table des matières de l'œuvre dE JULIENJulien l’ApostatContre les Galiléens (suite)texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER Ce Jésus que vous prêchez, O Galiléens ! fut un sujet de César. Si vous refusez d’en convenir, je vous le prouverai bientôt, et même dés à présent. Ne dites-vous pas qu’il fut compris avec son Père et sa Mère, dans le dénombrement sous Cyrenius ? Dites-moi, quel bien a-t-il fait après sa naissance, à ses concitoyens ; et quelle utilité ils en ont retirée ? ils n’ont pas voulu croire en lui, et ont refusé de lui obéir. Mais comment est-il arrivé que ce peuple, dont le cœur et l’esprit avaient la dureté de la pierre, ait obéi à Moïse, et qu’il ait méprisé Jésus qui, selon vos discours, commandait aux Esprits, marchait sur la mer, chassait les démons, et qui même, s’il faut vous en croire, avait fait le ciel et la terre ? Il est vrai qu’aucun de ses Disciples n’a jamais osé dire rien qui concerne ce dernier article ; si ce n’est Jean, qui s’est même expliqué là dessus d’une manière très obscure et très énigmatique : mais enfin convenons, qu’il a dit clairement que Jésus avait fait le ciel et la terre. Avec tant de puissance, comment a-t-il pu faire ce que Moïse avait exécuté ; et par quelle raison n’a-t-il pas opéré le salut de sa patrie, et changé les mauvaises dispositions de ses concitoyens ? Nous reviendrons dans la suite à cette question, lorsque nous examinerons les prodiges et les mensonges dont les Évangiles sont remplis. Maintenant je vous demande quel est le plus avantageux, de jouir perpétuellement de la liberté de commander à la plus grande partie de l’Univers, ou d’être esclave et soumis à une puissance étrangère ? Personne n’est assez insensé pour choisir ce dernier parti : car quel est l’homme assez stupide, pour aimer mieux être vaincu que de vaincre à la guerre ? Ce que je dis, étant évident, montrez-moi chez les Juifs, quelque Héros qui soit comparable à Alexandre et à César. Je sais que j’outrage ces grands hommes de les comparer à des Juifs : mais je les ai nommés parce qu’ils font très illustres. D’ailleurs, je n’ignore pas qu’il y a des Généraux qui leur étant bien inférieurs, font encore supérieurs aux Juifs les plus célèbres ; et un seul de ces hommes est préférable à tous ceux que la nation des Hébreux à produits. Passons de la guerre à la politique : nous verrons que les lois civiles, la forme des jugements, l’administration des villes, les sciences et les arts n’eurent rien que de misérable et de barbare chez les Hébreux ; quoique Eusèbe veut qu’ils aient connu la versification, et qu’ils n’aient pas ignoré la logique. Quelle école de médecine les Hébreux ont-ils jamais eue semblable à celle d’Hippocrate, et à plusieurs autres qui furent établies après la sienne ? Mettons en parallèle le très sage Salomon avec Phocylide, avec Théognis, ou avec Isocrate : combien l’Hébreu ne sera-t-il pas inférieur au Grec ? Si l’on compare les avis d’Isocrate avec les Proverbes de Salomon, l’on verra aisément que le fils de Théodore l’emporte de beaucoup sur le Roi très sage. Mais, dira-t-on, Salomon avait été instruit divinement dans le culte et la connaissance de son Dieu ; qu’importe ? le même Salomon n’adore-t-il pas nos Dieux, trompé, à ce que disent les Hébreux, par une femme ? Ainsi donc le très sage Salomon ne put vaincre la volupté ; mais les discours d’une femme vainquirent le très sage Salomon. O grandeur de vertu ! O richesses de sagesse ! Galiléens, si Salomon s’est laissé vaincre par une femme, ne l’appelez plus sage : si au contraire vous croyez qu’il a été véritablement sage, ne pensez pas qu’il se soit laissé honteusement séduire. C’est par prudence, par sagesse, par l’ordre même de son Dieu que vous croyez s’être révélé à lui, qu’il a honoré les autres Dieux. L’envie est une passion indigne des hommes vertueux, à plus forte raison des Anges et des Dieux. Quant à vous, Galiléens, vous êtes fortement attachés à un culte particulier : c’est là une vaine ambition, et une gloire ridicule dont les Dieux ne font pas susceptibles. Pourquoi étudiez vous dans les écoles des Grecs, si vous trouvez toutes les sciences abondamment dans vos Écritures ? Il est plus nécessaire que vous éloigniez ceux qui sont de votre religion, des Écoles de nos Philosophes, que des sacrifices et des viandes offertes aux Dieux : car votre Paul dit : celui qui mange ne blesse point. Mais, dites-vous, la conscience de votre frère qui vous voit participer aux sacrifices, est offensée ; O les plus sages des hommes ! pourquoi la conscience de votre frère n’est-elle par offensée d’une chose bien plus dangereuse pour votre Religion ? car par la fréquentation des écoles de nos maîtres et de nos Philosophes, quiconque est né d’une condition honorable parmi vous, abandonne bientôt vos impiétés. Il vous est donc plus utile d’éloigner les hommes des sciences des Grecs, que des victimes. Vous n’ignorez pas d’ailleurs, combien