ ὑπὲρ γυναικὸς ἀνατεθὲν τῆς ἀρχαίας Κλεοπάτρας, ἥτις ἦν προμάμμη τῆς τελευταίας. [136] Ἡλίκην μὲν οὖν καθ´ αὑτὸ τοῦτο τοῖς ἀναθεῖσιν ἐπέφερε κατηγορίαν, παντί τῳ δῆλον. Τί γάρ, εἰ καὶ καινὸν γυναικός; Τί δέ, εἰ παλαιὸν ἀνδρός; Τί δέ, εἰ συνόλως ἐπιφημισθὲν ἑτέρῳ; Τοὺς τοιοῦτον ἀνατιθέντας ὑπὲρ αὐτοκράτορος οὐκ εἰκὸς ἦν εὐλαβηθῆναι, μή τις γένηται μήνυσις τῷ πάντα σεμνοποιοῦντι τὰ καθ´ αὑτὸν διαφερόντως; [137] Οἱ δέ γε ἐκ πολλοῦ τοῦ περιόντος ἤλπιζον ἐπαινεθήσεσθαι καὶ μειζόνων καὶ λαμπροτέρων ἀπολαύσειν ἀγαθῶν ἕνεκα τοῦ καινὰ τεμένη προσαναθεῖναι Γαΐῳ τὰς προσευχάς, οὐχ ἕνεκα τιμῆς τῆς εἰς ἐκεῖνον, ἀλλ´ ὑπὲρ τοῦ πάντα τρόπον ἐμφορεῖσθαι τῶν ἐπὶ τῷ ἔθνει κακοπραγιῶν. [138] Ἐναργεῖς δὲ πίστεις λαβεῖν ἔστι· πρῶτον μὲν ἀπὸ τῶν βασιλέων.

Δέκα που σχεδὸν ἢ καὶ πλειόνων ἐν τριακοσίοις ἔτεσιν ἑξῆς γενομένων, ἀνάθεσιν εἰκόνων ἢ ἀνδριάντων ἐν προσευχαῖς οὐδεμίαν ἐποιήσαντο, καίτοι γε οἰκείων ὄντων καὶ συγγενῶν, οὓς θεοὺς καὶ ἐνόμιζον καὶ ἔγραφον καὶ ἐκάλουν. [139] Τί δὲ οὐκ ἔμελλον ἀνθρώπους γε ὄντας οἱ κύνας καὶ λύκους καὶ λέοντας καὶ κροκοδείλους καὶ ἄλλα πλείονα θηρία καὶ ἔνυδρα καὶ χερσαῖα καὶ πτηνὰ θεοπλαστοῦντες, ὑπὲρ ὧν βωμοὶ καὶ ἱερὰ καὶ ναοὶ καὶ τεμένη κατὰ πᾶσαν Αἴγυπτον ἵδρυνται;

[140] Τάχα που νῦν φήσουσι τότε οὐκ ἂν εἰπόντες - τὰς γὰρ τῶν ἀρχόντων εὐπραγίας μᾶλλον ἢ τοὺς ἄρχοντας αὐτοὺς εἰώθασι θεραπεύειν - , ὅτι μείζους μὲν οἱ αὐτοκράτορες τὰ ἀξιώματα καὶ τὰς τύχας τῶν Πτολεμαίων εἰσί, μειζόνων δὲ καὶ τιμῶν τυγχάνειν ὀφείλουσιν.

[141] Εἶτα, ὦ πάντων ἀνθρώπων, ἵνα μηδὲν ἀναγκασθῶ βλάσφημον εἰπεῖν, εὐηθέστατοι, διὰ τί τὸν πρὸ Γαΐου Τιβέριον, ὃς κἀκείνῳ τῆς ἡγεμονίας αἴτιος γέγονε, τρία πρὸς τοῖς εἴκοσιν ἔτη γῆς καὶ θαλάσσης ἀναψάμενον τὸ κράτος καὶ μηδὲ σπέρμα πολέμου μήτε κατὰ τὴν Ἑλλάδα μήτε κατὰ τὴν βάρβαρον ὑποτυφόμενον ἐάσαντα, τὴν δὲ εἰρήνην καὶ τὰ τῆς εἰρήνης ἀγαθὰ παρασχόμενον ἄχρι τῆς τοῦ βίου τελευτῆς ἀφθόνῳ καὶ πλουσίᾳ χειρὶ καὶ γνώμῃ, τῆς ὁμοίας τιμῆς οὐκ ἠξιώσατε; [142] Τὸ γένος ἦν ἐλάττων; Ἀλλ´ εὐγενέστατος κατ´ ἀμφοτέρους τοὺς γονεῖς. Ἀλλὰ τὴν παιδείαν; Καὶ τίς ἦν φρονιμώτερος ἢ λογιώτερος ἐκείνου τῶν κατ´ αὐτὸν ἀκμασάντων; Ἀλλὰ τὴν ἡλικίαν; Καὶ ποῖος μᾶλλον ἢ βασιλέων ἢ αὐτοκρατόρων εὐγήρως; Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ ἔτι νέος ὢν ὁ πρεσβύτης ἐλέγετο δι´ αἰδῶ τὴν περὶ τὴν ἀγχίνοιαν. Οὗτος οὖν ὁ τοιοῦτος καὶ τοσοῦτος ὑμῖν παρώφθη καὶ παρεσύρη.

[143] Τί δέ; Ὁ τὴν ἀνθρωπίνην φύσιν ὑπερβαλὼν ἐν ἁπάσαις ταῖς ἀρεταῖς, ὁ διὰ μέγεθος ἡγεμονίας αὐτοκρατοῦς ὁμοῦ καὶ καλοκαγαθίας πρῶτος ὀνομασθεὶς Σεβαστός, οὐ διαδοχῇ γένους ὥσπερ τι κλήρου μέρος τὴν ἐπωνυμίαν λαβών, ἀλλ´ αὐτὸς γενόμενος ἀρχὴ σεβασμοῦ καὶ τοῖς ἔπειτα; Ὁ τοῖς μὲν πράγμασι τεταραγμένοις καὶ συγκεχυμένοις ἐπιστάς, ὅτε εὐθὺς παρῆλθεν ἐπὶ τὴν τῶν κοινῶν ἐπιμέλειαν; [144] Νῆσοι γὰρ πρὸς ἠπείρους καὶ ἤπειροι πρὸς νήσους περὶ πρωτείων ἀντεφιλονείκουν ἡγεμόνας ἔχουσαι καὶ προαγωνιστὰς Ῥωμαίων τοὺς ἐν τέλει δοκιμωτάτους· καὶ αὖθις τὰ μεγάλα τμήματα τῆς οἰκουμένης, Ἀσία πρὸς Εὐρώπην καὶ Εὐρώπη πρὸς Ἀσίαν, ἡμιλλῶντο περὶ κράτους ἀρχῆς, τῶν Εὐρωπαίων καὶ Ἀσιανῶν ἐθνῶν ἀπὸ ἐσχάτων γῆς ἀναστάντων καὶ βαρεῖς πολέμους ἀντεπιφερόντων διὰ πάσης γῆς καὶ θαλάττης πεζομαχίαις καὶ ναυμαχίαις, ὡς μικροῦ σύμπαν τὸ ἀνθρώπων γένος ἀναλωθὲν ταῖς ἀλληλοκτονίαις εἰς τὸ παντελὲς ἀφανισθῆναι, εἰ μὴ δι´ ἕνα ἄνδρα καὶ ἡγεμόνα, τὸν Σεβαστόν {οἶκον}, [145] Ὃν ἄξιον καλεῖν ἀλεξίκακον. Οὗτός ἐστιν ὁ Καῖσαρ, ὁ τοὺς καταρράξαντας πανταχόθι χειμῶνας εὐδιάσας, ὁ τὰς κοινὰς νόσους Ἑλλήνων καὶ βαρβάρων ἰασάμενος, αἳ κατέβησαν μὲν ἀπὸ τῶν μεσημβρινῶν καὶ ἑῴων, ἔδραμον δὲ καὶ μέχρι δύσεως καὶ πρὸς ἄρκτον, τὰ μεθόρια χωρία καὶ πελάγη κατασπείρασαι τῶν ἀβουλήτων· [146] οὗτός ἐστιν ὁ τὰ δεσμά, οἷς κατέζευκτο καὶ ἐπεπίεστο ἡ οἰκουμένη, παραλύσας, οὐ μόνον ἀνείς· οὗτος ὁ καὶ τοὺς φανεροὺς καὶ ἀφανεῖς πολέμους διὰ τὰς ἐκ λῃστῶν ἐπιθέσεις ἀνελών· οὗτος ὁ τὴν θάλατταν πειρατικῶν μὲν σκαφῶν κενὴν ἐργασάμενος, φορτίδων δὲ πληρώσας· [147] οὗτος ὁ τὰς πόλεις ἁπάσας εἰς ἐλευθερίαν ἐξελόμενος, ὁ τὴν ἀταξίαν εἰς τάξιν ἀγαγών, ὁ τὰ ἄμικτα ἔθνη καὶ θηριώδη πάντα ἡμερώσας καὶ ἁρμοσάμενος, ὁ τὴν μὲν Ἑλλάδα Ἑλλάσι πολλαῖς παραυξήσας, τὴν δὲ βάρβαρον ἐν τοῖς ἀναγκαιοτάτοις τμήμασιν ἀφελληνίσας, ὁ εἰρηνοφύλαξ, ὁ διανομεὺς τῶν ἐπιβαλλόντων ἑκάστοις, ὁ τὰς χάριτας ἀταμιεύτους εἰς μέσον προθείς, ὁ μηδὲν ἀποκρυψάμενος ἀγαθὸν ἢ καλὸν ἐν ἅπαντι τῷ ἑαυτοῦ βίῳ. [148] Τοῦτον οὖν τὸν τοσοῦτον εὐεργέτην ἐν τρισὶ καὶ τεσσαράκοντα ἐνιαυτοῖς, οὓς ἐπεκράτησεν Αἰγύπτου, παρεκαλύψαντο, μηδὲν ἐν προσευχαῖς ὑπὲρ αὐτοῦ, μὴ ἄγαλμα, μὴ ξόανον, μὴ γραφὴν ἱδρυσάμενοι. [149] Καὶ μὴν εἴ τινι καινὰς καὶ ἐξαιρέτους ἔδει ψηφίζεσθαι τιμάς, ἐκείνῳ προσῆκον ἦν, οὐ μόνον ὅτι τοῦ Σεβαστοῦ γένους ἀρχή τις ἐγένετο καὶ πηγή, οὐδὲ ὅτι πρῶτος καὶ μέγιστος καὶ κοινὸς εὐεργέτης, ἀντὶ πολυαρχίας ἑνὶ κυβερνήτῃ παραδοὺς τὸ κοινὸν σκάφος οἰακονομεῖν ἑαυτῷ, θαυμασίῳ τὴν ἡγεμονικὴν ἐπιστήμην - τὸ γὰρ « Οὐκ ἀγαθὸν πολυκοιρανίη » λέλεκται δεόντως, ἐπειδὴ πολυτρόπων αἴτιαι κακῶν αἱ πολυψηφίαι - ἀλλ´ ὅτι καὶ πᾶσα ἡ οἰκουμένη τὰς ἰσολυμπίους αὐτῷ τιμὰς ἐψηφίσαντο. [150] Καὶ μαρτυροῦσι ναοί, προπύλαια, προτεμενίσματα, στοαί, ὡς ὅσαι τῶν πόλεων, ἢ νέα ἢ παλαιά, ἔργα φέρουσι μεγαλοπρεπῆ, τῷ κάλλει καὶ μεγέθει τῶν Καισαρείων παρευημερεῖσθαι, καὶ μάλιστα κατὰ τὴν ἡμετέραν Ἀλεξάνδρειαν. [151] Οὐδὲν γὰρ τοιοῦτόν ἐστι τέμενος, οἷον τὸ λεγόμενον Σεβαστεῖον, ἐπιβατηρίου Καίσαρος νεώς, ὃς ἀντικρὺ τῶν εὐορμοτάτων λιμένων μετέωρος ἵδρυται μέγιστος καὶ ἐπιφανέστατος καὶ οἷος οὐχ ἑτέρωθι κατάπλεως ἀναθημάτων, {ἐν} γραφαῖς καὶ ἀνδριάσι καὶ ἀργύρῳ καὶ χρυσῷ περιβεβλημένος ἐν κύκλῳ, τέμενος εὐρύτατον στοαῖς, βιβλιοθήκαις, ἀνδρῶσιν, ἄλσεσι, προπυλαίοις, εὐρυχωρίαις, ὑπαίθροις, ἅπασι τοῖς εἰς πολυτελέστατον κόσμον ἠσκημένον, ἐλπὶς καὶ ἀναγομένοις καὶ καταπλέουσι σωτήριος.

[152] Ἔχοντες οὖν τοιαύτας ἀφορμὰς καὶ τοὺς πανταχοῦ πάντας ὁμογνώμονας οὔτε περὶ τὰς προσευχὰς ἐνεωτέρισαν καὶ καθ´ ἕκαστον τὸ νόμιμον ἐφύλαξαν· ἤ τινα σεβασμὸν παρέλιπον τῶν ὀφειλομένων Καίσαρι; Καὶ τίς ἂν εὖ φρονῶν εἴποι; Διὰ τί οὖν ἐστέρησαν; Ἐγὼ φράσω μηδὲν ὑποστειλάμενος.

[153] ᾜδεσαν αὐτοῦ τὴν ἐπιμέλειαν καὶ ὅτι τοσαύτην ποιεῖται τῆς βεβαιώσεως τῶν παρ´ ἑκάστοις πατρίων, ὅσην καὶ τῶν Ῥωμαϊκῶν, καὶ ὅτι δέχεται τὰς τιμὰς οὐκ ἐπὶ καθαιρέσει τῶν παρ´ ἐνίοις νομίμων τυφοπλαστῶν ἑαυτόν, ἀλλὰ τῷ μεγέθει τῆς τοσαύτης ἡγεμονίας ἑπόμενος, ἣ διὰ τῶν τοιούτων πέφυκε σεμνοποιεῖσθαι. [154] Τοῦ δὲ μὴ ταῖς ὑπερόγκοις τιμαῖς δεθῆναι καὶ φυσηθῆναί ποτε πίστις ἐναργεστάτη τὸ μηδέποτε θεὸν ἑαυτὸν ἐθελῆσαι προσειπεῖν, ἀλλὰ κἂν εἰ λέγοι τις δυσχεραίνειν, καὶ τὸ τοὺς Ἰουδαίους ἀποδέχεσθαι, οὓς ἀκριβῶς ᾔδει πάντα ἀφοσιουμένους τὰ τοιαῦτα.

[155] Πῶς οὖν ἀπεδέχετο τὴν πέραν τοῦ Τιβέρεως ποταμοῦ μεγάλην τῆς Ῥώμης ἀποτομήν, ἣν οὐκ ἠγνόει κατεχομένην καὶ οἰκουμένην πρὸς Ἰουδαίων; Ῥωμαῖοι δὲ ἦσαν οἱ πλείους ἀπελευθερωθέντες· αἰχμάλωτοι γὰρ ἀχθέντες εἰς Ἰταλίαν ὑπὸ τῶν κτησαμένων ἠλευθερώθησαν, οὐδὲν τῶν πατρίων παραχαράξαι βιασθέντες. [156] Ἠπίστατο οὖν καὶ προσευχὰς ἔχοντας καὶ συνιόντας εἰς αὐτάς, καὶ μάλιστα ταῖς ἱεραῖς ἑβδόμαις, ὅτε δημοσίᾳ τὴν πάτριον παιδεύονται φιλοσοφίαν. Ἠπίστατο καὶ χρήματα συνάγοντας ἀπὸ τῶν ἀπαρχῶν ἱερὰ καὶ πέμποντας εἰς Ἱεροσόλυμα διὰ τῶν τὰς θυσίας ἀναξόντων. [157] Ἀλλ´ ὅμως οὔτε ἐξῴκισε τῆς Ῥώμης ἐκείνους οὔτε τὴν Ῥωμαϊκὴν αὐτῶν ἀφείλετο πολιτείαν, ὅτι καὶ τῆς Ἰουδαϊκῆς ἐφρόντιζον, οὔτε ἐνεωτέρισεν εἰς τὰς προσευχὰς οὔτε ἐκώλυσε συνάγεσθαι πρὸς τὰς τῶν νόμων ὑφηγήσεις οὔτε ἠναντιώθη τοῖς ἀπαρχομένοις, ἀλλ´ οὕτως ὡσίωτο περὶ τὰ ἡμέτερα, ὥστε μόνον οὐ πανοίκιος ἀναθημάτων πολυτελείαις τὸ ἱερὸν ἡμῶν ἐκόσμησε, προστάξας καὶ διαιωνίους ἀνάγεσθαι θυσίας ἐντελεχεῖς ὁλοκαύτους καθ´ ἑκάστην ἡμέραν ἐκ τῶν ἰδίων προσόδων ἀπαρχὴν τῷ ὑψίστῳ θεῷ, αἳ καὶ μέχρι νῦν ἐπιτελοῦνται καὶ εἰς ἅπαν ἐπιτελεσθήσονται, μήνυμα τρόπων ὄντως αὐτοκρατορικῶν. [158] Οὐ μὴν ἀλλὰ κἀν ταῖς μηνιαίοις τῆς πατρίδος διανομαῖς, ἀργύριον ἢ σῖτον ἐν μέρει παντὸς τοῦ δήμου λαμβάνοντος, οὐδέποτε τοὺς Ἰουδαίους ἠλάττωσε τῆς χάριτος, ἀλλ´ εἰ καὶ συνέβη τῆς ἱερᾶς ἑβδόμης ἐνεστώσης γενέσθαι τὴν διανομήν, ὅτε οὔτε λαμβάνειν οὔτε διδόναι ἢ συνόλως τι πράττειν τῶν κατὰ βίον καὶ μάλιστα τὸν ποριστὴν ἐφεῖται, προσετέτακτο τοῖς διανέμουσι ταμιεύειν τοῖς Ἰουδαίοις εἰς τὴν ὑστεραίαν τὴν κοινὴν φιλανθρωπίαν. [159] Τοιγαροῦν οἱ πανταχοῦ πάντες, εἰ καὶ φύσει διέκειντο πρὸς Ἰουδαίους οὐκ εὐμενῶς, εὐλαβῶς εἶχον ἐπὶ καθαιρέσει τινὸς τῶν Ἰουδαϊκῶν νομίμων προσάψασθαι.

Καὶ ἐπὶ Τιβερίου μέντοι τὸν αὐτὸν τρόπον, καίτοι τῶν ἐν Ἰταλίᾳ παρακινηθέντων, ἡνίκα Σηιανὸς ἐσκευώρει τὴν ἐπίθεσιν.

[160] Ἔγνω γάρ, εὐθέως ἔγνω μετὰ τὴν ἐκείνου τελευτήν, ὅτι τὰ κατηγορηθέντα τῶν ᾠκηκότων τὴν Ῥώμην Ἰουδαίων ψευδεῖς ἦσαν διαβολαί, πλάσματα Σηιανοῦ τὸ ἔθνος ἀναρπάσαι θέλοντος, ὅπερ ἢ μόνον ἢ μάλιστα ᾔδει βουλαῖς ἀνοσίοις καὶ πράξεσιν ἀντιβησόμενον ὑπὲρ τοῦ παρασπονδηθῆναι κινδυνεύσαντος αὐτοκράτορος. [161] Καὶ τοῖς πανταχόσε χειροτονουμένοις ὑπάρχοις ἐπέσκηψε παρηγορῆσαι μὲν τοὺς κατὰ πόλεις τῶν ἀπὸ τοῦ ἔθνους, ὡς οὐκ εἰς πάντας προβάσης τῆς ἐπεξελεύσεως, ἀλλ´ ἐπὶ μόνους τοὺς αἰτίους - ὀλίγοι δὲ ἦσαν - , κινῆσαι δὲ μηδὲν τῶν ἐξ ἔθους, ἀλλὰ καὶ παρακαταθήκην ἔχειν τούς τε ἄνδρας ὡς εἰρηνικοὺς τὰς φύσεις καὶ τὰ νόμιμα ὡς ἀλείφοντα πρὸς εὐστάθειαν.

[162] Ὁ δὲ Γάιος ἑαυτὸν ἐξετύφωσεν, οὐ λέγων μόνον ἀλλὰ καὶ οἰόμενος εἶναι θεός. Εἶτα οὐδένας εὗρεν οὔτε Ἑλλήνων οὔτε βαρβάρων ἐπιτηδειοτέρους Ἀλεξανδρέων εἰς τὴν τῆς ἀμέτρου καὶ ὑπὲρ φύσιν ἀνθρωπίνην ἐπιθυμίας βεβαίωσιν· δεινοὶ γάρ εἰσι τὰς κολακείας καὶ γοητείας καὶ ὑποκρίσεις, παρεσκευασμένοι μὲν θῶπας λόγους, ἀνειμένοις δὲ στόμασι καὶ ἀχαλίνοις πάντα φύροντες. [163] Θεοῦ κλῆσις οὕτως ἐστὶ σεμνὸν παρ´ αὐτοῖς, ὥστε καὶ ἴβεσι καὶ ἰοβόλοις ἀσπίσι ταῖς ἐγχωρίοις καὶ πολλοῖς ἑτέροις τῶν ἐξηγριωμένων αὐτῆς θηρίων μεταδεδώκασιν· ὥστε εἰκότως ἀταμιεύτοις χρώμενοι ταῖς εἰς θεὸν τεινούσαις προσηγορίαις ἀπατῶσι μὲν τοὺς ὀλιγόφρονας καὶ ἀπείρους τῆς Αἰγυπτιακῆς ἀθεότητος, ἁλίσκονται δὲ ὑπὸ τῶν ἐπισταμένων τὴν πολλὴν αὐτῶν ἠλιθιότητα, μᾶλλον δὲ ἀσέβειαν.

[164] Ἧς ἄπειρος ὢν Γάιος ὑπελάμβανε τῷ ὄντι νομίζεσθαι παρ´ Ἀλεξανδρεῦσι θεός, ἐπειδήπερ οὐ πλαγίως ἀλλ´ ἄντικρυς ἅπασιν ἐχρῶντο κατακόρως τοῖς ὀνόμασιν, ὅσα τοῖς ἄλλοις ἔθος ἐπιφημίζεσθαι θεοῖς. [165] Εἶτα καὶ τὴν περὶ τὰς προσευχὰς νεωτεροποιίαν ἀπὸ καθαροῦ τοῦ συνειδότος καὶ τῆς εἰς αὑτὸν ἀκραιφνοῦς τιμῆς ᾤετο γεγενῆσθαι, τῇ μὲν ταῖς ὑπομνηματικαῖς ἐφημερίσιν, ἃς ἀπὸ τῆς Ἀλεξανδρείας διεπέμποντό τινες, προσέχων - ἥδιστον γὰρ ἦν ἀνάγνωσμα τοῦτο αὐτῷ, ὡς καὶ τὰ τῶν ἄλλων συγγραφέων καὶ ποιητῶν ἀηδέστατα συγκρίσει τῆς ἐν τούτοις χάριτος νομίζεσθαι - , τῇ δὲ καὶ δι´ ἐνίους οἰκέτας τοὺς τωθάζοντας ἀεὶ καὶ χλευάζοντας σὺν αὐτῷ.

[166] Τούτων ἦσαν οἱ πλείους Αἰγύπτιοι, πονηρὰ σπέρματα, κροκοδείλων καὶ ἀσπίδων τῶν ἐγχωρίων ἀναμεμαγμένοι τὸν ἰὸν ὁμοῦ καὶ θυμὸν ἐν ταῖς ψυχαῖς. Ἡγεμὼν δὲ οἷά τις ἦν χοροῦ τοῦ Αἰγυπτιακοῦ θιάσου παντὸς Ἑλικών, ἐπάρατον καὶ ἐξάγιστον ἀνδράποδον παρεισφθαρὲν εἰς τὴν αὐτοκρατορικὴν οἰκίαν· ἀπεγεύσατο γὰρ τῶν ἐγκυκλίων κατὰ φιλοτιμίαν τοῦ προτέρου δεσπότου, ὃς αὐτὸν ἐδωρήσατο Τιβερίῳ Καίσαρι. [167] Τότε μὲν οὖν οὐδεμιᾶς ἐτύγχανε προνομίας, ὅσα μειρακιώδη χαριεντίσματα Τιβερίου διαμεμισηκότος, ἐπειδὴ πρὸς τὸ σεμνότερόν τε καὶ αὐστηρότερον σχεδὸν ἐκ πρώτης ἡλικίας ἐπικλινῶς εἶχεν.

[168] Ἐπεὶ δὲ ὁ μὲν ἐτελεύτησε, Γάιος δὲ τὴν ἡγεμονίαν διεδέξατο, νέῳ δεσπότῃ παρεπόμενος εἰς ἀνέσεις καὶ τρυφὴν τὴν διὰ πάσης αἰσθήσεως ἐπιχαλῶντι « Σός » εἶπε « νῦν ὁ καιρός ἐστιν, Ἑλικών, ἐπέγειρε σαυτόν· ἔχεις πρὸς ἐπίδειξιν ἀκροατὴν καὶ θεατὴν τὸν πάντων ἄριστον· εὔθικτος εἶ τὴν φύσιν· σκώπτειν καὶ χαριεντίζεσθαι δύνασαι μᾶλλον ἑτέρων· ἀθύρματα καὶ παιδιὰς ληρώδεις καὶ παρασεσυρμένας οἶδας· τῶν ἐγκυκλίων οὐχ ἧττον πεπαίδευσαι τὰ ἀχόρευτα· πρόσεστί σοι καὶ τὸ στωμύλον οὐκ ἀτερπές. [169] Ἐὰν ἔτι κέντρον ἐγκαταμίξῃς τοῖς τωθασμοῖς ὑποκακόηθες, ὡς μὴ γέλωτα κινεῖν μόνον ἀλλὰ καὶ πικρίαν ἐκ τοῦ καχυπόνου, τὸν δεσπότην ὅλον ἥρπακας εὐφυῶς διακείμενον πρὸς ἀκρόασιν τῶν μετὰ χλεύης ἐγκλημάτων· ἀναπέπταται γὰρ αὐτοῦ, ὡς οἶδας, τὰ ὦτα καὶ ἀνωρθίασται πρὸς τοὺς ἐπιτετηδευκότας συνυφαίνειν τὸ βλασφημεῖν τῷ συκοφαντεῖν. [170] Ὕλας δὲ μὴ ζήτει περιττοτέρας· ἔχεις τὰς κατὰ Ἰουδαίων καὶ τῶν Ἰουδαϊκῶν ἐθῶν διαβολάς, αἷς ἐνετράφης· ἐξ ἔτι σπαργάνων ἀνεδιδάχθης αὐτάς, οὐ παρ´ ἑνὸς ἀνδρὸς ἀλλὰ τοῦ γλωσσαργοτάτου μέρους τῆς Ἀλεξανδρέων πόλεως· ἐπίδειξαι τὰ μαθήματα. »

[171] Τούτοις τοῖς παραλόγοις καὶ ἐπαράτοις λογισμοῖς ἐπάρας καὶ συγκροτήσας ἑαυτὸν συνεῖχε καὶ περιεῖπε τὸν Γάιον, οὐ νύκτωρ, οὐ μεθ´ ἡμέραν ἀφιστάμενος, ἀλλὰ πανταχοῦ συμπαρών, ἵνα ταῖς ἐρημίαις καὶ ἀναπαύλαις αὐτοῦ καταχρῆται πρὸς τὰς κατὰ τοῦ ἔθνους αἰτίας, ἡδονὰς κινῶν τὰς διὰ σκωμμάτων ὁ πανουργότατος, ἵνα τιτρώσκωσιν αἱ διαβολαί· τὸν γὰρ ἐπ´ εὐθείας κατήγορον οὔτε ὡμολόγει οὔτε ὁμολογεῖν ἐδύνατο, πλαγιάζων δὲ καὶ τεχνιτεύων χαλεπώτερος καὶ βαρύτερος ἦν ἐχθρὸς τῶν ἐπιγεγραμμένων ἄντικρυς τὴν δυσμένειαν.

