Aristote : Métaphysique

ARISTOTE

MÉTAPHYSIQUE

LIVRE III + NOTES

LIVRE II - LIVRE IV

Traduction : Alexis PIERRON et Charles ZEVORT.

 

 

 

LA MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE.

LIVRE TROISIÈME.

(B)


SOMMAIRE DU LIVRE TROISIÈME.

I. Avant d'aborder une science, il faut déterminer quelles questions, quelles difficultés on va avoir à résoudre. Utilité de cette reconnaissance. — II. Solution de la première question qui se présente à l'examen : L'étude de tous les genres de causes dépend-elle d'une science unique, ou de plusieurs sciences ? — III. Les genres peuvent-ils être considérés comme éléments et comme principes ? Réponse négative. — IV. Comment la science peut-elle embrasser à la fois l'étude de tous les êtres particuliers, de choses infinies ? Autres difficultés qui se rattachent à celle-là. — V. Les nombres et les êtres mathématiques, à savoir, les solides, les surfaces, les lignes et les points, peuvent-ils être des éléments ? — VI. Pourquoi le philosophe doit-il étudier d'autres êtres que les êtres sensibles ? Les éléments sont-ils en puissance ou en acte ? Les principes sont-ils universels ou particuliers ?

 

 

 [995a][24] Ἀνάγκη πρὸς τὴν ἐπιζητουμένην ἐπιστήμην ἐπελθεῖν ἡμᾶς [25] πρῶτον περὶ ὧν ἀπορῆσαι δεῖ πρῶτον· ταῦτα δ᾽ ἐστὶν ὅσα τε περὶ αὐτῶν ἄλλως ὑπειλήφασί τινες, κἂν εἴ τι χωρὶς τούτων τυγχάνει παρεωραμένον. Ἔστι δὲ τοῖς εὐπορῆσαι βουλομένοις προὔργου τὸ διαπορῆσαι καλῶς· ἡ γὰρ ὕστερον εὐπορία λύσις τῶν πρότερον ἀπορουμένων ἐστί, λύειν δ᾽ οὐκ [30] ἔστιν ἀγνοοῦντας τὸν δεσμόν, ἀλλ᾽ ἡ τῆς διανοίας ἀπορία δηλοῖ τοῦτο περὶ τοῦ πράγματος· ᾗ γὰρ ἀπορεῖ, ταύτῃ παραπλήσιον πέπονθε τοῖς δεδεμένοις· ἀδύνατον γὰρ ἀμφοτέρως προελθεῖν εἰς τὸ πρόσθεν. Διὸ δεῖ τὰς δυσχερείας τεθεωρηκέναι πάσας πρότερον, τούτων τε χάριν καὶ διὰ τὸ τοὺς [35] ζητοῦντας ἄνευ τοῦ διαπορῆσαι πρῶτον ὁμοίους εἶναι τοῖς ποῖ δεῖ βαδίζειν ἀγνοοῦσι, καὶ πρὸς τούτοις οὐδ᾽ εἴ ποτε τὸ ζητούμενον εὕρηκεν ἢ μὴ γιγνώσκειν· [995b][1] τὸ γὰρ τέλος τούτῳ μὲν οὐ δῆλον τῷ δὲ προηπορηκότι δῆλον. Ἔτι δὲ βέλτιον ἀνάγκη ἔχειν πρὸς τὸ κρῖναι τὸν ὥσπερ ἀντιδίκων καὶ τῶν ἀμφισβητούντων λόγων ἀκηκοότα πάντων.

Ἔστι δ᾽ ἀπορία πρώτη [5] μὲν περὶ ὧν ἐν τοῖς πεφροιμιασμένοις διηπορήσαμεν, πότερον μιᾶς ἢ πολλῶν ἐπιστημῶν θεωρῆσαι τὰς αἰτίας· καὶ πότερον τὰς τῆς οὐσίας ἀρχὰς τὰς πρώτας ἐστὶ τῆς ἐπιστήμης ἰδεῖν μόνον ἢ καὶ περὶ τῶν ἀρχῶν ἐξ ὧν δεικνύουσι πάντες, οἷον πότερον ἐνδέχεται ταὐτὸ καὶ ἓν ἅμα φάναι καὶ ἀποφάναι [10] ἢ οὔ, καὶ περὶ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων· εἴ τ᾽ ἐστι περὶ τὴν οὐσίαν, πότερον μία περὶ πάσας ἢ πλείονές εἰσι, κἂν εἰ πλείονες πότερον ἅπασαι συγγενεῖς ἢ τὰς μὲν σοφίας τὰς δὲ ἄλλο τι λεκτέον αὐτῶν.

Καὶ τοῦτο δ᾽ αὐτὸ τῶν ἀναγκαίων ἐστὶ ζητῆσαι, πότερον τὰς αἰσθητὰς οὐσίας εἶναι [15] μόνον φατέον ἢ καὶ παρὰ ταύτας ἄλλας, καὶ πότερον μοναχῶς ἢ πλείονα γένη τῶν οὐσιῶν, οἷον οἱ ποιοῦντες τά τε εἴδη καὶ τὰ μαθηματικὰ μεταξὺ τούτων τε καὶ τῶν αἰσθητῶν. Περί τε τούτων οὖν, καθάπερ φαμέν, ἐπισκεπτέον, καὶ πότερον περὶ τὰς οὐσίας ἡ θεωρία μόνον ἐστὶν ἢ καὶ περὶ [20] τὰ συμβεβηκότα καθ᾽ αὑτὰ ταῖς οὐσίαις,

πρὸς δὲ τούτοις περὶ ταὐτοῦ καὶ ἑτέρου καὶ ὁμοίου καὶ ἀνομοίου καὶ ἐναντιότητος, καὶ περὶ προτέρου καὶ ὑστέρου καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων τῶν τοιούτων περὶ ὅσων οἱ διαλεκτικοὶ πειρῶνται σκοπεῖν ἐκ τῶν ἐνδόξων μόνων ποιούμενοι τὴν σκέψιν, τίνος [25] ἐστὶ θεωρῆσαι περὶ πάντων· ἔτι δὲ τούτοις αὐτοῖς ὅσα καθ᾽ αὑτὰ συμβέβηκεν, καὶ μὴ μόνον τί ἐστι τούτων ἕκαστον ἀλλὰ καὶ ἆρα ἓν ἑνὶ ἐναντίον·

καὶ πότερον αἱ ἀρχαὶ καὶ τὰ στοιχεῖα τὰ γένη ἐστὶν ἢ εἰς ἃ διαιρεῖται ἐνυπάρχοντα ἕκαστον· καὶ εἰ τὰ γένη, πότερον ὅσα ἐπὶ τοῖς ἀτόμοις λέγεται [30] τελευταῖα ἢ τὰ πρῶτα, οἷον πότερον ζῷον ἢ ἄνθρωπος ἀρχή τε καὶ μᾶλλον ἔστι παρὰ τὸ καθ᾽ ἕκαστον. Μάλιστα δὲ ζητητέον καὶ πραγματευτέον πότερον ἔστι τι παρὰ τὴν ὕλην αἴτιον καθ᾽ αὑτὸ ἢ οὔ, καὶ τοῦτο χωριστὸν ἢ οὔ, καὶ πότερον ἓν ἢ πλείω τὸν ἀριθμόν, καὶ πότερον ἔστι τι παρὰ τὸ [35] σύνολον (λέγω δὲ τὸ σύνολον, ὅταν κατηγορηθῇ τι τῆς ὕλης) ἢ οὐθέν, ἢ τῶν μὲν τῶν δ᾽ οὔ, καὶ ποῖα τοιαῦτα τῶν ὄντων.

[996a][1] Ἔτι αἱ ἀρχαὶ πότερον ἀριθμῷ ἢ εἴδει ὡρισμέναι, καὶ αἱ ἐν τοῖς λόγοις καὶ αἱ ἐν τῷ ὑποκειμένῳ; καὶ πότερον τῶν φθαρτῶν καὶ ἀφθάρτων αἱ αὐταὶ ἢ ἕτεραι, καὶ πότερον ἄφθαρτοι πᾶσαι ἢ τῶν φθαρτῶν φθαρταί; ἔτι δὲ τὸ πάντων [5] χαλεπώτατον καὶ πλείστην ἀπορίαν ἔχον, πότερον τὸ ἓν καὶ τὸ ὄν, καθάπερ οἱ Πυθαγόρειοι καὶ Πλάτων ἔλεγεν, οὐχ ἕτερόν τί ἐστιν ἀλλ᾽ οὐσία τῶν ὄντων; ἢ οὔ, ἀλλ᾽ ἕτερόν τι τὸ ὑποκείμενον, ὥσπερ Ἐμπεδοκλῆς φησὶ φιλίαν ἄλλος δέ τις πῦρ ὁ δὲ ὕδωρ ἢ ἀέρα· καὶ πότερον αἱ ἀρχαὶ [10] καθόλου εἰσὶν ἢ ὡς τὰ καθ᾽ ἕκαστα τῶν πραγμάτων, καὶ δυνάμει ἢ ἐνεργείᾳ· ἔτι πότερον ἄλλως ἢ κατὰ κίνησιν· καὶ γὰρ ταῦτα ἀπορίαν ἂν παράσχοι πολλήν. Πρὸς δὲ τούτοις πότερον οἱ ἀριθμοὶ καὶ τὰ μήκη καὶ τὰ σχήματα καὶ αἱ στιγμαὶ οὐσίαι τινές εἰσιν ἢ οὔ, κἂν εἰ οὐσίαι πότερον [15] κεχωρισμέναι τῶν αἰσθητῶν ἢ ἐνυπάρχουσαι ἐν τούτοις; περὶ γὰρ τούτων ἁπάντων οὐ μόνον χαλεπὸν τὸ εὐπορῆσαι τῆς ἀληθείας ἀλλ᾽ οὐδὲ τὸ διαπορῆσαι τῷ λόγῳ ῥᾴδιον καλῶς.

I.[995a] Il est nécessaire, dans l'intérêt de la science que nous [25] cherchons, de commencer par exposer les difficultés que nous avons à résoudre dès l'abord. Ces difficultés, ce sont, outre les opinions contradictoires des divers philosophes sur les mêmes sujets, tous les points obscurs qu'ils peuvent avoir négligé d'éclaircir: si l'on veut arriver à une solution vraie, il est utile de se bien poser d'abord ces difficultés. Car la solution vraie à laquelle on parvient ensuite, n'est autre chose que l'éclaircissement de ces difficultés : or, il est impossible de délier un nœud [30] si l'on ne sait pas la manière de s'y prendre. Ceci est évident surtout pour les difficultés, les doutes de la pensée. Douter, pour elle, c'est être dans l'état de l'homme enchainé: pas plus que lui elle ne peut aller en avant. Il nous faut donc commencer par examiner toutes les difficultés, et pour ces motifs, et aussi parce que chercher [35] sans se les être posées d'abord, c'est ressembler à ceux qui marchent sans savoir vers quel but il faut marcher, c'est s'exposer même à ne point reconnaître si l'on a découvert ou non ce que l'on cherchait. En effet, on n'a point alors de but marqué : [995b] le but est marqué au contraire pour celui qui a commencé par se les bien poser. Enfin, on doit nécessairement être mieux à même de juger, quand on a entendu, comme parties adverses en quelque sorte, toutes les raisons opposées (01).

La première difficulté [5] est celle que nous nous sommes déjà proposée dans l'introduction(2). L'étude des causes appartient-elle à une seule science, ou à plusieurs, et la science doit-elle s'occuper seulement des premiers principes des êtres, ou bien doit-elle embrasser aussi les principes généraux de la démonstration, tels que celui-ci : Est-il possible, ou non, d'affirmer et de nier en même temps une seule [10] et même chose ? et tous les autres principes de ce genre ? Et si elle ne s'occupe que des principes des êtres, y a-t-il une seule science ou plusieurs pour tous ces principes ? Et s'il y en a plusieurs, y a-t-il entre toutes quelque affinité, on bien les unes doivent-elles être considérées comme des philosophies, les autres non?

Il est nécessaire encore de rechercher si l'on ne doit reconnaître que [15] des substances sensibles, ou s'il y en a d'autres en dehors de celles-là. Y a-t-il une seule espèce de substance, ou bien y en a-t-il plusieurs? De ce dernier avis sont, par exemple, ceux qui admettent les idées, et les substances mathématiques intermédiaires entre les idées et les objets sensibles. Ce sont là, disons-nous, des difficultés qu'il faut examiner, et encore celle-ci : Notre étude n'embrasse-t-elle que les essences, ou bien s'étend-elle aussi [20] aux accidents essentiels des substances ?

Ensuite, à quelle science appartient-il de s'occuper de l'identité et de l'hétérogénéité, de la similitude et de la dissimilitude, de l'identité et de la contrariété, de l'antériorité et de la postériorité, et des autres principes de ce genre à l'usage des Dialecticiens, lesquels ne raisonnent [25] que sur le vraisemblable ? Ensuite , quels sont les accidents propres de chacune de ces choses ? Il ne faut pas seulement rechercher ce qu'est chacune d'elles, mais encore si elles sont opposées les unes aux autres (03).

Sont-ce les genres qui sont les principes et les éléments ; sont-ce les parties intrinsèques de chaque être ? Et si ce sont les genres, sont-ce les plus rapprochés des individus, [30] ou bien les genres les plus élevés ? Est-ce l'animal, par exemple, ou bien l'homme, qui est principe ; et le genre l'est-il plutôt que l'individu ? Une autre question non moins digne d'être étudiée et approfondie est celle-ci : y a-t-il ou non, en dehors de la substance, quelque chose qui soit cause en soi ? Ce quelque chose en est-il ou non indépendant ; est-il un ou multiple ? Est-il ou non en dehors de [35] l'ensemble (et par l'ensemble j'entends ici la substance avec sel attributs ? En dehors de quelques individus et non des autres ; et quels sont alors les êtres en dehors desquels il existe ?

[996a] Ensuite, les principes soit formels soit substantiels, sont-ils numériquement distincts ou réductibles à des genres (04)? Les principes des êtres périssables et ceux des êtres impérissables sont-ils les mêmes ou différents ; sont-ils tous impérissables, ou bien les principes des êtres périssables sont-ils périssables ? De plus, et c'est là [5] la difficulté la plus grande, la plus embarrassante, l'unité et l'être constituent-ils ou non la substance des êtres, comme le prétendaient les Pythagoriciens et Platon ; ou bien y a-t-îl quelque chose qui leur serve de sujet, de substance, comme l'Amitié d'Empédocle, le feu, l'eau, l'air de tel ou tel autre philosophe ? Les principes [10] sont-ils relatifs au général, ou bien aux choses particulières ? Sont-ils en puissance ou en acte ? Sont-ils en mouvement ou autrement (05) ? Ce sont là de graves difficultés. Ensuite, les nombres, les longueurs, les figures, les points, sont-ils ou non des substances ; et, s'ils sont des substances, sont-ils [15] indépendants des objets sensibles, ou existent-ils dans ces objets ? Sur tous ces points, non seulement il est difficile d'arriver à la vérité par une bonne solution, mais il n'est pas même bien facile de se poser nettement les difficultés.

II.

Πρῶτον μὲν οὖν περὶ ὧν πρῶτον εἴπομεν, πότερον μιᾶς ἢ πλειόνων ἐστὶν ἐπιστημῶν θεωρῆσαι πάντα τὰ γένη τῶν [20] αἰτίων. Μιᾶς μὲν γὰρ ἐπιστήμης πῶς ἂν εἴη μὴ ἐναντίας οὔσας τὰς ἀρχὰς γνωρίζειν; ἔτι δὲ πολλοῖς τῶν ὄντων οὐχ ὑπάρχουσι πᾶσαι· τίνα γὰρ τρόπον οἷόν τε κινήσεως ἀρχὴν εἶναι τοῖς ἀκινήτοις ἢ τὴν τἀγαθοῦ φύσιν, εἴπερ ἅπαν ὃ ἂν ᾖ ἀγαθὸν καθ᾽ αὑτὸ καὶ διὰ τὴν αὑτοῦ φύσιν τέλος ἐστὶν [25] καὶ οὕτως αἴτιον ὅτι ἐκείνου ἕνεκα καὶ γίγνεται καὶ ἔστι τἆλλα, τὸ δὲ τέλος καὶ τὸ οὗ ἕνεκα πράξεώς τινός ἐστι τέλος, αἱ δὲ πράξεις πᾶσαι μετὰ κινήσεως; ὥστ᾽ ἐν τοῖς ἀκινήτοις οὐκ ἂν ἐνδέχοιτο ταύτην εἶναι τὴν ἀρχὴν οὐδ᾽ εἶναί τι αὐτοαγαθόν. Διὸ καὶ ἐν τοῖς μαθήμασιν οὐθὲν δείκνυται διὰ [30] ταύτης τῆς αἰτίας, οὐδ᾽ ἔστιν ἀπόδειξις οὐδεμία διότι βέλτιον ἢ χεῖρον, ἀλλ᾽ οὐδὲ τὸ παράπαν μέμνηται οὐθεὶς οὐθενὸς τῶν τοιούτων, ὥστε διὰ ταῦτα τῶν σοφιστῶν τινὲς οἷον Ἀρίστιππος προεπηλάκιζεν αὐτάς· ἐν μὲν γὰρ ταῖς ἄλλαις τέχναις, καὶ ταῖς βαναύσοις, οἷον ἐν τεκτονικῇ καὶ σκυτικῇ, διότι [35] βέλτιον ἢ χεῖρον λέγεσθαι πάντα, τὰς δὲ μαθηματικὰς οὐθένα ποιεῖσθαι λόγον περὶ ἀγαθῶν καὶ κακῶν.

