Aristote : Topiques

ARISTOTE

LOGIQUE. TOME QUATRE

TOPIQUES : LIVRE VI : LIEUX COMMUNS DE LA DÉFINITION..

Traduction française : BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

chapitre IX

livre VI chapitre VIII - livre VI chapitre X

 

 

TOPIQUES.

LIVRE SIXIÈME.

LIEUX COMMUNS DE LA DÉFINITION.

 

 

 

 

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CHAPITRE IX.

Huit autres lieux pour attaquer la définition.

1 Ἔτι ἐὰν μὲν ᾖ τῆς ἕξεως ὁ ὁρισμός, σκοπεῖν ἐπὶ τοῦ ἔχοντος, ἐὰν δὲ τοῦ ἔχοντος, ἐπὶ τῆς ἕξεως· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων· οἷον εἰ τὸ ἡδὺ ὅπερ ὠφέλιμον, καὶ ὁ ἡδόμενος ὡφελούμενος. Καθόλου δ´ εἰπεῖν ἐν τοῖς τοιούτοις ὁρισμοῖς τρόπον τινὰ πλείω ἑνὸς συμβαίνει τὸν ὁριζόμενον ὁρίζεσθαι. γὰρ τὴν ἐπιστήμην ὁριζόμενος τρόπον τινὰ καὶ τὴν ἄγνοιαν ὁρίζεται, ὁμοίως δὲ καὶ τὸ ἐπιστῆμον καὶ τὸ ἀνεπιστῆμον, καὶ τὸ ἐπίστασθαι καὶ τὸ ἀγνοεῖν· τοῦ γὰρ πρώτου δήλου γενομένου τρόπον τινὰ καὶ τὰ λοιπὰ δῆλα γίνεται. Σκεπτέον οὖν ἐπὶ πάντων τῶν τοιούτων μή τι διαφωνῇ, στοιχείοις χρώμενον τοῖς ἐκ τῶν ἐναντίων καὶ τῶν συστοίχων.

2 Ἔτι ἐπὶ τῶν πρός τι σκοπεῖν εἰ πρὸς ὃ τὸ γένος ἀποδίδοται, τὸ εἶδος πρὸς ἐκεῖνό τι ἀποδίδοται. Οἷον εἰ ἡ ὑπόληψις πρὸς τὸ ὑποληπτόν, ἡ τὶς ὑπόληψις πρὸς τὸ τὶ ὑποληπτόν, καὶ εἰ τὸ πολλαπλάσιον πρὸς τὸ πολλοστημόριον, τὸ τὶ πολλαπλάσιον πρὸς τὸ τὶ πολλοστημόριον· εἰ γὰρ μὴ οὕτως ἀποδέδοται, δῆλον ὅτι ἡμάρτηται.

