MAXIME DE TYR

 

DISSERTATIONS

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

MAXIME DE TYR

 

DISSERTATION XXXI.

Les meilleures occupations libérales sont celles dont les principes concordent avec les principes des bonnes mœurs (01).

Ὅτι οἱ σύμφωνοι τοῖς ἔργοις λόγοι ἄριστοι.

 

[1] Ἦλθεν εἰς Ἕλληνας ἐκ τῆς Σκυθῶν γῆς τῶν ἐκεῖ βαρβάρων ἀνὴρ σοφὸς σοφίαν οὐ πολυρρήμονα οὐδὲ λάλον· ἀλλ´ ἦν αὐτῆς τὸ κεφάλαιον βίος ἀκριβής, καὶ γνώμη ὑγιής, καὶ λόγος βραχύς, εὔστοχος, ἐοικὼς οὐ πελταστῇ μισθοφόρῳ, ἀπροοράτως θέοντι, ἀλλ´ ὁπλίτῃ βάδην ἰόντι καὶ κινουμένῳ ἀσφαλῶς. Ἐλθὼν δὲ Ἀθήναζε, ἐντυγχάνει αὐτόθι ὁπλίτῃ μὲν οὐδενί, πελτασταῖς δὲ πολλοῖς· καὶ τὸν μὲν τούτων δρόμον καὶ τὴν πτοίαν τοῦ παντὸς ἐδέησεν ὁ Ἀνάχαρσις ἐπαινέσαι. Περιῄει δὲ τὴν Ἑλλάδα ἐν κύκλῳ, ποθῶν ἰδεῖν σοφίαν στάσιμον καὶ ἑδραίαν. Καὶ εἰ μέν που καὶ ἄλλοθι ἐξεῦρεν, εἰπεῖν οὐκ ἔχω· εὗρε δ´ οὖν ἐν Χηναῖς, σμικρῷ καὶ ἀσθενεῖ πολίσματι, ἄνδρα ἀγαθόν· ὄνομα ἦν αὐτῷ Μύσων. Ἀγαθὸς δὲ ἦν ἄρα ὁ Μύσων οἶκον οἰκῆσαι καλῶς, καὶ γῆν τημελῆσαι δεξιῶς, καὶ γάμου προστῆναι σώφρονος, καὶ παῖδα ἐκθρέψαι γεννικῶς. Καὶ ἐξήρκεσεν τῷ Σκύθῃ ξένῳ μηκέτι σοφίαν ζητεῖν λαλιστέραν, παρόντων ἔργων, ἃ τότε ἀκριβῶς ἅπαντα διεσκόπει. Ἐπεὶ δὲ ἱκανῶς εἶχεν τῆς θέας, λέγει πρὸς αὐτὸν ὁ Χηνεὺς Μύσων· ’Διὰ ταῦτά τοι, ὦ Ἀνάχαρσι, καὶ σοφοὶ δοκοῦμεν, οὐκ οἶδα ὅπως, τοῖς ἀνθρώποις εἶναι· εἰ δὲ ἐγὼ σοφὸς ταῦτα ἐπιτηδεύων, ποῖ ποτε οἰχήσεται φερόμενον τὸ μὴ σοφόν;‘ Ἠγάσθη μάλα τοῦ Ἕλληνος ξένου ὁ Ἀνάχαρσις τὴν ἀφθονίαν τῶν ἔργων καὶ τὴν φειδὼ τῶν λόγων.

UN Barbare de la Scythie vint de ce pays-là en Grèce. C'était un sage, non de cette sagesse féconde en paroles et en bavardage. La sienne consistait principalement dans des mœurs régulières, et des opinions saines. Dans son langage, il était concis ; il allait droit à son but; semblable, non à cette soldatesque mercenaire, qui va son train étourdiment et sans précaution, mais à ces troupes qui ne s'avancent qu'avec lenteur, et ne se meuvent qu'après avoir calculé leur marche. Ce sage vint à Athènes. Il n’y rencontra personne de ce dernier caractère. Mais Anacharsis vit beaucoup d'étourdis, et ne trouva que sujets de blâme dans leur conduite et dans le défaut d'assiette de leur esprit (02). Il se mit à faire le tour de la Grèce, cherchant une sagesse stable et solide. La trouva-t-il ailleurs? Je n'en sais rien. Mais, dans une très petite ville nommée Chènes, il rencontra un homme de bien, appelé Myson. Or, ce Myson (03) avait toutes les qualités nécessaires pour bien administrer sa maison, pour cultiver ses champs avec intelligence, pour faire régner les bonnes mœurs dans son ménage, et pour donner une éducation libérale à ses enfants. Le Scythe, en hôte, n'en demanda pas davantage. Il ne chercha plus cette sagesse qui n'abonde qu'en vains discours, satisfait du tableau qu'il avait alors sous les yeux, et qu'il contemplait à son aise. Lorsqu'il en eut assez joui, Myson de Chènes lui dit : « Anacharsis, ce sont ces choses-là qui me donnent, auprès des hommes, je ne sais pourquoi, une réputation de sagesse. Mais, si j'obtiens le titre de sage pour me conduire ainsi, quelle sera donc la conduite de ceux auxquels ce titre sera refusé » ? Anacharsis ne se lassait point d'admirer, chez son hôte Grec, l'activité domestique et la sobriété de discours.

