Aristote : Topiques

ARISTOTE

LOGIQUE. TOME QUATRE

TOPIQUES : LIVRE VI : LIEUX COMMUNS DE LA DÉFINITION..

Traduction française : BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

chapitre ΧI

livre VΙ chapitre X - livre VI chapitre XII

 

 

TOPIQUES.

LIVRE SIXIÈME.

LIEUX COMMUNS DE LA DÉFINITION.

 

 

 

 

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CHAPITRE XI. Cinq autres lieux pour attaquer la définition.

1 Ἐὰν δὲ τῶν συμπεπλεγμένων τινὸς ἀποδοθῇ ὅρος, σκοπεῖν, ἀφαιροῦντα τὸν θατέρου τῶν συμπεπλεγμένων λόγον, εἰ καὶ ὁ λοιπὸς τοῦ λοιποῦ· εἰ γὰρ μή, δῆλον ὅτι οὐδ´ ὁ ὅλος τοῦ ὅλου. Οἷον εἰ ὁρίσαιτο γραμμὴν πεπερασμένην εὐθεῖαν "πέρας ἐπιπέδου ἔχοντος πέρατα, οὗ τὸ μέσον ἐπιπροσθεῖ τοῖς πέρασιν", εἰ τῆς πεπερασμένης γραμμῆς ὁ λόγος ἐστὶ "πέρας ἐπιπέδου ἔχοντος πέρατα", τοῦ εὐθέος δεῖ εἶναι τὸ λοιπόν, "οὗ τὸ μέσον ἐπιπροσθεῖ τοῖς πέρασιν". λλ´ ἡ ἄπειρος οὔτε μέσον οὔτε πέρατα ἔχει, εὐθεῖα δ´ ἐστίν, ὥστ´ οὐκ ἔστιν ὁ λοιπὸς τοῦ λοιποῦ λόγος.

2 Ἔτι εἰ συνθέτου ὄντος τοῦ ὁριζομένου ἰσόκωλος ὁ λόγος ἀπεδόθη τῷ ὁριζομένῳ. σόκωλος δὲ λέγεται ὁ λόγος εἶναι, ὅταν ὅσαπερ ἂν ᾖ τὰ συγκείμενα, τοσαῦτα καὶ ἐν τῷ λόγῳ ὀνόματα καὶ ῥήματα ᾖ. νάγκη γὰρ αὐτῶν τῶν ὀνομάτων ἐν τοῖς τοιούτοις μεταλλαγὴν γίνεσθαι, ἢ πάντων ἢ τινῶν, ἐπειδὴ  [149a] οὐδὲν πλείω νῦν ἢ πρότερον ὀνόματα εἴρηται. Δεῖ δὲ τὸν ὁριζόμενον λόγον ἀντὶ τῶν ὀνομάτων ἀποδοῦναι, μάλιστα μὲν πάντων, εἰ δὲ μή, τῶν πλείστων. Οὕτω γὰρ καὶ ἐπὶ τῶν ἁπλῶν ὁ τοὔνομα μεταλαβὼν ὡρισμένος ἂν εἴη, οἷον ἀντὶ λωπίου ἱμάτιον. 3 Ἔτι δὲ μείζων ἁμαρτία, εἰ καὶ ἀγνωστοτέρων ὀνομάτων τὴν μετάληψιν ἐποιήσατο, οἷον ἀντὶ ἀνθρώπου λευκοῦ βροτὸν ἀργόν· οὔτε γὰρ ὥρισται ἧττόν τε σαφὲς οὕτω ῥηθέν.

4 Σκοπεῖν δὲ καὶ ἐν τῇ μεταλλαγῇ τῶν ὀνομάτων εἰ οὐ ταὐτὸν ἔτι σημαίνει, οἷον ὁ τὴν θεωρητικὴν ἐπιστήμην ὑπόληψιν θεωρητικὴν εἰπών. γὰρ ὑπόληψις τῇ ἐπιστήμῃ οὐ ταὐτόν· ἔδει δέ γε, εἴπερ μέλλει καὶ τὸ ὅλον ταὐτὸν εἶναι. Τὸ μὲν γὰρ θεωρητικὸν κοινὸν ἐν ἀμφοτέροις τοῖς λόγοις ἐστί, τὸ δὲ λοιπὸν διάφορον. 5 Ἔτι εἰ θατέρου τῶν ὀνομάτων τὴν μετάληψιν ποιούμενος μὴ τῆς διαφορᾶς ἀλλὰ τοῦ γένους τὴν μεταλλαγὴν ἐποιήσατο, καθάπερ ἐπὶ τοῦ ἀρτίως ῥηθέντος. γνωστότερον γὰρ ἡ θεωρητικὴ τῆς ἐπιστήμης· τὸ μὲν γὰρ γένος, τὸ δὲ διαφορά, πάντων δὲ γνωριμώτατον τὸ γένος. στ´ οὐ τοῦ γένους ἀλλὰ τῆς διαφορᾶς ἔδει τὴν μετάληψιν ποιήσασθαι, ἐπειδὴ ἀγνωστότερόν ἐστιν. 6 ( τοῦτο μὲν γελοῖον τὸ ἐπιτίμημα· οὐδὲν γὰρ κωλύει τὴν μὲν διαφορὰν τῷ γνωριμωτάτῳ ὀνόματι εἰρῆσθαι, τὸ δὲ γένος μή. Οὕτω δ´ ἐχόντων δῆλον ὅτι τοῦ γένους καὶ οὐ τῆς διαφορᾶς κατὰ τοὔνομα τὴν μετάληψιν ποιητέον.) Εἰ δὲ μὴ ὄνομα ἀντ´ ὀνόματος ἀλλὰ λόγον ἀντ´ ὀνόματος μεταλαμβάνει, δῆλον ὅτι τῆς διαφορᾶς μᾶλλον ἢ τοῦ γένους ὁρισμὸν ἀποδοτέον, ἐπειδὴ τοῦ γνωρίσαι χάριν ὁ ὁρισμὸς ἀποδίδοται· ἧττον γὰρ ἡ διαφορὰ τοῦ γένους γνώριμον.  

