Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE V : DU MOUVEMENT. CHAPITRE III
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre II - chapitre IV

paraphrase du livre V

 

 

 

LEÇONS DE PHYSIQUE

 

LIVRE V.

 

DU MOUVEMENT.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE III.

Division des mouvements; il na peut y avoir mouvement que dans trois catégories: la quantité, la qualité et le lieu. Élimination des autres catégories ; arguments divers. - Il ne peut y avoir mouvement de mouvement; il faut un premier terme et un point de départ. - Il n'y a que trois espèces de mouvements, et trois catégories où le mouvement soit possible : accidentel, total ou partiel; désignations spéciales des mouvements, selon les catégories où ils s'accomplissent.
 

1  .Εἰ οὖν αἱ κατηγορίαι διῄρηνται οὐσίᾳ καὶ ποιότητι καὶ τῷ ποὺ [καὶ τῷ ποτὲ] καὶ τῷ πρός τι καὶ τῷ ποσῷ καὶ τῷ ποιεῖν ἢ πάσχειν, ἀνάγκη τρεῖς εἶναι κινήσεις, τήν τε τοῦ ποιοῦ καὶ τὴν τοῦ ποσοῦ καὶ τὴν κατὰ τόπον. 2 Κατ' οὐσίαν δ' οὐκ ἔστιν κίνησις διὰ τὸ μηδὲν εἶναι οὐσίᾳ τῶν ὄντων ἐναντίον. 3 Οὐδὲ δὴ τοῦ πρός τι· ἐνδέχεται γὰρ θατέρου μεταβάλλοντος ‹ἀληθεύεσθαι καὶ μὴ› ἀληθεύεσθαι θάτερον μηδὲν μεταβάλλον, ὥστε κατὰ συμβεβηκὸς ἡ κίνησις αὐτῶν. 4 Οὐδὲ δὴ ποιοῦντος καὶ πάσχοντος, ἢ κινουμένου καὶ κινοῦντος, ὅτι οὐκ ἔστι κινήσεως κίνησις οὐδὲ γενέσεως γένεσις, οὐδ' ὅλως μεταβολῆς μεταβολή.

5 Πρῶτον μὲν γὰρ διχῶς ἐνδέχεται κινήσεως εἶναι κίνησιν, ἢ ὡς ὑποκειμένου (οἷον ἅνθρωπος κινεῖται ὅτι ἐκ λευκοῦ εἰς μέλαν μεταβάλλει· ἆρά γε οὕτω καὶ ἡ κίνησις ἢ θερμαίνεται ἢ ψύχεται ἢ τόπον ἀλλάττει ἢ αὐξάνεται ἢ φθίνει; τοῦτο δὲ ἀδύνατον· οὐ γὰρ τῶν ὑποκειμένων τι ἡ μεταβολή), ἢ τῷ ἕτερόν τι ὑποκείμενον ἐκ μεταβολῆς μεταβάλλειν εἰς ἕτερον εἶδος [οἷον ἄνθρωπος ἐκ νόσου εἰς ὑγίειαν]. λλ' οὐδὲ τοῦτο δυνατὸν πλὴν κατὰ συμβεβηκός· αὐτὴ γὰρ ἡ κίνησις ἐξ ἄλλου εἴδους εἰς ἄλλο ἐστὶ μεταβολή ‹οἷον ἀνθρώπου ἐκ νόσου εἰς ὑγίειαν›· καὶ ἡ γένεσις δὲ καὶ ἡ φθορὰ ὡσαύτως, πλὴν αἱ μὲν εἰς ἀντικείμενα ὡδί, ἡ δὲ ὡδί, ἡ κίνησις. μα οὖν μεταβάλλει ἐξ ὑγιείας εἰς νόσον καὶ ἐξ αὐτῆς ταύτης τῆς μεταβολῆς εἰς ἄλλην. Δῆλον δὴ ὅτι ὅταν νοσήσῃ, μεταβεβληκὸς ἔσται εἰς ὁποιανοῦν (ἐνδέχεται γὰρ ἠρεμεῖν), καὶ ἔτι εἰς μὴ τὴν τυχοῦσαν αἰεί, κἀκείνη ἔκ τινος εἴς τι ἕτερον ἔσται, ὥστε καὶ ἡ ἀντικειμένη ἔσται ὑγίανσις· ἀλλὰ τῷ συμβεβηκέναι, οἷον ἐξ ἀναμνήσεως εἰς λήθην μεταβάλλει, ὅτι ᾧ ὑπάρχει, ἐκεῖνο μεταβάλλει ὁτὲ μὲν εἰς ἐπιστήμην ὁτὲ δ' εἰς ἄγνοιαν.