[172] Φασὶ δὲ ὅτι καὶ τῶν Ἀλεξανδρέων οἱ πρέσβεις εὖ τοῦτο εἰδότες ἀφανῶς ἐμεμίσθωντο αὐτὸν μεγάλοις μισθοῖς, οὐ διὰ χρημάτων μόνον ἀλλὰ καὶ τῶν ἐπὶ τιμαῖς ἐλπίδων, ἃς ὑπέσπειραν αὐτῷ παρέξειν οὐκ εἰς μακράν, ἐπειδὰν ἀφίκηται Γάιος εἰς Ἀλεξάνδρειαν. [173] Ὁ δὲ τὸν καιρὸν ἐκεῖνον ὀνειροπολῶν, ἐν ᾧ παρόντος τοῦ δεσπότου καὶ σὺν αὐτῷ σχεδόν τι τῆς οἰκουμένης - οὐ γὰρ ἦν ἄδηλον, ὅτι κατὰ θεραπείαν Γαΐῳ συνεισβαλεῖ τὸ δοκιμώτατον καὶ ὅσον τῶν πόλεων ὄψις ἐστὶν ἀναστὰν ἀπὸ περάτων αὐτῶν - ὑπὸ τῆς μεγίστης καὶ ἐνδοξοτάτης πόλεως τιμηθήσεται, πάντα ὑπισχνεῖτο.

[174] Μέχρι μὲν οὖν τινος τὸν ἐμφωλεύοντα ἔνδον πολέμιον ἀγνοοῦντες ἐφυλαττόμεθα τοὺς ἔξω μόνους· ἐπεὶ δὲ ᾐσθόμεθα, διηρευνῶμεν περιβλεπόμενοι πάσας ὁδούς, εἴ πως δυνησόμεθα μαλθάξαι καὶ τιθασεῦσαι τὸν ἄνθρωπον ἐξ ἅπαντος τρόπου καὶ τόπου βάλλοντα καὶ τοξεύοντα ἡμᾶς εὐσκόπως. [175] Καὶ συνεσφαίριζε γὰρ καὶ συνεγυμνάζετο καὶ συνελούετο καὶ συνηρίστα καὶ μέλλοντι κοιμᾶσθαι παρῆν Γαΐῳ, τὴν τοῦ κατακοιμιστοῦ καὶ κατ´ οἰκίαν ἀρχισωματοφύλακος τεταγμένος τάξιν, ὅση μηδενὶ προσῆν ἄλλῳ, ὡς μόνος ἔχειν εὐκαιρούσας καὶ σχολαζούσας ἀκοὰς αὐτοκράτορος τῶν ἔξω διαφειμένας θορύβων εἰς ἀκρόασιν ὧν μάλιστα ἐπόθει. [176] Διασυρμοὶ δὲ ἦσαν ἀνακεκραμένοι κατηγορίαις, ἵνα τοῖς μὲν ἡδονὰς κινῇ, ἡμᾶς δὲ τὰ μέγιστα βλάπτῃ· τὸ μὲν γὰρ προηγούμενον ἔργον εἶναι δοκοῦν, ὁ διασυρμός, πάρεργον ἦν αὐτῷ, τὸ δὲ φαινόμενον πάρεργον, αἱ κατηγορίαι, μόνον καὶ πρῶτον ἔργον. [177] Πάντα δὴ κάλων ἀνασείων, ὡς οἱ πνεῦμα δεξιὸν κατ´ οἰάκων ἔχοντες, ἐφέρετο πλησίστιος οὐριοδρομῶν, ἄλλας ἐπ´ ἄλλαις συντιθεὶς καὶ συνείρων αἰτίας. Τοῦ δὲ ἐνετυποῦτο ἡ διάνοια παγιώτερον, ὡς ἄληστον εἶναι τὴν τῶν ἐγκλημάτων μνήμην.

[178] Ἐν ἀπόροις δὲ καὶ ἐν ἀμηχάνοις ὄντες, ἐπειδὴ πάντα λίθον κινοῦντες ὑπὲρ τοῦ τὸν Ἑλικῶνα ἐξευμενίσασθαι πάροδον οὐδεμίαν ἀνευρίσκομεν, μηδενὸς μήτε εἰπεῖν μήτε προσελθεῖν τολμῶντος ἕνεκα τῆς ἀλαζονείας καὶ βαρύτητος, ᾗ πρὸς πάντας ἐκέχρητο, καὶ ἅμα διὰ τὸ ἀγνοεῖν, εἴ τίς ἐστιν αὐτῷ πρὸς τὸ Ἰουδαίων γένος ἀλλοτρίωσις ἀλείφοντι τὸν δεσπότην ἀεὶ καὶ συγκροτοῦντι κατὰ τοῦ ἔθνους, τὸ μὲν ἔτι πονεῖσθαι περὶ τοῦτο τὸ μέρος εἰάσαμεν, τοῦ δὲ ἀναγκαιοτέρου περιειχόμεθα.

Γραμματεῖον γὰρ ἔδοξεν ἀναδοῦναι Γαΐῳ κεφαλαιώδη τύπον περιέχον ὧν τε ἐπάθομεν καὶ ὧν τυχεῖν ἠξιοῦμεν. [179] Ἦν δὲ σχεδὸν τοῦτο ἐπιτομή τις ἱκετείας μακροτέρας, ἣν ἐπεπόμφειμεν πρὸ ὀλίγου δι´ Ἀγρίππα τοῦ βασιλέως· ἐκ τύχης γὰρ ἐπεδήμησε τῇ πόλει μέλλων εἰς Συρίαν κατὰ τὴν δοθεῖσαν αὐτῷ βασιλείαν ἀπαίρειν.

[180] Ἐλελήθειμεν δὲ ἄρα ἔτι ἀπατῶντες ἑαυτούς· καὶ γὰρ πρότερον, ὅτε εὐθὺς ἠρξάμεθα πλεῖν οἰόμενοι πρὸς κριτὴν ἀφίξεσθαι τευξόμενοι τῶν δικαίων. Ὁ δὲ ἦν ἐχθρὸς ἄσπονδος, δελεάζων ὅσα τῷ δοκεῖν φαιδρῷ τῷ βλέμματι καὶ ἱλαρωτέραις ταῖς προσρήσεσι. [181] Δεξιωσάμενος γὰρ ἡμᾶς ἐν τῷ πρὸς Τιβέρει πεδίῳ τὸ πρῶτον - ἔτυχε δὲ ἐκ τῶν μητρῴων ἐξιὼν κήπων - ἀντιπροσηγόρευσε καὶ τὴν δεξιὰν χεῖρα κατέσεισεν αἰνιττόμενος εὐμένειαν καὶ τὸν ἐπὶ τῶν πρεσβειῶν, Ὅμιλον ὄνομα, προσπέμψας « Αὐτὸς » ἔφη « τῆς ὑμετέρας ὑποθέσεως ἀκούσομαι προσευκαιρήσας » , ὥστε τοὺς ἐν κύκλῳ πάντας συνήδεσθαι καθάπερ ἤδη νενικηκόσι καὶ τῶν ἡμετέρων ὅσοι ταῖς ἐπιπολαίοις παράγονται φαντασίαις.

[182] Ἐγὼ δὲ φρονεῖν τι δοκῶν περιττότερον καὶ δι´ ἡλικίαν καὶ τὴν ἄλλην παιδείαν εὐλαβέστερος ἤμην ἐφ´ οἷς ἔχαιρον οἱ ἄλλοι. « Διὰ τί γάρ » ἔφασκον ἀνακινῶν τὸν ἐμαυτοῦ λογισμόν, « τοσούτων ὄντων πρεσβευτῶν σχεδὸν ἀπὸ πάσης γῆς ἀφιγμένων, ἡμῶν εἶπε τότε μόνων ἀκούσεσθαι; Τί βουλόμενος; Οὐ γὰρ ἠγνόει γε ὄντας Ἰουδαίους, οἷς ἀγαπητὸν τὸ μὴ ἐλαττοῦσθαι. [183] Τὸ δὲ δὴ καὶ προνομίας οἴεσθαι τυγχάνειν παρ´ ἀλλοεθνεῖ καὶ νέῳ καὶ αὐτεξουσίῳ δεσπότῃ μὴ καὶ μανίας ἐγγύς ἐστιν; Ἀλλ´ ἔοικε τῇ τῶν ἄλλων Ἀλεξανδρέων μερίδι προσκεῖσθαι, ᾗ διδοὺς προνομίαν θᾶττον ὑπέσχετο δικάσειν, ἐὰν ἄρα μὴ τὸν ἴσον καὶ κοινὸν ἀκροατὴν ὑπερβὰς ἀντὶ δικαστοῦ γένηται τῶν μὲν συναγωνιστής, ἡμῶν δὲ ἀντίπαλος. »

[184] Ταῦτα λογιζόμενος ἐσφάδᾳζον καὶ οὔτε μεθ´ ἡμέραν οὔτε νύκτωρ ἠρέμουν. Ἀθυμοῦντος δέ μου καὶ τὴν ἀνίαν στέγοντος - οὐδὲ γὰρ ἀνενεγκεῖν ἀσφαλὲς ἦν -.

Ἕτερον κατασκήπτει βαρύτατον ἐξαπιναίως ἀπροσδόκητον κακόν, οὐχ ἑνὶ μέρει τοῦ Ἰουδαϊκοῦ τὸν κίνδυνον ἐπάγον, ἀλλὰ συλλήβδην ἅπαντι τῷ ἔθνει. [185] Ἀφίγμεθα μὲν γὰρ ἀπὸ Ῥώμης εἰς Δικαιάρχειαν ἐπακολουθοῦντες Γαΐῳ· κατεληλύθει δὲ ἐπὶ θάλατταν καὶ διέτριβε περὶ τὸν κόλπον, ἀμείβων τὰς ἰδίας ἐπαύλεις πολλὰς καὶ πολυτελῶς ἠσκημένας. [186] Φροντίζουσι δὲ ἡμῖν τῆς ὑποθέσεως - ἀεὶ γὰρ κληθήσεσθαι προσεδοκῶμεν - προσέρχεταί τις ὕφαιμόν τι καὶ ταραχῶδες ὑποβλεπόμενος, ἄσθματος μεστός, καὶ μικρὸν ἀπὸ τῶν ἄλλων ἀπαγαγών - πλησίον γὰρ ἦσάν τινες.

« Ἠκούσατε » ἔφη « τὰ καινά; » Καὶ μέλλων ἀπαγγέλλειν ἐπεσχέθη, δακρύων ἀθρόας φορᾶς ἐνεχθείσης. [187] Καὶ πάλιν ἀρξάμενος δεύτερον ἐπεσχέθη καὶ τρίτον.

Ἅπερ ὁρῶντες ἡμεῖς ἐπτοήμεθα καὶ παρεκαλοῦμεν μηνῦσαι τὸ πρᾶγμα, οὗ χάριν ἐλθεῖν ἔφασκεν· « Οὐ γὰρ ἕνεκα τοῦ διὰ μαρτύρων κλαίειν· εἰ δὲ ἄξια δακρύων ἐστί, μὴ μόνος ἀπόλαυε τῆς λύπης· ἐθάδες γεγόναμεν ἤδη κακοπραγιῶν. »

[188] Ὁ δὲ μόλις μὲν ἀναλύζων δὲ ὅμως κεκομμένῳ τῷ πνεύματί φησιν· « Οἴχεται ἡμῶν τὸ ἱερόν· ἀνδριάντα κολοσσιαῖον ἐσωτάτω τῶν ἀδύτων ἀνατεθῆναι Γάιος προσέταξε Διὸς ἐπίκλησιν αὐτοῦ. » [189] Θαυμασάντων δὲ τὸ λεχθὲν καὶ πεπηγότων ὑπ´ ἐκπλήξεως καὶ μηδὲ προελθεῖν ἔτι δυναμένων - ἀχανεῖς γὰρ εἱστήκειμεν ὀλιγοδρανοῦντες καὶ καταρρέοντες περὶ αὑτοῖς, τῶν σωματικῶν τόνων ἐκνενευρισμένων - , ἕτεροι παρῆσαν τὰς αὐτὰς φέροντες ὠδῖνας.

[190] Ἔπειτα συγκλεισάμενοι πάντες ἀθρόοι ἰδίας ὁμοῦ καὶ κοινὰς τύχας ἐθρηνοῦμεν καὶ οἷα ὑπέβαλλεν ὁ νοῦς διεξῇμεν - λαλίστατον γὰρ ἄνθρωπος ἀτυχῶν - · ἀγωνιάσωμεν ὑπὲρ τοῦ μὴ εἰς ἅπαν ταῖς ἀνιάτοις παρανομίαις ἀφεθῆναι. Χειμῶνος μέσου διεπλεύσαμεν ἀγνοοῦντες, ὅσος χειμὼν ἔφεδρός ἐστιν ὁ κατὰ γῆν ἀργαλεώτερος πολλῷ τοῦ κατὰ θάλατταν· τοῦ μὲν γὰρ ἡ φύσις αἰτία διακρίνουσα τοὺς ἐτησίους καιρούς, φύσις δὲ σωτήριον· ἐκείνου δὲ ἄνθρωπος οὐδὲν φρονῶν ἀνθρώπινον, νέος καὶ νεωτεροποιὸς ἀνημμένος τὴν ἐφ´ ἅπασιν ἀνυπεύθυνον ἀρχήν· νεότης δὲ μετ´ ἐξουσίας αὐτοκρατοῦς ὁρμαῖς ἀκαθέκτοις χρωμένη κακὸν δύσμαχον. [191] Ἐξέσται δὲ προσελθεῖν ἢ διᾶραι τὸ στόμα περὶ προσευχῶν τῷ λυμεῶνι τοῦ πανιέρου; Δῆλον γὰρ ὡς οὐ φροντιεῖ τῶν ἀφανεστέρων καὶ τιμῆς ἐλάττονος ἠξιωμένων ὁ τὸν περισημότατον καὶ ἐπιφανέστατον νεών, εἰς ὃν ἀνατολαὶ καὶ δύσεις ἀποβλέπουσιν ἡλίου τρόπον πανταχόσε λάμποντα, καθυβρίζων. [192] Εἰ δὲ καὶ γένοιτό τις ἄδεια προσόδου, τί χρὴ προσδοκᾶν ἢ θάνατον ἀπαραίτητον; Ἀλλ´ ἔστω, τεθνηξόμεθα· ζωὴ γάρ τίς ἐστιν ὁ ὑπὲρ φυλακῆς νόμων εὐκλεέστατος θάνατος. Εἰ δὲ ἐκ τῆς ἡμετέρας τελευτῆς γενήσεται μηδὲν ὄφελος, οὐ μανία παραπολέσθαι, καὶ ταῦτα πρεσβεύειν δοκοῦντας, ὡς τῶν πεμψάντων μᾶλλον ἢ τῶν ὑπομενόντων εἶναι τὴν συμφοράν; [193] Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ ὅσοι τὰς φύσεις μισοπονηρότατοι τῶν ὁμοφύλων ἀσέβειαν ἡμῶν κατηγορήσουσιν ὡς, ἐν ἐσχάτῳ κινδύνῳ τῶν ὅλων σαλευόντων, ἐπιμνησθέντων ὑπὸ φιλαυτίας ἰδίου τινός· τοῖς γὰρ μεγάλοις τὰ βραχέα καὶ τοῖς κοινοῖς τὰ ἴδια ὑποστέλλειν ἀναγκαῖον, ὧν οἰχομένων ἔρρει καὶ ἡ πολιτεία. [194] Ποῦ γὰρ ὅσιον ἢ θεμιτὸν ἄλλως ἀγωνίζεσθαι, δεικνύντας ὡς ἐσμὲν Ἀλεξανδρεῖς, οἷς ὁ περὶ τῆς καθολικωτέρας πολιτείας ἐπικρέμαται κίνδυνος τῆς Ἰουδαίων; Ἅμα γὰρ τῇ τοῦ ἱεροῦ καταλύσει δέος, μὴ καὶ τὸ κοινὸν τοῦ ἔθνους ὄνομα συναφανισθῆναι κελεύσῃ ὁ νεωτεροποιὸς καὶ μεγαλουργὸς ἄνθρωπος. [195] Ἀμφοτέρων οὖν τῶν ὑποθέσεων δι´ ἃς ἐστάλημεν οἰχομένων, ἴσως φήσει τις· τι οὖν, οὐκ ᾔδεσαν πραγματεύεσθαι τὴν μετὰ ἀσφαλείας ἐπάνοδον; Πρὸς ὃν εἴποιμι ἄν· ἢ οὐκ ἔχεις ἀνδρὸς εὐγενοῦς πάθος γνήσιον ἢ οὐκ ἐνετράφης οὐδὲ ἐνησκήθης τοῖς ἱεροῖς γράμμασιν. Ἐλπίδων εἰσὶ πλήρεις οἱ ὄντως εὐγενεῖς, καὶ οἱ νόμοι τοῖς ἐντυγχάνουσι μὴ χείλεσιν ἄκροις ἐλπίδας ἀγαθὰς δημιουργοῦσιν. [196] Ἴσως ἀπόπειρα ταῦτα τῆς καθεστώσης γενεᾶς ἐστι, πῶς ἔχει πρὸς ἀρετὴν καὶ εἰ πεπαίδευται φέρειν τὰ δεινὰ λογισμοῖς ἰσχυρογνώμοσιν οὐ προκαταπίπτουσα. Τὰ μὲν οὖν ἐξ ἀνθρώπων ἅπαντα καὶ ἔρρει καὶ ἐρρέτω· μενέτω δὲ ἐν ταῖς ψυχαῖς ἀκαθαίρετος ἡ ἐπὶ τὸν σωτῆρα θεὸν ἐλπίς, ὃς πολλάκις ἐξ ἀμηχάνων καὶ ἀπόρων περιέσωσε τὸ ἔθνος.

[197] Ταῦτα ἅμα μὲν ὀλοφυρόμενοι τὰς ἀπροσδοκήτους ἀτυχίας ἅμα δὲ καὶ παρηγοροῦντες ἑαυτοὺς ἐλπίδι μεταβολῆς γαληνοτέρας διεξῇμεν. Μικρὸν δὲ ἐπισχόντες πρὸς τοὺς ἀπαγγείλαντας « Τί καθ´ ἡσυχίαν » εἴπομεν « κάθησθε, σπινθῆρας αὐτὸ μόνον τοῖς ὠσὶν ἡμῶν ἐνιέντες, ὑφ´ ὧν καιόμεθα καὶ πυρπολούμεθα, δέον προσεξηγεῖσθαι καὶ τὰ κεκινηκότα τὸν Γάιον; » [198] Οἱ δέ· « τὴν μὲν ἀνωτάτω καὶ πρώτην αἰτίαν ἴστε, ἣν καὶ πάντες ἴσασιν ἄνθρωποι· θεὸς βούλεται νομίζεσθαι, ὑπείληφε δὲ μόνους Ἰουδαίους μὴ πείσεσθαι, οἷς μεῖζον οὐδὲν ἂν προστρίψαιτο κακὸν ἢ λυμηνάμενος τὴν τοῦ ἱεροῦ σεμνότητα. Κατήχηται δέ, ὅτι καὶ πάντων ἱερῶν τῶν πανταχοῦ κάλλιστόν ἐστιν ἐξ ἀπείρων χρόνων ἀπαύστοις καὶ ἀφειδέσι δαπάναις ἀεὶ προσκοσμούμενον· δύσερις δὲ καὶ φιλόνεικος ὢν σφετερίσασθαι τοῦτο εἰς ἑαυτὸν διανοεῖται.

[199] Παρατέθηκται δὲ νῦν μᾶλλον ἢ πρότερον ἐξ ἐπιστολῆς, ἣν ἔπεμψε Καπίτων. Φόρων ἐκλογεὺς ὁ Καπίτων ἐστὶ τῶν τῆς Ἰουδαίας, ἔχει δέ πως πρὸς τοὺς ἐγχωρίους ἐγκότως· πένης γὰρ ἀφιγμένος καὶ ἐξ ὧν νοσφίζεται καὶ παρεκλέγει ποικίλον τινὰ καὶ πολὺν πλοῦτον ἠθροικώς, εἶτα εὐλαβηθείς, μή τις αὐτοῦ γένηται κατηγορία, τέχνην ἐπενόησεν, ᾗ διαβολαῖς τῶν ἀδικηθέντων διακρούσεται τὰς αἰτίας.

[200] Ἀφορμὴν δὲ αὐτῷ δίδωσιν εἰς ὅπερ ἐβούλετο συντυχία τις τοιαύτη. Τὴν Ἰάμνειαν - πόλις δέ ἐστι τῆς Ἰουδαίας ἐν τοῖς μάλιστα πολυάνθρωπος - {ταύτην} μιγάδες οἰκοῦσιν, οἱ πλείους μὲν Ἰουδαῖοι, ἕτεροι δέ τινες ἀλλόφυλοι παρεισφθαρέντες ἀπὸ τῶν πλησιοχώρων, οἳ τοῖς τρόπον τινὰ αὐθιγενέσιν ὄντες μέτοικοι κακὰ καὶ πράγματα παρέχουσιν, ἀεί τι παραλύοντες τῶν πατρίων Ἰουδαίοις. [201] Οὗτοι παρὰ τῶν ἐπιφοιτώντων ἀκούοντες, ὅσῃ σπουδῇ κέχρηται Γάιος περὶ τὴν ἰδίαν ἐκθέωσιν καὶ ὡς ἀλλοτριώτατα διάκειται πρὸς ἅπαν τὸ Ἰουδαϊκὸν γένος, καιρὸν ἐπιτήδειον εἰς ἐπίθεσιν παραπεπτωκέναι νομίζοντες αὐτοσχέδιον ἀνιστᾶσι βωμὸν εἰκαιοτάτης ὕλης, πηλὸν σχηματίσαντες εἰς πλίνθους, ὑπὲρ τοῦ μόνον ἐπιβουλεύειν τοῖς συνοικοῦσιν· ᾔδεσαν γὰρ οὐκ ἀνεξομένους καταλυομένων τῶν ἐθῶν, ὅπερ καὶ ἐγένετο.

[202] Θεασάμενοι γὰρ καὶ δυσανασχετήσαντες ἐπὶ τῷ τῆς ἱερᾶς χώρας τὸ ἱεροπρεπὲς ὄντως ἀφανίζεσθαι καθαιροῦσι συνελθόντες· οἱ δὲ εὐθὺς ἐπὶ τὸν Καπίτωνα ἧκον, ὃς ἦν τοῦ δράματος ὅλου δημιουργός. Ἕρμαιον δὲ εὑρηκέναι νομίσας, ὅπερ ἐκ πολλῶν χρόνων ἀνεζήτει, γράφει Γαΐῳ διαίρων τὰ πράγματα καὶ μετεωρίζων. [203] Ὁ δὲ διαναγνοὺς πλουσιώτερον καὶ μεγαλοφρονέστερόν τι ἀντὶ τοῦ πλινθίνου βωμοῦ τοῦ κατ´ ἐπήρειαν ἀνασταθέντος ἐν Ἰαμνείᾳ κελεύει κολοσσιαῖον ἀνδριάντα ἐπίχρυσον ἐν τῷ τῆς μητροπόλεως ἱερῷ καθιδρυθῆναι,

συμβούλοις χρησάμενος τοῖς ἀρίστοις καὶ σοφωτάτοις, Ἑλικῶνι τῷ εὐπατρίδῃ δούλῳ, σπερμολόγῳ, περιτρίμματι, καὶ Ἀπελλῇ τινι τραγῳδῷ, ὃς ἀκμῇ μὲν τῆς πρώτης ἡλικίας, ὥς φασιν, ἐκαπήλευσε τὴν ὥραν, ἔξωρος δὲ γενόμενος ἐπὶ τὴν σκηνὴν παρῆλθεν. [204] Ὅσοι δὲ σκηνοβατοῦσιν ἐμπορευόμενοι θεαταῖς καὶ θεάτροις, αἰδοῦς εἰσι καὶ σωφροσύνης ἀλλ´ οὐκ ἀναισχυντίας καὶ ἀκοσμίας ἐρασταὶ τῆς ἀνωτάτω; Διὰ ταῦτα εἰς τὴν τοῦ συμβούλου τάξιν ὁ Ἀπελλῆς παρῆλθεν, ἵνα βουλεύσηται Γάιος μεθ´ οὗ μὲν ὡς σκωπτέον, μεθ´ οὗ δὲ ὡς ᾀστέον, ὑπερβὰς τὰς περὶ τῶν ὅλων σκέψεις, ὡς εἰρηνεύεσθαι καὶ ἠρεμεῖσθαι τὰ πανταχοῦ πάντα. [205] Ὁ μὲν οὖν Ἑλικών, σκορπιῶδες ἀνδράποδον, τὸν Αἰγυπτιακὸν ἰὸν εἰς Ἰουδαίους ἤφιεν, ὁ δὲ Ἀπελλῆς τὸν ἀπὸ Ἀσκάλωνος· ἦν γὰρ ἐκεῖθεν· Ἀσκαλωνίταις δὲ ἀσύμβατός τις καὶ ἀκατάλλακτος δυσμένεια πρὸς τοὺς τῆς ἱερᾶς χώρας οἰκήτορας Ἰουδαίους ἐστὶν οὖσιν ὁμόροις. »

[206] Ταῦτα ἀκούοντες ἐφ´ ἑκάστου ῥήματος καὶ ὀνόματος ἐτιτρωσκόμεθα τὰς ψυχάς. Ἀλλ´ οἱ μὲν καλῶν πράξεων καλοὶ σύμβουλοι μικρὸν ὕστερον τὰ ἐπίχειρα εὗρον τῆς ἀσεβείας, ὁ μὲν ὑπὸ Γαΐου σιδήρῳ δεθεὶς ἐφ´ ἑτέραις αἰτίαις καὶ στρεβλούμενος καὶ τροχιζόμενος ἐκ περιτροπῆς, ὥσπερ ἐν ταῖς περιοδιζούσαις νόσοις, ὁ δὲ Ἑλικὼν ὑπὸ Κλαυδίου Γερμανικοῦ Καίσαρος ἀναιρεθείς, ἐφ´ οἷς ἄλλοις ὁ φρενοβλαβὴς ἠδίκησεν. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν ὕστερον ἐγένετο.

[207] Ἡ δὲ περὶ τῆς ἀναθέσεως τοῦ ἀνδριάντος ἐπιστολὴ γράφεται, καὶ οὐχ ἁπλῶς ἀλλ´ ὡς οἷόν τε ἦν περιεσκεμμένως εἰς ἀσφάλειαν. Κελεύει γὰρ Πετρωνίῳ τῷ τῆς Συρίας ἁπάσης ὑπάρχῳ, πρὸς ὃν καὶ τὴν ἐπιστολὴν ἐγεγράφει, τῆς παρ´ Εὐφράτῃ στρατιᾶς, ἣ τὴν διάβασιν τῶν ἑῴων βασιλέων καὶ ἐθνῶν παρεφύλαττε, τὴν ἡμίσειαν ἄγειν ἐπὶ τῆς Ἰουδαίας τὸν ἀνδριάντα παραπέμψουσαν, οὐχ ἵνα σεμνοποιήσῃ τὴν ἀνάθεσιν, ἀλλ´ ἵνα, εἰ διακωλύοι τις, εὐθὺς ἀπόληται.

