Aristote : Hermeneia

ARISTOTE

 

HERMENEIA : ΠΕΡΙ ΕΡΜΗΝΕΙΑΣ : CHAPITRE VII

 chapitre VI - chapitre VIII

 

 

HERMÉNEIA, ou TRAITÉ DE LA PROPOSITION.

 

 

 

CHAPITRE VII.

Des propositions universelles, particulières, indéterminées et singulières. - Propositions universelles contraires : les propositions indéterminées ne peuvent être contraires. Les propositions contradictoires ne peuvent être vraies à la fois sons forme universelle, sous forme singulière : elles peuvent l'être sous forme indéterminée. - Il n'y a jamais qu'une négation pour une affirmation.

1 Ἐπεὶ δέ ἐστι τὰ μὲν καθόλου τῶν πραγμάτων τὰ δὲ καθ´ ἕκαστον, —λέγω δὲ καθόλου μὲν ὃ ἐπὶ πλειόνων πέφυκε κατηγορεῖσθαι, καθ´ ἕκαστον δὲ ὃ μή, οἷον ἄνθρωπος μὲν [17b] τῶν καθόλου Καλλίας δὲ τῶν καθ´ ἕκαστον,— ἀνάγκη δ´ ἀποφαίνεσθαι ὡς ὑπάρχει τι ἢ μή, ὁτὲ μὲν τῶν καθόλου τινί, ὁτὲ δὲ τῶν καθ´ ἕκαστον.

2 ὰν μὲν οὖν καθόλου ἀποφαίνηται ἐπὶ τοῦ καθόλου ὅτι ὑπάρχει ἢ μή, ἔσονται ἐναντίαι ἀποφάνσεις, —λέγω δὲ ἐπὶ τοῦ καθόλου ἀποφαίνεσθαι καθόλου, οἷον πᾶς ἄνθρωπος λευκός, οὐδεὶς ἄνθρωπος λευκός·

3 — ὅταν δὲ ἐπὶ τῶν καθόλου μέν, μὴ καθόλου δέ, οὐκ εἰσὶν ἐναντίαι, τὰ μέντοι δηλούμενα ἔστιν εἶναι ἐναντία, —λέγω δὲ τὸ μὴ καθόλου ἀποφαίνεσθαι ἐπὶ τῶν καθόλου, οἷον ἔστι λευκὸς ἄνθρωπος, οὐκ ἔστι λευκὸς ἄνθρωπος· καθόλου γὰρ ὄντος τοῦ ἄνθρωπος οὐχ ὡς καθόλου χρῆται τῇ ἀποφάνσει· τὸ γὰρ πᾶς οὐ τὸ καθόλου σημαίνει ἀλλ´ ὅτι καθόλου. 4 πὶ δὲ τοῦ κατηγορουμένου τὸ καθόλου κατηγορεῖν καθόλου οὐκ ἔστιν ἀληθές· οὐδεμία γὰρ κατάφασις ἔσται, ἐν ᾗ τοῦ κατηγορουμένου καθόλου τὸ καθόλου κατηγορηθήσεται, οἷον ἔστι πᾶς ἄνθρωπος πᾶν ζῷον.

5 Ἀντικεῖσθαι μὲν οὖν κατάφασιν ἀποφάσει λέγω ἀντιφατικῶς τὴν τὸ καθόλου σημαίνουσαν τῷ αὐτῷ ὅτι οὐ καθόλου, οἷον πᾶς ἄνθρωπος λευκός—οὐ πᾶς ἄνθρωπος λευκός, οὐδεὶς ἄνθρωπος λευκός—ἔστι τις ἄνθρωπος λευκός· ἐναντίως δὲ τὴν τοῦ καθόλου κατάφασιν καὶ τὴν τοῦ καθόλου ἀπόφασιν, οἷον πᾶς ἄνθρωπος δίκαιος— οὐδεὶς ἄνθρωπος δίκαιος· 6 διὸ ταύτας μὲν οὐχ οἷόν τε ἅμα ἀληθεῖς εἶναι,

7 τὰς δὲ ἀντικειμένας αὐταῖς ἐνδέχεται ἐπὶ τοῦ αὐτοῦ, οἷον οὐ πᾶς ἄνθρωπος λευκός, καὶ ἔστι τις ἄνθρωπος λευκός.