nos instructions sont préférables aux vôtres, pour acquérir la vertu et la prudence. Personne ne devient sage et meilleur dans vos écoles, et n’en rapporte aucune utilité : dans les nôtres, les tempéraments les plus vicieux, et les caractères les plus mauvais sont rendus bons ; malgré les oppositions que peuvent apporter à cet heureux changement la pesanteur de l’âme, et le peu d’étendue de l’esprit. S’il se rencontre dans nos écoles une personne d’un génie heureux, il paraît bientôt comme un présent que les Dieux font aux hommes pour leur instruction ; soit par l’étendue de ses lumières, soit par les préceptes qu’il donne, soit en mettant en fuite les ennemis de sa patrie, soit en parcourant la terre pour être utile au genre humain, et devenant par là égal aux plus grands héros.... Nous avons des marques évidentes de cette vérité. Il n’en est pas de même parmi vos enfants, et surtout parmi ceux que vous choisissez, pour s’appliquer à l’étude de vos Écritures. Lorsqu’ils ont atteint un certain âge, ils sont un peu au dessus des Esclaves. Vous pensez, quand je vous parle ainsi, que je m’éloigne de la raison : cependant vous en êtes vous-même si privés, et votre folie est si grande, que vous prenez pour des instructions divines, celles qui ne rendent personne meilleur, qui ne fervent ni à la prudence, ni à la vertu, ni au courage : et lorsque vous voyez des gens qui possèdent ces vertus, vous les attribuez aux instructions de Satan, et à celles de ceux que vous dites l’adorer. Esculape guérit nos corps, les Muses instruisent notre âme. Apollon et Mercure nous procurent le même avantage. Mars et Bellone sont nos compagnons et nos aides dans la guerre : Vulcain nous instruit de tout ce qui a rapport aux arts. Jupiter, et Pallas, cette Vierge née sans Mère, règlent toutes ces choses. Voyez donc par combien d’avantages nous sommes supérieurs : par les conseils, par la sagesse, par les arts, soit que vous considériez ceux qui ont rapport à nos besoins, soit que vous fassiez attention à ceux qui font simplement une imitation de la belle nature, comme la Sculpture, la Peinture : ajoutons à ces arts l’économie, et la médecine qui venant d’Esculape s’est répandue par toute la terre, et y a apporté de grandes commodités, dont ce Dieu nous fait jouir. C’est lui qui m’a guéri de plusieurs maladies, et qui m’a appris les remèdes qui étaient propres à leur guérison : Jupiter en est le témoin. Si nous sommes donc mieux avantagés que vous des dons de l’âme et du corps, pourquoi, en abandonnant toutes ces qualités si utiles, avez-vous embrassé des Dogmes qui vous en éloignent ? Vos opinions sont contraires à celles des Hébreux, et à la Loi qu’ils disent leur avoir été donnée par Dieu. Après avoir abandonné la croyance de vos pères, vous avez voulu suivre les écrits des Prophètes, et vous êtes plus éloignés aujourd’hui de leurs sentiments que des nôtres. Si quelqu’un examine avec attention votre religion, il trouvera que vos impiétés viennent en partie de la férocité et de l’insolence des Juifs, et en partie de l’indifférence et de la confusion des Gentils. Vous avez pris des Hébreux et des autres peuples, ce qu’ils avaient de plus mauvais, au lieu de vous approprier ce qu’ils avaient de bon. De ce mélange de vices, vous en avez formé votre croyance. Les Hébreux ont plusieurs lois, plusieurs usages, et plusieurs préceptes utiles pour la conduite de la vie. Leur Législateur s’était contenté d’ordonner de ne rendre aucun hommage aux Dieux étrangers, et d’adorer le seul Dieu, dont la portion est son peuple, et Jacob le lot de son héritage. A ce premier précepte, Moïse en ajoute un second : Vous ne maudirez point les Dieux : mais les Hébreux dans la suite voulant, par un crime et une audace détestable, détruire les religions de toutes les autres nations, tirèrent du Dogme d’honorer un seul Dieu, la pernicieuse conséquence, qu’il fallait maudire les autres. Vous avez adopté ce principe cruel, et vous vous en êtes servi pour vous élever contre tous les Dieux, et pour abandonner le culte de vos Pères, dont vous n’avez retenu que la liberté de manger de toutes fortes de viandes. S’il faut que je vous dise ce que je pense, vous vous êtes efforcés de vous couvrir de confusion : vous avez choisi parmi les Dogmes que vous avez pris, ce qui convient également aux gens méprisables de toutes les nations : vous avez pensé devoir conserver, dans votre genre de vie, ce qui est conforme à celui des cabaretiers, des publicains, des baladins, et de cette espèce d’hommes qui leur ressemblent. Ce n’est pas aux seuls Chrétiens, qui vivent aujourd’hui, à qui l’on peut faire ces reproches : ils conviennent également aux premiers, à ceux même qui avaient été instruits par Paul. Cela paraît évident par ce qu’il leur écrivait ; car je ne crois pas, que Paul eût été assez impudent pour reprocher, dans ses lettres, des crimes à ses Disciples ; dont ils n’avaient pas été