[996b][1] -- Ἀλλὰ μὴν εἴ γε πλείους ἐπιστῆμαι τῶν αἰτίων εἰσὶ καὶ ἑτέρα ἑτέρας ἀρχῆς, τίνα τούτων φατέον εἶναι τὴν ζητουμένην, ἢ τίνα μάλιστα τοῦ πράγματος τοῦ ζητουμένου ἐπιστήμονα τῶν ἐχόντων [5] αὐτάς; ἐνδέχεται γὰρ τῷ αὐτῷ πάντας τοὺς τρόπους τοὺς τῶν αἰτίων ὑπάρχειν, οἷον οἰκίας ὅθεν μὲν ἡ κίνησις ἡ τέχνη καὶ ὁ οἰκοδόμος, οὗ δ᾽ ἕνεκα τὸ ἔργον, ὕλη δὲ γῆ καὶ λίθοι, τὸ δ᾽ εἶδος ὁ λόγος. Ἐκ μὲν οὖν τῶν πάλαι διωρισμένων τίνα χρὴ καλεῖν τῶν ἐπιστημῶν σοφίαν ἔχει λόγον ἑκάστην [10] προσαγορεύειν· ᾗ μὲν γὰρ ἀρχικωτάτη καὶ ἡγεμονικωτάτη καὶ ᾗ ὥσπερ δούλας οὐδ᾽ ἀντειπεῖν τὰς ἄλλας ἐπιστήμας δίκαιον, ἡ τοῦ τέλους καὶ τἀγαθοῦ τοιαύτη (τούτου γὰρ ἕνεκα τἆλλα), ᾗ δὲ τῶν πρώτων αἰτίων καὶ τοῦ μάλιστα ἐπιστητοῦ διωρίσθη εἶναι, ἡ τῆς οὐσίας ἂν εἴη τοιαύτη· πολλαχῶς γὰρ [15] ἐπισταμένων τὸ αὐτὸ μᾶλλον μὲν εἰδέναι φαμὲν τὸν τῷ εἶναι γνωρίζοντα τί τὸ πρᾶγμα ἢ τῷ μὴ εἶναι, αὐτῶν δὲ τούτων ἕτερον ἑτέρου μᾶλλον, καὶ μάλιστα τὸν τί ἐστιν ἀλλ᾽ οὐ τὸν πόσον ἢ ποῖον ἢ τί ποιεῖν ἢ πάσχειν πέφυκεν. Ἔτι δὲ καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις τὸ εἰδέναι ἕκαστον καὶ ὧν ἀποδείξεις [20] εἰσί, τότ᾽ οἰόμεθα ὑπάρχειν ὅταν εἰδῶμεν τί ἐστιν (οἷον τί ἐστι τὸ τετραγωνίζειν, ὅτι μέσης εὕρεσις· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων), περὶ δὲ τὰς γενέσεις καὶ τὰς πράξεις καὶ περὶ πᾶσαν μεταβολὴν ὅταν εἰδῶμεν τὴν ἀρχὴν τῆς κινήσεως· τοῦτο δ᾽ ἕτερον καὶ ἀντικείμενον τῷ τέλει, ὥστ᾽ ἄλλης ἂν [25] δόξειεν ἐπιστήμης εἶναι τὸ θεωρῆσαι τῶν αἰτίων τούτων ἕκαστον.

Ἀλλὰ μὴν καὶ περὶ τῶν ἀποδεικτικῶν ἀρχῶν, πότερον μιᾶς ἐστὶν ἐπιστήμης ἢ πλειόνων, ἀμφισβητήσιμόν ἐστιν (λέγω [28] δὲ ἀποδεικτικὰς τὰς κοινὰς δόξας ἐξ ὧν ἅπαντες δεικνύουσιν) οἷον ὅτι πᾶν ἀναγκαῖον ἢ φάναι ἢ ἀποφάναι, καὶ [30] ἀδύνατον ἅμα εἶναι καὶ μὴ εἶναι, καὶ ὅσαι ἄλλαι τοιαῦται προτάσεις, πότερον μία τούτων ἐπιστήμη καὶ τῆς οὐσίας ἢ ἑτέρα, κἂν εἰ μὴ μία, ποτέραν χρὴ προσαγορεύειν τὴν ζητουμένην νῦν.

Μιᾶς μὲν οὖν οὐκ εὔλογον εἶναι· τί γὰρ μᾶλλον γεωμετρίας ἢ ὁποιασοῦν περὶ τούτων ἐστὶν ἴδιον τὸ ἐπαΐειν; [35] εἴπερ οὖν ὁμοίως μὲν ὁποιασοῦν ἐστίν, ἁπασῶν δὲ μὴ ἐνδέχεται, [997a][1] ὥσπερ οὐδὲ τῶν ἄλλων οὕτως οὐδὲ τῆς γνωριζούσης τὰς οὐσίας ἴδιόν ἐστι τὸ γιγνώσκειν περὶ αὐτῶν. Ἅμα δὲ καὶ τίνα τρόπον ἔσται αὐτῶν ἐπιστήμη; τί μὲν γὰρ ἕκαστον τούτων τυγχάνει ὂν καὶ νῦν γνωρίζομεν (χρῶνται γοῦν ὡς γιγνωσκομένοις [5] αὐτοῖς καὶ ἄλλαι τέχναι)· εἰ δὲ ἀποδεικτικὴ περὶ αὐτῶν ἐστί, δεήσει τι γένος εἶναι ὑποκείμενον καὶ τὰ μὲν πάθη τὰ δ᾽ ἀξιώματ᾽ αὐτῶν (περὶ πάντων γὰρ ἀδύνατον ἀπόδειξιν εἶναι), ἀνάγκη γὰρ ἔκ τινων εἶναι καὶ περί τι καὶ τινῶν τὴν ἀπόδειξιν· ὥστε συμβαίνει πάντων εἶναι γένος ἕν [10] τι τῶν δεικνυμένων, πᾶσαι γὰρ αἱ ἀποδεικτικαὶ χρῶνται τοῖς ἀξιώμασιν. Ἀλλὰ μὴν εἰ ἑτέρα ἡ τῆς οὐσίας καὶ ἡ περὶ τούτων, ποτέρα κυριωτέρα καὶ προτέρα πέφυκεν αὐτῶν; καθόλου γὰρ μάλιστα καὶ πάντων ἀρχαὶ τὰ ἀξιώματά ἐστιν, εἴ τ᾽ ἐστὶ μὴ τοῦ φιλοσόφου, τίνος ἔσται περὶ αὐτῶν ἄλλου τὸ [15] θεωρῆσαι τὸ ἀληθὲς καὶ ψεῦδος;

ὅλως τε τῶν οὐσιῶν πότερον μία πασῶν ἐστὶν ἢ πλείους ἐπιστῆμαι; εἰ μὲν οὖν μὴ μία, ποίας οὐσίας θετέον τὴν ἐπιστήμην ταύτην; τὸ δὲ μίαν πασῶν οὐκ εὔλογον· καὶ γὰρ ἂν ἀποδεικτικὴ μία περὶ πάντων εἴη τῶν συμβεβηκότων, εἴπερ πᾶσα ἀποδεικτικὴ περί [20] τι ὑποκείμενον θεωρεῖ τὰ καθ᾽ αὑτὰ συμβεβηκότα ἐκ τῶν κοινῶν δοξῶν. Περὶ οὖν τὸ αὐτὸ γένος τὰ συμβεβηκότα καθ᾽ αὑτὰ τῆς αὐτῆς ἐστὶ θεωρῆσαι ἐκ τῶν αὐτῶν δοξῶν. Περί τε γὰρ ὃ μιᾶς καὶ ἐξ ὧν μιᾶς, εἴτε τῆς αὐτῆς εἴτε ἄλλης, ὥστε καὶ τὰ συμβεβηκότα, εἴθ᾽ αὗται θεωροῦσιν εἴτ᾽ [25] ἐκ τούτων μία.

Ἔτι δὲ πότερον περὶ τὰς οὐσίας μόνον ἡ θεωρία ἐστὶν ἢ καὶ περὶ τὰ συμβεβηκότα ταύταις; λέγω δ᾽ οἷον, εἰ τὸ στερεὸν οὐσία τίς ἐστι καὶ γραμμαὶ καὶ ἐπίπεδα, πότερον τῆς αὐτῆς ταῦτα γνωρίζειν ἐστὶν ἐπιστήμης καὶ τὰ συμβεβηκότα περὶ ἕκαστον γένος περὶ ὧν αἱ μαθηματικαὶ [30] δεικνύουσιν, ἢ ἄλλης. Εἰ μὲν γὰρ τῆς αὐτῆς, ἀποδεικτική τις ἂν εἴη καὶ ἡ τῆς οὐσίας, οὐ δοκεῖ δὲ τοῦ τί ἐστιν ἀπόδειξις εἶναι· εἰ δ᾽ ἑτέρας, τίς ἔσται ἡ θεωροῦσα περὶ τὴν οὐσίαν τὰ συμβεβηκότα; τοῦτο γὰρ ἀποδοῦναι παγχάλεπον.

Ἔτι δὲ πότερον τὰς αἰσθητὰς οὐσίας μόνας εἶναι [35] φατέον ἢ καὶ παρὰ ταύτας ἄλλας, καὶ πότερον μοναχῶς ἢ πλείω γένη τετύχηκεν ὄντα τῶν οὐσιῶν, [997b][1] οἷον οἱ λέγοντες τά τε εἴδη καὶ τὰ μεταξύ, περὶ ἃ τὰς μαθηματικὰς εἶναί φασιν ἐπιστήμας; ὡς μὲν οὖν λέγομεν τὰ εἴδη αἴτιά τε καὶ οὐσίας εἶναι καθ᾽ ἑαυτὰς εἴρηται ἐν τοῖς πρώτοις λόγοις περὶ [5] αὐτῶν· πολλαχῇ δὲ ἐχόντων δυσκολίαν, οὐθενὸς ἧττον ἄτοπον τὸ φάναι μὲν εἶναί τινας φύσεις παρὰ τὰς ἐν τῷ οὐρανῷ, ταύτας δὲ τὰς αὐτὰς φάναι τοῖς αἰσθητοῖς πλὴν ὅτι τὰ μὲν ἀΐδια τὰ δὲ φθαρτά. Αὐτὸ γὰρ ἄνθρωπόν φασιν εἶναι καὶ ἵππον καὶ ὑγίειαν, ἄλλο δ᾽ οὐδέν, παραπλήσιον [10] ποιοῦντες τοῖς θεοὺς μὲν εἶναι φάσκουσιν ἀνθρωποειδεῖς δέ· οὔτε γὰρ ἐκεῖνοι οὐδὲν ἄλλο ἐποίουν ἢ ἀνθρώπους ἀϊδίους, οὔθ᾽ οὗτοι τὰ εἴδη ἄλλ᾽ ἢ αἰσθητὰ ἀΐδια.

Ἔτι δὲ εἴ τις παρὰ τὰ εἴδη καὶ τὰ αἰσθητὰ τὰ μεταξὺ θήσεται, πολλὰς ἀπορίας ἕξει· δῆλον γὰρ ὡς ὁμοίως γραμμαί τε παρά τ᾽ αὐτὰς καὶ [15] τὰς αἰσθητὰς ἔσονται καὶ ἕκαστον τῶν ἄλλων γενῶν· ὥστ᾽ ἐπείπερ ἡ ἀστρολογία μία τούτων ἐστίν, ἔσται τις καὶ οὐρανὸς παρὰ τὸν αἰσθητὸν οὐρανὸν καὶ ἥλιός τε καὶ σελήνη καὶ τἆλλα ὁμοίως τὰ κατὰ τὸν οὐρανόν. Καίτοι πῶς δεῖ πιστεῦσαι τούτοις; οὐδὲ γὰρ ἀκίνητον εὔλογον εἶναι, κινούμενον δὲ [20] καὶ παντελῶς ἀδύνατον· ὁμοίως δὲ καὶ περὶ ὧν ἡ ὀπτικὴ πραγματεύεται καὶ ἡ ἐν τοῖς μαθήμασιν ἁρμονική·

καὶ γὰρ ταῦτα ἀδύνατον εἶναι παρὰ τὰ αἰσθητὰ διὰ τὰς αὐτὰς αἰτίας· εἰ γὰρ ἔστιν αἰσθητὰ μεταξὺ καὶ αἰσθήσεις, δῆλον ὅτι καὶ ζῷα ἔσονται μεταξὺ αὐτῶν τε καὶ τῶν φθαρτῶν. [25] Ἀπορήσειε δ᾽ ἄν τις καὶ περὶ ποῖα τῶν ὄντων δεῖ ζητεῖν ταύτας τὰς ἐπιστήμας. Εἰ γὰρ τούτῳ διοίσει τῆς γεωδαισίας ἡ γεωμετρία μόνον, ὅτι ἡ μὲν τούτων ἐστὶν ὧν αἰσθανόμεθα ἡ δ᾽ οὐκ αἰσθητῶν, δῆλον ὅτι καὶ παρ᾽ ἰατρικὴν ἔσται τις ἐπιστήμη καὶ παρ᾽ ἑκάστην τῶν ἄλλων μεταξὺ αὐτῆς τε ἰατρικῆς [30] καὶ τῆσδε τῆς ἰατρικῆς· καίτοι πῶς τοῦτο δυνατόν; καὶ γὰρ ἂν ὑγιείν᾽ ἄττα εἴη παρὰ τὰ αἰσθητὰ καὶ αὐτὸ τὸ ὑγιεινόν.

Ἅμα δὲ οὐδὲ τοῦτο ἀληθές, ὡς ἡ γεωδαισία τῶν αἰσθητῶν ἐστὶ μεγεθῶν καὶ φθαρτῶν· ἐφθείρετο γὰρ ἂν φθειρομένων. Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ τῶν αἰσθητῶν ἂν εἴη μεγεθῶν [35] οὐδὲ περὶ τὸν οὐρανὸν ἡ ἀστρολογία τόνδε. [998a][1] Οὔτε γὰρ αἱ αἰσθηταὶ γραμμαὶ τοιαῦταί εἰσιν οἵας λέγει ὁ γεωμέτρης (οὐθὲν γὰρ εὐθὺ τῶν αἰσθητῶν οὕτως οὐδὲ στρογγύλον· ἅπτεται γὰρ τοῦ κανόνος οὐ κατὰ στιγμὴν ὁ κύκλος ἀλλ᾽ ὥσπερ Πρωταγόρας ἔλεγεν ἐλέγχων τοὺς γεωμέτρας), οὔθ᾽ αἱ κινήσεις καὶ [5] ἕλικες τοῦ οὐρανοῦ ὅμοιαι περὶ ὧν ἡ ἀστρολογία ποιεῖται τοὺς λόγους, οὔτε τὰ σημεῖα τοῖς ἄστροις τὴν αὐτὴν ἔχει φύσιν.

Εἰσὶ δέ τινες οἵ φασιν εἶναι μὲν τὰ μεταξὺ ταῦτα λεγόμενα τῶν τε εἰδῶν καὶ τῶν αἰσθητῶν, οὐ μὴν χωρίς γε τῶν αἰσθητῶν ἀλλ᾽ ἐν τούτοις· οἷς τὰ συμβαίνοντα ἀδύνατα πάντα [10] μὲν πλείονος λόγου διελθεῖν, ἱκανὸν δὲ καὶ τὰ τοιαῦτα θεωρῆσαι. Οὔτε γὰρ ἐπὶ τούτων εὔλογον ἔχειν οὕτω μόνον, ἀλλὰ δῆλον ὅτι καὶ τὰ εἴδη ἐνδέχοιτ᾽ ἂν ἐν τοῖς αἰσθητοῖς εἶναι (τοῦ γὰρ αὐτοῦ λόγου ἀμφότερα ταῦτά ἐστιν), ἔτι δὲ δύο στερεὰ ἐν τῷ αὐτῷ ἀναγκαῖον εἶναι τόπῳ, καὶ μὴ εἶναι ἀκίνητα [15] ἐν κινουμένοις γε ὄντα τοῖς αἰσθητοῖς. Ὅλως δὲ τίνος ἕνεκ᾽ ἄν τις θείη εἶναι μὲν αὐτά, εἶναι δ᾽ ἐν τοῖς αἰσθητοῖς; ταὐτὰ γὰρ συμβήσεται ἄτοπα τοῖς προειρημένοις· ἔσται γὰρ οὐρανός τις παρὰ τὸν οὐρανόν, πλήν γ᾽ οὐ χωρὶς ἀλλ᾽ ἐν τῷ αὐτῷ τόπῳ· ὅπερ ἐστὶν ἀδυνατώτερον.
 

D'abord, comme nous nous le sommes demandé en commençant, appartient-il à une seule science ou à plusieurs, d'examiner toutes les espèces de [20] causes (06)? Mais comment appartiendrait-il à une seule science de connaître des principes qui ne sont pas contraires les uns aux autres (07)? Et de plus, il y a un grand nombre d'objets où ces principes ne se trouvent pas tous réunis. Comment, par exemple, serait-il possible de rechercher la cause du mouvement ou le principe du bien dans ce qui est immobile? En effet, tout ce qui est bien en soi et par sa nature est un but, [25] et par cela même une cause, puisque c'est en vue de ce bien que se produisent, qu'existent les autres choses. Un but, ce en vue de quoi, est nécessairement but de quelque action : or, il n'y a point d'action sans mouvement ; de sorte que dans les choses immobiles on ne peut admettre ni l'existence de ce principe du mouvement, ni celle du bien en soi. Aussi ne démontre-t-on rien dans les sciences mathématiques au moyen [30] de la cause du mouvement. On ne s'y occupe pas davantage du mieux et du pire ; et même aucun mathématicien ne tient compte de ces principes. C'est pour ce motif que quelques sophistes, Aristippe(08) par exemple, repoussaient ignominieusement les sciences mathématiques. Dans tous les arts, disaient-ils, même dans les arts manuels, dans celui du maçon, du cordonnier, on s'occupe sans cesse [35] du mieux et du pire ; tandis que les mathématiques ne font jamais mention du bien ni du mal.