8σαι μὲν οὖν ἀντιφάσεις τῶν καθόλου εἰσὶ καθόλου, ἀνάγκη τὴν ἑτέραν ἀληθῆ εἶναι ἢ ψευδῆ, 9 καὶ ὅσαι ἐπὶ τῶν καθ´ ἕκαστα, οἷον ἔστι Σωκράτης λευκός—οὐκ ἔστι Σωκράτης λευκός· 10 ὅσαι δ´ ἐπὶ τῶν καθόλου μὴ καθόλου, οὐκ ἀεὶ ἡ μὲν ἀληθὴς ἡ δὲ ψευδής· —ἅμα γὰρ ἀληθές ἐστιν εἰπεῖν ὅτι ἔστιν ἄνθρωπος λευκὸς καὶ ὅτι οὐκ ἔστιν ἄνθρωπος λευκός, καὶ ἔστιν ἄνθρωπος καλὸς καὶ οὐκ ἔστιν ἄνθρωπος καλός· εἰ γὰρ αἰσχρός, καὶ οὐ καλός· καὶ εἰ γίγνεταί τι, καὶ οὐκ ἔστιν.— δόξειε δ´ ἂν ἐξαίφνης ἄτοπον εἶναι διὰ τὸ φαίνεσθαι σημαίνειν τὸ οὐκ ἔστιν ἄνθρωπος λευκός ἅμα καὶ ὅτι οὐδεὶς ἄνθρωπος λευκός· τὸ δὲ οὔτε ταὐτὸν σημαίνει οὔθ´ ἅμα ἐξ ἀνάγκης.

11 Φανερὸν δ´ ὅτι καὶ μία ἀπόφασις μιᾶς καταφάσεως· τὸ γὰρ αὐτὸ δεῖ ἀποφῆσαι τὴν ἀπόφασιν ὅπερ κατέφησεν ἡ κατάφασις, καὶ ἀπὸ τοῦ αὐτοῦ, ἢ τῶν καθ´ ἕκαστά [18a] τινος ἢ ἀπὸ τῶν καθόλου τινός, ἢ ὡς καθόλου ἢ ὡς μὴ καθόλου· λέγω δὲ οἷον ἔστι Σωκράτης λευκός—οὐκ ἔστι Σωκράτης λευκός (ἐὰν δὲ ἄλλο τι ἢ ἀπ´ ἄλλου τὸ αὐτό, οὐχ ἡ ἀντικειμένη ἀλλ´ ἔσται ἐκείνης ἑτέρα), τῇ δὲ πᾶς ἄνθρωπος λευκός ἡ οὐ πᾶς ἄνθρωπος λευκός, τῇ δὲ τὶς ἄνθρωπος λευκός ἡ οὐδεὶς ἄνθρωπος λευκός, τῇ δὲ ἔστιν ἄνθρωπος λευκός ἡ οὐκ ἔστιν ἄνθρωπος λευκός.

12 Ὅτι μὲν οὖν μία κατάφασις μιᾷ ἀποφάσει ἀντίκειται ἀντιφατικῶς, καὶ τίνες εἰσὶν αὗται, εἴρηται, καὶ ὅτι αἱ ἐναντίαι ἄλλαι, καὶ τίνες εἰσὶν αὗται, καὶ ὅτι οὐ πᾶσα ἀληθὴς ἢ ψευδὴς ἀντίφασις, καὶ διὰ τί, καὶ πότε ἀληθὴς ἢ ψευδής.

 

 

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 § 1. Parmi les choses, les unes sont universelles, les autres sont individuelles. J'entends par universel ce qui, par sa nature, peut être attribué à plusieurs; et par individuel, ce qui ne le peut pas. Homme, par exemple, [17b] est une chose universelle; Caillas est une chose individuelle. Il s'ensuit que, nécessairement, l'énonciation doit dire qu'une chose est ou n'est pas à une autre tantôt universellement, tantôt individuellement.

§ 2. Si donc d'une chose universelle, on énonce d'une manière universelle, qu'elle est ou qu'elle n'est pas, les énonciations seront contraires. Ce que j'entends par énoncer une chose universelle d'une manière universelle, c'est dire, par exemple: Tout homme est blanc, aucun homme n'est blanc.