[208] Τί λέγεις, ὦ δέσποτα; Προειληφὼς οὐκ ἀνεξομένους, ἀλλ´ ὑπερασπιοῦντας τοῦ νόμου καὶ προαποθανουμένους τῶν πατρίων πολεμοποιεῖς; Οὐ γὰρ ἔοικας δι´ ἄγνοιαν ὧν εἰκὸς ἦν ἀποβήσεσθαι τοῦ περὶ τὸ ἱερὸν ἅψασθαι νεωτερισμοῦ, προμαθὼν δὲ ἀκριβῶς τὰ μέλλοντα ὡς ἤδη παρόντα καὶ τὰ γενησόμενα ὡς χειριζόμενα τὴν στρατιὰν εἰσάγειν προσέταξας, ἵνα θυσίαις ἐναγέσι πρώταις καθιερωθῇ τὸ ἀφίδρυμα, σφαγαῖς ἀθλίων ἀνδρῶν ὁμοῦ καὶ γυναικῶν.

[209] Ὁ μὲν οὖν Πετρώνιος τὰ ἐπισταλέντα διαναγνοὺς ἐν ἀμηχάνοις ἦν, οὔτε ἐναντιοῦσθαι δυνάμενος διὰ φόβον - ᾔδει γὰρ ἀφόρητον οὐ μόνον κατὰ τῶν τὰ κελευσθέντα μὴ πραξάντων, ἀλλὰ καὶ κατὰ τῶν μὴ εὐθύς - οὔτε ἐγχειρεῖν εὐμαρῶς· ᾔδει γὰρ ἀνθ´ ἑνὸς θανάτου μυρίους ἄν, εἴπερ δυνατὸν ἦν, ἐθελήσοντας ὑπομεῖναι μᾶλλον ἢ περιιδεῖν τι τῶν ἀπειρημένων δρώμενον. [210] Ἅπαντες γὰρ ἄνθρωποι φυλακτικοὶ τῶν ἰδίων ἐθῶν εἰσι, διαφερόντως δὲ τὸ Ἰουδαίων ἔθνος· θεόχρηστα γὰρ λόγια τοὺς νόμους εἶναι ὑπολαμβάνοντες καὶ τοῦτο ἐκ πρώτης ἡλικίας τὸ μάθημα παιδευθέντες ἐν ταῖς ψυχαῖς ἀγαλματοφοροῦσι τὰς τῶν διατεταγμένων εἰκόνας· [211] εἶτα ἐναργεῖς τύπους καὶ μορφὰς αὐτῶν καθορῶντες ἀεὶ τοῖς λογισμοῖς αὑτῶν τεθήπασι· καὶ τοὺς μὲν τιμητικῶς ἔχοντας ἀλλοφύλους αὐτῶν οὐχ ἧττον τῶν ἰδίων ἀποδέχονται πολιτῶν, τοῖς δὲ ἢ καθαιροῦσιν ἢ χλευάζουσιν ὡς πολεμιωτάτοις ἀπέχθονται· καὶ πεφρίκασι μὲν ἕκαστον τῶν διηγορευμένων οὕτως, ὡς ἅπασαν τὴν παρ´ ἀνθρώποις εἴτε εὐτυχίαν εἴτε εὐδαιμονίαν χρὴ καλεῖν μηδέποτ´ ἂν ὑπὲρ παραβάσεως καὶ τοῦ τυχόντος ἂν ὑπαλλάξασθαι. [212] Περιττοτέρα δὲ καὶ ἐξαίρετός ἐστιν αὐτοῖς ἅπασιν ἡ περὶ τὸ ἱερὸν σπουδή. Τεκμήριον δὲ μέγιστον· θάνατος ἀπαραίτητος ὥρισται κατὰ τῶν εἰς τοὺς ἐντὸς περιβόλους παρελθόντων - δέχονται γὰρ εἰς τοὺς ἐξωτέρω τοὺς πανταχόθεν πάντας - τῶν οὐχ ὁμοεθνῶν.

]213] Εἰς δὴ ταῦτα ἀφορῶν ὁ Πετρώνιος βραδὺς ἦν ἐγχειρητής, ὅσον τόλμημα μεγαλουργεῖται σκεπτόμενος, καὶ συγκαλέσας ὡς ἐν συνεδρίῳ τοὺς τῆς ψυχῆς ἅπαντας λογισμοὺς τὴν ἑκάστου γνώμην διηρεύνα καὶ πάντας εὕρισκεν ὁμογνωμονοῦντας περὶ τοῦ μηδὲν κινεῖν τῶν ἐξ ἀρχῆς καθωσιωμένων, πρῶτον διὰ τὸ φύσει δίκαιον καὶ εὐσεβές, ἔπειτα διὰ τὸν ἐπικρεμάμενον κίνδυνον, οὐκ ἐκ θεοῦ μόνον ἀλλὰ καὶ τῶν ἐπηρεαζομένων.

[214] Ἔννοιά τε αὐτὸν εἰσῄει τοῦ ἔθνους, ὅσον ἐστὶν ἐν πολυανθρωπίᾳ, ὅπερ οὐκ ἐδέξατο καθάπερ τῶν ἄλλων ἕκαστον μιᾶς χώρας τῆς ἀποκεκληρωμένης αὐτῷ μόνῳ περίβολος, ἀλλ´ ὀλίγου δέω φάναι πᾶσα ἡ οἰκουμένη· κέχυται γὰρ ἀνά τε τὰς ἠπείρους καὶ νήσους ἁπάσας, ὡς τῶν αὐθιγενῶν μὴ πολλῷ τινι δοκεῖν ἐλαττοῦσθαι. [215] Τοσαύτας μυριάδας ἐφέλκεσθαι πολεμίων ἆρ´ οὐ σφαλερώτατον; Ἀλλὰ μήποτε γένοιτο συμφρονήσαντας τοὺς ἑκασταχοῦ πρὸς ἄμυναν ἐλθεῖν· ἄμαχόν τι συμβήσεται χρῆμα· δίχα τοῦ καὶ τοὺς τὴν Ἰουδαίαν κατοικοῦντας ἀπείρους τε εἶναι τὸ πλῆθος καὶ τὰ σώματα γενναιοτάτους καὶ τὰς ψυχὰς εὐτολμοτάτους καὶ προαποθνῄσκειν αἱρουμένους τῶν πατρίων ὑπὸ φρονήματος, ὡς μὲν ἔνιοι τῶν διαβαλλόντων εἴποιεν ἄν, βαρβαρικοῦ, ὡς δὲ ἔχει τἀληθές, ἐλευθερίου καὶ εὐγενοῦς.

[216] Ἐφόβουν δὲ αὐτὸν καὶ αἱ πέραν Εὐφράτου δυνάμεις· ᾔδει γὰρ Βαβυλῶνα καὶ πολλὰς ἄλλας τῶν σατραπειῶν ὑπὸ Ἰουδαίων κατεχομένας, οὐκ ἀκοῇ μόνον ἀλλὰ καὶ πείρᾳ· καθ´ ἕκαστον γὰρ ἐνιαυτὸν ἱεροπομποὶ στέλλονται χρυσὸν καὶ ἄργυρον πλεῖστον κομίζοντες εἰς τὸ ἱερὸν τὸν ἀθροισθέντα ἐκ τῶν ἀπαρχῶν, δυσβάτους καὶ ἀτριβεῖς καὶ ἀνηνύτους ὁδοὺς περαιούμενοι, ἃς λεωφόρους εἶναι νομίζουσιν, ὅτι πρὸς εὐσέβειαν ἄγειν δοκοῦσι. [217] Περιδεὴς οὖν ὡς εἰκὸς ἦν, μὴ πυθόμενοι τὴν καινουργουμένην ἀνάθεσιν ἐπιφοιτήσωσιν ἐξαίφνης καὶ περίσχωσιν, οἱ μὲν ἔνθεν οἱ δὲ ἔνθεν, κύκλος γενόμενοι, καὶ συνάψαντες ἀλλήλοις τοὺς ἐναποληφθέντας μέσους δεινὰ ἐργάσωνται.

[218] Τοιούτοις μὲν λογισμοῖς χρώμενος ἀπώκνει. Πάλιν δὲ ὑπὸ τῶν ἐναντίων ἀνθείλκετο, « Δεσπότου » λέγων « ἡ πρόσταξίς ἐστι καὶ νέου καὶ ὅ τι ἂν βουληθῇ τοῦτο συμφέρον κρίνοντος καὶ τὸ γνωσθὲν ἅπαξ ἐπιτελεσθῆναι, κἂν ἀλυσιτελέστατον ᾖ καὶ φιλονεικίας καὶ ἀλαζονείας γέμον, ὅς γε καὶ ὑπερπηδήσας τὸν ἄνθρωπον ἐν θεοῖς ἤδη γράφει ἑαυτόν. Ἐπικρέμαται δή μοι κίνδυνος ὁ περὶ ψυχῆς καὶ ἐναντιωθέντι καὶ εἴξαντι, ἀλλ´ εἴξαντι μὲν μετὰ πολέμου καὶ τάχα ἀμφίβολος καὶ οὐ πάντως ἀποβησόμενος, ἐναντιωθέντι δὲ ἀπαραίτητος καὶ ὁμολογούμενος ἐκ Γαΐου. » [219] Συνελάμβανον δὲ τῇ γνώμῃ ταύτῃ πολλοὶ τῶν συνδιεπόντων τὰ κατὰ Συρίαν αὐτῷ Ῥωμαίων, εἰδότες ὅτι καὶ ἐπ´ αὐτοὺς πρώτους αἱ ἀπὸ Γαΐου χωρήσουσιν ὀργαὶ καὶ τιμωρίαι ὡς συναιτίους τοῦ τὸ κελευσθὲν μὴ γενέσθαι.

[220] Παρέσχε δὲ εἰς ἀκριβεστέραν σκέψιν ἀναχώρησιν ἡ κατασκευὴ τοῦ ἀνδριάντος· οὔτε γὰρ ἀπὸ τῆς Ῥώμης διεπέμψατο - θεοῦ μοι προνοίᾳ δοκῶ τὴν χεῖρα τῶν ἀδικουμένων ἀφανῶς ὑπερέχοντος - οὔτε τῶν κατὰ Συρίαν ὅστις ἂν ἄριστος εἶναι δοκιμασθῇ μετακομίζειν προσέταξεν, ἐπεὶ κἂν τῷ τάχει τῆς παρανομίας ταχὺς ἐξήφθη ὁ πόλεμος. [221] Καιρὸν οὖν σχὼν εἰς τὴν τοῦ συμφέροντος διάσκεψιν - τὰ γὰρ αἰφνίδια καὶ μεγάλα, ὅταν ἀθρόα προσπέσῃ, κατακλᾷ τὸν λογισμόν - προστάττει τὴν κατασκευὴν ἔν τινι τῶν ὁμόρων ποιεῖσθαι. [222] Μεταπεμψάμενος οὖν ὁ Πετρώνιος δημιουργοὺς τῶν ἐν Φοινίκῃ τοὺς φρονιμωτάτους δίδωσι τὴν ὕλην· οἱ δὲ ἐν Σιδῶνι εἰργάζοντο.

Μεταπέμπεται δὲ καὶ τοὺς ἐν τέλει τῶν Ἰουδαίων ἱερεῖς τε καὶ ἄρχοντας, ἅμα μὲν δηλώσων τὰ ἀπὸ Γαΐου, ἅμα δὲ καὶ συμβουλεύσων ἀνέχεσθαι τῶν ὑπὸ τοῦ δεσπότου προσταττομένων καὶ τὰ δεινὰ πρὸ ὀφθαλμῶν λαμβάνειν· εὐτρεπεῖς γὰρ εἶναι τῶν κατὰ Συρίαν στρατιωτικῶν δυνάμεων τὰς μαχιμωτέρας, αἳ πᾶσαν τὴν χώραν καταστορέσουσι νεκρῶν. [223] ᾬετο γάρ, εἰ προμαλάξειε τούτους, δυνήσεσθαι δι´ αὐτῶν καὶ τὴν ἄλλην πληθὺν ἅπασαν ἀναδιδάξαι μὴ ἐναντιοῦσθαι· γνώμης δέ, ὡς εἰκός, διημάρτανε.

Πληχθέντας γάρ φασιν ὑπὸ τῶν πρώτων ῥημάτων εὐθὺς αὐτοὺς ἀήθους κακοῦ διηγήσει καταπαγῆναι καὶ ἀχανεῖς γενομένους φοράν τινα δακρύων ὥσπερ ἀπὸ πηγῶν ἀθρόαν ἐκχεῖν, τὰ γένεια καὶ τὰς τρίχας τῆς κεφαλῆς τίλλοντας καὶ τοιαῦτα ἐπιλέγοντας· [224] « Πολλὰ εἰσηνέγκαμεν εἰς εὐγήρω βίον οἱ λίαν εὐτυχεῖς, ἵνα ὃ μηδεὶς πώποτε εἶδε τῶν προγόνων ἡμεῖς θεασώμεθα· τίσιν ὀφθαλμοῖς; Ἐκκοπήσονται πρότερον μετὰ τῆς ἀθλίας ψυχῆς καὶ τῆς ἐπωδύνου ζωῆς ἢ τοιοῦτον ὄψονται κακόν, ἀθέατον θέαν, ἣν οὔτε ἀκοῦσαι θέμις οὔτε νοῆσαι. » [225] Καὶ οἱ μὲν τοιαῦτα ὠλοφύροντο.

Πυθόμενοι δὲ οἱ κατὰ τὴν ἱερόπολιν καὶ τὴν ἄλλην χώραν τὸ κινούμενον, ὥσπερ ἀφ´ ἑνὸς συνθήματος συνταξάμενοι, τοῦ κοινοῦ πάθους τὸ σύνθημα δόντος, ἐξεληλύθεσαν ἀθρόοι καὶ κενὰς τὰς πόλεις καὶ κώμας καὶ οἰκίας ἀπολιπόντες μιᾷ ῥύμῃ συνέτεινον εἰς Φοινίκην· ἐκεῖ γὰρ ὢν ἐτύγχανεν ὁ Πετρώνιος. [226] Ἰδόντες δὲ τῶν Πετρωνίου τινὲς ὄχλον ἀμύθητον φερόμενον ἐβοηδρόμουν ἀπαγγέλλοντες, ἵνα φυλάττηται, πόλεμον προσδοκήσαντες. Ἔτι δὲ διηγουμένων, ὁ μὲν ἀφρούρητος ἦν, ἡ δὲ τῶν Ἰουδαίων πληθὺς ἐξαπιναίως ὥσπερ νέφος ἐπιστᾶσα πᾶσαν Φοινίκην ἐπέσχε, κατάπληξιν τοῖς οὐκ εἰδόσι τὴν τοῦ ἔθνους πολυανθρωπίαν ἐργασαμένη. [227] Καὶ βοὴ μὲν τοσαύτη τὸ πρῶτον ἤρθη μετὰ κλαυθμῶν καὶ στερνοτυπιῶν, ὡς ἂν μηδὲ τὰς ἀκοὰς τῶν παρόντων χωρεῖν τὸ μέγεθος· οὐδὲ γὰρ ἐπαύσατο παυσαμένων, ἀλλ´ ἡσυχασάντων ἔτι συνήχει. Ἔπειτα πρόσοδοι καὶ δεήσεις, οἵας ὁ καιρὸς ὑπέβαλλε· διδάσκαλοι γὰρ τοῦ παρόντος αὐταὶ αἱ συμφοραί.

Εἰς τάξεις δὲ ἓξ διενεμήθησαν, πρεσβυτῶν, νέων, παίδων, πάλιν ἐν μέρει πρεσβυτίδων, γυναικῶν τῶν ἐν ἡλικίᾳ, παρθένων. [228] Ἐπεὶ δὲ ὁ Πετρώνιος ἐξ ἀπόπτου κατεφάνη, πᾶσαι αἱ τάξεις καθάπερ κελευσθεῖσαι προσπίπτουσιν εἰς ἔδαφος ὀλολυγὴν θρηνώδη τινὰ μεθ´ ἱκετηριῶν ἀφιεῖσαι. Παραινέσαντος δὲ ἀνίστασθαι καὶ προσελθεῖν ἐγγυτέρω, μόλις ἀνίσταντο καὶ καταχεάμενοι πολλὴν κόνιν καὶ ῥεόμενοι δακρύοις, τὰς χεῖρας ἀμφοτέρας εἰς τοὐπίσω περιαγαγόντες τρόπον ἐξηγκωνισμένων, προσῄεσαν.

[229] Εἶτα ἡ γερουσία καταστᾶσα τοιάδε ἔλεξεν· « Ἄοπλοι μέν ἐσμεν, ὡς ὁρᾷς, παραγενομένους δὲ αἰτιῶνταί τινες ὡς πολεμίους. Ἃ δὲ ἡ φύσις ἑκάστῳ προσένειμεν ἀμυντήρια μέρη, χεῖρας, ἀπεστρόφαμεν, ἔνθα μηδὲν ἐργάσασθαι δύνανται, παρέχοντες αὑτῶν τὰ σώματα πρὸς εὐσκόπους τοῖς θέλουσιν ἀποκτεῖναι βολάς.

[230] Γυναῖκας καὶ τέκνα καὶ γενεὰς ἐπηγαγόμεθά σοι καὶ διὰ σοῦ προσεπέσομεν Γαΐῳ μηδένα οἴκοι καταλιπόντες, ἵνα ἢ περισώσητε πάντας ἢ πάντας πανωλεθρίᾳ διαφθείρητε. Πετρώνιε, καὶ τὰς φύσεις ἐσμὲν εἰρηνικοὶ καὶ τὴν προαίρεσιν, καὶ αἱ διὰ παιδοτροφίαν φιλεργίαι τοῦτο ἡμᾶς ἐξ ἀρχῆς ἐπαίδευσαν τὸ ἐπιτήδευμα.

[231] Γαΐῳ παραλαβόντι τὴν ἡγεμονίαν πρῶτοι τῶν κατὰ Συρίαν ἁπάντων ἡμεῖς συνήσθημεν, Οὐιτελλίου τότε, παρ´ οὗ διεδέξω τὴν ἐπιτροπήν, ἐν τῇ πόλει διατρίβοντος, ᾧ τὰ περὶ τούτων ἐκομίσθη γράμματα, καὶ ἀπὸ τῆς ἡμετέρας πόλεως εὐαγγελιουμένη πρὸς τὰς ἄλλας ἔδραμεν ἡ φήμη. [232] Πρῶτον τὸ ἡμέτερον ἱερὸν ἐδέξατο τὰς ὑπὲρ τῆς ἀρχῆς Γαΐου θυσίας, ἵνα πρῶτον ἢ καὶ μόνον ἀφαιρεθῇ τῆς θρησκείας τὸ πάτριον; Ἐξιστάμεθα τῶν πόλεων, παραχωροῦμεν τῶν οἰκιῶν καὶ κτημάτων, ἔπιπλα καὶ χρήματα καὶ κειμήλια καὶ τὴν ἄλλην ἅπασαν λείαν εἰσοίσομεν ἑκόντες· λαμβάνειν, οὐ διδόναι, ταῦτα νομιοῦμεν. ἓν ἀντὶ πάντων αἰτούμεθα, μηδὲν ἐν τῷ ἱερῷ γενέσθαι νεώτερον, ἀλλὰ φυλαχθῆναι τοιοῦτον, οἷον παρὰ τῶν πάππων καὶ προγόνων παρελάβομεν. [233] Εἰ δὲ μὴ πείθομεν, παραδίδομεν ἑαυτοὺς εἰς ἀπώλειαν, ἵνα μὴ ζῶντες ἐπίδωμεν θανάτου χεῖρον κακόν.

Πυνθανόμεθα πεζὰς καὶ ἱππικὰς δυνάμεις εὐτρεπίσθαι καθ´ ἡμῶν, εἰ πρὸς τὴν ἀνάθεσιν ἀντιβαίημεν. Οὐδεὶς οὕτως μέμηνεν, ὡς δοῦλος ὢν ἐναντιοῦσθαι δεσπότῃ· παρέχομεν ἐν ἑτοίμῳ τὰς σφαγὰς ἄσμενοι, κτεινέτωσαν, ἱερευέτωσαν, κρεανομείτωσαν ἀμαχεὶ καὶ ἀναιμωτί, πάντα ὅσα κεκρατηκότων ἔργα δράτωσαν. [234] Τίς δὲ χρεία στρατιᾶς; Αὐτοὶ κατάρξομεν τῶν θυμάτων οἱ καλοὶ ἱερεῖς, παραστησόμενοι τῷ ἱερῷ γυναῖκας οἱ γυναικοκτόνοι, ἀδελφοὺς καὶ ἀδελφὰς οἱ ἀδελφοκτόνοι, κούρους καὶ κόρας, τὴν ἄκακον ἡλικίαν, οἱ παιδοφόνται· τραγικῶν γὰρ ὀνομάτων δεῖ τοῖς τὰς τραγικὰς συμφορὰς ὑπομένουσιν. [235] Εἶτ´ ἐν μέσοις στάντες καὶ λουσάμενοι τῷ συγγενικῷ αἵματι - τοιαῦτα γὰρ τὰ λουτρὰ τοῖς εἰς ᾅδου φαιδρυνομένοις - ἀνακερασόμεθα τὸ ἴδιον ἐπικατασφάξαντες αὑτούς. [236] Ἀποθανόντων τὸ ἐπίταγμα γενέσθω· μέμψαιτ´ ἂν οὐδὲ θεὸς ἡμᾶς ἀμφοτέρων στοχαζομένους, καὶ τῆς πρὸς τὸν αὐτοκράτορα εὐλαβείας καὶ τῆς πρὸς τοὺς καθωσιωμένους νόμους ἀποδοχῆς· γενήσεται δὲ τοῦτο, ἐὰν ὑπεκστῶμεν ἀβιώτου βίου καταφρονήσαντες.

[237] Ἀκοὴν ἐδεξάμεθα παλαιτάτην ὑπὸ τῶν κατὰ τὴν Ἑλλάδα λογίων παραδοθεῖσαν, οἳ τὴν τῆς Γοργόνος κεφαλὴν τοσαύτην ἔχειν δύναμιν ὡμολόγουν, ὥστε τοὺς προσιδόντας εὐθὺς λίθους καὶ πέτρους γίνεσθαι. Τοῦτο μύθου μὲν πλάσμα ἔοικεν εἶναι, τὸ δ´ ἀληθὲς αἱ μεγάλαι καὶ ἀβούλητοι καὶ ἀνήκεστοι συντυχίαι ἐπιφέρουσιν. ὀργαὶ δεσπότου θάνατον ἀπεργάζονται ἢ παραπλήσιόν τι θανάτῳ. [238] Νομίζεις, ὃ μήποτε γένοιτο, παραπεμπόμενον εἰ θεάσαιντό τινες τῶν ἡμετέρων εἰς τὸ ἱερὸν τὸν ἀνδριάντα, οὐκ ἂν εἰς πέτρους μεταβαλεῖν, παγέντων μὲν αὐτοῖς τῶν ἄρθρων, παγέντων δὲ τῶν ὀφθαλμῶν, ὡς μηδὲ κινηθῆναι δύνασθαι, ὅλου δὲ τοῦ σώματος τὰς φυσικὰς κινήσεις μεταβαλόντος καθ´ ἕκαστον τῶν ἐν τῇ κοινωνίᾳ μερῶν αὐτοῦ;

[239] Τελευταίαν δέησιν, ὦ Πετρώνιε, ποιησόμεθα δικαιοτάτην· οὔ φαμεν μὴ δεῖν τὰ κελευσθέντα δρᾶν, ἀλλ´ ἀναχώρησιν αἰτούμεθα προσικετεύοντες, ἵνα πρεσβείαν ἑλόμενοι πέμψωμεν τὴν ἐντευξομένην τῷ δεσπότῃ. [240] Τάχα που πρεσβευσάμενοι πείσομεν, ἢ περὶ θεοῦ τιμῆς πως διεξελθόντες ἢ περὶ νομίμων ἀκαθαιρέτων φυλακῆς ἢ περὶ τοῦ μὴ πάντων καὶ τῶν ἐν ἐσχατιαῖς ἐθνῶν, οἷς τετήρηται τὰ πάτρια, ἔλαττον ἐνέγκασθαι ἢ περὶ ὧν ὁ πάππος αὐτοῦ καὶ πρόπαππος ἔγνωσαν ἐπισφραγιζόμενοι τὰ ἡμέτερα ἔθη μετὰ πάσης ἐπιμελείας. [241] Ἴσως ταῦτα ἀκούων ἔσται μαλακώτερος· οὐκ ἐν ὁμοίῳ μένουσιν αἱ γνῶμαι τῶν μεγάλων, αἱ δὲ σὺν ὀργῇ καὶ τάχιστα κάμνουσι. Διαβεβλήμεθα, τὰς διαβολὰς ἐπίτρεψον ἰάσασθαι· ἀκρίτους καταγνωσθῆναι χαλεπόν. [242] Ἐὰν δὲ μὴ πείσωμεν, τί λοιπὸν ἐμποδών ἐστιν {ἢ} ταῦτα ἃ καὶ νῦν διανοῇ πράττειν; Ἕως οὐ πεπρεσβεύμεθα, μὴ ἀποκόψῃς τὰς ἀμείνους ἐλπίδας μυριάδων τοσούτων, αἷς οὐχ ὑπὲρ κέρδους ἀλλ´ ὑπὲρ εὐσεβείας ἐστὶν ἡ σπουδή. Καίτοι γε ἡμάρτομεν τοῦτο εἰπόντες· τί γὰρ ἂν εἴη κέρδος λυσιτελέστερον ὁσιότητος ἀνθρώποις; »

[243] Ταῦτα δὲ διεξῄεσαν ὑπ´ ἀγωνίας καὶ περιπαθήσεως ἄσθματι πολλῷ, κεκομμένῳ τῷ πνεύματι, ῥεόμενοι κατὰ τῶν μελῶν ἁπάντων ἱδρῶτι, μετὰ φορᾶς ἀπαύστων δακρύων, ὡς ἤδη συναλγεῖν τοὺς ἀκούοντας καὶ τὸν Πετρώνιον - ἦν γὰρ καὶ τὴν φύσιν εὐμενὴς καὶ ἥμερος - ὑπὸ τῶν λεχθέντων καὶ ὁρωμένων συνηρπάσθαι· ἐδόκει γὰρ αὐτῷ καὶ τὰ λεγόμενα εἶναι δικαιότατα καὶ οἰκτρά τις ἡ τῶν ὁρωμένων περιπάθησις.