[2] Ἦσαν δέ που καὶ οἱ Πυθαγόρου λόγοι ἐοικότες τοῖς νόμοις, βραχεῖς καὶ ἐπίτομοι· τὰ δὲ ἔργα μακρὰ καὶ διηνεκῆ, καὶ νύκτωρ καὶ μεθ´ ἡμέραν μηδαμοῦ τὴν ψυχὴν ἀνιέντα, μηδὲ εἰς ῥᾳθυμίαν χαλῶντα. Ὥσπερ γὰρ ἐν ταῖς τῶν μελῶν ἁρμονίαις τὸ παραλειφθέν, κἂν σμικρὸν ᾖ, διαλύει τὸν κόσμον τοῦ μέλους, οὕτω κἀν τῇ τοῦ βίου ἁρμονίᾳ, εἴπερ μὴ ἐκμελὴς ἡμῖν ἔσται μηδὲ εἰκῇ διαπεραινόμενος, ὁμολογίαν εἶναι δεῖ ἔργου καὶ λόγου· καὶ μήτε τὰ ἔργα εἰς ἀφάνειαν κομιδῇ ξυνεληλάσθαι, μήτε τοὺς λόγους ὑπὲρ τὰ ἔργα χωρεῖν, ὥσπερ ἐξ ἀγγείου στενοῦ ἀποχεομένους, ἀλλ´ ἑκάτερα ἑκατέροις συντεταγμένοις ἰσομέτρητά τε καὶ ἰσοχειλῆ εἶναι. Ὅστις οὖν τῆς ἁρμονίας ταύτης ἐρᾷ, καὶ ἐθέλει ἠχεῖν τὸν τῶν ἔργων φθόγγον, οὗτος ἄν ποτε ἐπ´ εὐγλωττίᾳ σεμνύνοιτο; πολλοῦ μοι δοκεῖ δεῖν. Οὐδὲ γὰρ τοὺς ταώς, ἡδίστους ὄντας ὀρνίθων ἰδεῖν, μακαρίσαι ἄν τις τοῦ κάλλους οὐδὲν αὐτοῖς εἰς εὐπτησίαν συντελοῦντος, ἥπέρ ἐστιν ὀρνίθων ῥώμη. Καὶ τῶν ἀηδόνων τῆς ᾠδῆς, ὅσα μὲν ἐς ἡδονὴν ἀκοῆς, ἀποδεχόμεθα· τὸ δὲ ἡμῖν τερπνὸν ἀσύμβολον ἐκείναις εἰς σωτηρίαν

II. Le langage des disciples de Pythagore était semblable à celui des lois, court et succinct. D'ailleurs, leur activité se soutenait longtemps, presque sans relâche. Nuit et jour, ils tenaient leur âme en haleine, sans lui permettre un seul instant de paresse ou d'oisiveté. De même que dans une pièce de musique, la plus légère omission en fait disparaître la beauté, et en détruit l'harmonie ; de même, dans le cours de la vie, qui doit avoir son harmonie et son ensemble, si l'on ne veut point que cet ensemble et cette harmonie soient rompus, si l'on ne veut point avoir parcouru une carrière inutile, il doit exister de l'accord entre les actions et les discours. Il ne faut ni condamner ses actions à une obscurité complète, ni que les discours débordent au-dessus des actions, comme un fluide au-dessus des bords d'un vase trop étroit pour le contenir (04). Mais les uns et les autres doivent être subordonnés à une égalité de mesure et de proportion. Celui donc qui aime un semblable accord, et qui désire faire du bruit par le récit de ses actions, sera-t-il jamais honorablement considéré pour son bien dire (05) ? Tant s'en faut, à mon avis. Car personne ne s'avisera de faire consister le bonheur du paon, (celui des oiseaux le plus agréable à voir) dans la beauté de son plumage, qui ne contribue point à lui donner ce qui fait le mérite des oiseaux (06), un vol agile. Nous admirons aussi le chant du rossignol, sous le rapport de l'oreille. Mais ce ramage, qui fait notre charme, ne lui est d'aucune ressource dans le danger.

[3] Αἰετοῦ κλάγξαντος, ἢ λέοντος βρυχησαμένου, γνωρίσαι ἄν τις τῷ λυπηρῷ τῆς ἀκοῆς τὴν ῥώμην τοῦ φθεγγομένου. Εἰ δὲ μὴ φαυλότερον ἦχος ἀνδρὸς μηδὲ ἀσθενέστερον ἐλέγξαι τὸ τοῦ λέοντος ἦθος βρυχηθμοῦ λέοντος καὶ αἰετῶν κλαγγῆς, ἆρα οὐκ ἄξιον ἐκθηρᾶσθαι τῇ ἀκοῇ, πότερον ἀηδὼν τὸ φθεγγόμενον, γλῶττα δειλὴ καὶ ᾠδὴ ἐφήμερος, ἢ αἰετός, ἤ τι ἄλλο ζῷον ἄρρεν καὶ θυμοῦ μεστόν; Ἀλλ´ ὁ μὲν Ζώπυρος ἐκεῖνος δεινὸς ἦν τῇ προσβολῇ τῶν ὀφθαλμῶν, τοῖς τοῦ σώματος τύποις ἐντυγχάνων, γνωρίζειν τὸ ἦθος, καὶ καταμαντεύεσθαι τῆς ψυχῆς διὰ τῶν ὁρωμένων, μαντείαν ἀσαφῆ· τίς γὰρ ἐπιμιξία πρὸς ὁμοιότητα ψυχῆς καὶ σώματος; Εἰ δ´ ἐστὶ μαντείαν ἐπὶ ψυχῇ θέσθαι οὐ διὰ ἀμυδρῶν οὐδὲ ἀσθενῶν συμβόλων, τοῖς μὲν ὀφθαλμοῖς παραχωρητέον τὴν χρωμάτων τε καὶ σχημάτων καὶ τῆς ἐν τούτοις ἡδονῆς καὶ ἀηδίας ὁμιλίαν, τῇ δὲ ἀκοῇ ἐξιχνευτέον τὸ τῆς ψυχῆς ἦθος, οὐ κατὰ τοὺς τῶν πολλῶν λογισμοὺς ἀπόχρη πρὸς ἔπαινον λόγου γλῶττα εὔστοχος, ἢ ὀνομάτων δρόμος, ἢ ῥήματα Ἀττικά, ἢ περίοδοι εὐκαμπεῖς, ἢ ἁρμονία ὑγρά· τὰ δ´ ἐστὶν πάντα, κατὰ τὸν ἐν Διονύσου ποιητήν, ἐπιφυλλίδες, - - - καὶ στωμύλματα, χελιδόνων μουσεῖα, λωβηταὶ τέχνης.

III. Lorsqu'on entend le cri de l'aigle, ou le rugissement du lion, on distingue, par l'impression de l'ouïe, la force de l'animal qui l'a produit. Mais, si les discours des hommes ne sont pas moins propres à faire apprécier celui qui les tient, que ne le sont le cri de l'aigle et le rugissement du lion, à l'égard de ces animaux, n'est-ce pas la peine de rechercher, à l'aide de l'ouïe, si ce qui la frappe, émane ou du rossignol, au gosier faible et éphémère (07), ou de l'aigle, ou de tout autre animal robuste et plein de vigueur? Cependant ce Zopire, dont on parle (08), avait le talent de connaître la moralité des individus, en jetant seulement les yeux sur les empreintes extérieures du corps (09); et il tirait, d'après ce qu'il voyait, l'horoscope de l'âme, d'ailleurs incertain. Car, qu'y a-t-il de commun entre le corps et l'âme, sous le rapport d'une pareille identité (10) ? Mais, s'il est possible de fonder des pronostics, à cet égard, sur des signes solides et exempte d'obscurité, il faut abandonner aux yeux tout ce qui regarde les rapports des couleurs, des formes, des plaisirs ou des déplaisirs qui en proviennent ; et chercher, dans ce qui est du ressort des oreilles, les éléments de la connaissance du cœur humain ; bien entendu que ce ne sera point d'après les principes vulgaires, qui n'exigent dans celui qui parle, pour en faire l'éloge, qu'une langue bien pendue, de la volubilité, l'accent attique (11), des périodes bien arrondies, et une harmonie constante; toutes choses qui, selon un poète, dans une de ses pièces en l'honneur des fêtes de Bacchus, ne sont que du grapillon, du babil, du gazouillis d'hirondelle, la honte de l'art (12).