[996b] Mais s'il y a plusieurs sciences des causes, si chacune d'elles s'occupe de principes différents, laquelle de toutes ces sciences sera celle que nous cherchons ; ou, parmi les hommes qui les possèderont, lequel connaîtra le mieux l'objet de nos recherches ? [5] Il est possible qu'un seul objet réunisse toutes ces espèces de causes. Ainsi, dans une maison, le principe du mouvement, c'est l'art et l'ouvrier ; la cause finale, c'est l'œuvre ; la matière, la terre et les pierres ; le plan est la forme. Il convient donc, d'après la définition que nous avons assignée précédemment à la philosophie, de donner ce nom à chacune des sciences qui s'occupent [10] de ces causes. La science par excellence, celle qui dominera toutes les autres, à laquelle les autres sciences devront céder en esclaves, c'est assurément celle qui s'occupe du but et du bien ; car tout le reste n'existe qu'en vue du bien. Mais la science des causes premières, celle que nous avons définie la science de ce qu'il y a de plus scientifique, ce sera la science de l'essence. [15] On peut, en effet, connaître la même chose de bien des manières; mais ceux qui connaissent un objet par ce qu'il est, connaissent mieux que ceux qui le connaissent par ce qu'il n'est pas. Parmi les premiers même nous distinguons des degrés de connaissance : ceux-là en ont la science la plus parfaite, qui connaissent, non point sa quantité, ses qualités, ses modifications, ses actes, mais son essence. Il en est de même aussi de toutes les choses dont il y a démonstration. [20] Nous croyons en avoir la connaissance lorsque nous savons ce en quoi elles consistent : Qu'est-ce, par exemple, que construire un carré équivalent à un rectangle donné ? C'est trouver la moyenne proportionnelle entre les deux côtés du rectangle (09). Et de même pour tous les autres cas. Pour la production, au contraire, pour l'action, pour toute espèce de changement, nous croyons avoir la science, lorsque nous connaissons le principe du mouvement, lequel est différent de la cause finale, et en est précisément l'opposé. Il paraîtrait [25] donc d'après cela que ce sont des sciences différentes qui doivent examiner chacune de ces causes.

Ce n'est pas tout. Les principes de la démonstration appartiennent-ils à une seule science ou à plusieurs ? C'est encore là une question (10). J'appelle [26] principe de la démonstration, ces axiomes généraux sur lesquels tout le monde s'appuie pour démontrer ; ceux-ci, par exemple : Il faut nécessairement affirmer ou nier une chose ; [30] Une chose ne peut pas être et n'être pas en même temps; et toutes les autres propositions de ce genre. Hé bien, la science de ces principes est-elle la même que celle de l'essence, ou en diffère-t-elle ? Si elle en diffère, laquelle des deux reconnaîtrons-nous pour celle que nous cherchons ?

Les principes de la démonstration n'appartiennent pas à une seule science, cela est évident : pourquoi la géométrie s'arrogerait-elle, plutôt que toute autre science, le droit de traiter de ces principes? [35] Si donc toute science quelconque a également ce privilège, et si pourtant elles ne peuvent pas toutes en jouir, [997a] l'étude des principes ne dépendra pas plus de la science qui connaît les essences, que de toute autre. Et puis, comment y aurait-il une science des principes ? Nous connaissons de prime abord ce qu'est chacun d'eux ; aussi tous les arts les emploient-ils comme choses [5] bien connues. Tandis que s'il y avait une science démonstrative des principes, il faudrait admettre l'existence d'un genre commun, objet de cette science ; il faudrait d'un côté les accidents du genre, de l'autre des axiomes, car il est impossible de tout démontrer. Toute démonstration doit partir d'un principe, porter sur un objet, démontrer quelque chose de cet objet. Il s'ensuit que tout ce qui se démontre [10] pourrait se ramener à un genre unique. Et en effet, toutes les sciences démonstratives se servent des axiomes. Or, si la science des axiomes est une autre science que la science de l'essence, laquelle des deux sera la science souveraine, la science première ? Les axiomes sont ce qu'il y a de plus général ; ils sont les principes de toutes choses : si donc ils ne font pas partie de la science du philosophe, quel autre [15] sera chargé de vérifier leur vérité ou leur fausseté ?

Enfin, y a-t-il une seule science pour toutes les essences, y en a-t-il plusieurs (11)? S'il y en a plusieurs, de quelle essence traite la science qui nous occupe ? Qu'il n'y ait qu'une science de toutes les essences, c'est ce qui n'est pas probable. Dans ce cas il y aurait une seule science démonstrative de tous les accidents essentiels des êtres, puisque toute science démonstrative [20] soumet au contrôle de principes communs tous les accidents essentiels d'un sujet donné. Il appartient donc à la même science d'examiner d'après des principes communs seulement les accidents essentiels d'un même genre. En effet, une science s'occupe de ce qui est (12) ; une autre science, soit qu'elle se confonde avec la précédente ou s'en distingue, traite des causes de ce qui est (13). De sorte que ces deux sciences, ou cette science unique, dans le cas où elles n'en font qu'une, [25] s'occuperont elles-mêmes des accidents du genre qui est leur objet.

Mais, d'ailleurs, la science n'embrasse-t-elle que les essences, ou bien porte-t-elle aussi sur leurs accidents (14)? Par exemple, si nous considérons comme des essences, les solides, les lignes, les plans, la science de ces essences s'occupera-t-elle en même temps des accidents de chaque genre, accidents sur lesquels portent les démonstrations mathématiques, [30] ou bien sera-ce l'objet d'une autre science ? S'il n'y a qu'une science unique, la science de l'essence sera alors une science démonstrative : or, l'essence, à ce qu'il semble, ne se démontre pas ; et s'il y a deux sciences différentes, quelle est donc celle qui traitera des accidents de la substance ? C'est une question dont la solution est des plus difficiles.

De plus, ne faut-il admettre que des substances sensibles, [35] ou bien y en a-t-il d'autres encore (15) ? N'y a-t-il qu'une espèce de substance, y en a-t-il plusieurs ? [997b] De ce dernier avis sont, par exemple, ceux qui admettent les idées, ainsi que les êtres intermédiaires objets des sciences mathématiques. Ils disent que les idées sont par elles-mêmes causes et substances, comme nous l'avons vu, en traitant cette question dans le premier livre. [5] Cette doctrine est sujette à mille objections. Mais ce qu'il y a de plus absurde, c'est de dire qu'il existe des êtres particuliers en dehors de ceux que nous voyons dans l'univers, mais que ces êtres sont les mêmes que les êtres sensibles, à cette seule différence près que les uns sont éternels, les autres périssables : en effet, tout ce qu'ils disent, c'est qu'il y a l'homme en soi, le cheval, la santé en soi ; imitant en cela ceux [10] qui disent qu'il y a des dieux, mais que ces dieux ressemblent aux hommes. Les uns ne font pas autre chose que des hommes éternels ; les idées des autres ne sont de même que des êtres sensibles éternels.

Si, outre les idées et les objets sensibles , l'on veut admettre les êtres intermédiaires, il s'en suit une multitude de difficultés. Car, évidemment, il y aura aussi des lignes intermédiaires [15] entre l'idée de la ligne et la ligne sensible; et de même pour toute espèce de choses. Prenons pour exemple l'Astronomie. Il y aura un autre ciel, en dehors de celui qui tombe sous nos sens, un autre soleil, une autre lune ; et de même pour tout ce qui est dans le ciel. Or, comment croire à leur existence ? Ce nouveau ciel, on ne peut raisonnablement le faire immobile ; et, d'un autre côté [20] il est tout-à-fait impossible qu'il soit en mouvement. Il en est de même pour les objets dont traite l'Optique, et pour les rapports mathématiques des sons musicaux.

Là encore on ne peut admettre, et pour les mêmes raisons, des êtres en dehors de ceux que nous voyons ; car, si vous admettez des êtres sensibles intermédiaires, il vous faudra nécessairement admettre des sensations intermédiaires pour les percevoir, ainsi que des animaux intermédiaires entre les idées des animaux et les animaux périssables. [25] On peut se demander sur quels êtres porteraient les sciences intermédiaires. Car si vous reconnaissez que la Géodésie ne diffère de la Géométrie, qu'en ce que l'une porte sur des objets sensibles, l'autre sur des objets que nous ne percevons point par les sens, il vous faut évidemment faire la même chose pour la Médecine et pour toutes les autres sciences, et dire qu'il y a une science intermédiaire entre la Médecine idéale [30] et la Médecine sensible. Et comment admettre une pareille supposition ? Il faudrait alors dire aussi qu'il y a une santé intermédiaire entre la santé des êtres sensibles et la santé en soi.

Mais il n'est pas même vrai de dire que la Géodésie est une science de grandeurs sensibles et périssables, car, dans ce cas , elle périrait, quand périraient ces grandeurs. L'Astronomie elle-même, la science du ciel qui tombe sous nos sens, [35] n'est pas une science de grandeurs sensibles. [998a] Ni les lignes sensibles ne sont les lignes du géomètre, car les sens ne nous donnent aucune ligne droite, aucune courbe, qui satisfasse à la définition : le cercle ne rencontre pas la tangente en un seul point, mais par plusieurs, comme le remarquait Protagoras(16), dans ses attaques contre les géomè tres ; ni les mouvements réels, [5] les révolutions du ciel ne concordent complètement avec les mouvements et les révolutions que donnent les calculs astronomiques ; enfin les étoiles ne sont pas de la même nature que les points.

D'autres philosophes admettent aussi l'existence de ces substances intermédiaires entre les idées et les objets sensibles ; mais ils ne les séparent point des objets sensibles ; ils disent qu'elles sont dans ces objets mêmes (17). Il serait trop long d'énumérer toutes le impossibilités [10] qu'entraîne une pareille doctrine. Remarquons cependant que non seulement les êtres intermédiaires, mais que les idées elles-mêmes seront nécessairement aussi dans les objets sensibles ; car les mêmes raisons s'appliquent également dans les deux cas. De plus, on aura ainsi nécessairement deux solides dans un même lieu ; et ils ne seront pas immobiles, [15] puisqu'ils seront dans des objets sensibles en mouvement. En un mot, à quoi bon admettre des êtres intermédiaires, pour les placer dans les objets sensibles ? Les mêmes absurdités que tout à l'heure se reproduiront sans cesse. Ainsi, il y aura un ciel en dehors du ciel qui tombe sous nos sens ; seulement il n'en sera pas séparé, il sera dans le même lieu : ce qui est plus inadmissible encore que le ciel séparé.

III

[20] Περί τε τούτων οὖν ἀπορία πολλὴ πῶς δεῖ θέμενον τυχεῖν τῆς ἀληθείας,

καὶ περὶ τῶν ἀρχῶν πότερον δεῖ τὰ γένη στοιχεῖα καὶ ἀρχὰς ὑπολαμβάνειν ἢ μᾶλλον ἐξ ὧν ἐνυπαρχόντων ἐστὶν ἕκαστον πρώτων, οἷον φωνῆς στοιχεῖα καὶ ἀρχαὶ δοκοῦσιν εἶναι ταῦτ᾽ ἐξ ὧν σύγκεινται αἱ φωναὶ [25] πρώτων, ἀλλ᾽ οὐ τὸ κοινὸν ἡ φωνή· καὶ τῶν διαγραμμάτων ταῦτα στοιχεῖα λέγομεν ὧν αἱ ἀποδείξεις ἐνυπάρχουσιν ἐν ταῖς τῶν ἄλλων ἀποδείξεσιν ἢ πάντων ἢ τῶν πλείστων, ἔτι δὲ τῶν σωμάτων καὶ οἱ πλείω λέγοντες εἶναι στοιχεῖα καὶ οἱ ἕν, ἐξ ὧν σύγκειται καὶ ἐξ ὧν συνέστηκεν ἀρχὰς λέγουσιν [30] εἶναι, οἷον Ἐμπεδοκλῆς πῦρ καὶ ὕδωρ καὶ τὰ μετὰ τούτων στοιχεῖά φησιν εἶναι ἐξ ὧν ἐστὶ τὰ ὄντα ἐνυπαρχόντων, ἀλλ᾽ οὐχ ὡς γένη λέγει ταῦτα τῶν ὄντων. Πρὸς δὲ τούτοις καὶ τῶν ἄλλων εἴ τις ἐθέλει τὴν φύσιν ἀθρεῖν, [998b][1] οἷον κλίνην ἐξ ὧν μορίων συνέστηκε καὶ πῶς συγκειμένων, τότε γνωρίζει τὴν φύσιν αὐτῆς.

Ἐκ μὲν οὖν τούτων τῶν λόγων οὐκ ἂν εἴησαν αἱ ἀρχαὶ τὰ γένη τῶν ὄντων· εἰ δ᾽ ἕκαστον μὲν [5] γνωρίζομεν διὰ τῶν ὁρισμῶν, ἀρχαὶ δὲ τὰ γένη τῶν ὁρισμῶν εἰσίν, ἀνάγκη καὶ τῶν ὁριστῶν ἀρχὰς εἶναι τὰ γένη. Κἂν [7] εἰ ἔστι τὴν τῶν ὄντων λαβεῖν ἐπιστήμην τὸ τῶν εἰδῶν λαβεῖν καθ᾽ ἃ λέγονται τὰ ὄντα, τῶν γε εἰδῶν ἀρχαὶ τὰ γένη εἰσίν. Φαίνονται δέ τινες καὶ τῶν λεγόντων στοιχεῖα τῶν ὄντων τὸ [10] ἓν ἢ τὸ ὂν ἢ τὸ μέγα καὶ μικρὸν ὡς γένεσιν αὐτοῖς χρῆσθαι. Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ ἀμφοτέρως γε οἷόν τε λέγειν τὰς ἀρχάς. Ὁ μὲν γὰρ λόγος τῆς οὐσίας εἷς· ἕτερος δ᾽ ἔσται ὁ διὰ τῶν γενῶν ὁρισμὸς καὶ ὁ λέγων ἐξ ὧν ἔστιν ἐνυπαρχόντων.

Πρὸς δὲ τούτοις εἰ καὶ ὅτι μάλιστα ἀρχαὶ τὰ γένη εἰσί, [15] πότερον δεῖ νομίζειν τὰ πρῶτα τῶν γενῶν ἀρχὰς ἢ τὰ ἔσχατα κατηγορούμενα ἐπὶ τῶν ἀτόμων; καὶ γὰρ τοῦτο ἔχει ἀμφισβήτησιν. Εἰ μὲν γὰρ ἀεὶ τὰ καθόλου μᾶλλον ἀρχαί, φανερὸν ὅτι τὰ ἀνωτάτω τῶν γενῶν· ταῦτα γὰρ λέγεται κατὰ πάντων. Τοσαῦται οὖν ἔσονται ἀρχαὶ τῶν ὄντων ὅσαπερ [20] τὰ πρῶτα γένη, ὥστ᾽ ἔσται τό τε ὂν καὶ τὸ ἓν ἀρχαὶ καὶ οὐσίαι· ταῦτα γὰρ κατὰ πάντων μάλιστα λέγεται τῶν ὄντων.

Οὐχ οἷόν τε δὲ τῶν ὄντων ἓν εἶναι γένος οὔτε τὸ ἓν οὔτε τὸ ὄν· ἀνάγκη μὲν γὰρ τὰς διαφορὰς ἑκάστου γένους καὶ εἶναι καὶ μίαν εἶναι ἑκάστην, ἀδύνατον δὲ κατηγορεῖσθαι ἢ τὰ εἴδη τοῦ [25] γένους ἐπὶ τῶν οἰκείων διαφορῶν ἢ τὸ γένος ἄνευ τῶν αὐτοῦ εἰδῶν, ὥστ᾽ εἴπερ τὸ ἓν γένος ἢ τὸ ὄν, οὐδεμία διαφορὰ οὔτε ὂν οὔτε ἓν ἔσται. Ἀλλὰ μὴν εἰ μὴ γένη, οὐδ᾽ ἀρχαὶ ἔσονται, εἴπερ ἀρχαὶ τὰ γένη. Ἔτι καὶ τὰ μεταξὺ συλλαμβανόμενα μετὰ τῶν διαφορῶν ἔσται γένη μέχρι τῶν ἀτόμων [30] (νῦν δὲ τὰ μὲν δοκεῖ τὰ δ᾽ οὐ δοκεῖ)·

πρὸς δὲ τούτοις ἔτι μᾶλλον αἱ διαφοραὶ ἀρχαὶ ἢ τὰ γένη· εἰ δὲ καὶ αὗται ἀρχαί, ἄπειροι ὡς εἰπεῖν ἀρχαὶ γίγνονται, ἄλλως τε κἄν τις τὸ πρῶτον γένος ἀρχὴν τιθῇ. [999a][1] Ἀλλὰ μὴν καὶ εἰ μᾶλλόν γε ἀρχοειδὲς τὸ ἕν ἐστιν, ἓν δὲ τὸ ἀδιαίρετον, ἀδιαίρετον δὲ ἅπαν ἢ κατὰ τὸ ποσὸν ἢ κατ᾽ εἶδος, πρότερον δὲ τὸ κατ᾽ εἶδος, τὰ δὲ γένη διαιρετὰ εἰς εἴδη, μᾶλλον ἂν ἓν τὸ [5] ἔσχατον εἴη κατηγορούμενον· οὐ γάρ ἐστι γένος ἅνθρωπος τῶν τινῶν ἀνθρώπων. Ἔτι ἐν οἷς τὸ πρότερον καὶ ὕστερόν ἐστιν, οὐχ οἷόν τε τὸ ἐπὶ τούτων εἶναί τι παρὰ ταῦτα (οἷον εἰ πρώτη τῶν ἀριθμῶν ἡ δυάς, οὐκ ἔσται τις ἀριθμὸς παρὰ τὰ εἴδη τῶν ἀριθμῶν· ὁμοίως δὲ οὐδὲ σχῆμα παρὰ τὰ εἴδη [10] τῶν σχημάτων· εἰ δὲ μὴ τούτων, σχολῇ τῶν γε ἄλλων ἔσται τὰ γένη παρὰ τὰ εἴδη· τούτων γὰρ δοκεῖ μάλιστα εἶναι γένη)· ἐν δὲ τοῖς ἀτόμοις οὐκ ἔστι τὸ μὲν πρότερον τὸ δ᾽ ὕστερον. Ἔτι ὅπου τὸ μὲν βέλτιον τὸ δὲ χεῖρον, ἀεὶ τὸ βέλτιον πρότερον· ὥστ᾽ οὐδὲ τούτων ἂν εἴη γένος.