[244] Ἐπεξαναστὰς δὲ μετὰ τῶν συνέδρων ἐβουλεύετο τὰ πρακτέα καὶ ἑώρα τοὺς μὲν πρὸ μικροῦ παντάπασιν ἐναντιουμένους ἐπαμφοτερίζοντας, τοὺς δὲ ἐνδοιαστὰς ἐπιρρέποντας ἤδη τῷ πλείονι μέρει πρὸς ἔλεον· ἐφ´ οἷς ἥδετο, καίτοι τὴν φύσιν εἰδὼς τοῦ προεστῶτος καὶ ὡς ἔστιν ἀπαραίτητος ὀργήν. [245] Ἀλλ´ εἶχέ τινα καὶ αὐτός, ὡς ἔοικεν, ἐναύσματα τῆς Ἰουδαϊκῆς φιλοσοφίας ἅμα καὶ εὐσεβείας, εἴτε καὶ πάλαι προμαθὼν ἕνεκα τῆς περὶ παιδείαν σπουδῆς εἴτε καὶ ἀφ´ οὗ τῶν χώρων ἐπετρόπευσεν, ἐν οἷς Ἰουδαῖοι καθ´ ἑκάστην πόλιν εἰσὶ παμπληθεῖς, Ἀσίας τε καὶ Συρίας, εἴτε καὶ τὴν ψυχὴν οὕτω διατεθεὶς αὐτηκόῳ καὶ αὐτοκελεύστῳ καὶ αὐτομαθεῖ τινι πρὸς τὰ σπουδῆς ἄξια φύσει. Τοῖς δὲ ἀγαθοῖς ἀγαθὰς ὑπηχεῖν ἔοικε γνώμας ὁ θεός, δι´ ὧν ὠφελοῦντες ὠφεληθήσονται· ὅπερ κἀκείνῳ συνέβη. Τίνες οὖν ἦσαν αἱ γνῶμαι;

[246] μὴ κατεπείγειν τοὺς δημιουργούς, ἀλλ´ ἀναπείθειν εὖ τετεχνιτευμένον ἀπεργάσασθαι τὸν ἀνδριάντα, στοχαζομένους καθ´ ὅσον ἂν οἷόν τε ᾖ μὴ ἀπολειφθῆναι τῶν διωνομασμένων ἀρχετύπων εἰς πλείονος χρόνου μῆκος, ἐπειδὴ τὰ μὲν αὐτοσχέδια φιλεῖ πως ἐπιτέμνεσθαι, τὰ δὲ σὺν πόνῳ καὶ ἐπιστήμῃ μῆκος χρόνων ἐπιζητεῖν. [247] Ἣν ᾐτήσαντο πρεσβείαν, οὐκ ἐπιτρέπειν· ἀσφαλὲς γὰρ οὐκ εἶναι. Τοῖς βουλομένοις ἐπὶ τὸν πάντων ἡγεμόνα καὶ δεσπότην ἐκκαλεῖσθαι τὰ πράγματα μὴ ἐναντιοῦσθαι. Τῷ πλήθει μήτε ὁμολογεῖν μήτε ἀρνεῖσθαι· ἑκάτερον γὰρ φέρειν κίνδυνον. [248] Ἐπιστέλλειν Γαΐῳ μηδὲν μὲν τῶν Ἰουδαίων κατηγοροῦντα, μὴ δηλοῦντα δὲ ἐπ´ ἀληθείας τὰς ἱκετείας καὶ ἀντιβολίας αὐτῶν, καὶ τῆς περὶ τὴν ἀνάθεσιν βραδυτῆτος αἰτιᾶσθαι τὸ μέν τι τὴν κατασκευὴν χρόνου μεμετρημένου δεομένην,

[249] τὸ δέ τι καὶ τὸν καιρὸν διδόντα μεγάλας ἀφορμὰς εἰς ἀναβολὴν εὐλόγους, αἷς συναινέσειν οὐκ ἴσως ἀλλ´ ἀναγκαίως καὶ αὐτὸν Γάιον. Ἐν ἀκμῇ μὲν γὰρ τὸν τοῦ σίτου καρπὸν εἶναι καὶ τῶν ἄλλων ὅσα σπαρτά, δεδιέναι δὲ μὴ κατ´ ἀπόγνωσιν τῶν πατρίων ἄνθρωποι καὶ τοῦ ζῆν καταφρονοῦντες ἢ δῃώσωσι τὰς ἀρούρας ἢ ἐμπρήσωσι τὴν σταχυηφόρον ὀρεινὴν καὶ πεδιάδα, φυλακῆς δὲ χρῄζειν εἰς ἐπιμελεστέραν τῶν καρπῶν συγκομιδήν, οὐ μόνον τῶν σπειρομένων ἀλλὰ καὶ ὧν ἡ δενδροφόρος παρέχει. [250] Διεγνώκει μὲν γάρ, ὡς λόγος, πλεῖν εἰς Ἀλεξάνδρειαν τὴν πρὸς Αἰγύπτῳ, πελάγει δὲ οὐκ ἀξιώσει τοσοῦτος ἡγεμὼν διά τε τοὺς κινδύνους καὶ διὰ τὸ πλῆθος τοῦ παραπέμποντος στόλου καὶ ἅμα διὰ τὴν ἐπιμέλειαν τοῦ σώματος, ἃ δὴ πάντα γίνεται ῥᾳδίως τὸν δι´ Ἀσίας καὶ Συρίας κύκλον περαιουμένῳ· [251] δυνήσεται γὰρ καθ´ ἑκάστην ἡμέραν καὶ πλεῖν καὶ ἀποβαίνειν, καὶ μάλιστα τὰς πλείστας ναῦς ἐπαγόμενος μακράς, ἀλλ´ οὐχ ὁλκάδας, αἷς ὁ παρὰ γῆν πλοῦς ἀνυσιμώτερος, ὡς ταῖς φορτίσι διὰ πελάγους ἐστίν. [252] Ἀναγκαῖον οὖν καὶ χιλὸν κτήνεσι καὶ τροφὰς ἀφθόνους ἐν ἁπάσαις ταῖς Συριακαῖς πόλεσιν εὐτρεπίσθαι, καὶ μάλιστα ταῖς παράλοις. Ἀφίξεται γὰρ παμπληθὴς ὄχλος καὶ διὰ γῆς καὶ διὰ θαλάττης, οὐ μόνον ἀπ´ αὐτῆς Ῥώμης καὶ Ἰταλίας ἀναστάς, ἀλλὰ καὶ ἀπὸ τῶν ἑξῆς ἄχρι Συρίας ἐπικρατειῶν ἐπηκολουθηκώς, ὁ μὲν τῶν ἐν τέλει, ὁ δὲ στρατιωτικός, ἱππέων, πεζῶν, τῶν ἐν ταῖς ναυσίν, ὁ δὲ οἰκετικὸς οὐκ ἀποδέων τοῦ στρατιωτικοῦ. [253] Δεῖ δὲ χορηγιῶν οὐ πρὸς τὰ ἀναγκαῖα συμμεμετρημένων αὐτὸ μόνον, ἀλλὰ καὶ πρὸς περιττὴν δαψίλειαν, ἣν ἐπιζητεῖ Γάιος.

Τούτοις ἐὰν ἐντύχῃ τοῖς γράμμασιν, ἴσως πρὸς τῷ μὴ δυσχερᾶναι καὶ τῆς προνοίας ἡμᾶς ἀποδέξεται ὡς ποιησαμένους τὴν ὑπέρθεσιν, οὐ χάριτι τῇ τῶν Ἰουδαίων, ἀλλ´ ἕνεκα τῆς τῶν καρπῶν συγκομιδῆς.

[254] Ἀποδεξαμένων δὲ τὴν ἐπίνοιαν τῶν συνέδρων, κελεύει γράφεσθαι τὰς ἐπιστολὰς καὶ ἐχειροτόνει τοὺς διακομιοῦντας ἄνδρας εὐζώνους, ἐθάδας δὲ καὶ τῶν κατὰ τὰς ὁδοιπορίας ἐπιτομῶν. Καὶ οἱ μὲν ἥκοντες ἀνέδοσαν τὰς ἐπιστολάς, ὁ δ´ ἔτι μὲν ἀναγινώσκων διῴδει καὶ μεστὸς ἦν ὀργῆς ἐφ´ ἑκάστῳ σημειούμενος· [255] ὡς δὲ ἐπαύσατο, συνεκρότει τὰς χεῖρας « Εὖ, Πετρώνιε » , φάσκων « οὐκ ἔμαθες ἀκούειν αὐτοκράτορος· αἱ ἐπάλληλοί σε ἀρχαὶ πεφυσήκασιν· ἄχρι τοῦ παρόντος οὐδὲ ἀκοῇ γνωρίζειν μοι δοκεῖς Γάιον, οὐκ εἰς μακρὰν αὐτοῦ πεῖραν ἕξεις. [256] Μέλει μὲν γάρ σοι τῶν Ἰουδαϊκῶν νομίμων, ἐχθίστου μοι ἔθνους, ἀλογεῖς δὲ τῶν ἄρχοντος ἡγεμονικῶν προστάξεων. Ἐφοβήθης τὸ πλῆθος· εἶτα οὐ παρῆσαν αἱ στρατιωτικαὶ δυνάμεις, ἃς δέδιεν ἔθνη τὰ ἑῷα καὶ ἡγεμόνες αὐτῶν Παρθυαῖοι; Ἀλλ´ ἠλέησας· [257] εἶτα οἴκτῳ μᾶλλον ἐνέδωκας ἢ Γαΐῳ; Προφασίζου νῦν ἄμητον, τὸν ἀπροφάσιστον οὐκ εἰς μακρὰν ἐνδεξόμενος αὐτὸς τῇ κεφαλῇ· συγκομιδὴν αἰτιῶ καρπῶν καὶ τὰς εἰς τὴν ἡμετέραν ἄφιξιν παρασκευάς· εἰ γὰρ ἀφορία παντελὴς ἐπέσχε τὴν Ἰουδαίαν, οὐκ ἦσαν αἱ πλησιόχωροι τοσαῦται καὶ οὕτως εὐδαίμονες ἱκαναὶ χορηγεῖν τὰ ἐπιτήδεια καὶ τὴν μιᾶς ἔνδειαν ἀναπληρῶσαι; [258] Ἀλλὰ τί προανίσταμαι τῶν χειρῶν; Τί δέ μου τῆς γνώμης προαισθάνονταί τινες; Ὁ μέλλων τὰ ἐπίχειρα καρποῦσθαι γινωσκέτω πρῶτος ἐξ ὧν ἂν πάθῃ. Παύομαι λέγων, φρονῶν δὲ οὐ παύσομαι. »

[259] Καὶ μικρὸν ὅσον ἐπισχών τινι τῶν πρὸς ταῖς ἐπιστολαῖς ὑπέβαλε τὰς πρὸς Πετρώνιον ἀποκρίσεις, ἐπαινῶν αὐτὸν ὅσα τῷ δοκεῖν εἰς τὸ προμηθὲς καὶ τὴν τοῦ μέλλοντος ἀκριβῆ περίσκεψιν· σφόδρα γὰρ τοὺς ἐν ἡγεμονίαις εὐλαβεῖτο τὰς πρὸς νεωτεροποιίαν ἀφορμὰς ὁρῶν ἔχοντας ἐν ἑτοίμῳ, καὶ μάλιστα τοὺς ἐν ταῖς μεγάλαις καὶ μεγάλοις ἐπιτάττοντας στρατοπέδοις, ἡλίκα τὰ πρὸς Εὐφράτῃ κατὰ Συρίαν ἐστίν. [260] Θεραπεύων οὖν τοῖς ὀνόμασι καὶ γράμμασιν ἄχρι καιροῦ τὸ ἔγκοτον ἐπεσκίαζε βαρύμηνις ὤν.

Εἶτα ἐπὶ πᾶσι γράφει κελεύων μηδενὸς οὕτω φροντίζειν ἢ τοῦ θᾶττον ἀνατεθῆναι τὸν ἀνδριάντα· καὶ γὰρ ἤδη τὰ θέρη, τὴν εἴτε πιθανὴν εἴτε ἀληθῆ πρόφασιν, συγκεκομίσθαι δύνασθαι.

[261] Μετ´ οὐ πολὺ μέντοι παρῆν Ἀγρίππας ὁ βασιλεὺς κατὰ τὸ εἰωθὸς ἀσπασόμενος Γάιον. ᾜδει δὲ ἁπλῶς οὐδὲν οὔτε ὧν ἐπεστάλκει ὁ Πετρώνιος οὔτε ὧν ὁ Γάιος ἢ πρότερον ἢ ὕστερον· ἐτεκμαίρετο μέντοι διὰ τῆς οὐκ ἐν τάξει κινήσεως καὶ τῆς τῶν ὀμμάτων ταραχῆς ὑποτυφομένην ὀργὴν καὶ ἀνεσκόπει καὶ διηρεύνα ἑαυτὸν πάντῃ καὶ πρὸς πάντα μικρά τε αὖ καὶ μεγάλα τὸν λογισμὸν ἀποτείνων, μή τι δέδρακεν ἢ εἶπεν ὧν οὐ χρή. [262] Ὡς δὲ συνόλως οὐδὲν εὕρισκεν, ἐτόπασεν, ὅπερ ἦν εἰκός, ἑτέροις τισὶ πικραίνεσθαι.

Πάλιν δὲ ὅτε ὑποβλεπόμενον εἶδε καὶ τετακότα τὰς ὄψεις πρὸς μηδένα τῶν παρόντων ἢ μόνον ἐπ´ αὐτόν, ἐδεδίει καὶ πολλάκις ἐρέσθαι διανοηθεὶς ἐπέσχε, τοιοῦτον λαμβάνων λογισμόν· « Ἴσως τὴν ἀπειλὴν πρὸς ἑτέρους οὖσαν αὐτὸς ἕλξω περιεργίας ὁμοῦ καὶ προπετείας καὶ θράσους ὑπόληψιν ἐξενεγκάμενος. » [263] Ἐπτοημένον δ´ οὖν καὶ ἀποροῦντα θεασάμενος αὐτὸν Γάιος - ἦν γὰρ δεινὸς ἐκ τῆς φανερᾶς ὄψεως ἀφανὲς ἀνθρώπου βούλημα καὶ πάθος συνιδεῖν - « Ἀπορεῖς » , εἶπεν « Ἀγρίππα; Παύσω σε τῆς ἀπορίας. [264] Ἐπὶ τοσοῦτόν μοι χρόνον συνδιατρίψας ἠγνόησας, ὅτι οὐ τῇ φωνῇ μόνον ἀλλὰ καὶ τοῖς ὄμμασι φθέγγομαι μᾶλλον ἢ οὐχ ἧττον ἕκαστα διασημαίνων; [265] Οἱ καλοί σου καὶ ἀγαθοὶ πολῖται, παρ´ οἷς μόνοις ἐξ ἅπαντος ἀνθρώπων γένους θεὸς οὐ νομίζεται Γάιος, ἤδη μοι δοκοῦσι καὶ θανατᾶν ἀφηνιάζοντες· ἐμοῦ κελεύσαντος ἐν τῷ ἱερῷ Διὸς ἀνδριάντα ἀνατεθῆναι, πανδημεὶ συνταξάμενοι τῆς πόλεως καὶ τῆς χώρας ὑπεξῆλθον, πρόφασιν ἱκετεύσοντες, τὸ δ´ ἀληθὲς ἐναντία τοῖς προστεταγμένοις ἐργασόμενοι. »

[266] Μέλλοντος δὲ προσεπιφέρειν ἕτερα, ὑπ´ ἀγωνίας παντοδαπὰς χρόας ἐνήλλαττεν ἐν ταὐτῷ γινόμενος αἱμωπός, ὠχρός, πελιδνός. [267] Ἤδη δὲ καὶ ἀπὸ κεφαλῆς ἄκρας ἄχρι ποδῶν φρίκῃ κατέσχητο, τρόμος τε καὶ σεισμὸς πάντα αὐτοῦ τὰ μέρη καὶ τὰ μέλη συνεκύκα, χαλωμένων τε καὶ ἀνιεμένων τῶν σωματικῶν τόνων περὶ ἑαυτῷ κατέρρει καὶ τὰ τελευταῖα παρεθεὶς μικροῦ κατέπεσεν, εἰ μὴ τῶν παρεστώτων τινὲς ὑπέλαβον αὐτόν· καὶ κελευσθέντες φοράδην οἴκαδε κομίζουσιν οὐδενὸς συναισθανόμενον ὑπὸ κάρου τῶν ἀθρόων κατασκηψάντων κακῶν.

[268] Ὁ μὲν οὖν Γάιος ἔτι μᾶλλον ἐξετραχύνθη τὸ κατὰ τοῦ ἔθνους μῖσος ἐπιτείνων· « Εἰ γὰρ Ἀγρίππας » ἔφασκεν « ὁ συνηθέστατος καὶ φίλτατος καὶ τοσαύταις ἐνδεδεμένος εὐεργεσίαις ἥττηται τῶν ἐθῶν, ὡς μηδὲ ἀκοὴν ἀνέχεσθαι τὴν κατ´ αὐτῶν, ἀλλ´ ὑπ´ ἐκλύσεως μικροῦ καὶ τελευτῆσαι, τί χρὴ περὶ τῶν ἄλλων προσδοκᾶν, οἷς μηδεμία πρόσεστιν ὁλκὸς δύναμις εἰς τοὐναντίον; »

[269] Ὁ δὲ Ἀγρίππας τὴν μὲν πρώτην ἡμέραν καὶ τὸ πλεῖστον μέρος τῆς ὑστεραίας ὑπὸ κάρου πιεσθεὶς βαθέος οὐδὲν ἐγνώριζε τῶν ὄντων, περὶ δὲ δείλην ἑσπέραν μικρὸν ὅσον τὴν κεφαλὴν ἐπάρας καὶ βεβαρημένους τοὺς ὀφθαλμοὺς ἐπὶ βραχὺ μόλις διοίξας ἀμαυραῖς καὶ ἀχλυώδεσι ταῖς ὄψεσι τοὺς ἐν κύκλῳ παρεθεᾶτο, μήπω γνωρίζειν δυνάμενος ἐπ´ ἀκριβὲς τὰς ἑκάστων ἰδέας. [270] Πάλιν δὲ ὑπενεχθεὶς εἰς ὕπνον ἠρέμει τῆς προτέρας ὑγιεινοτέρᾳ καταστάσει χρώμενος, ὡς ἐνῆν ἔκ τε τῆς ἀναπνοῆς καὶ ἐκ τῆς περὶ τὸ σῶμα σχέσεως τεκμήρασθαι.

[271] Περιαναστὰς δὲ ὕστερον ἐπυνθάνετο· « Ποῦ τὰ νῦν εἰμι; Μήτι παρὰ Γαΐῳ; Μὴ καὶ αὐτὸς πάρεστιν ὁ δεσπότης; » Ἀποκριναμένων δέ· « [272] Θάρρει, παρὰ σαυτῷ διατρίβεις, Γάιος οὐ πάρεστιν· ἱκανῶς ἠρέμησας ὑπενεχθεὶς εἰς ὕπνον· ἀλλ´ ἐπιστραφεὶς καὶ μετεωρίσας σαυτὸν τὸν ἀγκῶνα πῆξον, γνώρισον τοὺς παρόντας· ἴδιοι πάντες εἰσί, φίλων καὶ ἀπελευθέρων καὶ οἰκετῶν οἱ μάλιστα τιμῶντες καὶ ἀντιτιμώμενοι » .

[273] Ὁ δὲ - νήφειν γὰρ ἤρχετο - καθεώρα τὸ παρ´ ἑκάστῳ συμπαθές· καὶ κελευσάντων τοὺς πολλοὺς μεταστῆναι τῶν ἰατρῶν, ἵνα δι´ ἀλειμμάτων καὶ τροφῆς καιρίου τὸ σωμάτιον ἀνακτήσωνται, [274] « Πάνυ γὰρ » εἶπε « φροντιστέον ὑμῖν ἐπιμελεστέρας τῆς εἰς ἐμὲ διαίτης; Οὐ γὰρ ἐξαρκεῖ μοι τῷ βαρυδαίμονι λιμὸν ἀκέσασθαι διὰ ψιλῆς καὶ εἰς εὐτέλειαν ἀπηκριβωμένης τῆς τῶν ἀναγκαίων χρήσεως; Οὐδ´ αὐτὰ δὴ ταῦτα προσηκάμην ἄν, εἰ μὴ ἕνεκα τελευταίας βοηθείας, ἣν ὀνειροπολεῖ μου ἡ διάνοια τῷ ταλαιπώρῳ πώρῳ ἔθνει παρασχεῖν. » [275] Καὶ ὁ μὲν δεδακρυμένος καὶ ἀναγκοφαγῶν δίχα προσοψήματος οὐδὲ κράματος προσενεχθέντος ἠνέσχετο, ἀλλ´ ὕδατος ἀπογευσάμενος « Ἐπέχει μὲν » εἶπεν « ἡ τάλαινα γαστὴρ ὃ ἀπῄτει δάνειον· ἐμοὶ δὲ τί προσήκει ποιεῖν ἢ δεῖσθαι Γαΐου περὶ τῶν ἐνεστώτων; »

[276] Καὶ δέλτον λαβὼν ταῦτα ἐπιστέλλει·

« Τὴν μὲν κατ´ ὄψιν ἔντευξιν, ὦ δέσποτα, φόβος με καὶ αἰδὼς ἀφείλαντο, ὁ μὲν ἀπειλὴν ἐκτρεπόμενος, ἡ δὲ τῷ μεγέθει τοῦ περὶ σὲ ἀξιώματος καταπλήττουσα· [277] γραφὴ δὲ μηνύσει μου τὴν δέησιν, ἣν ἀνθ´ ἱκετηρίας προτείνω.

Πᾶσιν ἀνθρώποις, αὐτοκράτορ, ἐμπέφυκεν ἔρως μὲν τῆς πατρίδος, τῶν δὲ οἰκείων νόμων ἀποδοχή· καὶ περὶ τούτων οὐδεμιᾶς ἐστί σοι χρεία διδασκαλίας, ἐκθύμως μὲν στέργοντι τὴν πατρίδα, ἐκθύμως δὲ τὰ πάτρια τιμῶντι. Καλὰ δὲ ἑκάστοις, εἰ καὶ μὴ πρὸς ἀλήθειάν ἐστι, διαφαίνεται τὰ οἰκεῖα· κρίνουσι γὰρ αὐτὰ οὐ λογισμῷ μᾶλλον ἢ τῷ τῆς εὐνοίας πάθει.

[278] Γεγέννημαι μέν, ὡς οἶδας, Ἰουδαῖος· ἔστι δέ μοι Ἱεροσόλυμα πατρίς, ἐν ᾗ ὁ τοῦ ὑψίστου θεοῦ νεὼς ἅγιος ἵδρυται· πάππων δὲ καὶ προγόνων βασιλέων ἔλαχον, ὧν οἱ πλείους ἐλέγοντο ἀρχιερεῖς, τὴν βασιλείαν τῆς ἱερωσύνης ἐν δευτέρᾳ τάξει τιθέμενοι καὶ νομίζοντες, ὅσῳ θεὸς ἀνθρώπων διαφέρει κατὰ τὸ κρεῖττον, τοσούτῳ καὶ βασιλείας ἀρχιερωσύνην· τὴν μὲν γὰρ εἶναι θεοῦ θεραπείαν, τὴν δὲ ἐπιμέλειαν ἀνθρώπων. [279] Ἔθνει δὴ τοιούτῳ προσκεκληρωμένος καὶ πατρίδι καὶ ἱερῷ δέομαι ὑπὲρ ἁπάντων.

Τοῦ μὲν ἔθνους, ἵνα μὴ τὴν ἐναντίαν δόξαν ἐνέγκηται τῆς ἀληθείας, εὐσεβέστατα καὶ ὁσιώτατα διακείμενον ἐξ ἀρχῆς πρὸς ἅπαντα τὸν ὑμέτερον οἶκον· [280] ἐν οἷς γὰρ ἐφεῖται καὶ ἔξεστι μετὰ νόμων εὐσεβεῖν, οὐδενὸς οὔτε τῶν Ἀσιανῶν οὔτε τῶν ἐν Εὐρώπῃ λείπεται τὸ παράπαν, εὐχαῖς, ἀναθημάτων κατασκευαῖς, πλήθει θυσιῶν, οὐ μόνον ἐν ταῖς κατὰ τὰς δημοτελεῖς ἑορτὰς ἀναγομέναις, ἀλλὰ καὶ ἐν ταῖς καθ´ ἑκάστην ἡμέραν ἐντελεχέσιν· ἐξ ὧν οὐ στόματι καὶ γλώσσῃ μηνύουσι τὸ εὐσεβὲς μᾶλλον ἢ ψυχῆς ἀφανοῦς βουλεύμασιν οἱ μὴ λέγοντες, ὅτι φιλοκαίσαρές εἰσιν, ἀλλ´ ὄντες ὄντως.

[281] Περὶ δὲ τῆς ἱεροπόλεως τὰ προσήκοντά μοι λεκτέον· αὕτη, καθάπερ ἔφην, ἐμὴ μέν ἐστι πατρίς, μητρόπολις δὲ οὐ μιᾶς χώρας Ἰουδαίας ἀλλὰ καὶ τῶν πλείστων, διὰ τὰς ἀποικίας ἃς ἐξέπεμψεν ἐπὶ καιρῶν εἰς μὲν τὰς ὁμόρους, Αἴγυπτον, Φοινίκην, Συρίαν τήν τε ἄλλην καὶ τὴν Κοίλην προσαγορευομένην, εἰς δὲ τὰς πόρρω διῳκισμένας, Παμφυλίαν, Κιλικίαν, τὰ πολλὰ τῆς Ἀσίας ἄχρι Βιθυνίας καὶ τῶν τοῦ Πόντου μυχῶν, τὸν αὐτὸν τρόπον καὶ εἰς Εὐρώπην, Θετταλίαν, Βοιωτίαν, Μακεδονίαν, Αἰτωλίαν, τὴν Ἀττικήν, Ἄργος, Κόρινθον, τὰ πλεῖστα καὶ ἄριστα Πελοποννήσου, [282] καὶ οὐ μόνον αἱ ἤπειροι μεσταὶ τῶν Ἰουδαϊκῶν ἀποικιῶν εἰσιν, ἀλλὰ καὶ νήσων αἱ δοκιμώταται, Εὔβοια, Κύπρος, Κρήτη. Καὶ σιωπῶ τὰς πέραν Εὐφράτου· πᾶσαι γὰρ ἔξω μέρους βραχέος, Βαβυλὼν καὶ τῶν ἄλλων σατραπειῶν αἱ ἀρετῶσαν ἔχουσαι τὴν ἐκ κύκλῳ γῆν Ἰουδαίους ἔχουσιν οἰκήτορας. [283] Ὥστ´ ἐὰν μεταλάβῃ σου τῆς εὐμενείας ἡ ἐμὴ πατρίς, οὐ μία πόλις ἀλλὰ καὶ μυρίαι τῶν ἄλλων εὐεργετοῦνται καθ´ ἕκαστον κλίμα τῆς οἰκουμένης ἱδρυθεῖσαι, τὸ Εὐρωπαῖον, τὸ Ἀσιανόν, τὸ Λιβυκόν, τὸ ἐν ἠπείροις, τὸ ἐν νήσοις, πάραλόν τε καὶ μεσόγειον. [284] Ἁρμόττει δέ σου τῷ μεγέθει τῆς τοσαύτης τύχης διὰ τῶν εἰς μίαν πόλιν εὐεργεσιῶν μυρίας ἄλλας συνευεργετεῖν, ὅπως διὰ πάντων τῶν τῆς οἰκουμένης μερῶν ᾄδηταί σου τὸ κλέος καὶ οἱ μετ´ εὐχαριστίας ἔπαινοι συνηχῶνται.