[4] ’Ποῖον οὖν ἐστιν τὸ ἐν λόγοις καλόν;‘ φαίη ἄν τις. Μήπω μέν, ὦ τάν, ἔρῃ· ὄψει γὰρ αὐτὸ ὄν, ἐπειδὰν ἰδεῖν δυνηθῇς. Οὐδὲ γὰρ τῷ Κιμμερίῳ διηγήσασθαι δύναταί τις τὸ τοῦ ἡλίου κάλλος, οὐδὲ τῷ ἠπειρώτῃ τὴν θάλατταν, οὐδ´ Ἐπικούρῳ τὸν θεόν· οὐ γὰρ δι´ ἀγγέλων ἡ ἱστορία ἔρχεται, ἀλλ´ ἐπιστήμης πρὸς ταῦτα δεῖ· μέχρι δὲ ἀπιστεῖ τὸ εἰδέναι, ἀνάγκη πλανᾶσθαι καὶ τὰς κρίσεις. Καὶ γὰρ τῶν ἐκ γῆς φυομένων παντοδαπὸς μὲν θεατὴς ὁδοιπόρος, ὁ δὲ γεωργός, ὑγιής· ὁ μὲν ἄνθος ἐπαινεῖ φυτῷ, ὁ δὲ μέγεθος, ἢ σκιάν, ὁ δὲ χρόαν· τῷ δὲ γεωργῷ ὁ καρπὸς τὸν ἔπαινον μετὰ τῆς χρείας ἔχει. Εἰ μὲν δή τις καθ´ ὁδοιπόρον πλησιάζει τῷ λόγῳ, οὐ νεμεσῶ τῆς ἡδονῆς παρατρέχοντι ἐπαινεῖν· εἰ δὲ κατὰ τοὺς γεωργοὺς τάττεται, οὐκ ἀνέχομαι τῶν ἐπαίνων, πρὶν ἄν μοι καὶ τὴν χρείαν τῶν ἐπαινουμένων φράσῃ.

IV. En quoi consiste donc le Beau, dans le discours ? Quelqu'un me répondra-t-il : « Ne me le demande point encore. Tu le verras, quand tu pourras. Car le moyen de donner au Cimmérien (13) une idée de la beauté du soleil; à celui qui ne s'est jamais embarqué, l'idée d'une tempête sur mer ; à Epicure, l'idée de Dieu? La science de semblables choses, tu ne l'acquerras point par une simple narration de la bouche d'un autre. Il faut pouvoir y mettre du tien. Tant que cette ressource te manquera, ton jugement errera, nécessairement, dans l'incertitude et le vague ». Tandis, que le voyageur contemple sous divers rapports les productions de la Nature, l'agriculteur les apprécie sous leur véritable point de vue. Le premier loue tantôt la fleur des plantes, tantôt leur taille, tantôt leur ombrage, tantôt leur couleur ; l'agriculteur en loue l'utilité et le fruit qu'on en retire. Si donc quelqu'un ne donne à un discours qu'il entend que la même mesure et le même genre d'attention que donne un voyageur aux plantes qu'il rencontre sar son chemin, à Dieu ne plaise que je trouve mauvais le plaisir qu'il éprouve à en faire l'éloge. Mais, s'il se conduit en pareille matière, comme l'agriculteur envers les plantes, je n'admettrai ses éloges que lorsqu'il m'aura montré et développé l'usage que l'on peut faire de ne qu'il loue.