coupables. S’il leur eût écrit des louanges, et qu’elles eussent été fausses, il aurait pu en avoir honte, et cependant tâcher, en dissimulant, d’éviter le soupçon de flatterie et de bassesse ; mais voici ce qu’il leur mandait sur leurs vices. Ne tombez pas dans l’erreur : les idolâtres, les adultères, les paillards, ceux qui couchent avec les garçons, les voleurs, les avares, les ivrognes, les querelleurs, ne posséderont pas le Royaume des Cieux. Vous n’ignorez pas, mes frères, que vous aviez autrefois tous ces vices ; mais vous avez été plongés dans l’eau, et vous avez été sanctifiés au nom de Jésus Christ. Il est évident, que Paul dit à ses Disciples, qu’ils avaient eu les vices dont il parle, mais qu’ils avaient été absous et purifiés par une eau, gui a la vertu de nettoyer, de purger, et qui pénètre jusqu’à l’âme : Cependant l’eau du baptême n’ôte point la lèpre, les dartres, ne détruit pas les mauvaises tumeurs, ne guérit ni la goutte ni la dysenterie, ne produit enfin, aucun effet sur les grandes et les petites maladies du corps ; mais elle détruit l’adultère, les rapines, et nettoie l’âme de tous ses vices. Les Chrétiens soutiennent qu’ils ont raison de s’être séparés des Juifs : Ils prétendent être aujourd’hui les vrais Israélites, les seuls qui croient à Moïse, et aux Prophètes qui lui ont succédé dans la Judée. Voyons donc en quoi ils sont d’accord avec ces Prophètes : commençons d’abord par Moïse, qu’ils prétendent avoir prédit la naissance de Jésus. Cet Hébreu dit, non pas une seule fois, mais deux, mais trois, mais plusieurs, qu’on ne doit adorer qu’un Dieu, qu’il appelle le Dieu Suprême ; il ne fait jamais mention d’un second Dieu Suprême : Il parle des anges, des puissances célestes, des Dieux des nations : il regarde toujours le Dieu Suprême comme le Dieu unique : il ne pensa jamais qu’il y en eût un second qui lui fût semblable, ou qui lui fût inégal, comme le croient les Chrétiens. Si vous trouvez quelque chose de pareil dans Moïse, que ne le dites-vous ; vous n’avez rien à répondre sur cet article : c’est même sans fondement que vous attribuez au fils de Marie, ces paroles ; Le Seigneur, votre Dieu, vous suscitera un Prophète tel que moi, dans vos frères et vous l’écouterez. Cependant, pour abréger la dispute, je veux bien convenir que ce passage regarde Jésus. Voyez que Moïse dit qu’il sera semblable à lui, et non pas à Dieu ; qu’il sera pris parmi les hommes, et non pas chez Dieu. Voici encore un autre passage, dont vous vous efforcez de vous servir : Le Prince ne manquera point dans Juda et le chef d’entre ses jambes ; cela ne peut être attribué à Jésus, mais au Royaume de David qui finit sous le Roi Zédéchias. D’ailleurs l’Écriture, dans ce passage que vous citez, est certainement interpolée, et l’on y lit le texte de deux manières différentes : le prince ne manquera pas dans Judas, et le chef d’entre ses jambes, jusques à ce que les choses, qui lui ont été réservées, arrivent ; mais vous avez mis à la place de ces dernières paroles, jusques à ce que qui a été réservé arrive. Cependant de quelque manière que vous lisiez ce passage, il est manifeste qu’il n’y a rien-là qui regarde Jésus, et qui puisse lui convenir : il n’était pas de Juda, puisque vous ne voulez pas qu’il soit né de Joseph ; vous soutenez qu’il a été engendré par le saint Esprit. Quant à Joseph, vous tâchez de le faire descendre de Juda, mais vous n’avez pas eu assez d’adresse pour y parvenir, et l’on reproche avec raison à Matthieu et à Luc d’être opposé l’un à l’autre dans la généalogie de Joseph. Nous examinerons la vérité de cette généalogie dans un autre Livre, et nous reviendrons actuellement au fait principal. Supposons donc que Jésus soit un prince sorti de Juda ; il ne sera pas un Dieu venu Dieu, comme vous le dites, ni toutes les choses n’ont pas été faites par lui, et rien n’aura été fait sans lui. Vous répliquerez, qu’il est dit dans le livre des Nombres, il se lèvera une étoile de Jacob et un homme d’Israël. Il est évident que cela concerne David et les successeurs, car David était fils de Jeffé. Si cependant vous croyez pouvoir tirer quelque avantage de ces deux mots, je consens que vous le fassiez ; mais pour un passage obscur, que vous m’opposerez, j’en ai un grand nombre de clairs que je vous citerai, qui montrent que Moïse n’a jamais parlé que d’un seul et unique Dieu, du Dieu d’Israël. Il dit dans le Deutéronome : Afin que tu fâcher, que le Seigneur ton Dieu est seul et unique, et qu’il n’y en a point d’autre que lui, et peu après, sache donc et rappelle dans ton esprit que le Seigneur ton Dieu est au Ciel et sur la terre, et qu’il n’y en à point d’autre que lui.... Entends, Israël, le Seigneur notre Dieu, il est le seul Dieu...... Enfin Moïse faisant parler le Dieu des Juifs, lui fait dire : Voyez qui je suis, il n’y a point d’autre Dieu que moi. Voilà des preuves de l’évidence la plus claire, que Moïse ne reconnut et n’admit jamais