[285] Φίλων ἐνίων πατρίδας ὅλας τῆς Ῥωμαϊκῆς ἠξίωσας πολιτείας, καὶ γεγόνασιν οἱ πρὸ μικροῦ δοῦλοι δεσπόται ἑτέρων· καὶ τῶν ἀπολελαυκότων τῆς χάριτος μᾶλλον ἢ οὐχ ἧττον οἱ δι´ οὓς γέγονεν ἥδονται. [286] Κἀγώ τίς εἰμι τῶν εἰδότων μὲν ὅτι δεσπότην ἔχω καὶ κύριον, κεκριμένων δὲ ἐν τῇ τάξει τῶν ἑταίρων, ἀξιώματος μὲν ἕνεκα οὐ πολλῶν ὕστερος, εὐνοίας δὲ οὐδενὸς δεύτερος, ἵνα μὴ λέγω πρῶτος. [287] Διά τε οὖν τὸ πεφυκέναι καὶ διὰ τὸ πλῆθος τῶν εὐεργεσιῶν, αἷς με κατεπλούτισας, θαρρήσας ἂν ἴσως αἰτήσασθαι τῇ πατρίδι καὶ αὐτός, εἰ καὶ μὴ τὴν Ῥωμαϊκὴν πολιτείαν, ἐλευθερίαν γοῦν ἢ φόρων ἄφεσιν, οὐδὲν ἀπετόλμησα τοιοῦτον αἰτήσασθαι, τὸ δὲ φορητότατον, χάριν σοὶ μὲν ἀζήμιον δοῦναι, τῇ δὲ πατρίδι λαβεῖν ὠφελιμωτάτην· τί γὰρ ἂν γένοιτο εὐμενείας ἡγεμόνος ὑπηκόοις ἄμεινον ἀγαθόν;

[288] Ἐν Ἱεροσολύμοις πρῶτον, αὐτοκράτορ, ἠγγέλη σου ἡ εὐκταία διαδοχή, καὶ ἀπὸ τῆς ἱεροπόλεως ἐπὶ τὰς παρ´ ἑκάτερα ἠπείρους ἐχώρησεν ἡ φήμη· προνομίας καὶ διὰ τοῦτο τυγχάνειν ἐστὶν ἀξία παρὰ σοί. [289] Καθάπερ γὰρ ἐν ταῖς συγγενείαις οἱ πρεσβύτατοι παῖδες τυγχάνουσι πρεσβείων, ὅτι πρῶτοι τὸ πατρὸς καὶ τὸ μητρὸς ὄνομα τοῖς γονεῦσιν ἐφήμισαν, τὸν αὐτὸν τρόπον, ἐπειδὴ τῶν ἀνατολικῶν πρώτη πόλις αὕτη σε προσεῖπεν αὐτοκράτορα, δικαία τυγχάνειν πλειόνων ἐστὶν ἀγαθῶν, εἰ δὲ μή, τῶν γοῦν ἴσων.

[290] Τοσαῦτα δικαιολογηθεὶς καὶ δεηθεὶς ἅμα περὶ τῆς πατρίδος εἶμι τὸ τελευταῖον ἐπὶ τὴν περὶ τοῦ ἱεροῦ δέησιν. Τοῦτο, Γάιε δέσποτα, τὸ ἱερὸν χειρόκμητον οὐδεμίαν ἐξ ἀρχῆς μορφὴν παρεδέξατο διὰ τὸ ἕδος τοῦ ἀληθοῦς εἶναι θεοῦ· γραφέων μὲν γὰρ καὶ πλαστῶν ἔργα μιμήματα τῶν αἰσθητῶν θεῶν εἰσιν· τὸν δὲ ἀόρατον εἰκονογραφεῖν ἢ διαπλάττειν οὐχ ὅσιον ἐνομίσθη τοῖς ἡμετέροις προγόνοις.

[291] Ἀγρίππας ἐτίμησε τὸ ἱερὸν ἐλθών, ὁ πάππος σου, καὶ ὁ Σεβαστὸς διὰ τοῦ κελεῦσαι τὰς πανταχόθεν ἀπαρχὰς ἐπιστολαῖς πέμπειν ἐκεῖσε καὶ διὰ τῆς ἐντελεχοῦς θυσίας· [292] καὶ ἡ προμάμμη σου - - - ὅθεν οὐδείς, οὐχ Ἕλλην, οὐ βάρβαρος, οὐ σατράπης, οὐ βασιλεύς, οὐκ ἐχθρὸς ἄσπονδος, οὐ στάσις, οὐ πόλεμος, οὐχ ἅλωσις, οὐ πόρθησις, οὐκ ἄλλο τι τῶν ὄντων οὐδὲν ἐνεωτέρισέ ποτε οὕτως εἰς τὸν νεών, ὡς ἄγαλμα ἢ ξόανον ἤ τι τῶν χειροκμήτων ἱδρύσασθαι. [293] Καὶ γὰρ εἰ τοῖς οἰκήτορσι τῆς χώρας ἀπήχθοντο δυσμενεῖς ὄντες, ἀλλ´ αἰδώς γέ τις ἢ φόβος εἰσῄει παραλῦσαί τι τῶν ἐξ ἀρχῆς νενομισμένων ἐπὶ τιμῇ τοῦ ποιητοῦ τῶν ὅλων καὶ πατρός· ᾔδεσαν γὰρ ἐκ τούτων καὶ τῶν ὁμοιοτρόπων τὰς τῶν θεηλάτων κακῶν φυομένας ἀνηκέστους συμφοράς. Ἧς χάριν αἰτίας ἀσεβὲς σπέρμα σπείρειν εὐλαβοῦντο δεδιότες, μὴ θερίζειν ἀναγκασθῶσι τοὺς ἐπ´ ὀλέθρῳ παντελεῖ καρπούς.

[294] Ἀλλὰ τί μοι ξένους καλεῖν μάρτυρας ἔχοντι πολλοὺς τῶν οἰκειοτάτων σοι παραστῆσαι; Μάρκος Ἀγρίππας εὐθέως, ὁ πρὸς μητρός σου πάππος, ἐν Ἰουδαίᾳ γενόμενος, ἡνίκα Ἡρῴδης ὁ ἐμὸς πάππος ἐβασίλευε τῆς χώρας, ἀναβῆναι μὲν ἀπὸ θαλάττης εἰς τὴν μητρόπολιν ἐν μεσογείῳ κειμένην ἠξίωσε. [295] Θεασάμενος δὲ τὸ ἱερὸν καὶ τὸν τῶν ἱερέων κόσμον καὶ τὴν τῶν ἐγχωρίων ἁγιστείαν, ἠγάσθη χρῆμα νομίσας ὑπέρσεμνόν τι καὶ παντὸς λόγου μεῖζον ἑωρακέναι, καὶ διήγημα οὐδὲν ἦν ἕτερον αὐτῷ πρὸς τοὺς συνόντας τότε τῶν ἑταίρων ἢ ὁ τοῦ νεὼ καὶ τῶν κατ´ αὐτὸν ἁπάντων ἔπαινος. [296] Ὅσας γοῦν ἡμέρας διέτριψεν ἐν τῇ πόλει κατὰ χάριν τὴν πρὸς Ἡρῴδην, ἐφοίτησεν εἰς τὸ τέμενος τερπόμενος τῇ θέᾳ καὶ τῆς κατασκευῆς καὶ τῶν θυσιῶν καὶ τῆς περὶ τὰ ἱερουργούμενα λειτουργίας καὶ τάξεως καὶ τῆς περὶ τὸν ἀρχιερέα σεμνότητος, ὁπότε ἀσκηθείη τῇ ἱερᾷ στολῇ καὶ κατάρχοι τῶν ἱερῶν. [297] Ἀναθήμασι δὲ κοσμήσας ὅσοις ἐξῆν τὸ ἱερὸν καὶ τοὺς οἰκήτορας εὐεργετήσας ὅσα μὴ βλάψει χαριζόμενος, Ἡρῴδην εὐφημήσας πολλὰ καὶ εὐφημηθεὶς μυρία, παρεπέμφθη μέχρι λιμένων, οὐχ ὑπὸ μιᾶς πόλεως, ἀλλ´ ὑπὸ τῆς χώρας ἁπάσης, φυλλοβολούμενός τε καὶ θαυμαζόμενος ἐπ´ εὐσεβείᾳ.

[298] Τί δὲ ὁ ἕτερός σου πάππος Τιβέριος Καῖσαρ; Οὐχὶ ταὐτὰ φαίνεται προῃρημένος; Ἐν γοῦν τρισὶ καὶ εἴκοσιν ἔτεσιν οἷς αὐτοκράτωρ ἐγένετο τὴν κατὰ τὸ ἱερὸν ἐκ μηκίστων χρόνων παραδεδομένην θρησκείαν ἐτήρησεν, οὐδὲν αὐτῆς παραλύσας ἢ παρακινήσας μέρος. [299] Ἔχω δέ τι καὶ φιλοτίμημα αὐτοῦ προσδιηγήσασθαι, καίτοι μυρίων ἀπολελαυκὼς ὅτε ἔζη κακῶν· ἀλλὰ τἀληθὲς φίλον καὶ σοὶ τίμιον.

Πιλᾶτος ἦν τῶν ὑπάρχων ἐπίτροπος ἀποδεδειγμένος τῆς Ἰουδαίας· οὗτος οὐκ ἐπὶ τιμῇ Τιβερίου μᾶλλον ἢ ἕνεκα τοῦ λυπῆσαι τὸ πλῆθος ἀνατίθησιν ἐν τοῖς κατὰ τὴν ἱερόπολιν Ἡρῴδου βασιλείοις ἐπιχρύσους ἀσπίδας μήτε μορφὴν ἐχούσας μήτε ἄλλο τι τῶν ἀπηγορευμένων, ἔξω τινὸς ἐπιγραφῆς ἀναγκαίας, ἣ δύο ταῦτα ἐμήνυε, τόν τε ἀναθέντα καὶ ὑπὲρ οὗ ἡ ἀνάθεσις. [300] Ἐπεὶ δὲ ᾔσθοντο οἱ πολλοί - καὶ περιβόητον ἦν ἤδη τὸ πρᾶγμα - , προστησάμενοι τούς τε βασιλέως υἱεῖς τέτταρας οὐκ ἀποδέοντας τό τε ἀξίωμα καὶ τὰς τύχας βασιλέων καὶ τοὺς ἄλλους ἀπογόνους καὶ τῶν παρ´ αὐτοῖς τοὺς ἐν τέλει παρεκάλουν τὸ νεωτερισθὲν περὶ τὰς ἀσπίδας εἰς ἐπανόρθωσιν ἀγαγεῖν καὶ μὴ κινεῖν ἔθη πάτρια τὸν πρὸ τοῦ πάντα αἰῶνα διαφυλαχθέντα καὶ πρὸς βασιλέων καὶ πρὸς αὐτοκρατόρων ἀκίνητα. [301] Στερρῶς δὲ ἀντιλέγοντος - ἦν γὰρ τὴν φύσιν ἀκαμπὴς καὶ μετὰ τοῦ αὐθάδους ἀμείλικτος -.

Ἀνεβόησαν· « Μὴ στασίαζε, μὴ πολεμοποίει, μὴ κατάλυε τὴν εἰρήνην· οὐκ ἔστιν ἀτιμία νόμων ἀρχαίων αὐτοκράτορος τιμή. Μὴ πρόφασις τῆς εἰς τὸ ἔθνος ἐπηρείας ἔστω σοι Τιβέριος.

Οὐδὲν ἐθέλει τῶν ἡμετέρων καταλύεσθαι. Εἰ δὲ φῄς, αὐτὸς ἐπίδειξον ἢ διάταγμα ἢ ἐπιστολὴν ἤ τι ὁμοιότροπον, ἵνα παυσάμενοι τοῦ σοὶ διενοχλεῖν πρέσβεις ἑλόμενοι δεώμεθα τοῦ δεσπότου. »

[302] Τὸ τελευταῖον τοῦτο μάλιστα αὐτὸν ἐξετράχυνε καταδείσαντα, μὴ τῷ ὄντι πρεσβευσάμενοι καὶ τῆς ἄλλης αὐτὸν ἐπιτροπῆς ἐξελέγξωσι τὰς δωροδοκίας, τὰς ὕβρεις, τὰς ἁρπαγάς, τὰς αἰκίας, τὰς ἐπηρείας, τοὺς ἀκρίτους καὶ ἐπαλλήλους φόνους, τὴν ἀνήνυτον καὶ ἀργαλεωτάτην ὠμότητα διεξελθόντες. [303] Οἷα οὖν ἐγκότως ἔχων καὶ βαρύμηνις ὢν ἄνθρωπος ἐν ἀμηχάνοις ἦν, μήτε καθελεῖν τὰ ἅπαξ ἀνατεθέντα θαρρῶν μήτε βουλόμενός τι τῶν πρὸς ἡδονὴν τοῖς ὑπηκόοις ἐργάσασθαι, ἅμα δὲ καὶ τὴν ἐν τούτοις σταθερότητα Τιβερίου μὴ ἀγνοῶν.

Ἅπερ ὁρῶντες οἱ ἐν τέλει καὶ συνιέντες, ὅτι μετανοεῖ μὲν ἐπὶ τοῖς πεπραγμένοις, δοκεῖν δὲ οὐ βούλεται, γράφουσι Τιβερίῳ δεητικωτάτας ἐπιστολάς. [304] Ὁ δὲ διαναγνοὺς οἷα μὲν εἶπε Πιλᾶτον, οἷα δὲ ἠπείλησεν· ὡς δὲ ὠργίσθη, καίτοι οὐκ εὔληπτος ὢν ὀργῇ, περιττόν ἐστι διηγεῖσθαι, τοῦ πράγματος ἐξ αὑτοῦ φωνὴν ἀφιέντος. [305] Εὐθέως γὰρ οὐδὲ εἰς τὴν ὑστεραίαν ὑπερθέμενος ἐπιστέλλει, μυρία μὲν τοῦ καινουργηθέντος τολμήματος ὀνειδίζων καὶ ἐπιπλήττων, κελεύων δὲ αὐτίκα καθελεῖν τὰς ἀσπίδας καὶ μετακομισθῆναι ἐκ τῆς μητροπόλεως εἰς τὴν ἐπὶ θαλάττῃ Καισάρειαν, ἐπώνυμον τοῦ προπάππου Σεβαστήν, ἵνα ἀνατεθεῖεν ἐν τῷ Σεβαστείῳ· καὶ ἀνετέθησαν. Οὕτως ἀμφότερα ἐφυλάχθη, καὶ ἡ τιμὴ τοῦ αὐτοκράτορος, καὶ ἡ περὶ τὴν πόλιν ἀρχαία συνήθεια.

[306] Τότε μὲν οὖν ἀσπίδες ἦσαν, αἷς οὐδὲν ἀνεζωγράφητο μίμημα· νυνὶ δὲ κολοσσιαῖος ἀνδριάς. Καὶ τότε μὲν ἡ ἀνάθεσις ἐν οἰκίᾳ τῶν ἐπιτρόπων ἦν· τὴν δὲ μέλλουσάν φασιν ἐσωτάτω τοῦ ἱεροῦ κατ´ αὐτὰ τὰ ἄδυτα γίνεσθαι, εἰς ἃ ἅπαξ τοῦ ἐνιαυτοῦ ὁ μέγας ἱερεὺς εἰσέρχεται τῇ νηστείᾳ λεγομένῃ μόνον ἐπιθυμιάσων καὶ κατὰ τὰ πάτρια εὐξόμενος φορὰν ἀγαθῶν εὐετηρίαν τε καὶ εἰρήνην ἅπασιν ἀνθρώποις. [307] Κἂν ἄρα τίς που, οὐ λέγω τῶν ἄλλων Ἰουδαίων, ἀλλὰ καὶ τῶν ἱερέων, οὐχὶ τῶν ὑστάτων, ἀλλὰ τῶν τὴν εὐθὺς μετὰ τὸν πρῶτον τάξιν εἰληχότων, ἢ καθ´ αὑτὸν ἢ καὶ μετ´ ἐκείνου συνεισέλθῃ, μᾶλλον δὲ κἂν αὐτὸς ὁ ἀρχιερεὺς δυσὶν ἡμέραις τοῦ ἔτους ἢ καὶ τῇ αὐτῇ τρὶς ἢ καὶ τετράκις εἰσφοιτήσῃ, θάνατον ἀπαραίτητον ὑπομένει. [308] Τοσαύτη τίς ἐστιν ἡ περὶ τὰ ἄδυτα φυλακὴ τοῦ νομοθέτου μόνα ἐκ πάντων ἄβατα καὶ ἄψαυστα βουληθέντος αὐτὰ διατηρεῖσθαι.

Πόσους ἂν οὖν οἴει θανάτους ἑκουσίως ὑπομένειν τοὺς περὶ ταῦτα ὡσιωμένους, εἰ θεάσαιντο τὸν ἀνδριάντα εἰσκομιζόμενον; Ἐμοὶ μὲν δοκοῦσι γενεὰς ὅλας αὐταῖς γυναιξὶ καὶ τέκνοις ἀποσφάξαντες ἐπὶ τοῖς τῶν οἰκείων πτώμασιν ἑαυτοὺς τελευταῖον καθιερεύσειν.

[309] Ταῦτα μὲν Τιβέριος ἔγνω. Τί δὲ ὁ σὸς πρόπαππος, ὁ τῶν πώποτε γενομένων αὐτοκρατόρων ἄριστος, ὁ πρῶτος ἀρετῆς ἕνεκα καὶ τύχης Σεβαστὸς ὀνομασθείς, ὁ τὴν εἰρήνην διαχέας πάντῃ διὰ γῆς καὶ θαλάττης ἄχρι τῶν τοῦ κόσμου περάτων; [310] Οὐκ ἀκοῇ πυνθανόμενος τὰ περὶ τὸ ἱερὸν καὶ ὅτι οὐδέν ἐστιν ἀφίδρυμα ἐν αὐτῷ χειρόκμητον, ὁρατὸν ἀοράτου μίμημα φύσεως, ἐθαύμαζε καὶ προσεκύνει, φιλοσοφίας οὐκ ἄκροις χείλεσι γευσάμενος ἀλλ´ ἐπὶ πλέον ἑστιαθεὶς καὶ σχεδόν τι καθ´ ἑκάστην ἡμέραν ἑστιώμενος, τὰ μὲν μνήμαις ὧν ἡ διάνοια προμαθοῦσα τὰ φιλοσοφίας ἀνεπόλει, τὰ δὲ καὶ ταῖς τῶν συνόντων ἀεὶ λογίων συνδιαιτήσεσι; Κατὰ γὰρ τὰς ἐν δείπνῳ συνουσίας ὁ πλεῖστος χρόνος ἀπενέμετο τοῖς ἀπὸ παιδείας, ἵνα μὴ τὸ σῶμα μόνον ἀλλὰ καὶ ἡ ψυχὴ τοῖς οἰκείοις ἀνατρέφοιτο. [311] Τεκμηρίοις δὲ ἀφθόνοις πιστώσασθαι δυνάμενος τὸ βούλημα τοῦ Σεβαστοῦ προπάππου σου δυσὶν ἀρκεσθήσομαι.

Τὸ μὲν γὰρ πρῶτον ἐπέστειλε τοῖς ἐπιτρόποις τῶν κατὰ τὴν Ἀσίαν ἐπικρατειῶν, πυθόμενος ὀλιγωρεῖσθαι τὰς ἱερὰς ἀπαρχάς, ἵνα ἐπιτρέπωσι τοῖς Ἰουδαίοις μόνοις εἰς τὰ συναγώγια συνέρχεσθαι· [312] μὴ γὰρ εἶναι ταῦτα συνόδους ἐκ μέθης καὶ παροινίας ἐπισυστάσας, ὡς λυμαίνεσθαι τὰ τῆς εἰρήνης, ἀλλὰ διδασκαλεῖα σωφροσύνης καὶ δικαιοσύνης ἀνδρῶν ἐπιτηδευόντων μὲν ἀρετήν, ἀπαρχὰς δὲ ἐτησίους συμφερόντων, ἐξ ὧν ἀνάγουσι θυσίας στέλλοντες ἱεροπομποὺς εἰς τὸ ἐν Ἱεροσολύμοις ἱερόν. [313] Εἶτα κελεύει μηδένα ἐμποδὼν ἵστασθαι τοῖς Ἰουδαίοις μήτε συνιοῦσι μήτε συνεισφέρουσι μήτε διαπεμπομένοις κατὰ τὰ πάτρια εἰς Ἱεροσόλυμα· ταῦτα γὰρ εἰ καὶ μὴ τοῖς ῥήμασι, τοῖς γοῦν πράγμασιν ἐπέσταλται.

[314] Μίαν δὲ ἐπιστολὴν ὑποτέταχα πρὸς τὴν σὴν τοῦ δεσπότου πειθώ, ἣν Γάιος Νορβανὸς Φλάκκος ἐπιστέλλει δηλῶν τὰ ὑπὸ Καίσαρος αὐτῷ γραφέντα. [315] Ἔστι δὲ τῆς ἐπιστολῆς τὸ ἀντίγραφον τόδε·

‘Γάιος Νορβανὸς Φλάκκος ἀνθύπατος Ἐφεσίων ἄρχουσι χαίρειν. Καῖσάρ μοι ἔγραψεν, Ἰουδαίους, οὗ ἂν ὦσιν, ἰδίῳ ἀρχαίῳ ἐθισμῷ νομίζειν συναγομένους χρήματα φέρειν, ἃ πέμπουσιν εἰς Ἱεροσόλυμα· τούτους οὐκ ἠθέλησε κωλύεσθαι τοῦτο ποιεῖν. Ἔγραψα οὖν ὑμῖν, ἵν´ εἰδῆτε, ὡς ταῦτα οὕτως γίνεσθαι κελεύει.’

[316] ῀Αρ´ οὐκ ἐναργὴς πίστις ἐστίν, αὐτοκράτορ, τῆς Καίσαρος προαιρέσεως, ᾗ περὶ τὴν τοῦ ἡμετέρου ἱεροῦ τιμὴν ἐκέχρητο, μὴ βουληθεὶς τῷ κοινῷ τύπῳ τῶν συνόδων ἀναιρεθῆναι τὰς τῶν Ἰουδαίων εἰς ταὐτὸ συμφοιτήσεις, ἃς ἀπαρχῶν ἕνεκα ποιοῦνται καὶ τῆς ἄλλης εὐσεβείας;

[317] Ἕτερον δέ ἐστιν οὐκ ἀποδέον τούτου δεῖγμα σαφέστατον τῆς βουλήσεως τοῦ Σεβαστοῦ· διετάξατο γὰρ ἐκ τῶν ἰδίων προσόδων ἀνάγεσθαι θυσίας ἐντελεχεῖς ὁλοκαύτους τῷ ὑψίστῳ θεῷ καθ´ ἑκάστην ἡμέραν, αἳ καὶ μέχρι νῦν ἐπιτελοῦνται· ἄρνες εἰσὶ δύο καὶ ταῦρος τὰ ἱερεῖα, οἷς Καῖσαρ ἐφαίδρυνε τὸν βωμὸν ἐπιστάμενος σαφῶς, ὅτι οὐδέν ἐστιν ἀφίδρυμα οὔτε φανερὸν οὔτε ἀφανές· [318] ἀλλὰ γὰρ ὁ τοσοῦτος ἡγεμὼν καὶ φιλόσοφος οὐδενὸς δεύτερος ἐλογίσατο παρ´ ἑαυτῷ, ὅτι ἀναγκαῖόν ἐστιν ἐν τοῖς περιγείοις ἐξαίρετον ἀπονενεμῆσθαι τόπον ἱερὸν τῷ ἀοράτῳ θεῷ μηδὲν ὁρατὸν ἀπεικόνισμα περιέξοντα πρὸς μετουσίαν ἐλπίδων χρηστῶν καὶ ἀπόλαυσιν ἀγαθῶν τελείων.

[319] Ὑφηγητῇ τοιούτῳ τῆς εὐσεβείας χρησαμένη καὶ ἡ προμάμμη σου Ἰουλία Σεβαστὴ κατεκόσμησε τὸν νεὼν χρυσαῖς φιάλαις καὶ σπονδείοις καὶ ἄλλων ἀναθημάτων πολυτελεστάτων πλήθει· τί παθοῦσα καὶ αὕτη, μηδενὸς ἔνδον ὄντος ἀφιδρύματος; Ἀσθενέστεραι γάρ πώς εἰσιν αἱ γνῶμαι τῶν γυναικῶν ἔξω τῶν αἰσθητῶν μηδὲν ἰσχύουσαι νοητὸν καταλαβεῖν. [320] Ἡ δέ γε καθάπερ ἐν τοῖς ἄλλοις ὅλον τὸ γένος κἀν τούτῳ διήνεγκεν, ὑπὸ παιδείας ἀκράτου φύσει καὶ μελέτῃ περιγεγενημένη, ἀρρενωθεῖσα τὸν λογισμόν, ὃς οὕτως ὀξυδερκὴς ἐγεγένητο, ὡς μᾶλλον τὰ νοητὰ καταλαμβάνειν τῶν αἰσθητῶν καὶ ταῦτα νομίζειν ἐκείνων εἶναι σκιάς.

[321] Ἔχων οὖν, δέσποτα, τῆς ἡμερωτέρας προαιρέσεως τοιαῦτα παραδείγματα, πάντα οἰκειότατα καὶ συγγενέστατα ἀφ´ ὧν ἐσπάρης καὶ ἀνέβλαστες καὶ τοσοῦτον ηὐξήθης, διατήρησον ἃ κἀκείνων ἕκαστος. [322] Παρακλητεύουσι τοῖς νόμοις αὐτοκράτορες πρὸς αὐτοκράτορα, Σεβαστοὶ πρὸς Σεβαστόν, πάπποι καὶ πρόγονοι πρὸς ἔκγονον, πλείους πρὸς ἕνα, μονονουχὶ φάσκοντες· ἐν ταῖς ἡμετέραις βουλήσεσιν ἃ μέχρι καὶ τήμερον ἐφυλάχθη νόμιμα μὴ καθέλῃς· καὶ γὰρ εἰ μηδὲν ἐκ τῆς καταλύσεως αὐτῶν ἀπαντηθείη παλίμφημον, ἀλλ´ ἥ γε τοῦ μέλλοντος ἀδηλότης καὶ τοῖς θαρραλεωτάτοις, εἰ μὴ καταφρονηταὶ τῶν θείων εἰσίν, οὐ παντελῶς ἐστιν ἄφοβος.

[323] Ἐὰν καταλέγωμαι τὰς εἰς ἐμαυτὸν ἐκ σοῦ γενομένας εὐεργεσίας, ἐπιλείψει με ἡ ἡμέρα, πρὸς τῷ μηδὲ ἁρμόττον εἶναι προηγούμενον ἔργον πάρεργον ἑτέρου ποιεῖσθαι λόγου· κἂν ἡσυχάζω μέντοι, τὰ πράγματα αὐτὰ βοᾷ καὶ φωνὴν ἀφίησιν. [324] Ἔλυσάς με σιδήρῳ δεδεμένον· τίς οὐκ οἶδεν; Ἀλλὰ μὴ χαλεπωτέροις δεσμοῖς, αὐτοκράτορ, ἐπισφίγξῃς· οἱ μὲν γὰρ λυθέντες μέρει περιβέβληντο τοῦ σώματος, οἱ δὲ νῦν προσδοκώμενοι ψυχῆς εἰσιν, ὅλην αὐτὴν δι´ ὅλων μέλλοντες πιέζειν. [325] Τὸν ἐπικρεμάμενον ἀεὶ τοῦ θανάτου φόβον ἀπώσω καὶ τεθνεῶτα τῷ δέει ζωπυρήσας καθάπερ ἐκ παλιγγενεσίας ἀνήγειρας· διατήρησον τὴν χάριν, αὐτοκράτορ, ἵνα μὴ ὁ σὸς Ἀγρίππας ἀποτάξηται τῷ βίῳ· δόξω γὰρ οὐ τοῦ σωθῆναι χάριν ἀφεῖσθαι μᾶλλον ἢ τοῦ βαρυτέρας ἐνδεξάμενος συμφορὰς ἐπισημότερον τελευτῆσαι. [326] Τὸν μέγιστον καὶ εὐτυχέστατον ἐν ἀνθρώποις κλῆρον ἐχαρίσω μοι, βασιλείαν, πάλαι μὲν μιᾶς χώρας, αὖθις δὲ καὶ ἑτέρας μείζονος, τὴν Τραχωνῖτιν λεγομένην καὶ τὴν Γαλιλαίαν συνάψας· μὴ τὰ πρὸς περιουσίαν μοι χαρισάμενος, ὦ δέσποτα, τὰ ἀναγκαῖα ἀφέλῃς μηδὲ εἰς φῶς ἀναγαγὼν τηλαυγέστατον ἐξ ὑπαρχῆς εἰς βαθύτατον σκότος ῥίψῃς.