[25,5] Λέγε, τίνας εἶδες καρποὺς ἐν τῷ λόγῳ; τίνας ἔλαβες; πῶς ἔχοντας; ἐπειράθης, ἐξήτασας, εἰ τελεσιουργοὶ καὶ γόνιμοι ἑτέρων καρπῶν; ἐξέφυσέ τι σοι ἡ ψυχὴ ἀπ´ αὐτῶν χρηστὸν καὶ ἔγκαρπον; Ἢ ’ὄγχνη μὲν ἐπὶ ὄγχνῃ γηράσκει,‘ καὶ ’ἐπὶ μήλῳ μῆλον, καὶ σταφυλὴ σταφυλῇ‘ ἐπιφύεται, καὶ ’σῦκον σύκῳ·‘ λόγου δὲ ἄρα ἐφήμερος μὲν ἡ γένεσις, ἄσπερμος δὲ ὁ καρπός, καὶ οὐ τρόφιμος, οὐδὲ ἀνακιρνάμενος τῇ ψυχῇ, ἀλλά τέ μιν καθύπερθεν ἐπιρρεῖ, ἠΰτ´ ἔλαιον; Ταύτην μοι διήγησαι τὴν γεωργίαν, τοὺς δὲ ἐπαίνους ἔα. Ἐὰν γὰρ ἀφέλῃς αὐτῶν τὴν χρείαν, ὑποπτεύω τὴν αἰτίαν, καὶ τὸν ἐπαινέτην ἐλεῶ, καὶ τὸν ἔπαινον μέμφομαι. Τοῦτον τὸν ἔπαινον φθέγγεται τὰ μέλη τῆς ψυχῆς, τὰ ἀκόλαστα, τὰ κρίνειν ἀσθενῆ, τὰ ἀπατᾶσθαι πεφυκότα· οὐ νέμεσις Τρῶας καὶ εὐκνήμιδας Ἀχαιοὺς τοιῇδ´ ἀμφὶ γυναικὶ πολὺν χρόνον ἄλγεα πάσχειν. Ὁρᾷς τοῦ ἐπαίνου τὴν μοχθηρίαν, ἀντικαταλλασσομένου γύναιον μανὲν καὶ τὴν ἀπ´ αὐτοῦ ἡδονήν, Ἑλληνικῶν καὶ Τρωϊκῶν κακῶν; Ἔστι κἀνταῦθα ἐπαινέτης τοιοῦτος, ἐπειδάν τις ἐντυχὼν ἀκολάστῳ λόγῳ, τὸ μὲν ἀπατηλὸν αὐτοῦ μὴ γνωρίσῃ, τὸ δὲ ἡδὺ στέρξῃ, κατὰ βραχὺ ὑποφερόμενος ταῖς καθ´ ἡμέραν ἡδοναῖς ἀψοφητί, ὥσπερ τῶν πλεόντων οἱ πνευμάτων μὲν ἐξ οὐρίας πρὸς τὸν ἀληθῆ δρόμον οὐ τυχόντες, ῥεύματι δὲ γαληνῷ δι´ ἀκυμάντου τῆς θαλάττης εἰς ἠϊόνας ἐρήμους ἢ ῥαχίας δυσχερεῖς ἐκπεπτωκότες· μετὰ τοῦτο προσηνέχθη λαθὼν ἀμαθίᾳ, καὶ μετὰ τοῦτο φιληδονίας πάσης ἠϊόνος ἐρημοτέροις χωρίοις, καὶ πάσης ῥαχίας δυσχερεστέροις, ἀγαπῶν τὴν πλάνην καὶ χαίρων τῇ ψυχαγωγίᾳ· ὥσπερ οἱ πυρέττοντες, ἐμπιπλάμενοι ποτοῦ καὶ σιτίων παρὰ τοὺς τῆς τέχνης νόμους· παρατιθέντες γὰρ κακὸν κακῷ, νόσῳ πόνους, αἱροῦνται ἡδόμενοι νοσεῖν μᾶλλον, ἢ πονοῦντες ὑγιασθῆναι. Καί τις ἤδη ἰατρὸς εὐμήχανος ἀνεκέρασεν βραχεῖαν ἡδονὴν τῷ ἀλγεινῷ τῆς ἰάσεως· ποριστὴς δὲ ἡδονῆς, καὶ παντοίας ἡδονῆς, οὔτε ὁ Ἀσκληπιός, οὔτε οἱ Ἀσκληπιάδαι, ἀλλ´ ὀψοποιῶν τὸ ἔργον. Οὐδὲν δὲ σεμνότερον ἀκόλαστος λόγος τῶν τῆς γαστρὸς κολακευμάτων· ἐὰν γὰρ τούτου ἀφέλῃς μὲν τὸ ὠφελοῦν, τερπνὸν δὲ προσθῇς, ἰταμὸν καὶ ἄκρατον ἰσοτιμίαν καὶ ἰσηγορίαν χειροτονεῖς λόγου πρὸς τὰ αἰσχρὰ πάντα, ὅσα δι´ αἰσθήσεων ἐπὶ ψυχὴν ἔρχεται, ὑφ´ ἡδονῆς παραπεμπόμενα.

V. Répondez; quels fruits avez-vous distingués dans les choses qui sont du ressort du discours? Quels fruits en avez-vous recueillis? En quoi consistent-ils ? Les avez-vous mis à l'épreuve ? Avez-vous recherché s'ils ont la maturité nécessaire, s'ils sont capables de produire d'autres fruits ? Votre âme y a-t-elle gagné quelque chose d'utile et de profitable ? Quoi donc (14) ! La poire mûrira, à côté de la poire qui fleurit, la pomme atteindra sa maturité, à côté de la pomme en fleur; il en sera de même du raisin, à côté du raisin, de la figue, à côté de la figue (15) ; et les choses qui sont du ressort du discours, n'auront qu'une existence éphémère;, leurs fruits n'auront ni germe, ni substance nourricière ; ils ne seront point appropriés à l'âme, « mais ils glisseront par-dessus comme de l'huile (16) » ! Parlez-moi de ce genre d'agriculture, et laissez-là vos éloges. Car il n'y a nulle utilité dans ce qui en fait la matière; la cause m'en devient suspecte ; celui qui les donne m'inspire de la commisération ; et je les condamne comme répréhensibles. De pareils éloges sont le langage ordinaire de ces parties de l'âme (17), livrées à l'intempérance; incapables d'un jugement sain; jouet naturel des illusions : « Il est dans l'ordre que les Troyens et les Grecs éprouvent de longs malheurs pour une semblable femme (18) ». Vous voyez par où pèche un pareil éloge, qui met en balance une femme adultère (19) seule, et la volupté qu'on peut trouver auprès d'elle, avec les malheurs des Grecs et des Troyens. C'est également par-là que pèchent les éloges de ceux qui, entendant des choses contraires aux bonnes mœurs, n'aperçoivent point ce qu'elles ont de fallacieux (20), se passionnent pour ce qu'elles ont d'agréable, et se laissent, bientôt entraîner, sans qu'ils s'en doutent, par des impressions quotidiennes : semblables à des navigateurs, qui, n'ayant point un vent favorable, pour les conduire à leur véritable destination, abandonnés aux tranquilles courants d'une mer calme, sont jetés sur des plages désertes, ou contre des rochers dangereux. De là, ils sont insensiblement amenés par l'ignorance, et ultérieurement par l'amour de la volupté (choses bien plus désertes que toutes les plages, et bien plus dangereuses que tous les rochers) à aimer leur erreur, et à se complaire dans les séductions dont leur âme est la dupe; à l'exemple des fébricitants, qui mangent et boivent, contre les règles de la médecine; et qui, quoiqu'ils aggravent ainsi leurs souffrances et leur maladie, aiment mieux rester malades sans rien refuser à leur appétit, que recouvrer leur santé par les privations et par l'abstinence (21). Il est néanmoins d'adroits médecins, qui savent ménager à leurs malades quelques courtes jouissances, au milieu même de l'âpreté des médicaments. Mais ce ne seront ni Esculape, ni ses disciples, qui dispenseront les voluptés de la table, et toutes celles du même genre. C'est l'affaire des cuisiniers. Or, en matière de discours, les principes contraires aux bonnes mœurs ne sont pas plus recommandâmes, que ne le sont les saveurs les plus propres à flatterie palais et le goût (22). Car, si l'on retranche ce qui est utile en cette matière, et qu'on ne s'attache qu'à l'agrément, c'est tomber dans le grave inconvénient de donner une égale liberté, d'assurer une égale considération, aux principes du désordre et de la licence, qui, transmis par la volupté, pénètrent dans l'âme par les sens (23).