Ἐκ μὲν οὖν τούτων [15] μᾶλλον φαίνεται τὰ ἐπὶ τῶν ἀτόμων κατηγορούμενα ἀρχαὶ εἶναι τῶν γενῶν· πάλιν δὲ πῶς αὖ δεῖ ταύτας ἀρχὰς ὑπολαβεῖν οὐ ῥᾴδιον εἰπεῖν. Τὴν μὲν γὰρ ἀρχὴν δεῖ καὶ τὴν αἰτίαν εἶναι παρὰ τὰ πράγματα ὧν ἀρχή, καὶ δύνασθαι εἶναι χωριζομένην αὐτῶν· τοιοῦτον δέ τι παρὰ τὸ καθ᾽ ἕκαστον [20] εἶναι διὰ τί ἄν τις ὑπολάβοι, πλὴν ὅτι καθόλου κατηγορεῖται καὶ κατὰ πάντων; ἀλλὰ μὴν εἰ διὰ τοῦτο, τὰ μᾶλλον καθόλου μᾶλλον θετέον ἀρχάς· ὥστε ἀρχαὶ τὰ πρῶτ᾽ ἂν εἴησαν γένη.
 

[20] Que faut-il décider sur tous ces points, pour arriver ensuite à la vérité? Il y a là des difficultés nombreuses.

Les difficultés relatives aux principes ne le sont pas moins. Faut-il regarder les genres comme éléments et principes ; ou bien ce titre n'appartient-il pas plutôt aux parties constitutives de chaque être (18)? Par exemple, les éléments, les principes du mot, paraissent être les lettres qui concourent à la formation de tous les mots, [25] et non pas le mot en général. De même encore nous appelons éléments, dans la démonstration des propriétés des figures géométriques (19), ces démonstrations qui se trouvent au fond des autres, soit dans toutes, soit dans la plupart. De même enfin pour les corps : et ceux qui n'admettent qu'un élément, et ceux qui en admettent plusieurs, regardent comme principe ce dont le corps est composé, ce dont l'ensemble le constitue. [30] Ainsi, l'eau, le feu, et les autres éléments, sont pour Empédocle les éléments constitutifs des êtres, et non point des genres qui comprennent ces êtres. En outre, si l'on veut étudier la nature d'un objet quelconque, [998b] d'un lit par exemple, on cherche de quelles pièces il est composé, quel est l'arrangement de ces pièces, et alors on connaît sa nature.

D'après ces considérations, les genres ne seraient pas les principes des êtres. Mais si l'on songe [5] que nous ne connaissons rien que par les définitions, et que les genres sont les principes des définitions, il faut bien aussi que les genres soient les principes des êtres définis. D'ailleurs, s'il est vrai de dire que c'est acquérir la connaissance des êtres que d'acquérir celle des espèces auxquelles les êtres se rapportent, les genres seront encore principes des êtres puisqu'ils sont les principes des espèces. Quelques-uns même de ceux qui regardent comme éléments des êtres [10] l'unité ou l'être, ou le grand et le petit, semblent en faire des genres. Toutefois les principes des êtres ne peuvent pas être en même temps les genres et les éléments constitutifs. L'essence ne comporte pas deux définitions — or, autre serait la définition des principes considérés comme genres ; autre, si on les considérait comme éléments constitutifs.

D'ailleurs, si ce sont surtout les genres qui sont principes, [15] faut-il regarder comme principes les genres les plus élevés, ou ceux immédiatement supérieurs aux individus (20)? C'est là encore un sujet d'embarras. Si les principes sont ce qu'il y a de plus général, évidemment les genres les plus élevés seront principes, car ils embrassent tous les êtres. On admettra par conséquent comme principes [20] des êtres les premiers des genres ; et alors l'être, l'unité, seront principes et substances ; car ce sont surtout ces genres qui embrassent tous les êtres. D'un autre côté, tous les êtres ne peuvent pas être rapportés à un seul genre, soit à l'unité, soit à l'être.

Il faut nécessairement que les différences de chaque genre soient, et que chacune de ces différences soit une : or, il est impossible que ce qui désigne les espèces du genre désigne [25] aussi les différences propres, il est impossible que le genre existe sans ses espèces. Si donc l'unité ou l'être est le genre, il n'y aura pas de différence qui soit, ni qui soit une. L'unité et l'être ne sont donc pas des genres, et par conséquent ils ne sont pas des principes, puisque ce sont les genres qui sont principes. Ajoutez à cela que les êtres intermédiaires pris avec leurs différences seront des genres jusqu'à ce qu'on arrive à l'individu. [30] Or, les uns sont, il est vrai, des genres, mais d'autres n'en sont pas.

En outre, les différences sont plutôt principes que les genres. Mais si les différences sont principes, il y a en quelque sorte une infinité de principes, surtout si l'on prend pour point de départ le genre le plus élevé. [999a] Remarquons d'ailleurs que, bien que l'unité nous paraisse surtout avoir le caractère de principe, l'unité étant indivisible, et ce qui est indivisible l'étant ou bien sous le rapport de la quantité, ou bien sous celui de l'espèce, et ce qui l'est sous le rapport de l'espèce ayant l'antériorité ; enfin les genres se divisant en espèces, [5] l'unité doit être plutôt l'individu : l'homme, en effet, n'est pas le genre des hommes particuliers (21). D'ailleurs, il n'est pas possible, dans les choses où il y a antériorité et postériorité, qu'il y ait, en dehors d'elles, quelque chose qui soit leur genre. La dyade, par exemple, est le premier des nombres ; il n'y a donc point, en dehors des diverses espèces [10] de nombres, un autre nombre qui soit le genre commun (22) ; il n'y a point non plus dans la géométrie une autre figure en dehors des diverses espèces de figures. Et s'il n'y a point ici de genre en dehors des espèces, à plus forte raison n'y en aura-t-il point dans les autres choses. Car c'est surtout pour les êtres mathématiques qu'il paraît y avoir des genres. Pour les individus il n'y a ni priorité, ni postériorité, et de plus, partout où il y a mieux et pire, le mieux a la priorité ; il n'y a donc pas de genres, principes des individus.

D'après ce qui précède, [15] les individus doivent plutôt être regardés comme les principes des genres. Mais, d'un autre côté, comment concevoir que les individus soient principes ? Il ne serait point facile de le démontrer. Il faut qu'alors la cause, le principe, soit en dehors des choses dont elle est le principe, qu'elle puisse en être séparée. Mais quelle raison a-t-on de supposer [20] qu'il y a un principe de ce genre en dehors du particulier, si ce n'est que ce principe est quelque chose d'universel, et qu'il embrasse tous les êtres ? Or, si l'on se rend à cette considération, ce qu'il y a de plus général doit être plutôt regardé comme principe, et alors les principes seraient les genres les plus élevés.

IV

 Ἔστι δ᾽ ἐχομένη τε τούτων ἀπορία καὶ πασῶν χαλεπωτάτη [25] καὶ ἀναγκαιοτάτη θεωρῆσαι, περὶ ἧς ὁ λόγος ἐφέστηκε νῦν. Εἴτε γὰρ μὴ ἔστι τι παρὰ τὰ καθ᾽ ἕκαστα, τὰ δὲ καθ᾽ ἕκαστα ἄπειρα, τῶν δ᾽ ἀπείρων πῶς ἐνδέχεται λαβεῖν ἐπιστήμην; ᾗ γὰρ ἕν τι καὶ ταὐτόν, καὶ ᾗ καθόλου τι ὑπάρχει, ταύτῃ πάντα γνωρίζομεν. Ἀλλὰ μὴν εἰ τοῦτο [30] ἀναγκαῖόν ἐστι καὶ δεῖ τι εἶναι παρὰ τὰ καθ᾽ ἕκαστα, ἀναγκαῖον ἂν εἴη τὰ γένη εἶναι παρὰ τὰ καθ᾽ ἕκαστα, ἤτοι τὰ ἔσχατα ἢ τὰ πρῶτα· τοῦτο δ᾽ ὅτι ἀδύνατον ἄρτι διηπορήσαμεν. Ἔτι εἰ ὅτι μάλιστα ἔστι τι παρὰ τὸ σύνολον ὅταν κατηγορηθῇ τι τῆς ὕλης, πότερον, εἰ ἔστι, παρὰ πάντα δεῖ εἶναί τι, ἢ παρὰ μὲν ἔνια εἶναι παρὰ δ᾽ ἔνια μὴ εἶναι, ἢ παρ᾽ οὐδέν;

[999b][1] Εἰ μὲν οὖν μηδέν ἐστι παρὰ τὰ καθ᾽ ἕκαστα, οὐθὲν ἂν εἴη νοητὸν ἀλλὰ πάντα αἰσθητὰ καὶ ἐπιστήμη οὐδενός, εἰ μή τις εἶναι λέγει τὴν αἴσθησιν ἐπιστήμην. Ἔτι δ᾽ οὐδ᾽ ἀΐδιον οὐθὲν οὐδ᾽ ἀκίνητον (τὰ γὰρ αἰσθητὰ [5] πάντα φθείρεται καὶ ἐν κινήσει ἐστίν)· ἀλλὰ μὴν εἴ γε ἀΐδιον μηθέν ἐστιν, οὐδὲ γένεσιν εἶναι δυνατόν. Ἀνάγκη γὰρ εἶναί τι τὸ γιγνόμενον καὶ ἐξ οὗ γίγνεται καὶ τούτων τὸ ἔσχατον ἀγένητον, εἴπερ ἵσταταί τε καὶ ἐκ μὴ ὄντος γενέσθαι ἀδύνατον· ἔτι δὲ γενέσεως οὔσης καὶ κινήσεως ἀνάγκη καὶ πέρας εἶναι (οὔτε [10] γὰρ ἄπειρός ἐστιν οὐδεμία κίνησις ἀλλὰ πάσης ἔστι τέλος, γίγνεσθαί τε οὐχ οἷόν τε τὸ ἀδύνατον γενέσθαι· τὸ δὲ γεγονὸς ἀνάγκη εἶναι ὅτε πρῶτον γέγονεν)·

ἔτι δ᾽ εἴπερ ἡ ὕλη ἔστι διὰ τὸ ἀγένητος εἶναι, πολὺ ἔτι μᾶλλον εὔλογον εἶναι τὴν οὐσίαν, ὅ ποτε ἐκείνη γίγνεται· εἰ γὰρ μήτε τοῦτο ἔσται [15] μήτε ἐκείνη, οὐθὲν ἔσται τὸ παράπαν, εἰ δὲ τοῦτο ἀδύνατον, ἀνάγκη τι εἶναι παρὰ τὸ σύνολον, τὴν μορφὴν καὶ τὸ εἶδος. Εἰ δ᾽ αὖ τις τοῦτο θήσει, ἀπορία ἐπὶ τίνων τε θήσει τοῦτο καὶ ἐπὶ τίνων οὔ. Ὅτι μὲν γὰρ ἐπὶ πάντων οὐχ οἷόν τε, φανερόν· οὐ γὰρ ἂν θείημεν εἶναί τινα οἰκίαν παρὰ τὰς τινὰς [20] οἰκίας.

Πρὸς δὲ τούτοις πότερον ἡ οὐσία μία πάντων ἔσται, οἷον τῶν ἀνθρώπων; ἀλλ᾽ ἄτοπον· ἓν γὰρ πάντα ὧν ἡ οὐσία μία. Ἀλλὰ πολλὰ καὶ διάφορα; ἀλλὰ καὶ τοῦτο ἄλογον. Ἅμα δὲ καὶ πῶς γίγνεται ἡ ὕλη τούτων ἕκαστον καὶ ἔστι τὸ σύνολον ἄμφω ταῦτα;

Ἔτι δὲ περὶ τῶν ἀρχῶν [25] καὶ τόδε ἀπορήσειεν ἄν τις. Εἰ μὲν γὰρ εἴδει εἰσὶν ἕν, οὐθὲν ἔσται ἀριθμῷ ἕν, οὐδ᾽ αὐτὸ τὸ ἓν καὶ τὸ ὄν· καὶ τὸ ἐπίστασθαι πῶς ἔσται, εἰ μή τι ἔσται ἓν ἐπὶ πάντων; Ἀλλὰ μὴν εἰ ἀριθμῷ ἓν καὶ μία ἑκάστη τῶν ἀρχῶν, καὶ μὴ ὥσπερ ἐπὶ τῶν αἰσθητῶν ἄλλαι ἄλλων (οἷον τῆσδε τῆς συλλαβῆς [30] τῷ εἴδει τῆς αὐτῆς οὔσης καὶ αἱ ἀρχαὶ εἴδει αἱ αὐταί· καὶ γὰρ αὗται ὑπάρχουσιν ἀριθμῷ ἕτεραι), εἰ δὲ μὴ οὕτως ἀλλ᾽ αἱ τῶν ὄντων ἀρχαὶ ἀριθμῷ ἕν εἰσιν, οὐκ ἔσται παρὰ τὰ στοιχεῖα οὐθὲν ἕτερον· τὸ γὰρ ἀριθμῷ ἓν ἢ τὸ καθ᾽ ἕκαστον λέγειν διαφέρει οὐθέν· οὕτω γὰρ λέγομεν τὸ καθ᾽ ἕκαστον, τὸ ἀριθμῷ ἕν, καθόλου δὲ τὸ ἐπὶ τούτων. [1000a][1] Ὥσπερ οὖν εἰ τὰ τῆς φωνῆς ἀριθμῷ ἦν στοιχεῖα ὡρισμένα, ἀναγκαῖον ἦν ἂν τοσαῦτα εἶναι τὰ πάντα γράμματα ὅσαπερ τὰ στοιχεῖα, μὴ ὄντων γε δύο τῶν αὐτῶν μηδὲ πλειόνων.

[5] Οὐθενὸς δ᾽ ἐλάττων ἀπορία παραλέλειπται καὶ τοῖς νῦν καὶ τοῖς πρότερον, πότερον αἱ αὐταὶ τῶν φθαρτῶν καὶ τῶν ἀφθάρτων ἀρχαί εἰσιν ἢ ἕτεραι. Εἰ μὲν γὰρ αἱ αὐταί, πῶς τὰ μὲν φθαρτὰ τὰ δὲ ἄφθαρτα, καὶ διὰ τίν᾽ αἰτίαν; οἱ μὲν οὖν περὶ Ἡσίοδον καὶ πάντες ὅσοι θεολόγοι [10] μόνον ἐφρόντισαν τοῦ πιθανοῦ τοῦ πρὸς αὑτούς, ἡμῶν δ᾽ ὠλιγώρησαν (θεοὺς γὰρ ποιοῦντες τὰς ἀρχὰς καὶ ἐκ θεῶν γεγονέναι, τὰ μὴ γευσάμενα τοῦ νέκταρος καὶ τῆς ἀμβροσίας θνητὰ γενέσθαι φασίν, δῆλον ὡς ταῦτα τὰ ὀνόματα γνώριμα λέγοντες αὑτοῖς· καίτοι περὶ αὐτῆς τῆς προσφορᾶς [15] τῶν αἰτίων τούτων ὑπὲρ ἡμᾶς εἰρήκασιν· εἰ μὲν γὰρ χάριν ἡδονῆς αὐτῶν θιγγάνουσιν, οὐθὲν αἴτια τοῦ εἶναι τὸ νέκταρ καὶ ἡ ἀμβροσία, εἰ δὲ τοῦ εἶναι, πῶς ἂν εἶεν ἀΐδιοι δεόμενοι τροφῆς)· ἀλλὰ περὶ μὲν τῶν μυθικῶς σοφιζομένων οὐκ ἄξιον μετὰ σπουδῆς σκοπεῖν·

παρὰ δὲ τῶν δι᾽ [20] ἀποδείξεως λεγόντων δεῖ πυνθάνεσθαι διερωτῶντας τί δή [21] ποτ᾽ ἐκ τῶν αὐτῶν ὄντα τὰ μὲν ἀΐδια τὴν φύσιν ἐστὶ τὰ δὲ φθείρεται τῶν ὄντων. Ἐπεὶ δὲ οὔτε αἰτίαν λέγουσιν οὔτε εὔλογον οὕτως ἔχειν, δῆλον ὡς οὐχ αἱ αὐταὶ ἀρχαὶ οὐδὲ αἰτίαι αὐτῶν ἂν εἶεν. Καὶ γὰρ ὅνπερ οἰηθείη λέγειν [25] ἄν τις μάλιστα ὁμολογουμένως αὑτῷ, Ἐμπεδοκλῆς, καὶ οὗτος ταὐτὸν πέπονθεν· τίθησι μὲν γὰρ ἀρχήν τινα αἰτίαν τῆς φθορᾶς τὸ νεῖκος, δόξειε δ᾽ ἂν οὐθὲν ἧττον καὶ τοῦτο γεννᾶν ἔξω τοῦ ἑνός· ἅπαντα γὰρ ἐκ τούτου τἆλλά ἐστι πλὴν ὁ θεός. Λέγει γοῦν

Ἐξ ὧν πάνθ᾽ ὅσα τ᾽ ἦν ὅσα τ᾽ [30] ἔσθ᾽ ὅσα τ᾽ ἔσται ὀπίσσω,
δένδρεά τ᾽ ἐβλάστησε καὶ ἀνέρες ἠδὲ γυναῖκες,
θῆρές τ᾽ οἰωνοί τε καὶ ὑδατοθρέμμονες ἰχθῦς,
καί τε θεοὶ δολιχαίωνες.