d’autre Dieu que le Dieu d’Israël, le Dieu unique. Les Galiléens répondront peut être qu’ils n’en admettent ni deux ni trois ; mais je les forcerai de convenir du contraire, par l’autorité de Jean dont je rapporterai le témoignage : au commencement était le verbe, et le verbe était chez Dieu, et Dieu était le verbe. Remarquez qu’il est dit, que celui qui a été engendré de Marie était en Dieu : or soit que ce soit un autre Dieu (car il n’est pas nécessaire que j’examine a présent l’opinion de Photin : je vous laisse, O Galiléens, à terminer les disputes qui font entre vous à ce sujet) il s’en suivra toujours, que puisque ce verbe a été avec Dieu, et qu’il y a été dès le commencement, c’est un second Dieu qui lui est égal. Je n’ai pas besoin de citer d’autre témoignage de votre croyance, que celui de jean. Comment donc vos sentiments peuvent-ils s’accorder avec ceux de Moïse ? Vous répliquerez qu’ils font conformes aux Écrits d’Ésaïe, qui dit : Voici une vierge dont la matrice est remplie, et elle aura un fils. Je veux supposer que cela a été dit par l’inspiration divine, quoiqu’il ne soit rien de moins véritable ; cela ne conviendra pas cependant à Marie : on ne peut regarder comme Vierge, et appeler de ce nom, celle qui était mariée, et qui avant que d’enfanter, avait couché avec son mari. Passons plus avant, et convenons que les paroles d’Ésaïe regardent Marie. Il s’est bien gardé de dire que cette Vierge accoucherait d’un Dieu : mais vous, Galiléens, vous ne cessez de donner à Marie le nom de Mère de Dieu. Est-ce qu’Ésaïe a écrit que celui qui naîtrait de cette Vierge serait le fils unique engendré de Dieu, et le premier né de toutes les Créatures ? pouvez-vous, Galiléens, montrer dans aucun Prophète, quelque chose qui convienne à ces paroles de Jean, toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait ? Entendez au contraire comme s’expliquent vos Prophètes. Seigneur notre Dieu, dit Ésaïe, sois votre protecteur ! excepté toi, nous n’en connaissons point d’autre. Le même Ésaïe introduisant le Roi Ézéchias priant Dieu, lui fait dire : Seigneur Dieu d’Israël, toi qui es assis sur les chérubins, tu es, le seul Dieu. Voyez qu’Ésaïe ne laisse pas la liberté d’admettre aucun autre Dieu. Si le verbe est un Dieu venant de Dieu, ainsi que vous le pensez ; s’il est produit par la substance de son Père ; pourquoi appelez-vous donc Marie la Mère de Dieu ? et comment a-t-elle enfanté un Dieu, puisque Marie était une créature humaine ainsi que nous ? De même comment est-il possible, lorsque Dieu dit lui-même dans l’Écriture, Je suis le seul Dieu et le seul Conservateur ; qu’il y ait un autre Conservateur ? Cependant vous osez donner le nom de Sauveur à l’homme qui est né de Marie. Combien ne trouvez-vous pas de contradictions entre vos sentiments et celui des anciens Écrivains Hébreux ! Quittons cette matière et venons à une autre. Apprenez, Galiléens, par les paroles mêmes de Moïse, qu’il donne aux Anges le nom de Dieu : Les enfants de Dieu, dit-il, voyant que les filles des hommes étaient belles, ils en choisirent parmi elles, dont ils firent leurs femmes : et les enfants de Dieu ayant connu les filles des hommes, ils engendrèrent les géants, qui ont été des hommes renommés dans tous les siècles. Il est donc manifeste, que Moïse parle des Anges. Cela n’est ni emprunté ni supposé. Il paraît encore par ce qu’il dit, qu’ils engendrèrent des géants, et non pas des hommes. Si Moïse eût cru que les Géants avaient eu pour pères des hommes, il ne leur en eût point cherché chez les Anges, qui sont d’une nature bien plus élevée et bien plus excellente. Mais il a voulu nous apprendre que les géants avaient été produits par le mélange d’une nature mortelle et d’une nature immortelle. Considérons à présent que Moïse, qui fait mention des mariages des enfants des Dieux, auxquels il donne le nom d’Anges, ne dit pas un seul mot du fils de Dieu. Est-il possible de se persuader que s’il avait connu le verbe, le fils unique engendré de Dieu, (donnez lui le nom que vous voudrez,) il n’en eût fait aucune mention qu’il eût dédaigné de le faire connaître clairement aux hommes ; lui qui pensait qu’il devait s’expliquer avec soin et avec ostentation sur l’adoption d’Israël, et qui dit : Israël mon fils premier né ? Pourquoi n’a-t-il donc pas dit la même chose de Jésus ? Moïse enseignait qu’il n’y avait qu’un Dieu, qui avait plusieurs enfants ou plusieurs Anges, à qu’il avait distribué les Nations ; mais il n’avait jamais eu aucune idée de ce fils premier né, de ce verbe Dieu, et de toutes les fables que vous débitez à ce sujet, et que vous avez inventées. Écoutez parler ce même Moïse, et les autres Prophètes qui le suivirent. Vous craindrez le Seigneur notre Dieu, et vous ne servirez que lui. Comment est-il possible que Jésus ait dit à ses Disciples : Allez enseigner les Nations, et les baptisez au nom du Père, du Fils, et du Saint Esprit : il ordonnait donc que les