[6] Ἀλλὰ τοὺς μὲν ὀψοποιοὺς τούτους τοῖς συμποσίοις ἐῶμεν, καὶ γαστρὸς καὶ ἀκοῆς ὑπηρέτας πονηρούς· ἡμῖν δὲ δεῖ λόγου ὀρθοῦ καὶ διανεστηκότος, μέγα βοῶντος, καὶ τὰς ψυχὰς αὑτῷ συνεπαίροντος ὑπὲρ τὴν γῆν ἄνω, καὶ ὅσα περὶ γῆν παθήματα ἡδονῶν καὶ ἐπιθυμημάτων, καὶ φιλοτιμιῶν, καὶ ἐρώτων, καὶ ὀργῆς καὶ λύπης καὶ μέθης ἐχόμενα· ὧν συμπάντων κρείττονα χρὴ γενέσθαι τὸν τῷ φιλοσόφῳ λόγῳ συνανιστάμενον ῥήτορα ἀληθῆ, οὐκ ἀργόν, οὐδὲ ἐκλελυμένον, οὐδ´ ἐπίχριστον κατὰ τὴν τέχνην, οὐδὲ ἐν δικαστηρίῳ μόνον ἐν ἀμφιβόλῳ ἐπικουρίᾳ τεταγμένον· ἀλλὰ πανταχοῦ καὶ ἐν ἅπαντι ἐξεταζόμενον, ἐν μὲν ἐκκλησίαις σύμβουλον φρόνιμον, ἐν δὲ δικαστηρίοις ἀγωνιστὴν δίκαιον, ἐν δὲ πανηγύρεσιν ἀγωνιστὴν σώφρονα, ἐν δὲ παιδείᾳ διδάσκαλον ἐπιστήμονα· οὐ περὶ Θεμιστοκλέους μόνον τοῦ μηκέτι ὄντος, οὐδ´ ἐν Ἀθηναίοις τοῖς τότε, οὐδ´ ὑπὲρ ἀριστέως τοῦ μηδαμοῦ, οὐδὲ κατὰ μοιχοῦ λέγοντα μοιχὸν ὄντα, οὐδὲ κατὰ ὑβριστοῦ ὑβριστὴν ὄντα· ἀλλ´ ἀπηλλαγμένον τῶν παθῶν τούτων, ἵνα γένηται κατήγορος ἀδικημάτων ἀληθής. Τοιοῦτος ἐξ ἀγαθῆς παλαίστρας ἀγωνιστὴς γίγνεται, λόγων μεστὸς ἀκολακεύτων, καὶ ἠσκημένων ὑγιῶς, καὶ δυναμένων ἄγειν πειθοῖ καὶ βίᾳ ἐκπληκτικῇ τὸ πλησιάζον πᾶν.

VI. Mais abandonnons aux jouissances de la table et de la sensualité, ces serviteurs perfides des plus grossiers appétits (24). Il nous faut, à nous, un genre de discours élevé, mâle, énergique, qui transporte avec lui l'âme dans les régions supérieures, au-dessus de la terre, et de toutes les impressions qu'elle y reçoit de volupté, de désir, d'ambition, d'amour, de colère, de douleur et d'ignorance (25); toutes choses, auxquels doit se rendre inaccessible le véritable orateur, qui ne professe que le langage de la philosophie, qui est ennemi de l'inertie, de la pusillanimité (26), de l'enluminure oratoire, et qui ne se borne point à défendre devant les tribunaux des causes douteuses ; mais qui, mis à contribution dans toutes les circonstances, se montre plein de prudence, dans les délibérations politiques ; se constitue l'avocat du bon droit, devant les cours de justice; s'entoure de décence et de dignité dans les assemblées solennelles (27); se fait juger habile maître, en présence de ses disciples. Il ne parle, ni de Thémistocle qui n'est pins, ni des Athéniens d'autrefois, ni d'un grand capitaine qui n'exista jamais. Adultère, il ne déclame point contre les adultères. Impudique, il n'invective point contre l'impudicité. Il s'affranchit de ces passions, afin d'accuser le vice avec le langage de la vérité. Tel est l'athlète, formé dans l'arène de la vertu. L'adulation n'infecte point ses discours. Ils sont basés sur des principes sains, et capables d'entraîner, par la force de la persuasion, tous ceux dont ils frappent les oreilles.

[25,7] Εἰ δὲ καὶ ἡδονῆς πρὸς τὴν ἀγωγὴν ταύτην δεησόμεθα καὶ τυράννου, δότω μοι τὶς ἡδονήν, οἵαν καὶ ἐπὶ σάλπιγγος ἁρμονίᾳ ἐν μέσοις τοῖς ὁπλίταις τεταγμένῃ, καὶ ἐξορμώσῃ τὰς ψυχὰς τῷ μέλει· τοιαύτης δέομαι ἡδονῆς λόγου, ἣ φυλάξει μὲν αὐτοῦ τὸ μέγεθος, οὐ προσθήσει δὲ τὴν αἰσχύνην· τοιαύτης δέομαι ἡδονῆς, ἣν οὐκ ἀπαξιώσει ἡ ἀρετὴ ὀπαδὸν αὐτῇ γίνεσθαι. Ἀνάγκη γὰρ παντὶ τῷ φύσει καλῷ συντετάχθαι χάριτας, καὶ ὥραν, καὶ πόθον, καὶ εὐφροσύνην, καὶ πάντα δὴ τὰ τερπνὰ ὀνόματα. Οὕτω καὶ ὁ οὐρανὸς οὐ καλὸς μόνον, ἀλλὰ καὶ ἥδιστον θεαμάτων, καὶ θάλαττα πλεομένη, καὶ λήϊα καρποτρόφα, καὶ ὄρη δενδροτρόφα, καὶ λειμῶνες ἀνθοῦντες, καὶ νάματα ῥέοντα. Ἥδιστον ἦν θέαμα ὁ Ἀχιλλεύς, (πῶς δὲ οὐκ ἔμελλεν;) οὐ διὰ τὴν ξάνθην κόμην· καὶ γὰρ ὁ Εὔφορβος εὐκόμης ἦν, τῷ δὲ Ἀχιλλεῖ τὸ καλὸν ἥδιστον ἦν ὑπὸ τῆς ἀρετῆς ἐξαπτόμενον. Ἥδιστον μὲν ἐν ποταμοῖς θέαμα ὁ Νεῖλος· ἀλλ´ οὐ δι´ ἀφθονίαν ὕδατος, καὶ γὰρ ὁ Ἴστρος εὔνεως· ἀλλὰ ὁ Ἴστρος οὐ γόνιμος, ὁ δὲ Νεῖλος γόνιμος. Ἥδιστον θέαμα ὁ Νεῖλος, ἀλλ´ οὐ τολμῶ παραπεμψάμενος τὴν ἀρετὴν τοῦ θεοῦ ἡδονὴν αὐτῶ ἐπιφημίσαι. Ἐγὼ καὶ τῶν Φειδίου ἀγαλμάτων αἰσθάνομαι μὲν τῆς ἡδονῆς, ἐπαινῶ δὲ τὴν τέχνην· καὶ τῆς Ὁμήρου ᾠδῆς συνίημι μὲν τῆς ἡδονῆς, ἀλλ´ ἐκ τῶν σεμνοτέρων αὐτὴν ἐπαινῶ. Ἀλλ´ οὐδὲ τὸν Ἡρακλέα ἔγωγε ἡγοῦμαι ἄγευστον καὶ ἀμέτοχον ἡδονῆς διαβιῶναι· οὐ πείθομαι παντάπασι τῷ Προδίκῳ· ἀλλ´ εἰσὶν γὰρ καὶ ἀνδρὸς ἡδοναὶ παραμυθούμεναι τοὺς δι´ ἀρετῆς πόνους, οὐ διὰ σαρκῶν, οὐδέ γε δι´ αἰσθήσεων ἐπίρρυτοι, ἀλλ´ αὐτοφυεῖς τινες καὶ ἔνδοθεν διανιστάμεναι, ἐθιζομένης τῆς ψυχῆς χαίρειν τοῖς καλοῖς καὶ ἔργοις καὶ ἐπιτηδεύμασιν καὶ λόγοις. Οὕτω καὶ ὁ Ἡρακλῆς ἔχαιρεν ἐπὶ τὸ πῦρ ἰών· καὶ Σωκράτης ἔχαιρεν ἐν τῷ δεσμωτηρίῳ μένων καὶ πειθόμενος τῷ νόμῳ. Παραβάλλωμεν τὴν Σωκράτους κύλικα ἐκείνην τῇ Ἀλκιβιάδου· πότερος αὐτῶν ἔπινεν ἀλυπότερον; Ἀλκιβιάδης τὸν οἶνον; ἢ τὸ φάρμακον Σωκράτης;

