Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE ΙII : DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI. CHAPITRE VIII
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre VII - chapitre IX

paraphrase du livre III

 

 

 

LIVRE III

DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE VIII.

Suite; on ne peut nier l'existence de l'infini, sans arriver à des conséquences absurdes. Le temps, les grandeurs et les nombres sont infinis. - Double existence de l'infini, en puissance et en acte ; véritable notion de l'infini qui est toujours en puissance et n'est jamais en soi et en acte; il est également par addition et par division ou retranchement. - Les deux infinis de Platon.
 

1 Ὅτι δ' εἰ μὴ ἔστιν ἄπειρον ἁπλῶς, πολλὰ ἀδύνατα συμβαίνει, δῆλον. Τοῦ τε γὰρ χρόνου ἔσται τις ἀρχὴ καὶ τελευτή, καὶ τὰ μεγέθη οὐ διαιρετὰ εἰς μεγέθη, καὶ ἀριθμὸς οὐκ ἔσται ἄπειρος. 2 Ὅταν δὲ διωρισμένων οὕτως μηδετέρως φαίνηται ἐνδέχεσθαι, διαιτητοῦ δεῖ, καὶ δῆλον ὅτι πὼς μὲν ἔστιν πὼς δ' οὔ. 3 Λέγεται δὴ τὸ εἶναι τὸ μὲν δυνάμει τὸ δὲ ἐντελεχείᾳ, 4 καὶ τὸ ἄπειρον ἔστι μὲν προσθέσει ἔστι δὲ καὶ διαιρέσει. 5 Τὸ δὲ μέγεθος ὅτι μὲν κατ' ἐνέργειαν οὐκ ἔστιν ἄπειρον, εἴρηται, διαιρέσει δ' ἐστίν· οὐ γὰρ χαλεπὸν ἀνελεῖν τὰς ἀτόμους γραμμάς· λείπεται οὖν δυνάμει εἶναι τὸ ἄπειρον. 6 Οὐ δεῖ δὲ τὸ δυνάμει ὂν λαμβάνειν, ὥσπερ εἰ δυνατὸν τοῦτ' ἀνδριάντα εἶναι, ὡς καὶ ἔσται τοῦτ' ἀνδριάς, οὕτω καὶ ἄπειρον ὃ ἔσται ἐνεργείᾳ· ἀλλ' ἐπεὶ πολλαχῶς τὸ εἶναι, ὥσπερ ἡ ἡμέρα ἔστι καὶ ὁ ἀγὼν τῷ ἀεὶ ἄλλο καὶ ἄλλο γίγνεσθαι, οὕτω καὶ τὸ ἄπειρον (καὶ γὰρ ἐπὶ τούτων ἔστι καὶ δυνάμει καὶ ἐνεργείᾳ· Ὀλύμπια γὰρ ἔστι καὶ τῷ δύνασθαι τὸν ἀγῶνα γίγνεσθαι καὶ τῷ γίγνεσθαι)·

7 ἄλλως δ' ἔν τε τῷ χρόνῳ δῆλον [τὸ ἄπειρον] καὶ ἐπὶ τῶν ἀνθρώπων, καὶ ἐπὶ τῆς διαιρέσεως τῶν μεγεθῶν. 8 Ὅλως μὲν γὰρ οὕτως ἔστιν τὸ ἄπειρον, τῷ ἀεὶ ἄλλο καὶ ἄλλο λαμβάνεσθαι, καὶ τὸ λαμβανόμενον μὲν ἀεὶ εἶναι πεπερασμένον, ἀλλ' ἀεί γε ἕτερον καὶ ἕτερον· [ἔτι τὸ εἶναι πλεοναχῶς λέγεται, ὥστε τὸ ἄπειρον οὐ δεῖ λαμβάνειν ὡς τόδε τι, οἷον ἄνθρωπον ἢ οἰκίαν, ἀλλ' ὡς ἡ ἡμέρα λέγεται καὶ ὁ ἀγών, οἷς τὸ εἶναι οὐχ ὡς οὐσία τις γέγονεν, ἀλλ' ἀεὶ ἐν γενέσει ἢ φθορᾷ, πεπερασμένον, ἀλλ' ἀεί γε ἕτερον καὶ ἕτερον·] 9 Ἀλλ' ἐν [206b] τοῖς μεγέθεσιν ὑπομένοντος τοῦ ληφθέντος [τοῦτο συμβαίνει], ἐπὶ δὲ τοῦ χρόνου καὶ τῶν ἀνθρώπων φθειρομένων οὕτως ὥστε μὴ ἐπιλείπειν.