[327] Ἐξίσταμαι τῶν λαμπρῶν ἐκείνων, τὴν πρὸ μικροῦ τύχην οὐ παραιτοῦμαι, πάντα ὑπαλλάττομαι ἑνός, τοῦ μὴ κινηθῆναι τὰ πάτρια.

Τίς γὰρ ἄν μου γένοιτο λόγος ἢ παρὰ τοῖς ὁμοφύλοις ἢ παρὰ τοῖς ἄλλοις ἅπασιν ἀνθρώποις; Ἀνάγκη γὰρ δυοῖν θάτερον ἢ προδότην τῶν ἰδίων ἢ σοὶ μηκέτι ὁμοίως φίλον νομισθῆναι· [328] ὧν τί ἂν εἴη μεῖζον κακόν;

Εἰ μὲν γὰρ ἐν τῇ τάξει τῶν ἑταίρων ἔτι καταριθμοῦμαι, προδοσίας ἐξοίσομαι δόξαν, ἐὰν μήτε ἡ πατρὶς ἀπαθὴς παντὸς κακοῦ διαφυλαχθῇ μήτε τὸ ἱερὸν ἄψαυστον· τὰ γὰρ τῶν ἑταίρων καὶ προσπεφευγότων ταῖς αὐτοκρατορικαῖς ἐπιφανείαις ὑμεῖς οἱ μεγάλοι διασῴζετε.

[329] Εἰ δὲ ὑποικουρεῖ τί σου τὴν διάνοιαν ἔχθος, μὴ δήσῃς ὡς Τιβέριος, ἀλλὰ καὶ τὴν τοῦ δεθῆναί ποτε αὖθις ἐλπίδα συνανελὼν κέλευσον ἐκποδὼν αὐτίκα γενέσθαι· τί γὰρ ἐμοὶ ζῆν καλόν, ᾧ μία σωτηρίας ἐλπὶς ἦν τὸ σὸν εὐμενές; »

[330] Ταῦτα γράψας καὶ σφραγισάμενος πέμπει Γαΐῳ καὶ συγκλεισάμενος οἴκοι κατέμενεν, ἀγωνιῶν καὶ συγκεχυμένος καὶ πῶς ἐντύχοι μάλιστα φροντίζων· οὐ γὰρ βραχὺς ἐπέρριπτο κίνδυνος, ἀλλ´ ὁ περὶ ἀναστάσεως καὶ ἀνδραποδισμοῦ καὶ παντελοῦς πορθήσεως, οὐ μόνον τοῖς τὴν ἱερὰν χώραν κατοικοῦσιν ἀλλὰ καὶ τοῖς πανταχοῦ τῆς οἰκουμένης Ἰουδαίοις.

[331] Λαβὼν δὲ καὶ διαναγινώσκων ἐφ´ ἑκάστῳ τῶν νοημάτων ἅμα μὲν ᾤδει, μὴ κατορθουμένου τοῦ βουλήματος, ἅμα δὲ καὶ ἐπεκλᾶτο ταῖς δικαιολογίαις ὁμοῦ καὶ δεήσεσι, καὶ τὸν Ἀγρίππαν τῇ μὲν ἐπῄνει, τῇ δὲ ἐμέμφετο· [332] ᾐτιᾶτο μὲν τῆς εἰς τοὺς ὁμοφύλους ἄγαν ἀρεσκείας μόνους ἀνθρώπων ἀφηνιάζοντας καὶ ἐκτρεπομένους αὐτοῦ τὴν ἐκθέωσιν, ἐπῄνει δὲ τὸ μηδὲν ἐν ἑαυτῷ συσκιάζειν καὶ ἐπικρύπτειν, ἅπερ ἔλεγεν εἶναι δείγματα ἐλευθεριωτάτων καὶ εὐγενεστάτων ἠθῶν.

[333] Ἡμερωθεὶς οὖν ὅσα τῷ δοκεῖν ἀποκρίσεων χρηστοτέρων Ἀγρίππαν ἠξίωσε, τὸ ἀνωτάτω καὶ μέγιστον δωρούμενος, τὸ μηκέτι γενέσθαι τὴν ἀνάθεσιν· καὶ Ποπλίῳ Πετρωνίῳ, τῷ τῆς Συρίας ἐπιτρόπῳ, κελεύει γραφῆναι μηδὲν ἐπὶ τῷ ἱερῷ τῶν Ἰουδαίων ἔτι νεώτερον κινεῖν. [334] Oμως μέντοι καὶ τὴν χάριν διδοὺς ἔδωκεν οὐκ ἀκέραιον, ἀλλ´ ἀναμίξας αὐτῇ δέος ἀργαλεώτατον· προσγράφει γάρ· « Ἐὰν δέ τινες ἐν ταῖς ὁμόροις ἔξω μιᾶς τῆς μητροπόλεως ἐθέλοντες βωμοὺς ἢ ἱερὰ ἤ τινας εἰκόνας ἢ ἀνδριάντας ὑπὲρ ἐμοῦ καὶ τῶν ἐμῶν ἱδρύεσθαι κωλύωνται, τοὺς εἴργοντας ἢ παραχρῆμα κολάζειν ἢ εἰς αὐτὸν ἀνάγειν. »

335] Tοῦτο δὲ οὐδὲν ἦν ἕτερον ἢ στάσεων καὶ ἐμφυλίων πολέμων ἀρχὴ καὶ τῆς δωρεᾶς, ἣν ἐπ´ εὐθείας ἐδόκει παρασχεῖν, πλάγιός τις ἀναίρεσις· ἔμελλον γὰρ οἱ μὲν κατὰ τὴν πρὸς Ἰουδαίους φιλονεικίαν μᾶλλον ἢ τὸ πρὸς Γάιον εὐσεβὲς καταπλήσειν τὴν χώραν ἅπασαν ἀναθημάτων, οἱ δὲ ἐν ὄψεσι ταῖς αὑτῶν τὴν τῶν πατρίων ὁρῶντες κατάλυσιν, εἰ καὶ πάντων ἦσαν πρᾳοπαθέστατοι, μὴ ἀνέχεσθαι, Γάιος δὲ τοὺς παρακινηθέντας τιμωρίᾳ κρίνων μεγίστῃ ἀνατεθῆναι πάλιν κελεύειν τὸν ἀνδριάντα ἐν τῷ ἱερῷ.

[336] Προνοίᾳ δέ τινι καὶ ἐπιμελείᾳ τοῦ πάντα ἐφορῶντος καὶ σὺν δίκῃ πρυτανεύοντος θεοῦ τῶν ὁμόρων παρεκίνησεν οὐδὲν οὐδὲ εἷς, ὡς μὴ χρείαν τινὰ γενέσθαι, ᾗ πρὸ μετριωτέρας μέμψεως ἀπαραίτητος ἔμελλεν ἀπαντᾶσθαι συμφορά.

[337] Τί δὲ ὄφελος; Εἴποι τις ἄν· οὐδὲ γὰρ ἠρεμούντων ὁ Γάιος ἠρέμει, μετανοῶν ἐπὶ τῇ χάριτι ἤδη καὶ τὴν πρὸ μικροῦ ζωπυρῶν ἐπιθυμίαν· προστάττει γὰρ ἕτερον ἀνδριάντα δημιουργεῖσθαι κολοσσιαῖον χαλκοῦν ἐπίχρυσον ἐν Ῥώμῃ, μηκέτι τὸν ἐν Σιδῶνι κινῶν, ἵνα μὴ τῇ κινήσει διαταράξῃ τὸ πλῆθος, ἀλλ´ ἠρεμοῦντος καὶ τῆς ὑπονοίας ἀπηλλαγμένου κατὰ πολλὴν ἡσυχίαν ἀφανῶς ἐν ταῖς ναυσὶ κομισθέντα λαθὼν τοὺς πολλοὺς ἐξαίφνης ἱδρύσηται. [338] Τοῦτο δὲ πράξειν ἔμελλεν ἐν παράπλῳ κατὰ τὴν εἰς Αἴγυπτον ἀποδημίαν. Ἄλεκτος γάρ τις αὐτὸν ἔρως κατεῖχε τῆς Ἀλεξανδρείας, εἰς ἣν ἐπόθει σπουδῇ πάσῃ παραγενέσθαι καὶ ἀφικόμενος πλεῖστον χρόνον ἐνδιαιτηθῆναι, νομίζων τὴν ἐκθέωσιν, ἣν ὠνειροπόλει, μίαν ταύτην πόλιν καὶ γεγεννηκέναι καὶ συναυξήσειν καὶ ταῖς ἄλλαις παράδειγμα γεγενῆσθαι τοῦ σεβασμοῦ, μεγίστην τε οὖσαν καὶ ἐν καλῷ τῆς οἰκουμένης· τὰ γὰρ τῶν μεγάλων εἴτε ἀνδρῶν εἴτε πόλεων τοὺς καταδεεστέρους ἄνδρας τε καὶ δήμους ζηλοῦν ἐπιχειρεῖν.

[339] Ἦν μέντοι καὶ πρὸς τἄλλα πάντα τὴν φύσιν ἄπιστος, ὡς, εἰ καί τι χρηστὸν ἐργάσαιτο, μετανοεῖν εὐθὺς καὶ τρόπον τινὰ δι´ οὗ καὶ ταυτὶ λυθήσεται ζητεῖν μετὰ μείζονος ἀνίας καὶ βλάβης. [340] Οἷον δή τι λέγω· δεσμώτας ἔλυσεν ἐνίους ἐπ´ οὐδεμιᾷ προφάσει, πάλιν ἔδησε βαρυτέραν τῆς προτέρας ἐπαγαγὼν συμφοράν, τὴν ἐκ δυσελπιστίας.

[341] Πάλιν κατέγνω φυγὴν ἑτέρων θάνατον προσδοκησάντων, οὐκ ἐπειδὴ συνῄδεσαν αὑτοῖς ἄξια θανάτου πεπραχόσιν ἢ συνόλως βραχυτέρας ἡστινοσοῦν τιμωρίας, ἀλλὰ διὰ τὴν ὑπερβάλλουσαν ὠμότητα τοῦ δικαστοῦ μὴ προσδοκῶντες ἀποφεύξεσθαι. Τούτοις ἕρμαιον ἦν ἡ φυγὴ καὶ ἰσότιμος καθόδῳ τὸν περὶ ψυχῆς ἀνωτάτω κίνδυνον ἀποδεδρακέναι νομίζουσιν. [342] Ἀλλ´ οὐ μακρὸς διῆλθε χρόνος, καὶ τῶν στρατευομένων ἐπιπέμψας τινάς, μηδενὸς καινοτέρου προσπεσόντος, τοὺς ἀρίστους καὶ εὐγενεστάτους ἤδη ζῶντας ὡς ἐν πατρίσι ταῖς νήσοις καὶ τὴν ἀτυχίαν εὐτυχέστατα φέροντας ἀθρόους ἀνῄρει, πένθος οἰκτρότατον καὶ ἀπροσδόκητον οἴκοις τῶν ἐν Ῥώμῃ μεγάλων προσβαλών.

[343] Εἰ δέ τισι καὶ δωρεὰν ἔδωκεν ἀργύριον, οὐχ ὡς δάνειον ἀνέπραττε τόκους προσεκλέγων καὶ ἐπιτοκίας, ἀλλ´ ὡς φώριον μετὰ μεγίστης τῶν λαβόντων ζημίας· οὐ γὰρ ἐξήρκει τὰ δοθέντα τοῖς ἀθλίοις ἀποτιννύειν, ἀλλὰ καὶ τὰς οὐσίας ὅλας προσεισέφερον, ἃς ἢ παρὰ γονέων ἢ παρ´ οἰκείων ἢ φίλων ἐκληρονόμουν ἢ ποριστὴν ἑλόμενοι βίον ἐκτήσαντο αὐτοὶ δι´ ἑαυτῶν. [344] Οἱ δ´ εὐπάρυφοι καὶ σφόδρ´ εὐδοκιμεῖν οἰόμενοι τρόπον ἕτερον τὸν σὺν ἡδονῇ μετὰ προσποιήσεως φιλικῆς ἐβλάπτοντο, πάμπολλα μὲν εἰς τὰς ἀκρίτους καὶ ἀτάκτους καὶ ἐξαπιναίους ἀποδημίας ἀναλίσκοντες, πάμπολλα δὲ εἰς τὰς ἑστιάσεις· ὅλας γὰρ οὐσίας ἐξανάλουν εἰς ἑνὸς δείπνου παρασκευήν, ὡς καὶ δανείζεσθαι· τοσαύτη τις ἦν ἡ πολυτέλεια. [345] Τοιγαροῦν ἀπηύχοντό τινες ἤδη τὰς δεδομένας ὑπ´ αὐτοῦ χάριτας, ὑπολαμβάνοντες οὐκ ὠφέλειαν ἀλλὰ δέλεαρ εἶναι καὶ ἐνέδραν ἀφορήτου ζημίας.

[346] Τοσαύτη μὲν οὖν τις ἡ περὶ τὸ ἦθος ἦν ἀνωμαλία πρὸς ἅπαντας, διαφερόντως δὲ πρὸς τὸ Ἰουδαίων γένος, ᾧ χαλεπῶς ἀπεχθανόμενος τὰς μὲν ἐν ταῖς ἄλλαις πόλεσι προσευχὰς ἀπὸ τῶν κατ´ Ἀλεξάνδρειαν ἀρξάμενος σφετερίζεται, καταπλήσας εἰκόνων καὶ ἀνδριάντων τῆς ἰδίας μορφῆς - ὁ γὰρ ἑτέρων ἀνατιθέντων ἐφεὶς αὐτὸς ἱδρύετο δυνάμει - , τὸν δὲ ἐν τῇ ἱεροπόλει νεών, ὃς λοιπὸς ἦν ἄψαυστος ἀσυλίας ἠξιωμένος τῆς πάσης, μεθηρμόζετο καὶ μετεσχημάτιζεν εἰς οἰκεῖον ἱερόν, ἵνα Διὸς Ἐπιφανοῦς Νέου χρηματίζῃ Γαΐου.

[347] Τί φῄς; Σὺ μὲν ἄνθρωπος ὢν αἰθέρα καὶ οὐρανὸν ζητεῖς προσλαβεῖν, οὐκ ἀρκεσθεὶς τῷ πλήθει τῶν τοσούτων ἠπείρων, νήσων, ἐθνῶν, κλιμάτων, ὧν ἀνήψω τὴν ἀρχήν; Τὸν δὲ θεὸν οὐδενὸς τῶν ἐνταῦθα καὶ παρ´ ἡμῖν ἀξιοῖς, οὐ χώρας, οὐ πόλεως, ἀλλὰ καὶ τὸν βραχὺν οὕτως περίβολον αὐτῷ καθιερωθέντα καὶ καθοσιωθέντα χρησμοῖς καὶ λογίοις θεσφάτοις ἀφελέσθαι διανοῇ, ἵν´ ἐν τῷ τῆς τοσαύτης γῆς περιβόλῳ μηδὲν ἴχνος μηδὲ ὑπόμνημα καταλειφθῇ τιμῆς καὶ εὐσεβείας τῆς εἰς τὸν ὄντως ὄντα ἀληθῆ θεόν; [348] Καλὰς ὑπογράφεις τῷ γένει τῶν ἀνθρώπων ἐλπίδας· ἀγνοεῖς ὅτι πηγὰς ἀνατέμνεις ἀθρόων κακῶν, καινουργῶν καὶ μεγαλουργῶν ἃ μήτε δρᾶν μήτε λογίζεσθαι θέμις;

........... [349] Ἄξιον δὲ ἐπιμνησθῆναι καὶ ὧν εἴδομέν τε καὶ ἠκούσαμεν μεταπεμφθέντες ἀγωνίσασθαι τὸν περὶ τῆς πολιτείας ἀγῶνα.

Εἰσελθόντες γὰρ εὐθὺς ἔγνωμεν ἀπὸ τοῦ βλέμματος καὶ τῆς κινήσεως, ὅτι οὐ πρὸς δικαστὴν ἀλλὰ κατήγορον ἀφίγμεθα, τῶν ἀντιτεταγμένων μᾶλλον ἐχθρόν. [350] Δικαστοῦ μὲν γὰρ ἔργα ταῦτα ἦν· καθίσαι μετὰ συνέδρων ἀριστίνδην ἐπιλελεγμένων, ἐξεταζομένης ὑποθέσεως μεγίστης ἐν τετρακοσίοις ἔτεσιν ἡσυχασθείσης καὶ νῦν πρῶτον εἰσαγομένης ἐπὶ μυριάσι πολλαῖς τῶν Ἀλεξανδρέων Ἰουδαίων, ἑκατέρωθεν στῆναι τοὺς ἀντιδίκους μετὰ τῶν συναγορευσόντων, ἐν μέρει μὲν ἀκοῦσαι τῆς κατηγορίας, ἐν μέρει δὲ τῆς ἀπολογίας πρὸς μεμετρημένον ὕδωρ, ἀναστάντα βουλεύσασθαι μετὰ τῶν συνέδρων, τί χρὴ φανερῶς ἀποφήνασθαι γνώμῃ τῇ δικαιοτάτῃ· τυράννου δὲ ἀμειλίκτου δεσποτικὴν ὀφρὺν ἐπανατειναμένου τὰ πραχθέντα. [351] Χωρὶς γὰρ τοῦ μηδὲν ὧν ἀρτίως εἶπον ἐργάσασθαι.

Μεταπεμψάμενος τοὺς δυεῖν κήπων ἐπιτρόπους τοῦ τε Μαικήνα καὶ Λαμία - πλησίον δέ εἰσιν ἀλλήλων τε καὶ τῆς πόλεως, ἐν οἷς ἐκ τριῶν ἢ τεττάρων ἡμερῶν διέτριβε· κεῖθι γὰρ ἐπὶ παροῦσιν ἡμῖν ἡ κατὰ παντὸς τοῦ ἔθνους ἔμελλε σκηνοβατεῖσθαι δραματοποιία - κελεύει τὰς ἐπαύλεις αὑτῷ πάσας περιανοιχθῆναι· βούλεσθαι γὰρ μετὰ ἀκριβείας ἑκάστην ἰδεῖν.

[352] Ἡμεῖς δὲ ὡς αὐτὸν εἰσαχθέντες ἅμα τῷ θεάσασθαι μετ´ αἰδοῦς καὶ εὐλαβείας τῆς ἁπάσης νεύοντες εἰς τοὔδαφος ἐδεξιούμεθα, Σεβαστὸν Αὐτοκράτορα προσειπόντες· ὁ δὲ οὕτως ἐπιεικῶς καὶ φιλανθρώπως ἀντιπροσηγόρευσεν, ὡς μὴ μόνον τὴν ὑπόθεσιν ἀλλὰ καὶ τὸ ζῆν ἀπογνῶναι. [353] Σαρκάζων γὰρ ἅμα καὶ σεσηρὼς

« Ὑμεῖς » εἶπεν « ἐστὲ οἱ θεομισεῖς, οἱ θεὸν μὴ νομίζοντες εἶναί με, τὸν ἤδη παρὰ πᾶσι τοῖς ἄλλοις ἀνωμολογημένον, ἀλλὰ τὸν ἀκατονόμαστον ὑμῖν; » Καὶ ἀνατείνας τὰς χεῖρας εἰς τὸν οὐρανὸν ἐπεφήμιζε πρόσρησιν, ἣν οὐδὲ ἀκούειν θεμιτόν, οὐχ ὅτι διερμηνεύειν αὐτολεξεί.

[354] Πόσης εὐθὺς ἀνεπλήσθησαν ἡδονῆς οἱ τῆς ἐναντίας μερίδος πρέσβεις, ἤδη κατωρθωκέναι διὰ τῆς πρώτης ἀναφθέγξεως Γαΐου τὴν πρεσβείαν νομίζοντες· ἐπεχειρονόμουν, ἀνωρχοῦντο, τὰς θεῶν ἁπάντων ἐπωνυμίας ἐπεφήμιζον αὐτῷ. [355] Γανύμενον δὲ ταῖς ὑπὲρ ἀνθρωπίνην φύσιν προσρήσεσι θεασάμενος ὁ πικρὸς συκοφάντης Ἰσίδωρος « Ἔτι μᾶλλον » ἔφη, « δέσποτα, μισήσεις τοὺς παρόντας καὶ τοὺς ὧν εἰσιν ὁμόφυλοι, ἐὰν γνῷς τὴν εἰς σὲ κακόνοιαν αὐτῶν καὶ ἀσέβειαν· ἁπάντων γὰρ ἀνθρώπων ὑπὲρ σωτηρίας τῆς σῆς θυσίας ἀναγόντων εὐχαριστηρίους, οὐχ ὑπέμειναν οὗτοι μόνοι θύειν· ὅταν δὲ οὗτοι λέγω, καὶ τοὺς ἄλλους Ἰουδαίους συμπαραλαμβάνω. »

[356] Ἀναβοησάντων δὲ ἡμῶν ὁμοθυμαδὸν « Κύριε Γάιε, συκοφαντούμεθα· καὶ γὰρ ἐθύσαμεν καὶ ἑκατόμβας ἐθύσαμεν, οὐ τὸ μὲν αἷμα τῷ βωμῷ περισπείσαντες τὰ δὲ κρέα εἰς θοίνην καὶ εὐωχίαν οἴκαδε κομίσαντες, ὡς ἔθος ἐνίοις ποιεῖν, ἀλλ´ ὁλόκαυτα τὰ ἱερεῖα παραδόντες τῇ ἱερᾷ φλογί, καὶ τρίς, οὐχ ἅπαξ, ἤδη· πρῶτον μὲν ὅτε διεδέξω τὴν ἡγεμονίαν, δεύτερον δὲ ὅτε τὴν βαρεῖαν νόσον ἐκείνην ἣν πᾶσα ἡ οἰκουμένη συνενόσησεν ἐξέφυγες, τρίτον δὲ κατὰ τὴν ἐλπίδα τῆς Γερμανικῆς νίκης, » [357] « Ἔστω » φησί « ταῦτα ἀληθῆ, τεθύκατε, ἀλλ´ ἑτέρῳ, κἂν ὑπὲρ ἐμοῦ· τί οὖν ὄφελος; Οὐ γὰρ ἐμοὶ τεθύκατε. » Φρίκη βύθιος εὐθὺς κατέσχεν ἡμᾶς ἐπὶ τῷ προτέρῳ καὶ τοῦτο ἀκούσαντας, ἣ καὶ μέχρι τῆς ἐπιφανείας ἀνεχύθη.

[358] Καὶ ταῦθ´ ἅμα λέγων ἐπῄει τὰς ἐπαύλεις, ἀνδρῶνας κατανοῶν, γυναικωνίτιδας, τὰ ἐν ἐπιπέδῳ, τὰ ὑπερῷα, ἅπαντα, αἰτιώμενος ἐνίας ὡς ἐλλιπεῖς κατασκευάς, ἑτέρας ἐπινοῶν καὶ προσδιατάττων πολυτελεστέρας αὐτός. [359] Εἶτα ἡμεῖς ἐλαυνόμενοι παρηκολουθοῦμεν ἄνω κάτω, χλευαζόμενοι καὶ κατακερτομούμενοι πρὸς τῶν ἀντιπάλων ὡς ἐν θεατρικοῖς μίμοις· καὶ γὰρ τὸ πρᾶγμα μιμεία τις ἦν· ὁ μὲν δικαστὴς ἀνειλήφει σχῆμα κατηγόρου, οἱ δὲ κατήγοροι φαύλου δικαστοῦ πρὸς ἔχθραν ἀποβλέποντος, ἀλλ´ οὐ τὴν φύσιν τῆς ἀληθείας.

[360] Ὅταν δὲ αἰτιᾶται κρινόμενον δικαστὴς καὶ τοσοῦτος, ἀνάγκη σιωπᾶν· ἔστι γάρ πως καὶ δι´ ἡσυχίας ἀπολογεῖσθαι, καὶ μάλιστα πρὸς οὐδὲν ὧν ἐπεζήτει καὶ ἐπεπόθει δυναμένους ἀποκρίνασθαι, τῶν ἐθῶν καὶ νομίμων τὴν γλῶτταν ἐπεχόντων καὶ τὸ στόμα κλειόντων καὶ ἀπορραπτόντων.

[361] Ἐπεὶ δὲ ἔνια τῶν περὶ τὰς οἰκοδομὰς διετάξατο, μέγιστον καὶ σεμνὸν ἐρώτημα ἠρώτα·

« Διὰ τί χοιρείων κρεῶν ἀπέχεσθε; » Πάλιν πρὸς τὴν πεῦσιν γέλως ἐκ τῶν ἀντιδίκων κατερράγη τοσοῦτος, τῇ μὲν ἡδομένων τῇ δὲ καὶ ἐπιτηδευόντων ἕνεκα κολακείας ὑπὲρ τοῦ τὸ λεχθὲν δοκεῖν σὺν εὐτραπελίᾳ καὶ χάριτι εἰρῆσθαι, ὥς τινα τῶν ἑπομένων αὐτῷ θεραπόντων ἀγανακτεῖν ἐπὶ τῷ καταφρονητικῶς ἔχειν αὐτοκράτορος, ἐφ´ οὗ καὶ τὸ μετρίως μειδιάσαι τοῖς μὴ πάνυ συνήθεσιν οὐκ ἀσφαλές. [362] Ἀποκριναμένων δὲ ἡμῶν, ὅτι « Νόμιμα παρ´ ἑτέροις ἕτερα καὶ χρῆσις ἐνίων ὡς ἡμῖν καὶ τοῖς ἀντιδίκοις ἀπείρηται » , καὶ φαμένου τινὸς « Ὡς πολλοί γε καὶ τὰ προχειρότατα ἀρνία οὐ προσφέρονται » , [363] γελάσας « Εὖ γε » εἶπεν, « ἔστι γὰρ οὐχ ἡδέα. » Τοιαῦτα φλυαρηθέντες καὶ κατακερτομηθέντες ἐν ἀμηχάνοις ἦμεν.

