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table des matières de DIOGÈNE LAERCE

 

Diogène Laërce

 

 

LIVRE PREMIER

 

CLÉOBULE

texte grec

 

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  Bias                 Périandre

 


 

[89] Cléobule, fils d'Évagoras, naquit à Linde, ou en Carie, selon Duris. Quelques uns font remonter son origine jusqu'à Hercule, et on le dépeint robuste et bien fait. On dit qu'il se rendit en Égypte pour y apprendre la philosophie, et qu'il eut une fille nommée Cléobuline, qui composa des énigmes en vers hexamètres, dont Cratinus fait mention dans un poème qui porte le nom de Cléobalistes au pluriel. On dit aussi qu'il renouvela le temple de Minerve, qui avait été construit par Danaüs. Cléobule composa aussi des chants et des questions énigmatiques jusqu'au nombre de trois mille vers. Il y a des gens qui le croient aussi auteur de ces vers qui sont sur le tombeau de Midas :

« Je suis la statue qu'on a couchée sur ce monument de Midas. Pendant que l'eau sera fluide, que les arbres élèveront leurs sommets, [90] que le soleil levant et la lune brillante éclaireront le monde, que les fleuves couleront et que la mer lavera les rivages, je demeurerai ici, en arrosant de mes larmes cette pierre polie, et en annonçant aux passants que Midas est renfermé dans ce sépulcre. »

Ceux qui sont dans cette opinion se fondent sur le témoignage de Simonide, dans le poème où il dit :

Qui peut raisonnablement louer le Lindien Cléobule d'avoir opposé des statues à des rivières intarissables, aux fleurs du printemps, aux rayons du soleil, à la clarté de la lune et aux tournants de la mer? Tout cela est au-dessous des dieux, et les mains des hommes peuvent briser la pierre. Ce sont les idées d'un homme peu sensé.

Au reste, on remarque que cette épitaphe ne peut point être d'Homère, qui vivait longtemps avant Midas.
Pamphila , dans ses Commentaires, rapporte cette énigme qu'un attribue à Cléobule :

[91] Un père a douze enfants qui ont chacun trente filles, mais de beauté différente: les unes sont brunes, les autres blondes; et quoiqu'elles aient la vertu d'être immortelles, toutes se succèdent, aucune n'est exempte de la mort. C'est l'année.

Parmi ses sentences poétiques, voici les plus approuvées :

L'ignorance et l'abondance de paroles règnent parmi les hommes, mais le temps les instruit. Pensez à quelque chose d'élevé. Ne vous rendez pas désagréable sans sujet.

Il disait qu'il faut marier les filles de manière qu'elles soient jeunes pour l'âge et femmes pour l'esprit, insinuant par là qu'il faut prendre soin de leur éducation. Il avait pour maxime qu'on doit obliger ses amis pour se les rendre plus intimes, et ses ennemis pour en faire des amis; [92] et que par ce moyen on évite les reproches de ses amis et les mauvais desseins de ses ennemis. Il disait encore qu'avant de sortir de sa maison, on doit examiner ce qu'on va faire, et à son retour examiner ce qu'on a fait. Il conseillait l'exercice du corps, et recommandait d'aimer plus à écouter qu'à parler ; d'aimer mieux l'étude que l'ignorance; d'employer sa langue à dire du bien; de se rendre la vertu propre, et de s'éloigner du mal; de fuir l'injustice ; de suggérer à son pays ce qui tend le plus à son bien ; de réfréner la volupté ; de n'employer la violence en quoi que ce soit; de pourvoir à l'éducation de ses enfants; de renoncer à l'inimitié; de ne flatter ni gronder sa femme en présence d'étrangers, l'un étant une petitesse et l'autre une indiscrétion ; de ne pas punir un domestique pendant son ivresse, si on ne veut passer pour être ivre soi-même ; de se marier avec son égale, de peur d'avoir ses parents pour maîtres; [93] de ne pas se moquer de ceux qui sont injuriés, de peur de se les attirer pour ennemis; de ne pas s'enorgueillir dans la prospérité et de ne point s'abattre dans l'affliction; enfin, d'apprendre à supporter courageusement les changements de la fortune.

Il mourut à l'âge de soixante-dix ans: son épitaphe contient ses louanges :

Linde, que la mer arrose de tous côtés, pleure la perte du sage Cléobule, dont elle fut la patrie.

Il est auteur de cette courte maxime : La manière est ce qu'il y a de meilleur en toutes choses. Il écrivit aussi cette lettre à Solon :

CLÉOBULE A SOLON.

« Certainement vous avez beaucoup d'amis qui ont chacun leur maison. Je crois cependant que Linde est le séjour le plus commode que Solon puisse se choisir. Outre l'avantage qu'elle a d'être libre, cette ville est située dans une île. Si vous voulez y demeurer, vous n'y aurez rien de factieux à craindre de Pisistrate, et vos amis se feront un plaisir d'y accourir de tous côtés. »