VII. Si, d'ailleurs, pour obtenir de semblables résultats, nous avons besoin de la volupté pour auxiliaire; que ce soit une volupté à la Tyrtée (28), telle que celle d'une trompette qui fait retentir les accords de l'harmonie au milieu des bataillons, et qui excite les courages. Nous avons besoin d'une volupté, qui soit de nature à se concilier avec la majesté du discours, et qui ne le dégrade point ; d'une volupté, dont la vertu ne dédaigne point de faire sa compagne d'armes. Tout ce qui est beau de sa nature, doit avoir toujours pour cortège les Grâces, les charmes, les agréments, l'hilarité, et tous les attributs de ce genre. C'est ainsi que le firmament n'est pas seulement beau, mais qu'il est encore le plus beau des spectacles, de même qu'une mer couverte de vaisseaux, de même que des champs couverts de moissons, de même que des montagnes couvertes de bois, de même que des prés remplis de fleurs, et des ruisseaux qui roulent leur crystal. Achille aussi était une des plus belles choses à voir, (et comment en eût-il été autrement?) non à cause du blond de sa chevelure; car le jeune Euphorbe était aussi blond que lui. Mais ce qui donnait un si grand éclat à la beauté d'Achille, c'était l'éclat de ses talents guerriers. Le Nil aussi est un des fleuves les plus beaux à voir. Mais ce n'est point à cause de son volume d'eau, car il y en a un pareil dans le Danube. C'est que le Danube n'offre point, comme le Nil, l'image de la fécondité. Le Nil est une des plus belles choses.... Mais comment oser ne pas faire attention qu'il est un Dieu (29), et oser mêler à sa renommée des rapports de volupté ? Sans doute, à l'aspect des statues de Phidias, j'éprouve une sensation de volupté; et je loue l'artiste. J'en éprouve une aussi, à la lecture des ouvrages d'Homère, mais je ne loue le statuaire et le poète que sous les rapports de recommandation qui leur appartiennent. Je ne pense pas qu'Hercule même ait vécu sans jouir, sans goûter de quelque volupté et je n'en crois pas Prodicus (30) en tout point. Car il est pour l'homme des voluptés faites pour le délasser des travaux que lui coûte la vertu ; non des voluptés qui tiennent au corps et aux sens, mais des voluptés dont le germe naît avec nous, dont le siège est au- dedans de nous; celles qu'éprouve l'âme lorsqu'elle est accoutumée à savourer le Beau, dans les actions, dans les occupations libérales, dans les discours. Tel Hercule marchait au bûcher. Tel Socrate restait dans sa prison, décidé à subir son jugement (31), et à boire la ciguë (32). Comparons cette coupe de Socrate à celle d'Alcibiade (33). Lequel des deux but avec plus de gaîté de cœur, ou Alcibiade son vin, ou Socrate son poison?

 

 

NOTES.

(01) Aucun des interprètes latins n'a rendu le vrai sens du titre de cette Dissertation. Pacci a traduit, Sermones optimos esse qui operibus consonent. Heinsius n'a fait que copier Pacci, Solos sermones qui operibus respondent, esse optimos. La matière, que Maxime de Tyr a spécialement traitée dans cette Dissertation, aurait dû leur faire sentir que le mot λόγος, ne pourrait pas être rendu, ici, par sermones y qu'il fallait donner à ce terme une autre acception, celle que j'ai préférée, et qu'indiquent tous les lexiques : Studia litterarum, et disciplinae liberales : témoin Saint-Grégoire, ὁς ἀμφὶ τοὺς λόγους, litterati homines; témoin Hérodote, ὁς ἐπὶ λόγοις εὐδόκρμος, homines insigni doctrina praediti.

(02) Un des Annotateurs Anglais relève, ici, une erreur de Maxime de Tyr. Aurait-il, en effet, ignoré qu'Anacharsis vit Solon à Athènes, qu’il passa quelque temps, qu'il eut quelques conversations avec lui ? Témoin cette particularité connue de tout le monde, qu'étant un jour entré chez Solon, et l'ayant trouvé occupé à rédiger une de ses lois, Anacharsis lui demanda, en riant, s'il croyait sérieusement pouvoir, avec quelques lignes de son écriture, mettre un frein aux passions de ses Concitoyens. Il est étonnant que notre auteur n'ait point eu connaissance de ce trait précieux qui nous a été transmis par Diogène Laërce dans son premier livre chapitre VIII, et par Lucien, dans son Anacharsis, ou Traité des Gymnases, qui n'est qu'un Dialogue entre Anacharsis et Solon.