6 τι εἰς ἄπειρον βαδιεῖται, εἰ ἔσται μεταβολῆς μεταβολὴ καὶ γενέσεως γένεσις. νάγκη δὴ καὶ τὴν προτέραν, εἰ ἡ ὑστέρα [226a] ἔσται, οἷον εἰ ἡ ἁπλῆ γένεσις ἐγίγνετό ποτε, καὶ τὸ γιγνόμενον ἐγίγνετο, ὥστε οὔπω ἦν τὸ γιγνόμενον ἁπλῶς, ἀλλά τι γιγνόμενον γιγνόμενον ἤδη, καὶ πάλιν τοῦτ' ἐγίγνετό ποτε, ὥστ' οὐκ ἦν πω τότε γιγνόμενον γιγνόμενον. πεὶ δὲ τῶν ἀπείρων οὐκ ἔστιν τι πρῶτον, οὐκ ἔσται τὸ πρῶτον, ὥστ' οὐδὲ τὸ ἐχόμενον· οὔτε γίγνεσθαι οὖν οὔτε κινεῖσθαι οἷόν τε οὔτε μεταβάλλειν οὐδέν.

7τι τοῦ αὐτοῦ κίνησις ἡ ἐναντία (καὶ ἔτι ἠρέμησις), καὶ γένεσις καὶ φθορά, ὥστε τὸ γιγνόμενον γιγνόμενον ὅταν γένηται γιγνόμενον, τότε φθείρεται· οὔτε γὰρ εὐθὺς γιγνόμενον οὔθ' ὕστερον· εἶναι γὰρ δεῖ τὸ φθειρόμενον.

8τι ὕλην δεῖ ὑπεῖναι καὶ τῷ γιγνομένῳ καὶ τῷ μεταβάλλοντι. Τίς οὖν ἔσται ‑ ὥσπερ τὸ ἀλλοιωτὸν σῶμα ἢ ψυχή, οὕτω τί τὸ γιγνόμενον κίνησις ἢ γένεσις; καὶ πάλιν τί εἰς ὃ κινοῦνται; δεῖ γὰρ εἶναι [τι] τὴν τοῦδε ἐκ τοῦδε εἰς τόδε κίνησιν [καὶ μὴ κίνησιν] ἢ γένεσιν. μα δὲ πῶς καὶ ἔσται; οὐ γὰρ ἔσται μάθησις ἡ τῆς μαθήσεως γένεσις, ὥστ' οὐδὲ γενέσεως γένεσις, οὐδέ τις τινός. τι εἰ τρία εἴδη κινήσεώς ἐστιν, τούτων τινὰ ἀνάγκη εἶναι καὶ τὴν ὑποκειμένην φύσιν καὶ εἰς ἃ κινοῦνται, οἷον τὴν φορὰν ἀλλοιοῦσθαι ἢ φέρεσθαι. 9λως δὲ ἐπεὶ κινεῖται [τὸ κινούμενον] πᾶν τριχῶς, ἢ κατὰ συμβεβηκὸς ἢ τῷ μέρος τι ἢ [τῷ] καθ' αὑτό, κατὰ συμβεβηκὸς μόνον ἂν ἐνδέχοιτο μεταβάλλειν τὴν μεταβολήν, οἷον εἰ ὁ ὑγιαζόμενος τρέχοι ἢ μανθάνοι· τὴν δὲ κατὰ συμβεβηκὸς ἀφεῖμεν πάλαι.