§ 3. Mais quand on énonce une chose universelle d'une manière qui n'est pas universelle, les énonciations ne sont plus contraires; ce qui n'empêche pas que des choses ainsi désignées ne puissent quelquefois être contraires. J'entends par énoncer une chose universelle d'une manière qui n'est pas universelle, cette énonciation par exemple: L'homme est blanc, l'homme n'est pas blanc. L'homme est bien une chose universelle, mais on se sert pour l'exprimer, d'une énonciation qui n'est pas universelle. En effet, Tout indique, non pas que la chose est universelle, mais seulement qu'on l'exprime manière universelle. § 4. Du reste, la proposition peut être vraie, quand on attribue l'universel à un attribut universel : car il n'y a jamais d'affirmation vraie, quand ou donne à un attribut universel une attribution universelle, et qu'on dit, par exemple: Tout homme est tout animal.

§ 5. Je dis que l'affirmation est contradictoirement opposée à la négation, quand la première indique que la chose est universelle, et que la seconde exprime que cette même chose ne l'est pas. Par exemple : Tout homme est blanc, quelque homme n'est pas blanc. - Aucun homme n'est blanc, tel homme est blanc. Les énonciations sont contraires, quand l'affirmation est universelle, et que la négation l'est également. Ainsi : Tout homme est blanc, aucun homme n'est blanc. - Tout homme est juste, aucun homme n'est juste. § 6. Aussi, n'est-il pas possible que ces dernières soient toutes deux vraies en même temps.

§ 7. Mais les énonciations opposées à celles-là peuvent quelquefois être vraies en même temps d'une même chose. Ainsi : Quelque homme n'est pas blanc, tel homme est blanc.

§ 8. Donc, pour toutes les contradictions universelles de choses universelles, il faut nécessairement que l'une des deux soit vraie ou fausse. § 9. Et de même pour les contradictoires individuelles: Socrate est blanc, Socrate n'est pas blanc. § 10. Quant aux contradictoires de choses universelles qui ne sont pas exprimées d'une manière universelle, l'une n'est pas toujours vraie, et l'autre fausse. Ainsi, on peut dire à la fois avec vérité: L'homme est blanc, et l'homme n'est pas blanc ; L'homme est beau, et l'homme n'est pas beau. S'il est vilain, en effet, il n'est pas beau non plus; et s'il devient quelque chose, il n'est pas non plus cette chose. On pourrait croire au premier coup d'œil que ceci n'est pas exact, attendu que cette assertion : L'homme n'est pas blanc, semble signifier la même chose que celle-ci : Aucun homme n'est blanc, et coexister. Mais pourtant ces deux propositions n'ont pas la même signification, et ne coexistent pas nécessairement.

§ 11. Il est clair, d'autre part, qu'il n'y a qu'une seule négation d'une seule affirmation, parce qu'il faut toujours que la négation nie la même chose que l'affirmation a affirmée, et la nie du même objet, soit une chose particulière, [18a] soit une chose universelle, qui d'ailleurs est prise où n'est pas prise universellement. Par exemple: Socrate est blanc, Socrate n'est pas blanc. Mais si l'on énonce une chose différente de la même chose, ou bien la même chose d'une chose différente, ce n'est plus une énonciation opposée, c'est une énonciation autre que la première. Ainsi, à cette proposition : Tout homme est blanc, la proposition opposée est : Quelque homme n'est pas blanc; et à celle-ci : Quelque homme est blanc, l'opposée est : Aucun homme n'est blanc; et à celle-ci enfin : L'homme est blanc, l'opposée est : L'homme n'est pas blanc.

§ 12. On a donc établi qu'il n'y a d'opposée contradictoire à une seule affirmation qu'une seule négation et l'on a dit ce que sont alors les propositions. Nous avons ajouté que les propositions contraires sont différentes, et indiqué ce qu'elles sont; nous avons dit de plus que toute contradiction n'est pas fausse ou vraie enfin l'on a vu à quels titres et dans quels cas elle est vraie ou fausse.

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 § 1. Ammonius commençait ici le second chapitre de ce traité, Scholies, p. 112, b, 15.

- Les unes sont universelles, Voir les Catégories, ch. 2, § 2.

- Homme est une chose universelle et peut servir d'attribut à des termes moins larges que lui.

- Callias est une chose individuelle, Et ne peut servir d'attribut à aucun terme puisqu'il n'y en a pas de moins large que l'individu.

- L'énonciation doit dire, De là quatre espèces de propositions, universelles affirmatives et universelles négatives, particulières affirmatives et particulières négatives. Les propositions singulières rentrent dans les universelles. Les propositions singulières sont celles où le sujet est un individu. Théophraste appelait les propositions universelles, propositions indéterminées, et les propositions particulières, propositions déterminées; Ammonius, Scholies, p. 113, b, 12.