(Empedocles Fr. 21.9-12)

Καὶ χωρὶς δὲ τούτων δῆλον· [1000b][1] εἰ γὰρ μὴ ἦν ἐν τοῖς πράγμασιν, ἓν ἂν ἦν ἅπαντα, ὡς φησίν· ὅταν γὰρ συνέλθῃ,

τότε δ᾽ ἔσχατον ἵστατο νεῖκος.

(Empedocles Fr. 36.7)

Διὸ καὶ συμβαίνει αὐτῷ τὸν εὐδαιμονέστατον θεὸν ἧττον φρόνιμον εἶναι τῶν ἄλλων· οὐ γὰρ γνωρίζει [5] ἅπαντα· τὸ γὰρ νεῖκος οὐκ ἔχει, ἡ δὲ γνῶσις τοῦ ὁμοίου τῷ ὁμοίῳ.

Γαίῃ μὲν γάρ, (φησί,) γαῖαν ὀπώπαμεν, ὕδατι δ᾽ ὕδωρ,
αἰθέρι δ᾽ αἰθέρα δῖον, ἀτὰρ πυρὶ πῦρ ἀΐδηλον,
στοργὴν δὲ στοργῇ, νεῖκος δέ τε νείκεϊ λυγρῷ.

(Empedocles Fr. 109)

Ἀλλ᾽ ὅθεν δὴ ὁ λόγος, τοῦτό γε φανερόν, ὅτι [10] συμβαίνει αὐτῷ τὸ νεῖκος μηθὲν μᾶλλον φθορᾶς ἢ τοῦ εἶναι αἴτιον· ὁμοίως δ᾽ οὐδ᾽ ἡ φιλότης τοῦ εἶναι, συνάγουσα γὰρ εἰς τὸ ἓν φθείρει τὰ ἄλλα. Καὶ ἅμα δὲ αὐτῆς τῆς μεταβολῆς αἴτιον οὐθὲν λέγει ἀλλ᾽ ἢ ὅτι οὕτως πέφυκεν·

Ἀλλ᾽ ὅτε δὴ μέγα νεῖκος ἐνὶ μελέεσσιν ἐθρέφθη,
εἰς τιμάς [15] τ᾽ ἀνόρουσε τελειομένοιο χρόνοιο
ὅς σφιν ἀμοιβαῖος πλατέος παρ᾽ ἐλήλαται ὅρκου·

(Empedocles Fr. 30)

Ὠς ἀναγκαῖον μὲν ὂν μεταβάλλειν· αἰτίαν δὲ τῆς ἀνάγκης οὐδεμίαν δηλοῖ.

Ἀλλ᾽ ὅμως τοσοῦτόν γε μόνος λέγει ὁμολογουμένως· οὐ γὰρ τὰ μὲν φθαρτὰ τὰ δὲ ἄφθαρτα ποιεῖ τῶν ὄντων ἀλλὰ πάντα [20] φθαρτὰ πλὴν τῶν στοιχείων.

Ἡ δὲ νῦν λεγομένη ἀπορία ἐστὶ διὰ τί τὰ μὲν τὰ δ᾽ οὔ, εἴπερ ἐκ τῶν αὐτῶν ἐστίν. Ὅτι μὲν οὖν οὐκ ἂν εἴησαν αἱ αὐταὶ ἀρχαί, τοσαῦτα εἰρήσθω·

εἰ δὲ ἕτεραι ἀρχαί, μία μὲν ἀπορία πότερον ἄφθαρτοι καὶ αὗται ἔσονται ἢ φθαρταί· εἰ μὲν γὰρ φθαρταί, δῆλον ὡς [25] ἀναγκαῖον καὶ ταύτας ἔκ τινων εἶναι (πάντα γὰρ φθείρεται εἰς ταῦτ᾽ ἐξ ὧν ἔστιν), ὥστε συμβαίνει τῶν ἀρχῶν ἑτέρας ἀρχὰς εἶναι προτέρας, τοῦτο δ᾽ ἀδύνατον, καὶ εἰ ἵσταται καὶ εἰ βαδίζει εἰς ἄπειρον· ἔτι δὲ πῶς ἔσται τὰ φθαρτά, εἰ αἱ ἀρχαὶ ἀναιρεθήσονται; εἰ δὲ ἄφθαρτοι, διὰ [30] τί ἐκ μὲν τούτων ἀφθάρτων οὐσῶν φθαρτὰ ἔσται, ἐκ δὲ τῶν ἑτέρων ἄφθαρτα; τοῦτο γὰρ οὐκ εὔλογον, ἀλλ᾽ ἢ ἀδύνατον ἢ πολλοῦ λόγου δεῖται. Ἔτι δὲ οὐδ᾽ ἐγκεχείρηκεν οὐδεὶς ἑτέρας, ἀλλὰ τὰς αὐτὰς ἁπάντων λέγουσιν ἀρχάς. [1001a][1] Ἀλλὰ τὸ πρῶτον ἀπορηθὲν ἀποτρώγουσιν ὥσπερ τοῦτο μικρόν τι λαμβάνοντες.

Πάντων δὲ καὶ θεωρῆσαι χαλεπώτατον καὶ πρὸς τὸ [5] γνῶναι τἀληθὲς ἀναγκαιότατον πότερόν ποτε τὸ ὂν καὶ τὸ ἓν οὐσίαι τῶν ὄντων εἰσί, καὶ ἑκάτερον αὐτῶν οὐχ ἕτερόν τι ὂν τὸ μὲν ἓν τὸ δὲ ὄν ἐστιν, ἢ δεῖ ζητεῖν τί ποτ᾽ ἐστὶ τὸ ὂν καὶ τὸ ἓν ὡς ὑποκειμένης ἄλλης φύσεως. Οἱ μὲν γὰρ ἐκείνως οἱ δ᾽ οὕτως οἴονται τὴν φύσιν ἔχειν. Πλάτων [10] μὲν γὰρ καὶ οἱ Πυθαγόρειοι οὐχ ἕτερόν τι τὸ ὂν οὐδὲ τὸ ἓν ἀλλὰ τοῦτο αὐτῶν τὴν φύσιν εἶναι, ὡς οὔσης τῆς οὐσίας αὐτοῦ τοῦ ἑνὶ εἶναι καὶ ὄντι·

οἱ δὲ περὶ φύσεως, οἷον Ἐμπεδοκλῆς ὡς εἰς γνωριμώτερον ἀνάγων λέγει ὅ τι τὸ ἕν ἐστιν· δόξειε γὰρ ἂν λέγειν τοῦτο τὴν φιλίαν εἶναι (αἰτία [15] γοῦν ἐστὶν αὕτη τοῦ ἓν εἶναι πᾶσιν), ἕτεροι δὲ πῦρ, οἱ δ᾽ ἀέρα φασὶν εἶναι τὸ ἓν τοῦτο καὶ τὸ ὄν, ἐξ οὗ τὰ ὄντα εἶναί τε καὶ γεγονέναι. Ὣς δ᾽ αὔτως καὶ οἱ πλείω τὰ στοιχεῖα τιθέμενοι· ἀνάγκη γὰρ καὶ τούτοις τοσαῦτα λέγειν τὸ ἓν καὶ τὸ ὂν ὅσας περ ἀρχὰς εἶναί φασιν.

Συμβαίνει [20] δέ, εἰ μέν τις μὴ θήσεται εἶναί τινα οὐσίαν τὸ ἓν καὶ τὸ ὄν, μηδὲ τῶν ἄλλων εἶναι τῶν καθόλου μηθέν (ταῦτα γάρ ἐστι καθόλου μάλιστα πάντων, εἰ δὲ μὴ ἔστι τι ἓν αὐτὸ μηδ᾽ αὐτὸ ὄν, σχολῇ τῶν γε ἄλλων τι ἂν εἴη παρὰ τὰ λεγόμενα καθ᾽ ἕκαστα), ἔτι δὲ μὴ ὄντος τοῦ ἑνὸς οὐσίας, [25] δῆλον ὅτι οὐδ᾽ ἂν ἀριθμὸς εἴη ὡς κεχωρισμένη τις φύσις τῶν ὄντων (ὁ μὲν γὰρ ἀριθμὸς μονάδες, ἡ δὲ μονὰς ὅπερ ἕν τί ἐστιν)· εἰ δ᾽ ἔστι τι αὐτὸ ἓν καὶ ὄν, ἀναγκαῖον οὐσίαν αὐτῶν εἶναι τὸ ἓν καὶ τὸ ὄν· οὐ γὰρ ἕτερόν τι καθόλου κατηγορεῖται ἀλλὰ ταῦτα αὐτά.

Ἀλλὰ μὴν εἴ γ᾽ ἔσται [30] τι αὐτὸ ὂν καὶ αὐτὸ ἕν, πολλὴ ἀπορία πῶς ἔσται τι παρὰ ταῦτα ἕτερον, λέγω δὲ πῶς ἔσται πλείω ἑνὸς τὰ ὄντα. Τὸ γὰρ ἕτερον τοῦ ὄντος οὐκ ἔστιν, ὥστε κατὰ τὸν Παρμενίδου συμβαίνειν ἀνάγκη λόγον ἓν ἅπαντα εἶναι τὰ ὄντα καὶ τοῦτο εἶναι τὸ ὄν. [1001b][1] Ἀμφοτέρως δὲ δύσκολον· ἄν τε γὰρ μὴ ᾖ τὸ ἓν οὐσία ἄν τε ᾖ τὸ αὐτὸ ἕν, ἀδύνατον τὸν ἀριθμὸν οὐσίαν εἶναι. Ἐὰν μὲν οὖν μὴ ᾖ, εἴρηται πρότερον δι᾽ ὅ· ἐὰν δὲ ᾖ, ἡ αὐτὴ ἀπορία καὶ περὶ τοῦ ὄντος. Ἐκ τίνος γὰρ [5] παρὰ τὸ ἓν ἔσται αὐτὸ ἄλλο ἕν; ἀνάγκη γὰρ μὴ ἓν εἶναι· ἅπαντα δὲ τὰ ὄντα ἢ ἓν ἢ πολλὰ ὧν ἓν ἕκαστον.

Ἔτι εἰ ἀδιαίρετον αὐτὸ τὸ ἕν, κατὰ μὲν τὸ Ζήνωνος ἀξίωμα οὐθὲν ἂν εἴη (ὃ γὰρ μήτε προστιθέμενον μήτε ἀφαιρούμενον ποιεῖ μεῖζον μηδὲ ἔλαττον, οὔ φησιν εἶναι τοῦτο τῶν ὄντων, [10] ὡς δηλονότι ὄντος μεγέθους τοῦ ὄντος· καὶ εἰ μέγεθος, σωματικόν· τοῦτο γὰρ πάντῃ ὄν· τὰ δὲ ἄλλα πὼς μὲν προστιθέμενα ποιήσει μεῖζον, πὼς δ᾽ οὐθέν, οἷον ἐπίπεδον καὶ γραμμή, στιγμὴ δὲ καὶ μονὰς οὐδαμῶς)·

ἀλλ᾽ ἐπειδὴ οὗτος θεωρεῖ φορτικῶς, καὶ ἐνδέχεται εἶναι ἀδιαίρετόν τι [15] ὥστε [καὶ οὕτως] καὶ πρὸς ἐκεῖνόν τιν᾽ ἀπολογίαν ἔχειν (μεῖζον μὲν γὰρ οὐ ποιήσει πλεῖον δὲ προστιθέμενον τὸ τοιοῦτον)· ἀλλὰ πῶς δὴ ἐξ ἑνὸς τοιούτου ἢ πλειόνων τοιούτων ἔσται μέγεθος; ὅμοιον γὰρ καὶ τὴν γραμμὴν ἐκ στιγμῶν εἶναι φάσκειν. Ἀλλὰ μὴν καὶ εἴ τις οὕτως ὑπολαμβάνει ὥστε [20] γενέσθαι, καθάπερ λέγουσί τινες, ἐκ τοῦ ἑνὸς αὐτοῦ καὶ ἄλλου μὴ ἑνός τινος τὸν ἀριθμόν, οὐθὲν ἧττον ζητητέον διὰ τί καὶ πῶς ὁτὲ μὲν ἀριθμὸς ὁτὲ δὲ μέγεθος ἔσται τὸ γενόμενον, εἴπερ τὸ μὴ ἓν ἡ ἀνισότης καὶ ἡ αὐτὴ φύσις ἦν. Οὔτε γὰρ ὅπως ἐξ ἑνὸς καὶ ταύτης οὔτε ὅπως ἐξ ἀριθμοῦ [25] τινὸς καὶ ταύτης γένοιτ᾽ ἂν τὰ μεγέθη, δῆλον.

Il y a une difficulté qui se rattache aux précédentes, difficulté plus embarrassante que toutes les autres, [25] et dont l'examen nous est indispensable ; c'est celle dont nous allons parler. S'il n'y a pas quelque chose en dehors du particulier, et s'il y a une infinité de choses particulières, comment est-il possible d'acquérir la science de l'infinité des choses (23) ? Connaître un objet, c'est, pour nous, connaître son unité, son identité et son caractère général. Or, si cela est [30] nécessaire, et s'il faut qu'en dehors des choses particulières il y ait quelque chose, il y aura nécessairement, en dehors des choses particulières, les genres, soit les genres les plus rapprochés des individus, soit les genres les plus élevés. Mais nous avons trouvé tout à l'heure que cela était possible. Admettons d'ailleurs qu'il y a véritablement quelque chose en dehors de l'ensemble de l'attribut et de la substance, admettons qu'il y a des espèces. Mais l'espèce est-elle quelque chose en dehors de tous les objets, ou est-elle seulement en dehors de quelques objets sans être en dehors de quelques autres, ou enfin n'est-elle en dehors d'aucun ?

[999b] Dirons-nous donc qu'il n'y a rien en dehors de choses particulières ? Alors il n'y aurait rien d'intelligible, il n'y aurait plus que des objets sensibles, il n'y aurait science de rien, à moins qu'on ne nomme science, la connaissance sensible. Il n'y aurait même rien d'éternel, ni d'immobile ; car tous les objets sensibles [5] sont sujets à destruction, et sont en mouvement. Or, s'il n'y a rien d'éternel, la production même est impossible. Car il faut bien que ce qui devient soit quelque chose, ainsi que ce qui fait devenir ; et que la dernière des causes productrices soit de tout temps, puisque la chaîne des causes a un terme, et qu'il est impossible que rien soit produit par le non-être. D'ailleurs, là où il y a naissance et mouvement, il y aura nécessairement un terme : aucun [10] mouvement n'est infini, et même tout mouvement a un but. Et puis il est impossible que ce qui ne peut devenir devienne ; mais ce qui devient, existe nécessairement avant de devenir.

De plus, si la substance existe de tout temps, à plus forte raison faut-il admettre l'existence de l'essence au moment où la substance devient. En effet, s'il n'y a ni essence, [15] ni substance, il n'existe absolument rien. Et, comme cela est impossible, il faut bien que la forme et l'essence soient quelque chose, en dehors de l'ensemble de la substance et de la forme. Mais si l'on adopte cette conclusion, une nouvelle difficulté se présente. Dans quels cas admettra-t-on cette existence séparée, et dans quels cas ne l'admettra-t-on point (24) ? Car il est évident qu'on ne l'admettra pas dans tous les cas. En effet, nous ne pouvons pas dire qu'il y a une maison en dehors [20] des maisons particulières.

Ce n'est pas tout. La substance de tous les êtres est-elle une substance unique ? La substance de tous les hommes est-elle unique, par exemple ? Mais cela serait absurde ; car, tous les êtres n'étant pas un être unique, mais un grand nombre d'êtres, et d'êtres différents, il n'est pas raisonnable qu'ils n'aient qu'une seule substance. Et d'ailleurs comment la substance de tous ces êtres devient-elle chacun d'eux ; et comment la réunion de ces deux choses, l'essence et la substance, constitue-t-elle l'individu ?

Voici une nouvelle difficulté relative [25] aux principes. S'ils n'ont que l'unité générique, rien ne sera un numériquement, ni l'unité elle-même, ni l'être lui-même (25). Et alors, comment la science pourra-t-elle exister, puisqu'il n'y aura pas d'unité qui embrasse tous les êtres (26) ? Admettrons-nous donc leur unité numérique ? Mais si chaque principe n'existe que comme unité, et que les principes n'aient aucun rapport entre eux ; s'ils ne sont pas comme les choses sensibles : en effet, lorsque telle et telle syllabe [30] sont de même espèce, leurs principes sont de même espèce, ces principes n'étant pas réduits à l'unité numérique ; s'il n'en est pas ainsi, si les principes des êtres sont réduits à l'unité numérique, il n'existera rien autre chose que les éléments. Un, numériquement, ou individuel, c'est la même chose, puisque nous appelons individuel ce qui est un par le nombre : l'universel, au contraire, c'est ce qui est dans tous les individus. [1000a] Si donc les éléments du mot avaient pour caractère l'unité numérique, il y aurait nécessairement un nombre de lettres égal en somme à celui des éléments du mot, n'y ayant aucune identité ni entre deux, ni entre un plus grand nombre de ces éléments.