10πεὶ δὲ οὔτε οὐσίας οὔτε τοῦ πρός τι οὔτε τοῦ ποιεῖν καὶ πάσχειν, λείπεται κατὰ τὸ ποιὸν καὶ τὸ ποσὸν καὶ τὸ ποὺ κίνησιν εἶναι μόνον· ἐν ἑκάστῳ γὰρ ἔστι τούτων ἐναντίωσις. 11 μὲν οὖν κατὰ τὸ ποιὸν κίνησις ἀλλοίωσις ἔστω· τοῦτο γὰρ ἐπέζευκται κοινὸν ὄνομα. Λέγω δὲ τὸ ποιὸν οὐ τὸ ἐν τῇ οὐσίᾳ (καὶ γὰρ ἡ διαφορὰ ποιότης) ἀλλὰ τὸ παθητικόν, καθ' ὃ λέγεται πάσχειν ἢ ἀπαθὲς εἶναι. 12 δὲ κατὰ τὸ ποσὸν τὸ μὲν κοινὸν ἀνώνυμος, καθ' ἑκάτερον δ' αὔξησις καὶ φθίσις, ἡ μὲν εἰς τὸ τέλειον μέγεθος αὔξησις, ἡ δ' ἐκ τούτου φθίσις. 13 δὲ κατὰ τόπον καὶ τὸ κοινὸν καὶ τὸ ἴδιον ἀνώνυμος, ἔστω δὲ φορὰ καλουμένη τὸ κοινόν· καίτοι λέγεταί γε ταῦτα φέρεσθαι μόνα κυρίως, ὅταν μὴ ἐφ' αὑτοῖς ᾖ τὸ στῆναι τοῖς μεταβάλλουσι τὸν τόπον, καὶ ὅσα [226b] μὴ αὐτὰ ἑαυτὰ κινεῖ κατὰ τόπον.14  δ' ἐν τῷ αὐτῷ εἴδει μεταβολὴ ἐπὶ τὸ μᾶλλον καὶ ἧττον ἀλλοίωσίς ἐστιν· ἢ γὰρ ἐξ ἐναντίου ἢ εἰς ἐναντίον κίνησίς ἐστιν, ἢ ἁπλῶς ἢ πῄ· ἐπὶ μὲν γὰρ τὸ ἧττον ἰοῦσα εἰς τοὐναντίον λεχθήσεται μεταβάλλειν, ἐπὶ δὲ τὸ μᾶλλον ὡς ἐκ τοὐναντίου εἰς αὐτό. Διαφέρει γὰρ οὐδὲν πῂ μεταβάλλειν ἢ ἁπλῶς, πλὴν πῂ δεήσει τἀναντία ὑπάρχειν· τὸ δὲ μᾶλλον καὶ ἧττόν ἐστι τὸ πλέον ἢ ἔλαττον ἐνυπάρχειν τοῦ ἐναντίου καὶ μή.

15 τι μὲν οὖν αὗται τρεῖς μόναι κινήσεις εἰσίν, ἐκ τούτων δῆλον·

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§ 1. Si donc les Catégories se divisent en substance, qualité, lieu, relation, quantité et action ou souffrance, il ne peut y avoir nécessairement que trois mouvements, à savoir celui de la quantité, celui de la qualité et celui du lieu. § 2. Dans la substance, il n'y a pas de mouvement, parce qu'il n'y a rien parmi tout ce qui est qui puisse être contraire à la substance. § 3. Il n'y a pas davantage de mouvement pour la relation ; car l'un des deux relatifs venant à changer. il peut être vrai encore que l'autre ne change nullement; et, par conséquent, le mouvement des relatifs n'est qu'indirect et accidentel. § 4. Il n'y a pas non plus besoin de mouvement pour l'agent et le patient, pas plus qu'il n'y eu a pour le moteur et le mobile, attendu qu'il ne peut pas y avoir mouvement de mouvement, ni génération de génération, ni en un mot changement de changement.