10 Τὸ δὲ κατὰ πρόσθεσιν τὸ αὐτό ἐστί πως καὶ τὸ κατὰ διαίρεσιν· ἐν γὰρ τῷ πεπερασμένῳ κατὰ πρόσθεσιν γίγνεται ἀντεστραμμένως· ᾗ γὰρ διαιρούμενον ὁρᾶται εἰς ἄπειρον, ταύτῃ προστιθέμενον φανεῖται πρὸς τὸ ὡρισμένον. Ἐν γὰρ τῷ πεπερασμένῳ μεγέθει ἂν λαβών τις ὡρισμένον προσλαμβάνῃ τῷ αὐτῷ λόγῳ, μὴ τὸ αὐτό τι τοῦ ὅλου μέγεθος περιλαμβάνων, οὐ διέξεισι τὸ πεπερασμένον· ἐὰν δ' οὕτως αὔξῃ τὸν λόγον ὥστε ἀεί τι τὸ αὐτὸ περιλαμβάνειν μέγεθος, διέξεισι, διὰ τὸ πᾶν πεπερασμένον ἀναιρεῖσθαι ὁτῳοῦν ὡρισμένῳ.

11 Ἄλλως μὲν οὖν οὐκ ἔστιν, οὕτως δ' ἔστι τὸ ἄπειρον, δυνάμει τε καὶ ἐπὶ καθαιρέσει (καὶ ἐντελεχείᾳ δὲ ἔστιν, ὡς τὴν ἡμέραν εἶναι λέγομεν καὶ τὸν ἀγῶνα)· καὶ δυνάμει οὕτως ὡς ἡ ὕλη, καὶ οὐ καθ' αὑτό, ὡς τὸ πεπερασμένον. Καὶ κατὰ πρόσθεσιν δὴ οὕτως ἄπειρον δυνάμει ἔστιν, ὃ ταὐτὸ λέγομεν τρόπον τινὰ εἶναι τῷ κατὰ διαίρεσιν· ἀεὶ μὲν γάρ τι ἔξω ἔσται λαμβάνειν, οὐ μέντοι ὑπερβαλεῖ παντὸς μεγέθους, ὥσπερ ἐπὶ τὴν διαίρεσιν ὑπερβάλλει παντὸς ὡρισμένου καὶ ἀεὶ ἔσται ἔλαττον. 12 Ὥστε δὲ παντὸς ὑπερβάλλειν κατὰ τὴν πρόσθεσιν, οὐδὲ δυνάμει οἷόν τε εἶναι, εἴπερ μὴ ἔστι κατὰ συμβεβηκὸς ἐντελεχείᾳ ἄπειρον, ὥσπερ φασὶν οἱ φυσιολόγοι τὸ ἔξω σῶμα τοῦ κόσμου, οὗ ἡ οὐσία ἢ ἀὴρ ἢ ἄλλο τι τοιοῦτον, ἄπειρον εἶναι. Ἀλλ' εἰ μὴ οἷόν τε εἶναι ἄπειρον ἐντελεχείᾳ σῶμα αἰσθητὸν οὕτω, φανερὸν ὅτι οὐδὲ δυνάμει ἂν εἴη κατὰ πρόσθεσιν, ἀλλ' ἢ ὥσπερ εἴρηται ἀντεστραμμένως τῇ διαιρέσει,