3 Ὁρᾶν δὲ καὶ εἰ τοῦ ἀντικειμένου ὁ ἀντικείμενος λόγος, οἷον τοῦ ἡμίσεος ὁ ἀντικείμενος τῷ τοῦ διπλασίου· εἰ γὰρ διπλάσιον τὸ ἴσῳ ὑπερέχον, ἥμισυ τὸ ἴσῳ ὑπερεχόμενον. 4 Καὶ ἐπὶ τῶν ἐναντίων δ´ ὡσαύτως· ὁ γὰρ ἐναντίος τοῦ ἐναντίου λόγος ἔσται κατὰ μίαν τινὰ συμπλοκὴν τῶν ἐναντίων. Οἷον εἰ ὠφέλιμον τὸ ποιητικὸν ἀγαθοῦ, βλαβερὸν τὸ ποιητικὸν κακοῦ ἢ τὸ φθαρτικὸν ἀγαθοῦ· θάτερον γὰρ τούτων ἀναγκαῖον ἐναντίον [148] εἶναι τῷ ἐξ ἀρχῆς ῥηθέντι. Εἰ οὖν μηδέτερον ἐναντίον τῷ ἐξ ἀρχῆς ῥηθέντι, δῆλον ὅτι οὐδέτερος ἂν εἴη τῶν ὕστερον ἀποδοθέντων τοῦ ἐναντίου λόγος, ὥστ´ οὐδ´ ὁ ἐξ ἀρχῆς ἀποδοθεὶς ὀρθῶς ἀποδέδοται. 5 πεὶ δ´ ἔνια τῶν ἐναντίων στερήσει θατέρου λέγεται, οἷον ἡ ἀνισότης στέρησις ἰσότητος δοκεῖ εἶναι (ἄνισα γὰρ τὰ μὴ ἴσα λέγεται), δῆλον οὖν ὅτι τὸ μὲν κατὰ στέρησιν λεγόμενον ἐναντίον ἀναγκαῖον ὁρίζεσθαι διὰ θατέρου, τὸ δὲ λοιπὸν οὐκέτι διὰ τοῦ κατὰ στέρησιν λεγομένου· συμβαίνοι γὰρ ἂν ἑκάτερον δι´ ἑκατέρου γνωρίζεσθαι. πισκεπτέον οὖν ἐν τοῖς ἐναντίοις τὴν τοιαύτην ἁμαρτίαν, οἷον εἴ τις ὁρίσαιτο τὴν ἰσότητα τὸ ἐναντίον ἀνισότητι· διὰ γὰρ τοῦ κατὰ στέρησιν λεγομένου ὁρίζεται. 6 τι τὸν οὕτως ὁριζόμενον ἀναγκαῖον αὐτῷ τῷ ὁριζομένῳ χρῆσθαι. Δῆλον δὲ τοῦτο, ἐὰν μεταληφθῇ ἀντὶ τοῦ ὀνόματος ὁ λόγος· εἰπεῖν γὰρ ἢ ἀνισότητα οὐδὲν διαφέρει ἢ στέρησιν ἰσότητος. σται οὖν ἡ ἰσότης τὸ ἐναντίον στερήσει ἰσότητος, ὥστ´ αὐτῷ ἂν εἴη κεχρημένος. 7 ν δὲ μηδέτερον τῶν ἐναντίων κατὰ στέρησιν λέγηται, ἀποδοθῇ δ´ ὁ λόγος ὁμοίως, οἷον ἀγαθὸν τὸ ἐναντίον κακῷ, δῆλον ὅτι κακὸν τὸ ἐναντίον ἀγαθῷ ἔσται· τῶν γὰρ οὕτως ἐναντίων ὁμοίως ὁ λόγος ἀποδοτέος. στε πάλιν αὐτῷ τῷ ὁριζομένῳ συμβαίνει χρῆσθαι· ἐνυπάρχει γὰρ ἐν τῷ τοῦ κακοῦ λόγῳ τὸ ἀγαθόν. στ´ εἰ ἀγαθόν ἐστι τὸ κακῷ ἐναντίον, τὸ δὲ κακὸν οὐδὲν διαφέρει ἢ τὸ τῷ ἀγαθῷ ἐναντίον, ἔσται ἀγαθὸν τὸ ἐναντίον τῷ τοῦ ἀγαθοῦ ἐναντίῳ. Δῆλον οὖν ὅτι αὐτῷ κέχρηται.