nations devient l’adorer avec le Dieu unique ? et vous soutenez cette erreur, puisque vous dites, que le fils est Dieu, ainsi que le Père. Pour trouver encore plus de contrariété entre vos sentiments et ceux des Hébreux, auprès desquels, après avoir quitté la croyance de vos pères, vous vous êtes réfugiés ; écoutez ce que dit Moïse des expiations : Il prendra deux boucs en offrande pour les péchés, et un bélier pour l’holocauste : et Aaron offrira nouveau en offrande pour les péchés, et il priera pour lui et pour sa maison, et il prendra les deux boucs et les présentera devant le Seigneur à l’entrée du Tabernacle d’assignation. Et puis Aaron jettera le sort sur les deux boucs, un sort pour le Seigneur, et un sort pour le bouc qui doit être chargé des iniquités, afin qu’il soit renvoyé dans le désert. Il égorgera aussi l’autre bouc, celui du Peuple, qui est l’offrande pour le péché, et il apportera son sang au dedans du voile, et il en arrosera la base de l’Autel, et il fera expiation pour le sanctuaire des souillures des enfants d’Israël et de leurs fautes selon tous leurs péchés. Il est évident, par ce que nous venons de rapporter, que Moïse a établi l’usage des sacrifices, et qu’il n’a pas pensé, ainsi que vous, Galiléens, qui les regardez comme immondes. Écoutez le même Moïse : Quiconque mangera de la chair du sacrifice de prospérité, laquelle appartient au Seigneur, et qui aura sur lui quelque souillure, sera retranché d’entre son Peuple. L’on voit combien Moïse fut attentif et religieux dans tout ce qui regardait les sacrifices. Il est temps actuellement de venir à la raison, qui nous a fait parcourir toutes les opinions que nous venons d’examiner. Nous avons eu le dessein de prouver qu’après nous avoir abandonnés, pour passer chez les Juifs, vous n’avez point embrassé leur religion, et n’avez pas adopté leurs sentiments les plus essentiels. Peut-être quelque Galiléen mal instruit répondra : les Juifs ne sacrifient point. Je lui répliquerai qu’il parle sans connaissance ; premièrement, parce que les Galiléens n’observent aucun des usages et ses préceptes des Juifs ; secondement, parce que les Juifs sacrifient aujourd’hui en secret, et qu’ils se nourrissent encore de victimes ; qu’ils prient avant d’offrir les sacrifices ; qu’ils donnent l’épaule droite des victimes à leurs Prêtres. Mais comme ils n’ont point de temples, d’autels, et de ce qu’ils appellent communément Sanctuaires, ils ne peuvent point offrir à leur Dieu les prémices des victimes. Vous autres, Galiléens, qui avez inventé un nouveau genre de sacrifice, et qui n’avez pas besoin de Jérusalem, pourquoi ne sacrifiez-vous donc pas comme les Juifs, chez les quels vous avez passé en qualité de transfuges ? Il serait inutile et superflu si je m’étendes plus longtemps sur ce sujet, puisque j’en ai déjà parlé amplement, lorsque j’ai voulu prouver que les Juifs ne diffèrent des autres Nations, que dans le seul point de la croyance en un Dieu unique. Ce Dogme, étranger à tous les peuples, n’est propre qu’à eux. D’ailleurs, toutes les autres choses font communes ente eux et nous : les temples, les autels, les lustrations, plusieurs cérémonies religieuses ; dans toutes ces choses nous pensons comme les Hébreux, ou nous différons de fort peu de chose en quelques unes. Pourquoi, Galiléens, n’observez-vous pas la loi de Moïse, dans l’usage des viandes ? Vous prétendez qu’il vous est permis de manger de toutes, ainsi que de différentes sortes de légumes. Vous vous en rapportez à Pierre, qui vous a dit : Ne dis point que ce que Dieu a purifié, soit immonde. Mais par quelle raison le Dieu d’Israël a-t-il tout à coup déclaré pur ce qu’il avait jugé immonde pendant si longtemps ? Moïse parlant des quadrupèdes, dit : Tout animal qui a l’ongle séparé et qui rumine est pur ; tout autre animal est immonde. Si depuis la vision de Pierre, le porc est un animal qui rumine, nous le croyons pur ; et c’est un grand miracle, si ce changement s’est fait dans cet animal après la vision de Pierre ; mais si au contraire Pierre a feint qu’il avait eu chez le Tanneur où il logeait, cette révélation, (pour me servir de vos expressions ;) pourquoi le croirons-nous sur sa parole, dans un dogme important à éclaircir ? En effet quel précepte difficile ne vous eût-il pas ordonné, si outre la chair de cochon, il vous eût défendu de manger des oiseaux, des poissons, et des animaux aquatiques ; assurant que tous ces animaux, outre les cochons, avaient été déclarés immondes et défendus par Dieu ? Mais Pourquoi m’arrêter à réfuter ce que disent les Galiléens, lorsqu’il est aisé de voir que leurs raisons n’ont aucune force. Ils prétendent que Dieu, après avoir établi une première Loi, en a donné une seconde : que la première n’avait été faite que pour un certain temps, et que la seconde lui avait succédé, parce que celle de Moïse n’en avait été que le type. Je démontrerai par l’autorité de Moïse, qu’il n’est rien de