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1 Quand l'on a donné la définition d'une chose unie à d'autres, il faut voir si, en retranchant la définition de l'une des deux choses unies, ce qui restera sera bien encore la définition du reste; sinon, il est clair que la définition totale n'est pas la définition du tout. Par exemple, quand l'on a défini la ligne droite finie: la limite d'une surface qui a des limites, et dont le milieu est joint aux extrémités; si la définition de la ligne finie est la limite d'une surface ayant des limites, le reste de la définition doit s'appliquer à l'idée de droite, dont le milieu est joint aux extrémités. Mais la ligne infinie n'a ni milieu ni fin, et elle est droite pourtant; de sorte que la partie de la définition qui reste n'est pas ici la définition du reste.

2 Il faut voir encore si, le défini étant composé, on a donné une définition à membres égaux à ceux de défini. On appelle définition à membres égaux, lorsque, quels que soient les éléments composés du défini, il y a dans la définition tout autant de noms et de verbes; car il faut nécessairement, dans les cas de ce genre, qu'il puisse y avoir changement réciproque des mots, soit de tous, soit de quelques-uns au moins, puisqu'on n'a point ajouté plus de noms qu'il n'y en avait auparavant. Mais il faut, quand on définit, mettre la définition au lieu des mots, et tâcher de faire cela pour tous, ce qui est le mieux, ou sinon, pour la plupart au moins; car, de cette façon, même pour les mots simples, en ne substituant qu'un mot pour un mot, on n'aura pas défini; comme, par exemple, quand au lieu de vêtement on prend manteau. 3 II y a encore une faute plus grave, c'est de faire substitution de mots plus inconnus. Par exemple, si, au lieu d'homme blanc, on dit mortel blanchi; car on ne définit pas : et, de plus, on parle moins clairement en s'exprimant ainsi.

4 Il faut voir encore si, dans cette substitution de mots on n'exprime plus la même chose. Par exemple, quand on appelle la science théorique une conception théorique; car la conception n'est pas la même chose que la science: et il le faudrait, puisqu'on veut que l'expression totale soit aussi la même chose. Or, le mot théorique est commun dans les deux définitions; mais le reste est différent.  5 Et encore il faut voir si, en faisant la substitution de l'un des mots, on a fait la substitution, non pas pour la différence, mais pour le genre, comme dans l'exemple qu'on vient de citer; car le mot théorique est plus inconnu que le mot science. L'un, en effet, est le genre; l'autre est la différence, et le genre est le plus connu de tous les termes, puisqu'il est le plus commun. Donc il fallait appliquer la substitution, non pas au genre, mais à la différence, puisqu'elle est plus inconnue. 6 Ou bien ce reproche n'est-il pas ridicule? car rien n'empêche que la différence ne soit exprimée par le mot le plus connu, et que le genre ne le soit pas. Dans ce cas, il est clair qu'il fallait faire la substitution nominale, non pour la différence, mais pour le genre. Mais si l'on ne prend pas un mot pour un mot, et qu'on prenne une définition pour un mot, il est clair qu'il faut plutôt donner la définition de la différence que celle du genre, puisque la définition n'est donnée que pour faire connaître, et que la différence est moins connue que le genre.

 

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§ 1. Qu'il puisse y avoir changement réciproque des mots, Qu'on puisse prendre les définitions pour des mots dans le sens de la définition même, ou substituer de simples mots à des définitions. - Puisqu'on n'a point ajouté plus de noms, Et ce changement n'ajoute rien aux éléments intégrants de la définition. - On n'aura pas défini, L'édition de Berlin, d'accord avec une variante d'Isingrinius, dit au contraire : On aura défini. La suite de la pensée exige ici la négation: mais il est certain qu'en substituant un mot plus clair à un mot obscur, on fait en quelque sorte une définition, puisque le but de la définition est surtout de faire connaître les choses. Le paragraphe suivant semble confirmer aussi la leçon vulgairement reçue et que j'ai cru devoir garder. La définition à membres égaux, c'est-à-dire, composée précisément d'autant d'éléments que le défini, est mauvaise, parce qu'elle ne fait que substituer des mots à des mots, tandis qu'Il faut au contraire substituer des définitions à des mots.

§ 5. Il faut, quand on substitue un mot à un mot, remplacer plutôt une différence que le genre, parce que le genre est ordinairement plus connu, et par conséquent à moins besoin qu'on l'explique. - Puisqu'il est le plus commun, L'édition de Berlin, d'après quelques éditeurs, supprime ce petit membre de phrase, sans d'ailleurs citer d'autorités de manuscrits; il est utile de le conserver.

 

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