§ 5. D'abord il peut y avoir deux manières d'entendre cette expression Mouvement de mouvement. Dans un premier sens, ce peut être en tant que mouvement d'un sujet; comme, par exemple, on dit d'un homme qu'il est en mouvement, parce qu'il change du blanc au noir. Est-ce donc que, de cette manière aussi, le mouvement peut s'échauffer ou se refroidir, se déplacer, s'accroître, périr? Mais il est évidemment impossible d'entendre ainsi la chose; car le changement ne peut être considéré comme un sujet. Ou bien doit-on entendre le Mouvement de mouvement en ce sens qu'un autre sujet, en partant du changement qu'il viendrait à éprouver, changerait d'une forme à une autre, comme, par exemple, l'homme passe de la maladie à la santé? Mais on ne peut pas dire non plus qu'il y ait là Mouvement de mouvement, si ce n'est d'une façon indirecte et accidentelle, puisque le mouvement, à proprement parler, n'est que le changement d'une forme dans une autre forme. La génération et la destruction sont dans le même cas aussi, sauf que la génération et la destruction vont à certains opposés, tandis que le mouvement ne va pas à ces mêmes opposés. L'être changerait donc en même temps et de la santé à la maladie, et, en outre, de ce même changement à un autre encore. Mais il est évident que dès qu'il aura été malade, c'est qu'il aura subi un changement d'une certaine espèce, puisqu'il peut rester dans cette souffrance; mais il ne se peut pas que le malade subisse un changement quelconque indéfiniment et au hasard, et que de cette situation nouvelle venue d'une situation antérieure, il passe encore à quelqu'autre situation différente, de manière à ce que ce soit le changement opposé à la maladie, c'est-à-dire le retour à la santé. Mais, au fond, ce ne peut-être qu'un simple accident, comme lorsqu'on passe du souvenir à l'oubli, attendu que l'être qui subit le changement vient simplement à changer, en passant ici à la mémoire et là à la santé.

§ 6. En second lien, ce serait tomber dans l'infini que de supposer qu'il y a changement de changement, génération de génération. On dit donc qu'il est nécessaire qu'il y ait eu un changement antérieur, pour qu'un changement postérieur soit possible, Par exemple, si à un certain moment une génération absolue était elle-même engendrée et si elle devenait, il faudrait bien aussi que l'être engendré devint à ce moment. Par conséquent l'être qui était alors engendré absolument, n'existait pas encore ; mais il était simplement quelque chose qui devenait ; et une fois devenu, il devenait encore, de telle manière que même quand il était déjà devenu, il n'était pas encore. Mais comme dans les choses infinies il n'y a pas de premier terme, le premier changement n'aura pas lieu, ni par conséquent le changement qui le suit. Donc il n'y aura plus dans cette hypothèse, ni génération, ni mouvement, ni changement possibles.

§ 7. On sait encore que c'est la même chose qui a un certain mouvement, qui peut avoir le mouvement contraire et même le repos; et encore la génération et la destruction. Par conséquent ce qui devient, au moment môme où il devient, périt aussi en devenant; car ce n'est ni avant même qu'il ne devienne, qu'il peut périr, ni aussitôt après puisque ce qui périt doit préalablement exister.

§ 8. Autre considération. Il faut qu'il y ait une matière substantielle et servant de support dans ce qui devient et dans ce qui change. Mais ici, quelle sera cette matière? Et de même que ce qui s'altère est on un corps ou une âme, de même ce qui devient ici serait-il on mouvement, ou génération ? Et puis, quel est ici le terme où aboutit le mouvement ? Car il faut bien que ce soit le mouvement et la génération de telle chose passant de tel état à tel autre état. Mais encore comment sera-ce possible? En effet, la génération et l'acquisition de la science, ne sera pas de la science; et par conséquent il n'y a ni génération de génération en général, ni telle génération spéciale de telle génération spéciale. De plus, comme il n'y a que trois espèces de mouvements, il faudrait que la nature substantielle et les termes où se passe le mouvement fussent quelqu'une de ces espèces; et, par exemple, que la translation s'altérât ou se déplaçât indifféremment. § 9. Mais puisque tout ce qui se meut ne peut se mouvoir que de trois façons, ou par accident, ou dans une de ses parties, ou en soi et dans sa totalité, ce ne serait qu'indirectement et par accident que le changeaient pourrait changer, comme, par exemple, si l'individu qui est guéri se met à courir ou à s'instruire. Mais nous avons déjà déclaré que nous ne nous occupons pas du mouvement accidentel.