[5] Une difficulté qui ne le cède à aucune autre et qu'ont également laissée à l'écart et les philosophes d'aujourd'hui et leurs devanciers, c'est de savoir si les principes des choses périssables et ceux des choses impérissables sont les mêmes principes, ou s'ils sont différents (27). Si les principes sont en effet les mêmes, comment se fait-il que parmi les êtres les uns soient périssables et les autres impérissables, et pour quelle raison en est-il ainsi ? Hésiode et tous les Théologiens [10] n'ont cherché que ce qui pouvait les convaincre eux-mêmes, et n'ont pas songé à nous. Des principes ils font des dieux, et les dieux ont produit toutes choses ; puis ils ajoutent que les êtres qui n'ont pas goûté le nectar et l'ambroisie sont destinés à périr. Ces explications avaient sans doute un sens pour eux ; quant à nous, nous ne comprenons même pas comment [15]  ils ont pu trouver là des causes. Car, si c'est en vue du plaisir que les êtres touchent à l'ambroisie et au nectar, le nectar et l'ambroisie ne sont nullement causes de l'existence ; si au contraire c'est en vue de l'existence, comment ces êtres seraient-ils éternels, puisqu'ils auraient besoin de nourriture ? Mais nous n'avons pas besoin de soumettre à un examen approfondi, des inventions fabuleuses.

Adressons-nous [20] donc à ceux qui raisonnent et se servent de démonstrations, et demandons-leur comment il se fait que, sortis des mêmes principes, quelques-uns des êtres ont une nature éternelle, tandis que les autres sont sujets à destruction. Or, comme ils ne nous apprennent pas quelle est la cause en question, et qu'il y a contradiction dans cet état de choses, il est clair que ni les principes ni les causes des êtres ne peuvent être les mêmes causes et les mêmes principes. Aussi, un philosophe qu'on croirait parfaitement d'accord [25] avec lui-même dans sa doctrine, Empédocle, est-il tombé dans la même contradiction que les autres. Il pose en effet un principe, la Discorde, comme cause de la destruction. Et cependant on n'en voit pas moins ce principe engendrer tous les êtres, hormis l'unité ; car tous les êtres, excepté Dieu (28), sont produits par la Discorde. Écoutons Empédocle :

Telles furent les causes de ce qui fut, [30] de ce qui est, de ce qui sera dans l'avenir;
Qui firent naître les arbres, et les hommes, et les femmes.
Et les bétes sauvages, et les oiseaux, et les poissons qui vivent dans les ondes,
Et les dieux à la longue existence (29).

Et même c'est-là une opinion qui résulte de bien d'autres passages. [1000b] S'il n'y avait pas dans les choses une Discorde, tout, suivant Empédocle, serait réduit à l'unité. En effet, quand, les choses sont réunies, alors s'élève enfin la Discorde (30). Il suit de là que la Divinité, l'être heureux par excellence, connaît moins que les autres êtres ; [5]  car elle ne connaît pas tous les éléments. Elle n'a pas en elle la Discorde ; et c'est le semblable qui connaît le semblable :

Par la terre, dit Empédocle, nous voyons la terre, l'eau par l'eau ;
Par l'air, l'air divin, et par le feu, le feu dévorant ;
L'Amitié par l'Amitié, la Discorde par la Discorde fatale. (31)

Il est donc manifeste, pour revenir au point d'où nous sommes partis, que [10] la Discorde, chez ce philosophe, est tout autant cause d'être que cause de destruction. De même l'Amitié est tout autant cause de destruction que d'être. En effet, quand elle réunit les êtres, et les amène à l'unité, elle détruit tout ce qui n'est pas l'unité. Ajoutez qu'Empédocle n'assigne au changement lui-même aucune cause ; il dit seulement qu'il en fut ainsi

Alors que la puissante Discorde eut grandi,
Et qu'elle se fut élancée pour s'emparer de ses honneurs, [15] au jour marqué par le temps ;
Le temps, qui se partage alternativement entre la Discorde et l'Amitié ; le temps qui a précédé même le majestueux serment ; (32)

comme si le changement était nécessaire : mais il n'assigne pas de cause à cette nécessité.

Toutefois Empédocle a été d'accord avec lui-même en ce point, qu'il admet, non pas que parmi les êtres les uns sont périssables, les autres impérissables, mais que tout [20] est périssable, excepté les éléments.

La difficulté que nous nous étions proposée était celle-ci : Pourquoi, si tous les êtres viennent des mêmes principes, les uns sont-ils périssables, les autres impérissables ? Or, ce que nous avons dit précédemment suffit pour montrer que les principes de tous les êtres ne sauraient être les mêmes.

Mais si les principes sont différents, une difficulté se présente : seront-ils impérissables eux aussi, ou périssables ? Car, s'ils sont périssables, il est évident qu'ils [25] viennent nécessairement eux-mêmes de quelque chose, puisque tout ce qui se détruit retourne à ses éléments. Il s'ensuit donc qu'il y aurait d'autres principes antérieurs aux principes mêmes. Or cela est impossible, soit que la chaîne des causes ait une limite, soit qu'elle se prolonge à l'infini. D'ailleurs, si l'on anéantit les principes, comment y aura-t-il des êtres périssables ? Et si les principes sont impérissables, [30] pourquoi, parmi ces principes impérissables, les uns produisent-ils des êtres périssables, et les autres, des êtres impérissables ? Cela n'est pas conséquent ; c’est une chose impossible, ou qui du moins demanderait de longues explications. Enfin, aucun philosophe n'a admis que les êtres eussent des principes différents ; tous ils disent que les principes de toutes choses sont les mêmes. [1001a] Mais c'est qu'ils passent par-dessus (33) la difficulté que nous nous sommes proposée, et qu'ils la regardent comme un point peu important.

Une question difficile entre toutes à l'examen, et d'une importance capitale [5] pour la connaissance de la vérité, c'est de savoir si l'être et l'unité sont substances des êtres ; si ces deux principes ne sont pas autre chose que l'unité et l'être, chacun de son côté ; ou bien si nous devons nous demander qu'est-ce que l'être et l'unité, supposé qu'ils aient pour substance une nature autre qu'eux-mêmes (34). Car telles sont, sur ce sujet, les diverses opinions des philosophes : Platon [10] et les Pythagoriciens prétendent, en effet, que l'être ni l'unité ne sont pas autre chose qu'eux-mêmes ; que tel est leur caractère. L'unité en soi et l'être en soi, voilà, selon ces philosophes, ce qui constitue la substance des êtres.

Les Physiciens sont d'un autre avis. Empédocle, par exemple, comme pour ramener son principe à un terme plus connu, explique ce que c'est que l'unité ; car on peut conclure de ses paroles, que l'être c'est l'Amitié (35) ; l'Amitié [15] est donc pour Empédocle la cause de l'unité de toutes les choses. D'autres prétendent que c'est le feu, d'autres que c'est l'air qui est cette unité et cet être, d'où sortent tous les êtres, et qui les a tous produits. Il en est de même de ceux-là encore qui ont admis la pluralité dans les éléments ; car ils doivent nécessairement compter autant d'êtres et autant d'unités qu'ils reconnaissent de principes.

Si l'on n'établit pas que l'unité et l'être soient une substance, [20] il s'ensuit qu'il n'y a plus rien de général, puisque ces principes sont ce qu'il y a de plus général au monde, et que si l'unité en soi, si l'être en soi, ne sont pas quelque chose, à plus forte raison n'y aura-t-il pas d'autre être en dehors de ce qu'on nomme le particulier. De plus, si l'unité n'était pas une substance, [25] il est évident que le nombre même ne pourrait exister comme nature d'êtres séparée. En effet, le nombre se compose de monades, et la monade c'est ce qui est un. Mais si l'unité en soi, si l'être en soi, sont quelque chose, il faut bien qu'ils soient la substance, car il n'y a rien, sinon l'unité et l'être, qui se dise universellement de tous les êtres.

Mais si l'être en soi et l'unité en soi [30] sont quelque chose, il nous sera bien difficile de concevoir comment il y aura quelqu'autre chose en dehors de l'unité et l'être, c'est-à-dire, comment il y aura plus d'un être, puisque ce qui est autre chose que l'être n'est pas. Il s'ensuit donc nécessairement ce que disait Parménide, que tous les êtres se réduisent à un, et que l'unité c'est l'être. [1001b] Mais c'est là une double difficulté ; car, que l'unité ne soit pas une substance, ou qu'elle en soit une, il est également impossible que le nombre soit une substance : impossible dans le premier cas, nous avons déjà dit pourquoi. Dans le second cas, même difficulté que pour l'être. D'où viendrait, [5] en effet, une autre unité en dehors de l'unité ? car dans le cas dont il s'agit, il y aurait nécessairement deux unités. Tous les êtres sont, ou un seul être, ou une multitude d'êtres, si chaque être est unité (36).

Ce n'est pas tout encore. Si l'unité était indivisible, il n'y aurait absolument rien, et c'est ce que pense Zénon (37). En effet, ce qui ne devient ni plus grand quand on lui ajoute, ni plus petit quand on lui retranche quelque chose, n'est pas, selon lui, un être, [10] car la grandeur est évidemment l'essence de l'être. Et si la grandeur est son essence, l'être est corporel, car le corps est grandeur dans tous les sens. Or, comment, ajoutée aux êtres, la grandeur rendra-t-elle les uns plus grands, sans produire cet effet sur les autres ? Par exemple, comment le plan et la ligne grandiront-ils, et jamais le point ni la monade ?

Toutefois, comme la conclusion de Zénon est un peu dure (38), et que d'ailleurs il peut y avoir quelque chose d'indivisible, [15] on répond à l'objection que, dans le cas de la monade et du point, l'addition n'augmente pas l'étendue, mais le nombre. Mais alors, comment un seul ou même plusieurs êtres de cette nature formeront-ils une grandeur ? Autant vaudrait prétendre que la ligne se compose de points. [20] Que si l'on admet que le nombre est, comme le disent quelques-uns (39), produit par l'unité elle-même, et par une autre chose qui n'est pas unité (40), il n'en restera pas moins à chercher, pourquoi et comment le produit est tantôt un nombre et tantôt une grandeur ; puisque le non-un, c'est l'inégalité, c'est la même nature dans les deux cas. En effet, on ne voit pas comment l'unité avec l'inégalité, ni comment [25] un nombre avec elle, peuvent produire des grandeurs.

V

Τούτων δ᾽ ἐχομένη ἀπορία πότερον οἱ ἀριθμοὶ καὶ τὰ σώματα καὶ τὰ ἐπίπεδα καὶ αἱ στιγμαὶ οὐσίαι τινές εἰσιν ἢ οὔ.

Εἰ μὲν γὰρ μή εἰσιν, διαφεύγει τί τὸ ὂν καὶ τίνες αἱ οὐσίαι τῶν ὄντων· τὰ μὲν γὰρ πάθη καὶ αἱ κινήσεις [30] καὶ τὰ πρός τι καὶ αἱ διαθέσεις καὶ οἱ λόγοι οὐθενὸς δοκοῦσιν οὐσίαν σημαίνειν (λέγονται γὰρ πάντα καθ᾽ ὑποκειμένου τινός, καὶ οὐθὲν τόδε τι)· ἃ δὲ μάλιστ᾽ ἂν δόξειε σημαίνειν οὐσίαν, ὕδωρ καὶ γῆ καὶ πῦρ καὶ ἀήρ, ἐξ ὧν τὰ σύνθετα σώματα συνέστηκε, [1002a][1] τούτων θερμότητες μὲν καὶ ψυχρότητες καὶ τὰ τοιαῦτα πάθη, οὐκ οὐσίαι, τὸ δὲ σῶμα τὸ ταῦτα πεπονθὸς μόνον ὑπομένει ὡς ὄν τι καὶ οὐσία τις οὖσα. Ἀλλὰ μὴν τό γε σῶμα ἧττον οὐσία τῆς ἐπιφανείας, [5] καὶ αὕτη τῆς γραμμῆς, καὶ αὕτη τῆς μονάδος καὶ τῆς στιγμῆς· τούτοις γὰρ ὥρισται τὸ σῶμα, καὶ τὰ μὲν ἄνευ σώματος ἐνδέχεσθαι δοκεῖ εἶναι τὸ δὲ σῶμα ἄνευ τούτων ἀδύνατον. Διόπερ οἱ μὲν πολλοὶ καὶ οἱ πρότερον τὴν οὐσίαν καὶ τὸ ὂν ᾤοντο τὸ σῶμα εἶναι τὰ δὲ ἄλλα [10] τούτου πάθη, ὥστε καὶ τὰς ἀρχὰς τὰς τῶν σωμάτων τῶν ὄντων εἶναι ἀρχάς· οἱ δ᾽ ὕστεροι καὶ σοφώτεροι τούτων εἶναι δόξαντες ἀριθμούς. Καθάπερ οὖν εἴπομεν, εἰ μὴ ἔστιν οὐσία ταῦτα, ὅλως οὐδὲν ἐστὶν οὐσία οὐδὲ ὂν οὐθέν· οὐ γὰρ δὴ τά γε συμβεβηκότα τούτοις ἄξιον ὄντα καλεῖν.

[15] -- Ἀλλὰ μὴν εἰ τοῦτο μὲν ὁμολογεῖται, ὅτι μᾶλλον οὐσία τὰ μήκη τῶν σωμάτων καὶ αἱ στιγμαί, ταῦτα δὲ μὴ ὁρῶμεν ποίων ἂν εἶεν σωμάτων (ἐν γὰρ τοῖς αἰσθητοῖς ἀδύνατον εἶναι), οὐκ ἂν εἴη οὐσία οὐδεμία. Ἔτι δὲ φαίνεται ταῦτα πάντα διαιρέσεις ὄντα τοῦ σώματος, τὸ μὲν εἰς πλάτος [20] τὸ δ᾽ εἰς βάθος τὸ δ᾽ εἰς μῆκος. Πρὸς δὲ τούτοις ὁμοίως ἔνεστιν ἐν τῷ στερεῷ ὁποιονοῦν σχῆμα· ὥστ᾽ εἰ μηδ᾽ ἐν τῷ λίθῳ Ἑρμῆς, οὐδὲ τὸ ἥμισυ τοῦ κύβου ἐν τῷ κύβῳ οὕτως ὡς ἀφωρισμένον· οὐκ ἄρα οὐδ᾽ ἐπιφάνεια (εἰ γὰρ ὁποιαοῦν, κἂν αὕτη ἂν ἦν ἡ ἀφορίζουσα τὸ ἥμισυ), ὁ δ᾽ [25] αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ γραμμῆς καὶ στιγμῆς καὶ μονάδος, ὥστ᾽ εἰ μάλιστα μὲν οὐσία τὸ σῶμα, τούτου δὲ μᾶλλον ταῦτα, μὴ ἔστι δὲ ταῦτα μηδὲ οὐσίαι τινές, διαφεύγει τί τὸ ὂν καὶ τίς ἡ οὐσία τῶν ὄντων.

Πρὸς γὰρ τοῖς εἰρημένοις καὶ τὰ περὶ τὴν γένεσιν καὶ τὴν φθορὰν συμβαίνει ἄλογα. [30] Δοκεῖ μὲν γὰρ ἡ οὐσία, ἐὰν μὴ οὖσα πρότερον νῦν ᾖ ἢ πρότερον οὖσα ὕστερον μὴ ᾖ, μετὰ τοῦ γίγνεσθαι καὶ φθείρεσθαι ταῦτα πάσχειν· τὰς δὲ στιγμὰς καὶ τὰς γραμμὰς καὶ τὰς ἐπιφανείας οὐκ ἐνδέχεται οὔτε γίγνεσθαι οὔτε φθείρεσθαι, ὁτὲ μὲν οὔσας ὁτὲ δὲ οὐκ οὔσας. Ὅταν γὰρ ἅπτηται ἢ διαιρῆται τὰ σώματα, [1002b][1] ἅμα ὁτὲ μὲν μία ἁπτομένων ὁτὲ δὲ δύο διαιρουμένων γίγνονται· ὥστ᾽ οὔτε συγκειμένων ἔστιν ἀλλ᾽ ἔφθαρται, διῃρημένων τε εἰσὶν αἱ πρότερον οὐκ οὖσαι (οὐ γὰρ δὴ ἥ γ᾽ ἀδιαίρετος στιγμὴ διῃρέθη εἰς δύο), εἴ τε γίγνονται καὶ [5] φθείρονται, ἐκ τίνος γίγνονται;

παραπλησίως δ᾽ ἔχει καὶ περὶ τὸ νῦν τὸ ἐν τῷ χρόνῳ· οὐδὲ γὰρ τοῦτο ἐνδέχεται γίγνεσθαι καὶ φθείρεσθαι, ἀλλ᾽ ὅμως ἕτερον ἀεὶ δοκεῖ εἶναι, οὐκ οὐσία τις οὖσα. Ὁμοίως δὲ δῆλον ὅτι ἔχει καὶ περὶ τὰς στιγμὰς καὶ τὰς γραμμὰς καὶ τὰ ἐπίπεδα· ὁ γὰρ [10] αὐτὸς λόγος· ἅπαντα γὰρ ὁμοίως ἢ πέρατα ἢ διαιρέσεις εἰσίν.

Une difficulté se rattache aux précédentes ; la voici : Les nombres, les corps, les plans et les points sont-ils ou non des substances (41) ?