13 ἐπεὶ καὶ Πλάτων διὰ τοῦτο δύο τὰ ἄπειρα ἐποίησεν, ὅτι καὶ ἐπὶ τὴν αὔξην δοκεῖ ὑπερβάλλειν καὶ εἰς ἄπειρον ἰέναι καὶ ἐπὶ τὴν καθαίρεσιν. 14 Ποιήσας μέντοι δύο οὐ χρῆται· οὔτε γὰρ ἐν τοῖς ἀριθμοῖς τὸ ἐπὶ τὴν καθαίρεσιν ἄπειρον ὑπάρχει (ἡ γὰρ μονὰς ἐλάχιστον), οὔτε <τὸ> ἐπὶ τὴν αὔξην (μέχρι γὰρ δεκάδος ποιεῖ τὸν ἀριθμόν).

 

§ 1. D'un autre côté, si l'on nie absolument l'existence de l'infini, on ne se crée pas moins d'impossibilités; car il faudrait alors que le temps eût un commencement et une fin; il faudrait que les grandeurs ne fussent pas divisibles en grandeurs et que le nombre ne fût pas infini. § 2. Mais comme après les considérations qui viennent d'être présentées, il semble également impossible que l'infini soit et ne soit pas, il faut évidemment en conclure qu'en un sens l'infini existe et qu'en un sens il n'existe point. § 3. Être peut signifier tantôt être en puissance, et tantôt être actuellement. § 4. Et l'infini peut se former également soit par addition soit par retranchement. § 5. Nous avons déjà démontré que la grandeur en acte ne peut être infinie; mais elle peut l'être sous le rapport de la divisibilité; car il est aisé de réfuter la théorie des lignes insécables. Reste donc que l'infini existe en puissance. § 6. Mais quand on dit en puissance, on ne doit pas prendre cette expression dans le sens où l'on dit, par exemple, que, si telle matière peut devenir une statue, cette matière sera effectivement une statue; et l'on ne doit pas croire qu'il y a de même un infini qui puisse exister actuellement. Mais comme le mot d'Être a plusieurs acceptions, il faut comprendre que l'infini peut être de la même manière qu'est le jour ou qu'est la période des jeux Olympiques, parce que sans cesse il devient autre et toujours autre. Car pour ces dates solennelles des Jeux, on peut distinguer aussi la puissance et l'acte puisque l'on compte les Olympiades à la fois par les jeux qui peuvent avoir lieu et par ceux qui ont lieu en effet actuellement.

§ 7. Mais, évidemment, l'infini est tout autrement dans le temps, et dans la succession, par exemple, des générations humaines, qu'il n'est dans la divisibilité des grandeurs. § 8. D'une manière générale, l'infini existe en tant qu'il peut toujours être pris quelque chose d'autre et de toujours autre, et que la quantité qu'on prend, bien que toujours finie, n'en est pas moins toujours différente et toujours différente. L'infini n'est donc pas à considérer comme quelque chose de spécial et de précis, un homme, par exemple, une maison; mais il faut comprendre l'existence de l'infini comme on dit que sont le jour ou l'Olympiade, auxquels l'être n'appartient pas comme étant telle on telle substance, mais qui sont toujours à devenir et à périr, limité et fini sans doute, mais étant toujours autre et toujours autre. § 9. Mais il y a cette différence, [206b] en ce qui concerne les grandeurs, que le phénomène a lieu, la quantité qu'on a prise subsistant et demeurant, tandis que pour les générations successives des hommes et pour le temps, ils s'éteignent et périssent de façon qu'il n'y ait jamais d'interruption ni de lacune.

§ 10. Quant à l'infini par addition, il en est à peu près de même que pour l'infini par division. Car soit une quantité finie ; l'infini par addition s'y produit à l'inverse. En tant qu'on voit cette quantité finie divisée à l'infini, il paraîtra qu'on ajoute indéfiniment à la quantité déterminée. En effet si, dans une grandeur finie, on prend une partie qui reste toujours déterminée, et que l'on continue de prendre dans la même proportion, sans prendre une grandeur constamment égale de la grandeur entière, on n'épuise pas le fini. Mais ou l'épuisera, si l'on accroît la proportion de telle sorte qu'on prenne toujours la même quantité, parce que toute quantité finie doit finir par s'épuiser, si ou lui ôte toujours une quantité finie quelle qu'elle soit.