§ 10. Or, comme le mouvement ne peut s'appliquer ni à la substance, ni à la relation, ni à l'action et à la passion, il reste qu'il s'applique seulement, à la qualité, à la quantité et au lieu, parce qu'il est possible qu'il y ait des contraires dans ces trois catégories. § 11. Le mouvement dans la qualité est ce qu'on peut appeler l'altération ; car c'est là le nom général qu'on lui donne dans toutes ses nuances. Mais quand je dis la qualité, je n'entends pas la qualité dans la substance, où la différence est aussi une qualité; mais la qualité passive, d'après laquelle on dit qu'un être est ou passif ou impassible. § 12. Le mouvement qui s'applique à la quantité n'a pas reçu de nom qui soit commun aux deux contraires; d'une part, c'est l'accroissement, et d'autre part le dépérissement. Le mouvement qui tend à la dimension complète de la chose, est l'accroissement ; et le dépérissement est le mouvement qui déchoit de cette dimension complète. § 13. Quant au mouvement qui se rapporte au lieu, il n'a dans le langage ordinaire, ni de nom commun, ni de nom particulier. Appelons-le, pour le nom commun, translation ; bien que ce mot de translation ne s'applique, à proprement parler, qu'aux choses qui, changeant de lieu, n'ont pas en elles-mêmes le principe qui les puisse arrêter, et à toutes les choses [226b] qui ne se meuvent point par elles-mêmes dans l'espace. § 14. Le changement en plus ou en moins dans la même forme s'appelle aussi altération, parce que c'est le mouvement du contraire au contraire, ou absolu ou partiel. Si la chose va au moins, on dit qu'elle change en allant vers son contraire ; mais si elle va au plus, elle va en quelque sorte de sou contraire à elle-même. Du reste, il n'y a point ici de différence entre le changement absolu et le changement partiel, si ce n'est que dans ce dernier cas il n'y aura que des contraires partiels: Le plus et le moins dans une chose signifient seulement qu'il y a ou qu'il n'y a pas, plus ou moins du contraire dans cette chose.

§ 15. Ainsi, en résumé, on voit par ce quoi précède qu'il n'y a que ces trois espèces de mouvements.

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Ch. III. Ce chapitre 3 est comme les deux précédents en grande partie reproduit ou analysé dans la Métaphysique, Livre X, ch. 12, p. 1068, édit. de Berlin.

§ 1. En substance, qualité, Aristote n'énumère ici que sept des dix catégories; l'ordre est différent, ainsi que le nombre, de ce qu'il est dans le traité spécial des Catégories; voir ma traduction, p. 58, ch. 4. § 1. Il manque ici les trois Catégories du temps, de la situation et de la manière d'être; mais il est probable qu'Aristote n'a point prétendu faire une énumération complète.

§ 2. Qui puisse être contraire à la substance, c'est une des propriétés principales de la substance ; voir les Catégories, ch. 5, § 18, p. 68 de ma traduction, pour le mouvement, il faut au moins deux points différents, celui d'où part ce mouvement et celui où il arrive; là où il n'y a pas de contraire, il n'y a pas de mouvement possible.

§ 3. L'autre ne change nullement, ainsi deux personnes étant semblables, il suffit que l'une d'elles vienne à changer pour qu'elles ne le soient plus. Cependant l'autre personne n'a éprouvé aucun changement; et, par conséquent, il n'y a point de mouvement propre dans leur relation ; il n'y a qu'un mouvement accidentel. - Indirect et accidentel, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

§ 4. Pour l'agent et le patient, c'est-à-dire pour la catégorie de l'action et de la passion; de l'agent ou patient, il y a déjà mouvement, soit par contact, soit par influence; ce n'est à proprement qu'une autre espèce de mouvement.

- Pour la moteur et le mobile, ceci paraît plus difficile à comprendre et est plus subtil. Les explications qui suivent jettent quelque lumière sur ce passage.

 - Mouvement de mouvement, c'est-à-dire qu'il faut s'arrêter nécessairement à un premier terme d'où vienne le mouvement initial; et par conséquent le mouvement de ce premier moteur n'a pas d'outre cause que lui-même.

- Génération de génération, la génération étant en effet une sorte de changement, et par suite, de mouvement, comme il a été expliqué plus haut, ch, 2, § 3.

- Changement de changement, le changement étant pris pour la forme la plus générale du mouvement.

§ 5. En tant que mouvement d'un sujet, c'est-à-dire le second mouvement étant considéré comme attribut du premier, et le premier comme sujet du second.