Si ce ne sont pas des substances, nous ne connaissons bien ni ce que c'est que l'être, ni quelles sont les substances des êtres. En effet, ni les modifications, ni les mouvements, [30] ni les relations, ni les dispositions, ni les proportions ne paraissent avoir aucun des caractères de la substance. On rapporte toutes ces choses comme attributs à un sujet, on ne leur donne jamais une existence indépendante. Quant aux choses qui paraissent le plus porter le caractère de la substance, telles que l'eau, la terre, le feu, qui constituent les corps composés, [1002a] le chaud et le froid dans ces choses, et les propriétés de cette sorte, sont des modifications, et non des substances. C'est le corps sujet de ces modifications qui seul persiste, comme être, comme substance véritable. Et pourtant le corps est moins substance que la surface ; [5]  celle-ci l'est moins que la ligne, et la ligne moins que la monade et le point. C'est par eux que le corps est déterminé, et il est possible, ce semble, qu'ils existent indépendamment du corps ; mais sans eux l'existence du corps est impossible. C'est pourquoi, tandis que le vulgaire, tandis que les philosophes des premiers temps admettent que l'être et la substance, c'est le corps, [10] et que les autres choses sont des modifications du corps, de sorte que les principes des corps sont aussi les principes des êtres, des philosophes plus récents (42), et qui se sont montrés plus vraiment philosophes que leurs devanciers, admettent pour principes les nombres. Ainsi donc que nous l'avons dit, si les êtres en question ne sont pas des substances, il n'y a absolument aucune substance, ni aucun être, car les accidents de ces êtres ne méritent certainement pas d'être nommés des êtres.

[15] Mais cependant si, d'un côté, l'on reconnaît que les longueurs et les points sont plus substances que les corps, et si, de l'autre, nous ne voyons parmi quels corps il faudra les ranger,car on ne peut les placer parmi les objets sensibles, alors, il n'y aura aucune substance. En effet, ce ne sont là, évidemment, que des divisions du corps soit en largeur, [20] soit en profondeur, soit en longueur. Enfin, ou bien toute figure quelconque se trouve également dans le solide, ou bien il n'y en a aucune. De sorte que si l'on ne peut dire que l'Hermès existe dans la pierre avec ses contours déterminés, la moitié du cube n'est pas non plus dans le cube avec sa forme déterminée ; il n'y a même dans le cube aucune surface réelle. Car si toute surface quelconque y existait réellement, ceue qui détermine la moitié du cube y aurait-elle aussi une existence réelle. Le [25] même raisonnement s'applique encore à la ligne, au point et à la monade. Par conséquent, si, d'un côté, le corps est la substance par excellence, si, de l'autre, les surfaces, les lignes et les points le sont plus que le corps même, et si d'ailleurs, ni les surfaces, ni les lignes, ni les points, ne sont des substances, nous ne savons bien, ni ce que c'est que l'être, ni quelle est la substance des êtres.

Ajoutez à ce que nous venons de dire, des conséquences déraisonnables relativement à la production et à la destruction. [30] Dans ce cas, en effet, la substance qui auparavant n'était pas, existe maintenant, celle qui était auparavant, cesse d'exister. N'est-ce pas là, pour la substance, une production et une destruction ? Au contraire, ni les points, ni les lignes, ni les surfaces ne sont susceptibles, ni de se produire ni être détruits ; et pourtant tantôt ils existent, et tantôt n'existent pas. [1002b]  Voyez ce qui se passe dans le cas de la réunion ou de la séparation de deux corps : s'ils se rapprochent, il n'y a qu'une surface ; s'ils se séparent, il y en a deux. Ainsi une surface, des lignes, des points, n'existent plus, ils ont disparu ; tandis qu'après la séparation, des grandeurs existent, qui n'existaient pas auparavant ; mais le point, objet indivisible, n'a pas été divisé en deux parties. Enfin, si les surfaces [5] sont sujettes à production et à destruction, elles viennent de quelque chose.

Mais il en est des êtres en question à peu près comme de l'instant actuel dans le temps. Il n'est pas possible qu'il devienne et périsse ; toutefois, comme il n'est pas une substance, il paraît sans cesse différent. Évidemment les points, et les lignes, et les plans, sont dans un pareil cas ; car on peut leur appliquer[10]  les mêmes raisonnements. Ce ne sont là, aussi bien que l'instant actuel, que des limites ou des divisions.

VI.

Ὅλως δ᾽ ἀπορήσειεν ἄν τις διὰ τί καὶ δεῖ ζητεῖν ἄλλ᾽ ἄττα παρά τε τὰ αἰσθητὰ καὶ τὰ μεταξύ, οἷον ἃ τίθεμεν εἴδη. Εἰ γὰρ διὰ τοῦτο, ὅτι τὰ μὲν μαθηματικὰ [15] τῶν δεῦρο ἄλλῳ μέν τινι διαφέρει, τῷ δὲ πόλλ᾽ ἄττα ὁμοειδῆ εἶναι οὐθὲν διαφέρει, ὥστ᾽ οὐκ ἔσονται αὐτῶν αἱ ἀρχαὶ ἀριθμῷ ἀφωρισμέναι (ὥσπερ οὐδὲ τῶν ἐνταῦθα γραμμάτων ἀριθμῷ μὲν πάντων οὐκ εἰσὶν αἱ ἀρχαὶ ὡρισμέναι, εἴδει δέ, ἐὰν μὴ λαμβάνῃ τις τησδὶ τῆς συλλαβῆς [20] ἢ τησδὶ τῆς φωνῆς· τούτων δ᾽ ἔσονται καὶ ἀριθμῷ ὡρισμέναι--ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν μεταξύ· ἄπειρα γὰρ κἀκεῖ τὰ ὁμοειδῆ), ὥστ᾽ εἰ μὴ ἔστι παρὰ τὰ αἰσθητὰ καὶ τὰ μαθηματικὰ ἕτερ᾽ ἄττα οἷα λέγουσι τὰ εἴδη τινές, οὐκ ἔσται μία ἀριθμῷ ἀλλ᾽ εἴδει οὐσία, οὐδ᾽ αἱ ἀρχαὶ τῶν [25] ὄντων ἀριθμῷ ἔσονται ποσαί τινες ἀλλὰ εἴδει· εἰ οὖν τοῦτο ἀναγκαῖον, καὶ τὰ εἴδη ἀναγκαῖον διὰ τοῦτο εἶναι τιθέναι. Καὶ γὰρ εἰ μὴ καλῶς διαρθροῦσιν οἱ λέγοντες, ἀλλ᾽ ἔστι γε τοῦθ᾽ ὃ βούλονται, καὶ ἀνάγκη ταῦτα λέγειν αὐτοῖς, ὅτι τῶν εἰδῶν οὐσία τις ἕκαστόν ἐστι καὶ οὐθὲν κατὰ συμβεβηκός. [30] Ἀλλὰ μὴν εἴ γε θήσομεν τά τε εἴδη εἶναι καὶ ἓν ἀριθμῷ τὰς ἀρχὰς ἀλλὰ μὴ εἴδει, εἰρήκαμεν ἃ συμβαίνειν ἀναγκαῖον ἀδύνατα.

Σύνεγγυς δὲ τούτων ἐστὶ τὸ διαπορῆσαι πότερον δυνάμει ἔστι τὰ στοιχεῖα ἤ τιν᾽ ἕτερον τρόπον. Εἰ μὲν γὰρ ἄλλως πως, πρότερόν τι ἔσται τῶν ἀρχῶν ἄλλο (πρότερον [1003a][1] γὰρ ἡ δύναμις ἐκείνης τῆς αἰτίας, τὸ δὲ δυνατὸν οὐκ ἀναγκαῖον ἐκείνως πᾶν ἔχειν)· εἰ δ᾽ ἔστι δυνάμει τὰ στοιχεῖα, ἐνδέχεται μηθὲν εἶναι τῶν ὄντων· δυνατὸν γὰρ εἶναι καὶ τὸ μήπω ὄν· γίγνεται μὲν γὰρ τὸ [5] μὴ ὄν, οὐθὲν δὲ γίγνεται τῶν εἶναι ἀδυνάτων.

Ταύτας τε οὖν τὰς ἀπορίας ἀναγκαῖον ἀπορῆσαι περὶ τῶν ἀρχῶν, καὶ πότερον καθόλου εἰσὶν ἢ ὡς λέγομεν τὰ καθ᾽ ἕκαστα. Εἰ μὲν γὰρ καθόλου, οὐκ ἔσονται οὐσίαι (οὐθὲν γὰρ τῶν κοινῶν τόδε τι σημαίνει ἀλλὰ τοιόνδε, ἡ δ᾽ οὐσία τόδε τι· εἰ δ᾽ [10] ἔσται τόδε τι καὶ ἓν θέσθαι τὸ κοινῇ κατηγορούμενον, πολλὰ ἔσται ζῷα ὁ Σωκράτης, αὐτός τε καὶ ὁ ἄνθρωπος καὶ τὸ ζῷον, εἴπερ σημαίνει ἕκαστον τόδε τι καὶ ἕν)· εἰ μὲν οὖν καθόλου αἱ ἀρχαί, ταῦτα συμβαίνει· εἰ δὲ μὴ καθόλου ἀλλ᾽ ὡς τὰ καθ᾽ ἕκαστα, οὐκ ἔσονται ἐπιστηταί (καθόλου [15] γὰρ ἡ ἐπιστήμη πάντων), ὥστ᾽ ἔσονται ἀρχαὶ ἕτεραι πρότεραι τῶν ἀρχῶν αἱ καθόλου κατηγορούμεναι, ἄνπερ μέλλῃ ἔσεσθαι αὐτῶν ἐπιστήμη.

Une question qu'on doit absolument se poser, c'est de savoir pourquoi il faut, en dehors des êtres sensibles et des êtres intermédiaires, chercher encore d'autres objets, par exemple, ceux qu'on appelle idées (43). Le motif, dit-on, c'est que si les êtres mathématiques [15] différent par quelque autre endroit des objets de ce monde, ils n'en diffèrent toutefois nullement par celui-ci, qu'un grand nombre de ces objets sont d'espèce semblable. De sorte que leurs principes ne seront pas bornés à l'unité numérique. Il en sera comme des principes des mots dont nous nous servons, qui se distinguent, non pas numériquement, mais génériquement ; à moins toutefois qu'on ne les compte dans telle syllabe, [20] dans tel mot déterminé, car dans ce cas ils ont aussi l'unité numérique (44). Les êtres intermédiaires sont dans ce cas. Là aussi les similitudes d'espèce sont en nombre infini. De sorte que s'il n'y a pas, en dehors des êtres sensibles et des êtres mathématiques, d'autres êtres, ceux que quelques philosophes appellent idées, alors il n'y a pas de substance, une en nombre et en genre ; et alors les principes des êtres ne sont point des principes [25]  qui se comptent numériquement ; ils n'ont que l'unité générique. Et si cette conséquence est nécessaire, il faut bien qu'il y ait des idées. En effet, quoique ceux qui admettent leur existence n'articulent pas bien leur pensée, voici ce qu'ils veulent dire, et telle est la conséquence nécessaire de leurs principes. Chacune des idées est une substance, aucune n'est accident. [30] D'un autre côté, si l'on établit que les idées existent, et que les principes sont numériques et non génériques, nous avons dit plus haut quelles impossibilités en résultent nécessairement.

Une recherche difficile se lie aux questions précédentes : Les éléments sont·ils en puissance ou de quelque autre manière? (45) S'ils sont de quelque autre manière, comment y aura-t-il une autre chose antérieure aux principes (car [1003a] la puissance est antérieure à telle cause déterminée, et il n'est pas nécessaire que la cause qui est en puissance passe à l'acte) ? Mais si les éléments ne sont qu'en puissance, il est possible qu'aucun être n'existe. Pouvoir être, c'est n'être pas encore ; puisque ce qui devient, c'est ce qui n'était pas, et que rien ne devient, qui n'a pas la puissance d'être.

Telles sont les difficultés qu'il faut se proposer relativement aux principes. Il faut se demander encore si les principes sont universels, ou bien s'ils sont des éléments particuliers. (46) S'ils sont universels, ils ne sont pas des essences, car ce qui est commun à plusieurs êtres, indique qu'un être est de telle façon, et non qu'il est proprement tel être. Or, l'essence, c'est ce qu'est proprement un être. Et si l'universel [10] est un être déterminé, si l'attribut commun aux êtres peut être posé comme essence, il y aura dans le même être plusieurs animaux, Socrate, l'homme, l'animal ; puisque dans la supposition, chacun des attributs de Socrate indique l'existence propre et l'unité d'un être. Si la principes sont universels, voilà ce qui s'ensuit. Mas s'ils ne sont pas universels, s'ils sont comme des éléments particuliers, ils ne peuvent être l'objet d'une science, toute science [15] portant sur l'universeL De sorte qu'il devra y avoir d'autres principes antérieurs à eux, et marqués du caractère de l'universalité, pour qu'il puisse y avoir science des principes (47)

NOTES.

LIVRE TROISIÈME.

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Page 78. Il en est de même pour les objets dont traite l'Optique, et pour les rapports mathématiques des sons musicaux. BEKKER, p. 997 ; BRANDIS, p. 47 : Ὁμοίως δὲ καὶ περὶ ὧν ἡ ὀπτικὴ πραγματεύεται καὶ ἡ ἐν τοῖς μαθήμασιν ἁρμονική.

Argyropule traduit : « Similiter et de his est putandum, circa quœ Musica, Mathematica, Perspectiva versatur. » Cette version suppose un texte différent de celui que nous avons. Or, tous les éditeurs, tous les mss. donnent unanimement, la leçon καὶ ἡ ἐν τ. μ. ἁ. D'ailleurs, il vient d'être question tout à l'heure de l'astronomie, c'est-à-dire, d'une portion des mathématiques : ὁμοίως δὲ καί serait bizarre en parlant des mathematiques. Il s'agit, il est vrai, de sciences qui se rattachent aux mathématiques, mais non pas des mathématiques elles-mêmes. Bessarion et le vieux traducteur semblent craindre de se compromettre ; ils s'en tiennent au mot à mot : « In Malhematicis harmonia, » ce qui n'offre absolument aucun sens en latin. Mais Alexandre d'Aphrodisée interprète nettement le passage : « Même raisonnement pour les objets dont traite l'Optique ; pour ceux de l'Harmonie mathématique, c'est-à-dire de la musique ; non pas cette musique qui module des airs sur les cordes de la lyre, et dont les objets sont des objets sensibles; mais celle qui démontre quelle est la proportion numérique qui constitue chacun des accords : [ page ]cette science est une science mathématique ; ses objets sont des objets mathématiques. » Schol. p. 617 ; Sepulv. p. 65.

Page 91.

Alors que la puissante Discorde…

BEKKER, p. 1000 ; Brandis, p. 54 :

Ἀλλ᾽ ὅτε δὴ μέγα νεῖκος ἐνὶ μελέεσσιν ἐθρέφθη,
Εἰς τιμάς τ᾽ ἀνόρουσε τελειομένοιο χρόνοιο,
Ὅς σφιν ἀμοιβαῖος πλατέος παρελήλο ὅρκου.

L'explication de ces vers présente des difficultés. Nous ne nous arrêterons pas aux variantes, αὐτὰρ ἐπεί dans Simplicius pour ἀλλ' ὅτε δή ; ἐρέφθη qui ne s'entend pas, pour ἐθρέφθη ; ἐς τιμάς, pour εἰς τιμάς, etc. Nous passons à l'interprétation des termes en eux-mêmes. Pour commencer par ἐθρέφθη il nous paraît impossible d'entendre ce mot dans un autre sens que croître, grandir, se fortifier ; nonobstant la glose d'Hésychius θρέψαι, πῆξαι. Sturtz, pour le prouver, accumule les exemples, Empedocl. Agrig. p. 581. C'est démontrer l'évidence. Εἰς τιμὰς ἀνορούειν c'est ce qu'Empédocle dans un autre passage désigne par κρατεῖν, Simplicius, Ad Arist. Phys. l, fol. 8, a :

Ἐν δὲ μέρει κρατέουσι περιπλομένοιο κύκλοιο,

c'est la Discorde qui va triompher de l'Amitié, c'est son empire qui s'apprête, ou, comme dit Empédocle, ses honneurs. Τελκομένοιο χρόνοιο ne signifie pas autre chose, que περιπλ. κύκλ. dans le vers que nous venons de citer, ou περιπλομένων ἐνιαύτων, que l'on rencontre si fréquemment dans les poètes épiques. Virgile emploie aussi une expression tout à fait analogue : Perfecto temporis orbe. Æn. VI, v. 545. Quant à ὅς σφιν ὅς ne peut se rapporter qu'à χρόν. ; mais, σφίν dépend-il de τιμάς, ou bien se rapporte-t-il à la Discorde et à l'Amitié ? Sturtz pense que ce dernier sens est préférable. Et en effet, ce mot s'applique plutôt aux personnes, et ici l'Amitié et la Discorde sont des personnifications, qu'aux choses proprement dites. [ page ]D'ailleurs, que ce mot se rapporte ou non à l'Amitié et à la Discorde, le sens reste au fond toujours le même ; ces honneurs entre lesquels le temps se partagerait, ce sont les hommes alternatifs de la Discorde et de l'Amitié.