8 Ἔτι εἰ τὸ κατὰ στέρησιν λεγόμενον ἀποδιδοὺς μὴ ἀποδέδωκεν οὗ ἐστι στέρησις, οἷον τῆς ἕξεως ἢ τοῦ ἐναντίου ἢ ὁτουοῦν ἐστιν ἡ στέρησις. Καὶ εἰ μὴ ἐν ᾧ πέφυκε γίνεσθαι προσέθηκεν, ἢ ἁπλῶς ἢ ἐν ᾧ πρώτῳ πέφυκε γίνεσθαι. Οἷον εἰ τὴν ἄγνοιαν εἰπὼν στέρησιν μὴ ἐπιστήμης στέρησιν εἶπεν, ἢ μὴ προσέθηκεν ἐν ᾧ πέφυκε γίνεσθαι, ἢ προσθεὶς μὴ ἐν ᾧ πρώτῳ ἀπέδωκεν, οἷον ὅτι οὐκ ἐν τῷ λογιστικῷ ἀλλ´ ἐν ἀνθρώπῳ ἢ ψυχῇ· ἐὰν γὰρ ὁτιοῦν τούτων μὴ ποιήσῃ, ἡμάρτηκεν. μοίως δὲ καὶ εἰ τὴν τυφλότητα μὴ ὄψεως στέρησιν ἐν ὀφθαλμῷ εἶπεν· δεῖ γὰρ τὸν καλῶς ἀποδιδόντα τὸ  [148a] τί ἐστι καὶ τίνος ἐστὶν ἡ στέρησις ἀποδιδόναι καὶ τί ἐστι τὸ ἐστερημένον.

9 Ὁρᾶν δὲ καὶ εἰ μὴ λεγομένου κατὰ στέρησιν στερήσει ὡρίσατο, οἷον καὶ ἐπὶ τῆς ἀγνοίας δόξειεν ἂν ὑπάρχειν ἡ τοιαύτη ἁμαρτία τοῖς μὴ κατ´ ἀπόφασιν τὴν ἄγνοιαν λέγουσιν. Τὸ γὰρ μὴ ἔχον ἐπιστήμην οὐ δοκεῖ ἀγνοεῖν, ἀλλὰ μᾶλλον τὸ διηπατημένον· διὸ οὔτε τὰ ἄψυχα οὔτε τὰ παιδία φαμὲν ἀγνοεῖν. στ´ οὐ κατὰ στέρησιν ἐπιστήμης ἡ ἄγνοια λέγεται.  

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1 De plus, si la définition s'applique à une possession, il faut voir au sujet qui possède; si c'est au sujet qui possède, il faut voir à la possession. Et de même pour toutes les autres choses de ce genre : par exemple, si ce qui plaît est ce qui est utile, celui qui a du plaisir est aussi celui qui retire de l'utilité. En un mot, dans les définitions de ce genre, il arrive que celui qui définit définit plus d'une seule chose à la fois; car définir la science, c'est bien définir aussi en quelque sorte l'ignorance. Et de même si l'on définit ce qui sait, on définit aussi ce qui ne sait pas. Si l'on définit savoir, on définit bien de plus ignorer; car le premier terme étant expliqué, le reste devient, en quelque sorte, aussi évident. Il faut donc voir dans toutes ces définitions, s'il n'y a pas quelque discordance, en se servant des lieux pris des contraires et des conjugués.

2 Il faut voir, dans les relatifs, si l'on peut rapporter aussi l'espèce à quelque partie de la chose à laquelle est rapporté le genre. Par exemple, si la conception est relative au sujet conçu, telle conception devra être relative à tel sujet conçu; et si le multiple se rapporte au sous-multiple, il faudra que tel multiple se rapporte à tel sous-multiple; car si on ne peut pas établir ces rapports, c'est qu'évidemment on s'est trompé.