 - Du blanc au noir, le sujet restant le même, c'est un mouvement dans lu qualité, une altération proprement dite.

- Peut s'échauffer ou se refroidir, autre mouvement de qualité.

- Se déplacer, mouvement de lieu.

- S'accroître, mouvement de quantité.

- Périr, mouvement de substance.

- D'entendre ainsi la chose, et par conséquent le mouvement ne pouvant avoir aucune des espèces du mouvement, il n'y a pas mouvement de mouvement.

- Comme un sujet, attendu que c'est une qualité on un attribut des choses, et que l'attribut ne peut jamais en soi être considéré comme sujet.

- Ou bien doit-on entendre le mouvement de mouvement, le texte n'est pas aussi explicite.

 - Un autre sujet, c'est-à-dire un sujet autre que le mouvement, que dans la première hypothèse on vient de considérer comme sujet du mouvement.

- D'une forme a une autre, ou d'un état à un autre état.

 - Mouvement de mouvement, le texte dit simplement : Du mouvement.

- D'une façon indirecte et accidentelle, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

- D'une comme dans une autre forme, ou d'un état dans un autre état.

- Dans le même cas aussi, c'est-à-dire qu'elles sont l'une et l'autre le passage d'un état à un autre état.

- Vont à certains opposés, c'est-à-dire aux opposés contradictoires, du non-être à l'être, et de l'être au non-être.

- Ne va pas a ces mêmes opposés, c'est-à-dire va d'un contraire à l'autre contraire.

- L'être changerait donc, si l'on admettait qu'il y a mouvement de mouvement.

- De ce même changement, c'est-à-dire de la maladie. Ce changement peut être successif, puisqu'on peut très bien passer de la maladie a la santé, comme on a passé de la santé à la maladie ; mais il ne peut pas être simultané, comme on le suppose en admettant qu'il y a mouvement de mouvement.

- Que dès qu'il aura été malade, c'est-à-dire passé de la santé à un état contraire.

- Rester dans cette souffrance, et ne jamais revenir à la santé.

- Indéfiniment, j'ai ajouté ce mot pour compléter la pensée.

- Cette situation nouvelle venue d'une situation antérieure, le texte n'est pas aussi explicite.

- Ce ne peut être, c'est-à-dire que le mouvement de mouvement ne peut être considéré que comme un mouvement indirect et accidentel, et non un mouvement en soi.

 - Du souvenir à l'oubli, et qu'on reste dans l'impuissance de se souvenir de nouveau, comme, tout à l'heure, on était supposé rester dans la maladie, sans retour à la santé.

§ 6. En second lieu, second argument pour prouver qu'il ne peut pas y avoir mouvement de mouvement. Ce second argument est beaucoup plus clair que le premier, malgré des détails encore obscurs.

 - Changement de changement, ce qui comprend aussi le mouvement de mouvement.

- Un changement antérieur, sans que ce soit un premier changement, qui aurait été la cause primordiale des autres, et qui n'aurait point lui-même un autre changement pour cause.

- La génération absolue, si à un certain moment une chose qui n'existait pas vient à exister.

 - Mais il était simplement quelque chose, il semble que ce soit là une conséquence qu'Aristote prête à ses adversaires pour la réfuter; mais cette nuance n'est pas assez indiquée; et la véritable pensée reste incertaine. J'ai ajouté le mot : Simplement, qui n'est pas dans le texte.

- Quand il était déjà, il n'était pas encore, assertion contradictoire et absurde, dont Aristote ne croit pas devoir signaler la flagrante impossibilité.

- Mais comme dans les choses infinies, conséquence de l'hypothèse admise aussi fausse que celte hypothèse même, puisqu'elle conduit à nier l'existence du mouvement.

- Dans cette hypothèse, j'a ajouté ces mots pour éclaircir la pensée. Simplicius a commenté longuement tout ce passage, sans en donner une explication satisfaisante, et il atteste qu'Alexandre et Aspasius n'avalent pas été moins embarrassés que lui de tant d'obscurité.