Εἶτα ὀψέ ποτε παρασεσυρμένως « Βουλόμεθα μαθεῖν » ἔφη, « τίσι χρῆσθε περὶ τῆς πολιτείας δικαίοις. » [364] Ἀρξαμένων δὲ λέγειν καὶ διδάσκειν, ἀπογευσάμενος τῆς δικαιολογίας καὶ συνεὶς ὡς οὐκ ἔστιν εὐκαταφρόνητος, πρὶν ἐπενεγκεῖν τὰ ἐχυρώτερα, συγκόψας καὶ τὰ πρότερα δρομαῖος εἰς τὸν μέγαν οἶκον εἰσεπήδησε καὶ περιελθὼν προστάττει τὰς ἐν κύκλῳ θυρίδας ἀναληφθῆναι τοῖς ὑάλῳ λευκῇ παραπλησίως διαφανέσι λίθοις, οἳ τὸ μὲν φῶς οὐκ ἐμποδίζουσιν, ἄνεμον δὲ εἴργουσι καὶ τὸν ἀφ´ ἡλίου φλογμόν. [365] Εἶτα προελθὼν ἄνευ σπουδῆς μετριώτερον ἀνηρώτα· « Τί λέγετε; »

Συνείρειν δὲ ἀρξαμένων τὰ ἀκόλουθα, εἰστρέχει πάλιν εἰς ἕτερον οἶκον, ἐν ᾧ γραφὰς ἀρχετύπους ἀνατεθῆναι προσέταττεν. [366] Οὕτω τῶν ἡμετέρων σπαραττομένων καὶ διαρτωμένων καὶ μόνον οὐ συγκοπτομένων καὶ συντριβομένων δικαίων, ἀπειρηκότες καὶ μηδὲν ἔτι σθένοντες, ἀεὶ δὲ οὐδὲν ἕτερον ἢ θάνατον προσδοκῶντες, οὐκέτι τὰς ψυχὰς ἐν αὑτοῖς εἴχομεν, ἀλλ´ ὑπ´ ἀγωνίας ἔξω προεληλύθεσαν ἱκετεύειν τὸν ἀληθινὸν θεόν, ἵνα τοῦ ψευδωνύμου τὰς ὀργὰς ἐπίσχῃ. Ὁ δὲ λαβὼν οἶκτον ἡμῶν τρέπει τὸν θυμὸν αὐτοῦ πρὸς ἔλεον· [367] καὶ ἀνεθεὶς πρὸς τὸ μαλακώτερον, τοσοῦτον εἰπὼν « Οὐ πονηροὶ μᾶλλον ἢ δυστυχεῖς εἶναί μοι δοκοῦσιν ἄνθρωποι καὶ ἀνόητοι μὴ πιστεύοντες, ὅτι θεοῦ κεκλήρωμαι φύσιν » , ἀπαλλάττεται προστάξας καὶ ἡμῖν ἀπέρχεσθαι.

[368] Τοιοῦτον ἀντὶ δικαστηρίου θέατρον ὁμοῦ καὶ δεσμωτήριον ἐκφυγόντες - ὡς μὲν γὰρ ἐν θεάτρῳ κλωσμὸς συριττόντων, καταμωκωμένων, ἄμετρα χλευαζόντων, ὡς δὲ ἐν εἱρκτῇ πληγαὶ κατὰ τῶν σπλάγχνων φερόμεναι, βάσανοι, κατατάσεις τῆς ὅλης ψυχῆς διά τε τῶν εἰς τὸ θεῖον βλασφημιῶν καὶ διὰ τῶν ἐπανατάσεων, ἃς τοσοῦτος αὐτοκράτωρ ἐπανετείνετο, μνησικακῶν οὐ περὶ ἑτέρου, ῥᾳδίως γὰρ ἂν μετέβαλεν, ἀλλὰ περὶ ἑαυτοῦ καὶ τῆς εἰς τὴν ἐκθέωσιν ἐπιθυμίας, ᾗ μόνους ὑπελάμβανε μήτε συναινεῖν Ἰουδαίους μήτε δύνασθαι συνυπογράψασθαι [369] Μόλις ἀνεπνεύσαμεν.

Οὐκ ἐπειδὴ φιλοζωοῦντες θάνατον κατεπτήχειμεν, ὃν ἄσμενοι καθάπερ ἀθανασίαν εἱλόμεθα ἄν, εἰ δή τι τῶν νομίμων ἔμελλεν ἐπανόρθωσιν ἕξειν, ἀλλ´ εἰδότες ἐπ´ οὐδενὶ λυσιτελεῖ παρανάλωμα γενησόμενοι μετὰ πολλῆς δυσκλείας· ἃ γὰρ ἂν πρέσβεις ὑπομένωσιν, ἐπὶ τοὺς πέμψαντας λαμβάνει τὴν ἀναφοράν.

[370] Τούτων μὲν δὴ χάριν ἐπὶ ποσὸν ἐδυνήθημεν ἀνακύψαι, τὰ δὲ ἄλλα ἡμᾶς ἐφόβει διεπτοημένους καὶ ἀποροῦντας, τί γνώσεται, τί ἀποφανεῖται, ποταπὴ γένοιτ´ ἂν ἡ κρίσις· ἤκουσε γὰρ τῆς ὑποθέσεως, ὃς πραγμάτων ἐνίων παρήκουσεν; Ἐν ἡμῖν δὲ πέντε πρεσβευταῖς σαλεύειν τὰ τῶν πανταχοῦ πάντων Ἰουδαίων οὐ χαλεπόν; [371] Εἰ γὰρ χαρίσαιτο τοῖς ἡμετέροις ἐχθροῖς, τίς ἑτέρα πόλις ἠρεμήσει; Τίς οὐκ ἐπιθήσεται τοῖς συνοικοῦσι; Τίς ἀπαθὴς καταλειφθήσεται προσευχή; Ποῖον πολιτικὸν οὐκ ἀνατραπήσεται δίκαιον τοῖς κοσμουμένοις κατὰ τὰ πάτρια τῶν Ἰουδαίων; Ἀνατετράψεται, ναυαγήσει, κατὰ βυθοῦ χωρήσει καὶ τὰ ἐξαίρετα νόμιμα καὶ τὰ κοινὰ πρὸς ἑκάστας τῶν πόλεων αὐτοῖς δίκαια. [372] Τοιούτοις ὑπέραντλοι γενόμενοι λογισμοῖς ὑπεσυρόμεθα καταποντούμενοι· καὶ γὰρ οἱ τέως συμπράττειν ἡμῖν δοκοῦντες ἀπειρήκεσαν· καλουμένων γοῦν, ἔνδον ὄντες οὐχ ὑπέμειναν, ἀλλ´ ὑπεξῆλθον διὰ φόβον ἀκριβῶς ἐπιστάμενοι τὸν ἵμερον, ᾧ κέχρητο πρὸς τὸ νομίζεσθαι θεός.

[373] Εἴρηται μὲν οὖν κεφαλαιωδέστερον ἡ αἰτία τῆς πρὸς ἅπαν τὸ Ἰουδαίων ἔθνος ἀπεχθείας Γαΐου· λεκτέον δὲ καὶ τὴν παλινῳδίαν.

 


[1] On reconnaît dans ce début la pensée du livre Contre Flaccus, qui plus tard se formulera éloquemment sous la plume de Bossuet: L’homme s’agite, et Dieu le mène. Philon ne se maintient pas longtemps à la hauteur où le place la philosophie, il en descend presque aussitôt pour s’enfermer dans le cercle du judaïsme. La conception de l’évêque chrétien est plus humanitaire, et en ce sens plus large et plus haute; mais si le théâtre s’est agrandi, au fond le système n’a pas changé le catholicisme rapporte, comme le judaïsme, le plan providentiel à son existence propre et à son développement. C’est une nécessité de toute religion révélée. Nous sommes loin, comme on voit, de cette philosophie de l’histoire, œuvre du dix-huitième siècle, honneur du nôtre, qui fera taire tous les fanatismes et s’élancera sur les ailes de la Raison vers une Providence nouvelle, Justice absolue, Amour sans préférence, Puissance infinie, agissant non par le caprice et le miracle, mais par l’Ordre et la Loi.

[2] Philon appelle ici la nation juive ἱκετικὸν γένος, le peuple qui prie, le peuple dévot. Les Hébreux, considérant comme une abomination le culte polythéiste, se déclaraient les seuls de toue les hommes qui eussent pour Dieu du respect et de la piété,

[3] Le syriaque était l’idiome parlé à cette époque en Palestine, c’est celui auquel il est fait ici allusion. On pourrait inférer de ce passage que Philon le connaissait avec le même droit qu’on a cru avoir de conclure qu’il ne le connaissait pas, sur le passage que nous avons vu du livre Contre Flaccus.

[4] Cette théorie a son analogue dans les conceptions de la Kabbale; les kabbalistes placent autour de Dieu dix Verbes ou Puissances qu’ils nomment Sephiroth. (V. la Kabbale, par M. Franck, IIIe partie.)

[5] La Puissance royale (ἡ βασιλική) maintient par son action l’effet de la Puissance créatrice; elle conserve au sein de l’uni’ vers l’ordre et l’harmonie.

[6] La transition est ici peu indiquée: l’auteur se propose de raconter l’histoire de Caïus pour servir de démonstration à tous les principes qu’il vient de poser; il veut montrer dans le châtiment du coupable, quelque puissant qu’il soit et dans la protection accordée aux Juifs l’action irrécusable de la Providence divine. Ne serait-ce pas une raison de croire que la Légation racontait la fin de Caïus et la conspiration de Chaereas?

[7] Les historiens romains confirment pleinement le témoignage de Philon. Il est difficile de peindre en traits plus vifs l’enthousiasme qui accueillit l’avènement du fils de Germanicus. Tacite nous le montre (Annal., IV, 50) entouré d’une foule de grands qui le félicitent au premier bruit de la mort de Tibère. Suétone (Vie de Caïus, xiii, xiv, xv, xvi) raconte « qu’il fut porté sur le trône par les vœux de tout le peuple romain, ou, pour mieux dire, de tout l’univers. Il était cher aux provinces et aux armées qui l’avaient vu enfant (il avait suivi son père en Germanie et en Orient), et cher aux habitants de Rome qui aimaient en lui le fils de Germanicus, le dernier rejeton d’une famille détruite. Dès qu’il sortit de Misène (c’est là que son aïeul mourut), quoiqu’il fût encore en habit de deuil à la suite des funérailles de Tibère, il se trouva escorté d’une foule immense, remplie d’allégresse, qui portait des flambeaux et offrait des victimes. Tous l’appelaient leur astre, leur nourrisson, et lui donnaient les noms les plus flatteurs. Le peuple, dans sa joie, envahit le sénat, et, malgré le testament de Tibère, Caïus est reconnu, aux acclamations de la foule et des Pères conscrits, seul maître de l’Empire. La joie publique fut si grande, ajoute Suétone, qu’en moins de trois mois on égorgea plus de cent soixante mille victimes. Quelques jours après, Caïus étant allé faire un voyage dans les îles de la Campanie, on fit des vœux pour son retour, tant on cherchait les occasions de lui témoigner l’intérêt qu’on prenait à ses jours. On lui décerna, outre beaucoup d’autres honneurs, un bouclier d’or que tous les ans le collège des pontifes devait porter au Capitole, suivi du sénat et de la noblesse, chantant des vers à sa louange. On statua que le jour de son avènement serait appelé Palilia, comme si c’eût été une nouvelle fondation de Rome. » Il était d’usage d’allumer ce jour-là dans les campagnes un grand feu autour duquel on faisait tourner les troupeaux. Nous avons des réjouissances analogues dans les feux de la Saint-Jean.

[8] Suétone (Vie de Caïus, xiv) mentionne cette maladie sans en indiquer les honteuses causes et sans en préciser la date. L’avènement de Caïus eut lieu vers le milieu du mois de mars de l’an 37 (Suétone, Vie de Tibère, lxxiii; — Tacite, Annales, vi, 50). Ce serait donc en octobre qu’il faudrait placer le huitième mois de son principat. La supputation de Philon s’accorde, comme on voit, avec les indications de Suétone et de Tacite.

[9] C’est la définition de la mort telle que nous la trouvons dans le catéchisme: La mort est la séparation de l’âme et du corps.

[10] « Il tomba malade, dit Suétone (Vie de Caïus, xiv); le peuple passait la nuit autour de son palais, et plusieurs faisaient vœu de combattre ou de s’immoler pour son rétablissement. » On croirait lire le récit de ce qui se passa lors de la maladie de Louis XV, dit le Bien-aimé.

Le sort a de cruelles ironies: la Providence, qui permit que tant d’amour chez le peuple fût payé par une si monstrueuse ingratitude et par tant de cruauté, permet aussi quelquefois que les princes innocents expient les crimes des coupables. Si le despotisme a ses rigueurs, l’anarchie a ses saturnales; elles sont sanglantes et abominables toutes deux. Ce fut lors de cette maladie qu’il fit un testament, dans lequel il instituait Drusilla, sa sœur favorite, héritière de tous ses biens et de l’empire. Cet acte nous semble le premier de cette longue série d’extravagances qui allait épouvanter le genre humain.

[11] Notre auteur emploie ici les titres d’Évergète et de Soter qui étaient des appellations usitées à l’égard des Séleucides et des Ptolémées.

[12] « J’ai parlé jusqu’ici d’un prince, je vais parler maintenant d’un monstre. » (Suétone, Vie de Caïus, xxii.)

[13] « Caïus passa les premières années de son enfance dans les camps en Germanie; les soldats lui donnèrent par affection le surnom de Caligula, c’est le nom d’une chaussure militaire. Il accompagna son père Germanicus en Syrie, vécut ensuite chez sa bisaïeule Livie, femme d’Auguste, puis chez son aïeule Antonia, femme du premier Drusus. A dix-neuf ans, Tibère le fit venir à Caprée: là il sut échapper à tous les pièges qu’on lui tendait. On cherchait en vain à lui arracher des murmures, il ne donnait aucun prétexte à la malignité; il ne parut pas s’apercevoir de la mort malheureuse de ses frères (Néron et Drusus), et dévorait ses propres affronts avec une dissimulation incroyable. Sa complaisance pour Tibère et pour ceux qui l’approchaient était telle, que l’orateur Passiénus a dit de lui avec raison (Suétone, Vie de Caïus, x; Tacite, Annales, vi, 20) qu’il n’y avait point eu de meilleur valet et de plus méchant maître. C’est donc justement que Philon accuse ici Caïus d’hypocrisie. Suétone, en effet, ajoute que, même du vivant de Tibère, il n’avait pu cacher complètement ses inclinations basses et cruelles; la nuit, il courait les mauvais lieux, enveloppé d’un grand manteau, la tête couverte de faux cheveux. Le pénétrant vieillard le connaissait bien: « Je laisse vivre, disait-il, Caïus pour son malheur et celui des autres ! »

[14] Le jeune Tibère était fils du second Drusus, fils de l’Empereur; Caïus était fils de Germanicus, qui n’était fils de Tibère que par adoption.

[15] Dion Cassius rapporte que Caïus accusait son cousin de lui avoir souhaité la mort (liv. lv). D’après Suétone, il allégua que son cousin avait refusé de le suivre sur mer par un temps d’orage et était resté dans Rome pour attendre les événements et s’emparer de la ville (Vie de Caïus, xxiii).

[16] Tout cela est parfaitement conforme au récit de Suétone (Vie de Caïus, xix) et au témoignage de Tacite (Annales, vi, 46) qui nous parle de la préférence de Tibère pour son petit-fils, de l’intention où il fut de lui donner l’empire, et de l’obstacle qu’il trouva dans son extrême jeunesse, enfin de l’affaiblissement du corps et de l’âme qui le surprit au milieu de ces incertitudes.

[17] « Il adopta son cousin Tibère le jour où il prit la robe virile, et lui donna le titre de prince de la jeunesse. » (Suétone, Vie de Caïus, xv.)

Aucun autre historien que Philon ne mentionne ce discours et cette machination odieuse, si conformes du reste au caractère tortueux et fourbe de Caligula. Partout où Philon ajoute au récit de Tacite, de Suétone et de Dion Cassius, il y a lieu de le croire exact et bien informé, car il parle d’événements contemporains sur lesquels il a dû recueillir des indications de témoins oculaires; sa bonne foi, sa sagacité sont d’ailleurs au-dessus du soupçon. Enfin ce qui donne du prix aux détails qui lui appartiennent en propre, c’est qu’il est rare, quand il raconte les mêmes faits que les auteurs latins, que son témoignage ne soit pas pleinement confirmé par le leur.

D’après Suétone, ce fut le sénat qui annula le testament de Tibère en ce qui concernait la participation du jeune fils de Drusus au pouvoir. Philon semble indiquer que Caïus obtint l’exclusion de son cousin par un détour, qui consistait à l’adopter. Quoi qu’il en soit, il demeure certain que Tibère avait institué Caïus et son cousin ses héritiers par moitié, que les dernières volontés de l’Empereur ne furent pas suivies, et que l’adoption du jeune Tibère par Caïus couvrait la jalousie haineuse de ce dernier.

[18] Suivant Tacite (Annales, vi, 46), la jeunesse de Tibère et l’imbécillité de Claude empêchèrent l’Empereur de faire périr Caïus qu’il détestait, et dont il redoutait la popularité.

[19] Suétone (Vie de Caïus, xxiii) raconte ceci différemment: « ce fut, selon cet auteur, un tribun envoyé par L’Empereur, qui tua Tibère, au moment qu’il s’y attendait le moins. » La version de Philon nous paraît trop assurée et trop circonstanciée pour ne pas lui accorder la préférence; d’ailleurs elle nous offre un trait nouveau et très vraisemblable du raffinement que Caïus portait dans la barbarie.

[20] On attribuait généralement à Tibère, dans l’antiquité, la connaissance de l’avenir. Tacite (Annales, vi, 20, rapporte que durant son séjour à Rhodes, il avait été initié aux secrets de l’art magique des Chaldéens, et qu’il avait eu pour maître un certain Thrasylle. La magie des Chaldéens, qui tenait au culte des astres, était repoussée comme une science fausse et coupable par les Juifs; ceci pourrait expliquer pourquoi Philon attribue la pénétration de Tibère à une qualité d’esprit naturelle et non à la science astrologique de la Chaldée.

[21] Nous avons examiné déjà si Caligula fut réellement fou, et quel fut son genre de folie. Constatons encore une fois que Philon et Suétone (Vie de Caïus, l) s’accordent à dire qu’il n’était sain ni de corps ni d’esprit; cependant il y a dans ses actes de la suite, une préoccupation de politique et d’ambition, un raffinement de cruauté très réfléchi, toutes choses qui nous le montrent comme un fou lucide.

[22] Philon nous révèle ici un fait nouveau; ni Suétone ni Tacite ne parlent du rôle de Macron dans la ruine de Séjan.

[23] Suétone (Vie de Caïus, xii) prétend qu’Ennia Naevia, femme de Macron, fut séduite par Caïus, qui lui promit de l’épouser, s’il parvenait à l’empire, et que par ce moyen Caïus gagna Macron dont il se servit pour empoisonner Tibère. Ce témoignage, conforme à celui de Philon, infirme les allégations de Tacite, qui (Annales, vi, 45), en constatant la toute puissance de Macron (nimia potentia Macronis), rapporte que le chef des prétoriens connaissait les intrigues de sa femme et de Caïus, qu’il en avait été lui-même le premier instigateur, et que, loin de recevoir les caresses du futur empereur, il lui faisait une cour assidue. Nous préférons à cette version celle de Suétone et de Philon, qui a le double avantage de réunir deux témoignages et d’offrir plus de vraisemblance. En effet, Macron tout puissant et ambitieux, s’il n’avait pas été le jouet d’une femme rusée et d’un habile hypocrite, ne devait-il pas de préférence s’attacher au fils de Drusus, dont l’inexpérience et la jeunesse assuraient pour l’avenir son crédit, le rendaient nécessaire dans le gouvernement et lui permettaient de tout espérer?

[24] La passion outrée de Caïus pour la danse théâtrale et pour la musique est attestée également par Suétone (Vie de Caïus, xi); Tibère espérait en vain que ces goûts pourraient adoucir son caractère féroce.

[25] Notre auteur traite l’histoire à la manière des anciens; chez lui comme chez Tite-Live, Xénophon, Thucydide, les discours renferment, sous une forme dramatisée, les développements qui ont trait à la morale ou à la politique. D’ailleurs rien de plus juste et de plus élevé que cette morale; Philon nous donne ici un avant-goût de ses traités politiques: « Le prince se doit à la dignité dont il est revêtu; cette dignité, avant d’être un honneur, est une charge, la plus noble, mais aussi la plus difficile de toutes, dont l’exercice suppose une science profonde, exige application, génie, force d’âme, dévouement, persévérance. Le prince est le père de l’agriculture, l’âme du commerce, le protecteur de la paix; ce qu’il reçoit en respects, il le paye en bienfaits; ce qu’on lui donne en impôts, il le rend en bon gouvernement. » Banalités, niaiseries, qui feront sans doute sourire les disciples de Machiavel et de Robespierre, mais que les esprits modérés et honnêtes accueilleront comme l’expression d’un idéal dont il ne faut pas désespérer.

[26] En grec: Δυνάμεις βασιλικαί, c’est-à-dire puissances, qualités naturelles propres au gouvernement.

[27] Il est impossible de mieux définir et réfuter tout ensemble la théorie du droit divin. Les princes qui règnent en vertu d’un droit acquis, et non en vertu d’un principe d’ordre et de progrès, en seront toujours réduits, comme Caligula, à prétendre qu’ils sont d’une autre espèce que le reste du genre humain, ou bien qu’ils ont un contrat passé avec le Ciel, et enfin, suivant le mot profond de Molière, qu’en gens de qualité ils savent tout sans jamais avoir rien appris.

[28] Tous ces détails sont précieux. Suétone (Vie de Caïus, xxvi) s’est contenté de déclarer en deux lignes qu’Ennia et Macron, qui avaient été les instruments de Caïus, périrent malgré leurs titres à sa reconnaissance.

[29] Trace évidente de mysticisme.

[30] Quelques manuscrits portent à tort Silvanus.

[31] Elle s’appelait Claudia. (Tacite, Annales, vi, 20)

[32] Chez Caïus, la cruauté est toujours aiguisée de quelque atroce plaisanterie.

[33] Nos vera rerum vocabula amisimus, avait dit, dans les mêmes termes et avec la même énergie, Caton, dans le discours que lui fait prononcer Salluste, lors de la conjuration de Catilina.

[34] Dion Cassius (liv. lv) accuse Antiochus de Comagène et Agrippa de Judée d’avoir suggéré à Caïus ce raisonnement insolent. Suétone confirme ce témoignage: « Caïus entendit plusieurs rois, que leurs affaires amenaient à Rome, disputer entre eux de la prééminence. Il s’écria: « Il n’y a qu’un maître, il n’y a qu’un roi, et fut sur le point de prendre le diadème et les marques de la royauté. Mais, comme on l’avertit qu’il était trop au-dessus de tous les rois, il commença à prétendre aux donneurs divins. » (Vie de Caïus, xxii.) Philon ne charge pas le prince juif, son ami, de cette abominable flatterie: ce silence n’a rien qui doive nous étonner. Il est digne de remarque qu’Agrippa, s’il fut un de ceux qui poussèrent l’Empereur à ces prétentions insensées, eut à en souffrir plus que personne. Nous verrons plus tard qu’il faillit perdre la vie et son trône dans la persécution infligée à la nation juive par l’immortel dont il avait prématurément accompli l’apothéose.

[35] Castor et Pollux.

[36] Selon la fable, Géryon était un roi d’Espagne qui avait trois corps et dont Hercule emmena les bœufs.

[37] Virgile aussi dans l’épisode d’Aristée (Géorgiq., iv) met en scène ce dieu étrange.

[38] Philon fait ici allusion à une théorie sur l’égalité et la justice qu’il développe dans son traité de la Création du monde.

[39] Les deux sœurs de Caïus, Agrippine et Livilla, furent condamnées à l’exil, comme complices de la conjuration de Lépidus.

Cette conjuration fut découverte en l’année 40, pendant le voyage de l’Empereur en Gaule. « Caïus, dit Suétone (Vie de Caïus, xxiv), fit condamner ses sœurs en même temps comme adultères. Il montra leur signature qu’il avait surprise par fraude ou en abusant de leur faiblesse, et trois épées, qu’il disait avoir été préparées contre lui, furent consacrées à Mars Vengeur avec une inscription qui attestait ce prétendu crime. »

[40] Philon revient plus loin sur quelques-unes des rapines éhontées de l’Empereur.

[41] Evius et Lyaeus sont des noms qui appartiennent à Bacchus.

[42] Le mot grec Ἑρμῆς est la racine des mots qui signifient interprète, interprétation, interpréter.

[43] Le terme grec, qui désigne le caducée, est κηρύκειον, dont la racine est κῆρυξ, qui signifie héraut.

[44] Les anciens considéraient les maladies comme des punitions du ciel chez les Juifs; c’était une opinion reçue que tout malade devait avoir la conscience chargée d’un péché. Les maladies survenues étaient censées produites par l’introduction dans le corps du patient d’un génie malfaisant. De là, au moyen âge, ces éternels récits de possession.

[45] On connaît l’histoire du poison de Columbus (Suétone, Vie de Caïus, lv). On trouva dans les papiers de Caïus deux mémoires intitulés, l’un le Glaive, l’autre le Poignard; c’était la liste de tous ceux qu’il destinait à la mort. On lui trouva aussi une grande cassette pleine de poisons. Claude les fit jeter dans la mer; les flots en furent infestés et la marée jeta sur le rivage quantité de poissons morts. (Suétone, Vie de Caïus, xlix.) On voit que Philon était bien informé.

[46] Le grec dit: C’est à partir de sa patrie, comme d’une ligne sacrée, qu’il commença… La ligne sacrée, (ἱερὰ γραμμή) était celle dont on devait, autant que possible, éviter d’écarter les pièces, dans un certain jeu analogue à celui de dames. Le joueur qui s’écartait de cette ligne était donc réduit à toute extrémité. De là en grec l’expression, s’écarter de la ligne sacrée, pour signifier qu’on fait usage de ses dernières ressources. Caïus commence par où tout autre homme aurait dû finir: c’est à son pays qu’il s’attaque d’abord, c’est l’Italie qu’il pressure avant le reste de l’Empire. P. Bellier a compris et traduit autrement ce passage: « Pour cette cause il commença de jeter de son pays, comme du plus fort et asseuré lieu, les semences de la paix. »

[47] On s’est étonné de voir Philon faire ainsi l’éloge des divinités païennes; c’est sur ces pages que les rabbins l’ont accusé d’avoir transigé avec l’idolâtrie. Il faut faire réflexion que notre auteur se laisse aller à la thèse qu’il développe: on sent qu’il s’adresse à des païens, qu’il leur parle leur langage et se place en quelque sorte à leur point de vue, pour combattre plus victorieusement cet usage scandaleux de la divinisation. Philon est ici, comme partout ailleurs, un polémiste original, unique, chez lequel l’idée juive est revêtue des belles formes et des conceptions lumineuses de la littérature et de la philosophie grecques. Il accepte les dieux de l’Olympe par hypothèse, comme il arrive dans le cours d’une discussion; de plus il les accepte soit pour des héros bienfaiteurs de l’humanité, soit pour des personnifications des forces de la nature, soit même pour des génies d’une essence et d’une puissance supérieures à nous. Rien dans ces opinions ne nous semble absolument contraire au dogme de l’unité divine, tel que le Mosaïsme l’enseigne. Un Juif pouvait bien admettre que les dieux et les demi-dieux fussent des génies, sans renoncer à les considérer comme faux dieux, sans renoncer à la croyance en un Dieu unique, suprême, tout puissant. Il faut remarquer que l’idée de Philon sur les divinités de la Grèce est aussi celle des anciens Pères de l’Église; ainsi ils expliquent les oracles du paganisme par la prescience du Diable qui les inspirait.

[48] Ici commence une partie nouvelle de la Légation. Après avoir raconté dans la première les commencements du principat de Caïus, après avoir discuté dans la seconde les titres de l’Empereur à la divinisation, l’auteur, dans cette troisième partie, va reprendre le récit de la persécution des Juifs alexandrins, que nous avons déjà trouvé dans le Contre Flaccus. Thomas Mangey pense que les faits racontés ici font suite à la narration du Contre Flaccus; nous ne partageons point cette opinion. Le lecteur pourra, du reste, en juger lui-même par la comparaison des textes.

[49] Usage barbare en ce sens qu’il ne provenait pas de la Grèce, mais de l’Orient.

[50] Ce passage donnerait à penser que la question de la possibilité de l’incarnation de Dieu était déjà agitée à cette époque dans les écoles juives.