Je remarquerai, en passant, qu'Heinsius a rendu τὸν δρόμον, et τὴν πτοίαν, par, discursus tumultusque, ce qui ne m'a point paru exact. Le mot grec δρόμος signifie proprement course, et dans le sens figuré où il est employé, ici, par Maxime de Tyr, il m'a semblé que conduite le rendait mieux, que le mot latin. Quant au substantif πτοία, le lexicographe Hésychius lui donne bien un sens synonyme à celui du mot latin tumultus. Mais, dans un autre sens, il signifie crainte, peur, défiance; et il m'a également semblé que pour donner de la concordance à son trope, notre philosophe avait voulu opposer les principes à la conduite, et peindre cette disposition d'esprit, qui n'a ni point de vue déterminé, ni base fixe. La phrase suivante du texte justifiera ce commentaire.

(03) Heinsius a soupçonné dans le mot στενοῦ une erreur qu'il a cru faire disparaître, par une correction, dont Markland relève fort judicieusement l'incongruité. De son côté, Markland pense que le texte est corrompu, et qu'il devait y être question de deux vases, l'un plus grand, l’autre plus étroit. Je pense, moi, que le texte n'a souffert nulle altération; que l'épithète s'explique d'elle-même, d'après les mots avec lesquels elle se trouve construite ; et qu'il s'en va sans dire, lorsqu'on verse un fluide dans un vase, que le fluide versé sort d'un autre vase, ou récipient, dans lequel il est contenu.

(04) J'ai traduit ici autrement qu'Heinsius et Formey. La version de Pacci m'a paru plus correcte que celle de l'Helléniste Batave. Hicne in eloquentia gloriabitur, est plus près du texte que, admodum de verborum ornatu futurum anxium ?

(05) Le grec porte littéralement, la force.

(06) Heinsius a rendu l'épithète Εφήμερος, comme si elle était formée du radical ήμερος, qui signifie, doux, plaisant, agréable. Aucun des Lexiques que j'ai consultés ne lui donne ce sens-là. J'ai donc dû la traduire dans le sens qu'elle emprunte du radical ήμερα, jour, qui convient assez au Rossignol, puisque tout le monde sait qu'il ne chante pas, durant tout le cours de l'année ; et que, sous ce rapport, Maxime de Tyr, en parlant de son chant, a pu le qualifier d'éphémère.

(07) Cicéron en (ait mention dans le chapitre 5 de son Traité de Fato, n° 5. Alexandre Aphrodise en parle aussi dans son ouvrage, intitulé comme celui de Cicéron, du Destin, p. 164.

(08) Heinsius a traduit, interioribus corporis notis, quoique interioribus n'ait rien dans le grec qui lui corresponde. Certes, l'art de la métoposcopie, déjà si merveilleux par lui-même, (si, d'ailleurs, il n'est pas un pur charlatanisme), serait bien plus admirable, s'il pénétrait dans l’intérieur des corps, pour y chercher les indices et les éléments de ses oracles. De plus, les mots suivants que ce traducteur a lui-même rendus par ex eo quod oculi vident, excluent péremptoirement l'épithète interioribus, qu'il a ajoutée de son cru.

(09) Les deux mots du texte πρὸς ὁμοιότητα ont été laissés de côté par Heinsius et Formey.

(10) Les Anciens en faisaient très grand cas ; et tous ceux qui se piquaient d'être de beaux diseurs s'efforçaient de l'imiter, comme dans nos départements on tâche de se donner l'accent d'un Parisien. Mais, probablement il n'était pas plus aisé aux étrangers, qui venaient s'établir à Athènes, d'attraper l'accent attique, qu'à nos gascons de prendre le son de voix de Paris. On sait, à cet égard, l'aventure de Théophraste, le célèbre Auteur des Caractères, qui avait vieilli à Athènes, d'où il n'était pas, et qui fut persiflé sur son accent par une marchande d'herbes.

(11) Ce passage est emprunté de la comédie d'Aristophane, intitulée, les Grenouilles, vers 92 et 98, .où ce poète tourne en ridicule les jeunes Auteurs tragiques qui pullulaient de son temps. Les mots en italique sont la version littérale du texte et du passage d'Aristophane.

(12) Plusieurs Peuples, chez les Anciens, ont porté ce nom. Mais il est évident que Maxime de Tyr désigne, ici, les Cimmériens, qui habitaient la partie la plus septentrionale de l'Europe alors connue. Comme les voyageurs n'avaient point été au-delà des Palus-Méotides qui communiquaient avec le Pont-Euxin, par un détroit appelé le Bosphore Cimmérien, du nom du peuple qui en habitait las rivages, ils parlèrent de ce dernier comme d'une Nation qui était aux extrémités de la terre ; et il n'en fallut pas davantage, dans ce temps d'ignorance, pour faire naître, pour répandre, et accréditer l'opinion que cette Nation ne voyait jamais le soleil.

(13) Cette exclamation n'est point dans le grec, mais la syntaxe de notre langue m'a paru la commander.

(14) Maxime de Tyr a emprunté cette analogie d'un des traits de la belle description des jardins d'Alcinoüs, Roi des Phéaciens, dans le chant septième de l'Odyssée, vers 120 et 121.

(15) C'est le sens du 751e vers du second chant de l'Iliade, et non du 754e, comme le marquent Davies et Formey. Homère l'applique à un ruisseau ou petite rivière, qu'il appelé le joli Titaresse, et qui, en se jetant dans le Pénée, ne mêlait point ses eaux avec celles de ce dernier, et glissait par-dessus, comme une nappe d'huile.

(16) Markland a très judicieusement corrigé le texte en cet endroit, en proposant le mot μέρη, parties, à la place de μέλη, qui n'est pas, à beaucoup près, aussi heureux.

(17) C'est ainsi que s'expriment dans le troisième chant de l’Iliade, vers 156 et 157, de vieux Troyens assis sur le haut d'une tour, en contemplant la belle Hélène.

(18) Le mot grec γύναιον est un terme de mépris fort bien appliqué à cette trop fameuse Reine de Sparte, qui se laissa enlever par un étourdi. Je n'ai pas cru devoir chercher, dans notre langue, un terme correspondant. Boileau dit, dans l’Art poétique, (et ce qu'il dit du latin, doit s'étendre au grec) :

Le latin dans les mots brave l'honnêteté ;
Mais le lecteur François veut être respecté.
Du moindre son impur la liberté l'outrage !