3 Il faut voir encore si la définition opposée est bien celle du terme opposé : par exemple, si celle de la moitié est l'opposé de celle du double; car si le double est ce qui surpasse d'autant, ce qui est surpassé d'autant est la moitié. 4 Et de même pour les contraires : car la définition du contraire sera la définition du contraire, toutes les fois qu'il s'agit d'une combinaison simple des contraires. Par exemple, si l'utile est ce qui fait le bien, le nuisible sera ce qui fait le mal ou ce qui détruit le bien. II faut nécessairement que l'une des deux définitions soit contraire à celle qui a été posée d'abord. Si donc ni l'une ni l'autre n'est contraire à celle qui a été donnée d'abord, il est évident qu'aucune de celles qui ont été données à la suite ne sera la définition du contraire; et par conséquent, la définition donnée d'abord n'aura pas été bien donnée.  5 Comme certains contraires ne sont désignés que par la privation de l'autre contraire, et, par exemple, l'inégalité paraît être la privation d'égalité, puisqu'on appelle inégales les choses qui ne sont pas égales, il est évident que le contraire désigné par privation sera nécessairement défini par l'autre; tandis que cet autre ne le sera pas par celui qui est désigné privativement; car il arriverait alors qu'indifféremment l'un serait connu par l'autre, il faut donc, pour les contraires, bien prendre garde à cette erreur. On la commettrait, par exemple, si l'on définissait l'égalité le contraire de l'inégalité; car c'est définir par le contraire qui est dénommé privativement.  6 De plus, quand on définit ainsi, on est forcé nécessairement de se servir de la chose même qu'on définit, et cela est de toute évidence, si l'on substitue la définition au défini; car il n'y a pas de différence à dire ou l'inégalité ou la privation de l'égalité. Ainsi l'égalité sera le contraire de la privation de l'égalité, et, par conséquent, on aura employé l'égalité. 7 Même erreur si aucun des contraires n'est dénommé par privation, et que la définition soit semblablement donnée. Ainsi, comme le bien est le contraire du mal, il est évident que le mal sera le contraire du bien; car pour les contraires de ce genre il faut donner semblablement la définition; de sorte qu'il faut se servir ici encore une fois de la chose définie. Ainsi le bien est dans la définition du mal : et par conséquent, si le bien est le contraire du mal et que le mal ne soit pas autre chose que le contraire du bien, le bien sera le contraire du contraire du bien. Il est donc évident que pour définir la chose on se sert de la chose elle-même.

8 Il faut voir encore si en donnant le terme dit par privation on n'a point donné aussi la chose dont il est la privation : par exemple, de la possession, ou du contraire, ou de telle autre chose dont il est la privation. Et si l'on a oublié d'ajouter que ce terme est dans le sujet, où il doit être naturellement, soit d'une manière absolue, soit primitivement : par exemple, si, disant que l'ignorance est privation, on n'a pas dit que c'est privation de science; ou si l'on n'a pas ajouté le sujet dans lequel elle est naturellement; ou si, en ajoutant ce sujet, on n'a pas donné le sujet où elle est primitivement: par exemple, si l'on a dit qu'elle est, non pas dans la partie raisonnable, mais dans l'homme ou bien dans l'âme, si, dis-je, l'on ne prend pas toutes ces précautions, on s'est trompé. De même encore si, en parlant de l'aveuglement, on n'a pas dit qu'il était la privation de la vue dans l'œil; car il faut pour bien définir ici ce qu'est la chose, dire et de quoi elle est la privation et quel est le sujet qui en est privé.

9 II faut voir enfin si l'on a défini par privation un terme qui n'est point dit par privation. C'est ainsi que pour la définition de l'ignorance, cette faute semblerait être commise aux yeux de ceux qui ne la définissait que par négation; car celui qui n'a pas la science ne paraît pas ignorer; c'est bien plutôt celui qui se trompe. Et voilà pourquoi nous ne disons pas que les êtres inanimés, non plus que les enfants, sont ignorants. Par conséquent, l'ignorance n'est pas dite par privation de la science.  

 

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§ 1. Pour toutes les autres choses de ce genre, Les relatifs et les opposés. - Des lieux pris des contraires et des conjugués, comme on l'a fait plus haut. liv. 2, ch. 8, 9 ; liv. 4, ch. 3, 4; liv. 5, ch. 6

§ 4. D'une combinaison simple des contraires. Voir, pour les combinaison diverses des contraires, livre 2, chap 7.

§ 7. Soit semblablement donnée, Pour l'un et l'autre contraires.

 

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