§ 11. L'infini n'existe pas, si on le considère, autrement que je ne le fais ici ; mais il est de la façon que je viens de dire. La notion qu'il faut s'en faire, c'est qu'il est en puissance, par divisibilité ou retranchement ; et il n'est en acte que comme y est le jour, comme y est l'Olympiade. Il est en puissance comme la matière : et il n'est jamais eu soi comme le fini. Pour ce qui regarde l'addition, l'infini y est en puissance de la même façon à peu près où nous entendons qu'il y est aussi dans la division, attendu qu'il serait toujours possible d'en prendre quelque quantité nouvelle en dehors de ce qu'on a déjà. § 12. Cependant, l’infini par addition ne dépassera point la grandeur finie tout entière, de même que dans la division il dépasse toujours la quantité finie en étant plus petit qu'elle. Par conséquent, surpasser toute la grandeur finie par addition successive n'est pas même possible en puissance, puisque l'infini en acte n'existe pas cumule attribut et accident, dans le sens où les physiciens regardent comme infini le corps qu'ils imaginent eu dehors du monde, et dont la substance est l'air ou tel autre élément analogue. Mais s'il ne se peut pas qu'un corps sensible de ce genre soit infini en acte, il est évident que l'infini ne peut pas davantage être en puissance par addition, si ce n'est à l'inverse de la division, ainsi qu'on vient de le dire.

§ 13. Si donc Platon a également reconnu deux infinis, c'est que l'infini semble tout aussi bien se produire par l'addition, qui se développe sans cesse, que par le retranchement, qui peut de même être infini. § 14. Il est vrai qu'après avoir admis ces deux infinis, Platon n'en fait aucun usage; car, selon lui, dans les nombres il n'y a pas d'infini par retranchement, puisque l'unité est à ses yeux ce qu'il y a de plus petit; et il n'y eu a pas davantage par accroissement, puisqu'il ne compte plus le nombre au-delà de la décade.

Ch. VIII, § I. Si l'on nie absolument, c'est parfois ce qu'Aristote a semblé faire dans les réfutations précédentes, et l'on aurait pu croire qu'il n'admettait pas l'existence de l'infini. Il va expliquer maintenant comment il la conçoit.

- Le temps eût un commencement, Aristote a toujours soutenu l'éternité du temps; et, selon lui, Platon est le seul philosophe qui ait admis que le temps a été créé ; voir plus loin, Livre VIII, ch. 1, § 15 et voir plus haut, ch. 5, § 2.

- Ne fussent pas divisibles, voir plus haut, ch. 5, § 3.

- Le nombre ne fût pas infini, voir plus haut, ch. 5, § 6.

§ 2. Que l'infini soit et ne soit pas, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.

- Il faut évidemment, ici quelques manuscrits ajoutent une petite phrase que l'édition de Berlin adopte et que je ne crois pas devoir reproduire : « Il faut évidemment un arbitre, » pour prononcer sans doute entre les deux parties, et il faut conclure qu'en un sens, etc. Cette allusion à un arbitrage me semble ici bien recherchée; et ce n'est pas là le style d'Aristote. J'ai préféré conserver le texte ordinaire, qui suffit très bien, et qui n en outre l'avantage d'être plus simple.

§ 3. Être, peut signifier, voir plus haut, Livre. I, ch. 3, § 1 et ch. 9, § 15, et Livre II, ch. 1, § 2.

- Actuellement ou en acte.

§ 4. Soit par addition, soit par retranchement, c'est-à-dire qu'à une quantité, quelque grande qu'elle soit, on petit toujours ajouter, de même qu'à une quantité, quelque petite qu'elle soit, on petit toujours retrancher, si ce n'est réellement, au moins par la pensée.

§ 5. Nous avons déjà démontré, c'est à cette démonstration qu'a été consacré tout le chapitre précédent.