Heinsius a traduit mulierculam, et Formey, comme de raison, une femmelette.

(19) Dira-t-on que j'emploie ici une expression du vieux langage ? Le grand Corneille, qui n'est pas assurément un écrivain suranné, a, dit, avec autant de grâce que d'énergie dans Rodogune :

Serment fallacieux, salutaire contrainte,
Que me dicta la force, et qu'accepta la crainte.

Et les puristes me permettront de remarquer que perfide n'est pas synonyme de fallacieux.

(20) Heinsius et Formey ont coupé cette longue phrase. Je pense qu'ils ont eu tort, et qu'en la laissant dans son intégrité, j'ai plus fidèlement suivi le texte. Elle est un peu longue, sans doute ; mais je n'ai pas cru possible de la morceler, sans en altérer le véritable sens.

(21) Si j'avais traduit mot à mot, et que j'eusse dit, à flatter le ventre, j'aurais été plus littéral. Aurais-je été aussi élégant ?

(22) Heinsius et Formey ont laissé de côté les mots du texte qui terminent cette phrase ὑφ' ἡδονῆς παραπεμπόμενα.

(23) Le grec porte littéralement, le centre et les oreilles.

(24) Le texte parle d'ivresse, au lieu d'ignorance, mais Markland remarque, sur ce mot, que l’ivresse on l'ivrognerie ne doit point être comptée parmi les affections de l'âme d'une nature homogène à celle de la colère et de la douleur. Il soupçonne qu'au lieu de μέθης, il faut lire ἀμαθίας, d'autant, dit-il, que Socrate avait coutume de dire que l'ignorance était le mal unique de l'espèce humaine. J'ai cru devoir adopter la correction de ce docte annotateur.

(25) Heinsius a rendu ἐκλέλυμένον, mot-à-mot, par dissolutum. J'ai mieux aimé supposer une ellipse, et entendre ἐκλελυμένον τὴν ψυχην qui m'a paru plus analogue au sens de la phrase.

(26) Outre leurs assemblées politiques, les Grecs, et notamment les Athéniens, avoient des époques périodiques, auxquelles un grand concours de monde se rassemblait pour assister à des fêtes ou à des jeux publics. Ces rassemblements étaient nommés en grec πανήγυρις, comme pour signifier que toutes les classes de la société en faisaient partie. S'il faut s'en rapporter au Scholiaste de Thucydide, les jeux Olympiques et les autres jeux de cette nature furent compris dans cette dénomination. Hérodote nous apprend que ces sortes de solennités avoient lieu, à Athènes, tous les cinq ans ; et l'Oraison d'Isocrate, intitulée πανηγύρεκος, panégyrique, fait foi que les Orateurs de profession s'honoraient d'y offrir l'hommage de leurs talents.

(27) Le texte est évidemment altéré en cet endroit ; et les mots καὶ τυραννου, qu'il est impossible d'adapter aux autres, en sont la preuve. Pacci a résolu la difficulté, en la franchissant. Heinsius a imaginé, qu'au lieu de τυράννου, il fallait lire τυρρήνου, d'autant que, selon Servius, le docte commentateur de l'Enéide, et selon l'Orateur Tatien, les Tyrrhéniens ou Étrusques, passèrent, dans l'Antiquité, pour les inventeurs de la trompette. Quelque ingénieuse que soit cette correction, j'ai préféré celle de Markland, qui lit τυρταίου au lieu de τυράννου; soit parce que Maxime de Tyr fait mention de Tyrtée dans sa Dissertation XXXV, sect. 5, soit parce que le beau vers d'Horace, Arte poetica,

Tyrtœusque mares animos in martia bella.

donne lieu de croire que le nom de ce célèbre poète lyrique, venait toujours se placer naturellement sous la plume des écrivains dans une métaphore de cette nature.

(28) Il m'a paru que Maxime de Tyr avait employé, ici, la figure de rhétorique, qu'on appelle la Réticence. Après avoir loué le Nil, sous le rapport de la fécondité qu'il répand, il allait le louer sous un rapport de volupté, lorsqu'il se rappelé que le Nil est un Dieu, et qu'il songe que ce serait le dégrader, que de le louer sous un pareil point de vue. Ni le traducteur Florentin, ni Heinsius, ni Formey, n'ont envisagé cette phrase de cette manière : je laisse aux critiques à juger. Au surplus, les témoignages de plusieurs Auteurs de l'antiquité, entre autres celui d'Elien, Histoires diverses, liv. X, chap. 46 ; celui d'Héliodore, liv. IX, p. 423, 424, attestent l'apothéose du Nil. On peut consulter là-dessus le savant ouvrage de Jean Selden, de Diis Syris, lib. I. cap. 4, p. 147 ; et Henry de Valois sur Eusèbe, dans la Vie de Constantin, lib. IV, cap. 25.

(29) Notre Auteur fait allusion, ici, aune allégorie de Prodicus, singulièrement ingénieuse. Il suppose qu'Hercule, à l'âge où les jeunes gens délibèrent sur l'état qu'ils doivent embrasser, va rêver là-dessus dans une solitude, où deux routes s'offrent à ses yeux, celle de la Volupté, et celle de la Vertu : qu'à l'entrée de ces deux routes sont la Volupté et la Vertu en personne, qui déploient, chacune de son côté, tous leurs efforts pour obtenir la préférence. L'ouvrage de Prodicus n'est point parvenu jusqu'à nous. Mais Xénophon nous en a conservé la substance, dans le premier livre de ses Mémoires,

(30) On sait que, lorsque Socrate eut été condamné à mort, ses amis, sûrs de corrompre ses gardiens, lui proposèrent de s'évader. Il s'y refusa, en leur demandant, avec ce sang-froid et cette sérénité d'âme à laquelle notre auteur fait allusion en cet endroit : « Connaissez-vous quelque lieu sur la terre, où la mort ne vienne pas un jour me trouver ? »

(31) Les derniers mots de cette phrase manquent, ici, dans le texte. Markland pense qu'ils ont échappé aux copistes, parce qu'il les a trouvés dans un passage analogue de la Dissertation XXXVI, sect. 6, de notre Auteur.

(32) Maxime de Tyr fait allusion à un passage du Banquet de Platon, où il est question d'Alcibiade déjà ivre, buvant encore plus de huit cotyles de vin.

 

Paris, le 23 vendémiaire an IX. (22 octobre 1801).