si faux que ce que disent les Galiléens. Cet Hébreu dit expressément, non pas dans dix endroits, mais dans mille, que la loi qu’il donnait serait éternelle. Voyons ce qu’on trouve dans l’Exode : Ce jour vous sera mémorable, et vous le célébrerez pour le Seigneur dans toutes les générations. Vous le célébrerez comme une fête solennelle par ordonnance perpétuelle. Vous mangerez pendant sept jours, du pain sans levain, et dès le premier jour vous ôterez le levain de vos maisons[i]. Je passe un nombre de passages que je ne rapporte pas pour ne point trop les multiplier, et qui prouvent tous également que Moïse donna sa Loi comme devant être éternelle. Montrez-moi, O Galiléens ! dans quel endroit de vos Écritures il est dit, ce que Paul a osé avancer, que le Christ était la fin de la Loi. Où trouve-t-on que Dieu ait promis aux Israélites de leur donner dans la suite une autre loi, que celle qu’il avait d’abord établie chez eux ? Il n’est parlé dans aucun lieu, de cette nouvelle Loi : il n’est pas même dit qu’il arriverait aucun changement à la première. Entendons parler Moïse lui même. Vous n’ajouterez rien aux commandements que je vous donnerai, et vous n’en ôterez rien. Observez les Commandements du Seigneur votre Dieu, et tout ce que je vous ordonnerai aujourd’hui. Maudits soient tous ceux qui n’observent pas tous les Commandements de la Loi. Mais vous, Galiléens, vous comptez pour peu de chose d’ôter et d’ajouter ce que vous voulez, aux préceptes qui sont écrits dans la Loi. Vous regardez comme grand et glorieux de manquer à cette même Loi : agissant ainsi, ce n’est pas la vérité que vous avez pour but ; mais vous vous conformez à ce que vous voyez être approuvé du vulgaire. Vous êtes si peu sensés, que vous n’observez pas même les préceptes que vous ont donnés les Apôtres. Leurs premiers successeurs les ont altérés, par une impiété et une méchanceté, qui ne peuvent être assez blâmées. Ni Paul, ni Matthieu, ni Luc, ni Marc n’ont osé dire que Jésus fût un Dieu : mais lorsque Jean eut appris que dans plusieurs villes de la Grèce et de l’Italie, beaucoup de Personnes parmi le Peuple, étaient tombées dans cette erreur ; sachant d’ailleurs que les Tombeaux de Pierre et de Paul commençaient d’être honorés, qu’on y priait en secret ; il s’enhardit jusqu’à dire que Jésus était Dieu. Le verbe, dit-il, s’est fait chair et a habité dans nous. Mais il n’a pas osé expliquer de quelle manière ; car en aucun endroit il ne nomme ni Jésus ni Christ, lorsqu’il nomme Dieu et le Verbe. Il cherche à nous tromper d’une manière couverte, imperceptiblement, et peu à peu. Il dit que Jean-Baptiste avait rendu témoignage à Jésus, et qu’il avait déclaré que c’était lui qui était le verbe de Dieu. Je ne veux point nier que Jean-Baptiste n’ait parlé de Jésus dans ces termes, quoique plusieurs irréligieux parmi vous, prétendent que Jésus-Christ n’est point le verbe dont parle Jean. Pour moi, je ne suis pas de leur sentiment : puisque Jean dit dans un autre endroit, que le verbe qu’il appelle Dieu, Jean-Baptiste a reconnu que c’était ce même Jésus. Remarquons actuellement avec combien de finesse, de ménagement, et de précaution se conduit Jean. Il introduit avec adresse l’impiété fabuleuse qu’il veut établir : il fait si bien se servir de tous les moyens que la fraude peut lui fournir, que parlant derechef d’une façon ambiguë, il dit : Personne n’a jamais vu Dieu. Le fils unique, qui est au sein du père, est celui qui nous l’a révélé. Il faut que ce fils, qui est dans le sein de son Père, soit ou le Dieu verbe, ou un autre fils. Or si c’est le verbe, vous avez nécessairement vu Dieu, puisque le verbe a habité parmi vous, et que vous avez vu sa gloire. pourquoi Jean dit-il donc, que jamais personne n’a vu Dieu ? Si vous n’avez pas vu Dieu le Père, vous avez certainement vu Dieu le verbe. Mais si Dieu, ce fils unique, est un autre que le verbe Dieu, comme je l’ai entendu dire souvent à plusieurs de votre religion, Jean ne semble-t-il pas, dans les discours obscurs, oser dire encore quelque chose de semblable, et rendre douteux ce qu’il dit ailleurs ? On doit regarder Jean comme le premier auteur du mal, et la source des nouvelles erreurs que vous avez établies, en ajoutant au culte du Juif mort que vous adorez, celui de plusieurs autres. Qui peut assez s’élever contre un pareil excès ! Vous remplissez tous les lieux de tombeaux, quoiqu’il ne soit dit dans aucun endroit de vos Écritures, que vous deviez fréquenter et honorer les sépulcres. Vous êtes parvenus à un tel point d’aveuglement, que vous croyez sur ce sujet, ne devoir faire aucun cas de ce que vous a ordonné Jésus de Nazareth. Écoutez ce qu’il dit des tombeaux. Malheur à vous, scribes, pharisiens, hypocrites, parce que vous êtes semblables à des sépulcres reblanchis : au dehors le sépulcre paraît beau, mais en dedans il est plein d’ossements de morts, et de toutes sortes d’ordures. Si Jésus dit que les sépulcres ne