- La grandeur en acte, c'est-à-dire actuellement perceptible à nos sens, comme il a été expliqué dans le ch. 7.

- Sous le rapport de la divisibilité, il semble que la divisibilité à l'infini n'est pas plus actuellement possible que l'accroissement infini de la grandeur. Il n'y a de part et d'autre qu'une simple possibilité rationnelle.

- La théorie des lignes insécables, ce sont des lignes supposées tellement petites qu'elles sont indivisibles, et la théorie paraît être de Platon. La réfutation de cette théorie se trouve plus loin, Livre VI, ch. 1, et dans le traité spécial des Lignes insécables, p. 968, édit. de Berlin. Ce traité est consacré, selon Simplicius, à démontrer que les grandeurs ne se composent pas d'indivisibles.

- L'infini existe en puissance, puisque la grandeur infinie ne peut exister actuellement.

§ 6. Cette matière sera effectivement, j'ai ajouté ce dernier mot pour rendre l'expression plus précise. Une fois que l'airain a été converti en statue, la statue reste ce qu'elle est; c'est, comme dit la Scholastique, un acte permanent. Ce n'est pas là l'idée qu'il se faut faire de l'infini; il consiste dans un devenir perpétuel, et dans une succession qui ne s'arrête pas et n'est jamais complète.

- Qu'est le jour, la comparaison est aussi frappante qu'elle est simple; mais il faut entendre non pas le jour qui est accompli, mais le jour qui s'écoule. On le compte pendant qu'il devient et qu'il passe, et avant même qu'il soit passé et forme un tout complet.

- La période des jeux Olympiques, ce qui suit me semble prouver que c'est ainsi qu'il faut entendre l'expression du texte, qui peut signifier aussi Combat, soit un combat en général, soit les luttes des athlètes.

- Il devient autre et toujours autre, comme le jour où les instants qui se succèdent sont constamment différents les uns des autres.

- Pour ces dates solennelles des Jeux, le texte dit simplement : Pour ces choses-la; ce qui suit m'a semblé autoriser la paraphrase que j'ai donnée.

- Qui peuvent avoir lieu, puisque les Jeux n'avaient lieu que tous les quatre ans, et que la période des olympiades n'en courait pas moins durant tout cet intervalle.

- Qui ont lieu en effet actuellement, j'ai ajouté ces derniers mots. Il semble qu'il aurait peut-être mieux valu parler au passé et dire : « qui ont eu lieu; » mais cette nuance n'est pas dans le texte.

§ 7. Par exemple des générations humaines, le texte est moins formel, el il dit : Pour les hommes; j'ai dû paraphraser cette expression, qui n'aurait pas été assez claire pour être bien comprise.

- Qu'il n'est dans la divisibilité des grandeurs, dans le temps et dans la succession des êtres, qui n'est qu'une des faces du temps, l'infini est en quelque sorte purement successif; un instant ou un être succède à l'autre sans interruption ni lacune. Dans les grandeurs, la division n'est pas infinie en tant que successive; mais elle est infinie, parce que rationnellement elle peut n'avoir aucun terme.

§ 8. D'une manière générale, cette définition générale du l'infini est d'une grande importance, et elle est certainement une des meilleures qui puissent en être données.

 - Quelque chose d'autre et de toujours autre, comme les instants qui se succèdent, et qui, tout semblables qu'ils sont, n'en sont pas moins toujours différents, en tant qu'ils se succèdent les uns aux autres.

- Et que la quantité qu'on prend, le texte dit simplement : « Ce que l'on prend, Ce qui est pris. »

- Bien que toujours finie, comme l'instant dans la succession infinie du temps.

- L'infini n'est donc pas à considérer, Simplicius et Philopon attestent que toute cette fin du § manquait dans plusieurs manuscrits; mais ils ne se sont pus abstenus de la commenter comme le reste. Alexandre d'Aphrodisée connaissait cette leçon, au dire de Simplicius ; et selon toute apparence, il l'avait conservée en l'approuvant. Elle sert, en effet, à éclaircir la pensée, et quoique ces répétitions ne soient guère dans les habitudes d'Aristote, comme le remarque encore Simplicius, celle-ci est bien placée et elle est utile

- Comme on dit qu'est le jour, répétition partielle de ce qui a été dit un peu plus haut § 6.- Limité et fini, il n'y a qu'un seul mot dans te texte.