§ 7. On sait encore, ceci est un nouvel argument contre la théorie qui admet qu'il y a mouvement de mouvement. Le texte d'ailleurs n'est pas aussi formel que ma traduction ; mais il semble que la force de l'argument d'Aristote consiste en ceci, qu'en admettant le mouvement du mouvement, on est conduit à donner à une même chose dans un seul et même moment deux mouvements contraires, ou le repos en même temps que le mouvement, ou la génération en même temps que la destruction ; ce qui est évidemment absurde et contradictoire.

- Le repos, qui est le contraire du mouvement.

- La génération et la destruction qui sont les deux contraires et qui s'excluent mutuellement, bien qu'appartenant à la même chose.

- Ce qui devient, ce qui naît et passe du non-être à l'être.

- Ni aussitôt avant qu'il ne devienne, car il ne peut pas périr quand il n'est pas encore.

- Ni aussitôt après, car il ne pont périr davantage quand il n'est plus; il périt donc à l'instant même où il naît; ce qui est contradictoire et impossible.

§ 8. Autre considération, le texte dit simplement : « Encore. »

- Une matière substantielle, voir plus haut, Livre 1, ch. 8, § 5.

- Servant de support, il m'a fallu prendre cette périphrase, pour rendre toute la force de l'expression grecque.

- Ici, j'ai ajouté ce mot. S'il y a changement de changement, où sera pour le premier changement la matière substantielle qui doit en être le support?

- Que ce qui s'altère, et a un mouvement dans la catégorie de la qualité, en devenant autre qu'il n'était d'abord.

- Ou un corps, ou une âme, le sens du mot Corps est ici plus général qu'il ne l'est d'ordinaire, quand on oppose le corps et l'âme ; c'est le corps pris dans la signification qu'on lui donne en physique.

- Ce qui devient ici, j'ai ajouté ce dernier mot. « Ce qui devient, » veut dire ici la substance, la matière substantielle, dont il vient d'être question quelques lignes plus haut.

- Quel est ici le terme, je préfère la forme interrogative, qui ne diffère dans ce passage de la forme affirmative que par un simple accent.

- Où aboutit le mouvement, si l'on suppose qu'il y a mouvement de mouvement, il faudra que le mouvement lui-même soit le but auquel tend le mouvement ; ce qui implique contradiction.

- De telle chose, c'est la matière substantielle.

- De tel état, le point d'où part le mouvement.

- A tel autre état, le point où il aboutit. Simplicius atteste qu'Alexandre et Thémistius ont eu pour cette phrase une autre leçon toute contraire, et où la forme de la phrase serait négative au lieu d'être affirmative : « Car il faut bien que le mouvement d'une chose qui passe de tel état à tel autre état, soit quelque chose de réel, et ce ne peut être ni un mouvement, ni une génération. » Alexandre préférait l'affirmative, que j'ai cru devoir adopter aussi dans ma traduction ; l'édition de Berlin a la forme négative.

- Et l'acquisition, j'ai ajouté ces mots, paraphrase de celui qui précède et qui est seul dans le texte.

- En général, j'ai ajouté ces mots, pour que l'opposition des idées fût plus manifeste.

- Telle génération spéciale, comme celle de la science dont il vient d'être question.

- Trois espèce de mouvements, voir plus haut, ch. 1, § 1.

- La nature substantielle, voir le début le ce §.

- Les termes où se passe le mouvement, le point de départ et le point d'arrivée du mouvement.

- Que la translation s'altérât, et que le mouvement passât du lieu dans la qualité; ce qui est impossible.

- Ou se déplaçât, la translation étant le mouvement dans l'espace, soit circulaire, soit rectiligne, il semble qu'ici la translation se confond avec le déplacement. Mais dire que la translation se déplace, c'est faire une tautologie et c'est là sans doute ce qu'Aristote veut reprocher au système qu'il réfute.

- Indifféremment, j'ai ajouté ce mot.

§ 9. Que de trois façons, voir plus haut, ch. 4, § 1.

- Ou dans sa totalité, j'ai ajouté cette paraphrase qui explique les mots précédents, et qui ne se trouve pas dans le texte.

- Indirectement et par accident, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

 - Que le changement pourrait changer, ou le mouvement se mouvoir, d'après la théorie que combat Aristote.