§ 2. Les énonciations seront contraires, Deux propositions sont contraires, quand étant toutes deux de même quantité, soit universelles soit particulières, l'une affirme et l'autre nie: Tout homme est blanc, aucun homme n'est blanc.

§ 3. Une chose universelle d'une manière qui n'est pas universelle, C'est alors une proposition indéterminée, sans le signe d'universalité ou de particularité.

- Ne sont plus contraires, Comme elles le seraient si elles étaient déterminées.

- Ne puissent quelquefois être contraires. Parce qu'on prendra une proposition indéterminée tout aussi bien dans le sens universel que dans le sens particulier. Prises au sens universel, ces propositions deviennent contraires

- D'une énonciation qui n'est pas universelle, D'une forme indéterminée.

§ 4. Quand on attribue l'universel à un attribut universel. C'est-à-dire quand on met de l'universalité à l'attribut qui est toujours universel, ou autrement, pris dans toute son extension. On ne peut jamais dire : Tout homme et tout animal. Cette proposition est évidemment absurde, et toutes celles où l'on emploierait cette forme ne le seraient pas moins, bien qu'à l'apparence elles pussent sembler être plus vraies.

§ 5. Contradictoirement opposée, Définition des propositions contradictoires après celle des propositions contraires.

 - Quelque homme n'est pas blanc, Le texte dit seulement : Non-tout homme est blanc. II faut nécessairement comprendre le texte comme je le fais dans ma traduction, afin de remplir les deux conditions exigées par Aristote: la première, que les deux propositions diffèrent en qualité, affirmation et négation: la seconde, qu'elles diffèrent aussi en quantité, l'une étant universelle et l'autre ne l'étant pas. C'est ainsi qu'il faut entendre la formule Non-tout. Les manuscrits ne donnent d'ailleurs ici aucune variante.

- Les énonciations sont contraires, Définition des propositions contraires plus nette encore que celle du § 2.

§ 6. Toutes deux vraies en même temps, Mais il est possible qu'elles soient toutes deux fausses à la fois, ou que l'une soit vraie et l'autre fausse. Voir, dans les Catégories, la théorie des contraires, ch. 11, qui fera mieux comprendre tout ceci.

§ 7. Opposées à celles-là, C'est-à-dire aux propositions universelles énoncées dans le § 5.

- Quelque homme n'est pas blanc, Opposé à: Tout homme est blanc.

-Tel homme est blanc, Opposé : Aucun homme n'est blanc. Les deux propositions en effet, qui sont ce que les Scholastiques appellent subcontraires, peuvent être vraies toutes les deux à la fois. Voyez pour cette phrase : Quelque homme n'est pas blanc, la note du § 5. Elle est également applicable ici.

§ 8. Pour toutes les contradictions universelles, Règle des contradictoires universelles.

§ 9. Pour les contradictoires individuelles, Règle des contradictoires individuelles.

§ 10. Qui ne sont pas exprimées d'une manière universelle, Règle des contradictoires indéterminées, sans aucun signe ni d'universalité ni de particularité.

- S'il est vilain, ]e n'ai pu éviter l'apparence de naïveté qu'a cette phrase.

- S'il devient quelque chose, S'il devient beau, par exemple, on ne peut pas dire qu'il soit beau. Il le sera, mais il ne l'est pas encore.

- Semble signifier la même chose, La proposition indéterminée semble avoir la même valeur que la proposition universelle : mais cela n'est pas; car elle peut tout aussi bien passer pour particulière, voir plus haut, § 3.

- Ne coexistent pas nécessairement et ne sont pas nécessairement vraies toutes deux à la fois, comme il semble quelle pourraient l'être.

§ 11. Qu'une seule négation d'une seule affirmation contradictoire.

- Est prise ou n'est pas prise universellement, Est mise sous forme universelle ou indéterminée.

- Socrate est blanc, Contradictoires individuelles.

- Quelque homme n'est pas blanc, Voir plus haut, § 5, contradictoires universelles.

- L'homme est blanc, Contradictoires indéterminées.

§ 12. Sont différentes, Des contradictoires.

- Toute contradiction n'est pas fausse ou vraie, C'est quand elle est sous forme indéterminée.

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