§ 9. Il y a cette différence, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

- En ce qui concerne les grandeurs, voir plus haut § 7. - Le phénomène a lieu, c'est-à-dire que l'infini se produit.

- Subsistant et demeurant, soit qu'on l'ajoute, soit qu'on la retranche. Cependant comme la quantité ajoutée ou retranchée indéfiniment n'est que rationnelle et non actuelle, on peut dire qu'elle ne subsiste et ne demeure pas plus que les instants successifs de la durée ; seulement elle est précise, en ce qu'elle peut être déterminée numériquement.

- Pour les générations successives des hommes, le texte dit simplement : Pour les hommes.

- Ils s'éteignent et périssent, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

- Sans interruption ni lacune, même remarque.

§ 10. Quant a l'infini par addition, sous-entendu : Dans les nombres ; voir plus haut § 4.

 - Il en est à peu près de même, cette restriction est justifiée par ce qui suit.

- Par division, sous-entendu : Dans les grandeurs, ou Par retranchement, comme il est dit plus haut § 4; c'est la même idée, et le mot seul est différent. - Car soit une quantité finie, le texte dit simplement : « Car dans le fini. » Tout ce passage est d'ailleurs fort obscur, parce qu'il est excessivement concis; et je vais en donner un peu plus loin la paraphrase complète, afin de le rendre plus intelligible.

- L'infini par addition s'y produit à l'inverse, c'est-à-dire que, prenant une quantité finie, si on la divise d'abord en deux, puis la première moitié en deux encore et ainsi de suite indéfiniment, ce qu'on enlèvera indéfiniment à la première pourra être ajouté indéfiniment à la seconde; et l'on aura ainsi deux infinis inverses l'un de l'autre; celui-ci par retranchement ou division ; celui-là par addition.

- Cette quantité divisée à l’infini; c'est-à-dire cette quantité toujours et à l'infini divisée par deux, par exemple.

- Indéfiniment, j'ai ajouté ce mot, qui m'a paru indispensable.

 - À la quantité déterminée, c'est-à-dire à cette seconde moitié qui reçoit à l'infini tout en qu'on ôte à l'infini également de la première moitié.

- Qui reste toujours déterminée, le texte répète ici le même mot que j'ai répété aussi dans ma traduction. La partie qui reste toujours déterminée, c'est, par exemple, le rapport de deux à un, en prenant toujours la moitié de ce qui reste, de même qu'on avait pris au début la moitié de la quantité donnée.

- Dans la même proportion, sans que le rapport vienne à changer.

- Sans prendre une grandeur constamment égale, par exemple, si la moitié restait toujours effectivement la même, la quantité finie serait épuisée dès la seconde division; mais si l'on prend la moitié proportionnelle de ce qui reste successivement, la division peut aller à l'infini.

- Toujours la même quantité, c'est-à-dire une moitié égale dans le second cas à celle qu'on a prise dans le premier. De cette façon, on accroît la proportion; car, relativement à ce qui reste, ce n'est plus la moitié qu'on prend comme on l'a fait d'abord; c'est le tout, puisqu'il ne reste plus que cette seconde moitié. Voici maintenant la paraphrase de tout ce passage, aussi courte que possible « L'infini par a addition dans les nombres peut se comprendre à peu près de même que l'infini par division et retranchement dans les grandeurs continues. Supposons, en effet, une quantité finie qu'on veut diviser à l'infini en partageant sans cesse en deux ce qui reste. L'infini qui se formera d'un côté par addition sera l'inverse de celui qui se formera de l'autre côté par la division. D'une part, la quantité finie a pourra être divisée à l'infini ; et d'autre part, l'accroissement ne sera pas moins infini pour la première portion de la quantité finie. C'est qu'en effet si dans une grandeur finie on fait une division quelconque qui reste toujours proportionnellement la même, sans être la même effectivement, on n'épuise pas la quantité finie, et la divisibilité est infinie parce qu'elle n'a pas de terme possible. Au contraire la quantité finie serait bien vite épuisée, si l'on en prenait par la division une partie toujours a égale effectivement ; car la proportion s'accroîtrait à mesure que le reste diminuerait par les divisions répétées. »