[51] Νόμον ἡγούμενος ἑαυτόν. C’est presque le mot de Louis XIV: L’État, c’est moi !

[52] Il est intéressant de voir quel était, pour les savants de cette époque, l’état du problème que la chimie et la physiologie modernes ont si complètement résolu, depuis la découverte de Lavoisier. L’insalubrité des lieux où la population était agglomérée était alors un fait constaté, on l’attribuait d’une manière exacte à la viciation de l’atmosphère; la cause de cette viciation était bien placée dans la respiration trop prolongée d’une quantité restreinte d’air; c’est justement qu’on supposait dans l’air l’existence d’éléments particuliers propres à la vie. Tout le reste de la théorie du philosophe alexandrin est faux: ce n’est pas l’élévation de la température qui corrompt à l’air respirable; le rôle de cet air ne consiste pas à rafraîchir les organes, mais au contraire à opérer une combustion.

[53] Ce détail n’existe pas dans le Contre Flaccus; mais jusqu’ici c’est le seul qui soit nouveau pour nous, et il n’y a aucune raison d’en conclure avec Thomas Mangey qu’il s’agit d’une persécution nouvelle contre les Juifs; la ressemblance générale des deux récits prouve suffisamment le contraire.

[54] Ces expressions, que Philon a déjà employées dans le Contre Flaccus pour peindre l’attitude du gouverneur, ne sont-elles pas une nouvelle preuve qu’il s’agit des événements de l’an 38?

[55] Ce détail n’existe pas dans le Contre Flaccus.

[56] Les synagogues contenaient donc, à l’exception des statues, tous les objets que l’on consacrait d’ordinaire aux empereurs. On verra plus loin que les Juifs de Jérusalem étaient plus rigoureux que ceux d’Alexandrie; loin d’admettre ces offrandes profanes dans le temple, ils ne les souffraient même pas dans les édifices de la ville sainte. Pilate, comme on sait, fut obligé de retirer les boucliers d’or qu’il avait consacrés à Tibère dans l’ancien palais d’Hérode. La Judée se considérait comme le berceau et le sanctuaire des traditions; les Juifs de ce pays avaient pour leurs coreligionnaires grecs une certaine défiance, ils les soupçonnaient d’un peu d’idolâtrie et faisaient retomber sur eux une partie du mépris qu’ils tenaient de leurs rabbins pour la science et la littérature de la Grèce. — V. la Kabbale, IIIe partie.

[57] On a le droit de trouver étrange, dans la bouche d’un historien aussi grave, ce panégyrique enthousiaste d’un tyran impur et sans entrailles. Philon se laisse ici entraîner par le parallèle qu’il veut établir entre Caïus et son prédécesseur, à l’avantage de ce dernier. L’assassin de Germanicus, le meurtrier d’Agrippine, le bourreau de ses petits-fils, l’infâme voluptueux de Caprée, disparaissent à ses yeux, pour faire place au généreux protecteur du peuple juif.

[58] Cette opinion, favorable au pouvoir absolu, ne paraît pas bien solidement établie dans l’esprit de notre philosophe, quand on lit ce passage du livre de la Création du prince: « L’Égalité, comme l’affirment tous ceux qui étudient la nature des philosophes, est mère de la Justice, c’est la lumière la plus resplendissante qui soit au monde, un second soleil. L’Inégalité est au contraire, autant par défaut que par excès, la source et l’origine des ténèbres. C’est l’Égalité qui, au ciel et sur la terre, a tout réglé et posé les bases éternelles du droit divin et humain.... Tout ce qui sort de la règle pèche contre l’Égalité, tout ce qui y demeure soumis obéit à l’Égalité. On peut dire d’elle qu’elle est, au sein de l’univers, l’ordre, dans les États, la forme la meilleure et la plus légitime de gouvernement, c’est-à-dire la démocratie; dans le corps c’est la santé, dans l’âme c’est la vertu. »

[59] V. la carte d’Alexandrie de M. E. Desjardins.

[60] Après les guerres de Pompée. Nous avons vu que plus tard une seule campagne avait mis entre les mains de Gabinius trente mille prisonniers juifs.

[61] Nous avons déjà fait remarquer qu’il nous paraissait très difficile à admettre entièrement, comme de nier tout à fait, ce témoignage de Philon, qui n’est point confirmé par Josèphe, et que les historiens grecs et latins semblent démentir.

[62] Comment douter, après cet aveu, de l’espèce de réprobation qui pesait déjà sur le peuple hébreu? En retournant contre les Israélites le système de châtiment providentiel que nous avons vu appliqué avec tant d’emportement et de rigueur dans le livre Contre Flaccus, on a pu voir en eux des victimes de la colère céleste, expiant à travers les siècles le crime commis par leurs pères sur le Golgotha. Cette interprétation des faits est-elle suffisamment digne de la clémence et de la majesté divines? Nous ne le pensons pas. S’accorde-t-elle avec la chronologie et la véritable philosophie de l’histoire? Nous ne le pensons pas davantage. Qu’on nous montre un peuple dans l’antiquité dont les annales ne nous offrent pas des actes nombreux de fanatisme. Pourquoi les Juifs seraient-ils les seuls à subir une peine que tous ont plus ou moins méritée? Voici d’ailleurs quelque chose de plus irréfutable: la haine dont le Juif est l’objet de la part du reste du genre humain est bien antérieure à la mort de Jésus, dont on veut que cette haine soit le résultat et le châtiment. La dispersion, qu’on nous montre comme une autre punition du déicide, était consommée avant qu’il fût commis. Israël aurait donc été châtié avant d’avoir péché; où serait en cela la justice de Dieu? Sachons élever Dieu au-dessus de nos petitesses et de nos passions.

La situation difficile du peuple hébreu dans le monde gréco-romain s’explique, selon nous, d’une manière plus rationnelle, plus équitable, plus vraie, par les causes que nous avons déjà indiquées (Introduction), par son fanatisme, ses mœurs bizarres, son isolement, sa cupidité. Nous ne voulons ni amoindrir ni contester le rôle de la Providence qui se manifeste, par la punition ou la récompense, aussi bien dans la destinée des nations que dans celle des individus; mais nous protestons contre ce qui nous parait injuste et superstitieux, que cela vienne de Philon ou d’un père de l’Église.

[63] Cette phrase est de nature à nous faire penser que les délations des Juifs ne furent peut-être pas étrangères à la chute de Séjan.

[64] Il y a ici, croyons-nous, une lacune. L’histoire des Juifs sous Tibère nous parait tronquée; Philon a dû vraisemblablement résumer à cet endroit l’histoire de la persécution de Séjan comme il a résumé plus haut la persécution de Flaccus. Cette lacune nous semble d’autant plus vraisemblable que nous allons tout à l’heure nous trouver à Rome avec les députés juifs, sans savoir comment et pourquoi nous y sommes. Il est donc à peu près certain que notre auteur racontait ici les événements qui motivèrent la députation des Alexandrins. C’est là que commence à proprement parler, l’histoire de la légation.

[65] « Caïus abusa insolemment de sa fortune au point de se croire dieu. » (Josèphe, Guer. jud., ii, 10.)

[66] Le grec dit plus énergiquement: L’athéisme égyptien,  Αἰγυπτιακῆς ἀθεότητης.

[67] L’expression grecque est plus vive: Nous remuons toute pierre.

[68] V. la note 45 dans Contre Flaccus, où nous avons discuté la question de chronologie que ce passage fait naître, et qui nous paraît très difficile à résoudre.

Toutefois il n’est pas impossible de supposer qu’il s’agit dans ce passage des provinces données à Agrippa après la disgrâce de son oncle Hérode, le tétrarque de Galilée; on peut donc en conclure à la rigueur que notre philosophe fait allusion à un nouveau voyage d’Agrippa. Les mots peu auparavant semblent confirmer cette supposition; en effet ce fut au commencement de l’année 38 que le prince juif se rendit pour la première fois en Syrie par Alexandrie, et nous sommes ici à la fin de l’année 40, c’est-à-dire à une distance d’environ trois ans de ce premier voyage. Cet intervalle, relativement considérable, s’accorde mal avec l’expression peu auparavant, qui conviendrait mieux aux événements survenus après la chute du tétrarque, et qui augmentèrent de deux provinces le royaume d’Agrippa, l’an 39, quelques mois seulement avant le départ de la légation des Juifs alexandrins.

[69] On croirait qu’il s’agit ici d’une première audience et que celle qui termine le récit de la Légation fut la seconde, puisque le témoignage de Josèphe, comparé à celui de Philon, autorise à croire qu’il y en eut deux; mais on ne peut s’arrêter à cette interprétation, car on lit quelques lignes plus bas que les députés juifs attendaient toujours que l’Empereur les reçût.

[70] Le P. Bernard de Montfaucon a cru pouvoir inférer de ce passage, contre toute vraisemblance, que Philon se dit simplement plus âgé que les autres députés ses collègues, et qu’il devait avoir à cette époque environ quarante ans.

[71] Caïus en effet revenait des Gaules: son absence avait duré près d’un an.

[72] Ici commence un long épisode qui suspend le récit des faits relatifs à la légation.

[73] Il s’agit du golfe de Naples, où se trouvent les sites les plus enchanteurs, et dont les bords, dès cette époque, étaient couverts de splendides habitations.

[74] Cette expression nous donne à entendre que les Alexandrins avaient mis à la voile au plus tard vers le mois de mars, et qu’ils attendaient en Italie depuis plus de quatre mois le retour de Caïus.

[75] L’auteur, dont la pensée aurait pu se formuler d’une façon plus claire, cherche à établir que l’intérêt particulier des Alexandrins, eût-il été différent de celui du peuple juif, devait le céder à ce dernier, mais qu’en réalité ces intérêts se confondaient.

[76] La défense des droits politiques des Alexandrins et le libre exercice de leur culte auquel on portait atteinte par la violation des proseuques.

[77] Tout d’abord on s’étonne que les événements de Judée et les ordres donnés par Caïus, le rassemblement des troupes, la marche de Petronius, ne viennent à la connaissance des députés alexandrins que vers le mois de septembre; l’affaire d’Iamnia devait remonter à plus de sept ou huit mois. Mais il faut faire attention que Philon et ses collègues ignoraient sans doute les suites possibles ou probables de cette affaire, les plaintes de Capiton et la vengeance que méditait Caïus; enfin il ne faut pas oublier qu’ils avaient quitté l’Orient avant le commencement du printemps, par conséquent avant l’époque où Petronius avait dû se mettre en campagne, après avoir appelé la moitié de l’armée d’Euphrate.

[78] Que ce soit ou non un préjugé, on voit que la réprobation qui pèse sur la profession des gens de théâtre n’est pas nouvelle. Ce qui nous paraît ici le plus curieux à constater, c’est que Philon s’exprime sur eux dans les termes qui serviront aux Pères de l’Église pour les flétrir et les excommunier. Il fallut, au xviie siècle, l’intervention du grand roi pour obtenir que Molière fût inhumé enterré sainte.

[79] « Étant devant une statue de Jupiter, Caïus demanda à un acteur tragique nommé Apelle qui, de Jupiter ou de lui, paraissait le plus grand homme. Comme l’acteur hésitait à répondre, il le fit fouetter: il trouva qu’il avait la voix belle dans les gémissements. Suétone (Vie de Caïus, xxxiii) Nous ne pouvons dire s’il s’agit ici du dernier supplice du comédien; mais il nous paraît certain que son hésitation n’était autre chose qu’un genre de flatterie qui ne fut pas goûté du maître.

[80] Ce passage prouve que la Légation a été écrite sous Claude.

[81] Philon remonte, sans nous en avertir, plus haut dans l’ordre du temps. Quand on cherche à se rendre compte des faits et de l’intervalle qui leur a été nécessaire pour se produire, on arrive à placer l’affaire d’Iamnia vers la fin de l’an 39. (V. l’Art de vérifier les dates, tome i, Chronologie du Nouveau Testament.) La lettre dont il est question en cet endroit fut donc écrite un mois ou deux après, et alors que Caïus était dans les Gaules.

[82] Tacite parle de ce Publius Petronius. (Annales, VI, 45.) — « C’est pourquoi il envoya Petronius avec une armée à Jérusalem, pour placer ses statues dans le temple, avec ordre de mettre à mort ceux qui voudraient s’opposer à cette dédicace, et d’emmener le reste de la nation en captivité... Petronius prit trois légions, un grand nombre de troupes auxiliaires en Syrie, et partit d’Antioche pour pénétrer en Judée... Il arriva à Ptolémaïs. » Josèphe, Guerre judaïque, liv. ii, 10.

[83] « Celui d’entre nous que vous interrogerez sur les lois vous les citera toutes aussi facilement qu’il vous dira son nom. Depuis l’âge où nous commençons à penser, nous les avons imprimées, pour ainsi dire, en caractères de feu, dans l’âme. Il est bien rare que ces lois soient transgressées: le coupable, du reste, est certain de ne pas rester impuni. » (Josèphe, Contre Apion. liv. ii.)

[84] La puissance même matérielle des Juifs dans l’empire romain était donc immense. Un soulèvement en Judée était chose plus redoutable que n’importe quelle guerre avec les barbares, car ce soulèvement mettait en danger la paix dans tout l’Empire.

[85] Quelques mois auparavant, le tétrarque Hérode avait perdu son gouvernement (la Trachonitide et la Galilée) pour avoir été accusé de connivence avec les Parthes, dont les invasions fréquentes ne laissaient guère de repos aux armées romaines.

[86] Ce n’est pas le seul exemple que nous ayons de l’exagération patriotique de Philon.

[87] On reconnaît à cette allusion que Philon se substitue aux personnages qu’il fait parler. Cette connaissance de la mythologie grecque n’est pas vraisemblable chez les Juifs de la Terre Sainte: le mépris qu’ils professaient pour la littérature et la philosophie du paganisme ne s’accordent pas avec le commentaire complaisant que notre historien met dans leur bouche.

[88] Le titre de Seigneur est ici attribué à Dieu; quelques lignes plus loin il est donné à Caïus.

[89] Le récit de Josèphe ne s’accorde pas avec celui de Philon. Sous le rapport de la vraisemblance, et malgré la pompe du style, nous préférons celui-ci.

Nous avons laissé Petronius à Ptolémaïs. Là, suivant Josèphe, les Juifs avec leurs femmes et leurs enfants s’assemblent autour de la ville et supplient le général romain de respecter leurs lois, d’épargner leur vie. Effrayé de leur nombre ou touché de leurs prières, Petronius laisse l’armée et les statues à Ptolémaïs et pénètre dans la Galilée jusqu’à Tibériade. Notons déjà deux points sur lesquels les deux écrivains ne sont pas d’accord selon Josèphe, il s’agit de plusieurs statues, et ces statues sont prêtes; selon Philon, il n’est question que d’une statue, et elle n’est point encore préparée. D’après l’historien, la scène que nous venons de lire eut lieu à Ptolémaïs, avant que Petronius eût essayé de fléchir les grands; d’après le philosophe, qui a dû être plus exactement renseigné, et qui nous présente un enchaînement de faits plus logique, cette scène populaire se passa en Phénicie, près du camp des Romains, et seulement après qu’on eut appris en Judée la tentative faite auprès des grands et la marche de Petronius.

Après les événements de Ptolémaïs, Josèphe raconte que le légat impérial laisse l’armée et les statues dans cette ville, s’avance en Judée et convoque le peuple et les grands à Tibériade. Il épuise auprès d’eux les instances et les menaces. La multitude s’écrie: « Nous sommes prêts à tout souffrir pour la lui. — Étés-vous prêts à porter les armes contre César? répond Petronius. — En l’honneur de César et du peuple romain, disent les Juifs, nous avons deux fois chaque jour immolé des victimes; mais si l’Empereur s’obstine dans sa résolution, il lui faudra immoler la nation entière. » L’admiration et la pitié s’emparent de Petronius et le laissent incertain du parti qu’il doit prendre.

Les motifs qui arrêtent le légat nous semblent plus sérieux dans Philon: c’est la crainte d’un soulèvement en Judée, l’inquiétude d’une attaque du côté de l’Orient, la conscience du fanatisme et du désespoir d’un peuple entier.

Philon, il est vrai, insinue plus loin que Petronius se laissa toucher par des sentiments de compassion et de justice, qu’il connaissait probablement la religion juive et avait pour elle du respect; mais notre philosophe ne néglige pas d’ajouter que le gouverneur consulta avant tout son conseil sur la conduite qu’il fallait tenir.

[90] Ce qui est dit ici de la conversion possible ou incomplète de Petronius au Judaïsme peut paraître suspect; cependant l’allégation n’est pas dépourvue de vraisemblance. Nous savons que, depuis plus d’un siècle, les relations des Romains avec la Judée étaient fort suivies. En rapprochant de ce passage l’histoire du centurion Cornelius, que les Actes nous présentent comme un prosélyte de la porte, nous nous trouvons autorisés à croire que, parmi beaucoup d’officiers des armées romaines, les livres juifs étaient connus, étudiés, goûtés, et qu’ils faisaient entre leurs mains le tour du monde. A la manière précise dont s’exprime Philon, on acquiert la certitude que les doctrines juives étaient alors très répandues dans toute l’Asie, que leur étude faisait partie de toute éducation soignée, même chez les Romains. M. Bonnetty (Annales de Philosophie chrétienne, 5e série, tom. ix et suivants) a développé cette opinion avec un grand talent d’érudition.

[91] Le récit de Josèphe présente ici des différences plus graves, et les motifs si détaillés, déduits avec tant de prudence et de logique, que Philon prête à Petronius, font ressortir l’invraisemblance de la narration de l’historien juif.

D’après Josèphe, Petronius, ébranlé déjà par les prières des Juifs, insiste pour les amener à la soumission; il allègue la colère de Caïus, et la nécessité où lui-même se trouve placé; il exagère les forces romaines: les Juifs persistent dans leur obstination. Il cède enfin à leur désespoir et embrasse ouvertement le parti de la nation rebelle. « Ou bien, s’écrie-t-il, j’apaiserai l’Empereur et je me sauverai avec vous, ou bien j’affronterai son courroux et donnerai ma vie avec joie pour cette multitude ! » Ce dénouement d’abord est incroyable; puis, en relisant le texte de la Légation, on se convaincra qu’un tel parti, au lieu de conjurer le péril, n’eût fait qu’aggraver et précipiter la vengeance de Caïus. Les détours habiles du gouverneur pouvaient seuls la retarder.

La différence des deux récits soulève une question de chronologie qui, d’après l’ensemble des faits, doit se résoudre en faveur de Philon. Selon Josèphe, Petronius eut peur que les Juifs ne fissent point leurs semailles cette année-là, car l’époque en était arrivée, et depuis cinquante jours ils avaient abandonné les travaux de toute sorte; c’est en partie pour conjurer le danger de cette famine qu’il recule devant la profanation du temple. Philon place les événements à l’époque de la moisson, ce qui est plus facile à admettre. En effet, ce serait vers les mois de juin et de juillet que Petronius aurait pénétré en Phénicie. Les nouvelles de son expédition durent parvenir environ deux mois après, c’est-à-dire en septembre, à Rome. Ceci concorde très exactement avec le témoignage de Suétone (Vie de Caïus, xlix), qui fait revenir Caïus à Rome à la fin du mois d’août, et les indications de Philon, qui nous apprend que, depuis plusieurs semaines sans doute, les députés d’Alexandrie sollicitaient une audience, quand survint la lettre de Petronius. Si, au contraire, on place les événements de Syrie, avec Josèphe, à l’époque des semailles, c’est-à-dire en novembre, on devra s’étonner d’abord que cette expédition fût commencée au moment où toutes les expéditions finissent; puis on verra que la nouvelle ne put en arriver à Rome avant le mois de janvier, dans lequel Caïus mourut; car l’historien juif ramène Petronius avec l’armée à Antioche, et c’est de cette ville que le légat écrit à Rome.

Quelle que soit d’ailleurs la date précise de la fin de celle campagne, on conviendra que le motif du général, qui se fait de la moisson, suivant notre philosophe, une excuse sérieuse devant l’Empereur, est plus admissible que le motif humanitaire dont Josèphe lui fait honneur, et qui place l’intérêt des Juifs avant le soin de sa propre justification.

Nous insistons sur ces détails, moins pour rabaisser Josèphe et relever la supériorité incontestable de notre auteur que pour montrer l’exactitude de Philon et son autorité en matière historique.

[92] Tacite, Annales, vi, 4.

[93] Agrippa vivait donc à la Cour, puisqu’il ignorait les événements de Syrie. Ce passage confirme la supposition que nous avons faite plus haut du secret qui devait couvrir les desseins et les ordres de l’Empereur.

[94] On est étonné de voir que Caïus connaît la démarche des Juifs auprès de Petronius, quand on a lu plus haut que le légat voulait surtout éviter de les mettre en cause, et se garantir du soupçon d’avoir cédé à leurs sollicitations. Peut-être cependant la lettre qu’il avait écrite contenait-elle quelque allusion à la scène de Phénicie et avait-elle éveillé la défiance de l’Empereur.

[95] Quelqu’un de vous est-il malade, qu’il appelle les anciens de l’Assemblée; ils prieront sur lui et le frotteront d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le soulagera, et, s’il a commis des fautes, elles lui seront remises. » (Épître de S. Jacques, v, 44, 45.) Ces onctions, qui ont donné naissance l’usage sacramentel de l’Église, étaient pratiquées en Orient, surtout chez les Juifs et les Égyptiens.

[96] Les verveines (verbenae, ἱκετητίαι), les branches d’olivier, de laurier ou de myrte étaient des rameaux sacrés que portaient les féciaux et les prêtres suppliants.

[97] Rapprochez cette énumération de celle des Actes des Apôtres (p. 42 et 43 de mon édition); elles se complètent et se confirment. Philon n’exagère rien, on peut même dire qu’il est modeste en cet endroit; il oublie les établissements de la Cyrénaïque et de l’Italie.

[98] Il y a là une extrême habileté: sous la supplication on sent la menace; l’humilité des termes laisse deviner le désespoir et fait craindre la révolte d’un peuple puisant.

[99] Flatterie adroite: Agrippa insinue qu’il y a deux catégories de dieux, le dieu suprême, invisible, le Jéhovah des Hébreux, les dieux sensibles, tels que Jupiter et Caïus.

[100] Thomas Mangey croit devoir, à cause de la suspension qu’il trouve dans cette phrase, signaler ici une lacune; nous ne partageons point cette opinion. Philon reprend quelques lignes plus loin et développe les trois exemples qu’il indique seulement dans ce passage.

[101] Caïus ne trouvait pas que M. Agrippa fût d’assez noble extraction, il ne souffrait pas qu’on lui rappelât, dit Suétone, qu’il descendait de ce personnage.

[102] Les fils d’Hérode eurent, du vivant de leur père, des gouvernements en Judée.

[103] Les Lagides et les Séleucides.

[104] En grec Σεβαστόπολις, Sévastopol.

[105] Ces détails sur le gouvernement de Pilate se rapportent, croyons-nous, à l’année 32 de notre ère; ils sont précieux, car on ne les trouve point dans Josèphe, et ils peuvent nous expliquer, ainsi que je l’ai dit, l’attitude du procurateur dans le procès de Jésus.

[106] C’est ainsi que chaque année le pape souhaite paix et prospérité Urbi et Orbi.

[107] Arnauld d’Andilly (Histoire des Juifs, tom. V, p. 538) veut qu’on lise ici Livie et non Julie. Des deux dames Romaines qui ont porté ce nom, la première, sœur de J. César, n’était pas bisaïeule de Caligula; la seconde était fille d’Auguste, mère d’Agrippine, et par conséquent aïeule et non bisaïeule du fils de Germanicus. Mais Tacite nous apprend (Annal., liv. i, 8) que Livie, devenue épouse d’Auguste, prit le nom de la famille Julia dans laquelle elle entrait, et le surnom d’Augusta.

[108] Quand on considère l’art parfait qui se révèle dans cette lettre, quand on réfléchit que Philon écrit l’histoire comme tous les anciens, et renferme dans les discours, sous une forme dramatisée, les développements propres à expliquer les faits et à dessiner les situations, on arrive à douter de l’authenticité absolue de la lettre d’Agrippa. Toutefois il n’est pas douteux que le roi ait écrit à Caïus pour le supplier d’épargner le temple; on peut supposer même que Philon a aidé le prince de ses conseils et de ses talents pour la rédaction de cette importante supplique; en tout cas, il est à peu près certain que notre auteur l’a connue. Ceci nous amène à conclure que si les termes de ce curieux document ne sont pas fidèlement rapportés par Philon, il en a du moins exprimé avec exactitude la pensée.

[109] Ce revirement ne nous est connu que par ce passage de la Légation; Josèphe n’en dit rien.

[110] Voyez la note 96 dans le Contre Flaccus.

[111] Il faut lire dans Suétone et Dion Cassius les manœuvres indignes dont il usa pour remplir le trésor épuisé par ses prodigalités: il confisqua, il assassina, il détroussa les, passants, il hérita. L’héritage était son moyen favori: celui qui le portait sur son testament devait mourir tôt, de gré ou de force; celui qui négligeait de le faire, courait le risque d’être accusé de manquer de zèle.

[112] Il nous semble que ce passage est une répétition assez lourde de ce qui a déjà été dit; ce désordre ne serait-il pas le signe d’une lacune?

[113] Épiphane, en grec, signifie illustre.

[114] Ici se termine l’épisode où se trouvent consignés les événements de Syrie; le récit des faits qui concernent la députation des Alexandrins est repris sans transition, sans que nous soyons avertis que l’audience sollicitée est accordées. La lacune ici nous semble certaine.

[115] Les Juifs considéraient comme une impiété que les chairs employées aux sacrifices fussent emportées par les assistants pour les manger dans leurs maisons, ou par les prêtres afin d’en trafiquer, ainsi que cela avait lieu chez les Grecs et les Romains.

[116] Les pierres spéculaires étaient des lames de sel gemme, pareilles à celles dont on se sert aujourd’hui dans la construction des vaisseaux de guerre pour remplacer le verre.

[117] L’auteur semble distinguer les Juifs des prosélytes, c’est-à-dire de ceux qui suivaient leur loi religieuse, sans être de leur race. Suétone et Tacite parlent aussi de ces prosélytes qui tombaient sous le coup des vexations dont les Hébreux étaient l’objet.

[118] Nous ignorons à quels personnages ces mots font allusion. Il est vraisemblable que les députés alexandrins avaient réussi à se créer un petit parti à Rome. Peut-être cette réticence cache-t-elle le nom d’Agrippa, qui jugeait prudent de ne pas mettre à de trop fréquentes épreuves l’affection de Caïus.

[119] Ceci nous permet de supposer qu’il y eut une seconde audience, celle dont Josèphe parle, où Apion se déchaîna contre les Israélites, qui furent chassés de la présence de l’Empereur sans avoir été entendus, sans que le vénérable Philon pût répondre. La Palinodie, que notre auteur mentionne dans la dernière ligne, faisait suite à la Légation et contenait le récit de ce qui se passa dans la seconde audience et du dénouement malheureux qu’elle eut pour les Juifs. Alexandre Lysimaque, l’alabarque, fut jeté en prison; les députés furent obligés de quitter Rome précipitamment. C’est dans la Palinodie que Josèphe a pris sans doute cette belle parole de Philon qui semble un pressentiment prophétique de la catastrophe prochaine: « Caïus a mis Dieu contre lui ! »

Pendant qu’on imprimait ce volume, nous avons trouvé, à la suite de la traduction qu’Arnauld d’Andilly a donnée de la Guerre Judaïque de Josèphe, une traduction de la Légation à Caïus. Elle est élégante, mais peu exacte; l’auteur, du reste, avoue qu’il a cru pouvoir abréger Philo