sont que le réceptacle des immondices et des ordures, comment pouvez-vous invoquer Dieu sur eux ? Voyez ce que Jésus répondit à un de ses Disciples, qui lui disait : Seigneur, permettez avant que je parte, que j’ensevelisse mon Père. Suivez-moi, répliqua Jésus, et laissez aux morts à enterrer leurs morts. Cela étant ainsi, pourquoi courez-vous avec tant d’ardeur aux sépulcres ? voulez-vous en savoir la cause ? je ne la dirai point, vous l’apprendrez du Prophète Ésaïe : Ils dorment dans les sépulcres et dans les cavernes, à cause des songes. On voit clairement par ces paroles, que c’était un ancien usage chez les Juifs, de se servir des sépulcres, comme d’un espèce de charme et de magie, pour se procurer des songes. Il est apparent que vos Apôtres, après la mort de leur Maître, suivirent cette coutume, et qu’ils l’ont transmise à vos ancêtres, qui ont employé cette espèce de magie beaucoup plus habilement que ceux qui vinrent après eux, qui exposèrent en public les lieux, et, pour ainsi dire, les laboratoires où ils fabriquaient leurs charmes. Vous pratiquez donc ce que Dieu a défendu, soit par Moïse, soit par les Prophètes. Au contraire, vous craignez de faire ce qu’il a ordonné par ces mêmes Prophètes : vous n’osez sacrifier et offrir des victimes sur les autels. Il est vrai que le feu ne descend plus du ciel, comme vous dites qu’ils descendit du temps de Moïse, pour consumer la victime ; mais cela, de votre aveu, n’est arrivé qu’une fois sous Moïse, et une autre fois longtemps après, sous Élie, natif de Tesbe, d’ailleurs je montrerai que Moïse a cru qu’on devait apporter le feu d’un autre lieu, et que le Patriarche Abraham avait eu longtemps avant lui le même sentiment. A l’histoire du sacrifice d’Isaac, qui portait lui-même le bois et le feu, je joindrai celle d’Abel, dont les sacrifices ne furent jamais embrasés par le feu du Ciel, mais par le feu qu’Abel avait pris. Peut-être serait-ce ici le lieu d’examiner, par quelle raison le Dieu des Hébreux approuva le sacrifice d’Abel, et réprouva celui de Caïn ; et d’expliquer en même temps ce que veulent dire ces paroles, si tu offres bien et que tu divises mal, n’as-tu pas péché ? Quant à moi, je pense que l’offrande d’Abel fut mieux reçue que celle de Caïn, parce que le sacrifice des victimes est plus digne de la grandeur de Dieu, que l’offre des fruits de la terre. Ne considérons pas seulement ce premier passage ; voyons en d’autres qui ont rapport aux prémices offertes à Dieu par les enfants d’Adam. Dieu regarda Abel et son oblation ; mais il n’eut point d’égard à Caïn, et il ne considéra pas son oblation. Caïn devint fort triste, et son visage fut abattu. Et le Seigneur dit à Caïn ; pourquoi es-tu devenu triste, et pourquoi ton visage est-il abattu ? Ne pèches-tu pas, si tu offres bien et que tu ne divises pas bien ? Voulez vous savoir quelles étaient les oblations d’Abel et de Caïn ? Or il arriva, après quelques jours, que Caïn présenta au Seigneur les prémices des fruits de la terre, et Abel offrit aussi les premiers nés de son troupeau et leur graisse. Ce n’est pas le sacrifice, disent les Galiléens, mais c’est la division que Dieu condamna, lorsqu’il adressa ces paroles à Caïn : N’as tu pas péché, si tu as bien offert et si tu as mal divisé. Ce fut là ce que me répondit à ce sujet un de leurs Évêques, qui passe pour être un des plus Sages. Alors l’ayant prié de me dire, quel était le défaut qu’il y avoir eu dans la division de Caïn, il ne put jamais le trouver, ni donner la moindre réponse un peu satisfaisante et vraisemblable. Comme je m’aperçus qu’il ne savait plus que dire : il est vrai, lui répondis-je, que Dieu a condamné, avec raison, ce que vous dites qu’il a condamné : la volonté était égale dans Abel et dans Caïn ; l’un et l’autre pensaient qu’il fallait offrir à Dieu des oblations ; mais quant à la division, Abel atteignit au but, et l’autre se trompa. Comment cela arriva-t-il, me demanderez-vous ? Je vous répondrai que parmi les choses terrestres les unes sont animées, et les autres sont privées de l’âme : les choses aminées sont plus dignes d’être offertes que les inanimées, au Dieu vivant et auteur de la vie ; parce qu’elles participent à la vie, et qu’elles ont plus de rapport avec l’esprit. Ainsi Dieu favorisa celui qui avait offert un sacrifice parfait, et qui n’avait point péché dans la division. Il faut que je vous demande, Galiléens, pourquoi ne circoncisez-vous pas ? Vous répondez : Paul a dit que la circoncision du cœur était nécessaire, mais non pas celle du corps : selon lui celle d’Abraham ne fut donc pas véritablement charnelle ; et nous nous en rapportons sur cet article, à la décision de Paul et de Pierre. Apprenez, Galiléens, qu’il est marqué dans vos Écritures, que Dieu a donné à Abraham la circoncision de la chair, comme un témoignage et une marque authentique. C’est ici mon Alliance entre moi et vous, entre ta postérité dans la suite des générations. Et