§ 11. L'infini n'est pas si ou le considère autrement, cette théorie paraît tout à fait propre à Aristote : et l'on ne voit pas que rien ait pu la lui suggérer dans les systèmes de ses prédécesseurs.

- C'est qu'il est en puissance, voir plus haut § 5.

- Et par divisibilité ou retranchement, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. Retranchement doit s'entendre ici tout aussi bien de l'addition que de la division, Voir le § précédent

- Comme y est le jour, comme y est l'Olympiade, voir les notes sur le § 6. Le mot du texte signifie : Combat et Jeu, et non directement Olympiade. - Comme la matière, voir plus haut, Livre I, chap. 8 et 10. La comparaison est exacte en ce que la matière pour Aristote est une simple puissance, tandis que la forme est la réalité actuelle.

- Comme le fini, comme, par exemple, la statue, l'homme, la maison, etc.; voir plus haut, §§ 6 et 8.

 - À peu près de la même façon, voir le § précédent au début. - Quelque quantité nouvelle, soit qu'on divise d'un côté, soit qu'on ajoute de l'autre; mais dans le texte, il s'agit exclusivement de l'infini par addition ; et quelque grandeur qu'on ait imaginée, on peut toujours en supposer une plus grande.

- De ce qu'on a déjà, j'ai ajouté ces mots.

§ 12. Ne dépassera point la grandeur finie tout entière, il semble, au contraire, qu'il pourra la dépasser, si ce n'est en acte au moins rationnellement. Mais peut-être ceci doit s'entendre exclusivement de l'exemple cité plus haut d'une quantité finie qui, divisée d'abord en deux, petit donner l'infini par division d'un côté, et l'infini par addition de l'autre, sans que jamais la division épuise l'une des moitiés, et sans que jamais l'addition puisse accroître l'autre jus-qu'à la rendre égale au tout primitif. Voir plus haut, § 10.

- Il dépasse toujours la quantité finie, dépasser a ici un sens spécial qu'explique suffisamment le développement donné par le texte même.

- En étant plus petit qu'elle, seulement, Dépasser une petitesse semble une expression assez singulière.

- Surpasser toute la grandeur finie, la seconde moitié qui s'accroît sans cesse et à l'infini de tout ce qu'on ôte à la première, ne pourra jamais être égale au total primitif, quelque loin qu'on pousse la division et l'addition.

- Comme attribut et accident, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. - Le corps qu'ils imaginent, voir plus haut, ch. 7, §§ 9 et 10.

- Soit infini en acte, voir plus haut toute la discussion du ch. 7, où l'on a essayé de démontrer qu'il ne pouvait pas exister de corps sensible actuellement infini.

- Ainsi qu'on vient de le dire, § 10.

§ 13. Si donc Platon, les deux infinis dans le langage Platonicien s'appellent le grand et le petit. Le grand, c'est l'infini qui se forme par addition ; le petit, c'est celui qui se forme pur division. L'addition qui se développe saris cesse, le texte n'est pus tout à fait aussi précis.

§ 14. Selon lui... à ses yeux, j'ai ajouté ces mots pour rendre la pensée plus nette.

- Ce qu'il y a de plus petit, peut-être cette critique n'est-elle pas très juste. Platon parle de la moitié et des autres fractions à peu près autant que de l'unité.

- Il ne compte plus le nombre, ce n'est pas que Platon niât l'infinité du nombre; seulement, la décade était pour lui le principe de tous les autres nombres, de même qu'à un autre point de vue nos dix chiffres, venus des Indiens, suffisent à exprimer la série infinie des nombres.