- Si l'individu qui est guéri, c'est-à-dire si quelqu'un qui a changé de la maladie à la santé, éprouve un changement ou un mouvement d'un autre ordre, comme de courir ou d'apprendre quelque chose, ce n'est qu'indirectement qu'il a ce nouveau mouvement en tant que guéri. L'exemple pouvait être mieux choisi, et surtout plus clairement exposé.

- Nous avons déjà déclaré, voir plus haut ch. 1, § 11. Le texte d'ailleurs n'est pas aussi formel.

- Du mouvement accidentel, ou indirect; et tout ce qui précède ne s'applique qu'au mouvement en soi et pour soi.

§ 10. Ni à la substance, voir plus haut les trois premiers §§ de ce chapitre. - A la qualité, c'est le mouvement d'altération.

- A la quantité, c'est le mouvement d'accroissement ou de décroissement.

- Et au lieu, c'est le mouvement de déplacement, ou circulaire, ou rectiligne.

- Qu'il y ait des contraires, entre lesquels le mouvement peut avoir lieu, en allant de l'un à l'autre.

§ 11. Est ce qu'on peut appeler, il semblerait que c'est Aristote qui a inventé ce mot dans la langue grecque, ou qui, du mains, lui a donné cette acception nouvelle.

- Dans toutes ses nuances, j'ai ajouté ces mois pour rendre toute la force de l'expression du texte.

- La qualité dans la substance, ce n'est pas à proprement parler une qualité, c'est une différence, qui constitue l'espèce dans le genre. Ainsi, dans le genre Animal, le bipède n'est pas une qualité; c'est une différence, qui constitue une espèce particulière.

- La qualité passive, celle qui forme spécialement la catégorie de la Qualité; voir les Catégories, ch. 13, p. 94 de ma traduction,

- Passif ou impassible, selon qu'il reçoit ou ne reçoit pas la qualité.

§ 12. Aux deux contraires, j'ai ajouté ces mots pour compléter et éclaircir la pensée; ils ressortent de ce qui suit.

- D'une part... d'autre part, le texte n'est pas aussi précis.

- Qui tend à la dimension complète, définition ingénieuse et juste de l'accroissement; celle du décroissement ne l'est pas moins.

§ 13. Ni de nom particulier, il semble que ceci n'est pas tout à fait exact, et que la langue grecque a des mots particuliers pour désigner les diverses espèces de mouvement dans l'espace.

- Appelons-le, il paraît encore que c'est Aristote qui donne cette acception nouvelle au mot qu'il emploie.

- Bien que ce mot de translation, notre mot de translation a la même nuance que le mot grec; et il ne s'applique proprement qu'aux choses qui n'ont pas en elles-mêmes le principe de leur mouvement ou de leur repos.

§ 14. Dans la même forme, c'est-à-dire dans une même qualité; par exemple, une chose blanche qui devient ou plus blanche ou moins blanche.

- Du contraire au contraire, ceci n'est pas tout à fuit exact, puisqu'on suppose que la forme ne change pas.

- Ou partiel, cette restriction est indispensable.

- Si la chose va au moins, et que, par exemple, elle devienne moins blanche. - Sera son contraire, et, par exemple, la chose tend à devenir noire.

- Au plus, et par exemple, la chose tend à devenir de plus en plus blanche.

- A elle-même, toutes ces distinctions, quoi qu'un peu subtiles, sont aussi exactes qu'elles sont délicates et ingénieuses.

- Le changement absolu, d'un contraire à son contraire, du blanc au noir; et réciproquement.

- Et le changement partiel, du moins blanc au plus blanc.

- Des contraires partiels, attendu que le moins blanc, s'il est contraire au plus blanc, ne lui est pas cependant absolument contraire; il ne lui est contraire qu'en partie, en ce sens que le mouvement part de l'un pour arriver à l'autre.

- Plus ou moins du contraire, et par exemple, une chose est plus ou moins blanche, selon qu'il y a en elle plus ou moins de noir, qui est son contraire.

§ 15. En résumé, j'ai ajouté ces mots.

 - Ces trois espèces de mouvements, dans la qualité, dans la quantité et dans le lieu; ce qui n'empêche pas que, dans chacune de ces catégories, il ne puisse y avoir une variété encore assez grande de mouvements divers.

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