Maintenant, que signifie ὅρκος πλατύς ? Sturtz renvoie d'abord à un autre passage d'Empédocle :

Ἔστιν ἀνάγκης χρῆμα, θεῶν ψήφισμα παλαιὸν,
Ἀίδιον, πλατέεσσι κατεσφρηγισμένον ὅρκοις,

où ces mots signifient évidemment comme Sturtz traduit : jusjurandum firmum, scil. sanctum, p. 574. Mais il ajoute ensuite : « Hoc tamen loco verti potest naturœ nécessitas, ineluctabile fatum. Itaque verba πλ. παρ' ἐλήλατο (c'est ainsi qu'on doit écrire suivant Sturtz) ὅρκου verto : a naturœ necessitate advectum est, hoc est adductum et destinatum venit. p. 582. » Ce sens nouveau, de ὅρκ. πλ., Sturtz ne l'appuie d'aucun exemple, d'aucune preuve ; c'est une simple hypothèse. Sturtz y a été conduit sans doute par sa manière d'écrire le mot παρελήλατο. En effet, si παρά a pour régime πλ. ὅρκ., le temps qui s'élance d'auprès du serment sacré n'ayant absolument aucun sens, il a bien fallu inventer une signification à πλατέος ὅρκου ; et même nous ne comprenons pas bien que Sturtz écrivant ainsi, ait proposé le premier sens. Bessarion avait traduit avant nous : « Quod eis cum alternum sit, amplum prœcessit jusjurandum. » On se rappelle d'ailleurs le raisonnement fameux du Ier liv., ch. 3, p. 15. Le serment, suivant les anciens, était la chose antique et sacrée par excellence. Empédocle ne trouve pas de meilleur moyen de caractériser, l'antiquité du temps, plus grande encore, que cette idée : Il a procédé même le serment

Nous ne nous arrêterons pas à l'interprétation que le vieux traducteur a donnée de ces vers. Elle est entièrement arbitraire : « Sed itaque magnum odium in membris nutritum est, et ad honorem intendebat perfecto tempore, qui mutabilis (sic) dissolvit sacramentum. »

Page 98. Dans ce cas, en effet, la substance qui auparavant n'était pas, existe maintenant; celle qui était auparavant, cesse d'exister. N'est-ce pas là pour la substance, une production et une destruction ?

Les anciennes éditions donnaient, d'après la plupart des mss. : Δοκεῖ μὲν γὰρ ἡ οὐσία μὴ οὖσα πρότερον, νῦν εἶναι, ἢ πρότερον οὖσα, ὕστερον μὴ [μετὰ τοῦ γίγνεσθαι καὶ φθείρεσθαι ταῦτα πάσχειν]. Cette leçon est évidemment défectueuse. Brandis opère un changement considérable et lit d'abord : Δ. μ. γ. ή οὐσία έαν μή οὖσα πρότερον, ἢ πρότερον οὖσα, ὕστερσν μή ᾖ, μετὰ τοῦ γ. κ. φ. τ. π. page 58. Mais il craint d'être allé trop loin, et en effet il y a contradiction dans les termes de la phrase ; il propose en note de lire : πρότερον, νῦν ᾖ, ἤ, ce qui rend le sens beaucoup plus satisfaisant. C'est à cette dernière leçon que s'est arrêté Bekker, p. 1002.

Notre traduction ne s'éloigne pas, au fond, de celle qu'on aurait eue en se conformant au texte de Bekker. Ce n'est pas néanmoins que nous approuvions toutes ces corrections. Nous pensons qu'Aristote avait indiqué seulement le fait, laissant au lecteur le soin de tirer la conséquence : la phrase s'arrêtait à ὕστερον μή ; et l'opposition de la phrase suivante τὰς δὲ στιγμὰς κ. τ. λ. suffisait pour faire comprendre la pensée. Μετὰ τοῦτο γ.κ. φ. τ. π. n'est qu'une glose maladroitement intercalée, et qu'on ne s'est même pas donné la peine de faire concorder grammaticalement avec ce qui précède. Éditeurs, au lieu de tomber dans l'arbitraire, nous eussions retranché cette fin de phrase, ou nous eussions fait comme les anciens éditeurs qui ont mis entre crochets ces mots douteux. Traducteurs, nous avons avons profité de la glose, pour donner dans toute son étendue l'argument d'Aristote.

01. Aristote, ou le philosophe, quel qu'il soit, auquel on veut faire, bien gratuitement du reste, l'honneur d'avoir écrit un de ses plus beaux ouvrages, présente dans le De cœlo une image analogue : « Nous devons d'abord exposer les opinions des autres philosophes (sur la nature du monde), parce que des démonstrations contradictoires sont un motif de neutralité pour nous. D'ailleurs, nos paroles auront plus de poids, si, avant tout, nous appelons au débat les opinions diverses, pour y faire valoir leurs prétentions : de la sorte, nous n'aurons pas l'air de condamner les absents. Il faut que ceux qui veulent sainement juger de la vérité se posent, non en adversaires, mais en arbitres. » I,10. Bekk.,p. 270.

02Aristote a prouvé historiquement, dans le premier livre, que la philosophie doit embrasser l'étude des quatre principes. — Remarquons ici, avec M. Michelet de Berlin, que l'énumération des difficultés dans ce chapitre, et, dans les suivants, le développement de ces difficultés, ne correspondent pas exactement aux solutions données dans les autres livres. Beaucoup de questions sont transposées; quelques unes ne sont qu'effleurées, plusieurs sont réunies à cause de l'étroite affinité entre elles; d'autres enfin sont traitées en divers endroits. Nous indiquerons toutefois le passage ou les passages où l'on peut voir la solution de chacun des problèmes indiqués par Aristote.

03. Cette difficulté, qu'Aristote ne développe pas dans les chapitres qui vont suivre, a implicitement sa solution au liv. IV, ch. 2. —Michelet de Berlin, Examen critique, p. 134 : « Aristote n'a fait qu'indiquer le problème, sans en développer ensuite les difficultés. Et déjà Syrien, à la fin de son commentaire manuscrit sur ce livre, nommé Ἀπορήματα, a remarqué fort judicieusement qu'Aristote ne l'a pas non plus traité et résolu à part dans les livres suivants, par la raison qu'il n'était qu'un corollaire d'autres problèmes, du cinquième par exemple. Car, dit Syrien, la question relative à l'identité, à l'hétérogénéité, à la similitude, etc., n'est pas différente de celle qui se rapporte aux propriétés des substances, parce que ces catégories ne sont, en effet, autre chose que les propriétés de la substance. Enfin Syrien remarque que la réponse à cette question n'est pas difficile, et qu'Aristote la donne aussi dans le dixième livre. »

04. C'est-à-dire : Y a-t-il pour chaque être une matière, une forme particulière ; chaque individu a-t-il ses principes particuliers ; ou bien le principes des individus ne peuvent-ils pas plutôt se ramener à un certain nombre de principes, genres de tous les autres ? Voyez plus bas, ch. 4, le développement de cette difficulté.

05. Cette difficulté est omise aussi dans le développement qui va suivre, et par la même raison selon Syrianus qui a déterminé tout à l'heure Aristote. Elle n'est que le corollaire d'autres problèmes. Où se trouve donc la solution? Syrianus assigne deux endroits de la Métaphysique, M. Michelet en assigne deux autres. Mais cette solution est partout, dans la réfutation, ou plutôt les réfutations de la théorie des idées, dans tout le douzième livre : en un mot elle ressort de tout ce que dit Aristote sur la nature des principes.

06. Cette difficulté, résolue historiquement dans le premier livre, a sa solution philosophique au liv. IV, 8.

07. Μὴ ἐναντίας οὔσας Savoir qu'une chose est, c'est nécessairement savoir ce qu'elle n'est pas ; et savoir ce qu'elle n'est pas, c'est aussi, sous un point de vue savoir ce qu'elle est. La science d'une chose est donc en même temps la science du contraire de cette chose.Toute science est donc science des contraires. Si l'on s'en tient à cette idée, on peut s'étonner, comme le suppose Aristote, qu'une seule science embrasse des principes qui ne sont pas contraires les uns aux autres. Du reste, les commentateurs font voir sans peine qu'il y a dans l'objection une pétition de principe. La proposition dont il s'agit suppose en effet celle-ci : Une science ne peut jamais être science que des contraires ; ce qui est faux. Voyez Alex. Âphr. Schol, p. 608. Sepulv., p. 58; Asclep. Schol., p. 608. Asclepius remarque, à la fin du livre, que la plupart des arguments développés par Aristote dans ce livre, reposent sur des principes non pas vrais, mais vraisemblables, ἐξ ἐνδόξων, et qu'il cherche, non pas à démontrer, mais à faire croire seulement, κατὰ τὸ πιθανόν. Schol, p. 636. On aura plus d'une fois l'occasion d'apprécier la justesse de cette observation. St. Thomas dit à peu près la même chose qu'Asclépius : « Posset ergo dici qood philosophus in his disputationibus non solum probabilibus rationibus utitur, sed etiam interdum sophisticis, ponens rationes quæ ab aliis inducebantur.» fol. 28, a. Toutefois St. Thomas ne trouve pas l'argument en question aussi faible qu'on l'a prétendu ; il met un soin infini à le fortifier, à lui donner quelque consistance. Pour nous. nous nous en tenons à sa première remarque, et à l'observation d'Asclepius même dans le cas qui nous occupe.

08. Aristippe l'ancien disciple de Socrate et fondateur de l'École CyrénaÏque, et non Aristippe Métrodidacte, son petit-fils, contemporain d'Aristote. Du reste ce dernier ne fit que développer dans un système complet les principes de la philosophie du plaisir.

09.Τί ἐστι τὸ τετραγωνίζειν, ὅτι μέσης εὕρεσις. Ces expressions, parfaitement claires du reste, sont un nouvel exemple de cette concision de la langue géométrique chez les Grecs, que ηοus avons eu déjà occasion de remarquer.

10. La question est résolue dans le IVe livre. Voyez ch. 3 et ch 8.

11. Voyez la solution de cette difficulté au livre VI, ch. 2.

12. Τὸ ὅτι. Voyez Alex. Schol., p. 615 ; Sepulv., p. 62, 63 ; Philop fol. 9, a. St. Thomas, fol. 30, a,b.

13. ἐξ ὧν. Mêmes indications.

St. Thomas: « Quandoque quidem ad eamdem, quandoque vero ad aliam. Ad eamdem quidem, sicut geometria demonstrat, quod triangulus habet tres angulos aequales duobus rectis, per hoc quod angulus exterior trianguli est aequalis duobus interioribus sibi oppositis, quod tantum demonstrare pertinet ad geometriam. Ad aliam vero scientiam, sicut musicus probat quod tonus non dividitur in duo semitonia aequalia, per hoc quod proportio sesquioctava cum sit superparticularis, non potest dividi in duo aequalia. Sed hoc probare non pertinet ad musicum sed ad arithmeticum.»

14. Ce problème, dans l'énumération par laquelle Aristote a commencé le IIIe livre, ne venait qu'à la cinquième place. Ici, Aristote le rattache à la troisième question. La solution de ce problème se trouve immédiatement avant celle de la difficulté relative à l'unité de la science, liv. IV, ch. 1

15. Cette question, sur laquelle Aristote reviendra encore à la fin du IIIe livre et qu'il a déjà agitée dans la dernière partie du premier, est résolue dans les cinq premiers chapitres du XIIIe livre, et dans les deux premiers du quatorzième.

16. C'est un célèbre sophiste, contemporain de Socrate.

17. Aristote fait allusion au système d'Eudoxe. Voyez liv. I,9 et XIV, 2, 3.

18. Question résolue dans les cinq premiers chapitres du douzième livre. Voyez aussi le livre VII, ch. 12 sqq., où cette question est jointe à quelques autres, et où Aristote en fait pressentir et en prépare la solution.

19. Τῶν διαγραμμάτων.

20.Ce que nous avons dit de la question précédente, se rapporte également à celle-ci. Syrianus les a réunies toutes les deux, et les a considérées comme deux parties du même problème.

21. « Aristote vient de nous dire que le genre se divise en espèces; et pour qu'on ne s'y trompe pas, car ordinairement il donne même aux individus le nom d'espèces, il ajoute : L'homme en effet n'est pas le genre des hommes particuliers, c'est-à-dire des individus qui portent le nom d'hommes. L'homme se divise, il est vrai, mais non en espèces, car il n'est pas un genre ; il se divise seulement en individus : or, le genre se divise en espèces et en individus. Alex d'Aphr., Schol., p. 622 ; Sepulv., p. 69.

22. L'unité n'est pas un nombre, liv. XIV, 1.

23. Cette difficulté est résolue dans le XIIe livre, ch. 6-10. Dans l'énumération succincte du premier chapitre, Aristote ne la place qu'au dixième rang. Dans le développement, elle vient après la huitième, parce que, suivant Syrianus, elle n'est qu'un corollaire de la discussion sur l'existence des genres et des espèces.

24. La solution de cette grande difficulté est l'objet des septième et huitième livres.

25. Argument des partisans de l'existence des idées.

26. Cette difficulté, jointe à l'une des suivantes, est résolue dans le livre XIII, 10.

27. On peut, en y regardant attentivement, trouver la solution de et problème dam le second chapitre du VIe livre.

28. Ce Dieu, cette unité, c'est ce fameux σφαῖρος, sujet de tant de discussions. Alex., Schol. p. 627, Sepulv., p. 74 ; Philop., fol. 10, b. Qu'était ce donc que le σφαῖρος ? Bien que Thémistius, Ad Arist. Phys. auscult., I, fol. 18,a, appelle le σφαῖρος, αἴτιον ποιητικόν, toutefois on ne peut voir dans cet être autre chose que la matière indéterminée, le chaos, l'être qui enveloppe tout, qui est le fond de tous les êtres. La Discorde et l'Amitié, voilà les principes actifs d'Empédocle, et non pas Dieu, l'unité, le σφαῖρος, comme on voudra l'appeler. Le système d'Empédocle est donc une sorte de Panthéisme. Quant aux dieux dont il est question plus loin, ce sont des dieux mythologiques du genre de ceux que reconnut plus tard Épicure.

29. Sturtz, p. 516, donne ces vers d'après le commentaire de Simplicius sur la Physique d'Aristote ; le texte est absolument le même, mais le nombre des vers du fragment est plus considérable : Simplicius n'en cite pas moins de quatorze. Voyez aussi les notes de Sturtz sur ce passage, p. 566-67· Les vers que vient de citer Aristote, sauf le premier, se retrouvent encore dans un autre fragment d'Empédocle, donné par Sturtz, p. 516-17, d'après le même commentaire de Simplicius

30. Τότε ἔσχατον ἵστατο νεῖκος. Ce sont certainement là les expressions d'Empédocle, et la légère correction de Brandis, ἵστατο pour ἱστᾷ τὸ, était nécessitée par la quantité.

31. Sturtz, Emped. carm., p. 527. Ces vers sont cités encore ailleurs par Aristote: De Anima, liv. I, 2. Bekk·, p. 404. On les retrouve après lui dans le commentaire de Philopon sur le De generatione et corruptione, et dans l'ouvrage de Sextus Empiricus : Contre les mathématiciens.

32. Sturtz, Emped. carm., p. 519. Ces vers sont cités aussi par Simplicius, Ad Arist. Phys. auscult, 8, fol. 272, b. Voyez la note à la fin du volume.

33. Le texte : ἀποτρώγουσιν, et Asclépius : ὥσπερ οἱ κύνες οἱ ἐσθίοντες ἄρτον... Schol. p. 629. Nous n'avons pas osé employer l'expression française correspondante à ἀποτρ. ; nous nous sommes résignés à un équivalent.

34. La solution de la difficulté est le sujet du dixième livre. Voyez aussi liv. XII, 8 et XIV, 1.

35. Bien entendu l'être, l'unité en acte, et non pas cet être en puissance, cette unité indéterminée, ce Chaos, ce Dieu, dont nous avons parlé plus haut, et qui représente le principe substantiel des êtres.

36. Dans la première supposition, il n'y a évidemment qu'une unité, l'unité en soi ; dans l'autre hypothèse, comment constituer la deuxième unité, avec une multitude d'unités ?

37. D'Élée, disciple et ami de Parménide, dont il poussa les principes à leurs dernières conséquences. Voyez la dissertation de M. Cousin sur Zénon, Fragm. historiq., p. 96 sqq.

38. Θεωρεῖ φορτικῶς. Argyropule traduit : Inepte admodum contemplatur. Aristote n'est pas si sévère que cela pour Zénon. Nous avons préféré l'interprétation plus équitable de Bessarion et du vieux traducteur latin.

39.  Les Platoniciens.

40. La dyade indéfinie, l'inégalité, le grand et le petit, la matière des idées et de tous les êtres.

41. Aristote avait placé, dans l'énumération, cette difficulté à la suite de toutes les autres. Il nous indique lui-même pourquoi elle se trouve ici à une autre place. Elle est en effet un corollaire de la précédente. Voyez pour la solution, liv. XI11, 6-9 et XIV, 3-6.

42. Les Pythagoriciens, et après eux les Platoniciens. Voyez liv. I, 5, et liv. XIII, XIV, passim.

43.  Aristote a déjà développé plus haut, ch. 2, cette difficulté. On conçoit qu'il y revienne à la fin du livre. C'est là, pour lui, la plus intéressante de toutes les questions ; il y revient sans cesse ; et à deux fois différentes il donne une réfutation complète, trop complète peut-être, de la théorie de Platon.

44. Voyez plus haut.

45. Tout le neuvième livre est employé à la solution. Voyez aussi liv. XII, 6 et XIV, 2.

46. Cette question qu'Aristote place ici à la suite de toutes les autres, et qui est en effet comme le résumé de quelques-unes d'entre elles, n'occupe pas la même place dans l'énumération. Voyez pour la solutîon, liv.XIII,10 et VII,13.

47. « Syrien, à la fin de son commentaire sur ces difficultés , ajoute: C'est ainsi qu'Aristote a proposé seize problèmes, comme exercice (γυμνασίαν) de dialectique. Il en examinera (διαίτης αξιώσει) quelques-uns dans le troisième livre (Γ. 4e), d'autres dans les sixième, septième, huitième et neuvième livres (Z - Ι, 7e-10e), la plupart dans le onzième (Λ. 12e), et tous ceux qui se rapportent aux nombres et aux idées, dans les deux derniers livres, le douzième et le treizième (M et N. 13e et 14e). » Michelet de Berlin, Examen critique, p. 142. Nous devons répéter ici ce que nous avons déjà remarqué, que la plupart de ces problèmes ont entre eux un intime rapport, que les solutions ne sont pas toujours bien distinctes les unes des autres, et qu'Aristote ne s'est pas imposé dans la suite des solutions un ordre rigoureux, au moins en apparence.