vous circoncirez la chair de votre prépuce ; et cela sera pour signe de l’alliance entre moi vous, et entre moi et la postérité. Jésus n’a-t-il pas ordonné lui-même d’observer exactement la Loi ? Je ne suis point venu, dit il, pour détruire la Loi et les Prophètes, mais pour les accomplir. Et dans un autre endroit ne dit-il pas encore : Celui qui manquera au plus petit des préceptes de la Loi, et qui enseignera aux hommes à ne pas l’observer, sera le dernier dans le royaume du Ciel ? Puisque Jésus a ordonné expressément d’observer soigneusement la Loi, et qu’il a établi des peines, pour punir celui qui péchait contre le moindre commandement de cette Loi ; vous, Galiléens, qui manquez à tous, quelle excuse pouvez-vous apporter pour vous justifier ? Ou Jésus ne dit pas la vérité, ou bien vous êtes des déserteurs de la Loi. Revenons à la circoncision. La Genèse dit : « la circoncision fera faite sur la chaire. Vous l’avez entièrement supprimée, et vous répondez : Nous sommes circoncis par le cœur. Ainsi donc chez vous, Galiléens, personne n’est méchant, ou criminel : vous êtes tous circoncis par le cœur. Fort bien : Mais les Azymes, mais la Pâque ? Vous répliquez : nous ne pouvons point observer la fête des Azymes, ni celle de la Pâque : Christ s’est immolé pour nous, une fois pour toutes ; et il nous a défendu de manger des Azymes. Je suis ainsi que vous, un de ceux qui condamnent les fêtes des Juifs, et qui n’y prennent aucune part : cependant j’adore le Dieu qu’adorèrent Abraham, Isaac, et Jacob, qui étant Chaldéens, et de race sacerdotale, ayant voyagé chez les Égyptiens, en prirent l’usage de leur circoncision. Ils honorèrent un Dieu qui leur fut favorable, de même qu’il l’est à moi, et à tous ceux qui l’invoquent ainsi qu’Abraham. Il n’y a qu’à vous seuls à qui il n’accorde pas les bienfaits, puisque vous n’imitez point Abraham, soit en lui élevant des autels, soit en lui offrant des sacrifices. Non seulement Abraham sacrifiait souvent, ainsi que nous ; mais il se servait de la divination comme l’on fait chez les Grecs. Il se confiait beaucoup aux augures, et sa maison trouvait sa conservation dans cette science. Si quelqu’un parmi vous, O Galiléens, refuse de croire ce que je dis ; je vous le prouverai par l’autorité de Moïse. Écoutez-le parler : Après ces Choses, la parole du Seigneur fut adressée à Abraham dans une vision, en disant : Ne craint point, Abraham, je te protège, et ta récompense sera grande. Abraham dit : Seigneur, que me donnerez vous ? je m’en vais sans laisser d’enfants, et le fils de ma servante sera mon héritier. Et d’abord la voix du Seigneur s’adresse à lui, et lui dit : Celui-ci ne fera pas ton héritier ; mais celui qui sortira de toi, celui-là sera ton héritier. Alors il le conduisit dehors, et lui dit : Regarde au Ciel, et compte les Étoiles, si tu peux les compter ; ta postérité sera de même. Abraham crut à Dieu, et cela lui fut réputé à justice. Dites moi actuellement, pourquoi celui qui répondit à Abraham, soit que ce fût un Ange, soit que ce fût un Dieu, le conduisit-il hors de son logis ? Car quoiqu’il fût auparavant dans sa maison, il n’ignorait pas la multitude innombrable d’étoiles qui luisent pendant la nuit. Je suis assuré que celui qui faisait sortir Abraham, vouloir lui montrer le mouvement des Astres, pour qu’il pût confirmer sa promesse, par les décrets du Ciel qui régit tout, et dans lequel sont écrits les évènements. Afin qu’on ne regarde pas comme forcée l’explication du passage que je viens de citer, je la confirmerai, par ce qui suit ce même passage. Le Seigneur dit à Abraham : je suis ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays des Chaldéens, pour te donner cette terre en héritage. Abraham répondit : Seigneur, comment connaîtrai-je que j’hériterai de cette terre ? Le Seigneur lui répondit : prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois sans, un bélier de trois ans, une tourterelle, et un pigeon. Abraham prit donc toutes ces choses, et les partagea par le milieu, et mit chaque moitié vis-à-vis l’une de l’autre : mais il ne partagea pas les oiseaux. Et une volée d’oiseaux descendit sur ces bêtes mortes, et Abraham se plaça avec elles. Remarquez que celui qui conversait avec Abraham, soit que ce fût un ange, soit que ce fût un Dieu, ne confirma pas sa prédiction légèrement, mais par la divination et les victimes : l’Ange ou le Dieu qui parlait à Abraham, lui promettait de certifier sa promesse par le vol des oiseaux. Car il ne suffit pas d’une promesse vague, pour autoriser la vérité d’une chose : mais il est nécessaire qu’une marque certaine assure la certitude de la prédiction qui doit s’accomplir dans d’avenir.
[i] Il y a ici une lacune : mais comme elle n’était remplie que par des passages destinés à prouver que la Loi devait être éternelle et immuable, selon Moïse ; cette lacune n’interrompt pas le sens.
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